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Recommandation 1512 (2001)
Protection du génome humain par le Conseil de l’Europe
1. L’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe constate que le projet de recherche international «Génome humain», en raison des conséquences innombrables et inimaginables qu’il peut avoir sur la médecine et sur le monde animal et végétal, laisse entrevoir des scénarios pour l’humanité tout entière qui soulèvent de nombreux problèmes éthiques tout en offrant la promesse d’améliorations considérables de la qualité de la vie.
2. La protection de la dignité humaine doit être le principe directeur guidant le traitement du projet «Génome humain».
3. L’achèvement du projet marquera l’entrée dans l’ère de la génétique: le diagnostic deviendra objectif et il sera possible de déceler précocement la présence de troubles génétiques ou des prédispositions génétiques à certaines maladies. Dans nombre de cas, la thérapie génique deviendra possible grâce, en substance, à une forme de manipulation génétique visant, par exemple, à éviter l’apparition d’une tumeur chez un individu qui se découvrirait exposé à ce risque. Elle pourra s’appliquer également à d’autres pathologies telles que l’hypertension, le diabète, la maladie d’Alzheimer, l’ostéoporose, certaines maladies psychiatriques, etc.
4. En même temps, l’Assemblée est consciente que le développement de la recherche sur le génome humain aura, sur le plan éthique, des conséquences énormes, parfois négatives. Ces dernières incluent les questions du clonage des cellules, des conditions régissant les tests génétiques, et de la divulgation et de l’utilisation des informations obtenues.
5. A cet égard, l’Assemblée est tout à fait au courant du fait, désormais notoire, que dans certains pays européens, des laboratoires travaillent déjà activement à la séparation de l’ADN, grâce aux banques de données et au soutien financier de grands groupes pharmaceutiques.
6. L’Assemblée est également consciente du fait que le projet «Génome humain», parce qu’il ouvre des perspectives sans limites en termes de prévention des maladies et d’accroissement des capacités thérapeutiques, met en jeu des intérêts économiques considérables à travers les nombreux centres de recherche, tant publics que privés, qui y participent et auxquels des ressources financières importantes seront affectées.
7. L’Assemblée estime que les résultats de ce remarquable effort de recherche - dans laquelle les États-Unis ont pris le pas sur l’Europe - doivent être mis à la disposition de tous, les informations génétiques étant le patrimoine commun de l’humanité, ainsi que l’énonce l’article 1 de la Déclaration universelle sur le génome humain et les droits de l’homme, adoptée le 11 novembre 1997 à Paris dans le cadre de l’Unesco. Dans ce contexte, l’Assemblée se réfère en particulier à la Convention du Conseil de l’Europe pour la protection des droits de l’homme et de la dignité de l’être humain à l’égard des applications de la biologie et de la médecine - Convention sur les droits de l’homme et la biomédecine (STE n° 164) - ainsi qu’à ses propres Recommandations 1425 (1999) sur la biotechnologie et la propriété intellectuelle et 1468 (2000) sur les biotechnologies.
8. L’Assemblée est notamment consciente que les perspectives offertes par les découvertes liées au projet «Génome humain» posent une série de problèmes éthiques touchant essentiellement des questions fondamentales telles que l’utilisation de l’information génétique à des fins de prévention et, ultérieurement peut-être, le droit présumé d’intervention préalable lorsque l’on aurait connaissance d’une certaine information génétique. Cependant, il deviendra crucial de se demander qui aura le droit d’utiliser l’information, s’agissant des compagnies d’assurance, des employeurs, des parents, des écoles, etc.
9. L’Assemblée souhaite, à travers, par exemple, l’organisation d’un euroforum sur la génétique humaine, la plus large participation possible des citoyens au débat sur le génome humain, avec le concours des médias européens et du Conseil de l’Europe qui fournira des informations appropriées et dignes de foi.
10. L’Assemblée souhaite que ladite autorité ne limite pas sa sphère d’action au niveau européen, mais qu’elle puisse devenir partie d’une autorité de garantie mondiale placée sous l’égide des Nations Unies. A cet effet, elle amorce dans les meilleurs délais les contacts appropriés avec les organes compétents de l’Onu et de l’Unesco.
11. A la lumière de ce qui précède, l’Assemblée recommande au Comité des Ministres:
11.1. d’inviter chaque État membre du Conseil de l’Europe concerné à se doter, dans son système juridique interne, d’une autorité nationale spécialement chargée de rester vigilante, de donner des informations et des conseils quant à la conformité des recherches sur le génome humain avec les principes éthiques et moraux universellement reconnus que sont le respect de la vie et de la dignité humaine;
11.2. d’instituer, au niveau européen et, plus précisément dans le cadre du Conseil de l’Europe, un organe ou une autorité permanente qui veille au bon déroulement du processus de recherche du projet «Génome humain», qui garantisse le respect des principes éthiques dans la conduite des recherches sur le génome humain en évaluant les conséquences de cette recherche, notamment les risques pour la santé, et qui examine attentivement tous les aspects éthiques du projet, et de considérer dans ce contexte le rôle du Comité directeur pour la bioéthique (CDBI);
11.3. de garantir que cet organisme, chargé de suivre les travaux sur le génome humain, veille à ce que le public européen soit informé des nouvelles perspectives qu’offrent les progrès de la génétique et les avancées technologiques, et qu’il encourage aussi les campagnes d’information et d’éducation des citoyens, notamment des professionnels de la santé;
11.4. de s’assurer que cet organisme est obligatoirement consulté lors de l’élaboration de conventions du Conseil de l’Europe sur ce thème et de la rédaction de codes déontologiques, qu’il a libre accès aux informations importantes en matière génétique et peut exercer une véritable surveillance auprès des instituts de recherche européens, publics et privés;
11.5. de demander aux pays membres de signer, ratifier et mettre en œuvre la Convention sur les droits de l’homme et la biomédecine;
11.6. de demander à l’ensemble des États membres du Conseil de l’Europe qu’ils s’efforcent de modifier la loi sur les brevets afin d’arriver, au sein des forums internationaux, à une loi relative au patrimoine commun de l’humanité pour ce qui concerne la propriété des tissus et des gènes humains.