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Résolution 1973 (2014) Version finale

Les tests d’intégration: aide ou entrave à l’intégration?

Auteur(s) : Assemblée parlementaire

Origine - Discussion par l’Assemblée le 29 janvier 2014 (6e séance) (voir Doc. 13361, rapport de la commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées, rapporteure: Mme Tineke Strik). Texte adopté par l’Assemblée le 29 janvier 2014 (6e séance).Voir également la Recommandation 2034 (2014).

1. La connaissance de la langue ou des langues de la société d’accueil peut à l’évidence faciliter la bonne intégration des migrants. C’est en partant de ce constat que les tests d’intégration ont été introduits dans quelques Etats membres, initialement en vue de l’obtention de la nationalité. Adoptés par un nombre croissant d’Etats, ils ne sont plus seulement appliqués à cette fin mais aussi pour l’obtention de titres de séjour, voire comme condition préalable à l’entrée dans le pays, principalement en cas de regroupement familial.
2. L’usage de ces tests s’est grandement développé, et le niveau d’exigence a lui aussi été relevé. Par ailleurs, parallèlement à la langue, une série de questions de «citoyenneté», portant par exemple sur l’histoire, la connaissance des institutions politiques, de la société et des valeurs démocratiques, a été introduite dans plusieurs pays.
3. Le recours à ces tests soulève deux préoccupations essentielles. La première est de savoir s’ils favorisent l’intégration ou s’ils produisent l’effet contraire. La seconde est de savoir s’ils sont employés moins comme une mesure d’intégration que comme un mécanisme de gestion des migrations visant à limiter le nombre de migrants entrant et/ou restant dans le pays concerné. La baisse d’au moins 20 % des demandes de regroupement familial enregistrées dans un Etat membre et la diminution de 40 % du nombre de personnes demandant ou bénéficiant d’un titre de séjour permanent dans un autre donnent une indication claire de l’effet, intentionnel ou non, de l’introduction de ces mesures. Ces diminutions sont un motif d’inquiétude, car le regroupement familial et une plus grande sécurité en ce qui concerne les droits de séjour sont des facteurs bénéfiques pour l’intégration des migrants. Les migrants vulnérables ont particulièrement besoin d’être soutenus dans le processus d’intégration, ce qui nécessite de leur accorder l’accès à ces droits, au lieu de les en exclure.
4. Encourager l’intégration par des tests linguistiques ou autres ne constitue pas un problème en soi; il s’agit d’une mesure que beaucoup d’Etats membres conserveront probablement sous une forme ou une autre. Il est cependant important d’avoir conscience des limites de ces tests et de veiller à ce qu’ils contribuent à l’intégration plutôt que d’y faire obstacle. Plutôt que de développer la pratique de ces tests, proposer des cours de langue et, éventuellement, obliger les migrants à y participer pourraient produire des effets plus bénéfiques et favoriser l’acquisition de compétences linguistiques sans risquer d’exclure les migrants. Cette approche pourrait aussi favoriser l’intégration conçue comme un processus à double sens, qui nécessite un investissement à la fois de la part de la société et des migrants. En outre, le fait de tester les connaissances n’améliore pas, en soi, les compétences linguistiques et ne peut avoir d’efficacité que si ce test intervient au stade final d’un cours de langue offert par le pays d’accueil.
5. L’Assemblée parlementaire est préoccupée par l’efficacité des tests actuels d’intégration en Europe, qui n’est pas ce qu’elle devrait être. D’abord, les niveaux de connaissance requis dépassent parfois ce qui est raisonnablement accessible à la plupart des migrants ou candidats à l’immigration, d’où l’exclusion de nombreuses personnes qui n’auraient, hormis cela, pas rencontré de difficulté d’intégration. Cela soulève des problèmes en matière de droits de l’homme, s’agissant notamment du droit à la vie familiale et de la protection contre la discrimination. Cette situation devient particulièrement problématique dans les cas de regroupement familial ou lorsque les intéressés sont des personnes illettrées ou peu instruites, des personnes âgées, des réfugiés ou autres. Par ailleurs, lorsque les tests d’intégration constituent une mesure à peine voilée de gestion des migrations, ils entravent l’intégration et la desservent, et devraient être supprimés.
6. Les Etats membres du Conseil de l’Europe sont par conséquent invités à réexaminer leur approche des tests d’intégration en évaluant leur efficacité à long terme, en tant qu’outils propres à favoriser des mesures d’intégration efficaces, viables et accessibles, afin de garantir:
6.1. l’accessibilité des niveaux de compétence linguistique requis lors de ces tests. Cela supposera:
6.1.1. de ne pas fixer de niveaux de langue trop élevés et de différencier les tests selon les attentes en matière d’expression et de compréhension orales (ne pas dépasser le niveau A2 du «Cadre européen commun de référence pour les langues: apprendre, enseigner, évaluer» (CECR) du Conseil de l’Europe), et de compréhension ou production écrites (rester au niveau élémentaire A1 du CECR);
6.1.2. d’éviter les effets discriminatoires des tests en privilégiant les échelles graduées de compétences traduisant davantage la reconnaissance des efforts que les résultats bruts. Par ailleurs, les tests doivent prendre en compte les besoins et les capacités de personnes présentant des niveaux d’alphabétisation et d’instruction différents ou de celles susceptibles de se trouver en situation de vulnérabilité ou de présenter d’autres difficultés, par exemple les personnes âgées ou les réfugiés;
6.1.3. de ne pas recourir exclusivement aux tests. En remplacement ou en complément des tests, il conviendrait d’envisager d’autres options permettant de juger de la volonté d’intégration au moyen d’autres critères, par exemple l’engagement civique ou les progrès réalisés, ou en recourant à des mécanismes adoptés dans certains pays, tels que les entretiens avec un personnel qualifié afin de garantir l’équité;
6.2. l’octroi par l’Etat d’une aide financière adéquate pour les cours préparatoires. Dans la mesure du possible, ces cours devraient être gratuits, l’expérience ayant montré que le fait de demander aux migrants de s’acquitter des frais de cette formation, qui peut s’échelonner sur 400 heures, voire davantage, constitue un obstacle dissuasif majeur;
6.3. la mise en place de mesures appropriées pour que l’échec aux tests (qui peut être élevé) n’ait pas d’effet discriminatoire et ne conduise pas à l’exclusion ou à une situation incertaine pour ceux qui échouent. L’échec pourrait avoir pour conséquence que des efforts supplémentaires soient exigés, mais il ne devrait pas déboucher sur le refus du droit au regroupement familial, à un titre de séjour permanent ou à la nationalité;
6.4. un examen attentif des conditions préalables à l’entrée et de l’incidence qu’elles peuvent avoir sur le droit à la vie familiale, tel que consacré par l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme (STE n° 5), et au regroupement familial, tel qu’établi par la Directive 2003/86/CE de l’Union européenne relative au droit au regroupement familial. A cet égard, l’échec au test ne devrait jamais être à lui seul un motif pour exclure des migrants du regroupement familial, dès lors qu’ils satisfont à tous les autres critères;
6.5. l’étude, l’expérimentation et, le cas échéant, l’utilisation d’options autres que ces tests.