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Recommandation 1768 (2006)

L’image des demandeurs d’asile, des migrants et des réfugiés véhiculée par les médias

Auteur(s) : Assemblée parlementaire

Origine - Discussion par l'Assemblée le 5 octobre 2006 (30e séance) (voir Doc. 11011, rapport de la commission des migrations, des réfugiés et de la population, rapporteuse: Mme de Zulueta). Texte adopté par l'Assemblée le 5 octobre 2006 (30e séance).

1. L'émigration et l'immigration, internes ou externes à l'Europe, ont profondément marqué l'histoire de ce continent. Selon l'Organisation internationale pour les migrations, il y a environ 33 millions de migrants en Europe. Ce chiffre va continuer d'augmenter car l'Europe reste l'une des premières destinations pour les migrants, les demandeurs d'asile et les réfugiés; elle a en outre de plus en plus besoin de migrants pour pourvoir les emplois vacants et compenser la baisse du taux de fécondité.
2. Un grand nombre de ces migrants, demandeurs d'asile et réfugiés, venus d'Europe ou d'ailleurs, s'installeront durablement sur le continent, contribuant ainsi à sa diversité culturelle tout en apportant une contribution économique importante à la société européenne.
3. Leur intégration pose problème, tant pour les personnes concernées que pour l'ensemble de la société. Un des obstacles à cette intégration est l'hostilité et la xénophobie qui prévalent dans certaines couches de la société et qui découlent des craintes inspirées par les croyances populistes selon lesquelles l'Europe serait submergée par des vagues de migrants, de demandeurs d'asile et de réfugiés. D'autres craintes fréquentes concernent le fait que les migrants, les demandeurs d'asile et les réfugiés prendraient les emplois des ressortissants, contribueraient à l'aggravation de la criminalité et constitueraient une menace terroriste. D'autres obstacles à l'intégration sont le manque d'information sur le processus d'intégration des migrants, des demandeurs d'asile et des réfugiés, ainsi qu'une interprétation ou une compréhension erronées de ce processus et de ses conséquences.
4. L'Assemblée parlementaire reconnaît le rôle essentiel de la liberté d'expression dans une société démocratique et réaffirme son profond attachement à ce droit inscrit dans l'article 10 de la Convention européenne des Droits de l'Homme (STE no 5). Dans sa Résolution 1510 (2006) sur la liberté d'expression et le respect des croyances religieuses, l'Assemblée a confirmé que la liberté d'expression «ne doit pas être davantage restreinte pour répondre à la sensibilité croissante de certains groupes religieux».
5. Les médias contribuent de façon déterminante à ce que les questions liées aux migrants, aux réfugiés et aux demandeurs d'asile soient présentées de manière équitable et objective. Il est par conséquent de leur devoir de rendre également compte de l'apport positif de ces personnes pour la société et de les protéger contre les stéréotypes négatifs. Il est aussi important que des professionnels des médias issus de la communauté des migrants et des demandeurs d'asile représentent les leurs au sein de ce secteur, et que les positions des migrants et des demandeurs d'asile, et les questions qui les intéressent ou les concernent figurent dans les médias.
6. L'Assemblée a déjà exprimé, dans sa Recommandation 1277 (1995) relative aux migrants, aux minorités ethniques et aux médias, son inquiétude concernant la manière dont les migrants et les minorités ethniques sont présentés dans les médias. Depuis l'adoption de cette recommandation, le Conseil de l'Europe a pris des mesures de grande ampleur pour s'attaquer aux problèmes du racisme et de l'intolérance, y compris dans les médias. A cet égard, il convient de mentionner tout particulièrement les activités continues de la Commission européenne contre le racisme et l'intolérance (ECRI) et l'adoption par le Comité des Ministres de deux recommandations importantes: la Recommandation no R (97) 20 sur le «discours de haine» et la Recommandation no R (97) 21 sur les médias et la promotion d'une culture de tolérance.
7. L'Assemblée considère que la lutte contre le racisme, la discrimination et toutes les formes d'intolérance requiert de la part du Conseil de l'Europe une vigilance constante et que les médias, avec le soutien des Etats membres, jouent un rôle essentiel dans cette lutte.
8. L'Assemblée recommande par conséquent que le Comité des Ministres:
8.1. invite le Comité directeur sur les médias et les nouveaux services de communication (CDMC) à étudier et à formuler des recommandations sur le déroulement des procédures d'examen des plaintes relatives aux médias et sur le fonctionnement des organes chargés de ces procédures au sein des Etats membres, en prenant en compte les difficultés que rencontrent les individus ou les groupes visés par des déclarations faites dans les médias lorsqu'ils veulent obtenir réparation au moyen de ces mécanismes;
8.2. accorde à l'ECRI tout son soutien et des ressources adéquates pour poursuivre son activité importante de suivi concernant le racisme et l'intolérance, et l'invite:
8.2.1. à porter une attention particulière à la législation et aux politiques des Etats membres ayant une incidence sur le racisme et l'intolérance dans les médias;
8.2.2. à mener une étude de surveillance des médias concernant la xénophobie, le racisme et l'intolérance dans les médias;
8.2.3. à établir un rapport sur l'efficacité de la législation interdisant l'incitation à la haine;
8.3. encourage, au moyen du fonds Eurimages et de la Convention européenne sur la coproduction cinématographique (STE no 147), la production de films portant sur les questions relatives aux migrants, aux réfugiés et aux demandeurs d'asile, et réalisés par des personnes issues de ces groupes;
8.4. invite les Etats membres du Conseil de l'Europe:
8.4.1. à assurer la protection de la liberté d'expression conformément à l'article 10 de la Convention européenne des Droits de l'Homme;
8.4.2. à adopter et à mettre en œuvre, lorsqu'elle fait défaut, une législation interdisant l'incitation à la haine, la violence ou la discrimination, et à appliquer cette législation lorsqu'elle existe;
8.4.3. à adopter et à mettre en œuvre la législation pénale interdisant, entre autres infractions, la diffusion ou la distribution publiques, ou la production ou le stockage de matériels ayant un contenu ou une motivation racistes, ainsi qu'à adopter et à mettre en œuvre la législation permettant d'engager des poursuites pénales à l'encontre des dirigeants de groupes incitant au racisme et de priver de tout financement public les organisations qui participent à de telles activités ou qui les soutiennent;
8.4.4. à veiller à ce que soit adoptée et mise en œuvre, dans les Etats membres, une législation propre à empêcher les concentrations excessives de médias, qui constituent une menace pour leur qualité, leur pluralisme et leur diversité;
8.4.5. à signer et à ratifier, si ce n'est déjà fait, la Convention européenne sur la télévision transfrontière (STE no 132);
8.4.6. à signer et à ratifier, si ce n'est déjà fait, la Convention sur la cybercriminalité (STE no 185) et le Protocole additionnel relatif à l'incrimination d'actes de nature raciste et xénophobe commis par le biais de systèmes informatiques (STE no 189);
8.4.7. à encourager vivement tous les partis politiques démocratiques à adopter ou à réaffirmer la Charte des partis politiques européens pour une société non raciste;
8.5. invite les médias:
8.5.1. à adopter, s'ils ne l'ont déjà fait, des codes de déontologie énonçant les principes d'éthique qui devraient inspirer les activités des professionnels des médias;
8.5.2. à établir, en complément de ces codes de déontologie, des lignes directrices visant des problèmes particuliers des médias, tels que la nécessité d'éviter toute présentation stéréotypée des migrants, des demandeurs d'asile et des réfugiés, ainsi que l'antisémitisme, l'antichristianisme, l'islamophobie, l'antitsiganisme et les autres formes d'intolérance;
8.5.3. à négocier, dans les contrats des professionnels des médias, une clause de conscience autorisant les reporters et les journalistes à refuser de produire des documents dont ils ont le sentiment qu'ils seraient contraires à leurs engagements éthiques;
8.5.4. à mettre en place des procédures nationales d'examen des plaintes permettant d'instruire, notamment, les plaintes relatives à des matériels médiatiques encourageant les comportements d'intolérance, de racisme et de xénophobie à l'encontre des migrants, des demandeurs d'asile ou des réfugiés, et à fournir un recours efficace lorsqu'une plainte est retenue;
8.5.5. à obtenir le consentement des réfugiés ou des demandeurs d'asile avant d'utiliser des informations ou des images qui pourraient révéler leur statut de réfugiés ou de demandeurs d'asile;
8.5.6. à ne pas révéler l'origine ethnique ou la nationalité des migrants, des demandeurs d'asile ou des réfugiés lorsqu'ils sont arrêtés ou condamnés pour des infractions n'ayant aucun lien avec ces informations;
8.6. invite les Etats membres du Conseil de l'Europe et les médias:
8.6.1. à encourager le recrutement de migrants et de réfugiés dans les médias, notamment par le biais de programmes de formation spécialisés pour les membres de ces groupes;
8.6.2. à faciliter, à financer et à encourager la formation et la sensibilisation des professionnels des médias aux questions liées au multiculturalisme, au pluralisme et à l'importance de la tolérance, de l'intégration et de l'égalité pour tous;
8.6.3. à apporter aide et soutien, y compris un soutien financier, aux concours et prix nationaux et européens destinés aux professionnels des médias qui contribuent à la lutte contre le racisme et l'intolérance, et qui encouragent, dans les médias, une présentation équitable et objective des migrants, des demandeurs d'asile et des réfugiés;
8.6.4. à promouvoir et à subventionner la production et la diffusion de programmes réalisés pour et par les migrants et les réfugiés, y compris dans leurs langues, et à favoriser la visibilité des migrants et des réfugiés dans la société par leur inclusion dans les programmes de télévision destinés au grand public et diffusés aux heures de grande écoute;
8.6.5. à renforcer le rôle des médias locaux en tant que moyen de promouvoir l'intégration et l'accueil des migrants, des réfugiés et des demandeurs d'asile dans les communautés où ils vivent;
8.6.6. à encourager les jeunes et les médias à travailler ensemble pour faire connaître le caractère multiculturel et pluraliste des sociétés européennes, ainsi que l'importance de la tolérance, de l'intégration et de l'égalité pour tous.