Imprimer
Autres documents liés

Résolution 1943 (2013) Version finale

La corruption: une menace à la prééminence du droit

Auteur(s) : Assemblée parlementaire

Origine - Discussion par l’Assemblée le 26 juin 2013 (23e séance) (voir Doc. 13228, rapport de la commission des questions juridiques et des droits de l’homme, rapporteure: Mme Reps; et Doc. 13247, avis de la commission du Règlement, des immunités et des affaires institutionnelles, rapporteur: M. Díaz Tejera). Texte adopté par l’Assemblée le 26 juin 2013 (23e séance). Voir également la Recommandation 2019 (2013).

1. L’Assemblée parlementaire reconnaît que la corruption reste un problème majeur en Europe, qui menace gravement la prééminence du droit.
2. La corruption compromet le bon fonctionnement des institutions publiques et détourne l’action des pouvoirs publics de son but, qui est de satisfaire l’intérêt général. Elle perturbe le processus législatif, porte atteinte aux principes de légalité et de sécurité juridique, introduit une part d’arbitraire dans le processus décisionnel et a un effet dévastateur sur les droits de l'homme. La corruption mine par ailleurs la confiance des citoyens dans les institutions.
3. Le Conseil de l'Europe, son Assemblée parlementaire et ses Etats membres doivent rester le fer de lance de la lutte contre la corruption.
4. L’Assemblée, rappelant notamment ses recommandations et résolutions relatives à la lutte contre la corruption (Résolution 1214 (2000)), à la bonne conduite en matière électorale, à celle des partis politiques (Résolution 1264 (2001) et Résolution 1546 (2007)), au conflit d’intérêts (Résolution 1554 (2007)), à la situation des droits de l'homme et de la démocratie en Europe (Résolution 1547 (2007) et Recommandation 1791 (2007)) et au lobbying dans une société démocratique (Code européen de bonne conduite en matière de lobbying) (Recommandation 1908 (2010)), salue les initiatives prises par le Conseil de l'Europe dans ce domaine. Elle se félicite notamment de l’intensification de la mise en œuvre de la Convention pénale sur la corruption (STE no 173), de son protocole additionnel (STE no 191) et de la Convention civile sur la corruption (STE no 174). Elle appelle les Etats membres du Conseil de l'Europe qui n’ont pas encore signé ou ratifié ces instruments juridiques à le faire sans tarder.
5. L’Assemblée salue la décision du Secrétaire Général du Conseil de l’Europe de faire de la lutte contre la corruption l’une des activités prioritaires du Conseil de l’Europe pour 2014-2015, notamment dans le cadre d’un effort plus large pour restaurer la confiance de la population envers le bon fonctionnement des institutions démocratiques.
6. L’Assemblée se félicite également des travaux menés par le Groupe d’Etats contre la corruption (GRECO) et le Comité d’experts sur l’évaluation des mesures de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme (MONEYVAL), et invite instamment les Etats membres du Conseil de l'Europe à mettre en œuvre leurs recommandations et à encourager les Etats non membres et les autres institutions pertinentes à le faire. L'Assemblée invite en outre les parlements à contribuer à la mise en œuvre de ces recommandations en mettant en place des procédures spécifiques de contrôle parlementaire, en insistant particulièrement sur la mise en œuvre des recommandations issues du 4e Cycle d’évaluation du GRECO, centré sur la prévention de la corruption concernant les parlementaires, les juges et les procureurs. Dans le cadre des efforts pour renforcer la démocratie, les droits de l’homme et la prééminence du droit au bénéfice de tous, l’Assemblée salue l’intention du GRECO d’examiner la dimension de genre de la corruption et d’intégrer l’égalité des sexes dans ses activités de suivi anticorruption.
7. L’Assemblée invite tous les Etats membres du Conseil de l’Europe à intensifier la coopération internationale en matière de lutte contre la corruption, notamment:
7.1. en coopérant plus efficacement pour suivre les circuits empruntés par les capitaux qui font l’objet de virements électroniques, en vue de s’aider mutuellement à récupérer les fonds générés par les actes de corruption;
7.2. en prenant des mesures énergiques contre les banques, qui continuent à être complices des actes de corruption en aidant leurs auteurs à dissimuler et à blanchir leurs profits illicites;
7.3. en prenant des mesures énergiques contre l’accumulation des gains illicites.
8. L’Assemblée invite également tous les Etats membres à revoir leur législation relative à la lutte contre la corruption, en tenant compte des principes directeurs suivants:
8.1. tous les actes de corruption active et passive doivent être incriminés. Les infractions liées à la corruption doivent être clairement définies et distinguées des autres infractions, telles que l’abus de pouvoir ou l’abus d’autorité ;
8.2. la législation doit garantir l’indépendance du pouvoir judiciaire par des procédures de recrutement et de promotion transparentes et, si besoin est, l’utilisation de mesures disciplinaires adéquates, appliquées par des instances qui échappent à toute ingérence politique et autre influence indue ;
8.3. la législation doit garantir le maximum de transparence dans la vie politique, administrative et économique:
8.3.1. en instaurant la publication d’informations sur l’identité des propriétaires et dirigeants de personnes morales ou de structures similaires et sur les transferts de fonds à l’étranger, notamment vers des paradis fiscaux notoires;
8.3.2. en renforçant le droit à l’information des actionnaires minoritaires de sociétés privées et l’obligation démocratique de rendre des comptes pour la gestion des entreprises publiques;
8.3.3. en adoptant des mesures de répression énergiques contre le délit d’initié et les autres formes d’utilisation abusive des informations confidentielles obtenues par les responsables politiques, les fonctionnaires et les membres des instances de contrôle;
8.3.4. en adoptant et en généralisant la mise en œuvre de dispositions rigoureuses relatives à la déclaration de patrimoine, de revenus et d’intérêts financiers ou autres par les membres du gouvernement et du parlement, par les dirigeants de partis politiques et de mouvements politiques et par les fonctionnaires, les juges et les procureurs, ainsi qu’à la création d’instances de contrôle indépendantes et à la réglementation des activités de lobbying;
8.3.5. en facilitant la confiscation des actifs des personnes physiques ou morales ou de structures similaires incapables de démontrer, sur la base d’éléments solides du point de vue légal, qu’ils ont été obtenus légalement.
9. L’Assemblée souligne que l’amélioration indispensable de la législation doit s’accompagner d’une évolution du comportement culturel général à l’égard de la corruption, qui doit être clairement reconnue comme une pratique intolérable et une grave menace pour la prééminence du droit. Elle affirme sa volonté de continuer à détecter les nouvelles tendances en matière de transparence et de risques de corruption au sein des parlements, en partenariat avec les organisations non gouvernementales (ONG) et la société civile, et d’offrir aux parlements nationaux des garanties appropriées.
10. L’Assemblée, rappelant sa Résolution 1214, demande une fois encore à sa commission pour le respect des obligations et engagements des Etats membres du Conseil de l'Europe (commission de suivi) d’évaluer les progrès réalisés dans la lutte contre la corruption, en tenant compte des conséquences négatives de la corruption sur le respect des normes du Conseil de l'Europe par ses Etats membres.
11. Elle reconnaît le rôle important joué par les médias et les ONG, qui contribuent à faire évoluer l’attitude générale à l’égard de la corruption et qui décèlent et dénoncent ce phénomène.
12. Afin de donner le bon exemple, l’Assemblée décide d’accorder une attention particulière à la mise en œuvre effective de son propre code de conduite.
13. L’Assemblée décide de renforcer la dimension interparlementaire de la lutte contre la corruption et de promouvoir une plate-forme de coopération ayant pour objectifs:
13.1. de promouvoir la ratification et la mise en œuvre des conventions et des recommandations du Conseil de l'Europe en matière de lutte contre la corruption, en particulier les recommandations du GRECO, auprès des parlements nationaux;
13.2. de faire le point sur les initiatives nationales anticorruption, de partager les bonnes pratiques et de réfléchir ensemble à de nouvelles approches et méthodes de travail visant à réprimer efficacement la corruption;
13.3. d’obtenir des informations sur les activités en cours au sein des organismes anticorruption du Conseil de l’Europe et sur les initiatives des autres acteurs internationaux clés dans la lutte contre la corruption, ainsi que des statistiques et données corrélées provenant d’ONG et de la société civile concernant un pays donné ou les tendances de la corruption dans des domaines spécifiques.