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Rapport | Doc. 13106 | 23 janvier 2013

Migrations et asile: montée des tensions en Méditerranée orientale

Commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées

Rapporteure : Mme Tineke STRIK, Pays-Bas, SOC

Origine - Renvoi en commission: Débat selon la procédure d’urgence. Renvoi 3929 du 21 janvier 2013. 2013 - Première partie de session

Résumé

La Grèce et la Turquie sont respectivement devenues le principal point d’entrée dans l’Union européenne des flux migratoires irréguliers et le principal pays de transit.

Les deux pays sont ainsi liés par un problème qu’aucun d’eux n’est en mesure de résoudre sans une plus grande aide et solidarité de l’Union européenne et des autres Etats membres du Conseil de l’Europe. Le conflit syrien ainsi que l’arrivée de réfugiés syriens, principalement en Turquie mais aussi en Grèce, imposent à ces pays des contraintes encore plus lourdes.

La Grèce s’est focalisée sur la consolidation de ses frontières extérieures et a mis en œuvre une politique trop lourdement axée sur la rétention. Malgré la détermination dont font preuve les autorités grecques pour améliorer le système d’asile et les conditions de rétention, qui bien souvent sont déplorables, des efforts supplémentaires restent à entreprendre. De même, les défis posés par l’arrivée massive de réfugiés syriens en Turquie, et désormais aussi en Grèce et dans d’autres pays européens, appellent à un surcroît de solidarité de la part de l’Europe.

La situation économique difficile que connaît la Grèce contribue à l’aggravation des tensions sociales et exacerbe le racisme et la xénophobie. Ce problème doit être résolu.

L’Europe doit radicalement repenser son approche du partage des responsabilités pour traiter ce qui constitue un problème européen, et non uniquement celui d’un seul ou de quelques pays. Les Etats membres sont appelés à accroître sensiblement leur aide à la Grèce, à la Turquie et aux autres pays directement exposés, afin de leur donner une chance raisonnable de relever les défis posés. Le Conseil de l’Europe a également un rôle à jouer à cet égard, par exemple en réfléchissant à de nouvelles possibilités de réinstallation et de réadmission, en aidant les Etats à venir à bout de leurs arriérés de dossiers de demande d’asile et en présentant des projets novateurs afin de mettre un frein au racisme et à la xénophobie qui ne cessent de croître à l’égard des migrants, des réfugiés et des demandeurs d’asile.

A. Projet de résolution 
			(1) 
			Projet
de résolution adopté par la commission le 22 janvier 2013.

(open)
1. L’Assemblée parlementaire considère que des mesures fermes doivent être prises de toute urgence pour diminuer la pression et les tensions croissantes liées aux demandes d’asile et aux migrations irrégulières en Grèce, en Turquie et dans d’autres pays méditerranéens.
2. Ce n’est pas la première fois que l’Assemblée tire le signal d’alarme face à l’existence en Europe d’une situation à la fois impraticable et inéquitable. Le nombre des migrants en situation irrégulière, des demandeurs d’asile et de réfugiés qui arrivent dans les pays européens riverains de la Méditerranée ne devrait pas poser de problème insurmontable, or, c’est ce qui se passe aujourd’hui. D’où la nécessité de réformer en profondeur les stratégies et les responsabilités concernant ce qui n’est pas à considérer comme le problème d’un seul ou de quelques Etats européens, mais le problème de tous.
3. L’Assemblée est particulièrement préoccupée par la situation de la Grèce, qui est devenue le principal point d’entrée des migrants irréguliers arrivant dans l’Union européenne. La Grèce est le pays le plus durement touché par la crise économique actuelle, et elle manque toujours d’un système efficace et opérationnel de gestion des migrants et demandeurs d’asile, qui lui permettrait de faire face à l’afflux massif de nouveaux arrivants. Les droits de l’homme des migrants, des demandeurs d’asile et des réfugiés sont violés, du fait de la mise en place d’un dispositif de rétention systématique dans des conditions non conformes aux normes et de l’absence d’accès à l’asile et aux services essentiels. Cette situation porte atteinte à la dignité humaine de ces personnes, mais augmente également le risque de refoulement.
4. D’importantes mesures sont annoncées pour améliorer les mécanismes d’asile et les conditions de rétention, comme l’illustre le Plan d’action de la Grèce sur la gestion de l’asile et des migrations, mais elles doivent être mises en œuvre. Par ailleurs elles sont loin d’être suffisantes pour traiter le nombre considérable de demandes d’asile de manière appropriée et elles ne s’attachent pas suffisamment au problème du recours excessif à la rétention. L’Assemblée se félicite à cet égard des indications données par les autorités grecques au Président de l’Assemblée, selon lesquelles les centres de rétention non conformes aux normes seraient fermés courant 2013 et que les femmes et les enfants ne seraient plus placés en centres de rétention, dès qu’auront été mises en place de nouvelles structures d’accueil ouvertes. L’Assemblée demande instamment aux autorités grecques de veiller à ce que ces mesures soient appliquées le plus rapidement possible. L’Assemblée entend observer les suites que les autorités grecques donneront à leurs promesses.
5. La Turquie est également soumise à une pression considérable. Elle doit non seulement s’occuper de plus de 150 000 réfugiés en provenance de la Syrie, dont le nombre ne cesse d’augmenter, mais elle est devenue en outre le principal pays de transit de flux mixtes de migrants en situation irrégulière, de demandeurs d’asile et de réfugiés cherchant à entrer dans les pays de l’Union européenne. Pour ce qui concerne le transit, le principal flux en provenance de la Turquie se fait en direction de la Grèce. Les deux pays sont ainsi liés par un problème que ni l’un ni l’autre n’est en mesure de résoudre sans la solidarité et l’aide accrue de l’Union européenne et des autres Etats membres du Conseil de l'Europe. En outre pour faire face à la situation à laquelle ils sont confrontés, les deux pays doivent renforcer leur coopération bilatérale.
6. Pour faire face à ces flux migratoires mixtes, la Grèce, avec l’aide de l’Union européenne, a renforcé les contrôles aux frontières. Elle a également adopté une politique de rétention systématique des migrants en situation irrégulière et des demandeurs d’asile.
7. Si ces mesures ont permis de réduire considérablement le flux des arrivées via la frontière de l’Evros avec la Turquie, elles n’ont fait que déplacer le problème vers les îles grecques et n’ont pas été d’un grand secours pour régler la situation des migrants en situation irrégulière, des demandeurs d’asile et des réfugiés déjà présents en Grèce. La construction d’un nombre accru de centres de rétention n’a pas non plus été très utile.
8. L’une des conséquences de l’incapacité de la Grèce à faire face à ces flux et aux problèmes connexes de gestion des migrations est la montée de la xénophobie et du racisme dans le pays. Les migrants, les demandeurs d’asile et les réfugiés sont devenus des boucs émissaires et la cible d’attaques violentes, dont le nombre augmente de manière alarmante, de la part d’individus et de milices privées. La situation a empiré en raison de l’influence croissante sur la scène politique de l’Association populaire – Aube dorée, un parti d’extrême-droite au programme ouvertement xénophobe qui n’a eu de cesse d’exploiter la situation.
9. L’Union européenne a fait preuve d’une grande détermination pour sauver ses systèmes bancaires. Il est nécessaire à présent qu’elle fasse montre, y compris avec les Etats membres du Conseil de l'Europe non membres de l’Union européenne, d’un niveau de solidarité analogue dans le domaine des migrations et de l’asile où se rejoignent des considérations économiques, sociales et humanitaires. Il importe de reconnaître à cet égard que les personnes prises dans ces flux migratoires mixtes n’envisagent pas de rester en Turquie ou en Grèce lorsqu’elles arrivent, mais cherchent avant tout à gagner des Etats membres de l’Union européenne autres que la Grèce. En l’absence de soutien suffisant face à cette crise humanitaire, le pays est exposé à un grand risque de déstabilisation politique.
10. L’Assemblée n’ignore pas les efforts déployés par la Grèce, la Turquie et d’autres pays de la région. Elle considère cependant qu’une évaluation honnête et transparente ferait apparaître que la Grèce n’a actuellement ni la capacité, ni l’expertise, ni les ressources, ni la stabilité politique et sociale nécessaires pour faire face à l’ampleur des problèmes auxquels elle est confrontée. D’autres pays de la région, comme Malte, se trouvent aux prises avec quelques problèmes similaires. La Turquie accueille plus de 150 000 réfugiés syriens et pourrait connaître des difficultés plus grandes encore au cours de l’année à venir.
11. Le processus de l’unité européenne et le Système européen commun d’asile reposent sur la solidarité et l’entraide. Sans elles, ce processus perd son sens et sera voué à l’échec. Les politiques actuelles de l’Union européenne sont irréalistes, de même que ce que l’on attend de la Grèce, de la Turquie et des autres pays de la région. Une vaste réévaluation s’impose par conséquent pour tenir compte du fait que ce problème est un problème de l’Union européenne exigeant par conséquent une réponse de l’Union européenne avec l’aide de ses Etats membres.
12. Dans ce contexte, l’Assemblée appelle les Etats membres du Conseil de l’Europe à accroître fortement leur aide à la Grèce, à la Turquie et aux autres pays aux avant‑postes, afin de leur donner une chance raisonnable de faire ce que l’on attend d’eux. Les Etats membres sont plus particulièrement invités:
12.1. à se prononcer pour une assistance supplémentaire de l’Union européenne à ces pays;
12.2. à offrir une assistance bilatérale, notamment en réfléchissant à de nouvelles approches de la réinstallation et de la relocalisation à l’intérieur de l’Europe des réfugiés et des demandeurs d’asile, en privilégiant par exemple les enfants et les familles, en particulier lorsqu’un regroupement familial est possible;
12.3. à assumer ensemble la responsabilité des réfugiés et demandeurs d’asile syriens en les relocalisant à l’intérieur de l’Union européenne et s’abstenir de renvoyer ces personnes en Syrie ou dans des pays tiers;
12.4. à maintenir en vigueur le moratoire sur les renvois en Grèce de demandeurs d’asile dans le cadre du Règlement Dublin;
12.5. à soutenir les projets de la société civile en faveur de la Grèce, tels que le projet des «maisons d’accueil» de la fondation Soros, qui viennent en aide à la société civile grecque et atténuent les conséquences de la pauvreté pour les Grecs comme pour les migrants, les demandeurs d’asile et les réfugiés.
13. Compte tenu de la responsabilité de l’Union européenne, l’Assemblée l’invite à une avancée radicale en matière de partage des responsabilités avec les pays de la région. A cet égard, l’Union européenne est invitée:
13.1. à intensifier sa coopération et le financement d’initiatives, et en simplifier les modalités, qu’elle ait pour partenaires des gouvernements, la société civile ou des organisations internationales, telles que le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) et l’Organisation internationale pour les migrations (OIM);
13.2. à développer plus avant sa politique concernant la réinstallation, en particulier pour les réfugiés syriens en provenance des pays voisins de la Syrie, notamment lorsqu’il s’agit d’enfants et de familles;
13.3. à utiliser les financements de manière innovante pour mettre en place une solidarité locale qui bénéficie à la population dans son ensemble tout en apportant une réponse humanitaire aux besoins des demandeurs d’asile, des réfugiés et des migrants en situation irrégulière. Cela pourrait se faire par exemple en finançant les initiatives gérées par la population locale, mais destinées aux personnes les plus démunies;
13.4. à envisager d’autres mesures en faveur de ceux qui fuient la Syrie. A cet égard, l’Union européenne devrait soutenir davantage la Turquie et le HCR en matière de financement et de réinstallation et accorder une attention particulière aux besoins éducatifs de la jeune génération, y compris au niveau de l’enseignement supérieur où la possibilité d’octroyer des bourses d’études devrait être étudiée;
13.5. à réviser et mettre en œuvre le Règlement Dublin d’une manière qui apporte une réponse plus équitable aux problèmes qui se posent dans l’Union européenne en termes de flux migratoires mixtes.
14. L’Assemblée est consciente de la pression que subit la Grèce, mais elle considère que ce pays manque gravement à l’obligation de respecter les droits de l’homme et la dignité des migrants, des demandeurs d’asile et des réfugiés. Elle demande par conséquent à la Grèce à veiller à ce que les objectifs qu’elle s’est fixé soient réalistes et réalisables et à indiquer clairement à ses partenaires européens ce que la Grèce peut et ne peut pas faire. Lors de la définition de ces objectifs, l’Assemblée appelle la Grèce:
14.1. à réviser ses politiques concernant la rétention des migrants en situation irrégulière et des demandeurs d’asile, en veillant en particulier:
14.1.1. à s’abstenir de recourir systématiquement à la rétention et réfléchir à des alternatives à la rétention notamment en utilisant davantage les structures d’accueil ouvertes conformément à la Directive Accueil de l’Union européenne;
14.1.2. à réduire considérablement la durée des périodes de rétention et opérer une distinction entre les demandeurs d’asile et les migrants en situation irrégulière;
14.1.3. à veiller à ce que les enfants non accompagnés ne soient jamais placés en rétention et que les autres enfants, les femmes et les autres groupes vulnérables ne le soient que dans les cas exceptionnels;
14.1.4. à veiller à ce que les centre de rétention inadaptés soient fermés et à ce que les conditions de rétention soient nettement améliorées dans les meilleurs délais;
14.1.5. à améliorer considérablement l’accès des intéressés aux soins médicaux, aux dispositifs de communication et de traduction et à des informations appropriées concernant leurs droits; 
14.2. à garantir l’accès à une procédure d’asile équitable et effective:
14.2.1. en mettant en œuvre rapidement les réformes engagées, en allouant les ressources humaines et financières nécessaires et en formant les personnels concernés;
14.2.2. en veillant à ce qu’aucun obstacle n’empêche le dépôt d’une demande d’asile, que le demandeur soit ou non placé en rétention;
14.2.3. en offrant des garanties procédurales conformes à la Directive sur les procédures d’asile;
14.2.4. en prenant des mesures pour résorber l’arriéré des dossiers, en demandant une aide supplémentaire à l’Europe de manière à ce que des solutions réalistes puissent être trouvées pour traiter les dossiers en souffrance de manière rapide, efficace et avec toute l’attention requise;
14.3. à combattre la montée du racisme et de la xénophobie dans la société et dans le discours politique, en veillant à ce que:
14.3.1. toutes les allégations d’agissements et de violences racistes et xénophobes qu’ils soient le fait d’individus, de milices privées ou de membres des forces de l’ordre, fassent l’objet d’une enquête et de poursuites appropriées;
14.3.2. la classe politique, les journalistes et autres leaders d’opinion assument leurs responsabilités et dénoncent les manifestations de racisme et de xénophobie;
14.4. à réexaminer sa coopération avec l’Union européenne et l’assistance qu’elle reçoit, afin de pouvoir:
14.4.1. mettre en œuvre les projets pour lesquels elle reçoit un financement et utiliser pleinement les fonds disponibles, notamment par des réformes administratives;
14.4.2. apporter aux problèmes auxquels elle est confrontée une réponse plus équilibrée sous l’angle humanitaire concernant la gestion des migrations.
15. L’Assemblée est consciente également de la pression à laquelle est soumise la Turquie en tant que pays de transit et de destination de migrants en situation irrégulière, de demandeurs d’asile et de réfugiés. Compte tenu de cette situation, elle appelle la Turquie:
15.1. à garder ses frontières ouvertes aux réfugiés syriens et poursuivre sa politique généreuse, qu’il convient au demeurant de saluer, en offrant protection, assistance, nourriture, abri et éducation à ce groupe de personnes;
15.2. à prendre des mesures pour améliorer les conditions de rétention des migrants en situation irrégulière et des demandeurs d’asile;
15.3. à achever ses travaux sur la réforme du système d’asile, consistant notamment en l’approbation d’un projet de loi, actuellement devant la Grande Assemblée nationale de Turquie, sur les étrangers et la protection internationale;
15.4. à supprimer la réserve géographique qui limite ses obligations au titre de la Convention des Nations Unies de 1951 relative au statut des réfugiés aux seules personnes déracinées par des événements en Europe.

B. Projet de recommandation 
			(2) 
			Projet
de recommandation adopté à l’unanimité par la commission le 22 janvier
2013.

(open)
1. L’Assemblée parlementaire se réfère à sa Résolution ... (2013) sur les migrations et l’asile: montée des tensions en Méditerranée orientale.
2. L’Assemblée considère que le Conseil de l'Europe a un rôle à jouer en aidant les Etats membres qui bordent la Méditerranée à faire face aux problèmes dus à l’afflux massif de migrants en situation irrégulière, de demandeurs d’asile et de réfugiés. Il est clair que la Grèce, la Turquie et les autres pays méditerranéens, quelles que puissent être les mesures qu’ils ont prises, ne sont pas à même de faire face aux problèmes auxquels ils sont confrontés actuellement. Dès lors qu’on attend d’eux qu’ils apportent des solutions réalistes à ces problèmes, pour le bien de toute l’Europe et dans le plein respect des normes du Conseil de l'Europe, ils auront besoin de bien davantage d’aide et de soutien.
3. L’Assemblée n’ignore pas la responsabilité particulière de l’Union européenne à cet égard, mais considère que le Conseil de l'Europe doit aussi jouer un rôle dans un esprit et une pratique de solidarité.
4. En conséquence, l’Assemblée recommande au Comité des Ministres:
4.1. d’encourager les Etats membres à maintenir en vigueur le moratoire sur les renvois en Grèce des demandeurs d’asile en vertu du Règlement Dublin, à la lumière de l’arrêt rendu par la Cour européenne des droits de l’homme dans l’affaire M.S.S. c. Belgique et Grèce;
4.2. d’organiser une table ronde sur la question de la réinstallation et de la relocalisation afin de proposer des idées et des solutions en tenant compte de l’expérience de pays comme Malte qui ont joué un rôle actif en la matière et ont une expérience à partager. Cette table ronde pourrait accorder une attention particulière aux propositions que le Conseil de l'Europe pourrait présenter concernant la réinstallation et la relocalisation de mineurs non accompagnés, de femmes et d’autres personnes vulnérables;
4.3. de réfléchir à la manière dont les Etats membres peuvent aider la Grèce ou d’autres pays à venir à bout d’arriérés considérables d’affaires de demandes d’asile, en tenant compte des compétences spécialisées du Conseil de l'Europe dans le domaine de l’administration de la justice;
4.4. d’étudier la possibilité pour le Conseil de l'Europe de présenter pour la Grèce des projets pilotes novateurs afin de l’aider à contenir la montée du racisme et de la xénophobie envers les migrants, les réfugiés et les demandeurs d’asile, en faisant appel, entre autres, à la Commission européenne contre le racisme et l’intolérance (ECRI) et aux Centres européens de la jeunesse, éventuellement en coopération avec la Banque de développement du Conseil de l'Europe.

C. Exposé des motifs, par Mme Strik, rapporteure

(open)

1. Introduction

1. Du fait de son emplacement géographique, à la frontière sud-est de l’Europe, les frontières terrestre et maritime gréco-turques sont l’un des principaux points d’entrée de migrants irréguliers dans l’Union européenne et dans l’espace Schengen.
2. La Grèce éprouve de grandes difficultés à faire face à l’arrivée massive de flux migratoires mixtes, dont des migrants irréguliers, des réfugiés et des demandeurs d’asile, ainsi qu’à l’actuelle crise économique. Elle n’est cependant pas le seul pays de la région concerné. Il est impossible d’étudier la situation de la Grèce sans examiner celle de la Turquie, principal pays de transit vers la Grèce, qui doit aussi prendre en charge plus de 150 000 réfugiés syriens.
3. Compte tenu de ce qui précède, il convient d’examiner l’ampleur des problèmes de migration et d’asile rencontrés à la frontière sud-est de l’Europe, en prenant en considération les réactions politiques de la Turquie et de la Grèce, ainsi que deux autres éléments: les tensions sociales au sein de la société grecque exacerbées par les pressions financières et migratoires excessives, mais aussi la question du partage des responsabilités en Europe, s’agissant de traiter de problèmes non pas strictement nationaux mais d’envergure européenne.

2. La tempête à la frontière sud-est de l’Europe

2.1. La Grèce sous pression: le problème des migrants irréguliers et la crise économique

4. Au cours des dernières années, des centaines de milliers de migrants en situation irrégulière, de demandeurs d’asile et de réfugiés ont franchi les frontières terrestre, fluviale et maritime de la Grèce, souvent en transitant par la Turquie. En 2010, la grande majorité des flux migratoires mixtes sont entrés dans l’Union européenne par la frontière gréco-turque. Cette situation engendre des défis majeurs en termes de droits de l’homme et de gestion des migrations.
5. Selon les statistiques fournies par le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), en 2010, plus de 132 000 ressortissants de pays tiers ont été interpellés en Grèce dont 53 000 dans la région frontalière entre la Grèce et la Turquie. Au cours des dix premiers mois de l’année 2012, il a été procédé à plus de 70 000 arrestations, dont près de 32 000 aux frontières de la Turquie 
			(3) 
			HCR, Athènes, Note
d’information à l’intention du Commissaire aux droits de l’homme
du Conseil de l’Europe, novembre 2012.. Les personnes étaient issues de 110 pays d’origine différents – majoritairement d’Asie, y compris d’Afghanistan, du Pakistan et du Bangladesh, mais aussi d’Irak, de Somalie, du Proche-Orient (Palestiniens notamment) et, de plus en plus, de Syrie.
6. La plupart des migrants et des demandeurs d’asile n’ont pas l’intention de s’installer en Grèce et envisagent de poursuivre leur périple en Europe. Beaucoup d’entre eux sont cependant bloqués en Grèce en raison des contrôles aux frontières et de leur arrestation lorsqu’ils tentent de quitter le pays 
			(4) 
			En dépit du fait que
la Grèce fait partie des Etats Schengen, des migrants clandestins
seraient appréhendés et arrêtés alors qu’ils tentent de rejoindre
l’Italie par ferry. Ceux qui parviennent en Italie, s’ils sont découverts,
sont empêchés de débarquer du ferry et refoulés en Grèce de manière
informelle. Voir : Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits
de l’homme (HCDH), United Nations Special Rapporteur on the human
rights of migrants concludes the fourth and last country visit in
his regional study on the human rights of migrants at the borders
of the European Union: Greece, 3 décembre 2012, et Pro Asyl/ Conseil
grec pour les réfugiés, Human Cargo – Arbitrary readmissions from
the Italian sea ports to Greece, 3 juillet 2012, sur: <a href='http://www.proasyl.de/fileadmin/fm-dam/p_KAMPAGNEN/Flucht-ist-kein-Verbrechen/humancargo_01.pdf'>www.proasyl.de/fileadmin/fm-dam/p_KAMPAGNEN/Flucht-ist-kein-Verbrechen/humancargo_01.pdf</a>., de l’actuel Règlement Dublin et du fait que bon nombre de migrants en situation irrégulière ne peuvent pas être renvoyés dans leur pays d’origine.
7. Le contexte inhérent à la profonde crise économique et de la dette souveraine aggrave encore la situation et entrave la capacité du gouvernement grec à répondre de manière adéquate aux arrivées massives. La Grèce a bénéficié de deux plans de sauvetage, respectivement de 239 milliards et 130 milliards d’euros, assortis de conditions strictes. Ces dernières ont contraint le gouvernement grec à adopter des mesures d’austérité drastiques afin de maîtriser son déficit et à procéder à des réductions sévères dans les services sociaux et les emplois de la fonction publique. Suite à cela, l’économie grecque a enregistré un recul de 25% au cours des deux dernières années et est entrée dans sa sixième année consécutive de récession 
			(5) 
			Voir Eurostat, Taux
de croissance du PIB réel – en volume, sur: <a href='http://epp.eurostat.ec.europa.eu/tgm/table.do?tab=table&init=1&plugin=1&language=fr&pcode=tec00115'>http://epp.eurostat.ec.europa.eu/tgm/table.do?tab=table&init=1&plugin=1&language=fr&pcode=tec00115</a>..

2.2. Syrie: la situation déplorable pourrait encore se détériorer

8. Dans sa Résolution 1902 (2012) sur la réponse européenne face à la crise humanitaire en Syrie, l’Assemblée parlementaire condamne «les violations constantes, généralisées, systématiques et flagrantes des droits de l’homme commises en Syrie qui constituent des crimes contre l’humanité». Elle qualifie de «plus en plus critique» la situation humanitaire de 1,2 million de Syriens qui, selon les estimations, ont été déplacés à l’intérieur du pays et des 638 000 Syriens enregistrés en tant que réfugiés ou en attente de l’être, dans les pays voisins.
9. Depuis octobre 2012, loin de s’être améliorée, cette situation déplorable s’est encore détériorée. Les rapports faisant état d’une augmentation du nombre de victimes civiles de violence aveugle 
			(6) 
			The
Guardian, 106 dead in new Homs massacre, says Syrian
monitor, 17 janvier 2013, sur: <a href='http://www.guardian.co.uk/world/2013/jan/17/homs-massacre-syria-basatin-hasawiya'>www.guardian.co.uk/world/2013/jan/17/homs-massacre-syria-basatin-hasawiya</a>., notamment le bombardement et l’assassinat délibérés d’étudiants 
			(7) 
			The Guardian, Aleppo University
blasts kill at least 82, 15 janvier 2013, sur: <a href='http://www.guardian.co.uk/world/2013/jan/15/aleppo-university-blasts-kill-52'>www.guardian.co.uk/world/2013/jan/15/aleppo-university-blasts-kill-52</a>. et les allégations de recours à la violence sexuelle à l’encontre de femmes et jeunes filles syriennes, témoignent d’une nouvelle escalade du conflit 
			(8) 
			International Rescue
Committee (IRC), Commission IRC sur les réfugiés syriens, Syria:
a regional crisis, janvier 2013, sur : <a href='http://www.rescue.org/sites/default/files/resource-file/IRCReportMidEast20130114.pdf'>www.rescue.org/sites/default/files/resource-file/IRCReportMidEast20130114.pdf</a>.. La Commission internationale indépendante d’enquête sur la Syrie a souligné le caractère de plus en plus sectaire de ce conflit 
			(9) 
			HCDH,
Commission internationale indépendante d’enquête sur la Syrie, Mise
à jour périodique, 20 décembre 2012, sur : <a href='http://www.ohchr.org/Documents/Countries/SY/ColSyriaDecember2012.pdf'>www.ohchr.org/Documents/Countries/SY/ColSyriaDecember2012.pdf</a>., laissant entendre qu’aucune solution rapide au conflit armé ne semble se profiler.
10. Au fur et à mesure que s’alourdit le bilan des pertes en vies humaines, le nombre de Syriens fuyant le conflit augmente considérablement. Au début du mois de janvier 2013, le HCR a annoncé que plus d’un demi-million de Syriens avaient cherché protection dans les pays voisins, dont plus de 150 000 dans des camps de réfugiés en Turquie 
			(10) 
			Haut-Commissariat des
Nations Unies pour les réfugiés (HCR), Réponse régionale à la crise
des réfugiés en Syrie, 10 janvier 2013, sur : <a href='http://data.unhcr.org/syrianrefugees/regional.php'>http://data.unhcr.org/syrianrefugees/regional.php</a>. Voir aussi : HCR en Turquie, Turkey UNHCR Update on
Syrian Displacement 01-04 janvier 2013, 6 janvier 2013, sur: <a href='http://data.unhcr.org/syrianrefugees/download.php?id=1335'>http://data.unhcr.org/syrianrefugees/download.php?id=1335</a>. . Selon les estimations de l’Organisation, près d’1,1 million de réfugiés syriens auront besoin d’assistance au cours du premier semestre 2013 
			(11) 
			HCR, Plan d’action
régional pour la Syrie, janvier à juin 2013, 19 décembre 2012, sur: <a href='http://data.unhcr.org/syrianrefugees/uploads/SyriaRRP.pdf'>http://data.unhcr.org/syrianrefugees/uploads/SyriaRRP.pdf</a>.. Les pays voisins ne sont plus en mesure d’accueillir tous les réfugiés syriens. Selon l’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNWRA), le Liban héberge déjà plus de 400 000 réfugiés palestiniens. Bien que l’Union européenne ait apporté un soutien financier au HCR et à la région, elle n’a pas encore proposé de prendre part à la réinstallation de réfugiés syriens 
			(12) 
			Il importe de noter
qu’à ce jour le Plan d’action régional pour la Syrie est sous-doté
(il n’est financé qu’à hauteur de 65 %)..
11. En octobre 2012, 23 500 ressortissants syriens avaient demandé asile dans les Etats membres de l’Union européenne, dont près de 3 000 demandes enregistrées pour le seul mois de septembre 2012 et plus de 15 000 en Allemagne et en Suède 
			(13) 
			Présidence irlandaise
du Conseil de l’Union européenne, Bureau du ministre de la Justice
et de l’Egalité, Update on the Situation in Syria, Document de travail
en préparation de la Réunion informelle des ministres de la Justice
et des Affaires intérieures du 17 et 18 janvier 2013 à Dublin, publié
sur le site web du Conseil.. Comparativement aux pays voisins, le nombre de demandeurs d’asile dans l’Union européenne reste pour l’heure gérable. Cependant, le nombre de Syriens qui essayent d’entrer de manière clandestine sur le territoire grec a atteint un point culminant en juillet 2012 où plus de 800 Syriens ont franchi chaque semaine la frontière terrestre entre la Grèce et la Turquie. Durant le second semestre de l’année 2012, les ressortissants syriens représentaient plus de 32 % des arrivées par mer dans les îles grecques 
			(14) 
			Présentation
du ministère grec de la Marine marchande et de l’Egée lors de la
visite en Grèce de la Sous-commission ad hoc sur l’arrivée massive
de migrants en situation irrégulière, de demandeurs d’asile et de
réfugiés sur les rivages du sud de l’Europe du 14 au 16 janvier
2013..

2.3. Conséquences au plan régional des arrivées de flux migratoires mixtes

12. Ces dernières années, l’Espagne, l’Italie et Malte ont été le théâtre d’arrivées massives par mer. Selon le HCR, en 2012, 1 567 personnes sont arrivées à Malte par la mer. 75 % d’entre elles provenaient de Somalie. Le HCR estime toutefois que moins de 30 % des 16 000 autres personnes arrivées à Malte depuis 2002 sont restées dans le pays 
			(15) 
			HCR
à Malte, 2012 Malta asylum trends, 26 octobre 2012, sur: <a href='http://www.unhcr.org.mt/index.php?option=com_content&view=article&id=614&Itemid=135'>www.unhcr.org.mt/index.php?option=com_content&view=article&id=614&Itemid=135</a>..
13. L’Espagne et l’Italie ont signé et effectivement mis en œuvre des accords de réadmission avec les pays d’Afrique du Nord et de l’Ouest, mettant ainsi un frein aux flux migratoires mixtes. Ces accords ont établi les bases du renvoi des migrants en situation irrégulière et de la lutte contre le franchissement irrégulier des frontières grâce à un renforcement des patrouilles maritimes et des contrôles aux frontières, notamment dans le cadre d’opérations communes Frontex.
14. Suite à un changement d’itinéraire, les pressions migratoires ont considérablement augmenté à la frontière gréco-turque. Excepté en 2011 où le Printemps arabe a ouvert la voie à un nouveau flux migratoire vers l’Italie et Malte, la Grèce est depuis 2008 la principale porte d’entrée dans l’Union européenne. Pour donner un aperçu de l’ampleur de la situation, Frontex a indiqué qu’en 2012, 56 % des entrées irrégulières dans l’Union européenne détectées avaient eu lieu à la frontière entre la Grèce et la Turquie 
			(16) 
			Frontex, Réseau d’analyse
des risques (FRAN), publication trimestrielle, Volume 2, avril-juin
2012, sur : <a href='http://www.frontex.europa.eu/assets/Publications/Risk_Analysis/FRAN_Q2_2012_.pdf'>www.frontex.europa.eu/assets/Publications/Risk_Analysis/FRAN_Q2_2012_.pdf</a>..
15. La Turquie en revanche est devenue le principal pays de transit des migrants cherchant à entrer dans l’Union européenne. Grâce à ses 11 000 kilomètres de frontière et à son régime d’exemption de visa très large, il est facile de pénétrer sur le territoire turc. Les estimations font état d’un demi-million de migrants avec et sans papiers vivant actuellement dans le pays. La Turquie a de ce fait été confrontée à tout un éventail de nouveaux défis qui l’ont contrainte à développer une nouvelle approche en matière de gestion des flux migratoires et de protection des personnes qui demandent l’asile ou ont besoin d’une protection internationale 
			(17) 
			A cet égard, la réforme
du système d’asile a été engagée et figure dans un projet de Loi
sur les étrangers et la protection internationale en cours d’examen
devant la Grande Assemblée nationale de Turquie.. Elle connaît également de nouveaux problèmes en termes de rétention de migrants irréguliers et de demandeurs d’asile. Au même titre que la Grèce, ses conditions de rétention ont fait l’objet de vives critiques et des mesures sont actuellement prises afin de construire de nouveaux centres d’accueil avec l’aide financière de l’Union européenne.
16. Jusqu’à récemment, les relations politiques traditionnellement complexes entre la Grèce et la Turquie ne permettaient pas la poursuite ou le renforcement d’une politique de réadmission effective avec la Turquie. Bien que la Grèce ait signé en 2001 avec ce pays un accord de réadmission, sa mise en œuvre n’a été convenue qu’en 2010. Il est essentiel que cet accord bilatéral entre la Grèce et la Turquie fonctionne dans la pratique et son application effective constituera un défi pour les deux pays.

3. Protéger la Grèce en recourant aux contrôles aux frontières et à la rétention: cette solution est-elle efficace?

3.1. Renforcement des contrôles à la frontière terrestre gréco-turque (région d’Evros)

17. Ces dernières années, le nombre sans précédent de tentatives de franchissement de la frontière gréco-turque par des migrants en situation irrégulière et des demandeurs d’asile ont mis à rude épreuve les capacités et ressources de la Grèce. Pour remédier à cette situation, les autorités grecques ont adopté le «Plan d’action de la Grèce sur la gestion des demandes d’asile et des migrations», qui jette les fondements de la réforme du système de gestion des migrants et des demandeurs d’asile dans le pays.
18. Dans ce contexte, la Grèce a entrepris des efforts considérables en vue de consolider ses frontières extérieures et notamment sa frontière avec la Turquie dans la région d’Evros. Elle a notamment mis sur pied des centres opérationnels, installé des systèmes de surveillance électronique et des dispositifs de vision nocturne et déployé des bateaux pour intensifier les patrouilles sur le fleuve. Les moyens de surveillance utilisés s’inscrivent dans le cadre des actions menées au titre du système européen de surveillance des frontières (Eurosur).
19. L’opération «Aspida» («bouclier») lancée en août 2012 vise à renforcer les activités de contrôle, de surveillance et les patrouilles à la frontière terrestre entre la Grèce et la Turquie grâce au déploiement d’environ 1 800 policiers supplémentaires de toute la Grèce comme gardes-frontières dans la région d’Evros 
			(18) 
			Les effectifs de police
présents à la frontière avec la Turquie dans la région d’Evros,
qui s’élevait à près de 1 900 policiers, ont cependant été récemment
réduits de moitié après l’édification d’une clôture et compte tenu
de la baisse du nombre de franchissements de la frontière. .
20. Le renforcement dans ce contexte des contrôles aux frontières a suscité bien des critiques. Des rapports inquiétants font état de migrants, y compris de réfugiés ou de demandeurs d’asile, de Syrie ou d’autres pays, ayant été renvoyés en Turquie par le fleuve Evros 
			(19) 
			The Guardian, Syrian refugees «turned
back from Greek border by police», 7 décembre 2012, sur: <a href='http://www.guardian.co.uk/world/2012/dec/07/syrian-refugees-turned-back-greek/print'>www.guardian.co.uk/world/2012/dec/07/syrian-refugees-turned-back-greek/print</a>.. Deux incidents se seraient produits en juin et octobre 2012 respectivement: des bateaux de patrouille de la police grecque auraient intercepté au milieu du fleuve Evros des canots pneumatiques, les repoussant vers la Turquie avant de couler les embarcations, laissant leurs passagers regagner la rive turque à la nage 
			(20) 
			Amnesty
International, Greece: the end of the road for refugees, asylum-seekers
and migrants, 20 décembre 2012:  <a href='http://www.amnesty.org/fr/library/asset/EUR25/011/2012/en/443c4bcd-7b2e-4070-916c-087008f6762f/eur250112012en.pdf'>www.amnesty.org/fr/library/asset/EUR25/011/2012/en/443c4bcd-7b2e-4070-916c-087008f6762f/eur250112012en.pdf</a>, p. 4..
21. Par ailleurs, les autorités grecques ont achevé en décembre 2012 l’édification d’une clôture de barbelés le long de la frontière terrestre de 12,5 kilomètres. Ce mur, dont l’annonce avait fait l’objet de critiques de la part de responsables de l’Union européenne 
			(21) 
			EU Observer, Greece
build fence to ward off asylum seekers, article de Nikolaj Nielsen,
7 février 2012, sur: <a href='http://euobserver.com/justice/115161'>http://euobserver.com/justice/115161</a>., et construit sans l’aide financière de l’Union européenne, a coûte selon les estimations 3 millions d’euros.
22. Suite à ces mesures, le nombre de franchissements irréguliers de la frontière terrestre est passé de plus de 2 000 par semaine début août à moins de 30 par semaine dans la seconde quinzaine de septembre. Selon le Gouverneur régional de la Macédoine orientale et Thrace, ils seraient désormais proches de zéro 
			(22) 
			Ekathimerini.com, Greek
islands faced with fresh wave of illegal migrants, 7 janvier 2013,
sur: <a href='http://www.ekathimerini.com/4dcgi/_w_articles_wsite6_1_07/01/2013_477171'>www.ekathimerini.com/4dcgi/_w_articles_wsite6_1_07/01/2013_477171</a>.. Alors que les autorités grecques affirment que ces actions ont permis une réduction de plus de 80 % des entrées irrégulières 
			(23) 
			L’Express, Clandestins: L’autre
bombe grecque, 28 novembre 2012., on constate que les migrants ont changé d’itinéraire, délaissant la frontière terrestre gréco-turque pour se tourner vers la frontière maritime entre les deux pays. Les autorités grecques ont reconnu ce changement.
23. De plus en plus de migrants arrivent dans les îles grecques de la mer Egée Samos, Symi, Lesbos et Farmakonisi. Entre août et décembre 2012, 3 280 personnes ont été interpellées après avoir franchi la frontière maritime gréco-turque 
			(24) 
			Ekathimerini.com, Greek
islands faced with fresh wave of illegal migrants. , à comparer aux 65 arrestations durant les sept premiers mois de l’année 2012.
24. On relève également une augmentation du nombre de décès en mer. Au début du mois de septembre 2012, 60 personnes ont perdu la vie lors du naufrage de leur embarcation au large des côtes d’Izmir 
			(25) 
			Assemblée parlementaire
du Conseil de l’Europe, Commission des migrations, des réfugiés
et des personnes déplacées, Tragédies en mer au large de la Turquie
et de Lampedusa: un nouveau coup de semonce pour l’Europe, Communiqué
de presse du 7 septembre 2012, sur: <a href='http://assembly.coe.int/ASP/NewsManager/FMB_NewsManagerView.asp?ID=7916'>http://assembly.coe.int/ASP/NewsManager/FMB_NewsManagerView.asp?ID=7916</a>.. Le 15 décembre 2012, 18 migrants au moins ont péri noyés près des côtes de Lesbos en tentant d’atteindre l’île par bateau 
			(26) 
			Ekathimerini.com,
Greek islands faced with fresh wave of illegal migrants..
25. Les pays voisins comme la Bulgarie et certains pays des Balkans occidentaux ressentent aujourd’hui les conséquences de ces nouveaux itinéraires de migration.

3.2. Rétention systématique des migrants en situation irrégulière et des demandeurs d’asile

26. Parallèlement au renforcement des contrôles aux frontières, la rétention administrative reste la principale réponse des autorités grecques à l’entrée et au séjour de migrants en situation irrégulière. Selon la nouvelle politique du Gouvernement grec, tous les migrants repérés lors de leur entrée clandestine sur le territoire grec sont systématiquement placés en rétention à ce seul motif. En criminalisant le statut irrégulier des migrants, les autorités grecques acceptent la rétention comme conséquence nécessaire.
27. Récemment, des milliers de migrants en situation irrégulière ont été pourchassés par les forces de police dans les régions d’Attika et d’Evros au cours de l’opération «Xenios Zeus», lancée début août 2012. Cette opération, qui porte le nom de l’ancien dieu grec de l’hospitalité, a été menée en réaction à la présence de migrants sans papiers à Athènes et dans d’autres centres urbains grecs. Elle a abouti au placement en rétention d’un grand nombre de migrants en situation irrégulière dans des locaux de police ou des centres de rétention préalable à l’expulsion, partout dans le pays. En avril 2012, le Gouvernement grec a annoncé la construction de nouveaux centres pouvant accueillir près de 10 000 personnes, financés par l’Union européenne. Des travaux d’agrandissement ont également été engagés dans cinq centres de rétention préalable à l’expulsion déjà existants afin d’augmenter leur capacité d’accueil.
28. Cependant, sur près de 65 800 ressortissants étrangers arrêtés entre août et décembre 2012, seuls 4 100 étaient en situation irrégulière 
			(27) 
			Groupe sur les politiques
migratoires, Migration News Sheet, Greece: only 6.3 % of those foreigners
taken to a police station for verification of identity proved to
be without a valid residence permit, janvier 2013, sur: <a href='http://www.migrationnewssheet.eu/greece-only-6-3-of-those-foreigners-taken-to-a-police-station-for-verification-of-identity-proved-to-be-without-a-valid-residence-permit'>www.migrationnewssheet.eu/greece-only-6-3-of-those-foreigners-taken-to-a-police-station-for-verification-of-identity-proved-to-be-without-a-valid-residence-permit</a>.. Cette opération soulève de graves préoccupations quant au principe de non-discrimination, compte tenu du fait que ces étrangers ont été appréhendés sur la base de leur apparence physique.
29. Les conditions dans les divers centres de rétention et les commissariats de police où sont retenus les migrants en situation irrégulière et les demandeurs d’asile ont fait l’objet de maintes critiques et sont particulièrement inquiétantes. Au cours des dernières années et dans plusieurs affaires, la Cour européenne des droits de l’homme a conclu que la Grèce violait le droit de ne pas être soumis à des traitements inhumains ou dégradants 
			(28) 
			La Cour européenne
des droits de l’homme a conclu, par exemple, à des violations des
articles 3 et 5 de la Convention européenne des droits de l’homme
dans ses récents arrêts dans les affaires Nieciecki
c. Grèce, Requête n° 11677/11, 4 décembre 2012, Tzamalis et autre c. Grèce, Requête
n° 15894/09, 4 décembre 2012, Lin c.
Grèce, Requête n° 58158/10, 6 novembre 2012, Ahmade c. Grèce, Requête n° 50520/09,
25 septembre 2012 et Mahmundi et autres
c. Grèce, Requête n° 14902/10, 31 juillet 2012.. Par ailleurs, le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT) a régulièrement critiqué les conditions de rétention déplorables des migrants en situation irrégulière et des demandeurs d’asile et les insuffisances structurelles de la politique de la Grèce en matière de rétention, ainsi que l’absence persistante de réaction de la part des autorités pour améliorer la situation 
			(29) 
			CPT,
Déclaration publique relative à la Grèce, publiée le 15 mars 2011,
sur: <a href='http://www.cpt.coe.int/documents/grc/2011-10-inf-fra.pdf'>www.cpt.coe.int/documents/grc/2011-10-inf-fra.pdf</a>. Voir également: CPT, Rapport de sa visite du 19 au
27 janvier 2011, publié le 10 janvier 2012, sur: <a href='http://www.cpt.coe.int/documents/grc/2012-01-inf-eng.pdf'>www.cpt.coe.int/documents/grc/2012-01-inf-eng.pdf</a>, ainsi que la réponse des autorités grecques, sur: <a href='http://www.cpt.coe.int/documents/grc/2012-02-inf-eng.pdf'>www.cpt.coe.int/documents/grc/2012-02-inf-eng.pdf</a>.. Les conditions de rétention étaient si mauvaises dans un des centres grecs qu’un tribunal local d’Igoumenista a acquitté, en début d’année, des migrants accusés de s’en être évadés, déclarant que les conditions dans cet établissement n’étaient pas conformes aux droits de l’homme des migrants 
			(30) 
			Voir Ekathimerini.com,
Court clears migrants of escaping custody, 12 janvier 2013, sur: <a href='http://www.ekathimerini.com/4dcgi/_w_articles_wsite1_1_12/01/2013_478162'>www.ekathimerini.com/4dcgi/_w_articles_wsite1_1_12/01/2013_478162</a>. .
30. Nonobstant les efforts entrepris récemment par le nouveau Gouvernement grec pour améliorer les conditions de rétention, grâce notamment à la rénovation des locaux et la construction de nouveaux centres tels qu’à Amygdaleza, la visite de la sous-commission ad hoc de l’Assemblée parlementaire 
			(31) 
			Sous-commission ad
hoc sur l’arrivée massive de migrants en situation irrégulière,
de demandeurs d’asile et de réfugiés sur les rivages du sud de l’Europe. en Grèce a confirmé le non-respect des normes. A titre d’exemple, dans le centre de rétention de Fylakio, jusqu’à 72 migrants en situation irrégulière étaient regroupés avec des demandeurs d’asile et des mineurs non accompagnés dans une cellule de 100m2 dépourvue d’éclairage, de chauffage et d’eau chaude. Au commissariat de police de Petrou Ralli à Athènes, la délégation a rencontré plusieurs femmes désespérées, détenues dans des conditions déplorables sans accès correct à des installations sanitaires. Toutes se plaignaient du manque de vêtements convenables et de services médicaux et de l’absence de contact avec le monde extérieur.
31. La situation des femmes, des enfants migrants non accompagnés ou séparés de leurs parents et des groupes vulnérables, y compris les migrants malades et handicapés, les victimes de la traite et les personnes traumatisées, est particulièrement inquiétante. Ils ne bénéficient pas d’un traitement adéquat ni durant leur rétention, ni après leur libération. Les mineurs non accompagnés sont souvent retenus avec des adultes pendant des périodes prolongées, et remis en liberté sans aucune assistance. A cet égard, l’Assemblée a déclaré dans sa Résolution 1810 (2011) sur les problèmes liés à l’arrivée, au séjour et au retour d’enfants non accompagnés en Europe, que la rétention d’enfants non accompagnés pour des motifs liés à la migration ne saurait être tolérée, car elle n’est pas dans leur intérêt supérieur, qu’elle devrait être remplacée par des dispositions appropriées de prise en charge, et qu’un système opérationnel de tutelle légale devait être introduit.
32. Les autorités grecques ont conscience de la plupart de ces questions et problèmes. Elles ont récemment fermé un centre de rétention et fait part de leur intention d’en fermer deux autres, dont les conditions ont été jugées non conformes, notamment le commissariat de police de Petrou Ralli à Athènes. Ce dernier devrait fermer courant 2013, une décision qu’il convient de saluer. Par ailleurs, Jean-Claude Mignon, Président de l’Assemblée parlementaire, m’a indiqué que le Premier ministre grec et le ministre de l’Ordre public et de la Protection des citoyens avaient fait part, lors d’une réunion, de leur intention de mettre un terme à la rétention de femmes et d’enfants pour des motifs de migration à compter du printemps 2013, dès que des établissements d’accueil ouverts seraient construits 
			(32) 
			Lettre de M. Jean-Claude
Mignon, Président de l’Assemblée parlementaire, à Mme Tineke Strik,
datée du 17 janvier 2013.. A cet égard, le Gouvernement grec, en coopération avec l’OIM, mettra en place un réseau de parties prenantes en vue de construire deux nouveaux centres d’accueil et d’offrir une aide et une assistance spéciales aux groupes vulnérables, notamment aux mineurs non accompagnés, aux familles et aux migrants souffrant de problèmes de santé. Il s’agit d’une mesure importante, qu’il convient de concrétiser au plus tôt.
33. Alors que précédemment, la législation grecque prévoyait jusqu’à six mois de rétention pour les migrants et demandeurs d’asile entrant ou résidant en Grèce, de récents amendements, appliquant partiellement la Directive retour de l’Union européenne, ont étendu cette durée de rétention de 12 mois supplémentaires 
			(33) 
			La rétention administrative
des migrants en situation irrégulière est régie par la loi générale
sur l’immigration n° 3386/2005 (à l’entrée aux frontières) et la
loi 3907/2011 (pour ceux résidant déjà en Grèce), appliquant la
Directive retour de l’Union européenne. La rétention des demandeurs
d’asile est régie par le Décret présidentiel 114/2010 sur la procédure d’asile
et son récent amendement d’octobre 2012.. Le rallongement de la durée de la rétention semble une mesure politique visant à dissuader les migrants potentiels de venir en Grèce, mais en fait il n’a pas eu l’effet escompté. Il ne fait qu’ajouter au désespoir et à la vulnérabilité des personnes détenues.
34. La rétention est appliquée systématiquement, sans évaluation personnelle de chaque cas. Elle est utilisée de façon courante et non comme une mesure de dernier recours. Aucune alternative n’est actuellement employée ou explorée. De plus, les garanties procédurales font défaut. Les décisions de rétention ne font pas l’objet d’un examen judiciaire automatique. L’aide juridique et l’information des détenus quant aux motifs et à la durée de leur rétention sont loin d’être suffisantes et l’accès à un interprète et à un avocat n’est pas garanti, rendant ainsi quasi impossible tout recours effectif contre la rétention. Les autorités grecques ont connaissance de ces problèmes et cherchent à les résoudre. Il convient cependant de souligner qu’il reste beaucoup à faire.

3.3. Obstacles à l’accès à l’asile et à une protection internationale

35. Malgré les efforts actuels des autorités grecques pour réformer le système de gestion de l’asile et des migrations, le pays ne dispose toujours pas d’un mécanisme équitable et efficace d’asile. Le Plan d’action de la Grèce sur la gestion des demandes d’asile et des migrations, révisé en décembre 2012, détaille la stratégie du Gouvernement grec. Il prévoit la création prochaine d’un nouveau service de l’asile opérationnel, d’un nouveau service de premier accueil et d’une nouvelle autorité d’appel, composés de fonctionnaires dépendant du ministère de l’Ordre public et de la Protection des citoyens, retirant ainsi aux autorités de police la gestion des procédures d’asile. Cependant, il est à craindre que les difficultés rencontrées pour trouver des ressources financières suffisantes et du personnel qualifié ne fassent obstacle à la mise en œuvre des mesures prévues.
36. Le système d’asile actuel reste marqué par des difficultés d’accès à la procédure, des entretiens insuffisants avec les demandeurs d’asile et un taux très faible d’acceptation des demandes (1 % à 2 %). Les mesures de renforcement des contrôles aux frontières et de placement en rétention systématique des migrants en situation irrégulière et des demandeurs d’asile ont eu pour effet secondaire d’entraver encore davantage l’accès des personnes ayant besoin d’une protection internationale à la procédure d’asile et l’enregistrement de leur demande. Le défaut d’accès à une procédure d’asile et les dysfonctionnements de la procédure d’asile engendrent un risque de refoulement et donc de violation de la Convention européenne des droits de l’homme (STE n° 5) et de la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés.
37. Pour les personnes qui ont besoin d’une protection internationale, il est extrêmement difficile de solliciter l’asile en étant en rétention, en raison du manque d’assistance juridique, d’interprétation et d’informations sur leur situation. Les contacts indispensables avec les représentants légaux ne sont souvent pas établis et le suivi individuel des demandes connaît de nombreux problèmes.
38. Dans ce contexte, il est inquiétant de constater la présence d’un nombre croissant de réfugiés syriens dans les rangs des personnes retenues. Ces réfugiés sont particulièrement vulnérables et ont grand besoin d’une protection internationale. Ils ne devraient pas être placés en rétention, mais plutôt pris en charge et bénéficier notamment d’une assistance médicale, psychologique et sociale.
39. Ceux qui sont libres de leurs mouvements rencontrent également des problèmes pour demander l’asile en raison de la pratique des autorités grecques visant à limiter le nombre hebdomadaire de demandes d’asile qu’elles sont disposées à accepter. A titre d’exemple, la Direction de la police de Petrou Ralli accepte actuellement l’enregistrement de 20 à 40 demandes par semaine 
			(34) 
			Conseil de l’Union
européenne, Greece’s National Action Plan on Asylum Reform and Migration
Management = Information by Greece, the Commission, Frontex and
EASO, document élaboré par les services de la Commission en préparation
de la réunion du Comité mixte du Conseil (Justice et affaires intérieures)
des 25-26 octobre 2012, 23 octobre 2012, sur: <a href='http://www.statewatch.org/news/2012/oct/eu-com-greece-migration-15358-12.pdf'>www.statewatch.org/news/2012/oct/eu-com-greece-migration-15358-12.pdf</a>., outre celles des personnes vulnérables, qui peuvent déposer leur demande sur une base quotidienne.
40. L’arriéré de demandes en cours est important et a été estimé initialement à 55 000 dossiers. Le Gouvernement grec a exprimé sa détermination à solder dans les plus brefs délais cet arriéré et a recruté 200 personnes à cet effet, témoignant d’un effort remarquable 
			(35) 
			Il s’agit d’un effort
considérable compte tenu du fait que les autorités grecques sont
autorisées à créer 2 000 nouveaux emplois seulement en 2013 dans
l’ensemble de l’administration et que certains services publics
essentiels, notamment les hôpitaux, manquent cruellement de personnel.
Voir Présidence irlandaise du Conseil de l’Union européenne, Bureau
du ministère de la Justice et de l’Egalité, Greek National Action
Plan on Asylum and Migration Management, Document de travail préparé
pour la réunion informelle des ministres de la Justice et des Affaires intérieures
des 17-18 janvier 2013, sur: <a href='http://www.statewatch.org/news/2013/jan/eu-informal-jha-council-greece-migration.pdf'>www.statewatch.org/news/2013/jan/eu-informal-jha-council-greece-migration.pdf</a>.. Ce point était l’une des 13 questions évoquées dans l’accord entre les autorités grecques et la Commission européenne qu’il convenait de traiter de toute urgence 
			(36) 
			Conseil de l’Union
européenne, Greece’s National Action Plan on Asylum Reform and Migration
Management..

4. Tensions sociales au sein de la société grecque

4.1. La situation sociale des migrants et demandeurs d’asile

41. Les efforts déployés par la Grèce pour traiter l’afflux de migrants en situation irrégulière et de demandeurs d’asile pâtissent de l’absence de politique migratoire globale. Pendant de nombreuses années, les autorités grecques n’ont pas eu de stratégie cohérente quant à la façon d’agir face à des migrants en situation irrégulière et des demandeurs d’asile déboutés qui n’étaient pas renvoyés dans leur pays d’origine ou ne pouvaient pas l’être. Ceux-ci restaient simplement cantonnés dans un vide juridique. En l’absence d’une politique opérationnelle de gestion des flux migratoires réguliers, la plupart des migrants sont arrivés clandestinement en Grèce 
			(37) 
			Grèce, rapport établi
pour la réunion SOMEPI, Paris, 30 novembre–2 décembre 2011.. Cette incapacité à contrôler les flux migratoires mixtes de personnes arrivant dans le pays et les difficultés à les gérer une fois qu’elles sont sur le territoire sont sources de tensions politiques et sociales, exacerbées par la crise économique.
42. Suite à la crise économique et aux mesures d’austérité, le taux de chômage de la population grecque a atteint 26,8 %, celui des jeunes grimpant à 56,6 %, en octobre 2012. Et ces chiffres devraient encore augmenter 
			(38) 
			Voir
Ekathimerini.com, Greek unemployment rises to 26,8 pct in October
[update], 10 janvier 2013, sur: <a href='http://www.ekathimerini.com/4dcgi/_w_articles_wsite2_1_10/01/2013_477705'>www.ekathimerini.com/4dcgi/_w_articles_wsite2_1_10/01/2013_477705</a>.. De plus en plus de Grecs vivent sous le seuil de pauvreté, ne peuvent plus faire face à leurs emprunts et certains se retrouvent sans domicile fixe. Les secteurs des retraites, des soins de santé, des transports et de l’éducation ont tous fait l’objet de coupes drastiques. Dans un tel climat, de nombreuses manifestions de protestation contre les mesures d’austérité et la situation économique ont été organisées.
43. Dans ce contexte, les autorités grecques apportent un soutien financier ou autre limité aux migrants en situation irrégulière, aux demandeurs d’asile et aux réfugiés. Il existe près d’un millier de places d’accueil pour des demandeurs d’asile, mais ces capacités sont notoirement insuffisantes pour tous les héberger. Entre les seuls mois de janvier 2012 et octobre 2012, plus de 7 700 demandes d’asile ont été enregistrées, ce qui donne une idée des capacités manquantes.
44. De fait, beaucoup de migrants en situation irrégulière et de demandeurs d’asile aboutissent dans des logements ou des appartements dans un état effroyable ou se retrouvent à la rue et doivent faire face à l’exclusion sociale et à des conditions de vie précaires. Selon Amnesty International, «le non-respect par la Grèce des droits des migrants et des demandeurs d’asile prend maintenant les proportions d’une crise humanitaire», car même les besoins les plus fondamentaux, en l’occurrence la sécurité et un toit, ne sont pas garantis.
45. Sur les îles grecques de la mer Egée, la situation ne fait qu’empirer. Les autorités locales ne disposent souvent pas de capacités d’accueil et de rétention suffisantes. Les migrants et demandeurs d’asile, y compris des femmes enceintes et des familles accompagnées d’enfants en bas âge, sont confrontés au surpeuplement ou contraints de dormir dans la rue. Les autorités locales font de leur mieux pour leur venir en aide, mais c’est aux autorités centrales, à l’Union européenne et aux pays européens qu’il appartient de redoubler d’efforts.

4.2. Discrimination, xénophobie et agressions racistes contre les migrants

46. Les tensions sociales grandissantes et la réponse inadéquate de l’Etat pour régler la situation sociale difficile des migrants, demandeurs d’asile et réfugiés ont engendré une augmentation de la criminalité et de l’exploitation de ce groupe. De plus, les migrations sont devenues un sujet de controverse politique majeur, contribuant ainsi au renforcement d’un sentiment d’hostilité à l’égard des migrants au sein de la population grecque.
47. Au cours des deux dernières années, le pays a connu une augmentation dramatique des actes de violence xénophobe et à caractère raciste contre des migrants, y compris des agressions physiques, telles que des passages à tabac ou des agressions à l’arme blanche, des attaques contre des lieux de résidence d’immigrants, des lieux de culte, des boutiques tenues par des migrants ou des centres communautaires 
			(39) 
			Human Rights Watch,
Hate on the Streets: Xenophobic Violence in Greece, 10 juillet 2012,
sur: <a href='http://www.hrw.org/sites/default/files/reports/greece0712ForUpload_0.pdf'>www.hrw.org/sites/default/files/reports/greece0712ForUpload_0.pdf</a>.. Le Réseau d’enregistrement des actes de violence raciste a relevé 87 incidents racistes à l’encontre de migrants et de réfugiés entre janvier et septembre 2012 
			(40) 
			Réseau d’enregistrement
des actes de violence raciste, Racist Violence Recording Network
Findings (1.1.2012-30.9.2012), 23 octobre 2012, sur: <a href='http://www.unhcr.gr/1againstracism/racist-violence-recording-network-findings/'>www.unhcr.gr/1againstracism/racist-violence-recording-network-findings/</a>., dont la moitié impliquant des groupes extrémistes.
48. Des membres et partisans de l’Aube dorée ont souvent été impliqués dans les récents raids et agressions contre des migrants et des demandeurs d’asile. Recourant ostensiblement à un discours anti-migrant et raciste et incitant souvent à la violence, l’Aube dorée a obtenu 7 % des voix aux élections législatives de juin 2012. Si l’on s’en tient aux derniers sondages, le soutien dont bénéficie le parti ne ferait que croître. En octobre 2012, le Parlement grec a levé l’immunité de deux députés de l’Aube dorée qui ont participé en septembre à des agressions violentes contre des migrants, afin qu’ils puissent être poursuivis en justice.
49. Le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe a appelé la Grèce à vérifier la légalité du parti le plus ouvertement extrémiste et nazi d’Europe. Il semble que l’Aube dorée vise à produire une déstabilisation politique et sociétale et tire profit des dysfonctionnements de la politique concernant les réfugiés et les migrants en situation irrégulière. En décembre 2012, la Commission européenne contre le racisme et l’intolérance (ECRI) a exprimé sa «profonde préoccupation» face à la montée de l’Aube dorée et demandé aux autorités grecques de «prendre des mesures fermes et efficaces pour veiller à ce que les activités de l’Aube dorée ne violent pas l’ordre politique libre et démocratique ou les droits d’individus».

5. La responsabilité européenne face à un problème européen

5.1. Les Etats européens directement exposés sous pression

50. Ce n’est pas la première fois que l’Assemblée parlementaire exprime ses préoccupations face aux pressions exercées sur les Etats européens directement exposés 
			(41) 
			Voir
en particulier <a href='http://assembly.coe.int/Mainf.asp?link=/Documents/AdoptedText/ta06/fRES1521.htm'>Résolution
1521 (2006)</a> «Arrivée massive de migrants irréguliers sur les rivages
de l’Europe du Sud», <a href='http://assembly.coe.int/Main.asp?link=/Documents/AdoptedText/ta08/fRES1637.htm'>Résolution
1637 (2008)</a> «Les boat people de l’Europe: arrivée par mer de flux
migratoires mixtes en Europe du Sud» et <a href='http://assembly.coe.int/Mainf.asp?link=/Documents/AdoptedText/ta11/fRES1805.htm'>Résolution
1805 (2011)</a> sur l’arrivée massive de migrants en situation irrégulière,
de demandeurs d’asile et de réfugiés sur les rivages du sud de l’Europe..
51. Si la plupart des pays de l’Union européenne ont cessé le renvoi de demandeurs d’asile vers la Grèce au titre du Règlement Dublin à la suite de l’arrêt rendu par la Cour européenne des droits de l’homme dans l’affaire M.S.S. c. Belgique et Grèce 
			(42) 
			Requête
n°30696/09, arrêt du 21 janvier 2011 (Grande Chambre)., des rapports font toujours état de renvoi par certains pays sur la base de ce règlement 
			(43) 
			HCDH,
Rapporteur spécial des Nations Unies sur les droits de l’homme des
migrants, UN Special Rapporteur on the human rights of migrants
concludes the fourth and last country visit in his regional study
on the human rights of migrants at the borders of the European Union:
Greece..
52. L’accord final entre le Conseil et le Parlement européen sur la révision du Règlement Dublin continue à assigner la responsabilité des demandeurs d’asile à un seul Etat membre de l’Union européenne et ne modifie pas fondamentalement les règles en ce domaine. Les Etats membres de l’Union européenne ont aussi rejeté l’idée d’un mécanisme de suspension des renvois vers les pays de l’Union européenne qui ne parviennent pas à gérer l’afflux de demandeurs d’asile sur leur territoire, tout en convenant d’un «système d’alerte précoce».

5.2. Grèce: un test pour la solidarité européenne

53. La pression migratoire exercée sur la Grèce intervient à un moment où le pays souffre comme nul autre pays européen de l’actuelle crise économique et sociale. En réponse à ces difficultés, l’Union européenne a fourni une assistance financière et technique.
54. Au cours de la période 2011-2013, la Grèce a bénéficié de 98,6 millions d’euros au titre du Fonds pour le retour, de 132,8 millions d’euros au titre du Fonds pour les frontières extérieures et de 19,95 millions d’euros du Fonds européen pour les réfugiés. Ces financements ont servi aux mesures de contrôle aux frontières et de rétention, au détriment des mesures de protection.
55. L’opération conjointe «Poséidon terre» de Frontex a été lancée en 2010 aux frontières entre la Turquie et la Grèce et entre la Turquie et la Bulgarie. Les Etats membres de l’Union européenne ont à l’heure actuelle déployé 41 policiers ainsi que des équipements dans la région frontalière d’Evros en Grèce 
			(44) 
			Présentation de la
Direction générale de la Police de Macédoine orientale et de Thrace
au cours de la visite en Grèce, du 14 au 16 janvier 2013, de la
sous-commission ad hoc de l’Assemblée parlementaire sur «l’arrivée
massive de migrants en situation irrégulière, de demandeurs d’asile
et de réfugiés sur les rivages du sud de l’Europe».. Ils aident également les autorités grecques et bulgares dans la détection des migrants irréguliers, l’obtention d’informations, et la lutte contre les flux migratoires irréguliers et les réseaux de trafiquants 
			(45) 
			<a href='http://www.frontex.europa.eu/operations/archive-of-accomplished-operations/182'>www.frontex.europa.eu/operations/archive-of-accomplished-operations/182.</a>. Par ailleurs, Frontex a récemment renforcé ses patrouilles dans les eaux côtières à l’est de la mer Egée entre la Grèce et la Turquie, dans le cadre de l’opération conjointe «Poséidon mer». Les Etats membres de l’Union européenne ont en outre déployé des moyens de surveillance maritimes supplémentaires le long de la frontière maritime entre la Grèce et la Turquie. L’opération conjointe, élargie pour couvrir également la côte occidentale de la Grèce, est à l’heure actuelle la principale activité opérationnelle de Frontex dans la région méditerranéenne.
56. Par ailleurs, le Bureau européen d’appui en matière d’asile (BEA) apporte un soutien technique à la Grèce et à d’autres Etats membres de l’Union européenne dont les systèmes d’asile et d’accueil sont soumis à des pressions particulières. A la suite d’une demande du Gouvernement grec en février 2011, le BEA a apporté son aide et dispensé des formations dans le pays afin de développer un nouveau système d’asile, d’améliorer les conditions d’accueil des demandeurs d’asile en Grèce et de régler l’arriéré de demandes d’asile en souffrance. Il a pour ce faire déployé plus de 40 équipes d’appui asile formées d’experts dans le pays.
57. Les Etats membres de l’Union européenne sont prêts à apporter une aide financière et technique pour aider la Grèce à gérer et contrôler ses frontières en mettant l’accent sur les retours, forcés ou volontaires, comme solution politique. Par contre, ils ne sont pas enthousiastes à l’idée de partager l’accueil et le traitement des flux migratoires mixtes arrivant aux frontières extérieures de l’Europe. Selon les Verts/Libre alliance européenne du Parlement européen, les migrations ne seront pas stoppées par le renforcement des contrôles aux frontières, des mesures de gestion des frontières et des retours forcés; l’approche actuelle ne fait que renforcer les violations des droits de l’homme 
			(46) 
			Parlement
européen, les Verts/Libre alliance européenne, Letter to Minister
Dendias, 30 novembre 2012, sur: <a href='http://www.statewatch.org/news/2012/dec/ep-greens-greece-letter.pdf'>www.statewatch.org/news/2012/dec/ep-greens-greece-letter.pdf</a>..
58. En tant que rapporteur, je partage largement cette déclaration, mais tiens à ajouter que si ces politiques peuvent permettre de résoudre le problème dans un pays donné, elles ne font que «renvoyer la balle» à un autre. S’il était possible de fermer hermétiquement la frontière grecque, les pressions s’amplifieraient à n’en pas douter sur la Turquie et la Bulgarie, puis sur les frontières orientales de l’Union européenne. Ce point fera l’objet d’un rapport distinct de la commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées 
			(47) 
			Gestion des défis en
matière de migrations et d’asile au-delà de la frontière orientale
de l’Union européenne. Rapporteur: M. Andrea Rigoni, Italie, ADLE..
59. La réponse de l’Union européenne à la crise économique et financière en Grèce a consisté à renflouer massivement le pays. L’actuelle crise sociale et humanitaire liée aux migrations et aux demandes d’asile nécessite un niveau de solidarité analogue. L’Europe ne fait pas assez et le fait trop tardivement. Une politique d’asile commune, prenant en compte le fait que la pression migratoire n’est pas l’apanage d’un ou de quelques Etats européens mais qu’il s’agit bien d’un problème européen, est encore plus essentielle à une époque où la région est confrontée à une instabilité majeure. Cette instabilité ne fera que croître si le parti de l’Aube dorée, déjà en plein essor, réussit à exploiter la question de l’immigration. L’Europe ne peut se permettre de détourner les yeux.
60. L’augmentation des flux migratoires vers les Etats européens directement exposés imposent de repenser intégralement la solidarité et le partage de responsabilité. Les Etats membres doivent trouver très rapidement des solutions qui aillent au-delà d’une simple assistance financière et technique et faire preuve d’une bien plus grande solidarité dans l’accueil des réfugiés et des demandeurs d’asile, en développant la réinstallation (actuellement surtout pour les Syriens réfugiés dans les pays voisins de la Syrie) et les programmes intracommunautaires de relocalisation, notamment lorsque des enfants et des familles sont en jeu. La Résolution 1820 (2011) de l’Assemblée «Demandeurs d’asile et réfugiés: pour un partage des responsabilités en Europe» formule des recommandations importantes à cet égard.

6. Conclusions

61. La pression des flux migratoires mixtes qui se propagent actuellement aux frontières extérieures de l’Union européenne dans la zone de la Méditerranée orientale impose de repenser l’ensemble du système de solidarité avec l’Union européenne et le Conseil de l’Europe. La Grèce, la Turquie et d’autres pays voisins ne doivent pas endosser seuls la responsabilité de répondre à la pression croissante des flux migratoires mixtes depuis le Sud et l’Est. Une politique commune en matière d’asile et de migration est encore plus essentielle à l’heure où la région est confrontée à une instabilité économique et sociale majeure.
62. Le durcissement des contrôles aux frontières, la prolongation de la rétention des migrants et des demandeurs d’asile ou la construction de nouveaux centres de rétention en Grèce sont autant de mesures qui contribuent à la perpétration de nouvelles violations des droits de l’homme. Elles ne sont pas des solutions au problème et ne persuadent pas les migrants en situation irrégulière ou les personnes fuyant la pauvreté et la violence dans leur pays d’origine de rester chez eux.
63. Les récents efforts des autorités grecques pour introduire un système plus humain et plus efficace de prise en charge des nombreux migrants en situation irrégulière et demandeurs d’asile arrivant en Grèce est une avancée louable dans la bonne direction. Mais la Grèce est confrontée à une tâche herculéenne: bâtir un système efficace, équitable et fonctionnel offrant une protection internationale à ceux qui en ont besoin.
64. L’Europe doit, de toute urgence, unir ses efforts face au problème des réfugiés syriens, offrir des possibilités de réinstallation et de relocalisation pour soulager le fardeau des pays voisins de la Syrie et des Etats européens méridionaux et veiller à ce que les réfugiés syriens ne soient pas renvoyés chez eux.
65. Les défis sont considérables mais pas insurmontables pour l’Europe. Ils le deviennent par contre lorsque les Etats portent, à titre individuel, la responsabilité de les relever.

Annexe – Avis divergent de Mme Pelin Gündeş Bakir (Turquie, EDG), membre de la commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées 
			(48) 
			En application de l’article
49.4 du Règlement de l’Assemblée («En outre, le rapport d’une commission
comporte un exposé des motifs établi par le rapporteur. La commission
en prend acte. Les avis divergents qui se sont manifestés au sein
de la commission y sont inclus à la demande de leurs auteurs, de
préférence dans le corps même de l’exposé des motifs, sinon en annexe
ou dans une note de bas de page»).

(open)

La limitation géographique appliquée par la Turquie n’est pas une réserve émanant de cette dernière mais, bien au contraire, un droit reconnu à l’article 1.B de la Convention de Genève de 1951. La décision de la Cour européenne des droits de l’homme dans l’affaire A.G. et autres c. Turquie (Requête n° 40229/98, 15 juin 1999) précise clairement qu’une limitation et une réserve géographiques ne sauraient être considérées comme une discrimination pour ce qui est des droits définis dans la Convention européenne des droits de l’homme. Compte tenu de la décision de la Cour européenne des droits de l’homme, la Turquie n’est pas tenue de lever la réserve géographique, laquelle est un droit garanti par la Convention des Nations Unies de 1951 qui l’autorise à accepter uniquement des réfugiés venant d’Europe et des personnes déplacées par suite d’événements en Europe. Cela est parfaitement conforme au droit. Toute tentative pour imposer une telle mesure serait une atteinte aux droits souverains de la Turquie et irait à l’encontre des décisions de la Cour européenne des droits de l’homme.

La Turquie honore ses obligations et accueille plus de 150 000 Syriens fuyant le régime d’Assad dans 15 camps situés sur son territoire. A ce jour, elle a consacré plus de 550 millions de dollars prélevés sur ses propres ressources nationales aux Syriens hébergés dans ces camps.

Les autorités grecques et turques entretiennent de longue date et sans interruption des liens étroits et amicaux de collaboration et de coopération en vue de lutter contre les migrations irrégulières et la traite d’êtres humains. De nombreux protocoles bilatéraux ont déjà été signés en vue de combattre la traite. Dans le cadre du Protocole de réadmission entre la Turquie et la Grèce, une réunion d’experts s’est tenue dernièrement à Ankara en novembre 2012. Les délégations des deux pays y sont convenues de s’attaquer avec efficacité aux migrations irrégulières ainsi qu’à la traite des êtres humains.