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Rapport | Doc. 13057 | 18 octobre 2012

Le rôle des ONG dans la lutte contre l’intolérance, le racisme et la xénophobie

Commission sur l'égalité et la non-discrimination

Rapporteure : Mme Federica MOGHERINI REBESANI, Italie, SOC

Origine - Renvoi en commission: Doc. 12737, Renvoi 3817 du 25 novembre 2011. 2012 - Commission permanente de novembre

Résumé

La multiplication en Europe d’actes violents motivés par l’intolérance, le racisme et la xénophobie et l’entrée de partis véhiculant des messages à caractère raciste et xénophobe dans les parlements nationaux sont des évolutions préoccupantes. La vigilance continue et la lutte contre l’intolérance, le racisme et la xénophobie sont plus que jamais des impératifs politiques.

Les organisations non gouvernementales (ONG) sont les alliées naturelles des parlements dans l’exercice de leurs fonctions de surveillance, de prévention et de sensibilisation dans ce domaine.

Pour lutter ensemble contre ce fléau, les Etats membres et observateurs, en particulier les parlements, sont invités à prendre des mesures concrètes pour soutenir et promouvoir l’action des ONG en vue d’améliorer les politiques et la législation dans le domaine du racisme et de la xénophobie, et à veiller à ce que le point de vue des groupes minoritaires soit pris en compte dans leur élaboration, leur application et leur suivi.

A. Projet de résolution 
			(1) 
			Projet
de résolution adopté à l’unanimité par la commission le 13 septembre
2012.

(open)
1. Depuis sa création, l’Assemblée parlementaire œuvre à l’éradication de l’intolérance, du racisme et de la xénophobie. Le Conseil de l’Europe a précisément été créé après la seconde guerre mondiale et les atrocités qu’elle a engendrées, pour éviter le retour d’idéologies et de pratiques contraires à la dignité humaine.
2. Dans une Europe où les actes violents motivés par l’intolérance, le racisme et la xénophobie se multiplient et où des partis véhiculant des messages à caractère raciste et xénophobe parviennent à remporter des sièges dans les parlements nationaux, une vigilance continue et la lutte contre l’intolérance, le racisme et la xénophobie deviennent des impératifs politiques.
3. L’Assemblée considère que les organisations non gouvernementales (ONG) sont les alliées naturelles des parlements dans l’exercice de leur fonction de surveillance, prévention et sensibilisation dans ce domaine. Il est indispensable de prendre des mesures visant à soutenir et promouvoir l’action des ONG en vue d’améliorer les politiques et la législation dans le domaine du racisme et de la xénophobie, et de veiller à ce que le point de vue des groupes minoritaires soit pris en compte dans leur élaboration, leur application et leur suivi.
4. L’intolérance, le racisme et la xénophobie se nourrissent de stéréotypes et de préjugés qui doivent être évités et éradiqués à tous les niveaux. Les minorités visibles sont trop souvent montrées dans les médias au travers d’images stéréotypées de leur culture et de leurs traditions. Les comportements intolérants sont exacerbés par les effets de la crise économique et le mécontentement d’un nombre croissant de personnes qui se sentent de plus en plus vulnérables en matière d’emploi, de sécurité et de protection sociale.
5. L’Assemblée exhorte les responsables politiques à ne pas employer la peur pour alimenter leurs campagnes électorales, mais à réaffirmer sans cesse les valeurs démocratiques de nos sociétés, de respect des droits de l’homme et de la dignité humaine. Elle rappelle à cet égard sa récente Résolution 1889 (2012) sur l’image des migrants et des réfugiés véhiculée pendant les campagnes électorales. Il est urgent d’engager des travaux courageux et de longue haleine sur la diversité et la migration, en coopération avec la société civile.
6. A la lumière de ces considérations, l’Assemblée recommande aux Etats membres et observateurs, et en particulier aux parlements:
6.1. en concertation avec les ONG compétentes, de prendre des mesures visant:
6.1.1. à promouvoir la connaissance des différentes cultures et traditions, y compris celles de groupes minoritaires, en offrant des modèles ou des exemples de réussite qui montrent la contribution positive des minorités à la société;
6.1.2. à promouvoir l’égalité des chances dans une société multiculturelle;
6.1.3. à mettre en place et développer des structures de dialogue dans lesquelles les ONG et les institutions publiques participent sur un pied d’égalité;
6.1.4. à donner aux ONG compétentes une fonction consultative auprès des institutions publiques pour qu’elles recommandent, à la lumière de leur expertise, des mesures spécifiques dans la prévention et la lutte contre l’intolérance, le racisme et la xénophobie;
6.1.5. à sensibiliser la société civile à la montée de ces phénomènes et la mobiliser pour les prévenir et les combattre, en organisant des campagnes publiques à l’échelle nationale ou européenne;
6.1.6. à veiller à l’application des mesures et de la législation dans ce domaine;
6.2. d’élaborer des politiques de la jeunesse visant à l’éradication de la discrimination et de l’exclusion;
6.3. d’encourager les médias à donner aux minorités la possibilité de s’exprimer et renforcer leur capacité médiatique dans la société civile.
6.4. d’encourager et soutenir les ONG dans leurs actions visant:
6.4.1. à assurer la liaison avec les collectivités territoriales;
6.4.2. à surveiller, prouver et dénoncer la discrimination;
6.4.3. à enjoindre les autorités d’agir contre l’intolérance, le racisme et la xénophobie par des lois et des mesures appropriées;
6.4.4. à surveiller les actions des institutions publiques dans ce domaine;
6.4.5. à renforcer leurs compétences et capacités en tant que source d’information pour les structures de suivi telles que les médiateurs et les organismes de défense de l’égalité;
6.4.6. à faciliter l’accès à la justice des victimes de la discrimination en leur fournissant des conseils et une représentation juridique;
6.4.7. à conférer aux groupes les moyens de lancer des campagnes, d’organiser leur propre défense et d’affirmer et de faire appliquer leurs droits;
6.4.8. à informer les minorités du cadre juridique pertinent pour la défense de leurs droits;
6.4.9. à développer des stratégies de communication pour faire entendre la voix des minorités dans les médias et fournir aux journalistes des informations cohérentes et fiables, en vue de combattre l’hostilité envers les réfugiés et les demandeurs d’asile, l’islamophobie l’anti-tsiganisme et l’antisémitisme.
7. Par ailleurs, l’Assemblée encourage le Secrétaire Général du Conseil de l’Europe à revoir et à renforcer la coopération avec les organisations internationales non gouvernementales, notamment en vue de proposer des accords de mise en œuvre des instruments déjà existants de lutte contre la discrimination, le racisme et l’intolérance avec les directions et organes compétents du Conseil de l’Europe en vue d’apporter des solutions à des situations concrètes et de développer la culture participative dans les Etats membres.

B. Exposé des motifs, par Mme Mogherini Rebesani, rapporteure

(open)

1. Introduction

1. En Europe, les actes violents motivés par l’intolérance, le racisme et la xénophobie se multiplient. Dans le même temps, des partis véhiculant des messages à caractère raciste et xénophobe parviennent à remporter des sièges aux parlements de nombreux Etats membres du Conseil de l’Europe et entrent même parfois dans des coalitions gouvernementales.
2. Cette évolution constitue une menace pour la démocratie et pose un réel défi pour les droits de l’homme et le respect de la dignité humaine en Europe. Bien qu’il incombe au premier chef aux autorités et aux organes de l’Etat de lutter contre l’intolérance, le racisme et la xénophobie, les organisations non gouvernementales (ONG) jouent un rôle vital dans ce combat et ce, de plusieurs façons:
  • en sensibilisant la société civile à la montée de ces phénomènes et en la mobilisant pour les prévenir et les combattre;
  • en tirant la sonnette d’alarme et en poussant les autorités à agir contre l’intolérance, le racisme et la xénophobie par des lois et des mesures appropriées;
  • en critiquant les personnalités et les institutions politiques qui se livrent à un discours raciste ou le tolèrent, et en leur demandant à l’inverse de montrer l’exemple;
  • en veillant à l’application des mesures et de la législation dans ce domaine;
  • en offrant des conseils, une aide, une représentation juridique et une aide matérielle aux victimes de l’intolérance, du racisme et de la xénophobie.
3. Le présent rapport fait suite à une proposition de résolution sur «Le rôle des ONG dans la résistance contre le nationalisme, la haine des immigrés et la xénophobie en Europe» 
			(2) 
			Doc. 12737, proposition de résolution présentée par M. Molchanov
et plusieurs de ses collègues..
4. Pour contribuer à la préparation de mon rapport, la commission sur l’égalité et la non-discrimination, lors de sa réunion tenue à Paris le 4 juin 2012, a procédé à une audition avec la participation de Mme Anna Triandafyllidou, du Centre d’études avancées Robert Schuman de Institut universitaire européen de Florence, et M. William Ejalu, ancien membre du bureau du Réseau européen contre le racisme (ENAR) de Hongrie. Pour la rédaction de ce rapport, je me suis appuyée sur des éléments exposés par les orateurs invités lors de l’audition ainsi que sur des suggestions apportées par des représentants des ONG membres de la Conférence des Organisations internationales non gouvernementales du Conseil de l’Europe (Conférence des OING), MM. Veysel Filiz et Christoph Spreng, que je remercie pour leur conseils. L’objectif de ce rapport est de présenter un éventail d’outils et de propositions pour encourager et soutenir les ONG dans leur rôle prépondérant en vue d’endiguer les fléaux que représentent l’intolérance, le racisme et la xénophobie.

2. La xénophobie et le racisme dans le paysage politique

5. D’après une enquête réalisée en 2009 par l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne, les musulmans et les Roms d’Europe font constamment l’objet d’hostilité et de discrimination 
			(3) 
			Données en bref – 1er rapport:
Les Roms, EU-MIDIS Enquête de l’Union européenne sur les minorités
et la discrimination, Agence des droits fondamentaux de l’Union
européenne, 2009, 
			(3) 
			<a href='http://fra.europa.eu/sites/default/files/fra_uploads/413-EU-MIDIS_ROMA_FR.pdf'>http://fra.europa.eu/sites/default/files/fra_uploads/413-EU-MIDIS_ROMA_FR.pdf.</a>. Une multitude de rapports de la Commission européenne contre le racisme et l’intolérance (ECRI) décrivent, dans une analyse approfondie par pays, à quel point les comportements hostiles à l’encontre des minorités visibles se développent dans la société.
6. La montée des comportements intolérants au sein de la société s’explique en partie par les préjugés. Les médias véhiculent trop souvent une image stéréotypée de la culture et des traditions des minorités visibles; ils tendent à les présenter comme un bloc monolithique et comme un corps étranger, ce qui ne correspond pas à l’histoire et au patrimoine de l’Europe. Par ailleurs, dans la société européenne multiculturelle, certains groupes différents vivent côte à côte, préservant leur mode de vie, leur langue et leurs traditions mais n’entrent pas forcément en contact avec les membres des autres communautés.
7. L’intolérance, le racisme et la xénophobie sont exacerbés par les effets de la crise économique et le mécontentement d’un nombre croissant d’Européens qui se sentent de plus en plus vulnérables en matière d’emploi, de sécurité et de protection sociale. Les immigrés et les étrangers sont perçus comme des concurrents pour les mêmes emplois et formes d’aide publique.
8. Dans ce contexte, des organisations et des partis politiques véhiculant des messages à caractère raciste et xénophobe se développent, augmentent leur nombre d’adhérents, sont de plus en plus organisés et deviennent parfois des acteurs clés de la scène politique.
9. Des exemples de cette tendance fleurissent dans le paysage politique européen: le Front national en France, le Parti autrichien de la liberté, l’Intérêt flamand (Vlaams Belang) en Belgique, le Parti de la liberté aux Pays-Bas et les Démocrates suédois. En Grèce, l’Aube dorée, à l’origine un groupe néonazi marginal, est devenue en trois ans un parti politique et a remporté 7 % des voix lors des deux dernières élections de 2012. En Hongrie, le Jobbik – troisième plus grand parti au parlement – a des liens avec un groupe paramilitaire impliqué dans des agressions de Roms. En République slovaque, le chef du Parti national slovaque a réclamé l’an dernier la création d’un Etat rom séparé 
			(4) 
			«Slovakia:
Ján Slota railing against Roma again, activists fear unrest», de
l’Agence de presse tchèque, 19 septembre 2011, traduit par Gwendolyn
Albert pour Romea.cz (anglais seulement). <a href='http://www.romea.cz/english/index.php?id=detail&detail=2007_2827'>www.romea.cz/english/index.php?id=detail&detail=2007_2827.</a>. Au cours de la dernière décennie, des partis politiques qui prennent ouvertement position contre l’immigration ou affichent des idées racistes se sont ralliés à des coalitions au pouvoir ou ont auparavant soutenu des gouvernements minoritaires.
10. Le succès grandissant de ces partis aux élections sur tout le continent n’est pas seulement un sujet de préoccupation en soi, mais il a également un profond impact sur la vie politique en général. Les thèmes de la migration et de l’intégration peuvent faire gagner ou perdre une élection. Tous les partis doivent se prononcer sur ces questions. Pour ne pas perdre de voix, les grands partis présentent parfois une version édulcorée de la rhétorique des partis extrémistes. Il en résulte que le ton du débat politique vire de plus en plus à l’intolérance et au racisme, et que les partis véhiculant des messages à caractère raciste et xénophobe sont légitimés en tant qu’acteurs politiques.
11. Les ONG devraient mettre la question de l’immigration au cœur de leur action, notamment pour aborder les thèmes de respect de la diversité culturelle, ethnique et religieuse, du racisme et de la xénophobie.
12. Nous sommes témoins de l’incapacité de tout le spectre politique à rejeter et à condamner le racisme et l’intolérance. Rares sont les partis politiques qui sont prêts à rappeler que les migrations ont contribué à façonner l’histoire de l’Europe et à souligner les nombreuses contributions des minorités et des migrants. De mon point de vue, au lieu d’employer la peur pour alimenter leurs campagnes électorales, les responsables politiques devraient engager des travaux courageux et de longue haleine sur la diversité et la migration en coopération avec la société civile.
13. La stratégie des partis véhiculant des messages à caractère raciste et xénophobe est fondée sur l’instrumentalisation de la liberté d’expression, qui ne peut être limitée à l’exception de cas d’incitation à la haine raciale, nationale ou religieuse 
			(5) 
			«Tout appel à la haine
nationale, raciale ou religieuse qui constitue une incitation à
la discrimination, à l’hostilité ou à la violence est interdit par
la loi», article 20(2) du Pacte international des droits civils
et politiques des Nations Unies.; mais celle-ci reste difficile à prouver légalement. A cet égard, les ONG ont un rôle majeur à jouer dans la promotion et l’approfondissement de la réflexion – tant au niveau juridique que politique – sur le lien entre la liberté d’expression, en tant que droit fondamental devant impérativement être défendu, et l’interdiction de l’incitation à la haine nationale, raciale ou religieuse
14. Par ailleurs, il est tout aussi important de combattre le racisme et l’intolérance sur le front intellectuel des idées et des discours. Les ONG ont le pouvoir de lutter sur le terrain contre la banalisation et l’instrumentalisation politique de l’intolérance, de la xénophobie et du racisme.

3. Le rôle des ONG dans l’évolution des mentalités

15. La montée de l’extrémisme, la xénophobie et le racisme représentent une tendance préoccupante pour nos démocraties. La xénophobie et le racisme se nourrissent de stéréotypes et de préjugés qui doivent être évités et éradiqués. A cette fin, les ONG ont un rôle décisif à jouer pour former et changer les mentalités et soutenir la participation publique et la prise de conscience. La participation active aux mouvements civiques et les actions des ONG permettent souvent aux citoyens de faire l’expérience d’une coopération interculturelle qui participe à la prévention et à la lutte contre les attitudes racistes.
16. L’une des racines de l’intolérance est le manque de connaissances appropriées. Elle s’appuie sur un manque de compréhension et une mauvaise perception des autres, nés d’une méconnaissance. Dans ce domaine, tous les acteurs de la société devraient prendre des mesures clés, et les ONG sont déjà très actives.
17. Des organisations comme le Conseil de la jeunesse pluriculturelle international (COJEP International) ou l’Initiative européenne musulmane pour la cohésion sociale (EMISCO) ont pour vocation de participer activement à tous les groupes de travail et structures publiques en apportant des idées et des propositions. Au sein du Conseil de l’Europe, on pourrait suggérer que ces organisations créent des groupes de travail ayant pour mission de présenter des propositions et des arguments pour une meilleure mise en œuvre des instruments du Conseil de l’Europe.
18. En soulignant l’importance de l’éducation pour faire disparaître la discrimination et l’exclusion, les ONG ont un rôle vital à jouer dans la sphère éducative et dans les politiques de la jeunesse, qu’il s’agisse de cibler directement les jeunes ou d’influer sur les stratégies gouvernementales.
19. En donnant aux minorités la possibilité de s’exprimer, les ONG peuvent renforcer leur capacité médiatique dans la société civile. Les organisations de la société civile et les groupes minoritaires peuvent se faire entendre dans les médias s’ils parviennent à concevoir des stratégies de communication proactives et fournissent aux journalistes des informations cohérentes et fiables. Avec les médias, les ONG disposent d’un outil puissant pour combattre l’hostilité envers les réfugiés et les demandeurs d’asile, l’islamophobie et l’anti-tsiganisme.
20. Les ONG ont un rôle majeur à jouer dans la lutte contre les stéréotypes et les préjugés. Il s’agit:
  • de promouvoir la connaissance des différentes cultures et traditions, y compris celles de groupes minoritaires, en offrant des modèles ou des exemples de réussite qui montrent la contribution positive des minorités à la société;
  • de promouvoir la diversité et l’égalité dans la société;
  • de renforcer la capacité des médias en désignant et en formant des porte-parole spécialisés, qui peuvent produire un discours public professionnel au nom des communautés minoritaires et des groupes vulnérables;
  • de transmettre aux journalistes des informations et des données fiables sur les divers groupes de la société;
  • de sensibiliser l’opinion et de promouvoir des campagnes publiques à l’échelle nationale ou européenne.

4. Le rôle de représentation des ONG

21. Il est capital que les minorités visibles et d’autres groupes qui sont la cible de l’intolérance, du racisme et de la xénophobie puissent intervenir sur la scène publique et exprimer leurs intérêts et leurs inquiétudes par le biais d’associations et d’organisations non gouvernementales. A cette fin, les ONG peuvent:
  • fournir un moyen d’expression et répondre activement aux besoins des populations victimes de discrimination;
  • surveiller, prouver et dénoncer la discrimination;
  • faciliter l’accès à la justice des victimes de la discrimination en leur fournissant des conseils et une représentation juridique;
  • conférer aux groupes les moyens de lancer des campagnes, d’organiser leur propre défense et d’affirmer et de faire appliquer leurs droits;
  • informer les minorités du cadre juridique pertinent.

5. Les ONG, partenaires des institutions publiques

22. Les ONG peuvent influer sur les institutions publiques et le processus décisionnel:
  • en exerçant une fonction consultative auprès des institutions publiques, en recommandant des mesures spécifiques de politiques pouvant être efficaces dans la prévention et la lutte contre l’intolérance, le racisme et la xénophobie;
  • en participant à des structures dans lesquelles les ONG et les institutions publiques jouissent d’une représentation égale;
  • en assurant la liaison avec les collectivités territoriales;
  • en renforçant les compétences et les capacités en tant que source d’information pour les structures de suivi telles que les défenseurs et les organismes de défense de l’égalité;
  • en surveillant de façon critique les actions des institutions publiques.
23. A titre d’exemple, citons Médecins du Monde qui travaille notamment sur la question de l’accès aux soins des groupes vulnérables. Une enquête de l’Observatoire de l’accès aux soins publiée en octobre 2011 
			(6) 
			Enquête fondée
sur 1 218 entretiens dans 11 pays – Allemagne, Belgique, Espagne,
France, Grèce, Italie, Pays-Bas, Portugal, Royaume-Uni, Suède et
Suisse, rapport 2009 préparé par l’équipe de l’Observatoire de l’accès
aux soins de la mission France de Médecins du Monde, écrit par Georges
Fahet et Dr Françoise Cayla de l’Observatoire régional de la santé
de Midi-Pyrénées., témoigne des conditions de vie, de l’état de santé et de l’accès aux soins de santé des personnes les plus pauvres et les plus discriminées: les migrants en situation irrégulière. Parmi les résultats, l’enquête montre que l’accès aux soins de santé est inégal entre les pays européens, mais il est aussi très restrictif dans chacun d’eux. Les soins médicaux aux sans-papiers sont largement insuffisants; 72 % de leurs problèmes de santé sont mal ou pas du tout traités. D’ailleurs, en Espagne la réforme de la santé entrée en vigueur le 1er septembre 2012 supprime l’accès gratuit aux soins pour les immigrés en situation irrégulière et illustre de façon alarmante la discrimination de facto dont sont victimes ces populations.
24. Ces travaux sont indispensables à l’information des décisionnaires européens et donnent lieu à des recommandations précieuses pour les Etats membres de l’Union européenne et le Parlement européen. Ce dialogue et le partenariat entre les ONG et les pouvoirs publics est essentiel pour améliorer les politiques et la législation dans le domaine du racisme et de la xénophobie, et pour veiller à ce que dans leur élaboration, leur application et leur suivi, le point de vue des groupes minoritaires soit pris en compte. De fait, en participant aux mécanismes d’équilibre des pouvoirs, les ONG sont les alliées naturelles des parlements par l’exercice de leur fonction de surveillance des activités gouvernementales.

6. Les ONG dans le cadre du Conseil de l’Europe

25. Le Conseil de l’Europe a mis au point plusieurs dispositifs permettant d’associer les ONG à ses travaux.
26. La Conférence des Organisations internationales non gouvernementales est l’un des piliers du Conseil de l’Europe. Par l’intermédiaire de cette instance, les 370 organisations internationales non gouvernementales dotées du statut participatif auprès de l’Organisation peuvent participer activement au processus décisionnel et à la mise en œuvre des programmes du Conseil de l’Europe. Cette coopération peut aller d’une simple consultation à la participation à part entière à certains projets.
27. Le rôle des ONG dans la défense des droits de l’homme est reconnu dans un grand nombre de conventions. Par exemple, la Convention européenne des droits de l’homme (STE no 5, «la Convention») reconnaît le droit d’introduire une requête aux ONG qui estiment être victimes d’une violation des droits reconnus dans la convention. L’article 44 du Règlement de la Cour européenne des droits de l’homme («la Cour») prévoit la possibilité pour les ONG d’intervenir en tant que tierce partie devant la Cour, sous réserve de l’accord de son Président. La même règle s’applique pour les protocoles à la Convention, notamment le Protocole no 12 (STE no 177) sur la non-discrimination. De cette façon, les ONG de défense des droits de l’homme telles qu’Amnesty International ou Liberty interviennent régulièrement dans certaines affaires de premier plan.
28. Contrairement à la Convention européenne des droits de l’homme, qui ne prévoit pas une telle procédure, la Charte sociale européenne (révisée) (STE no 163) inclut la possibilité pour les ONG de déposer des réclamations collectives. La procédure de réclamations collectives a été adoptée en 1998 pour tenter de revitaliser la Charte sociale européenne. Les OING dotées du statut consultatif auprès du Conseil de l’Europe et les ONG nationales représentatives issues de pays qui ont déposé une déclaration spéciale (aujourd’hui, uniquement la Finlande) peuvent engager une procédure contre tout Etat lié par la Charte. Cette procédure doit concerner une situation générale de nature juridique ou factuelle. L’épuisement préalable des voies de recours internes n’est pas exigé. A ce jour, des réclamations ont concerné des Roms et/ou des Gens du voyage, qui font généralement état de violations du droit au logement au titre de l’article 16.
29. Plusieurs conventions du Conseil de l’Europe reconnaissent également le rôle des ONG dans le suivi de leur mise en œuvre. La Convention sur la lutte contre la traite des êtres humains (STCE no 197) accorde une fonction clé aux ONG, en fixant pour les parties l’obligation d’encourager la coopération entre leurs autorités et les ONG et en reconnaissant les ONG comme source d’information utile pour les rapports élaborés par l’organe de suivi de la convention, le GRETA.
30. De la même façon, dans la Convention sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (STCE no 210), le groupe d’experts qui veille à la mise en œuvre de la convention (le GREVIO) peut recevoir des informations d’ONG durant la préparation de ses rapports.
31. Les ONG ont également joué un rôle essentiel dans le cadre des campagnes du Conseil de l’Europe, notamment dans les domaines de la lutte contre l’intolérance, le racisme et la discrimination, comme la campagne «Dosta!» sur l’intégration des Roms et la campagne «Tous différents –Tous égaux».
32. La Conférence des OING du Conseil de l’Europe a mis en place trois outils pour permettre aux ONGs, mais pas seulement, de travailler à la naissance d’une culture de la participation qui demeure le meilleur antidote à l’extrémisme:
  • le Code de bonne conduite pour la participation civile au processus décisionnel 
			(7) 
			<a href='http://www.coe.int/t/ngo/code_good_prac_FR.asp'>www.coe.int/t/ngo/code_good_prac_FR.asp.</a>: il a pour objectif de définir un certain nombre de lignes directrices pour la participation des ONG dans le processus décisionnel aux niveaux local et national dans les Etats membres du Conseil de l’Europe;
  • le Conseil d’experts sur le droit en matière d’ONG 
			(8) 
			<a href='http://www.coe.int/t/ngo/expert_council_FR.asp'>www.coe.int/t/ngo/expert_council_FR.asp.</a>: créé en janvier 2008 par la Conférence des OING, il soumet chaque année à la Conférence plénière une étude thématique sur des aspects spécifiques du droit en matière d’ONG et sa mise en œuvre dans les Etats membres (ainsi qu’au Bélarus). Depuis 2011, pour plus d’efficacité, le Conseil d’experts a décidé de produire des rapports sur le droit des ONG appliqué à un pays en particulier (Azerbaïdjan en 2011);
  • l’outil de dialogue 
			(9) 
			<a href='http://www.dialoguetoolkit.net/'>www.dialoguetoolkit.net/</a>; <a href='http://www.coe.int/t/ngo/articles/dialogue_toolkit_announcement_FR.asp'>www.coe.int/t/ngo/articles/dialogue_toolkit_announcement_FR.asp.</a>: prenant acte de l’accumulation de problèmes non résolus en matière de diversité et de migrations au cours des dernières années qui conduisent à un niveau intolérable de mouvements extrémistes, populistes et/ou racistes dans les pays européens dont je parlais plus haut, la Conférence des OING a élaboré ce guide pratique pour mener des dialogues là où ils sont le plus nécessaires. Il est conçu comme un suivi sur le Livre blanc sur le dialogue interculturel (2008) 
			(10) 
			Livre blanc sur le
dialogue interculturel «Vivre ensemble dans l’égale dignité», lancé
par les ministres des Affaires étrangères du Conseil de l’Europe
lors de leur 118e session ministérielle
(Strasbourg, 7 mai 2008), <a href='http://www.coe.int/t/dg4/intercultural/source/white paper_final_revised_fr.pdf'>www.coe.int/t/dg4/intercultural/source/white%20paper_final_revised_fr.pdf.</a> et comme un appui pour la mise en œuvre du rapport «Vivre ensemble. Conjuguer diversité et liberté dans l’Europe du XXIe siècle» (2011). J’ai eu le plaisir d’assister à son lancement en juin 2011. L’objectif est de fournir un outil pratique de dialogue, prêt à l’usage. Son approche vise à aider la cohésion sociale et un traitement des questions de diversité fondés sur les droits de l’homme.
33. La Conférence des OING envisage des accords de mise en œuvre des instruments existants de lutte contre la discrimination, le racisme et l’intolérance avec les directions et les organes compétents du Conseil de l’Europe en vue d’apporter des solutions à des situations concrètes et de développer la culture participative dans les Etats membres.

7. Conclusions

34. Depuis leur création, le Conseil de l’Europe et l’Assemblée parlementaire soutiennent la lutte contre l’intolérance, le racisme et la xénophobie. Ils ont précisément été constitués pour éviter le retour du nationalisme, de la xénophobie et de l’antisémitisme qui avaient conduit à la seconde guerre mondiale et à ses atrocités.
35. Lors de plusieurs discussions au sein de la commission sur l’égalité et la non-discrimination, certaines similitudes ont été mises en lumière entre la situation actuelle et l’avant-guerre. D’une part, la crise économique, le chômage important, la perception de menaces pesant sur les cultures «autochtones»; d’autre part, l’essor des groupements racistes qui tolèrent, voire utilisent la violence contre les personnes considérées comme «différentes», leur légitimation politique et l’incapacité des grands partis politiques à dénoncer fermement le racisme et la xénophobie, sous toutes leurs formes.
36. En dépit de ces similitudes et même si la situation est alarmante, je suis convaincue que l’une des principales différences entre l’avant-guerre et la situation actuelle réside dans le rôle et le poids des ONG, et dans leur capacité à mobiliser la société civile et à contribuer à l’exercice d’un contrôle sur les pouvoirs publics. Ce rôle doit être reconnu et mis en valeur par les institutions.