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Rapport | Doc. 13085 | 04 janvier 2013

Dialogue postsuivi avec la Bulgarie

Commission pour le respect des obligations et engagements des Etats membres du Conseil de l'Europe (Commission de suivi)

Rapporteur : M. Luca VOLONTÈ, Italie, PPE/DC

Origine - Renvoi en commission: Résolution 1115 (1997). 2013 - Première partie de session

Résumé

La commission de suivi salue les progrès substantiels faits par la Bulgarie vers l'accomplissement de ses obligations non encore respectées. Elle note également avec satisfaction que la Bulgarie a montré et continue de montrer une volonté et un engagement politiques soutenus pour honorer pleinement les obligations et engagements qui lui incombent en sa qualité de membre du Conseil de l'Europe et pour respecter les normes démocratiques, comme en atteste son intense coopération avec la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise).

Cependant, malgré des progrès importants accomplis en ce qui concerne le cadre législatif et les réformes déterminantes qui ont été mis en place, certaines mesures doivent encore être prises, en particulier visant à l’application intégrale de lois dans un certain nombre de domaines clé en ce qui concerne l’indépendance de la justice, ainsi que la lutte contre la corruption et le crime organisé. En conclusion, la commission propose de poursuivre le dialogue postsuivi avec les autorités bulgares.

A. Projet de résolution 
			(1) 
			Projet
de résolution adopté par la commission le 12 décembre 2012.

(open)
1. L'Assemblée parlementaire se réfère à sa Résolution 1211 (2000) sur le respect des obligations et engagements de la Bulgarie, dans laquelle elle a décidé de clore la procédure de suivi et d'ouvrir un dialogue avec les autorités bulgares sur un certain nombre de problèmes en suspens mentionnés dans cette résolution ou sur tout autre problème découlant des obligations de tout Etat membre du Conseil de l'Europe en vertu de l'article 3 du Statut en matière de démocratie pluraliste, de prééminence du droit et de droits de l'homme.
2. Pendant toute la période du dialogue postsuivi, la Bulgarie a continué de progresser de façon substantielle vers l'accomplissement de ses obligations non encore respectées. Ces efforts ont été confirmés par son adhésion, en 2007, à l'Union européenne. Depuis l'adoption par l'Assemblée de la Résolution 1730 (2010) sur le dialogue postsuivi avec la Bulgarie, le pays a pris un certain nombre de mesures importantes destinées à mettre en œuvre les recommandations de l'Assemblée.
3. L'Assemblée note avec satisfaction que la Bulgarie a montré et continue de montrer une volonté et un engagement politiques soutenus pour honorer pleinement les obligations et engagements qui lui incombent en sa qualité de membre du Conseil de l'Europe et pour respecter les normes démocratiques, comme en atteste son intense coopération avec la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise).
4. L'Assemblée reconnaît que des progrès importants ont été accomplis en ce qui concerne le cadre législatif et les réformes déterminantes qui ont été mis en place depuis la clôture de la procédure de suivi, notamment depuis l’adhésion à l’Union européenne. En particulier, l'Assemblée salue l'adoption de plusieurs lois sur le fonctionnement du système judiciaire, qui visent à améliorer son indépendance, la mise en œuvre de sa responsabilité ainsi que sa transparence.
5. Les modifications successives apportées à la loi sur le système judiciaire, qui ont été adoptées entre 2008 et 2012 conformément aux recommandations de la Commission de Venise, en particulier celles concernant la mise en place d'une nouvelle procédure de sélection et de nomination des membres du Conseil judiciaire suprême et de l’Inspection générale, les procédures de nomination et d'appréciation des magistrats, ainsi que les mesures visant à améliorer les pratiques judiciaires et d'instruction, ont dans une large mesure créé des conditions favorables au bon fonctionnement de la justice.
6. L'adoption en 2010 de la Stratégie de poursuite de la réforme judiciaire, dont l'objectif est de renforcer la confiance du public, d'améliorer la gestion et de combattre la corruption dans le système judiciaire, avec la participation de la société civile et des magistrats, devrait permettre d'améliorer encore le fonctionnement de la justice.
7. Cela étant, plusieurs points, notamment le rôle du ministre de la Justice au sein du Conseil judiciaire suprême, la structure de cet organe et la procédure de nomination de ses membres, la période probatoire de cinq ans imposée aux nouveaux juges ainsi que la séparation des trois pouvoirs judiciaires (juges, procureurs et magistrats instructeurs) et la non-ingérence entre ces trois pouvoirs, exigent une réflexion complémentaire et devraient être examinés. Malheureusement, certains principes fondamentaux, notamment l'indépendance de la justice, n'ont pas toujours été pleinement respectés et certaines nominations importantes n'ont pas été effectuées selon des considérations liées au mérite et à l'intégrité. En même temps, il faut reconnaître que certains changements supposent d’avoir le courage de remettre en question certains intérêts octroyés, ce qui vaut également au sein du système judiciaire
8. Garantir la mise en œuvre effective du cadre juridique et en exploiter le plein potentiel, en particulier s'agissant du rôle directeur et de premier plan du Conseil judiciaire suprême, dont l'indépendance et l'intégrité devraient être au-dessus de tout soupçon, sont des conditions nécessaires à la pérennité et à l'irréversibilité du processus. Il est aujourd'hui de la plus haute importance que les autorités et la justice s'approprient pleinement les réformes.
9. L'Assemblée salue les efforts accomplis par la Bulgarie pour adopter un cadre législatif et administratif complet ainsi que des mesures préventives pour lutter contre la corruption et le crime organisé, efforts qui se sont renforcés depuis l'adhésion du pays à l'Union européenne. En particulier, elle se félicite de l'adoption finale, en 2012, de la loi relative à la confiscation au profit de l'Etat de biens acquis de manière illicite et, en 2010, de la loi renforcée sur les conflits d'intérêts.
10. Malgré les progrès accomplis dans ce domaine, certains problèmes ne sont qu’en partie résolus, comme en témoigne l'absence de résultats en ce qui concerne les décisions de justice définitives dans des affaires de corruption très médiatisées. Cette efficacité médiocre s'explique, dans une très large mesure, par des dysfonctionnements dans les procédures d'enquête et des lacunes dans la pratique judiciaire. Si certaines insuffisances dans la législation en vigueur, qui ont été relevées par le Groupe d’Etats contre la corruption (GRECO) et par la Commission européenne, doivent être réglées dans les plus brefs délais, la mise en œuvre des lois existantes et l’application pleine et entière des instruments disponibles restent un objectif essentiel.
11. La future adoption du nouveau code pénal, qui est en cours d'élaboration avec la coopération d’experts juridiques du Conseil de l'Europe, devrait contribuer à améliorer la situation.
12. S'agissant de l'exécution des décisions de la Cour européenne des droits de l'homme, l'Assemblée note avec satisfaction que l’Assemblée nationale a adopté, en septembre 2012, une loi prévoyant la mise en place d'une disposition faisant obligation au gouvernement de présenter tous les ans au parlement un rapport sur le nombre et la nature des arrêts ainsi que des informations sur la mise en œuvre des décisions de la Cour, conformément aux recommandations de l'Assemblée parlementaire.
13. L'Assemblée reconnaît les progrès accomplis par la Bulgarie dans la lutte contre les atteintes aux droits de l'homme par les forces de l’ordre, les autorités ayant pris un certain nombre de mesures, notamment la modification de la loi relative au ministère de l'Intérieur, adoptée en mai 2012, qui institue une formation systématique aux droits de l'homme pour les policiers et la mise en place de mesures concrètes visant à éradiquer l'impunité et l'absence de chaîne de responsabilité pour les pratiques abusives.
14. Tout en saluant l'adoption, en 2010, d'une nouvelle loi faisant obligation aux organes de la presse écrite de divulguer les noms de leurs véritables propriétaires, l'Assemblée souligne la nécessité d'adopter des dispositions analogues dans le secteur de la radiodiffusion.
15. L'Assemblée est préoccupée par la montée de l'idéologie et des actes nationalistes et par le climat d'hostilité croissante envers les minorités, comme en témoignent le comportement agressif des militants du parti politique Ataka à l'égard de fidèles devant la mosquée de Sofia en mai 2011, ainsi que les propos haineux ou incitant à la violence à l’encontre des Roms, qui ont été tenus à Sofia et dans 14 autres villes en octobre 2011. De plus, en dépit de progrès et d’efforts indéniables pour que soient reconnus des droits des personnes appartenant à des minorités, un certain nombre de problèmes recensés par les mécanismes de suivi concernés du Conseil de l'Europe subsistent et doivent être résolus sans plus attendre.
16. L'Assemblée rappelle les problèmes relevés par ses observateurs au cours des dernières élections législatives en 2009 ainsi que les recommandations formulées par la Commission de Venise au sujet de l'actuel code électoral, et demande aux autorités bulgares de les résoudre à temps pour les prochaines élections, qui se tiendront à l'été 2013.
17. Pour que les efforts se poursuivent et que la pérennité et l'irréversibilité des réformes en Bulgarie se confirment, l'Assemblée demande aux autorités de prendre les mesures suivantes:
17.1. S'agissant de l'indépendance de la justice:
17.1.1. garantir l'indépendance de la justice et s'abstenir d'exercer sur elle une quelconque pression;
17.1.2. revoir le rôle du ministre de la Justice au sein du Conseil judiciaire suprême et envisager l'introduction d'un vote à la majorité qualifiée dans l'élection du quota parlementaire du Conseil judiciaire suprême;
17.1.3. réduire la durée de la période probatoire imposée aux nouveaux juges;
17.1.4. assurer la séparation des trois pouvoirs judiciaires (juges, procureurs et magistrats instructeurs) au sein du Conseil judiciaire suprême et la non-ingérence entre ces pouvoirs, conformément aux recommandations de la Commission de Venise;
17.1.5. encourager et soutenir le Conseil judiciaire suprême et l’Inspection générale dans leur mission d'amélioration de l'efficacité de la justice et des pratiques judiciaires, en particulier:
17.1.5.1. élaborer une stratégie en matière de ressources humaines qui encouragerait le professionnalisme, l’indépendance et l'intégrité, notamment en s'attaquant aux insuffisances du système d'appréciation, en mettant en place un mécanisme uniforme et cohérent d'évaluation de l’action des juges, des procureurs et des magistrats instructeurs, et en reliant ce mécanisme à l'évolution des carrières;
17.1.5.2. assurer la cohérence des sanctions, notamment en cas de retard dans la publication des motifs de décision, mettre sur pied un système unique et efficace d'affectation aléatoire et nationale des affaires et définir des critères clairs pour évaluer la complexité des affaires et leur incidence sur la répartition du volume de travail;
17.1.5.3. effectuer une analyse des insuffisances de la pratique judiciaire en vue d'y remédier, élaborer une stratégie de réduction du délai de publication des motifs de décision, et combler les failles dans l'exécution des décisions de justice, notamment en évitant que des personnes condamnées à des peines de prison se soustraient à la justice ou que les sanctions financières prononcées par les tribunaux ne soient pas appliquées;
17.1.6. encourager la participation de la société civile et des organisations professionnelles à l'élaboration et au suivi de nouvelles stratégies de réforme de l'appareil judiciaire;
17.1.7. achever les travaux sur un nouveau code pénal, en coopération étroite avec des experts juridiques du Conseil de l'Europe, et veiller à sa mise en œuvre après son adoption;
17.2. S'agissant de la lutte contre la corruption et le crime organisé:
17.2.1. mettre en œuvre les recommandations formulées par le GRECO, en particulier celles concernant l'incrimination claire de corruption et de trafic d'influence, veiller à une interprétation plus large du concept d'avantage indu, et à l'application intégrale et à l'utilisation des possibilités offertes par la loi relative à la confiscation au profit de l'Etat de biens acquis de manière illicite, adoptée en mai 2012;
17.2.2. réviser la loi sur les conflits d'intérêts en vue d'une application plus efficace des sanctions dissuasives; réviser le système de déclaration de patrimoine et de vérification dans le but d'améliorer l'efficacité de ce mécanisme de détection de l'enrichissement illicite;
17.2.3. mettre sur pied des institutions indépendantes dans le domaine de la lutte contre la corruption en les dotant de la compétence et de l'obligation de formuler des propositions, d'intervenir de façon proactive et d'assurer un suivi indépendant, conformément aux recommandations formulées par la Commission européenne; et veiller à ce que ces institutions disposent des ressources nécessaires pour mener à bien des enquêtes financières complexes;
17.2.4. effectuer une analyse exhaustive des insuffisances dans les procédures d'enquête dans le but de redresser la situation et, sur la base des expériences passées, améliorer l’efficacité de la police, du ministère public et des tribunaux;
17.3. S'agissant des pratiques abusives exercées par des membres des forces de l'ordre:
17.3.1. poursuivre les efforts visant à éradiquer les pratiques abusives exercées par des membres des forces de l'ordre, en mettant effectivement en œuvre les mesures visant à éliminer l'impunité et l'absence de chaîne de responsabilité pour ces faits, en particulier en veillant à ce que chaque affaire fasse l'objet d'une instruction dans les règles, en mettant en place des garanties procédurales lors des gardes à vue, en encourageant le contrôle exercé par la société civile et en développant la formation continue et les actions de sensibilisation;
17.4. S'agissant de l'indépendance des médias:
17.4.1. adopter une législation faisant obligation aux médias de radiodiffusion de divulguer les noms de leurs véritables propriétaires, comme c'est désormais le cas pour la presse écrite;
17.4.2. veiller à ce que la diffamation et la calomnie ne soient pas pénalisées dans le nouveau code pénal qui est en cours d'élaboration;
17.5. S'agissant des droits des personnes appartenant à des minorités nationales:
17.5.1. condamner systématiquement et sans conditions les discours de haine contre les minorités, renforcer les mesures visant à favoriser la tolérance et le respect mutuel, et encourager les responsables politiques à adopter un comportement exemplaire;
17.5.2. veiller à la pleine mise en œuvre de l'ensemble des dispositions contenues dans la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales (STE no 157), en particulier celles concernant le champ d'application personnel de cet instrument, compte tenu de la non-reconnaissance de l'existence des minorités pomake et macédonienne en Bulgarie, et signer et ratifier la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires (STE no 148);
17.5.3. s'attaquer aux problèmes recensés par le Commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe en ce qui concerne les droits de l'homme des Roms, en particulier en matière d'expulsions forcées et d'accès aux droits sociaux, y compris à l'éducation, au logement et aux soins;
17.5.4. prendre dûment en considération les plaintes des anciens détenus de l'île de Béléné, dans le cadre de la Loi bulgare relative à la réhabilitation politique et civique des victimes de la répression pendant le régime totalitaire.
17.5.5. continuer à faire progresser les droits des personnes appartenant à des minorités en ce qui concerne l’enseignement de et dans leur langue maternelle, promouvoir la connaissance de l’identité culturelle des minorités et favoriser la tolérance par l’éducation.
18. L'Assemblée encourage les autorités bulgares à mettre en œuvre et respecter tous les engagements pour garantir des avancées démocratiques. Elle espère avoir raison de faire confiance à la Bulgarie pour continuer d'avancer dans la bonne direction. Elle compte que les problèmes restants seront résolus de façon démocratique et dans le strict respect des mécanismes et procédures qui s'appliquent.
19. L'Assemblée attend des autorités bulgares qu'elles poursuivent leur coopération fructueuse avec la Commission de Venise et les experts juridiques du Conseil de l'Europe dans le but de remédier aux insuffisances qui subsistent dans la législation.
20. Compte tenu de ce qui précède, l'Assemblée décide de poursuivre le dialogue postsuivi avec les autorités bulgares et de continuer à suivre de près, conformément à ses procédures internes, l'évolution de la situation dans ce pays.

B. Exposé des motifs, par M. Volontè, rapporteur

(open)

1. Introduction

1. La Bulgarie est membre du Conseil de l'Europe depuis 1992. Au moment de son adhésion, les autorités bulgares ont contracté une série d'engagements énoncés dans l'Avis 161 (1992) de l'Assemblée parlementaire, qui, en plus des obligations statutaires, constituent la base de la procédure de suivi prévue jusqu'en 2000. Dans la Résolution 1211 (2000), l'Assemblée a décidé de clore la procédure de suivi et d'engager avec les autorités bulgares un dialogue post-suivi «sur les questions figurant au paragraphe 4 [de la Résolution 1211], ou toute autre question relevant des obligations de la Bulgarie en tant qu'Etat membre du Conseil de l'Europe».
2. Depuis, la commission de suivi n'a présenté qu'un seul et unique rapport sur les progrès réalisés par la Bulgarie, en avril 2010 
			(2) 
			Voir Doc. 12187 et Résolution
1730 (2010).. Ceci peut s'expliquer en partie par le fait qu'avant la révision du Règlement de l'Assemblée parlementaire, en 2009 
			(3) 
			Voir Résolution 1698 (2009) et Doc. 12071
et addendum., aucune date limite officielle n'avait été fixée pour la présentation des rapports sur le dialogue post-suivi. De plus, jusqu'en 2010 
			(4) 
			Voir Résolution 1710 (2010)., le président de la commission de suivi était rapporteur ex officio sur tous les pays engagés dans un dialogue post-suivi. Deux anciens présidents, Mme Hanne Severinsen et M. Serhiy Holovaty, s'étaient rendus à Sofia et avaient poursuivi le dialogue avec les autorités 
			(5) 
			Voir documents AS/Mon
(2007) 26, AS/Mon (2007) 13 et AS/Mon (2010) 08..
3. En 2007, la Bulgarie est en outre devenue membre à part entière de l'Union européenne. L'adhésion a été précédée d'un important processus de réforme visant à l'introduction, la mise en œuvre et la consolidation des normes européennes. Des lois importantes ont été adoptées sous les auspices de l'Union européenne, en coopération avec les experts juridiques du Conseil de l'Europe. Il était clair que le pays s'engageait dans la bonne direction.
4. Lors de l'adhésion de la Bulgarie, la Commission européenne a mis en place un mécanisme de coopération et de vérification des progrès réalisés par le pays (MCV) pour répondre à des problèmes spécifiques dans les domaines de la réforme judiciaire et de la lutte contre la corruption et le crime organisé. Le cinquième et dernier rapport produit au titre de ce mécanisme a été publié par la Commission européenne en juillet 2012 
			(6) 
			Voir
Rapport de la Commission européenne au Parlement européen et au
Conseil européen sur les progrès réalisés par la Bulgarie au titre
du MCV – COM(2012)411 définitif.. J'ai repris les conclusions des rapports MCV successifs dans le présent rapport.
5. Afin de renforcer la coordination et la coopération entre les mécanismes de suivi des deux Organisations, je me suis rendu le 23 novembre 2012 à la Commission européenne, à Bruxelles, où j'ai rencontré des responsables chargés du MCV. Nous avons eu un intéressant échange de vues sur la situation en Bulgarie.
6. L'Assemblée parlementaire a observé des élections successives, dont les élections législatives de juillet 2009 et l’élection présidentielle d'octobre 2011. Les rapports respectifs des commissions ad hoc chargées d'observer les élections ont été présentés et débattus devant l'Assemblée 
			(7) 
			Voir Docs. 12796 et 12008.. J'ai également utilisé les conclusions de ces équipes d'observation dans le présent rapport.
7. J'ai été nommé rapporteur chargé du dialogue post-suivi avec la Bulgarie en juin 2010. J'ai effectué dans ce pays deux missions d'enquête: du 19 au 22 décembre 2011 et les 26 et 27 septembre 2012. Ces visites avaient toutes deux pour but de recueillir des informations sur les changements intervenus depuis le dernier débat à l'Assemblée et d'apprécier non seulement les progrès réalisés quant aux problèmes encore en suspens concernant les obligations et engagements contractés, mais aussi la volonté des autorités de poursuivre sur la voie des réformes et les perspectives d'avenir.
8. J'ai également profité de ces occasions pour me pencher de plus près sur certaines inquiétudes exprimées par la communauté internationale, notamment vis-à-vis de la situation des Roms et d'autres minorités, et de certains incidents alarmants comme celui provoqué par le parti Ataka.
9. Au cours de mes visites, j'ai tenu plusieurs réunions avec, d'une part, les plus hauts représentants des pouvoirs législatifs, exécutif et judiciaire et, d'autre part, des représentants de la société civile nationale et internationale. J'ai saisi toutes les occasions d'écouter ces derniers, y compris pendant les sessions de l'Assemblée parlementaire à Strasbourg.
10. En rédigeant le présent rapport, je me suis également appuyé sur les constatations et conclusions des institutions compétentes et des mécanismes de suivi des conventions du Conseil de l'Europe auxquelles la Bulgarie est partie. Ont été pris en compte les travaux des organes suivants: la Cour européenne des droits de l'homme («la Cour»), le Comité des Ministres dans sa fonction de surveillance de l'exécution des arrêts de la Cour, le Commissaire aux droits de l'homme, le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l'Europe, le Groupe d'Etats contre la corruption (GRECO), le Comité d'experts sur l'évaluation des mesures de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme (MONEYVAL), le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines oui traitements inhumains ou dégradants (CPT), le Comité consultatif de la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales ainsi que la Commission européenne contre le racisme et l'intolérance (ECRI).
11. Mon impression générale est que le Gouvernement bulgare a fait – et continue de faire – montre d'une véritable volonté politique de respecter pleinement les obligations et engagements découlant de son adhésion au Conseil de l'Europe. Il a en effet fourni un énorme travail législatif et mené plusieurs réformes fondamentales.
12. Les autorités bulgares ont développé une coopération très fructueuse avec la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise), qui a mis ses compétences juridiques au service des rédacteurs des lois fondamentales adoptées ces dernières années – dont la loi relative à la confiscation, de nombreuses modifications de la loi sur le système judiciaire, et le Code électoral. Le ministère de la Justice a par ailleurs étroitement collaboré sur le code pénal, actuellement en cours d'élaboration, avec la Direction du conseil juridique et du droit international public du Conseil de l'Europe. Dans ses avis, la Commission de Venise a insisté sur la qualité de la coopération avec les autorités bulgares et sur leur réceptivité à l'égard de ses recommandations. Au cours de mes visites, les autorités ont réitéré leur intention ininterrompue de faire appel aux compétences juridiques de la Commission de Venise et du Conseil de l'Europe en général
13. Dans le présent rapport, je m'efforcerai d'apprécier si le processus de réforme est viable et irréversible et, en particulier, s'il est suffisamment ancré dans la société et la politique bulgares pour que soit poursuivie la voie de la réforme.
14. Enfin, dernier élément mais non des moindres, je souhaite exprimer à la délégation parlementaire bulgare à l'Assemblée parlementaire et à son secrétariat toute ma gratitude pour l'organisation parfaite de mes deux visites et pour l'aide qu'ils m'ont apportée dans ma collecte auprès des diverses autorités des informations dont j'avais besoin pour établir le présent rapport.

2. Contexte politique

15. Les dernières élections législatives ont eu lieu le 5 juillet 2009; elles ont porté au pouvoir un nouveau parti de centre-droite, Citoyens pour le développement européen de la Bulgarie (GERB), créé en 2006. Ce mouvement a remporté 39,7 % des suffrages, qui lui ont assuré 116 sièges sur un total de 240 et la victoire sur l'ancienne majorité parlementaire conduite par le Parti socialiste bulgare (PSB). Son dirigeant, M. Boyko Borisov, nommé Premier ministre, a choisi de constituer un gouvernement minoritaire bénéficiant du soutien d'autres petits partis de droite.
16. Pour observer les élections, l'Assemblée parlementaire a créé une commission ad hoc qui a œuvré dans le cadre d’une mission internationale d'observation des élections (MIOE). Selon la MIOE, «les élections du 5 juillet en Bulgarie ont été dans l'ensemble conformes aux engagements à l'égard de l'OSCE et aux normes du Conseil de l'Europe; des efforts supplémentaires sont néanmoins nécessaires pour assurer l'intégrité du processus électoral et accroître la confiance du public 
			(8) 
			Voir Doc. 12008.».
17. Les observateurs ont constaté que les élections avaient offert aux électeurs un large choix dans le cadre d'une campagne électorale visible et active manifestant du respect pour les libertés fondamentales. Ils estiment toutefois que les modifications tardives du système électoral, l'absence de dispositions légales concernant le temps d'antenne gratuit sur les chaînes publiques de radiodiffusion pour les candidats, la réglementation insuffisante sur la publicité des comptes dans le contexte électoral, ainsi que les allégations persistantes d'achat de voix, ont eu des répercussions néfastes sur le climat électoral.
18. Pendant la campagne électorale, la priorité affichée du parti vainqueur a été la lutte contre la corruption et le crime organisé; deux fléaux qui, selon les sondages, sont considérés par la majorité des Bulgares comme les principaux obstacles à la croissance économique et à la prospérité de leur pays, ce que confirment les institutions économiques internationales. Le GERB a souligné que l'aide financière octroyée à la Bulgarie par l'Union européenne avait été réduite en 2008 en raison de l'incapacité du gouvernement conduit par le parti socialiste bulgare (PSB) à combattre la corruption.
19. La dernière élection présidentielle a eu lieu les 23 et 30 octobre 2011. Elle a été remportée par le représentant du parti GERB, M. Rosen Plevneliev, avec 40,11 % des voix au premier tour et 52,58 % au second. Le deuxième candidat principal, M. Ivaylo Kalfin, du parti socialiste bulgare, a respectivement remporté 28,96 %  et 47,42 % des suffrages.
20. L’élection a été suivie par une commission ad hoc de l'Assemblée intervenant dans le cadre d’une MIOE. Ses conclusions 
			(9) 
			Voir Doc. 12796. ont témoigné d'un regard globalement positif sur le processus électoral, tout en insistant sur la nécessité de nouvelles réformes pour apaiser les inquiétudes suscitées par des allégations généralisées et persistantes d'achat de voix, ainsi que par les conditions peu satisfaisantes de la couverture médiatique des élections.
21. La victoire du candidat du parti au pouvoir a confirmé le large soutien rencontré par les politiques mises en œuvre par le gouvernement depuis 2009, de même que sa détermination et son engagement à garantir l'Etat de droit et à lutter contre la corruption et le crime organisé.
22. L'entrée dans la zone euro et l'Espace Schengen reste le principal objectif de la politique européenne bulgare. En septembre 2011, le Gouvernement néerlandais a opposé son veto à l'adhésion de la Bulgarie et de la Roumanie à l'Espace Schengen, invoquant des résultats insuffisants dans la lutte contre la corruption et le crime organisé, et la décision a été reportée. Ce point figurait à l'ordre du jour des réunions du Conseil des ministres de la Justice et de l'Intérieur de l'Union européenne qui ont eu lieu au Luxembourg les 25 et 26 octobre 2012 et à Bruxelles les 6 et 7 décembre 2012.
23. Ces dernières années ont malheureusement été marquées par une montée de l'idéologie et de l'action nationalistes. M. Volen Siderov, l'un des candidats de la dernière campagne électorale présidentielle et dirigeant du parti ultra-nationaliste bulgare Ataka, a appelé ses sympathisants à manifester contre les musulmans. Le 20 mai 2011, ses sympathisants ont agressé des musulmans rassemblés pour la prière traditionnelle du vendredi dans la principale mosquée du centre de Sofia, en en blessant plusieurs. Il faut toutefois souligner que les autorités, y compris en la personne du Premier ministre, Boyko Borisiv, ont immédiatement condamné cet incident. L'Assemblée nationale a adopté une déclaration condamnant sans réserve l'agression du parti politique Ataka contre des croyants en plein centre de la capitale le 20 mai 2011.
24. Les violences subies par les Roms en octobre 2011, un triste précédent en Bulgarie, sont venues confirmer un climat d'hostilité croissant envers les minorités. De violentes manifestations se sont déroulées à Sofia et dans 14 autres villes, dont Plovdiv, Varna et Pleven. Le nombre de participants a été estimé à un demi-million, sur une population de 7,5 millions d'habitants. Ces manifestations ont suivi les émeutes qui ont eu lieu dans le village de Katuniza après l'agression par les habitants d'une famille rom accusée d'avoir assassiné un jeune. 
			(10) 
			Dans
leurs commentaires sur le présent rapport, les autorités se sont
fermement opposées à l’application d’une dimension éthique à l’interprétation
des événements tragiques de Katuniza, qu’elles ont qualifiés d’intrinsèquement criminels.
Elles ont souligné que les tentatives de récupération politique
de la tragédie étaient fermement condamnées par les responsables
politiques. Elles ont aussi souligné que, selon leurs estimations,
les manifestations n’avaient pas rassemblé plus de 10 000 personnes
dans tout le pays.
25. Lors des dernières élections législatives en 2009, Ataka a obtenu 9,4 % des suffrages et 21 sièges, restant ainsi le quatrième plus grand parti de Bulgarie. Cependant, 11 députés ayant depuis quitté le groupe parlementaire, il ne compte plus aujourd'hui que 10 membres.
26. Le 18 juillet 2012, la Bulgarie a été secouée par un attentat terroriste perpétré contre des touristes israéliens dans l'aéroport de Bourgas-Sarafovo, tuant sept personnes et en blessant 30 autres. L’enquête, menée en étroite coopération avec les partenaires euro-atlantiques, est toujours en cours. Jusqu'à présent, cet événement tragique est resté le seul en son genre sur le sol bulgare.

3. Problèmes soulevés dans le dernier rapport

27. Dans le dernier rapport sur le dialogue post-suivi avec la Bulgarie, examiné en avril 2010, l'Assemblée s'est félicitée des mesures importantes prises par les autorités pour honorer les obligations et engagements dont doit encore s'acquitter le pays.
28. Le rapport fait état des progrès réguliers de la mise en œuvre des recommandations de l'Assemblée, ainsi que du processus de réforme axé sur l'introduction, la mise en œuvre et la consolidation des normes européennes ayant permis au pays d'adhérer à l'Union européenne.
29. Dans son évaluation de 2010, l'Assemblée a néanmoins estimé que certaines réformes ayant été entreprises à la hâte pour respecter les délais d'adhésion très stricts s'étaient révélées superficielles, et que de nouvelles mesures s'imposaient donc. Dans les chapitres suivants, je reviendrai sur les problèmes persistants mis en lumière par le dernier rapport et j'évaluerai les progrès accomplis depuis.

3.1. Fonctionnement de l'appareil judiciaire

30. Dans l'ensemble, la Bulgarie a grandement progressé dans ses travaux législatifs sur le fonctionnement de la justice depuis la clôture de la procédure de suivi, notamment ces cinq dernières années à la suite de son adhésion à l'Union européenne.
31. Dans ses nombreux avis sur le système judiciaire bulgare, et notamment ceux adoptés en 1999, 2002 et 2003 
			(11) 
			CDL(1999)010, Avis
sur la réforme de la loi sur le système judiciaire en Bulgarie;
CDL(1999)011rev, Avis sur le système judiciaire en République de
Bulgarie; CDL(2002)105, Avis sur la loi sur le système judiciaire
en Bulgarie; CDL-AD(2003)016, Avis sur les amendements constitutionnels
réformant le système judiciaire en Bulgarie., la Commission de Venise a recensé un certain nombre de points préoccupants ayant des effets néfastes sur le fonctionnement de l'appareil judiciaire et, en particulier, sur son indépendance, sa responsabilisation et sa transparence.
32. Force est de reconnaître que les autorités bulgares se sont montrées très réceptives aux critiques et ont consenti beaucoup d'efforts pour remédier aux diverses défaillances. Mentionnons en particulier les nouvelles dispositions constitutionnelles (février 2007) visant à favoriser l'indépendance du système judiciaire, ainsi que son impartialité et sa responsabilisation.
33. Malheureusement, c'est là l'un des rares cas où les autorités bulgares n'ont pas fait appel aux compétences de la Commission de Venise avant d'enclencher le processus législatif. L'avis de la Commission de Venise n'a été rendu, à la demande de la commission de suivi, qu'après l'adoption des modifications constitutionnelles 
			(12) 
			Voir Avis n° 444 (2007)
sur la Constitution bulgare.. Si bien que les modifications constitutionnelles ont négligé plusieurs points déjà considérés comme problématiques dans de précédents avis de la Commission de Venise.
34. Bien que les autorités bulgares se soient par la suite attelées à certains de ces problèmes en apportant à la loi sur le système judiciaire des modifications successives, adoptées respectivement en 2009 et 2010 
			(13) 
			Ces
modifications sont entrées en vigueur en 2011., plusieurs autres problèmes, mis en avant dans les rapports périodiques du MCV et le rapport 2010 de l'Assemblée, demeurent en suspens.
35. Dans son avis rendu en 2008, la Commission de Venise concluait que, eu égard au système judiciaire en Bulgarie, plusieurs aspects relatifs à l'appareil judiciaire, généralement en conformité avec les normes européennes et en harmonie avec la pratique constitutionnelle appliquée dans d'autres Etats européens, devaient être encore améliorés pour éviter tout risque d'influence excessive sur l’appareil judiciaire. Ces aspects, qui n'avaient pas été traités avant le débat relatif au rapport 2010 sur la Bulgarie, étaient notamment le rôle du ministre de la Justice au sein du Conseil judiciaire suprême (le CJS), la structure du CJS et la méthode de nomination de ses membres, l'immunité “totale” des juges, la période probatoire de cinq ans imposée aux nouveaux juges et les pouvoirs des inspecteurs, si étendus qu'ils comportent un risque d'ingérence dans l'administration de la justice.
36. Lors de mes visites à Sofia, la question du rôle du ministre de la Justice au sein du CJS a fait l'objet de mes discussions avec de nombreux interlocuteurs, dont la ministre elle-même, ainsi qu'avec des représentants du pouvoir judiciaire et du corps législatif. La majorité d'entre eux a souligné que le rôle de ministre au sein du CJS ne devait pas être surestimé; en effet, le ministre a le droit de présider, mais pas de voter.
37. Cela étant, lorsqu'il se combine à d'autres pouvoirs étendus, comme le pouvoir exclusif de proposer un projet de budget pour l'appareil judiciaire et de le soumettre à l'examen du CJS, ainsi que des nominations, promotions, rétrogradations, mutations et révocations, et de gérer le patrimoine de l'appareil judiciaire, le rôle du ministre reste ambigu et peut compromettre l'indépendance du système judiciaire.
38. Je tiens toutefois à souligner ici que, contrairement à l'avis de la Commission de Venise, les rapports de la Commission européenne n'ont pas jugé préoccupant le rôle du ministre au sein du CJS. Dans le dernier rapport du MCV 
			(14) 
			Rapport
de la Commission au Parlement européen et au Conseil européen sur
les progrès réalisés par la Bulgarie au titre du MCV, document COM(2012)411
définitif., il a été souligné qu'au cours des cinq dernières années, les ministres de la Justice n'étaient pas intervenus dans les questions de gestion et de carrières.
39. Je suis heureux de constater qu'il semble que la position des autorités à cet égard ait récemment évolué. Au cours de ma dernière visite, en septembre 2012, on m'a affirmé que la question du rôle du ministre de la Justice au sein du CJS faisait l'objet d'une réflexion plus poussée. J'espère que les autorités suivront les recommandations de la Commission de Venise en ce sens.
40. Le deuxième grand problème relatif à la structure du CJS n'a été abordé ni dans les nouvelles dispositions constitutionnelles de 2007 ni dans une quelconque modification ultérieure à la loi sur le système judiciaire (LSJ). Onze membres (sur 25) sont toujours élus par le parlement à la majorité simple des voix. Aussi, dans toutes les élections passées, les membres ont-ils été systématiquement élus par leur majorité gouvernementale respective, contre le vote de l'opposition.
41. Selon les experts de la Commission de Venise, la composition du Conseil, telle que la décrit la loi sur le Conseil suprême, n'est pas en soi critiquable. Ce système pourrait parfaitement fonctionner dans une démocratie en place de longue date, où l'administration de la justice ignore généralement les conflits politiques et où l'indépendance du pouvoir judiciaire est bien établie. Cependant, dans la situation particulière de la Bulgarie, le risque de politisation des procédures électorales ne peut être exclu. Ce problème a également été soulevé dans l'évaluation de la réforme judiciaire réalisée pour la Commission européenne par des experts indépendants 
			(15) 
			Voir SWD(2012)232 définitif..
42. Selon les critiques, les anciennes procédures de sélection pour la composante parlementaire du CJS n’ont pas permis de procéder à des nominations considérées comme justifiées par le professionnalisme et l'intégrité des candidats. Lors de ma première visite à Sofia, en 2011, j'ai entendu critiquer les élections de juillet 2011 au motif de sièges vacants au sein de la composante parlementaire du CJS, du manque de transparence de la procédure et de l'absence de débat public sur les candidats désignés.
43. J'ai longuement discuté de cette question avec différentes parties prenantes, dont la ministre de la Justice et d'autres représentants du pouvoir exécutif, le Président du Parlement et d'autres représentants du pouvoir législatif et enfin, derniers interlocuteurs mais non des moindres, des représentants du pouvoir judiciaire, dont le Président de la Cour suprême, le Procureur général, ainsi que des représentants de l'Association bulgare des juges.
44. J'ai entendu quantité d'arguments contre l'instauration d'un vote à la majorité qualifiée pour l'élection de la composante parlementaire. Certains étaient de nature formelle: un tel changement nécessiterait une modification constitutionnelle et il était hautement improbable qu’un consensus sur la révision de la Constitution se fasse sous l'actuelle législature. Cependant, ce qui est plus important, mes interlocuteurs, dont ceux membres du pouvoir judiciaire, n'ont pas vraiment vu l'utilité de ce changement.
45. C'est avec surprise que j'ai entendu l'avis de nombreux interlocuteurs – dont l'Association bulgare des juges – lesquels étaient convaincus que l'exigence d'une majorité des deux tiers au Parlement donnerait lieu à un marchandage politique encore plus intempestif que celui auquel nous avons assisté lors des élections passées. Dans leur grande majorité, mes interlocuteurs paraissent ne pas considérer le consensus et le compromis politiques comme un élément positif du processus.
46. De leur point de vue, le principal objectif doit être une transparence et une crédibilité plus grandes de la procédure de sélection et de nomination de la composante parlementaire. Et en effet, les efforts récents des autorités dont, notamment, les modifications apportées à la loi sur le système judiciaire, introduites en 2011 
			(16) 
			Entrées en vigueur
en 2012., se sont concentrés sur cette question. La loi modifiée établit des règles strictes pour l'ensemble de la procédure de nomination et de sélection, en se fondant sur l'engagement des citoyens et la transparence et en prévoyant notamment un entretien public pour les candidats.
47. L'instauration de ce nouveau mode d'élection a coïncidé avec ma dernière visite, en septembre 2012. Bien qu'il faille sans aucun doute se féliciter de cette évolution, j'encourage les autorités bulgares à se reposer la question de la majorité parlementaire requise pour l'élection de la composante parlementaire. En effet, l'écueil que constitue le vote à la majorité simple peut s'illustrer par le fait que depuis la création de cette institution, seuls deux des cinq Conseils judiciaires suprêmes ont mené leur mandat à terme. En modifiant la loi sur le système judiciaire dans la foulée des élections, chaque nouvelle majorité au parlement a mis fin au mandat du CJS constitué sous la majorité précédente.
48. Mes interlocuteurs ont également affirmé que les membres de l'Inspection générale – conçue comme un organe subsidiaire du CJS créé par les modifications de 2007 – sont élus au parlement à la majorité des deux tiers, et que c'est là un garde-fou suffisant contre la politisation de l'ensemble de l'institution. Il est vrai que la création de l'Inspection générale et la procédure de nomination de ses membres constituent un pas important vers l'indépendance du pouvoir judiciaire. Je m'y consacrerai plus longuement dans une autre partie du présent rapport.
49. Le troisième grand défaut du système judiciaire bulgare mis en évidence par la Commission de Venise est la représentation des juges, procureurs et enquêteurs au sein d'une instance unique, à savoir le CJS. Bien qu'il n'y ait aucune objection à ce que les procureurs soient sur un pied d'égalité avec les juges, comme c'est le cas dans nombre de pays, il est important de continuer à les différencier et de veiller à ce qu'ils ne s'influencent pas mutuellement concernant les nominations, la discipline et les révocations. En outre, par principe, le parquet ne devrait être en rien associé aux derniers stades de l'administration de la justice, pas plus qu'à la nomination et au modus operandi des juges, ou qu'au fonctionnement du système judiciaire.
50. Mes interlocuteurs m'ont affirmé que selon la pratique établie, les juges sont majoritaires au sein du CJS. En effet, la branche judiciaire se compose de six juges, de quatre procureurs et d'un enquêteur, et la branche parlementaire est constituée dans les mêmes proportions. Cependant, une pratique établie ne peut remplacer une garantie constitutionnelle. En outre, une situation dans laquelle une majorité de juges décide de la nomination et de la promotion des procureurs et des enquêteurs n'est pas non plus souhaitable.
51. Il est vrai – comme l'ont souligné mes interlocuteurs du ministère de la Justice – que les modifications apportées en 2011 à la loi sur le système judiciaire disposaient que la commission permanente du CJS serait composée de deux sous-commissions distinctes: la sous-commission des juges et la sous-commission des procureurs et des enquêteurs. La commission permanente est chargée de présenter des propositions relatives aux affectations et à l'évolution de carrière des juges, procureurs et enquêteurs; du fait qu'elle délibère au sein de deux sous-commissions différentes (juges et procureurs), c'est là, de l'avis du ministère, un garde-fou suffisant pour garantir une non-ingérence.
52. L'Union bulgare des juges – qui représente environ 50 % de l'ensemble des juges du pays et dont j'ai rencontré des représentants au cours ma dernière visite en septembre 2012 – considère quant à elle ce garde-fou comme insuffisant. Selon ses représentants, la création de deux sous-commissions au sein d'une commission chargée de l'évaluation des résultats, sans que soient clairement établies de différences entre leurs pouvoirs et ceux du CJS en matière de nominations, de révocations, de promotions, de rétrogradations et de discipline, ne résout en rien les problèmes actuels. Quoiqu'il en soit – affirment-ils – le travail des sous-commissions est superflu parce que les décisions juridiquement contraignantes sont prises par l'organe collectif. De plus, le comité disciplinaire du CJS, qui a compétence pour proposer des sanctions à l'encontre des juges et procureurs, n'est pas sous-divisé en deux sous-commissions spécialisées.
53. Les autorités affirment que conformément à la Constitution, le CJS est un organe collectif qui ne peut prendre de décisions qu'à la majorité prévue. Aussi est-il impossible de le diviser en deux chambres prenant des décisions séparément. Les experts juridiques de la Commission de Venise n'opposent aucun problème de principe à un conseil judiciaire unique traitant avec les trois branches du pouvoir judiciaire, pourvu que des commissions spécialisées compétentes prennent en charge les questions relatives aux différentes branches du pouvoir judiciaire, de manière à supprimer tout risque d'influence de l'une sur l'autre 
			(17) 
			Voir
CDL-AD(2008)009..
54. Concernant le quatrième problème soulevé par la Commission de Venise, je note avec satisfaction que les modifications apportées à la Constitution en 2007 stipulaient que l’immunité civile et pénale des juges, procureurs et magistrats instructeurs se limitait aux actes accomplis dans l'exercice de leurs fonctions officielles et que même alors, leur immunité ne s'étendait pas aux actes constitutifs d'une infraction grave et délibérée. La recommandation pertinente de la Résolution 1730 (2010) de l'Assemblée et les recommandations de la Commission de Venise ont donc été satisfaites.
55. Malheureusement, une autre recommandation de la Commission de Venise formulée dans son Avis de 2002 
			(18) 
			Voir CDL-AD(2002)015. concernant la suppression ou la réduction de la période probatoire de trois ans imposée aux juges, n'a pas été suivie. Les modifications constitutionnelles de 2007 l'ont même étendue à cinq ans. En principe, les périodes probatoires présentent de sérieuses difficultés du point de vue de l'indépendance du pouvoir judiciaire mais, lorsqu’elles sont prévues par la loi, elles ne doivent pas excéder le temps nécessaire pour évaluer les compétences d'un juge.
56. Ceci m'amène à un problème d'ordre plus général, soulevé par l'Union bulgare des juges et certaines organisations non gouvernementales (ONG), à propos de l'indépendance et du risque de politisation du pouvoir judiciaire. Les représentants que j'ai rencontrés lors de ma dernière visite ont particulièrement insisté sur les défaillances du système d'évaluation des juges, procureurs et magistrats instructeurs, l'absence de normes claires et cohérentes pour l'évaluation des résultats et d'autres difficultés liées à l'évolution de carrière des magistrats.
57. Ces mêmes représentants ont évoqué plusieurs nominations judiciaires manquant de la transparence et de la crédibilité requises, comme celle d'un haut fonctionnaire nommé par le CJS en novembre 2010. Une autre nomination – à la présidence du tribunal de la ville de Sofia – elle aussi décidée par le CJS, a eu lieu en mai 2011, alors que les modifications apportées à la loi sur le système judiciaire en décembre étaient déjà en vigueur. En signe de protestation, deux membres du CJS ont démissionné et critiqué les décisions de nomination déterminées à l'avance. Récemment, une nomination controversée à la Cour constitutionnelle a déclenché un scandale politique avant d’être annulée par le parlement.
58. La responsabilisation du pouvoir judiciaire est un autre grave sujet de préoccupation. L'Union des juges considère comme sujettes à controverse plusieurs affaires disciplinaires dont celle, emblématique, de la révocation de la juge Miroslava Todorova. L'inexistence de procédures disciplinaires cohérentes laisse la porte ouverte aux décisions arbitraires.
59. Avant 2007, les affaires de procédures disciplinaires à l'encontre de magistrats étaient extrêmement rares. La levée de “l'immunité totale”, recommandée par la Commission de Venise, a été une étape importante sur la voie de la responsabilisation du pouvoir judiciaire bulgare. En 2009, l'adoption du Code d'éthique a constitué une autre grande étape. Entre janvier 2007 et décembre 2011, le CJS a traité jusqu'à 179 procédures disciplinaires pour violation du Code d'éthique, qui se sont soldées par 137 sanctions, pour la plupart des blâmes et des avertissements.
60. Cependant, les procédures disciplinaires engagées pour transgression suscitent de nombreuses inquiétudes. Les critiques portent premièrement sur l'absence de cohérence des sanctions (notamment dans des affaires concernant des retards de motivation de décisions) et, deuxièmement, sur certaines affaires emblématiques dans lesquelles le parquet n'a pas engagé de poursuites pénales contre des magistrats malgré certains éléments suggérant une infraction probable. Ces failles expliquent en grande partie les doutes de l'opinion publique quant à l'indépendance du pouvoir judiciaire.
61. Ces inquiétudes sont étroitement liées aux insuffisances reprochées à la pratique judiciaire qui, jusqu'à récemment, étaient un mal chronique du système judiciaire bulgare, comme l'illustrent près de 110 décisions inappliquées de la Cour européenne des droits de l’homme relatives à la durée excessive de la procédure judiciaire et à l'absence de recours effectif. Ce problème est très fréquent dans les affaires tant administratives que civiles ou pénales. En mai 2011, la Cour a prononcé deux arrêts pilotes, Dmitrov et Hamanov c. Bulgarie et Finger c. Bulgarie, qui portaient sur l'absence systémique de recours effectifs en cas de durée excessive de la procédure pénale 
			(19) 
			Voir Doc. 12455, rapport sur l'exécution des arrêts de la Cour européenne
des droits de l’homme, commission des questions juridiques et des
droits de l'homme..
62. Les autorités affirment que beaucoup d'efforts ont été déployés pour remédier à tous ces problèmes. La loi de 2007 sur le système judiciaire a subi nombre de modifications conformes aux recommandations des experts de la Commission de Venise. La création de l'Inspection générale, organe subsidiaire du CJS, déjà mentionnée, a notamment représenté une étape importante sur la bonne voie.
63. L'inspection générale est opérationnelle depuis 2008. En décembre 2011, elle a procédé à l'inspection de tous les organes judiciaires bulgares. A la suite de ses rapports, les procédures judiciaires ont gagné en célérité et la pratique judiciaire s'est harmonisée. En outre, un rôle plus actif a été attribué aux cadres administratifs et les magistrats ont été responsabilisés, notamment grâce à des mesures disciplinaires. L'inspection générale peut agir ex officio ou sur la foi d'informations transmises par des citoyens, des organismes publics, des entités juridiques ou des organes judiciaires. Elle a toute discrétion pour planifier ses activités. Pour obtenir la majorité des deux tiers nécessaire à son élection, elle doit bénéficier du soutien d'un plus large éventail de partis politiques représentés au parlement.
64. Le CJS a cherché à assurer un suivi adéquat des recommandations de l'Inspection générale. Une commission spéciale a été constituée pour assurer l'harmonisation des pratiques disciplinaires. Toutes les recommandations sont publiées sur le site web du CJS pour conférer une meilleure visibilité aux problèmes recensés par l'Inspection générale.
65. Les modifications de 2009 ont donné à l'Inspection générale le droit de faire appel des décisions disciplinaires du CJS, ce qui a permis de mieux contrôler l'équité et l'impartialité des procédures disciplinaires.
66. En juin 2010, le gouvernement a adopté une stratégie destinée à poursuivre la réforme judiciaire. Celle-ci vise à accroître la confiance des citoyens, à améliorer la gestion et à lutter contre la corruption au sein de l'appareil judiciaire. Elle a été conçue en partenariat avec les principales organisations non gouvernementales et coordonnée avec la communauté des magistrats.
67. La même année, de nouvelles procédures de nomination et d'évaluation des magistrats ont été instaurées, notamment grâce à des commissions d'évaluation décentralisées. Le système modifié apporte de nouveaux éléments d'évaluation tels que la notation de l'intégrité des magistrats par l'Inspection du CJS, qui se base pour ce faire sur le résultat de ses inspections.
68. Les modifications les plus récentes, effectuées en 2012, sont particulièrement importantes pour la sélection des membres du CJS.
69. Plusieurs mesures ont été prises pour améliorer les pratiques judiciaires et d'enquête. J'ai déjà évoqué le travail accompli par l'Inspection générale en ce sens. D'autres mesures seront étudiées ci-après, dans le chapitre consacré à la lutte contre la corruption et le crime organisé. Il me faut également mentionner ici les modifications apportées en 2012 à la loi sur le système judiciaire, qui prévoient la création au sein de l'Inspection générale d'une unité juridique attachée au Conseil judiciaire suprême, et responsable du dédommagement des préjudices subis en raison de retards dans les poursuites judiciaires. Cette unité spécialisée est chargée d'examiner les plaintes pour longueur abusive des procédures et d'apprécier leur pertinence. La procédure prévoit aussi de faciliter l'obtention d'indemnités alignées sur celles qu'octroie la Cour européenne des droits de l’homme dans ses arrêts définitifs.
70. Pour conclure, le cadre législatif est, dans une grande mesure, déjà en place. L'élément faisant encore défaut est la mise en œuvre effective et la pleine exploitation du potentiel de la législation.
71. Le CJS est doté des pouvoirs nécessaires pour exercer efficacement ses fonctions de direction et assurer l'indépendance et la responsabilisation du pouvoir judiciaire. Il est notamment compétent en matière d'organisation du système judiciaire, de planification et d'exécution du budget, de gestion des ressources humaines, d'intégrité et de questions disciplinaires. Il dispose donc de tous les moyens voulus pour s'attaquer aux problèmes actuels que sont les disparités dans la charge de travail, les systèmes d'évaluation et de promotion, les nominations de hauts fonctionnaires effectuées par le Conseil, ainsi que les systèmes d'encouragement à l'éthique et à l'intégrité et d'application des mesures disciplinaires.
72. Malheureusement, force est de constater que jusqu'à présent, le CJS n'a pas pleinement exploité ses capacités. Il n'a pas conçu de stratégie de gestion des ressources humaines susceptible d'encourager l'indépendance et l'intégrité. Il continue d'essuyer les critiques de l'opinion publique et de l'appareil judiciaire. Pourtant, la nomination de juges extrêmement compétents et d'une intégrité au-dessus de tout soupçon grâce à des procédures transparentes est une condition préalable au succès de la mise en œuvre de la réforme judiciaire.
73. Les dernières élections au CJS, conduites en septembre 2012 conformément à la nouvelle procédure transparente, autorisent un optimisme prudent quant à son action à venir, mais il est encore trop tôt pour constater des résultats.
74. De même, selon d'aucuns, l'action de l'Inspection générale n'a pas eu d'effets déterminants sur la résolution des problèmes persistants du système judiciaire. Par exemple, elle n'a pas contribué de façon décisive à remédier à des maux systémiques tels que la répartition de la charge de travail entre les organes judiciaires, les grandes variations de taille des districts judiciaires, l'instauration de critères précis permettant d'évaluer la complexité des affaires et son incidence sur la répartition de la charge de travail. Ceci est pourtant indispensable à l'évaluation de l'efficacité des juges et, partant, à leurs perspectives professionnelles.
75. Le bien-fondé de ces critiques est confirmé par les résultats du sondage d'Eurobaromètre, qui a révélé que 92 % des Bulgares considéraient les défaillances du système judiciaire comme une question importante pour leur pays 
			(20) 
			Sondage
Eurobarometer Flash réalisé par la Commission européenne en Bulgarie
en mai 2012, voir <a href='http://ec.europa.eu/public opinion/index.en.htm'>http://ec.europa.eu/public
opinion/index.en.htm</a>.. Dans les commentaires très intéressants qu’il a faits sur le présent rapport, un membre bulgare de la commission de suivi, M. Yanaki Stoilov, qui représente l’opposition au sein du Parlement bulgare, a souligné qu’une proportion croissante de la population bulgare a le sentiment que les tribunaux risquent de céder aux pressions politiques (cette proportion est passée de 70 % en 2010 à 81 % en 2012), aux pressions économiques (65 % en 2010 et 77 % en 2012) et aux pressions de groupes criminels (62 % en 2010 et 72 % en 2012).
76. Dans sa Résolution 1730 (2010), l'Assemblée a appelé les autorités bulgares à réviser le Code pénal et le Code de procédure pénale, en concertation avec la Commission de Venise. Les rapports du MCV ont aussi régulièrement relevé que le système de justice pénale bulgare pâtissait de l'emploi d'un Code pénal archaïque. Le Code pénal actuel date de 1968, a été modifié plus de 50 fois et est considéré par de nombreux professionnels comme inadapté à la criminalité moderne.
77. Les travaux relatifs à l'élaboration d'un nouveau code pénal ont débuté en 2009. Un avant-projet de dispositions générales a été publié pour consultation en janvier 2012 et les travaux sur les dispositions spéciales se sont poursuivis. Les autorités collaborent étroitement avec le Conseil de l'Europe, comme le recommande la Résolution 1730 (2010). Durant ma dernière visite, il m'a semblé clair qu'il y avait peu de chances que l'actuel pouvoir législatif adopte le Code pénal. Il faudrait pour ce faire que le texte soit sans plus attendre envoyé au parlement, alors que des consultations avec les experts juridiques du Conseil de l'Europe sont toujours en cours.
78. Suivant un calendrier plus réaliste, le nouveau code pénal ne sera débattu et adopté que par le parlement élu en juillet 2013. Je suis convaincu – et c'est aussi l'avis de nombre de mes interlocuteurs – qu'il ne nous faut pas insister pour accélérer la rédaction du code pénal. Cet instrument juridique est trop important pour être adopté à la hâte, pour des raisons de commodité politique. Comme je l'ai dit, les experts du Conseil de l'Europe sont fortement investis dans le processus de rédaction du code.
79. Je suis persuadé que le futur code pénal répondra aux normes européennes et, en particulier, qu'il dépénalisera la diffamation et l'injure, comme le recommande la Résolution 1730 (2010).
80. Le Code de procédure pénale a été reconnu comme l'un des principaux facteurs nuisant à l'efficacité de la justice pénale en Bulgarie. Dans sa Résolution 1730 (2010), l'Assemblée a appelé les autorités bulgares à modifier le Code en vue de rationaliser les procédures pénales et d'en accroître l'efficacité. Ceci a été fait et des modifications ont été adoptées en 2010. Après l'arrêt pilote rendu par la Cour contre la Bulgarie dans une affaire de durée excessive des poursuites, d'autres modifications du Code de procédure pénale ont été introduites en novembre 2011. Je reviendrai sur ce point de manière plus détaillée dans le chapitre relatif à l'exécution des arrêts de la Cour.
81. En conclusion, il nous faut reconnaître que les progrès accomplis par la justice sont indéniables et que des mesures importantes ont été prises depuis le dernier débat à l'Assemblée, en 2010. Tout ceci a considérablement accru l'indépendance du pouvoir judiciaire en Bulgarie. De même, je n'ai aucun doute sur la volonté des autorités de poursuivre dans la bonne voie. Et je suis confiant qu’ils assureront la mise en œuvre efficace des réformes.

3.2. Lutte contre la corruption et le crime organisé

82. Il est malheureusement évident que certains dysfonctionnements du système judiciaire entravent la lutte contre la corruption. Cela fait longtemps que la forte corruption ambiante est considérée comme l'un des principaux problèmes de la Bulgarie. C'est ce que confirment les organes spécialisés du Conseil de l'Europe, les rapports MCV successifs de l'Union européenne – dont le dernier, publié en juillet 2012 – ainsi que d'autres organisations internationales. Dans son indice de perception de la corruption 2011, Transparency International a classé la Bulgarie 86e sur un total de 183 pays, avec une note de 3,3 sur une échelle de 0 (niveau de corruption élevée) à 10 (pas ou très peu de corruption). Le sondage d'Eurobaromètre a montré que 96 % des Bulgares considèrent la corruption qui sévit dans leur pays comme un fléau 
			(21) 
			CDL-AD(2002)015.  
			(22) 
			Dans ses commentaires,
M. Stoilov a attiré mon attention sur une enquête sociologique menée
par Alpha Research auprès de personnes qui avaient eu des contacts
avec l’institution judiciaire: entre 50 % et 60 % pensaient que
la corruption était présente dans les différents organes du pouvoir
judiciaire. En outre, 68 % considéraient la corruption comme le
principal problème du système judiciaire, tandis que 41 % mentionnaient
les pressions politiques..
83. En termes économiques, la corruption est très néfaste pour le climat des affaires et la compétitivité des entreprises bulgares.
84. Il faut reconnaître qu'après l'adhésion de la Bulgarie à l'Union européenne, les autorités ont redoublé d'efforts pour combattre la corruption. C'était là aussi le principal objectif politique de la majorité parlementaire arrivée au pouvoir en 2009. Depuis, la Bulgarie a mis en place de nombreux instruments devant permettre d'intenter des poursuites pour des infractions liées à la corruption (notamment grâce au renforcement de la loi sur les conflits d'intérêts, adoptée en novembre 2010) et élaboré un cadre administratif et des mesures de prévention exhaustifs. Le nouveau code pénal, actuellement en cours d'élaboration en coopération avec les experts juridiques du Conseil de l'Europe, permettra de renforcer le cadre législatif.
85. Le dernier rapport du GRECO, publié en novembre 2010, recommande toutefois de nouvelles améliorations dans la pénalisation de la corruption 
			(23) 
			Voir
GRECO Eval III Rep (2010) 7 F.. Il est en effet nécessaire de pénaliser clairement la corruption et le trafic d'influence dans toutes les situations où c'est un tiers qui profite d'un avantage indu. De plus, malgré les nouvelles dispositions de 2002, la notion d’avantage indu est dans la pratique interprétée de manière trop restrictive, c'est-à-dire comme se limitant à un avantage matériel doté d’une valeur marchande.
86. Malheureusement, les résultats obtenus prouvent que la lutte contre la corruption, notamment de haut niveau, n'a pas porté tous ses fruits. Ce manque d'efficacité est confirmé par des résultats médiocres en termes de décisions judiciaires définitives. Bien que ces dernières années aient vu une certaine augmentation du nombre de condamnations définitives dans des affaires de corruption (de 100 à 200 affaires par an), il y a eu très peu de verdicts définitifs et exécutés pour des faits de corruption de haut niveau.
87. Cette situation regrettable peut s'expliquer dans une large mesure par deux raisons principales: en premier lieu, les dysfonctionnements des procédures d'enquête et, en deuxième lieu, les insuffisances de la pratique judiciaire.
88. Concernant ces dysfonctionnements, la principale difficulté relevée par l'Union européenne est due aux faits suivants: il n'existe pas d'organismes indépendants de lutte contre la corruption, ni d'obligation de faire des propositions, d'intervenir préventivement et d'assurer la mise en place d'un suivi indépendant. Les organismes existants sont subordonnés au pouvoir exécutif et leur liberté d'action est donc limitée. Ils n'ont pas non plus les capacités requises pour mener des enquêtes financières complexes. L’étendue très limitée des inculpations est un autre problème. En 2012, l'analyse d'affaires de corruption emblématiques réalisée par les experts de la Commission européenne 
			(24) 
			Voir
COM(2011)459 définitif, Rapport sur les progrès réalisés par la
Bulgarie au titre du MCV. a révélé de graves dysfonctionnements dans la collecte de preuves et la protection des témoins, ainsi qu'une absence généralisée de stratégies d'enquête, d'enquêtes financières exhaustives et de protection des biens. La coordination au sein du parquet et entre le parquet et la police n'était pas non plus satisfaisante.
89. Dans l'espoir de remédier à cette situation, des unités distinctes de lutte contre la corruption ont été créées au sein du parquet. En 2012, des équipes communes d'enquête, composées de magistrats et de policiers pour combattre la corruption de haut niveau, ont été constituées. Une formation spécialisée a été proposée. Un réseau spécialisé interne de procureurs ayant pour but la lutte contre la corruption a été créé et une coopération systématique avec l'Union européenne en matière d'assistance technique (que ce soit par l'intermédiaire de projets bilatéraux ou financés par l'Union européenne) a été instaurée. Mais il est encore trop tôt pour apprécier les répercussions de ces mesures sur la qualité des enquêtes.
90. La pratique judiciaire est un autre point préoccupant. Elle est permissive et excessivement prudente et attentive aux procédures, et ce au détriment de l'administration de la justice. Par ailleurs, beaucoup d'affaires emblématiques ont été entachées de vices de procédure. Plusieurs acquittements dans des affaires de corruption de haut niveau, de fraude et de crime organisé ont révélé de sérieuses défaillances dans la pratique judiciaire bulgare.
91. Nous regrettons que ces affaires n'aient pas été analysées ou suivies comme il se devait par le sommet de la hiérarchie judiciaire, à savoir le Conseil judiciaire suprême, le Procureur général et le Président de la Cour suprême de cassation. Des retards aussi importants qu'injustifiés dans les procédures sont également très préjudiciables. Cette situation plus qu'insatisfaisante est très bien illustrée par certaines affaires emblématiques de détournements de fonds de l'Union européenne. Le pouvoir judiciaire s'est montré particulièrement timoré dans ses enquêtes pour présomption de corruption et d'abus de pouvoir, diligentées contre des magistrats.
92. On peut malgré tout noter quelques progrès dans la lutte contre la corruption. Ces cinq dernières années, la Bulgarie a adopté des stratégies et plans d'action anti-corruption, mis en œuvre avec l'aide de plusieurs organismes publics. L'engagement bien plus profond de la société civile dans la lutte contre la corruption est sans conteste une évolution positive. Au fil des ans, la société civile se montre en effet de plus en plus active et mieux à même de suivre la situation en tirant si nécessaire le système d'alarme.
93. Comme mentionné plus haut, les modifications du Code de procédure pénale introduites en 2010 et un suivi rigoureux des affaires de haut niveau par le CJS ont eu des retombées positives sur la pratique judiciaire. La réforme des structures judiciaires s'occupant des affaires de crime organisé est une étape importante dans la bonne direction. Un tribunal pénal et un parquet spécialisés ont été créés en janvier 2012.
94. En outre, depuis le dernier débat de l'Assemblée, en 2010, les autorités bulgares ont entrepris de multiplier les confiscations de biens d'origine criminelle, conformément aux recommandations du Conseil de l'Europe et de l'Union européenne. Une nouvelle loi a été élaborée en coopération avec la Commission de Venise, mais elle a été rejetée par le parlement en juillet 2011. A la demande des autorités bulgares, la Commission de Venise a formulé des avis sur plusieurs projets de loi.
95. Enfin, une version révisée du projet de loi relative à la confiscation au profit de l'Etat de biens acquis par l'exercice d'activités criminelles a été adoptée en mai 2012. Elle a introduit la notion de confiscation civile en l'absence de condamnation et ainsi permis à l'Etat de récupérer non seulement les biens provenant d'activités criminelles mais aussi tous les biens «acquis de manière illicite», et ce même en l'absence de condamnation pénale.
96. Sous sa forme définitive, la loi a été édulcorée pour faciliter son passage devant le parlement. C'est pourquoi son degré d'efficacité dépendra en grande partie de la façon dont la Commission pour la confiscation des biens acquis de manière illicite – un nouvel organisme indépendant – décidera de la mettre en œuvre.
97. Les faiblesses du système de marchés publics sont considérées comme étant à l'origine de nombreux faits de corruption. La Bulgarie a amélioré sa législation en la matière grâce à l'introduction en 2011 et 2012 de changements dans la loi pertinente. Il est aujourd'hui fondamental que ces changements soient pleinement appliqués.
98. En novembre 2010, la Bulgarie a adopté une loi renforcée sur les conflits d'intérêts. Malheureusement, la commission responsable n'a été créée qu'en juin 2011 et, pendant plus d'un an, la loi n'a pas été correctement appliquée. Aussi, au début de l'année 2011, des allégations de conflits d'intérêts dans une importante affaire impliquant un haut magistrat n'ont pas bénéficié du suivi voulu.
99. Il faut dans ce contexte sonner l'alarme concernant les lacunes constatées dans les déclarations et vérifications des biens des responsables politiques, magistrats et hauts fonctionnaires. Le système actuel souffre de nombreux dysfonctionnements. Premièrement, les déclarations portent sur la situation bancaire au 31 décembre de chaque année et n'incluent pas les soldes ou mouvements maximum de l'année. Deuxièmement, la valeur déclarée des biens immobiliers peut ne pas correspondre à la valeur réelle et n'est pas vérifiée. De plus, il n'y a ni définition de priorités quant au contrôle de certaines catégories de fonctionnaires, ni procédure d'enquête dans les cas suspects. Les partenaires non mariés des personnes concernées ne sont pas tenus de déclarer leurs biens. De manière plus générale, les fausses déclarations ne sont pas sanctionnées efficacement et les contradictions ne sont pas analysées. Ceci est d'autant plus regrettable qu'un bon système de déclarations et de vérifications des biens peut se révéler très utile pour prévenir la corruption.
100. La lutte contre la corruption est étroitement liée à la lutte contre le crime organisé et les points faibles de la première se répercutent nécessairement sur la seconde. Le crime organisé reste pour la Bulgarie un grand défi à relever. Selon Europol, des groupes criminels organisés bulgares sont actifs partout en Europe et «se spécialisent» surtout dans la traite d'êtres humains et la fraude aux cartes bancaires. 
			(25) 
			Dans ses commentaires,
M. Stoilov a attiré mon attention sur le fait que, selon les estimations
d’Europol, le chiffre d’affaires du crime organisé représente 5 %
du produit intérieur brut (PIB) bulgare.
101. En décembre 2011, le Groupe d'experts sur la lutte contre la traite des êtres humains (GRETA) – l'organe du Conseil de l'Europe spécialisé dans la lutte contre la traite des êtres humains – a publié un rapport sur la Bulgarie 
			(26) 
			Voir GRETA(2011)19., dans lequel il concluait que les cadres juridique et institutionnel étaient tous deux une base adéquate pour s'attaquer à ce fléau.
102. Là encore, comme dans la lutte contre la corruption, les principales inquiétudes portent sur les insuffisances des enquêtes pénales et de la pratique judiciaire. Des acquittements contestables, de fréquents renvois d'affaires devant le parquet par les juridictions, ainsi que des ajournements pour des raisons sujettes à caution – par exemple, une absence maladie non justifiée – illustrent bien ces insuffisances. Le nombre restreint de jugements définitifs en est la meilleure démonstration.
103. Il convient néanmoins de noter que de nombreuses affaires passent aujourd'hui en justice et devraient être jugées d'ici fin 2012. Un tribunal spécialisé établi plus tôt dans l'année devrait contribuer à améliorer encore la situation. Conséquence de la création d'unités spécialisées au sein des parquets, des progrès notables ont été accomplis dans le sens de la réduction du nombre d'affaires renvoyées du parquet aux services de police, de la réduction de la durée des poursuites et d'une meilleure qualité des enquêtes.
104. Des modifications de la loi relative au ministère de l'Intérieur en 2009 et 2010 ont donné lieu à des changements institutionnels au sein de ce ministère, en influant tant sur la qualité que sur la rapidité de la phase d'instruction. Le nombre d'enquêteurs de police a beaucoup augmenté (passant de 2 000 à 8 000). La formation a été renforcée et une structure policière indépendante a également été créée.
105. Pour conclure, nous pouvons dire qu'il reste beaucoup à faire, notamment en ce qui concerne la mise en œuvre intégrale de la législation en vigueur et l'analyse indépendante des affaires n'ayant pas été portées en justice. Le Conseil judiciaire suprême devra témoigner d'une volonté ferme de réforme en appliquant les nouvelles lois dans la pratique afin d'améliorer la gestion des instances judiciaires en étroite collaboration avec le ministère de la Justice, les associations professionnelles et la société civile.
106. Une formation plus spécialisée est indispensable. Elle devrait être axée en particulier sur le renforcement des moyens d'enquête nécessaires pour combattre efficacement la corruption et le crime organisé, notamment dans le cas d'enquêtes économiques et financières complexes.
107. Dans son dernier rapport de suivi, la Commission européenne a décidé de ne pas clore la procédure de suivi. Elle a formulé plusieurs recommandations et s'assurera de leur exécution fin 2013. Pour sa part, le GRECO a adressé aux autorités 20 recommandations dont la mise en œuvre sera évaluée plus tard dans le courant de l'année. Dans leurs commentaires sur le présent rapport, les autorités m’ont informé que plusieurs mesures avaient été adoptées récemment pour remédier aux insuffisances de la procédure d’enquête et pour combattre la traite des êtres humains. Je suis persuadé qu’elles contribueront à améliorer la situation dans ce domaine.

3.3. Atteintes commises par les forces de l'ordre

108. Le dernier rapport sur le dialogue post-suivi, présenté par mon prédécesseur en 2010, soulevait la question d'atteintes aux droits de l'homme – en particulier des brutalités et des mauvais traitements – commises par les forces de l'ordre. Il appelait les autorités bulgares à mettre en place une formation systématique aux droits de l'homme, notamment à l'académie de police et dans les écoles d'officiers, et à prendre des mesures concrètes pour éradiquer l'impunité et l'absence de chaîne de responsabilités pour ces faits.
109. La non-exécution de décisions de justice dans 25 affaires relatives à des décès et des mauvais traitements infligés à des personnes placées sous la responsabilité de fonctionnaires de police, ainsi que l'absence ultérieure d'enquêtes efficaces sur ces abus, ont été l'une des raisons pour lesquelles la Bulgarie a été qualifiée d'Etat souffrant de «problèmes structurels majeurs» à l'origine de violations répétées de la Convention européenne des droits de l'homme et de «retards extrêmement préoccupants» dans l'exécution des arrêts de la Cour (voir le rapport de M. Pourgourides 
			(27) 
			Doc. 12455. présenté par la commission des questions juridiques et des droits de l'homme).
110. Le groupe d'affaires Velikova c. Bulgarie associe 19 affaires de décès et de mauvais traitements et l'arrêt Nachova et autres c. Bulgarie regroupe six affaires relatives à un recours excessif aux armes à feu. Dans la plupart de ces affaires, le manquement de l'Etat à mener des enquêtes effectives a été constaté.
111. Je suis heureux de pouvoir témoigner d'un certain nombre d'avancées en ce sens. Tout d'abord, au niveau de la législation, une modification de la loi relative au ministère de l'Intérieur sur le recours aux armes, adoptée en mai 2012, est un grand pas en avant. Elle contient d'importantes dispositions réglementant et limitant l'usage de la force, ainsi que d'autres instruments – matraques, menottes, pistolets paralysants et armes.
112. Une commission permanente des droits de l'homme et de l'éthique des forces de police a été créée au sein du ministère de l'Intérieur pour s'occuper notamment de la mise en œuvre et de la diffusion des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme. Cette commission supervise également plusieurs projets (comme le «suivi civil de la police») et des programmes de formation.
113. Le Code d'éthique des agents de la fonction publique a été adopté par le ministère de l'Intérieur. Toute violation de ses dispositions est érigée en infraction disciplinaire. Le contrôle de la mise en œuvre du Code est assuré par l'Inspection générale et la direction des ressources humaines du ministère, ainsi que par la commission permanente des droits de l'homme et de l'éthique des forces de police. Les données suivantes, fournies par les autorités, illustrent l'efficacité de ces mesures: entre le 1er janvier et le 15 août 2012, 22 plaintes ont été déposées pour emploi inconsidéré d'armes ou d'accessoires – matraques, menottes, etc. – et de la force physique, ou pour d'autres maltraitances. A la suite d'enquêtes et de procédures disciplinaires, 14 employés ont encouru diverses mesures disciplinaires.
114. Des stages de formation spécialisés sont proposés aux employés autorisés à recourir à la force dans l'exercice de leurs fonctions. Une formation est également organisée au ministère de la Justice, dans le cadre de projets communs de l’Union européenne.
115. Je souhaiterais aussi mettre l'accent sur l'introduction dans le Code pénal de modifications qui élargissent la notion d'infraction grave à toute infraction à «motivation raciste ou xénophobe». La Bulgarie poursuit par ailleurs sa réforme de la police.
116. Cependant, selon le Comité des Ministres du Conseil de l'Europe, qui a compétence pour superviser l’exécution des arrêts de la Cour, d'autres progrès sont encore requis. Il faudrait en particulier procéder à une enquête sérieuse sur chaque affaire, mettre en œuvre des garanties procédurales pendant la garde à vue, promouvoir des mécanismes de suivi de la société civile, et mettre sur pied une formation continue, ainsi que des mesures de sensibilisation. Dans leurs commentaires, les autorités ont souligné que, à la suite des mesures prises, le nombre de plaintes pour comportements répréhensibles dirigées contre la police avait diminué ces dernières années.
117. Plus tôt cette année, le CPT a publié un rapport sur sa visite en Bulgarie, au mois d'octobre 2010 
			(28) 
			Voir document CPT/Inf(2012)9.. Le CPT s'est félicité d'une instruction visant à la création de locaux de police spéciaux, équipés du matériel nécessaire à l'enregistrement électronique intégral des interrogatoires. Il a toutefois recommandé la formation des agents de police à des techniques d'entretien acceptables, la rédaction d'un code de conduite pour les interrogatoires et des améliorations dans la détection et la déclaration des blessures aux autorités compétentes.

3.4. Mise en œuvre des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme

118. Le nombre d'affaires pendantes devant le Comité des Ministres au 31 décembre 2011 était de 344 dont 228 affaires «clones». Si nous comparons ces chiffres à ceux de l'année 2010, nous pouvons constater certains progrès. Néanmoins, dans son rapport périodique sur l'exécution des arrêts de la Cour, la commission des questions juridiques et des droits de l'homme a inclus la Bulgarie dans un groupe de neuf Etats où des problèmes structurels majeurs engendrent des retards extrêmement préoccupants 
			(29) 
			Voir Doc. 12455..
119. Les principaux écueils contrariant l'exécution des arrêts de la Cour sont de trois ordres: les décès et mauvais traitements infligés à des personnes placées sous la responsabilité de fonctionnaires de police et l'absence ultérieure d'enquêtes efficaces sur ces abus; la durée excessive des procédures judiciaires et l'absence de recours effectifs; les violations du droit au respect de la vie familiale dues aux expulsions/ordonnances de quitter le territoire.
120. Le premier écueil a été traité dans le chapitre précédent. J'ai abordé le second – la durée excessive des procédures judiciaires et l'absence de recours effectifs – sous le titre «Fonctionnement de l'appareil judiciaire» du présent rapport. Quant au troisième écueil, il sera examiné dans le chapitre relatif aux minorités. Je note avec satisfaction que des évolutions positives peuvent être observées concernant tous ces sujets de préoccupation.
121. En outre, dans sa Résolution 1730 (2010), l'Assemblée parlementaire a adressé aux autorités bulgares une recommandation les invitant à instaurer, au sein de l'Assemblée nationale, des mécanismes et procédures spécifiques pour un contrôle parlementaire effectif de l'exécution des arrêts de la Cour, fondé sur des rapports réguliers des ministres responsables.
122. Je suis heureux de constater qu'en septembre 2012, l'Assemblée nationale a adopté une loi prévoyant d'instaurer une obligation contraignant le gouvernement à présenter au parlement un rapport annuel sur le nombre et la nature des arrêts, ainsi que des informations sur la mise en œuvre des arrêts de la Cour.

3.5. Indépendance des médias

123. Selon les évaluations menées par des organisations internationales telles que Reporters sans frontières et Freedom House, la liberté des médias bulgares n'a cessé de se réduire ces dernières années. En 2010, le pays occupait la 70e place et, un an après, la 80e place du classement mondial de la liberté de la presse, publié chaque année par Reporters sans frontières, après l'Arménie (77e place) ou la Bosnie-Herzégovine (58e place).
124. Bien que les marchés de la presse et des médias électroniques ne soient pas les mêmes, leur problème commun est la centralisation des médias, lesquels sont contrôlés par quelques centres de pouvoir. La baisse des revenus publicitaires, amorcée à la fin des années 2000 en raison du ralentissement économique général qui a touché la Bulgarie en 2009, a aussi contribué à la consolidation du marché des médias, notamment dans le secteur de la presse écrite, ainsi qu'à la récente vague de retraits de certains investisseurs étrangers 
			(30) 
			Voir «Un rapport par
pays pour le projet financé par l'ERC sur les médias et la démocratie
en Europe centrale et orientale», Vaclav Stetka..
125. Le cas le plus frappant est celui du Nouveau groupe bulgare des médias, qui contrôle plusieurs quotidiens et hebdomadaires, ainsi que des chaînes de télévision par câble. Les relations du groupe avec les mondes de la politique et de la finance n'ont rien de transparent. Selon certaines allégations, des entreprises publiques ou sous contrôle de l'Etat ont effectué de très gros versements à la banque contrôlée par le groupe. A ma demande, les autorités m'ont fait part de leur position vis-à-vis de ces allégations. Selon elles, il n'existe pas de preuves d'un lien quelconque entre l'argent versé et le groupe.
126. Les campagnes électorales – parlementaire en 2009 et présidentielle en 2011 – ont mis en lumière des défauts structurels dans la liberté des médias en Bulgarie, qu'illustrent parfaitement les «informations sur commande», fournies sans indication pertinente, un pluralisme des plus restreints et le manque de transparence de la couverture médiatique des campagnes. Ces conclusions figuraient dans les rapports des commissions ad hoc chargées d'observer les élections et dans le rapport de l'OSCE accompagné des recommandations 
			(31) 
			Voir OSCE/BIDDH, rapports
finaux sur les élections législatives (5 juillet 2009) et les élections
présidentielles et municipales (23-30 octobre 2011)..
127. En octobre 2010, le Parlement a adopté un nouveau projet de loi obligeant les médias de la presse écrite à divulguer l'identité de leurs véritables propriétaires. En revanche, il n'existe pas de semblable disposition pour les médias audiovisuels.
128. Malgré l'absence en Bulgarie d'un système officiel de subventions à la presse, le subventionnement indirect via la publicité d'Etat est généralement considéré comme préjudiciable à l'indépendance des médias.
129. La radiodiffusion du service public est davantage assimilée à une «télévision d'Etat» qu'à une «télévision publique»; principalement parce qu'elle est directement financée par le budget de l'Etat, et non par un système de redevance. La disposition pertinente de la loi sur la radio et la télévision (1998), qui prévoit clairement l'instauration d'une redevance, n'a jamais été appliquée. L'indépendance éditoriale de la radiodiffusion est sujette à caution, bien qu'on ne puisse comparer la situation actuelle à celle du début des années 1990, lorsque le changement de directeur de la télévision nationale bulgare et de son équipe coïncidait avec le changement de gouvernement.
130. La nomination des membres d'une autorité de régulation du secteur de la radiodiffusion commerciale et publique, c'est-à-dire le Conseil des médias électroniques, qui est notamment chargé de la délivrance des redevances, est purement politique et se décide entre le parlement et le Président.
131. L'actuel Code pénal érige en infractions la diffamation et l'injure. La loi prévoit uniquement des sanctions pécuniaires et exclut l'emprisonnement. Cependant, la sanction donne lieu à l'ouverture d'un casier judiciaire, ce qui peut avoir des conséquences importantes sur la vie professionnelle et privée des personnes concernées.
132. Dans de récents arrêts – Kasabova c. Bulgarie (Requête n° 22385/03) et Bozhkov c. Bulgarie (Requête n° 3316/04) (jugés coupables de diffamation et contraints à verser d'énormes indemnités pour leurs déclarations publiées dans la presse bulgare visant quatre experts administratifs impliqués dans la procédure d'admission d'écoles secondaires spécialisées à Burgas) – la Cour a pu constater une violation de l'article 10 (liberté d’expression et d’information) par la Bulgarie.
133. La recommandation des Résolutions 1211 (2000) et 1730 (2010) était la suivante: «les sanctions contre les journalistes devraient être décriminalisées et les dédommagements limités à un montant raisonnable, étant entendu que les journalistes devraient s’en tenir au principe du respect de la vie privée, conformément à l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme». L'Assemblée appelait par conséquent les autorités bulgares à modifier les articles 146 à 148 du Code pénal pour dépénaliser la diffamation et l’injure. Je suis convaincu que le nouveau code pénal qui est en cours d'élaboration en coopération avec les experts juridiques du Conseil de l'Europe respectera les normes européennes en la matière.

3.6. Droits des populations appartenant à des minorités

134. Selon le recensement réalisé en 2011, la Bulgarie comptait 7,3 millions d’habitants, dont 5,6 millions de Bulgares (84,8 % de la population), 588 000 Turcs (8,8 %) et 325 000 Roms (4,6 %), le reste de la population se composant de Russes, d'Arméniens, de Valaques, de Macédoniens, de Grecs, d'Ukrainiens, de Juifs et autres (soit 49 000 personnes, c'est-à-dire 0,7 % de la population). D'après des sources non gouvernementales, il y aurait quelque 700 000 Roms en Bulgarie. Selon les autorités, ce large écart avec les résultats du recensement est dû au fait que de nombreux Roms se considèrent comme des Bulgares ou des Turcs.
135. La Bulgarie a ratifié la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales en 1999 et, depuis lors, elle est comme tous les autres signataires soumise au mécanisme de suivi de la convention. Le rapport le plus récent sur la mise en œuvre de la convention a été publié en janvier 2012 
			(32) 
			Voir document FCNM/II(2012)001.. Il a constaté plusieurs évolutions positives en matière de protection des minorités, tout en pointant plusieurs écueils persistants. Globalement, la situation paraît satisfaisante.
136. Le cadre juridique et institutionnel de la protection des minorités a été établi par l'adoption, en 2004, de la loi relative à la protection contre la discrimination et par la création, en 2005, d'une commission pour la protection contre les discriminations, chargée de la mise en œuvre de la loi.
137. La commission recueille les plaintes des particuliers, prend des décisions sur les violations constatées, publie des instructions contraignantes sur la mise en œuvre de la législation anti-discrimination, énonce les mesures à prendre pour mettre fin aux violations répétées et inflige des amendes pécuniaires. Dans son rapport de 2010 sur la Bulgarie 
			(33) 
			Voir
document CommDH(2010)1., le commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe a salué le travail de la commission qui, selon son appréciation, s'acquitte dûment de son rôle de protection, et a observé que la société civile bulgare considérait la mise en œuvre de la loi relative à la protection contre la discrimination comme un succès.
138. Le Conseil national de coopération sur les questions ethniques et démographiques, placé sous l’autorité du Conseil des ministres, est le principal organe national de consultation et de coordination pour les politiques étatiques relatives aux membres des minorités ethniques, religieuses et linguistiques. De nombreuses ONG et associations minoritaires y sont représentées. Là encore, dans son rapport de 2010 sur la Bulgarie, le commissaire aux droits de l'homme s'est félicité du travail accompli par le Conseil. Il a toutefois recommandé aux autorités de réfléchir plus avant à la composition et à la structure du Conseil, pour permettre à toutes les minorités d'y être représentées, et aux ONG d'être sélectionnées sur la base de critères précis, conformément aux bonnes pratiques administratives. Alors qu’en 2010 l’on comptait 28 ONG représentées au Conseil, elles étaient 44 en 2012. Jusqu'à présent, malheureusement, les Bulgares d'origine macédonienne et les musulmans bulgarophones (Pomaks) ne sont toujours pas représentés au Conseil. Selon les informations reçues des autorités, ils n’ont pas déposé de demande de représentation.
139. La coopération entre les autorités et les organisations représentant des minorités nationales, notamment par l'intermédiaire du Conseil national, s'est considérablement développée au cours des dernières années.
140. Des membres de minorités nationales continuent de prendre une part active à la vie politique bulgare (Mouvement des droits et libertés).
141. Ces dernières années, les autorités ont conçu plusieurs programmes et stratégies visant à assurer la mise en œuvre du Plan d'action national 2005-2015 sur l'intégration des Roms.
142. En dépit de ces efforts et succès indéniables, certaines préoccupations subsistent. On peut ainsi constater des difficultés dans la mise en œuvre de certaines dispositions de la convention-cadre, concernant notamment le champ d'application personnel de la convention-cadre, en raison de la non-reconnaissance de l'existence des minorités pomake et macédonienne en Bulgarie. Toutefois, la reconnaissance par l'Etat du statut de minorité n'est pas indispensable pour bénéficier de la protection de la Convention-cadre. C'est pourquoi les autorités doivent être instamment invitées à engager le dialogue avec les personnes appartenant à des groupes intéressés par la protection qu'offre la Convention-cadre.
143. Dans leurs commentaires, les autorités ont attiré mon attention sur la Résolution CM/ResCMN(2012)2 sur la mise en œuvre de la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales par la Bulgarie, qui reconnaît que les autorités bulgares ont adopté une approche inclusive en ce qui concerne le champ d’application personnel de la Convention-cadre.
144. En outre, malgré les nombreux programmes visant à améliorer le statut socio-économique et l'intégration sociale des Roms, la population rom demeure en butte à des discriminations et ses membres sont fréquemment victimes de d'infractions à caractère raciste. J'ai déjà mentionné ci-dessus 
			(34) 
			Voir
chapitre 2, «Contexte politique». de regrettables actes de violence commis à leur encontre en 2011.
145. Dans son dernier rapport sur la Bulgarie, le commissaire aux droits de l'homme évoque certaines préoccupations quant aux droits humains des Roms. L'accès à un logement correct n'est pas facile pour les Roms, qui vivent dans des conditions déplorables. Les expulsions forcées demeurent un problème. De même, l'accès aux droits sociaux – dont les soins de santé et l'emploi – reste plus difficile pour les Roms que pour les autres groupes de la population. Dans ce contexte, l'éducation est d'une importance capitale.
146. Les familles roms demeurent victimes de campagnes organisées non seulement par des particuliers, mais aussi par les autorités. Dans la ville de Maglizh par exemple, 30 maisons de familles roms ont été rasées par d’énormes véhicules de chantier sans préavis. A Katuniza, une campagne de haine avec pour slogan «les Roms hors de la ville», à laquelle se sont ajoutés des incendies criminels, a été menée par des extrémistes de droite et des hooligans. Dans ces deux cas, les autorités n’ont guère réagi. De plus, les services de police n’ont pas toujours été très actifs, comme en témoigne par exemple l’absence de cordon sanitaire pour prévenir une campagne publique agressive d’un parti politique exigeant la peine de mort pour les Roms et les Sintis. L’administration et les services de police doivent montrer clairement qu’ils luttent contre toute forme de racisme face à une large minorité rom qu’ils doivent protéger conformément aux normes et aux conventions européennes.
147. Dans la dernière résolution sur la Bulgarie, l'Assemblée a demandé aux autorités de condamner publiquement le discours de haine de certains responsables politiques à l’encontre des minorités et de prendre des mesures concrètes pour favoriser la tolérance et le respect mutuel, encourager les responsables politiques à adopter un comportement exemplaire à cet égard et bannir les propos ouvertement racistes.
148. J'ai évoqué plus haut l'agression déplorable de musulmans rassemblés pour prier, commise devant la principale mosquée de Sofia en mai 2011. Il nous faut saluer la réaction des instances politiques, dont le Premier ministre et le parlement, qui ont unanimement condamné ces violences.
149. Il convient également de noter que les modifications du Code pénal adoptées en avril 2011 ont établi la possibilité d'une peine d'incarcération d'un à quatre ans pour les écrivains et journalistes qui incitent à la haine, à la discrimination et à la violence. En 2011, un mémorandum d'entente a été signé entre le ministère de l'Intérieur et l'OSCE/BIDDH sur les problèmes et délits provoqués par la haine. Des formations et programmes de coopération spécialisés en la matière ont été lancés.
150. Le nombre insuffisant de programmes télévision et radio actuellement diffusés dans les langues des minorités est un autre écueil. En outre, d'après le deuxième avis du Comité consultatif de la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales sur la Bulgarie, l’usage des langues minoritaires – dans les indications topographiques comme dans les rapports avec les autorités administratives – n'a pas évolué dans ce pays depuis le premier cycle de suivi, en 2004 
			(35) 
			Dans leurs commentaires,
les autorités bulgares ont fait remarquer que la convention-cadre
n’impose pas aux autorités l’obligation de garantir la diffusion
d’informations dans les langues minoritaires par les médias nationaux;
les autorités sont uniquement tenues d’empêcher toute discrimination
dans l’accès aux médias..
151. Je souhaiterais rappeler ici que dans sa dernière résolution sur la Bulgarie, l'Assemblée a appelé les autorités à signer et ratifier la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires (STE n° 148). La Bulgarie ne s'est pas encore exécutée mais, durant ma dernière visite, j'ai soulevé la question avec plusieurs interlocuteurs, notamment au ministère des Affaires étrangères; à ma grande satisfaction, j'ai appris que des discussions étaient en cours entre le ministère et le secrétariat de la Convention, en vue de définir des modalités qui permettraient à la Bulgarie de signer et ratifier la Charte sans plus attendre.
152. L'un des engagements contractés par la Bulgarie au moment de l'adhésion était d'examiner les plaintes des anciens détenus de l’île de Béléné, conformément à la loi bulgare relative à la réhabilitation politique et civique des victimes de la répression pendant le régime totalitaire. Pendant de nombreuses années, les membres de la minorité musulmane ayant été internés de force dans le camp de l'île de Béléné ont tenté d'obtenir des dommages et intérêts. Le 11 janvier 2012, le Parlement bulgare a adopté une déclaration condamnant le processus d'assimilation imposé à la minorité musulmane, y compris ce qu'il est convenu d'appeler le «processus de régénération», et enjoint le procureur général et les autorités judiciaires de veiller à ce que les actions judiciaires intentées contre les cerveaux présumés de la campagne soient enfin menées à leur terme. Voici qui devrait permettre de progresser sur les questions relatives aux victimes de ces pratiques. Les membres de cette minorité qui ont été internés dans le camp de l'île de Béléné demandent toujours réparation.
153. Lors de l'adhésion, les autorités bulgares se sont engagées à trouver rapidement, en coopération avec les autorités turques, une solution aux problèmes en suspens concernant les pensions des personnes qui ont été forcées à émigrer en Turquie en 1989. L'accord, signé en 1999 entre la Bulgarie et la Turquie, est le texte sur lequel repose le versement de pensions. J'ai reçu des informations détaillées sur la mise en œuvre de cet accord. Pourtant, la question des droits à pension des personnes d'origine turque vivant en Turquie du fait du «processus de régénération» n'est dans de nombreux cas toujours pas résolue, les primes versées et le temps passé en Bulgarie n'étant toujours pas pris en compte. De nombreuses victimes étant aujourd'hui âgées, il est urgent de trouver une solution.

3.7. Code électoral

154. La Résolution 1730 (2010) appelait les autorités bulgares à se concerter avec la Commission de Venise dans l'optique de réviser le Code électoral. La mission d'observation de l'Assemblée ayant couvert les élections législatives de 2009 a conclu à certaines lacunes juridiques dans la législation électorale – notamment concernant le financement des partis, l'utilisation des moyens publics, la divulgation des données financières dans le cadre de la campagne électorale – et à la nécessité de mettre en place des mécanismes d'application efficaces, de constituer une commission électorale centrale permanente et d'améliorer l'accès aux médias. De plus, dans son dernier rapport sur la Bulgarie, publié en 2010, le GRECO a formulé plusieurs recommandations relatives à la réglementation juridique du financement des partis et à l'utilisation de moyens publics pendant les campagnes électorales.
155. La plupart de ces recommandations ont été prises en compte dans un nouveau Code électoral adopté par le parlement le 19 janvier 2011. Ont notamment été incluses des recommandations du GRECO portant sur la nécessité de règles précises pour la collecte de fonds, les dons, l'utilisation des moyens publics, la transparence et le renforcement de la responsabilisation, l'établissement de rapports, les contrôles et les sanctions éventuelles.
156. La Commission de Venise, qui a rendu son avis juridique sur le Code électoral 
			(36) 
			CDL-AD(2011)013., a fait l'éloge de ses bases juridiques solides et de sa grande qualité. Elle a néanmoins relevé la possibilité d'autres améliorations dans des domaines où la confiance de la population est plus que nécessaire, les sensibilités pouvant être exacerbées. Ceci vaut particulièrement pour les éventuelles procédures de contestation des décisions et actions des commissions électorales et les résultats des élections. La Commission de Venise a en outre suggéré des améliorations des modalités juridiques dans des domaines touchant aux minorités (comme l'utilisation de la langue maternelle pendant la campagne), des dispositions régissant la couverture des campagnes dans les médias, de la possibilité de recompter les bulletins de vote, ainsi que de la définition des droits et responsabilités des observateurs.
157. Les élections présidentielles d'octobre 2011 se sont déroulées selon le nouveau Code électoral. Les observateurs internationaux ont reconnu que c'était là un net pas en avant. Ils ont toutefois encore identifié certains obstacles à surmonter avant de parvenir à l'égalité d'accès aux médias pour tous les candidats, à l'instauration de conditions égalitaires pour tous les concernés, à une différentiation plus nette des médias entre publicité éditoriale et publicité politique payante, à une plus grande transparence des travaux de la commission électorale centrale, et à l'amélioration des dispositifs de vote depuis l'étranger.
158. J'invite les autorités bulgares à remédier à ces problèmes à temps pour les prochaines élections qui auront lieu à l'été 2013.

3.8. Démocratie locale et régionale

159. La Bulgarie a signé et ratifié la Charte européenne de l’autonomie locale (STE n° 122) en 1995 et depuis, comme tous les autres signataires, elle est soumise à la procédure de suivi du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l'Europe pour ce qui concerne sa mise en œuvre. Le dernier rapport du Congrès a été présenté en septembre 2011 
			(37) 
			Voir document CG(21)14..
160. Le Congrès a noté avec satisfaction que la Bulgarie respecte globalement les dispositions telles qu'énoncées dans la charte, et que la démocratie locale a fait de grands progrès depuis le précédent rapport du Congrès, rédigé en 1998. Le Congrès a estimé que les juridictions nationales bulgares avaient réservé à la charte un accueil satisfaisant.
161. Dans sa Résolution 1211(2000), l'Assemblée a émis l'opinion que les 28 districts nouvellement créés devraient être dotés de conseils directement élus, dans l’esprit de la charte. Ceci n'a pas été fait: les 28 districts ou régions (oblasts) comme les appelle le Congrès dans son rapport, n'ont toujours pas de conseils directement élus.
162. Quoiqu'il en soit, le rapport conclut qu'il est envisagé de créer un niveau régional. S'il est vrai que les lois en vigueur respectent les principes de la Charte européenne de l’autonomie locale, les autorités ont engagé un dialogue avec le Congrès sur la clarification des stratégies régionales du Gouvernement bulgare.

4. Conclusions

163. Dans le présent rapport, j’ai essayé d’évaluer la situation en Bulgarie et les principaux faits nouveaux concernant le respect des obligations et engagements de ce pays; je me suis aussi employé à faire une analyse et un bilan global des progrès réalisés depuis l’ouverture du dialogue post-suivi, en 2000, et notamment depuis la présentation du dernier rapport sur ce pays, en 2010.
164. Je me réjouis des progrès accomplis par la Bulgarie en ce qui concerne la mise en œuvre des recommandations de l’Assemblée et, plus généralement, l’intégration réussie de normes démocratiques dans la législation interne. Il convient notamment de saluer la mise en place d’un cadre juridique pour le système judiciaire et l’élaboration d’outils de lutte contre la corruption et contre le crime organisé. Une administration et un système judiciaire impartiaux, indépendants, efficaces et libérés de la corruption sont indispensables au bon fonctionnement des institutions démocratiques et de l’ensemble des processus démocratiques.
165. Il convient aussi de noter les progrès accomplis dans d’autres domaines fondamentaux, tels que l’éradication des atteintes commises par les forces de l’ordre ou la mise en œuvre des arrêts de la Cour européenne des droits de l'homme.
166. Toutefois, la Bulgarie doit encore relever plusieurs défis importants. La mise en œuvre doit se poursuivre. Il est nécessaire de pérenniser les améliorations apportées à l’ordre juridique et au système judiciaire. Cela suppose la participation active et coordonnée de tous les acteurs concernés, ainsi qu’un large soutien et une véritable volonté politiques.
167. Le Gouvernement bulgare a montré sa détermination et son engagement à poursuivre le processus de réforme. Il faut reconnaître que, aux moments clés, les autorités bulgares ont manifesté une ferme volonté politique de persévérer dans la voie de la démocratisation afin d’inscrire les réformes dans la durée. Cette volonté politique inflexible et sans équivoque est nécessaire pour mener le processus à son terme avec succès. Je tiens aussi à souligner que les autorités entretiennent de très bonnes relations de coopération avec le Conseil de l'Europe et sa Commission de Venise, notamment dans le cadre du dialogue postsuivi. Cela peut aussi se traduire par un large soutien apporté en Bulgarie à la poursuite de la stratégie de réforme.
168. Mon évaluation de la situation a été confirmée lors de ma visite à la Commission européenne, à Bruxelles, où je me suis entretenu avec des responsables du mécanisme de coopération et de vérification (MCV). Ils sont entièrement d’accord avec moi pour considérer que l’enjeu est maintenant d’assurer la pérennité et l'irréversibilité des réformes, et que les autorités bulgares manifestent la ferme volonté politique d’atteindre ces objectifs. La Commission européenne suit l’évolution de la situation dans le cadre du MCV et soumettra son rapport à la fin de 2013.
169. Je suis sûr que la Bulgarie suivra le bon chemin. En conclusion, je souhaite donc présenter une proposition visant à mettre fin au dialogue postsuivi avec ce pays. Mon mandat de rapporteur sur la Bulgarie ne s’achève que dans un an. D’ici là, je continuerai à observer de près les faits nouveaux qui interviendront dans le pays et ferai rapport à la commission de suivi si nécessaire.