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Résolution 1972 (2014) Version finale
Assurer que les migrants constituent une richesse pour les sociétés d’accueil européennes
1. La crise économique qui a éclaté
en 2008 a eu entre autres conséquences d’inciter beaucoup d’Etats européens
à examiner attentivement la question des migrations, suscitant un
débat davantage fondé sur des craintes et des préjugés que sur des
données factuelles.
2. Si certaines préoccupations légitimes ont été soulevées aux
plus hauts niveaux politiques quant à l’expérience européenne du
multiculturalisme, s’agissant en particulier de la deuxième génération
de migrants, le débat devrait s’attacher à la manière d’intégrer
avec succès les migrants et de faire en sorte que les bénéfices
des migrations soient ressentis par les sociétés d’accueil, les
pays d’origine et les migrants eux-mêmes.
3. L’Assemblée parlementaire s’inquiète de ce que, trop souvent,
les migrants sont injustement présentés comme une charge pour les
finances publiques et une menace pour le bien-être économique et
la cohésion sociale des sociétés d’accueil. Cette vision a été exacerbée
par la crise économique et les nombreuses mesures d’austérité. Fait
inquiétant, ce contexte a engendré un environnement et des discours
de plus en plus hostiles à l’égard de l’immigration dans bon nombre
d’Etats membres du Conseil de l’Europe.
4. Tant les médias que les responsables politiques ont leur part
de responsabilité pour avoir laissé s’installer dans bien des Etats
membres certaines idées reçues concernant les migrants. Si cette
situation est parfois due à une attitude passive, elle a été, dans
d’autres cas, délibérée. Des points de vue de groupes d’extrême
droite et néonazis trouvent de plus en plus d’écho au sein des courants
politiques majoritaires, que ce soit auprès de responsables politiques
jouissant d’un soutien important de l’opinion publique, ou par la reprise
des discours de ces groupes par certains partis traditionnels.
5. L’Assemblée juge essentiel de dresser un tableau objectif
et honnête des bénéfices que les migrants apportent aux Etats membres.
Il faut faire comprendre clairement qu’il appartient aux Etats de
décider s’ils souhaitent que les migrants constituent davantage
une richesse ou une charge. Ce choix dépendra des mesures prises
par les Etats membres à l’égard des migrants qu’ils acceptent sur
leur territoire et de leur engagement en faveur de l’intégration,
qui doit être un processus à double sens impliquant à la fois les migrants
et la société d’accueil.
6. Les bénéfices des migrations pour les pays d’accueil sont
divers et variés. Sur le plan économique, l’Organisation de coopération
et de développement économiques (OCDE) a clairement montré que, globalement,
l’immigration ne constitue pas une lourde charge pour les finances
publiques. Par ailleurs, la Commission européenne a conclu que les
citoyens mobiles de l’Union européenne ne constituent pas une charge
pour les systèmes de sécurité sociale nationaux.
7. Les migrants contribuent grandement au marché du travail,
en comblant les pénuries de main-d’œuvre qui freinent la croissance.
Ils se retrouvent dans la position de devoir accepter des emplois
peu rémunérés, précaires, dangereux et pénibles que nombre d’Européens
refusent d’exercer. Sans les migrants, dans certains pays, des secteurs
économiques entiers s’écrouleraient, par exemple celui de la construction,
de l’agriculture saisonnière, du tourisme, des services de santé
ou des services à domicile. Leur contribution en qualité d’entrepreneurs
est également considérable, sachant qu’ils emploient 2,4 % du total
de la population active dans les pays de l’OCDE. Parallèlement,
les liens tissés grâce à eux avec les marchés étrangers offrent de
nouvelles perspectives de croissance pour les entreprises. Il convient
par ailleurs de ne pas sous-estimer la contribution des étudiants
internationaux qui participent à l’économie par leurs achats et
constituent un vivier de main-d’œuvre hautement qualifiée et dotée
des compétences linguistiques requises.
8. L’Europe vieillit et la population en âge de travailler devrait
reculer de 10,5 % d’ici à 2050 au sein de l’Union européenne. Les
taux de fécondité actuels sont également faibles et en dessous du
seuil de renouvellement des générations dans bon nombre de pays
européens. A titre d’exemple, ils sont de l’ordre de 1,74 enfant
par femme en Arménie, 1,42 en Allemagne et 1,54 en Russie. D’après
les projections, l’Europe aura besoin de 40 à 60 millions de travailleurs
immigrés d’ici à 2050 pour maintenir son niveau de prospérité et
de bien-être.
9. Les bienfaits apportés par les migrants ne se mesurent pas
uniquement sur le plan économique et démographique. Ils peuvent
également être source d’enrichissement culturel, dans la littérature,
le cinéma, les arts, les sports, la cuisine et la mode, et sont
susceptibles de renforcer le dialogue interculturel et interreligieux.
10. L’Assemblée estime que les Etats membres devraient chercher
plus activement à optimiser les bénéfices que les migrants peuvent
apporter. Plus spécifiquement, l’Assemblée recommande aux Etats membres:
10.1. de combattre les idées reçues
concernant les migrants et notamment celles qui les représentent comme
une charge pour les finances publiques et une menace pour la prospérité
économique et la cohésion sociale. Ils devraient pour ce faire:
10.1.1. dresser un tableau juste et fidèle de l’impact fiscal
et autre des migrants, en matière d’emploi, d’entrepreneuriat, de
démographie, d’’enseignement supérieur, de culture et de codéveloppement;
10.1.2. encourager les médias à s’appuyer sur des informations
et des études impartiales et précises, à employer une terminologie
appropriée et un langage moins passionnel lorsqu’ils rendent compte
de la situation des migrants et des migrations;
10.1.3. exhorter les responsables politiques à faire preuve de
responsabilité dans le débat sur les migrants et les migrations,
et à ne pas laisser les points de vue et la rhétorique extrémistes infiltrer
le discours majoritaire. Par ailleurs, les responsables politiques
devraient être encouragés à débarrasser le débat public de toutes
les idées reçues qui portent préjudice aux migrants et à leurs perspectives
d’intégration;
10.1.4. encourager la poursuite des études et la collecte de données
sur l’impact des migrations afin de promouvoir une approche de la
question fondée sur des éléments factuels;
10.2. de veiller à optimiser les bienfaits apportés par les
migrations et les migrants en favorisant l’intégration de ces derniers
dans un processus à double sens et, pour ce faire:
10.2.1. encourager
la contribution des migrants à l’économie en levant les obstacles
juridiques et autres, notamment la non-reconnaissance des qualifications,
qui limitent leur participation au marché de l’emploi, que ce soit
en tant que salariés, travailleurs indépendants ou entrepreneurs;
10.2.2. élever leurs niveaux d’éducation et leurs résultats scolaires
afin qu’ils se rapprochent de ceux de la population totale;
10.2.3. lutter contre la discrimination et promouvoir l’égalité,
en prenant en compte les recommandations des organes de suivi du
Conseil de l’Europe, tels que la Commission européenne contre le
racisme et l’intolérance (ECRI), la jurisprudence de la Cour européenne des
droits de l’homme, les conclusions du Comité européen des Droits
sociaux ou le Mouvement du Conseil de l’Europe contre le discours
de haine;
10.2.4. faciliter leur participation démocratique, notamment en
leur accordant la citoyenneté, la nationalité et le droit de vote,
en particulier au niveau local, conformément aux Conventions du Conseil
de l’Europe sur la nationalité (STE n° 166) et sur la participation
des étrangers à la vie publique au niveau local (STE n° 144);
10.2.5. promouvoir la diversité en tant qu’avantage apporté par
l’immigration et l’intégration, les migrants étant considérés comme
une ressource pour le développement économique, social et culturel
local, et non uniquement comme des groupes vulnérables ayant besoin
d’aide et de services sociaux, ni comme une menace pour la cohésion
sociale;
10.2.6. encourager leur sentiment d’appartenance grâce à l’octroi
de la double nationalité, en particulier à ceux qui ont contracté
un mariage mixte et à leurs enfants;
10.2.7. préserver l’attractivité de l’enseignement supérieur pour
les étudiants étrangers en favorisant une procédure de délivrance
de visa simple et efficace;
10.3. sachant que l’intégration s’opère principalement à l’échelon
local, de tirer parti de l’expérience du Congrès des pouvoirs locaux
et régionaux ainsi que du programme «Cités interculturelles» du
Conseil de l’Europe et de l’Index des cités interculturelles créé
dans ce cadre;
10.4. de veiller à ce que les politiques de migration de travail
tiennent compte de manière réaliste des besoins du marché du travail
et gardent à l’esprit que certains types de migration ne peuvent
pas être régis de la même manière que les autres, au risque d’enfreindre
les droits de l’homme et les obligations humanitaires. C’est particulièrement
le cas s’agissant des réfugiés et des demandeurs d’asile, mais aussi
des politiques de regroupement familial.
11. L’Assemblée reconnaît que les déplacements massifs de migrants,
de demandeurs d’asile et de réfugiés imposent des responsabilités
et une charge aux pays du sud de la Méditerranée, en particulier lorsqu’ils
ne disposent ni des infrastructures ni des ressources économiques
requises pour y faire face efficacement. Elle appelle les Etats
membres à aider ces pays à mieux respecter leurs obligations en
matière de droits de l’homme dans la réponse qu’ils apportent aux
besoins des migrants et à prévenir les idées reçues à leur égard
ainsi que la propagation d’une rhétorique xénophobe dans le discours
public.