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Rapport | Doc. 13807 | 08 juin 2015

Evaluation du partenariat pour la démocratie concernant le Parlement du Maroc

Commission des questions politiques et de la démocratie

Rapporteur : M. Bogdan KLICH, Pologne, PPE/DC

Origine - Renvoi en commission: décision du Bureau, Renvoi 3980 du 28 juin 2013. 2015 - Troisième partie de session

Résumé

Ce rapport est un suivi de la Résolution 1942 (2013), par laquelle l’Assemblée avait décidé de continuer à passer en revue la mise en œuvre du partenariat pour la démocratie avec le Parlement du Maroc et de procéder à une nouvelle évaluation dans un délai de deux ans. Il fait le bilan des réformes politiques dans le pays et du respect des engagements politiques pris dans le cadre du partenariat.

Le rapport fait état d’une évaluation globalement positive des résultats atteints, et se félicite que le partenariat ait joué un rôle important pour le lancement et l’application de réformes cruciales dans plusieurs domaines clés et le développement d’une coopération multiforme entre le Conseil de l’Europe et les institutions marocaines. Le partenariat doit rester un outil important visant à rationaliser l’ensemble du programme de réformes et à accroître le rôle et la responsabilité du parlement dans ce processus.

Dans ce contexte, le rapport note que le rythme des réformes législatives et institutionnelles doit être accéléré afin de réaliser pleinement les ambitions de la Constitution de 2011. Des efforts supplémentaires sont attendus de la part du Parlement marocain pour parvenir à l’abolition de la peine de mort, prévenir les violations des droits fondamentaux et assurer la parité entre les femmes et les hommes.

Le rapport suggère que l’Assemblée parlementaire devrait continuer à passer en revue la mise en œuvre des réformes politiques au Maroc et offrir son assistance au Parlement marocain, et effectuer une nouvelle évaluation du partenariat lorsque cela s’avérera approprié.

A. Projet de résolution 
			(1) 
			Projet
de résolution adopté à l’unanimité par la commission le 4 juin 2015.

(open)
1. Le 21 juin 2011, le Parlement du Maroc est devenu le premier partenaire pour la démocratie de l’Assemblée parlementaire en vertu de la Résolution 1818 (2011) sur la demande de statut de Partenaire pour la Démocratie auprès de l’Assemblée parlementaire présentée par le Parlement du Maroc. L’Assemblée rappelle ce qui suit :
1.1. en adressant sa demande officielle pour obtenir ce statut, le Parlement du Maroc a déclaré qu’il partageait les mêmes valeurs que celles défendues par le Conseil de l’Europe et il a pris une série d’engagements politiques conformément à l’article 62.2 du Règlement de l’Assemblée;
1.2. en accordant le statut, elle a pris note de ces engagements et énoncé un certain nombre de mesures concrètes essentielles pour renforcer la démocratie, l’Etat de droit et le respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales au Maroc;
1.3. l’avancement des réformes est le but principal du partenariat pour la démocratie – a-t-elle également insisté – et il doit constituer le critère d’évaluation de son efficacité. Elle a donc décidé de faire le bilan des progrès réalisés dans la mise en œuvre des engagements politiques et des réformes jugées essentielles.;
1.4. dans sa Résolution 1942 (2013) sur l’évaluation du partenariat pour la démocratie concernant le Parlement du Maroc, adoptée le 25 juin 2013, elle a fait le point sur les évolutions politiques au Maroc et décidé de continuer à passer en revue la mise en œuvre des réformes politiques et de faire une nouvelle évaluation dans un délai de deux ans;
1.5. en outre, dans sa Résolution 2004 (2014) sur la contribution parlementaire à la résolution du conflit du Sahara occidental, elle a estimé que «les avancées réalisées par le Maroc en matière de droits de l’homme au Sahara occidental, ainsi que la mise en œuvre de la présente résolution, devraient désormais être prises en compte dans le prochain rapport d’évaluation du partenariat pour la démocratie concernant le Parlement du Maroc, prévu en 2015».
2. Après quatre années de mise en œuvre du partenariat avec le Parlement du Maroc, l’Assemblée fait une évaluation globalement positive de ses résultats. Elle se félicite que le partenariat continue de recueillir un large soutien aux niveaux du parlement et du gouvernement, mais aussi dans les milieux politiques et la société civile. Il a en effet joué un rôle important pour le lancement et l’application de réformes cruciales dans plusieurs domaines clés et le développement d’une coopération multiforme entre le Conseil de l’Europe et les institutions marocaines.
3. En même temps, le partenariat est, et doit rester, un outil important visant à s’étendre à l’ensemble du programme de réformes et à le rationaliser, ainsi qu’à accroître le rôle et la responsabilité du parlement dans ce processus.
4. Dans ce contexte, l’Assemblée constate que le Maroc a accompli des progrès dans le renforcement de la gouvernance démocratique, mais que le rythme des réformes législatives et institutionnelles doit être accéléré afin de réaliser pleinement les ambitions de la Constitution de 2011.
5. En ce qui concerne les engagements politiques contractés par le Parlement du Maroc lors de sa demande de statut de partenaire pour la démocratie, l’Assemblée:
5.1. regrette qu’aucun progrès tangible n’ait été réalisé en ce qui concerne la peine de mort. Certes, un moratoire de fait sur la peine capitale est en place depuis 1993, mais les tribunaux marocains continuent de prononcer des condamnations à la peine capitale. L’Assemblée appelle de nouveau le Parlement marocain à abolir la peine de mort dans le droit et, entre-temps, à déclarer un moratoire de droit sur les exécutions;
5.2. note que la délégation marocaine partenaire pour la démocratie a organisé et participé à plusieurs activités visant à mettre l’expérience de l’Assemblée et les compétences de la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise) à la disposition des membres du Parlement marocain afin de les aider dans leur travail législatif. L’Assemblée invite également le parlement à recourir plus largement et régulièrement à cette possibilité et à inviter un plus grand nombre de ses membres à participer à des activités communes;
5.3. invite les autorités marocaines compétentes à prendre des mesures, en coopération étroite avec la Commission de Venise, visant à améliorer la législation électorale et, plus généralement, le processus électoral dans son ensemble, avant les prochaines élections législatives prévues en 2016. L’Assemblée espère en outre être invitée à observer ces élections ainsi que celles qui se tiendront dans le futur;
5.4. note que, dans le cadre de la mise en œuvre du Plan gouvernemental pour l’égalité 2012-2016, le Conseil de l’Europe a apporté son expérience et une assistance pour élaborer le projet de loi instituant l’Autorité pour la parité et la lutte contre toutes formes de discrimination (APALD) prévue par la Constitution de 2011. Elle demande aux autorités marocaines d’accorder une priorité accrue aux mesures permettant aux femmes d’être dûment représentées à tous les niveaux du pouvoir et de la société;
5.5. se félicite que le Maroc ait adhéré à, ou signé, neuf conventions du Conseil de l’Europe et participe à sept accords partiels, contribuant ainsi à la création d’un espace juridique commun entre l’Europe et lui-même. L’Assemblée demande de nouveau aux autorités marocaines d’envisager d’adhérer à la Convention européenne pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (STE no 126) ainsi qu’aux Conventions du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains (STCE no 197) et sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (STCE no 210);
5.6. se félicite encore une fois de la participation active de la délégation parlementaire marocaine aux travaux de l’Assemblée et de ses commissions, qui permet à l’Assemblée d’être tenue informée de l’évolution politique du pays à la lumière des valeurs défendues par le Conseil de l’Europe;
5.7. encourage le parlement à jouer pleinement son rôle de pierre angulaire de la démocratie en intensifiant les travaux législatifs sur le programme de réformes, notamment dans les domaines évoqués dans la Résolution 1818 (2011). Elle salue les efforts déployés par le parlement pour associer plus activement des communautés d’experts et des organisations non gouvernementales au processus législatif et préconise d’étendre cette pratique afin que la société civile puisse mieux se faire entendre. Elle appelle de nouveau le parlement à garantir pleinement et efficacement le respect du droit d’association et de la liberté d’expression des organisations de la société civile;
5.8. encourage les autorités marocaines à respecter la liberté de religion, conformément au paragraphe 18 de la Déclaration universelle des droits de l’homme qui stipule que «[t]oute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion; ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction seule ou en commun, tant en public qu'en privé, par l'enseignement, les pratiques, le culte et l'accomplissement des rites»;
5.9. invite les autorités marocaines à prendre les mesures nécessaires pour supprimer la criminalisation de l’homosexualité du code pénal;
5.10. rappelle au parlement qu’il a exprimé son attachement général aux valeurs fondamentales de l’Etat de droit et du respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales qui découlent du partenariat, et l’invite instamment à redoubler d’efforts pour s’atteler aux problèmes qui existent dans ces domaines, notamment ceux qui sont signalés par des organisations de la société civile et par les médias.
6. L’Assemblée réaffirme son ferme soutien à l’action menée par le Secrétaire général des Nations Unies pour aider les parties concernées à parvenir à une solution politique juste, durable et mutuellement acceptable au Sahara occidental. Elle reprend à son compte la Résolution 2218 (2015) du Conseil de sécurité des Nations Unies, qui souligne qu’il importe d’améliorer la situation des droits de l’homme au Sahara occidental et dans les camps de Tindouf et encourage les parties à collaborer avec la communauté internationale pour mettre au point et appliquer des mesures indépendantes et crédibles qui garantissent le plein respect des droits de l’homme, en gardant à l’esprit leurs obligations découlant du droit international.
7. A cet égard, l’Assemblée se félicite, comme le fait la Résolution 2218 (2015), des récentes mesures et initiatives prises par le Maroc pour renforcer les commissions du Conseil National des droits de l’homme à Dakhla et Laâyoune et du dialogue que le Maroc entretient au titre des procédures spéciales du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies.
8. Cependant, elle partage les graves préoccupations exprimées par certains fonctionnaires internationaux et organisations de défense des droits de l’homme concernant des allégations de violations des droits fondamentaux au Sahara occidental. Rappelant le paragraphe 5 de la Résolution 2004 (2014), elle invite instamment le Parlement marocain à garantir que les préoccupations qui y sont exprimées sont dûment prises en compte par les autorités marocaines, conformément à leurs obligations internationales et dans l’esprit de respect des valeurs fondamentales défendues par le Conseil de l’Europe.
9. L’Assemblée prend note avec satisfaction des résultats obtenus pour le Maroc grâce à la mise en œuvre du programme conjoint Union européenne/Conseil de l’Europe «Renforcer la réforme démocratique dans les pays du voisinage méridional» (Programme Sud I) durant la période 2012-2014, et se félicite de l’extension de ce programme «Vers une gouvernance démocratique renforcée dans le sud de la Méditerranée» (Programme Sud II) sur la période 2015-2017.
10. Elle accueille également avec satisfaction l’accord conclu entre le Conseil de l’Europe et les autorités marocaines concernant un nouveau plan d’action intitulé «Partenariat de voisinage avec le Maroc 2015-2017», qui vise à consolider les résultats de la coopération menée depuis 2012 au titre des «Priorités 2012-2014 pour le Maroc dans le cadre de la coopération avec le voisinage» et à prolonger l’assistance apportée pour la mise en œuvre du processus de réformes démocratiques. L’Assemblée décide de suivre la mise en application du plan d’action et est prête à contribuer pleinement à sa dimension parlementaire.
11. L’Assemblée décide de continuer à passer en revue la mise en œuvre des réformes politiques au Maroc et offrir son assistance au Parlement marocain, et d’effectuer une nouvelle évaluation du partenariat lorsque cela s’avérera approprié.

B. Exposé des motifs, par M. Klich, rapporteur

(open)

1. Introduction

1. Le 21 juin 2011, l’Assemblée parlementaire a adopté la Résolution 1818 (2011) par laquelle le Parlement du Maroc est devenu le premier parlement à demander et à se voir attribuer le statut de partenaire pour la démocratie 
			(2) 
			Voir
en annexe l’article 62 du Règlement de l’Assemblée., mis en place par l’Assemblée en 2009 pour développer la coopération avec les parlements d’Etats voisins du Conseil de l’Europe.
2. En adressant sa demande officielle pour obtenir ce statut, le Parlement du Maroc a déclaré qu’il partageait les mêmes valeurs que celles défendues par le Conseil de l’Europe et il a pris une série d’engagements politiques conformément à l’article 62.2. du Règlement de l’Assemblée. Ces engagements sont repris au paragraphe 3 de la Résolution 1818 (2011).
3. En outre, l’Assemblée a estimé, au paragraphe 8 de la résolution susmentionnée, qu’un certain nombre de mesures spécifiques étaient essentielles pour renforcer la démocratie, l’Etat de droit et le respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales au Maroc.
4. L’Assemblée a en outre souligné que «l’avancement des réformes est le but principal du partenariat pour la démocratie et doit constituer le critère d’évaluation de son efficacité».
5. L’Assemblée a donc décidé de faire, deux ans après l’octroi du statut de partenaire pour la démocratie au Parlement du Maroc, le bilan des progrès réalisés dans la mise en œuvre des engagements politiques et des réformes jugées essentielles.
6. Le 25 juin 2013, l’Assemblée a adopté la résolution 1942 (2013) sur l’évaluation du partenariat pour la démocratie concernant le Parlement du Maroc en se fondant sur un rapport présenté par notre ancien collègue, M. Luca Volontè, et fait le bilan de l’évolution politique au Maroc dans le cadre du partenariat. Elle a ensuite décidé de continuer à passer en revue la mise en œuvre des réformes politiques au Maroc et de réévaluer le partenariat dans un délai de deux ans.
7. J’ai été nommé rapporteur le 1er octobre 2013 en vue de préparer le deuxième rapport d’évaluation tel que prévu par la Résolution 1942 (2013).
8. En outre, la Résolution 2004 (2014) sur la contribution parlementaire à la résolution du conflit du Sahara occidental, adoptée en juin 2014 suite à un rapport élaboré par notre collègue Mme Liliane Maury Pasquier, énonce que «les avancées réalisées par le Maroc en matière de droits de l’homme au Sahara occidental, ainsi que la mise en œuvre de la présente résolution, devraient désormais être prises en compte dans le prochain rapport d’évaluation du partenariat pour la démocratie concernant le Parlement du Maroc, prévu en 2015».
9. Dans le cadre de la préparation de mon rapport, j’ai effectué nos deux visites d’information au Maroc (en juillet 2014 et en avril 2015). J’ai également eu des entretiens avec nos partenaires marocains à l’occasion des différentes réunions de la commission des questions politiques et de la démocratie et en marge des sessions plénières de l’Assemblée. En outre, j’ai reçu certaines informations et observations de plusieurs organisations de défense des droits de l’homme.
10. Je remercie la délégation marocaine partenaire pour la démocratie, ainsi que tous les responsables marocains que j’ai rencontrés, de leurs contributions, qui ont été utiles. Je remercie également les représentants de la société civile marocaine et les organisations marocaines et internationales des droits de l’homme qui ont partagé avec moi leurs points de vue sur divers aspects de la situation au Maroc, ainsi que sur la situation des droits fondamentaux au Sahara occidental.

2. Contexte politique général

11. Après les élections législatives de 2011, la situation politique interne au Maroc est restée relativement stable. Toutefois, la coalition gouvernementale établie sur la base des résultats des élections anticipées de 2011 a dû être renouvelée en 2013 lorsque le parti Istiqlal (60 sièges à la Chambre des représentants), deuxième parti de la coalition gouvernementale, a décidé de quitter le gouvernement, faisant valoir l’absence de résultats concrets.
12. Le Premier ministre Abdel-Ilah Benkiran, chef du Parti de la Justice et du Développement (PJD), premier parti de la coalition, a invité le parti du Rassemblement National des Indépendants (52 sièges) à se joindre à la coalition. Le nouveau gouvernement a prêté serment le 10 octobre 2013. Il dispose désormais de 209 sièges sur 395 à la Chambre des représentants (l’ancien gouvernement disposait de 217 sièges). Le gouvernement compte deux femmes ministres et trois femmes qui occupent des postes de ministres déléguées.
13. Le gouvernement a déclaré que ses priorités n’avaient pas fondamentalement changé et concernaient, entre autres, la protection et le renforcement des droits et libertés, la bonne gouvernance et la régionalisation. La coalition s’est également engagée à terminer l’adoption des lois organiques et la réforme de la justice avant la fin de la législature actuelle.

3. Visites d’information

14. Comme je l’ai déjà mentionné, je me suis rendu deux fois au Maroc en tant que rapporteur: en juillet 2014 et en avril 2015. L’objectif principal de mes visites était de recueillir des informations sur les progrès réalisés par le Maroc sur la voie des réformes, notamment en ce qui concerne la mise en œuvre des engagements politiques et des recommandations de l’Assemblée, et d’encourager nos partenaires marocains à accélérer les réformes. Les deux résolutions pertinentes de l’Assemblée, la Résolution 1818 (2011) et la Résolution 1942 (2013), ont constitué la base de mes entretiens avec les partenaires marocains.
15. J’ai également cherché à mieux comprendre le contexte régional, culturel et religieux du pays et c’est pourquoi je me suis rendu également dans les provinces (Fès, Tanger et Ouarzazate).
16. Au cours de mes deux visites, j’ai eu des entretiens très positifs avec les présidents des deux Chambres du parlement, avec les représentants de la majorité et des partis de l’opposition, ainsi qu’avec la délégation marocaine à l’Assemblée.
17. J’ai eu également la chance de rencontrer des ministres clés (par exemple, les ministres de l’Intérieur, de la Justice, des Affaires étrangères, des Migrations, de la Solidarité, de la Femme, de la Famille et du Développement social) et de visiter plusieurs institutions spécialisées (Conseil économique, social et environnemental, Conseil national des droits de l’homme, Commission nationale chargée du dialogue sur la société civile et des nouvelles prérogatives constitutionnelles).
18. Conformément à la pratique habituelle de l’Assemblée, j’ai aussi rencontré des représentants d’organisations des droits de l’homme et des ambassadeurs d’Etats membres du Conseil de l’Europe.
19. Je tiens à remercier la délégation marocaine, partenaire pour la démocratie auprès de l’Assemblée parlementaire, pour l’excellente organisation de mes visites et du riche et intéressant programme de réunions à haut niveau, qui sont autant de preuves que nos collègues marocains attachent une grande importance au partenariat avec l’Assemblée.
20. Les principales conclusions de ma première visite sont rassemblées dans la note d’information que j’ai présentée à la commission le 5 septembre 2014 (voir le document AS/Pol (2014) 14).
21. Lors de ma deuxième visite, j’ai eu l’occasion de mener des entretiens plus approfondis sur des questions importantes liées au partenariat et au processus de réforme, et de soulever quelques questions supplémentaires.
22. En particulier, les interlocuteurs marocains m’ont communiqué de nouvelles informations sur l’état d’avancement des travaux législatifs du parlement. M. Rachid Talbi Alami, président de la Chambre des représentants, a souligné qu’il était important de faire avancer toutes les réformes clés, y compris dans les domaines politique, social et économique. Dix des 19 lois organiques avaient déjà été adoptées et plusieurs autres étaient à l’étude et devraient être votées dans les prochains mois.
23. Des représentants de la coalition gouvernementale étaient persuadés que les lois organiques devraient toutes être promulguées d’ici 2016 comme prévu dans la Constitution de 2011, puisqu’un accord de «principe» a été conclu avec l’opposition sur ce point. En revanche, des représentants de l’opposition ont, quant à eux, regretté la lenteur des travaux concernant les lois organiques et accusé la majorité de créer des retards artificiels et de manquer de volonté politique.
24. En ce qui concerne la peine de mort, le président de la Chambre des représentants a indiqué qu’un débat public était en cours sur ce point, y compris au parlement, tout en soulignant qu’un consensus de l’ensemble de la société était nécessaire sur cette question délicate. Des représentants de la majorité ont aussi déclaré que le dialogue devait se poursuivre afin d’éviter la division de la société. L’opposition a estimé que, dans ce domaine également, la coalition manquait de volonté politique et n’avait pas accordé un soutien politique suffisant à sa tentative d’introduire un projet de loi en la matière.
25. Une autre question importante s’est posée pour la majorité et l’opposition, celle du dialogue avec la société civile. Des représentants de la coalition ont souligné qu’ils se sont efforcés autant que possible d’engager le dialogue dans des débats publics sur des questions aussi fondamentales pour la société que l’abolition de la peine de mort, la régionalisation et l’avortement, pour n’en citer que quelques-unes. L’opposition a regretté l’absence de progrès dans la mise en œuvre des propositions de la société civile et des organisations de défense des droits de l’homme, faisant allusion aux conclusions de l’Instance équité et réconciliation, qui n’avaient pas encore été mises en pratique dans leur intégralité.
26. En outre, des représentants de l’opposition se sont plaints, en évoquant le climat politique général, que le gouvernement ne les traitait pas «d’une manière décente» et ont affirmé que la loi relative à l’opposition n’était pas appliquée.
27. L’opposition a également été critique envers la coalition de la majorité à propos de la politique d’égalité entre les sexes. D’après elle, les réalisations concrètes du gouvernement dans ce domaine ont été peu nombreuses et les femmes ont été tenues à l’écart des postes de responsabilité. Le pourcentage de femmes possédant un diplôme d’enseignement supérieur était de 54 %, mais seulement 6 % des secrétaires généraux et 11 % des chefs de département dans les administrations marocaines étaient de sexe féminin. L’opposition avait compté sur une action gouvernementale plus déterminée dans la lutte contre la discrimination et la violence contre les femmes et en faveur de l’égalité réelle et de la participation des femmes à la politique et la vie publique.
28. Les deux présidents et d’autres membres du parlement ont fait l’éloge du partenariat avec l’Assemblée, que M. Mohamed Cheïkh Biadillah, président de la Chambre des conseillers, a qualifié de «source d’oxygène pour la démocratie marocaine», et ont indiqué qu’ils étaient prêts à tirer profit de l’expérience européenne dans de nombreux domaines, y compris la migration, qui était un problème de plus en plus préoccupant pour le Maroc en raison de la situation instable régnant dans de nombreux pays voisins.
29. M. Mohamed Hassad, ministre de l’Intérieur, m’a assuré que l’Etat cherchait à garantir la liberté d’association et de réunion. Il a souligné qu’il y avait environ 50 rassemblements publics et mouvements de protestation chaque jour dans le pays et la plupart d’entre eux se déroulaient dans le calme et sans incidents. Les organisateurs sont tenus d’informer les autorités au préalable, mais il s’agit d’une pure formalité dont ils s’acquittent assez souvent après le déroulement de la manifestation concernée. Les forces de l’ordre n’interviennent que pour empêcher le blocage des rues ou des routes, des entreprises industrielles et des administrations publiques, qui est interdit.
30. Le ministre a souligné l’importance de la réforme territoriale qui a été soumise au parlement. La «régionalisation renforcée», qui vise à consolider la démocratie locale et régionale tout en réduisant le nombre de régions de 16 à 12, est la priorité politique du gouvernement. Les régions, ainsi que les autres niveaux de l’autonomie locale, seraient dotées d’une plus grande autonomie et de moyens budgétaires importants: environ 20 % du budget de l’Etat, soit environ 1 milliard d’euros, seraient gérés par les régions. Cette réforme est un défi pour tous les partis politiques, qui doivent préparer leur personnel à assumer de nouvelles responsabilités aux niveaux local et régional.
31. Le ministre m’a également communiqué des informations sur les problèmes de sécurité liés à l’émergence du groupe terroriste connu sous le nom d’«EI». Comme de nombreux pays de la Méditerranée, le Maroc a dû faire face à l’accroissement des menaces que pose cette entité terroriste, qui est beaucoup plus dangereuse que «Al-Qaïda», car elle contrôle des régions de l’Irak, de la Syrie et maintenant de la Libye. Son influence est également forte en Algérie et au Mali. Les autorités marocaines ont protégé les frontières nationales, mais près de 1 300 Marocains ont rejoint «EI», et environ 130 d’entre eux sont rentrés au Maroc. Les autorités ont renforcé la politique de prévention afin de contrôler les individus et les groupes qui pourraient commettre des actes terroristes. Quelque 135 groupes terroristes ont été démantelés au Maroc depuis 2003, année durant laquelle une législation anti-terroriste a été promulguée.
32. M. Moustafa Ramid, ministre de la Justice et des Libertés, m’a tenu informé des progrès accomplis dans la mise en œuvre des réformes du système judiciaire. Son ministère était chargé de la mise en œuvre de la Charte de la réforme du système judiciaire, qui avait été élaborée en 2013 avec l’aide d’experts du Conseil de l’Europe. Un large dialogue national avait précédé l’élaboration de l’ensemble des réformes.
33. La réforme avait six objectifs stratégiques: la consolidation de l’indépendance de la magistrature; la moralisation du système judiciaire; le renforcement de la protection judiciaire des droits et libertés; l’amélioration de l’efficacité et de l’efficience de la magistrature; le développement des capacités institutionnelles du système judiciaire; la modernisation de l’administration judiciaire et la promotion de la bonne gouvernance. La réforme comptait quelque 200 mécanismes de mise en œuvre et plus de 350 mesures de procédure assortis de délais concrets.
34. Les grands projets de lois portant la réforme devraient être soumis au parlement à l’été 2015. Les principaux projets de documents, y compris le code de procédure pénale, sont disponibles pour consultation et discussion sur le site web du ministère. Le Conseil national des droits de l’homme avait été invité à fournir un avis sur le projet.
35. Le ministre a formulé également quelques observations sur les efforts déployés par le Maroc pour éliminer tous les cas de torture et de mauvais traitements en détention, lutter contre la corruption dans le système judiciaire et protéger les libertés civiles. Sur ce dernier point, le ministre a souligné que la protection de la liberté des médias faisait partie des premières priorités du pays. Au Maroc, aucun journaliste n’était emprisonné à cause de son travail, et aucun journal n’a été fermé. Un nouveau code de la presse était en cours d’élaboration afin d’officialiser la pratique existant dans ce domaine.
36. A ma demande, les collègues marocains ont organisé une réunion à l’Institut Mohamed VI, qui est chargé de la formation des imams. Créé il y a plusieurs années, cet institut a pour but de veiller à ce que la formation des imams marocains et étrangers soit dispensée dans un esprit de tolérance et de respect de la dignité humaine, et de s’opposer aux tendances radicales de l’islam. L’Institut, dont la réputation est désormais bien établie au-delà des frontières marocaines, a reçu des stagiaires de nombreux Etats africains et aussi d’Europe.
37. J’ai eu également l’occasion de visiter le Bureau central des investigations judiciaires, récemment créé, qui doit jouer un rôle de premier plan dans la lutte contre le terrorisme tout en respectant les droits de l’homme et les libertés fondamentales.
38. La réunion au Conseil économique social et environnemental, une des nouvelles institutions créées en vertu des dispositions de la Constitution de 2011, m’a donné l’occasion de discuter des principaux défis que le pays doit relever. L’un d’entre eux est le taux de chômage. Le chiffre officiel est de 9 % mais la réalité est bien plus sombre, et le niveau de sous-emploi a été estimé à environ 40 %. Un des aspects les plus inquiétants de cette situation est le niveau de chômage chez les jeunes diplômés de l’université et les femmes. Les autorités doivent s’attaquer en priorité à cette question, qui pourrait mettre en danger la stabilité de la société marocaine.
39. Un autre défi à relever est celui de l’écart croissant entre les riches et les pauvres. Ces derniers se sentent aliénés, marginalisés et ont le sentiment que les réformes économiques et les investissements étrangers ne leur profitent pas. Les autorités sont censées mettre en place une fiscalité équitable et se remobiliser pour lutter contre la corruption et la fraude.
40. Autre priorité pour le Maroc: la réforme du système éducatif. En effet, les écoles doivent être modernisées afin de préparer les jeunes aux défis de la vie moderne. L’éducation aux droits de l’homme et la capacité à vivre ensemble dans une société mixte et évolutive font partie des nouvelles matières qui devraient être introduites.
41. Les membres du Conseil national des droits de l’homme – une autre institution qui a été créée en vertu de la nouvelle Constitution – m’ont parlé de la façon dont ils coopéraient avec le parlement pour élaborer des textes de loi. Cette pratique, qui existait auparavant, est désormais fondée sur la constitution et sur des accords concrets avec les chambres du parlement. Son objectif est d’améliorer l’approche des droits de l’homme utilisée dans le processus de rédaction de nouvelles lois et, plus généralement, de promouvoir une culture des droits fondamentaux. Près d’un tiers des observations et des propositions formulées par le Conseil national ont été prises en compte par le parlement. Le Conseil, qui a des représentations dans 13 régions du Maroc, a développé une coopération active avec quelque 480 ONG qui sont en mesure de participer et de contribuer à un certain nombre de débats nationaux.
42. L’une des priorités du Conseil national est la diffusion d’informations sur les normes internationales s’appliquant aux droits de l’homme, et notamment sur les instruments et mécanismes du Conseil de l’Europe.
43. A Ouarzazate, j’ai eu un entretien constructif avec le gouverneur de la province, qui avait réuni tous les principaux acteurs du pouvoir local: le président du Conseil provincial, le maire de la ville de Ouarzazate et les chefs des autorités de police locales. Cette visite, en particulier, m’a donné l’occasion d’examiner les défis que doit relever le Maroc au niveau local et qui sont d’une importance particulière dans le contexte du prochain train de réformes s’appliquant aux régions marocaines.
44. Les réunions auxquelles j’ai participé à Rabat et dans les provinces m’ont permis de faire le point sur les engagements politiques pris dans le cadre du partenariat pour la démocratie, de recenser un certain nombre de domaines qui doivent être abordés dans le contexte des futures réformes, et de discuter de ce que le Conseil de l’Europe peut faire pour répondre aux attentes de nos partenaires.

4. Mise en œuvre des engagements politiques

45. Dans la Résolution 1818 (2011), l’Assemblée prend note que, dans leur lettre demandant l’octroi du statut de partenaire pour la démocratie, les présidents des deux chambres du Parlement du Maroc, conformément aux exigences énoncées dans le Règlement, ont réaffirmé que «le parlement qu’ils représentent partage les mêmes valeurs que le Conseil de l’Europe, à savoir la démocratie pluraliste et paritaire, l’Etat de droit et le respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales».
46. Par ailleurs, ils se sont engagés:
  • à poursuivre leurs efforts «pour sensibiliser les pouvoirs publics ainsi que les acteurs de la vie politique et de la société civile afin de faire avancer la réflexion en cours sur les problématiques de la peine capitale» et [à continuer] d’«encourager les autorités compétentes à poursuivre le moratoire de fait sur les exécutions de la peine de mort existant depuis 1993». Ils ont l’intention de s’«appuyer sur l’expérience de l’Assemblée, ainsi que sur l’expertise de la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise) dans [leurs] travaux institutionnels et législatifs, en ayant à l’esprit que le Maroc est membre de la Commission de Venise depuis 2007»;
  • à «poursuivre leurs efforts pour sensibiliser les pouvoirs publics et les acteurs de la vie politique pour créer les conditions favorables à la tenue d’élections libres, justes et transparentes»;
  • à «encourager la participation équilibrée des femmes et des hommes à la vie publique et politique»;
  • à «encourager les autorités compétentes à adhérer aux conventions et accords partiels pertinents du Conseil de l’Europe pouvant être signés et ratifiés par des Etats non membres, en particulier ceux traitant des droits de l’homme, de l’Etat de droit et de la démocratie»;
  • à «informer régulièrement [l’]Assemblée des progrès accomplis dans la mise en œuvre des principes du Conseil de l’Europe dans [leur] pays».
47. Sur la base de mes entretiens avec les collègues marocains, mais aussi en tenant compte de l’apport d’organisations des droits de l’homme et d’observateurs indépendants, je suis en mesure de formuler les observations suivantes sur la mise en œuvre, par les autorités marocaines, de ces engagements politiques.

4.1. Abolition de la peine de mort

48. Le moratoire de fait sur les exécutions est en place depuis 1993, mais la peine de mort reste inscrite dans les textes et les tribunaux marocains continuent de prononcer des condamnations à la peine capitale. Selon Amnesty International, 10 condamnations à la peine capitale ont été prononcées en 2013, 9 en 2014 et au moins 3 depuis le début de 2015. On dénombre 120 personnes condamnées à mort.
49. Dans le cadre de la réforme judiciaire, le projet de nouveau code pénal devrait maintenir la peine de mort pour 11 crimes (actuellement 31). Il semblerait que le gouvernement actuel n’ait pas la volonté politique d’abolir la peine capitale et de mettre en œuvre les dispositions de l’article 20 de la Constitution qui énonce «le respect du droit à la vie».
50. Lors du Forum mondial sur les droits de l’homme, qui s’est tenu en novembre 2014, le roi a lancé un appel pour engager un débat national sur la peine de mort. Nous sommes néanmoins informés que ce débat, qui est dirigé par des ONG et le Conseil national des droits de l’homme, reste limité à certaines élites et n’a pas vraiment atteint l’ensemble de la société. On note qu’une campagne contre l’abolition se déroule parallèlement, soutenue par certains médias politisés et des cercles islamiques.
51. Il existe un Réseau des parlementaires marocains contre la peine de mort qui regroupe environ 240 députés des deux chambres et de différents groupes politiques. Toutefois, certains membres de ce réseau ont fait partie de ceux qui ont voté en faveur d’un nouveau code de justice militaire, qui maintient la peine de mort dans certains cas.
52. Un projet de loi sur l’abolition de la peine de mort aurait été déposé au Secrétariat général du gouvernement par plusieurs partis politiques de la coalition et de l’opposition. Le moratoire de fait n’a pas encore été confirmé officiellement.

4.2. Elections

53. Les prochaines élections législatives devraient avoir lieu au Maroc à l’automne 2016. Néanmoins, le Maroc devrait déjà organiser un certain nombre d’élections en 2015, tant au niveau local qu’au niveau régional, ainsi que des élections indirectes à la Chambre des conseillers.
54. J’espère que les prochaines élections permettent de progresser sur la voie de la démocratie. Un certain scepticisme règne cependant dans certaines composantes de la société civile marocaine, qui prétendent que le climat politique général dans le pays, caractérisé par la corruption, l’impunité, la monopolisation politique et administrative des médias et l’exclusion sociale, n’est pas propice à des élections véritablement impartiales et transparentes.
55. Selon mes informations, le parlement serait en train de travailler sur l’amélioration du cadre électoral actuel. Je tiens à rappeler que, dans la Résolution 1942 (2013), l’Assemblée avait déjà invité les autorités marocaines à procéder à une analyse approfondie de l’organisation des élections anticipées de début 2011, tenant compte de la nécessité de remédier aux irrégularités signalées, en vue d’améliorer la législation électorale et, d’une manière plus générale, de tout le processus électoral avant les prochaines élections.
56. En outre, le Conseil national des droits de l’homme a élaboré un ensemble complet de recommandations visant à rendre les élections plus inclusives et à les rapprocher des citoyens. Ces recommandations proposent une série de mesures pour élargir le corps électoral, rééquilibrer les circonscriptions, renforcer la participation et les chances d’être élus pour les femmes et les jeunes, et créer un cadre approprié pour l’observation neutre et indépendante des élections. J’encourage fortement nos partenaires marocains à examiner attentivement ces recommandations.
57. Les prochaines échéances électorales, à tous les niveaux, y compris les élections législatives de 2016, devraient être considérées comme un test important du soutien populaire aux réformes et consolider la légitimité démocratique des institutions représentatives. Comme en 2011, l’Assemblée devrait être prête à participer à l’observation des élections législatives.

4.3. Participation équilibrée des femmes et des hommes à la vie publique et politique

58. Au paragraphe 27 ci-dessus, j’ai déjà fait allusion aux remarques critiques formulées par des représentants de l’opposition parlementaire sur les questions liées à l’égalité des sexes. Un certain nombre d’organisations de la société civile, d’organisations de défense des droits de l’homme et d’analystes indépendants partagent ces critiques. Pour eux, la politique du gouvernement dans le domaine de l’égalité des sexes et de la lutte contre la discrimination manque de cohérence et n’a pas produit de résultats significatifs.
59. Du point de vue institutionnel, la Constitution marocaine de 2011 prévoit la création d’une autorité spécifique pour la parité et la non-discrimination. Un projet de loi portant création de l’Autorité pour la parité et la lutte contre toutes formes de discrimination (APALD) a été élaboré en coopération avec le Conseil de l’Europe et mis à disposition pour consultation et commentaires sur le site web du gouvernement. Il devrait être présenté au parlement dans les prochains mois.
60. Lors de ma rencontre avec le Conseil national des droits de l’homme, il m’a été remis un mémorandum préliminaire comprenant une évaluation critique de ce projet de loi, réalisée par les juristes du Conseil. J’invite nos collègues marocains à étudier de près les observations du Conseil national et à veiller à ce que l’institution nouvellement créée soit capable de fournir une protection efficace contre la discrimination, tel qu’il est énoncé dans la Constitution.
61. J’exhorte également le parlement marocain à redoubler d’efforts dans la lutte contre la discrimination et la violence contre les femmes, et en faveur d’une égalité réelle et de la participation des femmes à la vie politique et publique.
62. J’attends avec intérêt les observations plus détaillées qui seront formulées par le rapporteur pour avis de la commission sur l’égalité et la non-discrimination.

4.4. Adhésion aux accords partiels et conventions du Conseil de l’Europe

63. Depuis le dernier examen du partenariat, en 2013, le Maroc a élargi sa participation aux instruments juridiques du Conseil de l’Europe. Il est maintenant partie à neuf conventions et sept accords partiels.
64. En outre, le parlement aurait achevé les procédures de ratification nationales concernant plusieurs autres conventions, notamment celles qui sont relatives à la protection des droits de l’enfant, et le Maroc devrait adhérer à ces instruments dans un proche avenir.
65. Par ailleurs, le Maroc a été invité à adhérer à 14 autres conventions du Conseil de l’Europe ou à les signer.
66. Nous devons féliciter les autorités marocaines des efforts qu’elles ont déployés, qui contribuent à la création d’un espace juridique commun entre l’Europe et le Maroc, et encourager nos partenaires, en particulier au parlement, à poursuivre dans cette voie.
67. Dans ce contexte, je tiens à rappeler que, dans sa Résolution 1942 (2013), l’Assemblée encourageait les autorités marocaines à envisager l’adhésion à la Convention européenne pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (STE no 126), en tenant compte, notamment, du fait que le Maroc a récemment adhéré au Protocole facultatif se rapportant à la Convention des Nations Unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.
68. J’encourage aussi nos partenaires marocains à envisager l’adhésion aux conventions du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains (STCE no 197) et sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (STCE no 210).

4.5. Informer l’Assemblée des progrès accomplis dans la mise en œuvre des principes du Conseil de l’Europe

69. Le chapitre 6 du présent rapport contient des informations sur le dialogue multiforme qui s’est établi entre l’Assemblée et le Parlement du Maroc et qui permet aux partenaires marocains d’informer régulièrement nos membres sur l’évolution politique de leur pays à la lumière des valeurs défendues par le Conseil de l’Europe, notamment sur la mise en œuvre du programme de réformes.
70. Tout au long de mes visites d’enquête et de mes entretiens avec des responsables marocains de haut niveau et des membres de la délégation parlementaire marocaine à l’Assemblée, j’ai noté l’engagement sincère et authentique de mes interlocuteurs à l’égard des principes fondamentaux de la démocratie, du respect des droits de l’homme, des principes fondamentaux et de la primauté du droit, ainsi que leur ferme intention d’utiliser le partenariat avec l’Assemblée pour consolider la gouvernance démocratique au Maroc.
71. Je suis convaincu que le partenariat a été une offre opportune et appropriée pour répondre aux besoins des élites politiques et de la société marocaine dans son ensemble, qui aspirent à davantage de démocratie. Le partenariat a déjà joué un rôle important dans l’élaboration du programme de réforme.
72. Comme le rythme des réformes semble avoir ralenti, les engagements politiques pris par le parlement dans le cadre du partenariat devraient servir de facteur de mobilisation pour maintenir le cap du processus de réforme en cours et veiller à ce qu’il soit compatible avec les droits fondamentaux et les valeurs démocratiques.
73. Nous espérons que nos collègues marocains redoubleront d’efforts pour parvenir à l’abolition de la peine de mort et assurer la parité entre les femmes et les hommes. Les autres questions soulevées dans la Résolution 1818 (2011) et la Résolution 1942 (2013) de l’Assemblée devraient continuer à faire partie des priorités politiques. Le travail législatif doit être accéléré afin que les dispositions de la Constitution de 2011 soient mises en œuvre pleinement et efficacement.
74. En outre, je tiens à réitérer, comme je l’ai fait tout au long de mes rencontres, l’appel lancé au parlement afin qu’il intensifie son action pour répondre aux préoccupations soulevées par les organisations marocaines et internationales de défense des droits de l’homme, conformément à son attachement général aux valeurs fondamentales de l’Etat de droit et du respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales.
75. Je compte sur l’avis de la commission des questions juridiques et des droits de l’homme pour fournir d’autres informations et propositions concernant la situation des droits de l’homme au Maroc.

5. Sahara occidental

76. Comme le mentionne le paragraphe 8 ci-dessus, l’Assemblée, dans sa Résolution 2004 (2014), a estimé que «les avancées réalisées par le Maroc en matière de droits de l’homme au Sahara occidental, ainsi que la mise en œuvre de la présente résolution, devraient désormais être prises en compte dans le prochain rapport d’évaluation du partenariat pour la démocratie concernant le Parlement du Maroc».
77. Le problème du Sahara occidental revêt plusieurs aspects, le plus délicat d’entre eux étant le statut juridique international de ce territoire.
78. D’une part, la communauté internationale ne reconnaît pas la souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental, qui est considéré par les Nations Unies comme un territoire non autonome placé de fait sous administration marocaine.
79. D’autre part, le Maroc considère le Sahara occidental, qu’il appelle «provinces du sud», comme faisant partie intégrante de son territoire et de son Etat. Remettre ce point de vue en question est considéré comme une atteinte à l’unité nationale et à l’intégrité territoriale du Maroc.
80. Ce désaccord fondamental demeurera tant qu’il n’y aura pas de solution internationale juridiquement contraignante acceptable pour toutes les parties concernées dans le cadre du processus mis en place par les Nations Unies. Je crois que ni l’Assemblée, ni le Conseil de l’Europe dans son ensemble, ne devraient s’engager dans le règlement de ce problème, sauf si les Nations Unies leur demande d’y contribuer.
81. Je ne vois donc aucune raison pour que l’Assemblée interfère avec les efforts que déploie les Nations Unies pour trouver un accord sur le statut du Sahara occidental. Certes, nous devons continuer à encourager nos partenaires parlementaires marocains à jouer un rôle plus actif dans la recherche d’une solution négociée, comme indiqué dans la Résolution 1818 (2011), mais je suis convaincu que la question du statut du Sahara occidental ne doit pas être considérée comme étant directement liée au partenariat.
82. Cela étant, la question des droits de l’homme dans le contexte du problème du Sahara occidental est entièrement du ressort de l’Assemblée. Il s’agit en fait de la seule question dont l’Assemblée doit assurer le suivi conformément à la Résolution 2004 (2014). Plus précisément, l’Assemblée s’inquiète, dans sa résolution, d’un certain nombre d’allégations de violations des droits de l’homme au Sahara occidental, en particulier en matière de liberté d’expression, de réunion et d’association, ainsi que des allégations de torture, de traitements inhumains ou dégradants, ou de violations du droit à un procès équitable. Ces préoccupations sont reprises dans les rapports des divers mécanismes des Nations Unies et des organisations indépendantes de défense des droits de l’homme.
83. Notamment à l’occasion de sa visite au Maroc en mai 2014, le Haut-Commissaire des Nations Unies pour les droits de l’homme de l’époque, Mme Navi Pillay, a soulevé des préoccupations relatives aux droits fondamentaux, notamment au Sahara occidental, et a encouragé les autorités marocaines à veiller à ce que les droits de l’homme et les libertés fondamentales soient également protégés au Maroc et au Sahara occidental.
84. Elle a évoqué, entre autres, les rapports du Rapporteur spécial des Nations Unies sur la torture, qui s’est rendu au Maroc et au Sahara occidental en 2012, et du Groupe de travail sur la détention arbitraire, qui s’y est rendu en décembre 2013. Les deux délégations des Nations Unies ont exprimé leur inquiétude sur l’utilisation de la torture et des mauvais traitements ainsi que la recevabilité devant la justice d’aveux arrachés sous la torture ou au moyen d’autres formes de mauvais traitements. Le Comité des Nations Unies contre la torture a également fait part de graves préoccupations similaires au gouvernement du Maroc.
85. Mme Pillay a aussi noté que les organisations de la société civile se sont plaintes que la loi sur l’enregistrement des organisations n’est pas appliquée de façon cohérente, en particulier au Sahara occidental, où des retards administratifs et autres tactiques seraient utilisés pour empêcher l’enregistrement de certaines organisations. Ultérieurement, deux organisations sahariennes de défense des droits de l’homme, l’«Association sahraouie des victimes de violations graves des droits de l’homme» et l’«Association el Ghad pour les droits de l’Homme», auraient été enregistrées.
86. Le rapport du Secrétaire général des Nations Unies sur la situation concernant le Sahara occidental, publié le 10 avril 2015, indique que, selon certaines organisations de défense des droits de l’homme, les autorités marocaines n’ont pas autorisé de manifestations au Sahara occidental, notamment pour empêcher les appels à l’autodétermination. Ces rassemblements ont continué d’être dispersés par la force et les forces de l’ordre marocaines auraient fait, pour les réprimer, un usage excessif de la force, notamment à l’égard de femmes et d’enfants. Dans certains cas, des manifestants et des militants auraient été victimes d’arrestations arbitraires, de torture, de mauvais traitements et de poursuites.
87. Le Groupe de travail des Nations unies sur la détention arbitraire a soulevé la question du maintien en détention des 21 Sahraouis appartenant au groupe du camp de Gdeim Izik, suite à une décision d’un tribunal militaire en 2013.
88. Du côté positif, le parlement a récemment adopté un nouveau Code de la justice militaire qui exclut les civils de la compétence des tribunaux militaires. Selon la nouvelle loi, les affaires concernant des civils jugés actuellement par des tribunaux militaires doivent être transférées aux tribunaux ordinaires.
89. Il existe de nombreux rapports crédibles rédigés par des organisations respectées de défense des droits de l’homme, locales et internationales, qui fournissent des informations fiables sur les violations continues des droits fondamentaux au Sahara occidental. Le parlement marocain doit faire tout son possible pour mener des enquêtes sur la base de ces rapports, veiller à ce que les auteurs de violations alléguées rendent des comptes, et prendre les mesures nécessaires pour empêcher de nouvelles violations. La Résolution 2004 (2014) de l’Assemblée contient des propositions concrètes en ce sens.

6. Dialogue et collaboration avec le parlement

90. Comme mon prédécesseur, M. Volontè, le mentionnait dans son rapport de 2013, des représentants du Parlement du Maroc ont été régulièrement invités à assister aux sessions de l’Assemblée depuis l’adoption de la Résolution 1598 (2008) «Renforcement de la coopération avec les pays du Maghreb», et ont pris part aux réunions de la commission des questions politiques et de la démocratie lors de l’examen de la demande du Parlement marocain d’octroi du statut de partenaire pour la démocratie.
91. Dès que le statut a été accordé, les membres de la délégation marocaine, partenaire pour la démocratie, ont été pleinement intégrés dans les travaux de l’Assemblée et de ses commissions. Ils contribuent régulièrement aux débats dans l’hémicycle, même si le fait qu’ils soient placés au bas de la liste des orateurs peut les empêcher de le faire.
92. Dans la commission des questions politiques et de la démocratie, nos partenaires marocains ont été particulièrement intéressés, pour des raisons évidentes, par le rapport de Mme Maury Pasquier sur la contribution parlementaire à la résolution du conflit du Sahara occidental. Les discussions ont parfois été vives, mais le projet de résolution fut le résultat d’un compromis et représente un bon exemple de véritable diplomatie parlementaire.
93. Les représentants marocains ont également contribué activement à de nombreux autres points examinés au sein de la commission, que ce soit en rapport avec divers sujets régionaux intéressant directement le Maroc ou sur des questions de politique générale. Je considère que ces contributions enrichissent nos débats et sont en parfaite adéquation avec l’un des principaux objectifs du partenariat, à savoir la participation de représentants parlementaires de pays voisins au débat politique européen.
94. Nos partenaires marocains ont également participé aux conférences et à d’autres manifestations organisées par l’Assemblée. Par exemple, les présidents des deux chambres du parlement ont assisté à la conférence régionale intitulée « Les changements politiques en Méditerranée du sud et au Proche-Orient: le rôle des institutions représentatives », que notre commission a organisée en novembre 2013 à Lisbonne, en coopération avec la Commission de Venise et le Centre européen pour l’interdépendance et la solidarité mondiales (Centre Nord-Sud).
95. Sur ces points et en plusieurs autres occasions, les membres de la délégation marocaine ont collaboré activement avec les collègues d’autres parlements de pays arabes qui ont participé aux réunions de la commission, et ont échangé avec eux leur expérience du partenariat avec l’Assemblée, contribuant ainsi à une meilleure prise de conscience des avantages qu’offre le statut de partenaire pour la démocratie ainsi que des obligations qui en découlent.
96. Un autre aspect positif à noter est l’émergence d’une relation «horizontale» entre les délégations partenaires pour la démocratie et les candidats à ce statut. Les membres marocains ont participé activement aux discussions concernant les demandes d’octroi de ce statut émanant des parlements du Kirghizistan et de Jordanie.
97. En outre, comme dans la période d’évaluation précédente, l’Assemblée a préparé un certain nombre d’activités sur des thèmes spécifiques destinés aux membres et au personnel du Parlement du Maroc dans le cadre du programme conjoint Conseil de l’Europe/Union européenne sur le renforcement de la réforme démocratique dans les pays du voisinage méridional.
98. En juin 2014, l’Assemblée a organisé à Rabat, en collaboration avec la Commission de Venise, un séminaire parlementaire sur le rôle de l’opposition. Un autre séminaire parlementaire intitulé «La nouvelle politique de migration du Maroc et l’expérience européenne: nouveaux défis pour les politiques et pratiques d’intégration» a été organisé à Rabat en octobre 2014.
99. D’autres séminaires parlementaires sont prévus sur des questions qui font actuellement l’objet de discussions entre le Parlement du Maroc et l’Assemblée. J’espère que ces activités recevront toute l’attention voulue des parlementaires marocains, et j’encourage le parlement à recourir plus largement à cette possibilité et à faire participer un plus grand nombre de ses membres aux activités communes.
100. L’Assemblée a également continué à organiser des séminaires pour le personnel du parlement marocain. En décembre 2014, un groupe de membres du personnel des commissions compétentes du parlement a participé à une session de formation sur les activités du Conseil de l’Europe à Strasbourg.
101. Récemment, le secrétariat de la Chambre des représentants du Maroc a indiqué qu’il souhaiterait que son personnel reçoive une formation et une assistance dans deux domaines particuliers: le développement d’un «parlement électronique» et la mise à niveau des compétences concernant la rédaction des lois et l’évaluation des projets de loi. Je suis convaincu que l’Assemblée sera en mesure de fournir l’assistance demandée.
102. Je ne peux que me féliciter de la participation active des partenaires marocains aux activités parlementaires menées au sein de notre Assemblée et je les encourage à renforcer davantage cette relation.

7. Coopération intergouvernementale

103. Dans la Résolution 1818 (2011), l’Assemblée a exprimé l’espoir que «l’octroi du statut de Partenaire pour la démocratie au Parlement du Maroc contribue à renforcer la coopération entre ce pays et le Conseil de l’Europe et à promouvoir l’adhésion du Maroc aux conventions du Conseil de l’Europe. Elle encourage, par conséquent, le Secrétaire général du Conseil de l’Europe, en coordination, le cas échéant, avec l’Union européenne, à mobiliser l’expertise de l’Organisation, dont celle de la Commission de Venise, en vue de contribuer à la pleine application des réformes démocratiques au Maroc, notamment dans le cadre de la réforme imminente de sa Constitution».
104. Il a déjà été mentionné dans le rapport de 2013 de mon prédécesseur, M. Volontè, qu’une suite avait été donnée à cette proposition. Dans le cadre de l’initiative du Secrétaire général, M. Thorbjørn Jagland, concernant la politique du Conseil de l’Europe à l’égard de son voisinage immédiat, une série de plans d’action ont été établis pour donner forme à une coopération structurée avec les pays voisins, dont le Maroc.
105. En avril 2012, le Conseil de l’Europe et les autorités marocaines ont approuvé un plan d’action intitulé «Priorités 2012-2014 pour le Maroc dans le cadre de la coopération avec le voisinage», comprenant un certain nombre de programmes bilatéraux destinés à favoriser le processus de transition démocratique dans le pays et à contribuer à relever les défis relatifs aux droits de l’homme, à l’Etat de droit et à la démocratie.
106. Dans sa Résolution 1942 (2013), l’Assemblée se félicite de ce plan d’action et appelle tous les acteurs concernés, c’est-à-dire le Conseil de l’Europe, l’Union européenne et les autorités marocaines, à envisager la prolongation des activités menées en commun, conformément aux Priorités 2012-2014 pour le Maroc dans le cadre de la coopération avec le voisinage, au-delà de la période de trois ans, et à élargir le champ de ces activités.
107. Le rapport final sur les «Priorités 2012-2014 pour le Maroc dans le cadre de la coopération avec le voisinage» concluait que la coopération avec les autorités marocaines avait été marquée par le dialogue, la compréhension mutuelle et une bonne efficacité dans la mise en œuvre de nombreux projets, ce qui a permis d’obtenir des résultats tangibles dans la plupart des domaines. Le Maroc a adhéré à plusieurs conventions du Conseil de l’Europe et confirmé qu’il tenait à faire partie d’un espace juridique commun avec l’Europe.
108. Le processus de réforme constitutionnelle du Maroc a été soutenu par le Conseil de l’Europe, qui a contribué à l’élaboration de lois organiques et d’autres textes législatifs, et à la mise en place d’organes de gouvernance prévus par la Constitution de 2011. Le soutien du Conseil de l’Europe a également été axé sur les réformes à mettre en œuvre dans les domaines de la justice, de la lutte contre la corruption et le blanchiment d’argent, ainsi que sur la promotion des valeurs démocratiques et le rapprochement des normes marocaines des normes pertinentes du Conseil de l’Europe.
109. Suite à la mise en œuvre réussie des «Priorités 2012-2014 pour le Maroc dans le cadre de la coopération avec le voisinage», le Comité des ministres a décidé d’intensifier les relations avec le Maroc grâce à un Partenariat de voisinage qui comprend un dialogue politique renforcé et un nouveau programme de coopération couvrant 2015-2017.
110. Cette nouvelle phase dans les relations bilatérales avec le Maroc est une réponse à la volonté constante des autorités marocaines de bénéficier de l’expérience du Conseil de l’Europe dans le processus de réformes.
111. Elle a été rendue possible grâce à l’extension du Programme conjoint entre l’Union européenne et le Conseil de l’Europe « Vers une gouvernance démocratique renforcée dans le sud de la Méditerranée » (Programme Sud II) pour la période 2015-2017, dont le budget est passé de 4,8 à 7 millions d’euros. Cependant, les contributions volontaires des Etats membres, qui ont financé un nombre important d’activités au cours de la mise en œuvre du programme précédent, sont également les bienvenues.
112. Le «Partenariat de voisinage avec le Maroc 2015-2017» a été approuvé par le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe le 4 février 2015 et officiellement lancé le 10 avril 2015. Les principaux objectifs de ce nouveau programme de coopération sont les suivants:
  • consolider les résultats de la coopération mise en œuvre depuis 2012 dans le cadre des «Priorités 2012-2014 pour le Maroc dans le cadre de la coopération avec le voisinage» et lancer de nouveaux domaines de coopération cadrant avec les priorités des réformes nationales, conformément à l’approche fondée sur la demande, dans les domaines de compétence du Conseil de l’Europe;
  • poursuivre les efforts déployés pour faciliter la création d’un espace juridique commun entre l’Europe et le Maroc, en encourageant l’harmonisation de la législation marocaine avec les normes européennes et internationales et la ratification si nécessaire des conventions du Conseil de l’Europe ouvertes aux Etats non membres, dans le respect des procédures décrites dans les conventions concernées;
  • soutenir, selon les besoins, l’élaboration et la mise en œuvre effective de nouvelles lois s’inspirant des normes européennes et autres normes internationales;
  • soutenir la mise en place et le fonctionnement d’institutions des droits de l’homme et de nouvelles structures de gouvernance;
  • renforcer la présence du Maroc dans les structures du Conseil de l’Europe dont il est déjà membre ou observateur (Commission de Venise, Commission européenne pour l’efficacité de la justice, Pharmacopée européenne, réseau MedNet du Groupe Pompidou) et encourager sa participation à d’autres structures du Conseil de l’Europe selon les besoins.
113. Comme c’était déjà le cas avec les «Priorités 2012-2014 pour le Maroc dans le cadre de la coopération avec le voisinage», les programmes présentés dans le nouveau plan de coopération reposent sur une approche «axée sur la demande» et ciblée et découlent de consultations de haut niveau et de consultations techniques détaillées entre le Conseil de l’Europe et les autorités marocaines compétentes.
114. Par conséquent, le «Partenariat de Voisinage avec le Maroc 2015-2017» repose sur une volonté politique claire des autorités marocaines, reflète les besoins et les attentes de la partie marocaine et s’appuie sur l’offre que le Conseil de l’Europe peut apporter dans les domaines de ses compétences de base, à savoir le respect des droits de l’homme, de l’Etat de droit et de la démocratie.
115. En ce qui concerne les droits de l’homme, le «Partenariat de Voisinage avec le Maroc 2015-2017» poursuit les objectifs globaux suivants:
  • promouvoir les droits des femmes et leur participation à la vie publique et politique, notamment aux sphères de prise de décision;
  • lutter contre la violence envers les femmes par l’adaptation du cadre législatif et par une sensibilisation accrue aux normes européennes en la matière, ainsi que par le renforcement de la prévention;
  • renforcer les droits des enfants et leur protection contre toute forme de violence par l’adaptation du cadre législatif et par une sensibilisation accrue aux normes européennes;
  • renforcer les capacités nationales de prévention et de lutte contre la torture et les peines ou les traitements inhumains ou dégradants conformément aux normes européennes en la matière;
  • renforcer les capacités nationales de lutte contre la traite des êtres humains conformément aux normes européennes en la matière;
  • accompagner le Maroc dans la mise en œuvre d’une politique migratoire fondée sur les droits de l’homme;
  • renforcer les capacités nationales dans le domaine de la protection des données;
  • améliorer la qualité de la mise en œuvre de politiques cohérentes en matière de drogues au Maroc dans le respect des droits de l’homme et dans une optique de santé publique;
  • soutenir la mise en œuvre, par le Maroc, de la Convention sur la contrefaçon des produits médicaux et les infractions similaires menaçant la santé publique (STCE no 211, «Convention MEDICRIME»).
116. En ce qui concerne l’Etat de droit, l’accent est mis sur l’accompagnement de la réforme du système de justice, qui vise à renforcer son indépendance et son efficacité, et sur l’appui à la réforme constitutionnelle et au travail législatif. Les objectifs du programme sont les suivants:
  • renforcer l’indépendance, l’efficacité et la qualité de la justice en améliorant la performance des tribunaux, en soutenant la mise en œuvre de la réforme judiciaire et la révision du cadre légal, sur la base des normes européennes;
  • consolider le développement de l’Etat de droit en élaborant un cadre légal et des pratiques stables et démocratiques, tenant compte des normes européennes;
  • renforcer la protection non juridique des droits de l’homme par la médiation;
  • promouvoir l’adhésion du Maroc aux conventions du Conseil de l’Europe ouvertes aux Etats non membres et fournir une assistance pour la mise en œuvre effective de ces instruments;
  • consolider la liberté d’expression, l’indépendance et la pluralité des médias par le renforcement de la liberté de la presse;
  • favoriser la convergence réglementaire du secteur audiovisuel marocain avec les instruments du Conseil de l’Europe;
  • promouvoir la bonne gouvernance et la prévention de la corruption et du blanchiment d’argent en tenant compte des normes, mécanismes et instruments pertinents du Conseil de l’Europe, en renforçant le cadre politique, les capacités et la coordination des acteurs correspondants;
  • renforcer la lutte coordonnée contre les activités illégales dans le cyberespace, telles que la fraude en ligne, la contrefaçon, l’accès non autorisé, la pédopornographie et le harcèlement.
117. S’agissant de la consolidation de la démocratie, la coopération entre l’Assemblée et le Parlement marocain dans le cadre du statut de partenaire pour la démocratie joue un rôle clé. Comme précédemment, l’Assemblée est appelée à aider à renforcer le rôle et les capacités des deux chambres du Parlement marocain sur la base de priorités conjointement identifiées, notamment en échangeant des expériences et des pratiques pertinentes avec les représentants des parlements des Etats membres du Conseil de l’Europe, et en renforçant les compétences du personnel du parlement.
118. Les autres priorités du volet «démocratie» du programme sont les suivantes:
  • accompagner la réforme territoriale en cours et contribuer au renforcement de la démocratie locale et régionale et des associations de pouvoirs locaux et régionaux;
  • renforcer le rôle de la société civile dans l’élaboration, la mise en œuvre et l’évaluation des décisions et projets des institutions élues et des pouvoirs publics ainsi que dans la sensibilisation du public aux enjeux d’une participation citoyenne à la transition démocratique;
  • permettre à des publics cibles (jeunes professionnels, organisations de jeunesse) d’approfondir et/ou d’acquérir des connaissances dans le domaine des droits de l’homme, de l’Etat de droit et de la bonne gouvernance.
119. Je suis convaincu que le nouveau «Partenariat de voisinage avec le Maroc 2015-2017» est une nouvelle étape positive dans le renforcement des relations entre le Conseil de l’Europe et le Maroc. Une coopération intergouvernementale renforcée est un des résultats du partenariat de l’Assemblée avec le Parlement du Maroc et aussi une contribution à la réalisation de ses objectifs. Le partenariat, qui couvre de nombreux domaines recensés dans la Résolution 1818 (2011) et la Résolution 1942 (2013) et dans le présent rapport, aide concrètement le Maroc à consolider sa transformation démocratique.

8. Conclusions

120. En décidant d’accorder le statut de partenaire pour la démocratie au Parlement du Maroc, l’Assemblée a souligné que l’avancement des réformes est le but principal du partenariat pour la démocratie et qu’il doit constituer le critère d’évaluation de son efficacité.
121. Après un début remarquable en 2011-2012, le rythme des réformes au Maroc semble avoir ralenti, et certaines lois essentielles, notamment les lois organiques, sont toujours en cours d’élaboration. En même temps, le parlement a accompli un travail législatif important et quelques nouvelles institutions ont été créées. En outre, des représentants de la majorité gouvernementale assurent que les lois organiques restantes et d’autres réformes cruciales seront adoptées avant la fin de la législature actuelle.
122. Le rôle des institutions démocratiques, notamment le parlement et les partis politiques, s’est renforcé. La régionalisation future devrait donner un nouvel élan à la gouvernance démocratique et offrir aux Marocains de nouvelles possibilités d’exprimer démocratiquement leur volonté.
123. Les prochaines échéances électorales, à tous les niveaux, y compris les élections législatives de 2016, devraient être considérées comme un test important du soutien populaire aux réformes et consolider la légitimité démocratique des institutions représentatives. Comme en 2011, l’Assemblée devrait être prête à participer à l’observation des élections législatives.
124. Toutefois, le cadre institutionnel et juridique de la démocratie doit encore être complété et, plus important encore, déboucher sur des résultats concrets. Les acteurs politiques et les institutions, notamment le parlement, devraient prêter de plus en plus d’attention à la qualité des textes législatifs et à leur application effective.
125. Le Maroc a accompli d’importants progrès dans le domaine de la protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales, mais des organisations internationales qui font autorité ainsi que des militants indépendants défenseurs des droits de l’homme continuent d’exprimer des inquiétudes graves et fondées dans ce domaine. Les autorités marocaines doivent rester vigilantes et attentives à ces rapports critiques et faire tout leur possible pour corriger les lacunes signalées conformément à leurs obligations internationales et dans l’esprit des valeurs défendues par le Conseil de l’Europe.
126. Après l’octroi du statut de partenaire pour la démocratie au parlement marocain, le Conseil de l’Europe et le gouvernement du Maroc ont élaboré un important programme de coopération destiné à apporter une contribution tangible au processus de réforme et à donner une orientation pratique à notre partenariat en s’attaquant à certains problèmes spécifiques soulevés dans la Résolution 1818 (2011).
127. La première phase de cette coopération, menée en 2012-2014, étant désormais terminée, les parties ont convenu d’un nouveau plan d’action intitulé «Partenariat de voisinage avec le Maroc 2015-2017» qui vise à consolider les résultats obtenus dans le cadre du premier programme.
128. Ainsi, le partenariat lancé par l’Assemblée et le Parlement du Maroc a débouché sur une coopération accrue entre le Conseil de l’Europe et le Maroc et contribué à la réalisation de son objectif principal.
129. Les membres de la délégation marocaine partenaire pour la démocratie ont activement participé aux travaux de l’Assemblée et de ses commissions et se sont intégrés davantage dans le dialogue parlementaire européen.
130. Ils ont agi, de manière générale, dans l’esprit des engagements politiques pris dans le cadre du partenariat. Les membres de la délégation marocaine partenaire pour la démocratie sont encouragés à intensifier leurs efforts afin d’accélérer la mise en œuvre du processus de réforme, et à répondre aux inquiétudes restantes concernant l’Etat de droit et le respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales.
131. L’Assemblée doit continuer à passer en revue la mise en œuvre des réformes politiques au Maroc, à évaluer l’efficacité du partenariat et à offrir son assistance au Parlement du Maroc.

Annexe – Extrait du Règlement de l’Assemblée

(open)

Article 62 – Partenaires pour la démocratie

62.1. L’Assemblée peut octroyer le statut de partenaire pour la démocratie à des parlements nationaux d’Etats non membres du Conseil de l’Europe des régions voisines, qui remplissent les conditions énoncées à l’article 62.2. et les conditions spécifiques éventuellement formulées par l’Assemblée.

62.2. Une demande formelle de statut de partenaire pour la démocratie doit être adressée au Président de l’Assemblée parlementaire par le président du parlement concerné. Cette demande contient les éléments suivants:

  • une référence explicite à l’aspiration dudit parlement à faire siennes les valeurs du Conseil de l’Europe, que sont la démocratie pluraliste et paritaire, l’Etat de droit et le respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales;
  • un engagement à agir pour abolir la peine capitale et à encourager les autorités compétentes à introduire un moratoire sur les exécutions;
  • une déclaration relative à l’intention du parlement de s’appuyer sur l’expérience de l’Assemblée ainsi que sur l’expertise de la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise) dans ses travaux institutionnels et législatifs;
  • un engagement à organiser des élections libres et équitables conformes aux standards internationaux en la matière;
  • un engagement à encourager la participation équilibrée des femmes et des hommes à la vie publique et politique;
  • un engagement à encourager les autorités compétentes à adhérer aux conventions et accords partiels pertinents du Conseil de l’Europe pouvant être signés et ratifiés par des Etats non membres, en particulier ceux traitant des droits de l’homme, de l’Etat de droit et de la démocratie;
  • une obligation d’informer régulièrement l’Assemblée des progrès accomplis dans la mise en œuvre des principes du Conseil de l’Europe;

62.3. L’Assemblée fixe le nombre des membres d’une délégation de partenaire pour la démocratie 
			(3) 
			Maroc: 6 représentants
et 6 suppléants; Conseil national palestinien: 3 représentants et
3 suppléants. Voir la Résolution
1818 (2011) et la Résolution
1830 (2011)..

62.4. Un parlement bénéficiant du statut de partenaire pour la démocratie doit transmettre au Président de l’Assemblée parlementaire, une semaine au moins avant l’ouverture de la session, la liste des membres de la délégation désignés pour toute la durée de la session. Dans la mesure où le nombre de ses membres le permet, la délégation est composée de façon à assurer une représentation équitable des partis ou groupes politiques existant dans ce parlement et à comprendre un pourcentage de membres du sexe sous-représenté au moins égal à celui que compte le parlement, et en tout état de cause, un représentant de chaque sexe.

62.5. Les membres des délégations de partenaire pour la démocratie siègent à l’Assemblée sans droit de vote. Ils ont droit à la parole sur autorisation du Président de l’Assemblée.

62.6. Les membres des délégations de partenaire pour la démocratie peuvent participer aux réunions des commissions dans les conditions prévues à l’article 48.5. Ils peuvent adresser au président de la commission des propositions concernant le projet d’ordre du jour des réunions de la commission et des propositions d’amendement aux projets de textes examinés lors de ces réunions. Le président de la commission décide des suites à donner. Ils peuvent signer des propositions de résolution et de recommandation (à l’exception de celles prévues aux articles 9.2. et 68) ainsi que des déclarations écrites. Toutefois, ils ne sont pas pris en compte pour le nombre de signatures requis. Les membres de ces délégations peuvent participer aux travaux des groupes politiques selon des modalités fixées par lesdits groupes.

62.7. La décision d'octroyer, de suspendre ou de retirer le statut de partenaire pour la démocratie est prise par une résolution de l'Assemblée, sur la base d'un rapport de la commission des questions politiques et de la démocratie, d'un avis de la commission des questions juridiques et des droits de l'homme et d'un avis de la commission sur l'égalité et la non-discrimination, et, le cas échéant, de toute autre commission compétente de l'Assemblée. Ces commissions assurent, dans les domaines qui relèvent de leur mandat spécifique, le suivi des progrès réalisés dans la mise en œuvre des engagements pris par les parlements concernés lors de leur demande d'octroi du statut.