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Avis de commission | Doc. 13040 | 02 octobre 2012

Les activités de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) en 2011-2012

Commission des questions sociales, de la santé et du développement durable

Rapporteur : M. Márton BRAUN, Hongrie, PPE/DC

Origine - Renvoi en commission: Renvoi 3845 du 29 juin 2012. Commission saisie du rapport: Commission des questions politiques et de la démocratie. Voir Doc. 13019. Avis approuvé par la commission le 2 octobre 2012. 2012 - Quatrième partie de session

A. Conclusions de la commission

(open)
1. La commission des questions sociales, de la santé et du développement durable accueille favorablement le rapport sur les activités de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) en 2011-2012, établi par M. Jean-Marie Bockel au nom de la commission des questions politiques et de la démocratie. A la suite de la réforme de l’Assemblée parlementaire intervenue en 2011, ce rapport illustre le transfert de la responsabilité en matière d’élaboration de rapports à la commission des questions politiques et de la démocratie et la tentative de se concentrer davantage sur l’évaluation politique du travail de l’OCDE, en explorant de plus près les réponses nationales et institutionnelles à la crise de la zone euro et la coopération avec les pays du sud et du sud-est de la Méditerranée.
2. La commission des questions sociales, de la santé et du développement durable note que le rapport contient une description détaillée de la situation économique actuelle et des perspectives de développement dans les pays de l’OCDE, qui repose principalement sur l’analyse et les opinions de l’OCDE elle-même. Pour certaines questions, comme les perspectives concernant une taxe mondiale sur les transactions financières et le rôle des agences de notation, il aurait pu être utile de se référer à d’autres sources.
3. La commission des questions sociales, de la santé et du développement durable apprécie le fait que le projet de résolution renvoie à ses travaux concernant les effets de la crise économique et financière sur les jeunes, sur les collectivités territoriales et sur les droits sociaux. Etant donné que le rapport de la commission intitulé «Un retour à la justice sociale grâce à une taxe sur les transactions financières» sera examiné par l’Assemblée lors de la même partie de session que le rapport sur les activités de l’OCDE, on pourrait s’y référer, ainsi qu’à des propositions antérieures faites par l’Assemblée en la matière. La question a été notamment soulevée dans sa Résolution 1833 (2011) sur les activités de l’OCDE en 2010-2011, sa Résolution 1888 (2012) sur la crise de la démocratie et le rôle de l’Etat dans l’Europe d’aujourd’hui et sa Résolution 1884 (2012) «Mesures d’austérité – un danger pour la démocratie et les droits sociaux». Une telle référence à ces textes ferait écho à la position déjà adoptée par l’Assemblée sur cette question et garantirait la cohérence de ses recommandations en faveur d’un renforcement de l’action politique des Etats membres dans ce domaine.
4. La commission des questions sociales, de la santé et du développement durable présente plusieurs amendements au projet de résolution, en vue d’apporter des corrections factuelles et de contribuer à rendre le rapport plus complet.

B. Amendements proposés

(open)

Amendement A (au projet de résolution)

Au paragraphe 6, remplacer la dernière phrase par la phrase suivante:

«L’Assemblée élargie estime qu’il convient de réexaminer les systèmes fiscaux nationaux, de mieux cibler les programmes de soutien en faveur des groupes de population les plus vulnérables et de poursuivre les réformes visant à réduire la segmentation du marché du travail et à offrir davantage d’emplois de plus grande qualité.»

Note explicative: L’amendement met l’accent sur le soutien de l’Assemblée élargie aux réformes nationales concernant les systèmes fiscaux, les systèmes de protection sociale et les marchés du travail.

Amendement B (au projet de résolution)

Après le paragraphe 6, insérer le paragraphe suivant:

«L’Assemblée élargie est préoccupée par la persistance de l’évasion fiscale et de l’évitement fiscal, qui soustraient des recettes essentielles aux budgets de l’Etat. Rappelant la Résolution 1881 (2012) et le rapport de l’Assemblée sur le thème «Promouvoir une politique appropriée en matière de paradis fiscaux», l’Assemblée élargie invite instamment l’OCDE à intensifier ses travaux dans ces domaines et à rechercher des synergies avec les partenaires internationaux concernés, notamment l’Union européenne et le Fonds monétaire international, afin d’aider les Etats à mettre fin aux pratiques fiscales dommageables, à réduire l’écart entre l’imposition des revenus du capital et des revenus du travail, et à améliorer la régulation du secteur financier de manière à mieux gérer les flux internationaux de capitaux.»

Note explicative: Cette proposition s’appuie naturellement sur les travaux en cours de l’Assemblée sur la justice fiscale et sa coopération avec l’OCDE concernant les défis en matière de fiscalité et de régulation, et fait référence à des textes adoptés antérieurement.

Amendement C (au projet de résolution)

Après le paragraphe 7, insérer le paragraphe suivant:

«Compte tenu des tendances démographiques actuelles et des répercussions de la crise financière, notamment en Europe, il est urgent de renforcer la viabilité des régimes de pension et d’ajuster le niveau des retraites dans de nombreux pays, surtout à la suite des mesures d’austérité qui ont aggravé les inégalités sociales. Rappelant la Résolution 1882 (2012) et la Recommandation 2000 (2012) sur des pensions de retraite décentes pour tous, l’Assemblée élargie appelle l’OCDE et le Conseil de l’Europe à s’employer conjointement à promouvoir les bonnes pratiques dans ce domaine et à élaborer des outils concrets (tels que des lignes directrices) pour guider les Etats membres dans leurs réformes des régimes de retraite en cours ou à venir.»

Note explicative: L’amendement souligne la pertinence des ajustements apportés aux systèmes de retraite nationaux et préconise une coopération plus étroite entre le Conseil de l’Europe et l’OCDE dans ce domaine.

C. Exposé des motifs, par M. Braun, rapporteur pour avis

(open)

1. Les crises économiques et financières persistantes mettent en évidence l’accroissement des inégalités dans la société et les insuffisances des politiques socio-économiques

1. Le rapport de la commission des questions politiques et de la démocratie présente les tendances de développement dans les pays de l’OCDE, les réponses politiques aux problèmes créés par la crise et la coopération avec les pays du sud et du sud-est de la Méditerranée. En tant que rapporteur pour avis au nom de la commission des questions sociales, de la santé et du développement durable, je souhaite me concentrer davantage sur les conséquences sociales et autres de l’accroissement des inégalités de revenus et de richesses dans la société.
2. D’après les constatations de l’OCDE, la stagnation économique, voire la récession dans certains pays, n’a pas seulement causé la dégradation des marchés du travail, et donc une hausse importante et persistante du chômage, et notamment du chômage de longue durée; elle a aussi conduit les pouvoirs publics à prendre des mesures qui se traduisent par des réductions drastiques des dépenses sociales et par un accroissement des inégalités de revenus et de richesses. Dans le même temps, ainsi que l’admet le rapport, «la montée des inégalités est bien antérieure à la crise financière, mais le ralentissement de la croissance en a renforcé la résonance politique». Des études de l’OCDE et d’autres travaux de recherche 
			(1) 
			Voir, par exemple,
le rapport de l’OCDE intitulé «Toujours plus d'inégalité: pourquoi
les écarts de revenus se creusent» d’avril 2012 et l’édition consacrée
aux inégalités (vol. 7, no 2) du bulletin
d’information du Réseau pour la justice fiscale, parue en juillet
2012. font état d’un creusement des écarts de revenus dans la plupart des pays européens et révèlent que les systèmes fiscaux et sociaux sont devenus moins redistributifs depuis le début de la mondialisation et de la libéralisation financière, au milieu des années 1990. De fait, une tendance répandue à l’instauration de régimes d’imposition plus favorables pour les revenus du capital, par opposition aux revenus du travail, a accentué les inégalités, même dans les pays les pIus égalitaires.
3. Les travaux de la commission des questions sociales, de la santé et du développement durable 
			(2) 
			Notamment le rapport
de M. Andrej Hunko intitulé «Mesures d’austérité – un danger pour
la démocratie et les droits sociaux» (Doc. 12948)., ainsi que d’autres études, indiquent que ces inégalités nuisent à la cohésion socio-économique de la société et tendent à en compromettre le développement social, mais aussi économique, et la stabilité politique. Des sociétés plus inégalitaires se caractérisent par davantage de pauvreté (qui touche notamment les groupes vulnérables comme les enfants, les personnes âgées, les chômeurs de longue durée, les personnes handicapées et les personnes présentant des déficiences), une dégradation de la santé physique et mentale, une augmentation de la violence, une baisse du niveau d’instruction, une montée des mouvements politiques extrémistes et populistes, un recul de la participation à la vie politique et un affaiblissement de la classe moyenne qui constitue le socle de la démocratie libérale 
			(3) 
			«The
Future of History» de Francis Fukuyama, Foreign Affairs, vol. 91,
no 1, janvier-février 2012.. Ce climat réduit la capacité de la population à s’adapter aux ajustements structurels, à suivre l’évolution des marchés du travail et à soutenir les réformes, d’où une érosion de la compétitivité du pays et une dégradation encore plus importante de la qualité de vie de la population. Les transferts de l'Etat, par le biais de la fiscalité et des systèmes de protection sociale, restent le principal moyen de protéger les ménages à faibles revenus.
4. En outre, de nombreux experts affirment que les statistiques officielles sur les inégalités sous-estiment largement l’effet des «avoirs dissimulés» que les individus et les entreprises les plus riches du monde accumulent dans des centres financiers extraterritoriaux, et l’ampleur de la fraude et de l’évasion fiscales pratiquées par les entreprises. Ces deux phénomènes nuisent à la fois aux finances publiques et aux contribuables ordinaires. En juin 2012, la Commission européenne a diffusé une communication 
			(4) 
			Communication sur les
moyens concrets de renforcer la lutte contre la fraude et l’évasion
fiscales, y compris en ce qui concerne les pays tiers, COM(2012)351
final du 27 juin 2012. dans laquelle elle préconise de renforcer les mesures de lutte contre la fraude et l’évasion fiscales en rappelant que, selon les estimations, l’économie souterraine représenterait en moyenne près d’un cinquième du produit intérieur brut (PIB) dans les seuls pays de l’Union européenne, soit au total 2 000 milliards d’euros. Des études précédentes de l’Assemblée nous apprennent qu’en Europe centrale et orientale, l’économie souterraine est encore plus développée 
			(5) 
			Voir
le rapport de M. Viktor Pleskachevskiy sur l’économie souterraine
(Doc. 12700), la Résolution 1847 (2011) et la Recommandation 1988 (2011).. Ces constats démontrent clairement la nécessité de s’attaquer – d’urgence et de manière plus globale – au problème de la fraude fiscale et des paradis réglementaires qui subsistent en Europe et dans bien d’autres pays 
			(6) 
			Voir aussi le rapport
de M. Dirk van der Maelen intitulé «Promouvoir une politique appropriée
en matière de paradis fiscaux» (Doc. 12894) et la Résolution 1881 (2012).. L'Assemblée devrait donc encourager l’OCDE à poursuivre ses travaux dans ce domaine.
5. A ce propos, nous devrions aussi mentionner le rapport élaboré par Mme Naghdalyan sur le thème «Un retour à la justice sociale grâce à une taxe sur les transactions financières» (Doc. 13017), qui remet en question la persistance de régimes fiscaux imposant les revenus du travail plus lourdement que les revenus du capital. De plus, divers travaux universitaires suggèrent que, contrairement à ce qu’affirment les économistes conventionnels, une augmentation des impôts sur le capital n’entrave pas nécessairement la croissance; soumettre le capital à des taux d’imposition identiques, voire supérieurs, à ceux qui s’appliquent au travail contribuerait plutôt à réduire de manière tangible les inégalités de revenus et de richesses dans la société 
			(7) 
			Voir
les articles d’Annie Lowrey parus dans le International
Herald Tribune du 16 avril 2012 et dans le numéro de The Economist du 5 mai 2012 («Economists
are rethinking the view that capital should not be taxed»)..
6. Les tendances démographiques et les répercussions de la crise financière suscitent aussi des inquiétudes, notamment en Europe, au sujet de la viabilité à long terme des régimes de pension et du niveau insuffisant des retraites dans de nombreux pays, surtout à cause des mesures d’austérité qui ont aggravé les inégalités sociales. Me référant à la Résolution 1882 (2012) de l’Assemblée et à sa Recommandation 2000 (2012) sur des pensions de retraite décentes pour tous, j’estime que le Conseil de l'Europe 
			(8) 
			Notamment
son Groupe de rédaction sur les droits des personnes âgées (CDDH-AGE). et l’OCDE pourraient travailler ensemble, en vue de promouvoir les bonnes pratiques dans ce domaine et d’élaborer des outils concrets (tels que des lignes directrices) destinés à guider les Etats membres qui sont en train de réformer – ou vont réformer – leurs régimes de pension.
7. En outre, une grande organisation internationale – le Fonds monétaire international (FMI) – revient actuellement sur la position qui a longtemps été la sienne concernant les contrôles de capitaux internationaux 
			(9) 
			Voir l’étude du FMI
intitulée «Recent Experiences in Managing Capital Inflows – Cross-Cutting
Themes and Possible Policy Framework», menée par le Département
de la stratégie, des politiques et de l'évaluation, et datée du
14 février 2011; le document de consultation sur le thème «Managing
capital inflows: what tools to use?», de Jonathan D. Ostry, Atish
R. Ghosh, Karl Habermeier, Luc Laeven, Marcos Chamon, Mahvash S.
Qureshi et Annamaria Kokenyne, daté du 5 avril 2011; et l’annonce
du 5 avril 2011 parue dans le IMF Survey
Magazine. et admet que des mesures de gestion des mouvements de capitaux sont acceptables dans le cadre d’un processus de libéralisation et lors d’une crise financière (ou dans les périodes entourant une crise). Encore faut-il que ce message soit entendu par les régulateurs, les responsables politiques et les décideurs. L’OCDE pourrait approfondir ce thème en vue d’évaluer les effets de la dérégulation financière et de la sous-taxation des services et produits financiers sur le développement économique en général, et sur les régimes de protection sociale en particulier.

2. Obligation des responsables politiques de remédier aux déficiences et d’ouvrir la voie à une prospérité plus largement partagée

8. Je tiens à signaler une recommandation très pertinente de l’OCDE (mise en évidence dans le rapport de M. Bockel), selon laquelle il est particulièrement important de ne pas réduire les prestations de chômage et la protection du travail, et de ne pas sacrifier les politiques actives du marché du travail en période de stabilité économique et de croissance, pour éviter de peser sur le développement. Selon l’OCDE, les réformes fiscales visant à réduire les prélèvements sur le travail et à les déplacer vers la consommation ou les activités nuisibles à l’environnement peuvent améliorer rapidement la situation de l’emploi, contribuer à soutenir les investissements dans l'économie réelle, qui en a grand besoin, et donc générer des avantages sociaux plus largement partagés par toute la société. Cela suppose néanmoins de prendre des mesures énergiques pour améliorer la fiscalité et les mécanismes de régulation. Il incombe aux responsables politiques de s’appuyer sur le débat public et la recherche institutionnelle pour tirer les enseignements des crises persistantes et des erreurs du passé, afin d’ouvrir la voie à une reprise durable et à une croissance de qualité.
9. La finalisation réussie et l’entrée en vigueur rapide du Protocole d'amendement concernant la Convention conjointe du Conseil de l'Europe et de l’OCDE sur l'assistance administrative mutuelle en matière fiscale (STE no 127), ainsi que la collaboration fructueuse entre l’Assemblée parlementaire et la Commission européenne sur les défis de la fiscalité, plaident en faveur de la poursuite d’une coopération étroite entre ces institutions, qui devraient s’entendre pour proposer des moyens concrets de réformer la fiscalité de manière à mieux conjuguer développement économique et développement social. La Commission européenne estime que le Forum mondial sur la transparence et l’échange de renseignements à des fins fiscales, créé à l’initiative de l’OCDE, ne s’intéresse pas assez à la question de la «concurrence fiscale loyale», que l’Union européenne soutient vigoureusement par le biais de son code de conduite en matière de fiscalité des entreprises. Je pense que les deux organisations devraient chercher à développer une conception commune et promouvoir cette notion; elles devraient aussi coordonner leurs actions pour lutter contre l’évasion fiscale et l’évitement fiscal, notamment en aidant les Etats à éliminer les pratiques fiscales dommageables et à améliorer les mécanismes de régulation.
10. Compte tenu des travaux précédents des commissions de l’Assemblée et des débats déjà organisés par l’Assemblée, ainsi que du débat sur le thème «Un retour à la justice sociale grâce à une taxe sur les transactions financières» qui se tiendra lors de la quatrième partie de la session 2012 de l’Assemblée, le projet de résolution sur les activités de l’OCDE pourrait encourager l’OCDE à étudier de manière plus approfondie le contenu des propositions de la Commission européenne et du Parlement européen concernant la taxe sur les transactions financières, ainsi que la nécessité de réduire l’écart entre l’imposition des revenus du capital et des revenus du travail, et par un appel à intensifier ses recherches sur l’utilité des contrôles de capitaux.
11. Je voudrais aussi inviter à la prudence en ce qui concerne l’évaluation des perspectives d’amélioration de la croissance dans le monde en 2013. Selon les projections de l’OCDE, les attentes en matière de croissance mondiale semblent reposer pour l’essentiel sur les performances des grandes économies émergentes. Or, de sérieux doutes subsistent quant à la fiabilité des chiffres concernant la Chine; de plus, les économies chinoise et indienne présentent un risque élevé de surchauffe 
			(10) 
			Cela
fait penser aux indications trompeuses données par les agences de
notation avant la crise financière mondiale de 2008: des notations
erronées avaient faussé la perception des risques, l’évaluation
du marché et les décisions des différentes parties prenantes (acteurs
du marché, responsables politiques, régulateurs, etc.).. Ces incertitudes et ces risques, associés à des turbulences financières persistantes aux Etats-Unis et dans la zone euro, devraient inciter les responsables politiques de ces pays à demander un renforcement des mesures destinées à améliorer la régulation des marchés financiers et à investir dans un développement de qualité en faisant mieux fructifier le capital social et en exploitant les possibilités de croissance verte. Par conséquent, ainsi que le préconise l’OCDE, les responsables politiques doivent «penser social» et «penser vert», en plus de «penser institutionnel» et «penser structurel».