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Rapport | Doc. 14066 | 20 mai 2016

La violence envers les migrants

Commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées

Rapporteur : M. Andrea RIGONI, Italie, ADLE

Origine - Renvoi en commission: Doc. 13444, Renvoi 4040 du 11 avril 2014. 2016 - Troisième partie de session

Résumé

Ces dernières années, dans toute l’Europe, on constate à l’égard des migrants une nette intensification des violences qui revêtent des formes comme les agressions physiques, l’exploitation par le travail, la traite, le harcèlement et les abus sexuels, la discrimination et le discours de haine.

Même si les droits des migrants sont généralement protégés au moyen d’instruments juridiques, la violence reste extrêmement préoccupante, qu’elle s’exerce dans le cadre du trafic de migrants, des centres de rétention ou du travail forcé.

Le rapport place la protection des droits des migrants, ainsi que la nécessité de combattre le racisme, la discrimination et le discours de haine qui engendrent des violences contre les migrants, au premier rang des priorités de gestion des migrations, grâce à une série de mesures concrètes.

Il recommande de prendre un certain nombre de dispositions pour améliorer la législation ainsi que la protection et l’assistance données aux victimes de violences. Il souligne, en outre, que des mesures de sensibilisation et de partage d’information avec la population du pays d’accueil peuvent jouer un rôle majeur dans la prévention des violences contre les migrants.

Le rapport met en lumière le rôle des collectivités locales dans la prévention de la violence à l’égard des migrants. Les Etats membres du Conseil de l'Europe devraient donner aux autorités locales les moyens de promouvoir l’intégration des migrants grâce à des programmes de logement, d’insertion sociale et de création d’emplois.

A. Projet de résolution 
			(1) 
			Projet
de résolution adopté par la commission le 22 mars 2016.

(open)
1. L’Assemblée parlementaire est vivement préoccupée par l’intensification des violences à l’encontre des migrants en Europe, qui revêt des formes comme les agressions physiques, exploitation par le travail, la traite, le harcèlement et les abus sexuels, la discrimination et le discours de haine.
2. Malheureusement, très peu de gouvernements européens prennent des mesures actives de lutte contre les causes premières des violences à l’égard des migrants. En outre, au cours de la récente crise économique, les partis et médias populistes ont largement diffusé des propos hostiles aux migrants et provoqué une stigmatisation, de l’intolérance et de la xénophobie. L’instauration de mesures de plus en plus restrictives envers les migrants, et de mesures plus dures contre l’immigration clandestine aggravent encore la situation.
3. L'Assemblée est profondément inquiète du sort des femmes et les enfants migrants, qui sont particulièrement vulnérables aux différentes formes de violences et d’abus, y compris sexuels, surtout dans les centres de rétention ou dans les lieux à forte concentration de migrants. Ces groupes devraient bénéficier d’une protection spéciale de la part des pays d’accueil, qui devraient notamment proposer des installations pour les accueillir en toute sécurité ainsi que des alternatives à la rétention.
4. L’Assemblée estime que l’ouverture de voies régulières de migration, la lutte contre l’exploitation des migrants sur le marché du travail, la promotion d’une image positive des migrants dans les déclarations politiques et dans les médias ainsi que l’élaboration de programmes d’intégration sociale constituent les moyens les plus efficaces pour combattre la violence à l’encontre des migrants en Europe.
5. L’Assemblée appelle de ce fait tous les Etats membres du Conseil de l'Europe à mettre la protection des droits de l'homme des migrants en tête des priorités de la gestion des flux migratoires, et à combattre le racisme, la discrimination et le discours de haine, car ils engendrent des violences contre les migrants. Elle demande tout particulièrement aux Etats membres qui ne l’auraient pas encore fait:
5.1. par des mesures législatives:
5.1.1. de veiller à ce que les auteurs de violences envers les migrants soient poursuivis quel que soit le statut des victimes;
5.1.2. de réexaminer et de modifier la législation nationale pour garantir que l’immigration clandestine ne constitue pas une infraction pénale;
5.1.3. de renforcer la législation nationale contre le discours de haine, la discrimination et la xénophobie et, notamment, de veiller à ce que toute forme d’incitation à la discrimination raciale soit érigée en infraction pénale;
5.1.4. d’amender la législation nationale pour accorder aux migrants victimes de violences une égalité d’accès à la justice;
5.1.5. de modifier la législation pénale nationale, afin que les «crimes de haine» soient poursuivis au titre d’une infraction pénale spécifique;
5.1.6. d’inscrire dans le droit du travail des dispositions spéciales pour sanctionner les employeurs auteurs de violences ou d’agissements illicites à l’encontre de migrants, y compris les refus de verser le salaire ou les licenciements abusifs;
5.1.7. de ratifier la Convention internationale de 1990 des Nations Unies sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leurs familles;
5.1.8. de ratifier et de pleinement mettre en œuvre la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (STCE no 210, «Convention d’Istanbul») pour que la protection des femmes migrantes soit garantie dans tous les Etats membres du Conseil de l’Europe;
5.1.9. de ratifier et de pleinement mettre en œuvre la Convention du Conseil de l’Europe sur la protection des enfants contre l’exploitation et les abus sexuels (STCE no 201, «Convention de Lanzarote») afin d’assurer la protection des enfants migrants contre de tels abus;
5.2. par une protection et une assistance aux victimes de violences:
5.2.1. de mettre en place des mesures pour garantir la sécurité des migrants pendant les procédures pénales;
5.2.2. d’assurer les soins nécessaires aux victimes (traitements médicaux, assistance psychologique et sociale) sans établir de discrimination en raison du statut de migrants des victimes et en accordant une attention particulière aux groupes vulnérables (femmes, enfants et les personnes lesbiennes, gays, bisexuelles et transgenres (LGBT));
5.2.3. de veiller à ce que les personnes victimes de violences dans les centres de rétention aient accès à l'aide judiciaire et puissent déposer plainte;
5.2.4. de promouvoir des solutions alternatives à la rétention de migrants, notamment pour les enfants;
5.2.5. d’informer les migrants victimes de violences de leurs droits et des recours disponibles, et de diffuser des informations sur les services sociaux par le biais de services d'assistance ou de brochures, par exemple, de manière à ce qu’ils puissent bénéficier d’une assistance;
5.3. par la prévention de la violence grâce à l’information, à la sensibilisation et à l’intégration:
5.3.1. en collaboration avec les organisations non gouvernementales, de collecter, d’analyser et de systématiser les informations sur les violences à l’encontre des migrants et de les partager avec toutes les institutions concernées;
5.3.2. d’offrir aux agents des forces de l’ordre et aux autorités judiciaires et aux procureurs une formation sur la manière de traiter les crimes de haine et d’assister les victimes;
5.3.3. de soutenir les activités des organisations non gouvernementales qui s’occupent des migrants victimes de violences et favorisent leur intégration;
5.3.4. de sensibiliser les migrants et les collectivités locales d’accueil aux traditions culturelles et religieuses, promouvant ainsi la tolérance et l’intégration sociale des migrants.
6. L’Assemblée estime que les collectivités locales jouent un rôle important dans la prévention des violences à l’encontre des migrants. Par conséquent, les Etats membres du Conseil de l'Europe sont invités à doter les autorités locales des compétences nécessaires pour promouvoir l’intégration des migrants par des programmes de logement, d’intégration sociale et de création d’emplois.

B. Exposé des motifs, par M. Andrea Rigoni, rapporteur

(open)

1. Introduction

1. Dans les pays d'accueil, les migrants sont souvent en butte à la discrimination et au racisme et, dans les cas extrêmes, ces sentiments d'hostilité xénophobe peuvent se traduire par des violences psychologiques ou physiques. Ces dernières années, ce phénomène de violence à l’encontre des migrants a malheureusement pris beaucoup d'ampleur, et ce dans toute l'Europe.
2. Une partie de la population de certains pays considère que les migrants sont à l'origine des taux élevés de criminalité et de chômage et conteste donc leur revendication à une égalité d'accès au marché du travail, au logement et aux services publics. En outre, les migrants sont parfois perçus comme une menace pour les cultures et valeurs nationales comme pour la sécurité publique.
3. Les partis populistes ne manquent pas d'exploiter ces craintes – par ailleurs relayées par les médias – pour étayer leurs objectifs politiques. Aussi les migrants sont-ils souvent victimes d'agressions motivées par des préjugés qui peuvent aller de l'exclusion verbale à une forme de torture psychologique, ou même à des voies de fait.
4. Dans certains pays d'accueil, les garanties juridiques permettant aux migrants de se protéger eux-mêmes contre les pratiques xénophobes et discriminatoires et le racisme – lesquelles tendent à s'accentuer lorsqu'ils sont en situation irrégulière – sont insuffisantes. Cela signifie qu'ils deviennent l'une des cibles privilégiées des crimes de haine et sont victimes de traitements dégradants dans les centres de rétention ou d'exclusion sociale, toutes choses constituant clairement une atteinte à leurs droits fondamentaux et à leur accès à la justice.
5. Les actes de violences perpétrés contre les migrants (y compris les femmes et les enfants) suscitent de plus en plus d'inquiétudes. L'exposition d'enfants à des violences physiques et des discours de haine est très alarmante. Il convient en outre de s'intéresser de très près aux rapports faisant état d'une absence alléguée de procédures d'enquête de police efficaces.
6. Parallèlement aux violences commises à l’encontre de migrants, l’on assiste à un nouveau phénomène de violence entre communautés d’immigrants et au sein de celles-ci. Ces tensions sont particulièrement vives dans les secteurs à forte concentration de migrants, comme dans les centres de rétention, les camps et les centres d’hébergement provisoire. Très souvent, les communautés qui les accueillent ne savent pas comment réagir à de telles manifestations de violence. Ce problème appelle une attention particulière mais ne fait pas l’objet du présent rapport.
7. L'Assemblée parlementaire s'est penchée sur certains problèmes relatifs à ces manifestations de violence. La commission de la culture, de la science, de l'éducation et des médias a enquêté sur le rôle et l'influence des médias en tant qu'incitation à des comportements violents 
			(2) 
			Résolution 2001 (2014) et Recommandation
2048 (2014) sur la violence véhiculée dans et par les médias, Doc. 13509.. La commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées a pour sa part analysé les préjugés dont font l'objet les migrants roms en Europe 
			(3) 
			Recommandation 2003 (2012) sur les migrants roms en Europe, Doc. 12950. et étudié le problème de la traite des travailleurs migrants à des fins de travail forcé 
			(4) 
			Résolution 1922 (2013) et Recommandation
2011 (2013) sur la traite des travailleurs migrants à des fins de
travail forcé, Doc.13086.. La commission sur l'égalité et la non-discrimination s'est penchée sur les préoccupations suscitées par la perpétration d'actes violents (harcèlement ou sévices sexuels, etc.) contre des femmes, y compris migrantes, sous l'angle du lien entre genre, violence et protection juridique 
			(5) 
			Résolution 1963 (2013) et Recommandation
2030 (2013) sur la violence à l'égard des femmes en Europe, Doc. 13349..
8. Le présent rapport vise d'une part à étudier les circonstances dans lesquelles les migrants peuvent être victimes de violences, l'ampleur du phénomène et ses mobiles sous-jacents et, d'autre part, l'obligation des auteurs de répondre de leurs actes, ainsi que les mesures préventives et la protection offertes aux victimes par les autorités. Il a également pour but de sensibiliser l'opinion aux crimes violents en tant que forme d'exclusion et de déni irréversible des droits fondamentaux et de la protection des victimes.

2. Définition de la violence à l'égard des migrants et description de ses différents types

2.1. Définition de la violence et description de ses différents types

9. Dans les pays d’accueil, les migrants subissent divers types de violence. Cette violence peut être directe ou indirecte. La violence directe comprend la violence physique, l’exploitation dans le travail, les abus sexuels, l’extorsion et la traite. La violence directe inclut aussi une destruction des effets personnels qui peut mettre la vie des migrants en danger.
10. La violence indirecte comprend les menaces, les violences verbales, le harcèlement sexuel, la discrimination et la xénophobie, qui peuvent être qualifiés de crimes de haine. Les crimes de haine impliquent l'utilisation de moyens d'information et de communication pour diffuser des messages agressifs et discriminatoires. Ces messages visent à provoquer une détresse psychologique, à marginaliser et à dissuader de recourir aux services éducatifs, de logement, de santé, etc.

2.1.1. Violence physique

11. C'est à tous les stades de leur processus de migration que les migrants vivent la violence physique. De nombreux migrants sans papiers sont maltraités par la police des frontières, y compris lors des refoulements. Ils sont beaucoup à dénoncer des traitements inhumains ou dégradants subis en rétention, ou des conditions de rétention inhumaines.
12. Il semble que les cas de mauvais traitements infligés par les forces de l'ordre aux migrants et demandeurs asile se soient multipliés ces dernières années. Il est très rare qu'une enquête soit diligentée sur les gifles ou les coups de poings et de pieds assénés par la police locale. Il arrive même que ces actes de violence se soldent par la mort de migrants. Ces derniers peuvent aussi être agressés et volés par des bandits sur leur trajet vers les pays de destination.

2.1.2. Traite de migrants

13. La traite des êtres humains est l'une des formes les plus extrêmes de violence physique et verbale auxquelles sont soumis les migrants. Les victimes de la traite subissent souvent la contrainte et la cruauté sous forme de coups, d'agressions et d'abus de leur situation. Ils sont insultés et pris pour cibles de manifestations de haine tout en devenant des objets au service d'autres objectifs financiers. Leur identité est détruite, tout comme leurs liens avec la famille ou les systèmes de protection et d’accueil des migrants dans le pays hôte.
14. La traite est essentiellement organisée à l’échelle nationale ou régionale, mais des cas remarquables de traite sur de plus longues distances ont aussi été signalés. L'Europe est la destination première des victimes du plus large éventail de pays tiers. Il est difficile d’obtenir des statistiques précises sur le nombre de victimes de la traite parce que beaucoup d'entre elles ne sont jamais identifiées, mais selon le rapport d'EUROSTAT sur la traite des êtres humains 
			(6) 
			Rapport EUROSTAT sur
la Traite des êtres humains (en anglais), édition 2014, <a href='http://ec.europa.eu/anti-trafficking/sites/antitrafficking/files/trafficking_in_human_beings_-_eurostat_-_2014_edition.pdf'>http://ec.europa.eu/anti-trafficking/sites/antitrafficking/files/trafficking_in_human_beings_-_eurostat_-_2014_edition.pdf.</a>, le nombre de victimes répertoriées entrées en contact avec les autorités des 34 pays européens entre 2010 et 2012 s’est élevé à 30 868 (les nombres les plus élevés étant enregistrés en Italie, aux Pays-Bas, en Roumanie et au Royaume-Uni).
15. Le présent rapport n’examine pas les violences dont les migrants sont victimes en raison de la traite: elles font l'objet d'autres rapports que prépare la commission.

2.1.3. Violence dans les centres de rétention pour migrants

16. La dernière décennie a connu une augmentation du nombre de centres de rétention pour migrants en Europe. En 2012, on comptait 473 centres de rétention répartis sur 44 pays d'Europe. La rétention est devenue l’un des principaux outils de «gestion» de la population de migrants et constitue en même temps une violation permanente des droits des migrants. Chaque année, dans les Etats membres de l'Union européenne, près de 600 000 migrants (demandeurs d'asile dont la demande de protection a été rejetée, migrants dont le droit de séjour a expiré ou qui n'ont jamais bénéficié de ce droit et qui, pour certains, séjournent depuis de longues années sur le territoire) sont privés de liberté et, dans certains cas, également d'assistance juridique, de soins de santé et de contacts avec leur famille. En outre, des personnes s'étant vu refuser à la frontière l'accès à des pays européens sont fréquemment «confinées» dans des zones d'attente – aéroports internationaux, ports et gares – avant d'être refoulées.
17. La rétention des demandeurs d'asile est une pratique courante, voire systématique. En République tchèque, les demandeurs d'asile sont détenus «avec obligation de demeurer dans des centres de rétention» qui sont généralement mis en place pour les migrants et pour une durée maximale de 120 jours 
			(7) 
			«Detention
Context Forms», Europe regional workshop, International Detention
Coalition, (Bruxelles, 27-28 mai 2014), informations fournies par
des ONG participantes. . A Malte, les demandeurs d'asile non titulaires de papiers en règle – ils sont majoritaires – sont systématiquement placés en rétention. La République slovaque organise également la rétention des demandeurs d'asile, notamment dans des zones d'attente situées dans des aéroports et dans des centres de rétention pour migrants 
			(8) 
			Ibid.. En Belgique, les demandeurs d'asile se présentant aux frontières sont automatiquement placés en rétention pendant l'examen de leur demande.
18. Lors de son évaluation de la mise en œuvre de la Directive «Retour» 
			(9) 
			<a href='http://ec.europa.eu/dgs/home-affairs/e-library/documents/policies/immigration/return-readmission/docs/communication_on_return_policy_en.pdf'>http://ec.europa.eu/dgs/home-affairs/e-library/documents/policies/immigration/return-readmission/docs/communication_on_return_policy_en.pdf.</a>, la Commission européenne a insisté sur la nécessité de réagir aux «cas les plus flagrants de rétention dans des conditions inhumaines», reconnaissant par là même que de graves violations des droits de l'homme sont commises et demeurent impunies au niveau national. Ces violations des droits des migrants et réfugiés sont les restrictions des visites des membres de leur famille et d'organisations non gouvernementales (ONG) 
			(10) 
			Directive «Retour»
(CE/115/2008), article 16.4<a href='http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=OJ:L:2008:348:0098:0107:FR:PDF'>,
http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=OJ:L:2008:348:0098:0107:FR:PDF.</a>, le défaut d'information sur leur situation administrative, la protection de leurs droits et les recours possibles en raison d’une absence d’interprétation et de contrôle et d'aide judiciaires.
19. La rétention administrative porte atteinte aux droits fondamentaux des migrants en même temps qu'il en fait des délinquants. De même, il n'offre aucune garantie juridique effective et permet de dissimuler les migrants du regard public ce qui a surtout pour conséquences de les exposer à une violence injustifiée.

2.1.4. Violence et exploitation sur le marché du travail

20. Les migrants en situation régulière ou irrégulière sont particulièrement vulnérables sur le marché du travail: ils sont en effet exploités ou forcés à travailler mais, pour pouvoir rester dans le pays, ils préfèrent s'exécuter et supporter ces conditions plutôt que d'être signalés aux autorités.
21. Amnesty International a confirmé l'exploitation à grande échelle de travailleurs migrants en Italie, et la majorité d’entre eux percevraient à leur arrivée moins de 40 % du salaire minimum légal 
			(11) 
			<a href='http://fr.euronews.com/2013/02/15/rosarno-le-calvaire-des-migrants-africains/'>http://fr.euronews.com/2013/02/15/rosarno-le-calvaire-des-migrants-africains/.</a>.
22. Jusqu'à présent, les Etats membres n'ont pas traité l'exploitation et la violence dont sont victimes les migrants dans les milieux du travail comme une question d'intérêt public. Les lois font défaut pour faire du comportement des employeurs une infraction pénale et contrôler les conditions d'emploi des travailleurs migrants.

2.1.5. Crimes de haine

23. Avec la crise économique, le discours anti-migrants a gagné en popularité dans les communautés locales de certains pays qui reprochent aux migrants les difficultés économiques et politiques traversées. Il a provoqué des tensions racistes et xénophobes qui se sont souvent soldées par des violences pouvant être considérées comme des «crimes de haine».
24. Les migrants confrontés à de telles violences ont peur de révéler leur identité, de circuler librement et de dénoncer ces infractions à la police parce qu'ils se méfient du système répressif. Ils craignent également d'être expulsés et préfèrent donc éviter de chercher de l'aide auprès des communautés locales ou d'une organisation donnée. Cela conduit à leur marginalisation et compromet leur intégration dans la société d’accueil.
25. Les gouvernements européens sont malheureusement très peu nombreux à prendre des mesures énergiques pour lutter contre cette forme de violence et s'attaquer aux causes profondes des crimes de haine. En effet, les services répressifs se soucient rarement d'enquêter sur ces crimes ou d'en poursuivre les auteurs, parce que bien souvent la législation nationale n'établit pas d'infractions ou de sanctions spécifiques en la matière. De plus, les victimes de crimes de haine ne bénéficient pas d'une protection juridique appropriée.
26. Le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) a pris des mesures importantes dans le but de régler le problème de la protection des réfugiés et des demandeurs d'asile contre les crimes de haine. En décembre 2009, le HCR a publié une note d'orientation qui insistait sur les principaux éléments stratégiques permettant de remédier à cette situation 
			(12) 
			Human
Rights First, Combattre les crimes de haine contre les réfugiés,
les demandeurs d'asile et les migrants: recommandations à l'intention
des Etats, <a href='http://www.humanrightsfirst.org/wp-content/uploads/ExComm_Document_FINAL.pdf'>www.humanrightsfirst.org/wp-content/uploads/ExComm_Document_FINAL.pdf</a>..

2.2. Les femmes et les enfants migrants: des cibles vulnérables

27. Les migrantes représentent un pourcentage important des femmes déclarant subir d'un partenaire intime des violences qui les terrorisent et les font se sentir méprisées, comme le souligne la Résolution 1697 (2009) de l'Assemblée «Femmes immigrées: un risque spécifique de violence domestique».
28. A leur arrivée dans le pays de destination, la violence et la discrimination continuent de faire partie de leur vie alors même qu'elles se retrouvent doublement vulnérables parce qu’elles sont des femmes (ce qui illustre les inégalités entre sexes présentes tant dans leur société d'origine que dans celle de destination) et parce qu’elles sont étrangères.
29. A peine 11 % des personnes transportées clandestinement à travers la Méditerranée sont des femmes. Fuyant leur région natale d’Afrique septentrionale et subsaharienne ou du Proche-Orient pour échapper à la pauvreté ou à un environnement familial violent, ces femmes entreprennent un voyage terrifiant. Nombre d’entre elles sont violées, battues ou torturées. Certaines sont enceintes et font une fausse couche ou meurent en chemin; d’autres se retrouvent enceintes après avoir été violées pendant le voyage. Les plus chanceuses, qui finissent par poser le pied sur le sol européen restent parfois enfermées derrière des grilles pendant un temps indéterminé ou sont livrées à la traite pour rembourser leur «dette» aux passeurs.
30. En plus des tribulations habituelles des voyages des immigrants clandestins, ces femmes sont également vulnérables et invisibles, à la merci d’hommes qui les censurent et s’efforcent de les cacher au monde extérieur. Les problèmes des immigrées sont pratiquement absents des médias.
31. La Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (STCE no 210, «Convention d’Istanbul») traite spécifiquement de la violence infligée aux femmes en tant que violence à caractère sexiste, ce qui vaut également pour les filles de moins de 18 ans. L’article 3 de ce traité déclare que la violence à l'égard des femmes doit être comprise comme une violation des droits de l'homme et une forme de discrimination.
32. C'est la raison pour laquelle j'appelle à une ratification générale et accélérée de la Convention d'Istanbul qui permettrait d'élargir le champ d'application personnel de ce traité afin qu'il couvre toutes les femmes migrantes.
33. Les enfants migrants sont pris en tenaille entre les lois protégeant l'enfance et les politiques européennes sur (contre) l’immigration. Le droit International garantit aux enfants l'accès à l'éducation et aux soins de santé, quel que soit leur statut migratoire, et contraint les pouvoirs publics à œuvrer dans l'intérêt supérieur des enfants 
			(13) 
			Article
2, Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant. Pourtant, les restrictions imposées par les politiques d'immigration excluent les enfants des services de première nécessité, les laissant plus isolés et vulnérables face aux réseaux de la criminalité organisée.
34. La rétention est aussi une forme de violence, qui nuit à la santé physique et psychologique de l'enfant 
			(14) 
			Rapport de la commission
des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées, Doc. 13597.. Le confinement dans cet environnement quasi carcéral, l'absence de liberté et une surveillance constante exposent les enfants aux troubles suivants: dépression, crises d'angoisse et symptômes de stress post-traumatique (insomnie, cauchemars, incontinence nocturne...). C'est pourquoi il est fondamental que les gouvernements des Etats membres du Conseil de l'Europe suivent les recommandations de la Campagne parlementaire pour mettre fin à la rétention d'enfants migrants et proposent des alternatives à la rétention.
35. J'exhorte une nouvelle fois l'ensemble des Etats membres à ratifier la Convention du Conseil de l’Europe sur la protection des enfants contre l’exploitation et les abus sexuels (STCE no 201, «Convention de Lanzarote») pour garantir une meilleure protection aux enfants migrants.
36. Des femmes et des enfants sont également confrontés à des abus et du harcèlement sexuels dans les centres de rétention pour migrants. Il arrive que les gardes ou les travailleurs des centres de rétention profitent de leur position de pouvoir pour abuser de femmes et d'enfants traumatisés et vulnérables. Ainsi, une enquête menée en 2006 par Legal Action for Women (LAW) dans le centre de rétention de Yarl's Wood (Milton Ernest, Royaume-Uni) a conclu que sur les 70 % de migrantes ayant dénoncé des viols, 57 % n'avaient pas de représentant juridique et 20 % avaient eu recours aux services d'avocats qui exigeaient d'être payés à l’avance.

2.3. Violence à l’encontre de migrants LGBT

37. Les migrants lesbiennes, gays, bisexuels et transsexuels (LGBT) fuient la violence, l’humiliation, les inégalités et la discrimination auxquelles ils sont confrontés dans leur pays, mais se heurtent ensuite aux mêmes discriminations dans leur pays d’accueil. Ainsi, en Allemagne, entre le 1er août et le 31 décembre 2015, l’association des gays et lesbiennes des Länder de Berlin et de Brandebourg ont signalé 95 cas de violences physiques, y compris des agressions sexuelles, contre des migrants. Le plus alarmant est que les migrants LGBT arrivant en Europe sont attaqués par leurs compagnons dans les centres pour immigrés. Les autorités néerlandaises ont dû déménager les migrants LGBT d’Amsterdam vers un autre foyer pour assurer leur sécurité.
38. Une évolution positive a été observée en Allemagne avec l’ouverture d’un premier foyer pour réfugiés LGBT à Nuremberg. L’initiative a été prise par l’association «Fliederlich», à la demande de plusieurs migrants LGBT qui se sentaient menacés dans les foyers où ils avaient été hébergés préalablement. L’Allemagne prévoit également d’ouvrir un centre plus important, proposant 120 lits, à Berlin au cours de l’année 2016 
			(15) 
			Germany
opens first shelter for gay refugees, The
Times of Israel, 1er février
2016.

3. Cadre juridique international et européen

39. La Convention internationale de 1990 des Nations Unies sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille souligne, dans son article 16, que tous les travailleurs migrants et membres de leur famille ont droit à la protection de l'Etat. La nature de cette protection est exposée dans l'article 68, lequel insiste sur la nécessité de détecter et d'éliminer les mouvements illégaux ou clandestins de travailleurs migrants et de membres de leur famille et d'infliger des sanctions efficaces aux personnes et aux groupes ou entités qui usent de la violence envers les migrants et leur famille.
40. En ce qui concerne la violence liée à des pratiques discriminatoires, la Convention internationale des Nations Unies sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale (CIEDR) peut être invoquée en combinaison avec de nouveaux engagements politiques à lutter contre les crimes de haine et le discours de haine en ligne fondé sur des préjugés raciaux, qui ne sont autres que des violences psychologiques.
41. Au plan européen, la Cour européenne des droits de l'homme a examiné les violences infligées aux migrants à la lumière de l'article 3 de la Convention européenne des droits de l'homme (STE no 5), qui dispose que nul ne peut être soumis à des traitements inhumains. Dans l'arrêt Natchova et autres c. Bulgarie rendu en 2005, la Cour a jugé que les Etats avaient l'obligation d'engager des poursuites pour des actes de violence motivés par des préjugés raciaux.
42. Quand bien même les droits des migrants sont généralement protégés au moyen d'instruments juridiques, les actes de violence restent très préoccupants et continuent d'être perpétrés tant par des institutions que par des membres de la société civile. Il faut absolument renforcer la protection si l'on ne veut pas que les violences et atteintes à ces droits demeurent impunies.

4. Etudes de cas sur la violence à l'égard des migrants

43. Pour donner une idée générale des diverses formes que prend la violence envers les migrants en Europe, j'ai décidé de donner ici des exemples glanés dans certains Etats membres du Conseil de l'Europe.

4.1. France

44. La France fait actuellement face à une situation très difficile dans la région de Calais: en effet, plusieurs milliers de demandeurs d'asile et de migrants en provenance du Soudan, d'Erythrée et d'Ethiopie s'y entassent dans des camps de fortune et dans la rue, dans l'attente d'une occasion de traverser la Manche pour atteindre le Royaume-Uni. Ils n'ont pour la plupart ni hébergement ni accès à des installations sanitaires et sont dépendants des vivres et de l'aide procurées par des organisations et bénévoles locaux.
45. Selon l’enquête de Human Rights Watch sur les mauvais traitements par la police à Calais, de nombreux demandeurs d'asile et migrants signalent des exactions commises par la police française. Dix-neuf des 44 migrants interrogés par Human Rights Watch, dont deux enfants, ont déclaré avoir été molestés et harcelés par les policiers français 
			(16) 
			<a href='http://www.asylumineurope.org/news/26-01-2015/human-rights-watch-migrants-and-refugees-destitute-and-harassed-calais'>www.asylumineurope.org/news/26-01-2015/human-rights-watch-migrants-and-refugees-destitute-and-harassed-calais#sthash.rBdYXT4s.dpuf.</a>. Les mauvais traitements décrits incluent des passages à tabac et des attaques au gaz poivré, pourtant interdits par le droit pénal français.
46. A Calais, les migrants doivent parfois attendre plusieurs mois avant d'être enregistrés en tant que demandeurs d'asile, et pendant cette période ils ne peuvent prétendre à un logement. Le Gouvernement français a pris certaines mesures positives comme la création d'un centre de jour offrant à boire et à manger. Des locaux d'hébergement temporaire ont été mis à la disposition de plus de 1 500 migrants. Cependant, compte tenu de l'augmentation considérable du nombre de migrants arrivés en octobre 2015 (estimé entre 3 500 et 6 000), ces mesures se révèlent insuffisantes.
47. Le Gouvernement français dispose de tous les moyens nécessaires pour améliorer la situation à Calais, en instaurant un système rapide d'enregistrement et de traitement des demandes d'asile, en ordonnant l'ouverture d'une enquête indépendante sur des rapports dénonçant des faits de violence et de harcèlement des migrants par la police, et en veillant à y mettre un terme.

4.2. Allemagne

48. L'Allemagne demeure la principale destination européenne des demandeurs d'asile originaires de Syrie, du Kosovo* 
			(17) 
			* Toute
référence au Kosovo dans le présent document, qu'il s'agisse de
son territoire, de ses institutions ou de sa population, doit être
entendue dans le plein respect de la Résolution 1244 du Conseil
de sécurité de l'Organisation des Nations Unies, sans préjuger du
statut du Kosovo. et d'Albanie, mais également d'Irak, d'Afghanistan et d'autres pays, plus d’un million de demandes d'asile étant prévues pour 2015. En parallèle, les violences infligées aux migrants augmentent. De fait, comme l'a rapporté la Fondation Antonio Amadeu, 198 cas d'agressions à motivation raciste perpétrées contre des demandeurs d'asile ou leurs logements ont été recensés en Allemagne en 2015, dont 15 incendies criminels. En 2014, la police a recensé 162 agressions de ce type commises par des néonazis 
			(18) 
			<a href='http://www.economist.com/news/europe/21648702-surge-asylum-seekers-testing-germanys-tolerance-foreigners-tr-glitz-everywhere'>www.economist.com/news/europe/21648702-surge-asylum-seekers-testing-germanys-tolerance-foreigners-tr-glitz-everywhere.</a>. Ces chiffres sont trois fois plus élevés qu'en 2013 et ces attaques se produisent partout en Allemagne et pas nécessairement dans les régions où les migrants sont les plus nombreux. L'un de ces épisodes s'est déroulé le 18 juillet 2015 à Remchingen, dans le Bade-Wurtemberg, où un bâtiment destiné à accueillir des demandeurs d'asile a été incendié. Des faits similaires se sont produits le 3 avril 2015 à Tröglitz, petite ville de la Saxe-Anhalt, en Allemagne de l'Est 
			(19) 
			<a href='http://www.nytimes.com/2015/04/23/world/europe/germany-immigration-refugees-asylum-integration.html?_r=0'>www.nytimes.com/2015/04/23/world/europe/germany-immigration-refugees-asylum-integration.html?_r=0.</a>. Les auteurs n'ont pas été retrouvés mais la question de la sécurité des migrants en Allemagne a été relancée dans les médias.
49. En mai 2015, le radiodiffuseur public NDR (Norddeutscher Rundfunk) a rapporté deux cas de tortures pratiquées par des policiers à Hanovre, en Basse-Saxe. De jeunes réfugiés avaient été arrêtés à la gare et violemment molestés par les forces de l'ordre. Après la divulgation de ces affaires, de nouvelles agressions, perpétrées en 2014 par des personnels de sécurité privée, ont été dénoncées à Bad Berleburg et à Essen, en Rhénanie-du-Nord-Westphalie.
50. Durant la visite d'enquête que j'ai effectuée en Allemagne, j'ai tenté de déterminer les raisons d'une telle augmentation du nombre d'agressions dirigées contre les migrants. Les autorités allemandes, ainsi que les représentants d'organisations non-gouvernementales, ont expliqué cette flambée de violence par la montée de partis extrémistes tels que Alternative pour l'Allemagne (Alternative für Deutschland – AfD), le parti national-démocrate d'Allemagne (National demokratische Partei Deutschlands – NPD) et le mouvement PEGIDA (les Européens patriotes contre l'islamisation de l'Occident – Patriotische Europäer gegen die Islamisierung des Abendlandes). Des groupes d'extrême-droite organisent des manifestations contre les migrants en rassemblant leurs partisans dans les villes où doivent être accueillis des migrants.
51. Dans le même temps, la législation allemande ne prévoit pas les protections dont auraient besoin les migrants et, dans certains cas, elle limite même considérablement leurs droits humains. La loi allemande sur les demandeurs d'asile et les réfugiés, ainsi que la loi relative au séjour des étrangers (Aufenthaltsgesetz) 
			(20) 
			<a href='http://www.auswaertiges-amt.de/EN/EinreiseUndAufenthalt/Zuwanderungsrecht_node.html'>www.auswaertiges-amt.de/EN/EinreiseUndAufenthalt/Zuwanderungsrecht_node.html.</a> sont régies au niveau fédéral par une législation exclusive ou concurrente. La législation de base en ce domaine est la loi sur l'immigration.
52. Premièrement, l'article 87 de la loi relative au séjour des étrangers (AufenthG) limite l'accès des demandeurs d'asile et des migrants sans papiers aux soins de santé et oblige le personnel médical à les dénoncer. En vertu de la loi sur la procédure de demande d'asile, il est toujours de pratique courante de limiter les déplacements des demandeurs d'asile à l'intérieur du pays et de leur imposer le port d'un permis spécial pour pouvoir se rendre dans une autre ville (paragraphes 56 et suivants AsylVfG). Enfin, jusqu'à récemment, il n'existait pas d'actes juridiques pour sanctionner les crimes de haine et les violences à motivation raciste. Les victimes de ce type d'infraction ne sont pas protégées.
53. Comme on me l'a expliqué, la politique nationale allemande en matière de demande d'asile veut que l'hébergement des réfugiés soit réparti à travers tout le pays. La région de Saxe-Anhalt devrait accueillir cette année entre 750 et 1 000 de ces réfugiés.
54. J'ai rencontré le président du parlement régional ainsi que des représentants de divers partis politiques à Magdebourg, capitale de la région de la Saxe-Anhalt, où la population étrangère ne représente que 2,5 % des habitants. J'ai cependant été informé que la peur des étrangers est très présente au sein de la population locale et qu'elle se fonde sur la crainte d'une dégradation de l'économie («les étrangers vont nous prendre nos emplois») et de la différence, héritée de l'ancien système socialiste dans lequel les contacts avec des étrangers étaient limités. On établit aussi une distinction entre la culture de bienvenue vis-à-vis des étrangers, pratiquée envers les réfugiés et demandeurs d'asile, et le rejet violent des migrants économiques en provenance de la région des Balkans.
55. Afin de combattre ces craintes, les pouvoirs locaux ont conçu une série de mesures d'intégration et d'activités de sensibilisation, tout en reconnaissant que l'Etat ne soutient pas assez ces activités sur le plan financier. Les petites communes n'ont pas de budget à consacrer aux activités d'intégration et aucun programme spécial ne prépare la population locale à accueillir des étrangers.
56. Au niveau fédéral, les autorités allemandes ont engagé toute une série de mesures pour réagir à la récente recrudescence de la violence envers les migrants. L'agence fédérale de lutte contre la discrimination a mené une étude sur les expériences de discrimination vécues par les migrants. Les résultats de cette étude ont montré que 41,9 % des personnes interrogées d'origine immigrée avaient été victimes de discriminations au cours des douze précédents mois. Les migrants de confession musulmane ont rapporté un nombre nettement supérieur d'actes discriminatoires (38,2 % d'entre eux ont souffert de discriminations sur le marché du travail).
57. Dans le cadre de ses mesures de lutte contre la violence faite aux femmes, le ministère fédéral des Affaires familiales, du troisième âge, des femmes et de la jeunesse se concentre sur la situation particulière des immigrantes. Celles-ci sont beaucoup plus exposées aux violences que les femmes allemandes et sont en outre souvent insuffisamment informées de leurs droits et du système de protection et d'aide offert par l'Allemagne. Le ministère soutient un réseau d'organisations non gouvernementales qui procèdent à des évaluations des besoins des femmes migrantes touchées par la violence et leur apportent leur aide.
58. On constate cependant au niveau du ministère de l'Intérieur un manque de mesures concrètes pour protéger les migrants de violences ou d'agressions, et les arrestations – de même que les condamnations – en lien avec ces faits sont rarissimes.
59. Le Gouvernement allemand doit trouver un moyen de faire face au sentiment croissant d'hostilité envers les réfugiés, ainsi qu'à la nouvelle vague d'immigration – la plus importante depuis les années 1990. Il faut en outre que les autorités locales répondent aux inquiétudes croissantes des citoyens concernant l'insuffisance des logements et l'intégration de divers groupes culturels. C'est pourquoi l'enjeu principal consistera à instaurer une plus grande tolérance et à mieux faire accepter les réfugiés. Enfin, le gouvernement fédéral devra déterminer comment protéger les réfugiés et leurs habitations.
60. Il est également important de reconnaître la protection contre la discrimination comme une responsabilité à la fois locale et nationale. Toute municipalité hébergeant des migrants doit mettre à leur disposition des services de conseil spéciaux ainsi que des programmes communautaires encourageant leur intégration, les connaissances interculturelles, l'engagement citoyen et le bénévolat. Il faut informer le public des dégâts causés par les activités des néonazis en matière de discrimination.
61. Je suis heureux de constater une évolution positive récente au sein du Parlement allemand qui, le 23 juillet 2015, a modifié la législation en instaurant davantage de sanctions pour les infractions à motivation raciste et en accordant plus de pouvoirs aux procureurs fédéraux dans les affaires de «crimes de haine». Les procureurs seront également en mesure de lancer des procédures conjointes dans des cas impliquant plusieurs ressortissants allemands.

4.3. Grèce

62. La Grèce a connu l'année dernière une hausse spectaculaire de l'afflux de demandeurs d'asile en provenance d'Asie, d'Afrique et du Proche-Orient cherchant désespérément à rejoindre l'Europe par la mer. Comme l'a rapporté le HCR, les arrivées de migrants par la mer en 2015 ont atteint à la fin du mois de septembre de cette même année le nombre de 520 957 
			(21) 
			HCR, La traversée de
la Méditerranée par des réfugiés et migrants à destination de l'Europe,
Aperçu des tendances des arrivées au 28 septembre 2015. UNCS, 30
septembre 2015.. Ce nombre est au moins deux fois supérieur à celui de 2014. Ils arrivent majoritairement de Syrie, d'Afghanistan et d'Irak.
63. Cet afflux massif de migrants débarquant sur des îles telles que Lesbos, Kos, Chios, Samos, Leros, et Rhodes a mis à rude épreuve les capacités d'accueil de la Grèce. Ceci s'est soldé par quelques incidents violents isolés, comme par exemple sur l'île de Kos, où des policiers ont tenté de maîtriser une foule de migrants en utilisant des matraques et des extincteurs d'incendie 
			(22) 
			Kos migrants: Chaos
amid Greek registration attempt, BBC, Royaume-Uni, 12 août 2015.. En l'absence de toute installation d'accueil officielle, les réfugiés étaient parqués dans des conditions inhumaines, dormant en plein air et manquant d'eau et de nourriture 
			(23) 
			Grèce: Attaques et
conditions d’accueil épouvantables pour les réfugiés à Kos, 4 septembre
2015, <a href='http://www.amnesty.fr/Presse/Communiques-de-presse/Grece-Attaques-et-conditions-accueil-epouvantables-pour-les-refugies-Kos-15966'>Amnesty International
News.</a>.
64. Plusieurs plaintes m'ont été adressées par des organisations de défense des droits des migrants concernant les exactions commises dans des centres de rétention, les conditions de rétention inhumaines et les prolongements des périodes de rétention. La plupart de ces affaires ne sont pas enregistrées et les agents de police n’encourent aucune sanction. Plusieurs arrêts de la Cour européenne des droits de l'homme ont conclu à une violation de l'article 3 de la Convention due à de mauvaises conditions de détention et à des lacunes systématiques dans la procédure d'asile 
			(24) 
			AL.K. c. Grèce, Requête no 63542/11,
arrêt du 11 décembre 2014..
65. Afin de suivre l'évolution de la situation, j'ai effectué en Grèce une visite d’information durant laquelle je me suis rendu sur l'île de Lesbos, l'un des principaux points de débarquement des migrants arrivant de Turquie par la mer. Deux centres d'enregistrement des migrants d'une capacité maximale d'accueil de 2 000 personnes par jour sont installés à Lesbos. Le directeur de l'un de ces centres a néanmoins rapporté plus de 4 000 arrivées par jour, nombre qui excède de loin la capacité des centres. Je peux cependant témoigner de la bonne organisation de la procédure d'enregistrement, malgré le nombre considérable de personnes attendant leur tour, dont des familles avec des enfants en bas âge. Le centre d'accueil abritait près de 10 mineurs non accompagnés séparés des adultes et attendant d'être placés dans des établissements spécialisés pour enfants. La direction du centre d'accueil, ainsi que les assistants du HCR chargés de la protection, ont insisté sur le besoin impératif de renforcer la capacité du centre en le dotant de matériels d'enregistrement plus sophistiqués et en augmentant le nombre de collaborateurs qualifiés.
66. Le Service d'asile grec fait de son mieux pour faciliter l'accès à la procédure d'asile et aider à la réinstallation de personnes ayant manifestement besoin d'une protection internationale. Depuis le deuxième semestre 2014, pour répondre à l'augmentation de 315 % des ressortissants syriens pénétrant illégalement en Grèce, le Service d'asile a mis en place une procédure accélérée permettant d'enregistrer et d'examiner les demandes en une seule journée. Cependant, eu égard à l'absence d'itinéraires légaux d'arrivée des migrants en provenance de Turquie, lesquels arrivant majoritairement par mer, il est difficile d'estimer combien arriveront en une journée. Afin d'empêcher toute atteinte aux droits des migrants et de lutter contre les trafiquants, il est indispensable de renforcer d’au moins 1 000 membres supplémentaires les garde-côtes grecs.
67. Quant aux violences envers les migrants en Grèce, on peut constater que la situation s'est nettement améliorée ces deux dernières années. Lors de la montée du parti néonazi Aube dorée, entre 2009-2013, les membres de ce parti se sont souvent livrés contre des migrants à des agressions et à des attentats que Human Rights Watch a classés dans la catégorie «actions semi-officielles», dans le sens où les forces de l'ordre n'enquêtaient pas sur les faits 
			(25) 
			Human Rights Watch,
Hate on the Streets: Xenophobic Violence in Greece: 
			(25) 
			<a href='http://www.hrw.org/sites/default/files/reports/greece0712ForUpload.pdf'>www.hrw.org/sites/default/files/reports/greece0712ForUpload.pdf</a>. En 2012, l'opération Xenios Zeus s'est caractérisée par une émeute sociale au cours de laquelle près de 4 500 policiers ont procédé dans les rues à des descentes destinées à arrêter des immigrants pour les diriger vers un centre de rétention à Athènes et les soumettre à des traitements humiliants. On estime que la plupart des 40 000 immigrants ont été pris durant cette opération et que 6 000 d'entre eux ont été placés en rétention dans un centre où ils étaient contraints de passer des heures à genoux à même le sol 
			(26) 
			Ibid.
Drier, Christoph, 2012, “Greek government launches mass round-up
and deportation of immigrants”, World Socialist Web Site, 9 aout
2012 (<a href='http://www.wsws.org/articles/2012/aug2012/gree-a09.shtml'>www.wsws.org/articles/2012/aug2012/gree-a09.shtml</a>)..
68. Les autorités grecques ont pris diverses mesures pour remédier à cette situation, comme la création au sein de la police grecque de départements et de bureaux spécialisés dans la prévention et la répression des infractions commises pour des motifs religieux, ethniques ou raciaux, la mise en place d'une permanence téléphonique permettant de signaler des actes de violence raciste, la nomination d'un procureur général pour poursuivre les auteurs d'actes racistes violents, une modification des règles de financement public des partis politiques, ainsi que l'adoption en septembre 2014 d'une nouvelle loi de lutte contre le racisme visant à renforcer la législation en vigueur contre le racisme. Depuis 2015, le placement en rétention n'est appliqué qu'en dernier ressort et pour une période n'excédant pas six mois. En dépit de ces améliorations, il reste à régler certaines questions mises en évidence dans le cinquième rapport de la Commission européenne contre le racisme et l'intolérance (ECRI) sur la Grèce, publié le 24 février 2015.
69. Le problème principal mis en avant par l'ensemble des acteurs de la protection des droits de l'homme, y compris par le médiateur grec, est l’absence de mécanismes d'enregistrement et de suivi des incidents racistes et des crimes de haine, ainsi que de protection des victimes, qui soient efficaces et indépendants de la police. Par ailleurs, il n'existe aucun organisme public fiable pour recueillir des informations sur les attaques violentes perpétrées contre les migrants.
70. A l'initiative de la Commission nationale des droits de l'homme et du HCR, un réseau d'enregistrement des incidents de violence raciste a été mis sur pied pour coordonner les activités des ONG en matière de collecte d'informations sur les actes de violence envers des migrants et garantir une réaction rapide des autorités grecques. En 2014, ce réseau a enregistré 46 agressions contre des réfugiés et des migrants. De nombreuses victimes de ces agressions n'ont pas souhaité prendre d'autres mesures ni porter plainte, soit par peur de persécutions de la part des auteurs ou par crainte d'éventuelles conséquences pour leur statut. Certaines victimes ont exprimé leur manque de confiance vis-à-vis du système judiciaire. Dans deux cas, elles ont affirmé avoir été dissuadées d'agir par la police. Malgré plusieurs enquêtes récentes sur des infractions à motivation raciale, les agressions contre des réfugiés et des migrants constituent la majorité des affaires recensées par le réseau. Quand bien même le nombre de ces agressions a diminué, le schéma d'agressions organisées en groupe et de violences physiques se perpétue.
71. Jusqu'à une époque récente, les condamnations ne tenaient pas compte des motivations raciales. L'établissement dans l'article 81 du Code pénal d'une circonstance générale aggravante pour les crimes motivés par la haine a imposé l'obligation d'une répression des crimes de haine en tant qu'actes punissables en soi. Cette disposition ne peut toutefois être efficace si les fonctionnaires de police ne portent pas spécialement attention à une possible motivation raciale dès les premières étapes de la procédure d'enquête. Il faut que les agents des forces de l’ordre et les autorités judiciaires et de poursuites soient formés à traiter les crimes de haine et à en assister les victimes. Ils doivent veiller à ce que toute motivation raciste fasse l'objet d'une enquête approfondie à chaque stade de la procédure judiciaire, et en particulier durant l'enquête préliminaire, conformément à la circulaire de la police no 7100/4/3 du 24 mai 2006. 
			(27) 
			Rapport
national sur la violence raciste, Médecins du Monde-Grèce, avril
2014, p. 46.
72. Concernant l'intégration des migrants, les autorités grecques ont adopté une politique nationale d'intégration sociale pour les années 2014-2020, laquelle inclut des mesures préalables au départ pour les migrants réguliers potentiels, des cours de grec, ainsi que la création de centres de soutien pour migrants et de conseils d'intégration des migrants au niveau municipal. En avril 2014, le Parlement grec a adopté le Code sur les migrations et l'intégration sociale qui favorise le statut de résident de longue durée, instaure des conditions de séjour particulières pour la «deuxième génération» et inclut des bénéficiaires de la protection internationale dans les politiques d'intégration relatives aux ressortissants de pays tiers.
73. En visite à Lesbos, j'ai été impressionné par la manière dont la population grecque exprimait sa compassion envers les migrants, en les aidant et en leur fournissant des denrées alimentaires et des produits de première nécessité. Ce mouvement général de soutien des réfugiés a été souligné par les dirigeants comme par les représentants de la société civile. A la suite de la condamnation publique d'attaques racistes et de la dénonciation du discours raciste de certains politiciens, le nombre d'infractions de ce type a diminué et le soutien apporté au parti néonazi Aube dorée s'est considérablement réduit.
74. Il convient cependant de renforcer les mesures positives adoptées par le Gouvernement grec pour lutter contre la violence envers les migrants par des stratégies de mise en œuvre. Il faut avant tout que les victimes de violences racistes, y compris les migrants sans papiers, aient un accès direct au système judiciaire. L'arrestation et la détention de victimes et de témoins ayant porté plainte doivent être interdites dans la période séparant l'accusation et la prise d'une ordonnance par un procureur spécial. Il est également important d'engager des poursuites pour crimes de haine en tant qu'infractions particulières déterminées par le Code pénal, en combinaison avec les circonstances aggravantes générales. Si les victimes de violences sont des mineurs non accompagnés, elles doivent bénéficier de soins de santé, être logées dans des centres d'hébergement spéciaux et avoir accès à l'éducation et à un apprentissage de la langue, tout ceci gratuitement. Quant aux exactions commises au sein des centres de rétention, il faut que les autorités veillent à ce que les migrants aient accès à l'aide judiciaire et puissent déposer plainte. Je pense pour finir que les organisations internationales, dont le Conseil de l'Europe et le HCR, pourraient aider le Gouvernement grec à concevoir un plan d'action visant à prévenir et combattre les crimes de haine et les violences envers les migrants, y compris par la mise en œuvre d'un plan spécial d'éducation.

4.4. Italie

75. L'Italie fait face à une arrivée massive de migrants fuyant les guerres de Syrie, d'Irak et de Somalie, la pauvreté au Sénégal, au Niger, en Sierra Leone et au Cameroun et l'oppression en Erythrée et en Ethiopie. En 2014, 63 000 migrants ont traversé la Méditerranée pour atteindre l'Italie 
			(28) 
			<a href='http://www.theguardian.com/world/2014/aug/01/eritrean-migrants-detention-beating-libya-europe'>www.theguardian.com/world/2014/aug/01/eritrean-migrants-detention-beating-libya-europe.</a>.
76. A la périphérie de Rome, dans le quartier de Tor Sapienza, la police anti-émeutes a été mobilisée contre des réfugiés séjournant dans un centre de rétention lors d'incidents que le HCR a qualifiés d'actes «inacceptables de violence et d'intolérance». 
			(29) 
			<a href='http://www.theguardian.com/world/2014/nov/13/riot-police-violence-refugees-rome'>www.theguardian.com/world/2014/nov/13/riot-police-violence-refugees-rome.</a> On estime à 70 le nombre de réfugiés nigérians, qui comptent parmi eux des mineurs originaires d'Egypte et du Bangladesh, retenus dans ce centre 
			(30) 
			<a href='http://www.euronews.com/2014/11/13/rome-clashes-between-refugees-and-residents/'>www.euronews.com/2014/11/13/rome-clashes-between-refugees-and-residents/.</a>. On leur a également asséné des messages xénophobes et racistes figurant sur des banderoles déployées pendant les émeutes et qui clamaient «Les Musulmans, dehors!» et «Longue vie au Duce!» 
			(31) 
			<a href='https://libcom.org/blog/racist-attack-political-asylum-seekers%E2%80%99-centre-rome-new-project-italian-right-25112014'>https://libcom.org/blog/racist-attack-political-asylum-seekers%E2%80%99-centre-rome-new-project-italian-right-25112014</a>. Voir <a href='http://www.thedailybeast.com/articles/2014/11/14/in-rome-s-riots-cries-for-mussolini-and-attacks-on-refugees.html'>www.thedailybeast.com/articles/2014/11/14/in-rome-s-riots-cries-for-mussolini-and-attacks-on-refugees.html#</a>. <a href='http://www.euronews.com/2014/11/13/rome-clashes-between-refugees-and-residents/'>www.euronews.com/2014/11/13/rome-clashes-between-refugees-and-residents/.</a>.
77. Dans d'autres villes telles que Rossano, dans la région de Calabre (Italie du Sud), des travailleurs migrants saisonniers originaires d'Afrique ont été agressés en janvier 2010, avant qu'une autre attaque soit menée contre un bar bengali à Rome en mars de la même année. Human Rights Watch a aussi répertorié des cas d'abus des forces de l'ordre sur des migrants roms lors d'expulsions de campements 
			(32) 
			<a href='http://www.hrw.org/news/2011/03/21/italy-act-swiftly-end-racist-violence'>www.hrw.org/news/2011/03/21/italy-act-swiftly-end-racist-violence.</a>. L'organisation italienne de lutte contre le racisme a recensé 398 cas de crimes de haine rapportés par les médias, dont 186 agressions physiques commises cette même année. Mohamed Alwash a fait état au nom du HCR à Tripoli de certains «refoulements» effectués par des patrouilles italiennes lors de l'interception d'un bateau ayant à son bord 89 personnes, dont 75 Erythréens comptant parmi eux neuf femmes et trois enfants. Cet incident s'est produit en 2011. Le refus des Erythréens de rentrer dans leur pays a provoqué entre les migrants et l'équipage italien des heurts durant lesquels les Italiens ont frappé certains Africains à l'aide de barres de plastique ou de métal 
			(33) 
			<a href='http://www.everyonegroup.com/EveryOne/MainPage/Entries/2011/2/5_Wikileaks,_allegations_against_Italy__Eritreans_were_pushed_back_and_beaten.html'>www.everyonegroup.com/EveryOne/MainPage/Entries/2011/2/5_Wikileaks,_allegations_against_Italy__Eritreans_were_pushed_back_and_beaten.html.</a>.
78. A Lampedusa et Pozzallo, des émeutes qui ont opposé les forces de l'ordre et des réfugiés ont donné lieu à des jets de pierres et à des charges violentes de la police, ce qui – de l'avis du HCR – révèle l'incapacité de l'Italie à faire face à un afflux constant de réfugiés 
			(34) 
			<a href='http://www.telegraph.co.uk/news/worldnews/europe/italy/8778844/Lampedusa-fire-Centre-burned-down-by-Tunisian-refugees.html'>www.telegraph.co.uk/news/worldnews/europe/italy/8778844/Lampedusa-fire-Centre-burned-down-by-Tunisian-refugees.html.</a>.
79. Mentionnons également la crise récemment traversée par le réseau «Mafia Capital» à Rome, qui a impliqué des dirigeants politiques locaux, des chefs d'entreprise et des criminels en lien avec des groupes néofascistes actifs dans les années 1970 et 1980, accusés de corruption pour des appels d'offres publics relatifs à la gestion de centres d'accueil de migrants. Ce réseau de trafiquants a tiré profit de la crise de la migration en faisant de l'hébergement des migrants un commerce lucratif.

4.5. Turquie

80. La Turquie est considérée comme un pays de destination pour les réfugiés fuyant la violence de Daech en Irak et en Syrie. Selon les données du HCR pour le mois de novembre 2015, la Turquie accueillerait environ 2 715 789 demandeurs d'asile et réfugiés 
			(35) 
			HCR,
Réponse régionale à la crise des réfugiés en Syrie, 3 novembre 2015..
81. Entre décembre 2013 et août 2014, l'organisation a signalé que les réfugiés syriens qui se voyaient refuser l'accès au territoire turc étaient molestés par les gardes-frontière turcs. Dix incidents distincts ont été recensés, au cours desquels 31 civils ont été attaqués à balles réelles et battus par des gardes-frontière turcs alors qu'ils tentaient de pénétrer illégalement dans le pays. 
			(36) 
			<a href='http://www.aawsat.net/2014/11/article55338739/syrian-refugees-tortured-at-turkeys-border-crossings-report'>www.aawsat.net/2014/11/article55338739/syrian-refugees-tortured-at-turkeys-border-crossings-report.</a> Ils ont été frappés à coups de poings, de pieds et de bâtons. Des réfugiés ont également déclaré à Amnesty qu'on les avait humiliés en les déshabillant, en leur urinant dessus et en les faisant ramper comme des animaux 
			(37) 
			Reportage: Un ressortissant
kurde de al-Derbasiyah battu à mort par les forces de sécurité turques
(en arabe), <a href='http://ciwanekurd.net/index.php/2013-06-26-10-12-46/2013-06-12-08-52-'>http://ciwanekurd.net/index.php/2013-06-26-10-12-46/2013-06-12-08-52-</a>11/1846-2014-02-21-19-40-57. Reportage: Un ressortissant
kurde abattu à la frontière par les forces de sécurité turques (en
arabe), 30 décembre 2013, <a href='http://www.rojava.fm/node/1583.'>www.rojava.fm/node/1583.</a>.
82. En octobre 2014, dans son rapport «Turquie: complément d'informations: il faut enquêter sur la détention de réfugiés», Amnesty International indiquait que près de 300 réfugiés de la ville syrienne de Kobanı fuyant Daech avaient été retenus jusqu'à 15 jours dans un gymnase de Suruç, dans la province de Şanlıurfa proche de la frontière. Le groupe se composait de femmes, d'hommes et d'une trentaine d'enfants enfermés dans des conditions déplorables, battus, menacés avec des couteaux et maltraités par la gendarmerie 
			(38) 
			Amnesty
International a lancé un appel urgent à mener une enquête sur la
détention illégale, les retours forcés et les allégations de mauvais
traitements des réfugiés. Voir Amnesty International, <a href='https://www.amnesty.org/en/documents/EUR44/020/2014/en/'>«Turquie:
il faut enquêter sur la détention de réfugiés»</a>, 23 octobre 2014, «Syrie: éléments d'information sur
les zones assiégées en Syrie», 16 avril 2014, et «<a href='https://www.amnesty.org/en/documents/EUR44/017/2014/en/'>Lutter pour
survivre: les réfugiés syriens en Turquie»</a>, 20 novembre 2014.. L'organisation déclare avoir conduit des entretiens au cours desquels les réfugiés affirmaient avoir été jetés à terre et forcés à ramper par des membres de la gendarmerie. Certains les ont menacés par un couteau placé sous la gorge et leur ont dit «On va vous couper la tête et la balancer en Syrie».
83. Les réfugiés étaient confinés dans le gymnase pratiquement 24 heures sur 24. Amnesty a constaté que la ventilation y était insuffisante et qu'il n'y avait qu'une seule douche et un seul WC, tous deux d'une saleté repoussante. Certains réfugiés qui y ont été découverts affirment souffrir de problèmes de santé – troubles respiratoires, problèmes cardiaques, affections cutanées et anémie – qui se sont aggravés du fait de leur détention et parce qu'on leur a refusé l'accès à des traitements médicaux pendant leur détention 
			(39) 
			Entretiens menés à
Suruç, fin octobre 2014..
84. La délégation du Comité international de secours qui s'est rendue en Turquie a en outre constaté le traumatisme d'enfants ayant subi des violences et sévices divers, la négligence et l'exploitation 
			(40) 
			<a href='http://www.rescue.org/sites/default/files/resource-file/IRCReportMidEast20130114.pdf'>www.rescue.org/sites/default/files/resource-file/IRCReportMidEast20130114.pdf.</a>. Un rapport de 2015 récemment publié affirmait qu'un enfant syrien avait été agressé par le gérant du restaurant d'une filiale de Burger King pour avoir mangé les restes de nourriture d'un client 
			(41) 
			<a href='http://www.presstv.ir/Detail/2015/01/24/394589/Syria-kid-beat-in-Turkey-over-leftovers'>www.presstv.ir/Detail/2015/01/24/394589/Syria-kid-beat-in-Turkey-over-leftovers.</a>.
85. A Gaziantep, dans le sud-est de la Turquie, les groupes d'extrême-droite quadrillent la ville pour localiser des réfugiés et les passer à tabac en public. Des réfugiés ont également été expulsés de certains quartiers et agressés et blessés dans les rues ou dans les parcs 
			(42) 
			<a href='http://www.al-monitor.com/pulse/originals/2014/08/kutahyali-syrian-refugees-under-attack-turkey-gaziantep.html%23'>www.al-monitor.com/pulse/originals/2014/08/kutahyali-syrian-refugees-under-attack-turkey-gaziantep.html#.</a>.

4.6. Fédération de Russie

86. La Russie est le principal pays de destination pour les migrants en provenance d'anciennes républiques soviétiques d'Asie centrale et du Caucase, mais elle reçoit également des migrants originaires d'Afrique. Selon Human Rights Watch, cet afflux de migrants confronte le pays à des tensions ethniques ainsi qu'à des heurts liés à l'emploi entre travailleurs migrants 
			(43) 
			<a href='http://www.hrw.org/news/2014/01/16/russia-letter-un-special-rapportuer-human-rights-migrants-and-un-independent-expert-'>www.hrw.org/news/2014/01/16/russia-letter-un-special-rapportuer-human-rights-migrants-and-un-independent-expert-.</a>.
87. Les organisations de défense des droits de l'homme font amplement état de meurtres à motivation raciste et ethnique et d’autres agressions violentes perpétrés par des néonazis en Russie. Les migrants et réfugiés en provenance d'Asie et d'Afrique en sont les premières victimes 
			(44) 
			Centre d'information
et d'analyse SOVA, «V Moskve izbit bezhenets in Azerbaijana», 3
décembre 2008.. Comme l'a indiqué le Centre d'information et d'analyse SOVA, au moins 11 personnes ont été tuées et environ 82 autres blessées dans des agressions racistes en Russie en 2015. Cette même année, les tribunaux ont prononcé 12 condamnations pour des faits qualifiés de violences racistes.
88. En 2014, 12 migrants originaires d'Asie centrale ont été tués et 23 autres blessés (à titre de comparaison, il y a eu 14 tués et 61 blessés en 2013). Les migrants victimes de ces attaques ont peur de les signaler et ne font que rarement appel à la police, aux organisations communautaires ou aux médias. Le discours xénophobe des médias russes et les allocutions anti-migrants de certains dirigeants politiques ne font qu'inciter l'opinion à traiter les migrants comme des boucs émissaires. La radio d'Etat Vesti FM a publié sur son site web un plan intitulé «Etrangers illégaux» localisant tous les lieux de Moscou où vivent des migrants sans papiers et demandant aux citoyens locaux de l'actualiser afin de dénoncer «le monde clandestin des migrants». 
			(45) 
			Russie:
Lettre au Rapporteur spécial des Nations Unies sur les droits de
l'homme des migrants et à l'expert indépendant des Nations unies
sur les questions relatives aux minorités, 10 janvier 2014, Human
Rights Watch.
89. Plusieurs agressions ont également été commises contre d'autres «étrangers ethniques» sous des slogans xénophobes – contre des Palestiniens à Voronej (six blessés), des Tsiganes dans la région de Riazan (quatre blessés), un Bangladais et un Chinois à Moscou, deux Japonais dans la région de Moscou, ainsi que des Kirghizes à Moscou et à Irkoutsk 
			(46) 
			Le calme avant la tempête?
La xénophobie et le nationalisme radical en Russie et les efforts
pour les combattre en 2014, 21 avril 2015, Centre d'information
et d'analyse SOVA, p. 4-5..
90. Human Rights Watch a également signalé des opérations de police à grande échelle au cours desquelles des milliers de migrants ont été arrêtés dans toute la Russie, simplement en raison de leur physionomie non slave. Ils ont subi une détention prolongée dans les cellules de rétention temporaire de postes de police et n'ont pas été autorisés à consulter un avocat, et des tribunaux ont ordonné leur expulsion en s'appuyant sur des auditions superficielles et convenues d'avance. 
			(47) 
			<a href='http://www.hrw.org/news/2013/08/08/russia-mass-detention-migrants'>www.hrw.org/news/2013/08/08/russia-mass-detention-migrants</a>. Voir <a href='http://www.hrw.org/news/2013/10/02/russia-sochi-migrant-workers-targeted-expulsion'>www.hrw.org/news/2013/10/02/russia-sochi-migrant-workers-targeted-expulsion.</a> En 2014, le lancement de l'Opération migrants s'est caractérisé par des arrestations et mises en détention massives de migrants à Moscou et Saint-Pétersbourg 
			(48) 
			<a href='https://www.fidh.org/International-Federation-for-Human-Rights/eastern-europe-central-asia/tajikistan'>https://www.fidh.org/International-Federation-for-Human-Rights/eastern-europe-central-asia/tajikistan.</a>. Une opération similaire, nommée «Opération clandestins 2014», a été conduite à Saint-Pétersbourg du 22 septembre au 10 octobre 2014. Elle s'est soldée par des accusations pénales contre 437 migrants 
			(49) 
			<a href='http://www.ipsnews.net/2014/11/russias-immigrants-facing-crackdowns-and-xenophobia/'>www.ipsnews.net/2014/11/russias-immigrants-facing-crackdowns-and-xenophobia/</a> Voir <a href='http://rt.com/news/moscow-nationalists-killing-violence-142/'>http://rt.com/news/moscow-nationalists-killing-violence-142/.</a>. Des policiers ont effectué des descentes dans les rues, où les migrants ont été frappés et ont subi la destruction de leurs biens et des actes de vandalisme. Toutes ces actions sont restées impunies. Au cours de ces opérations, plus de 7 000 personnes ont été arrêtées dans tout Moscou – plus de 800 d'entre elles se sont déjà vu signifier une ordonnance d'expulsion 
			(50) 
			<a href='https://www.fidh.org/International-Federation-for-Human-Rights/eastern-europe-central-asia/russia/16382-russia-fidh-and-adc-memorial-call-to-stop-mass-arrests-of-migrants'>https://www.fidh.org/International-Federation-for-Human-Rights/eastern-europe-central-asia/russia/16382-russia-fidh-and-adc-memorial-call-to-stop-mass-arrests-of-migrants.</a>.
91. Les autorités russes et les agents des forces de l’ordre n'ont pas apporté de réponses adéquates aux crimes de haine commis à l’encontre des migrants. Les organisations non-gouvernementales de défense des droits de l'homme travaillant avec les migrants ont rapporté plusieurs affaires de mauvais traitements infligés à des migrants par la police. Le Comité d'assistance civique a pris acte du cas d'un migrant battu par la police et abandonné inconscient aux abords de la ville.
92. Outre la violence physique, les migrants et leurs familles vivant en Russie sont particulièrement défavorisés concernant l'accès à l'éducation et aux soins de santé. Ils sont également exploités sur le marché du travail (retards dans le paiement des salaires, absence de rémunération, travail forcé).
93. Les autorités russes doivent d'urgence adopter des mesures pour remédier à la violence envers les migrants dans leur pays et s'acquitter de leurs obligations en matière de droits de l'homme.

5. Mesures de lutte contre la violence à l'égard des migrants

5.1. S'attaquer aux causes profondes de la violence

94. Pour réduire la violence, il faut avant tout en comprendre l'origine et les causes. L'intensification de la violence envers les migrants résulte de l'intolérance (racisme et xénophobie), notamment en cas d'instabilité politique du pays d'accueil. Le racisme et le discours de haine se nourrissent d'un manque d'éducation et d'information des communautés locales, au sein desquelles les migrants sont depuis longtemps stigmatisés, notamment par la faute des médias. De plus, le statut des travailleurs immigrés en situation irrégulière les prive de toute protection, ce qui les rend encore plus vulnérables aux violences.
95. Dans ces circonstances, la violence est perpétuée aussi par le silence des migrants. En effet, craignant d'être dénoncés ou expulsés, ils ne signalent pas les exactions dont ils sont victimes. Par conséquent, les auteurs demeurent inconnus et impunis (il peut s'agir d'employeurs, d'autres migrants, de groupes criminels organisés, voire d'acteurs corrompus de l'Etat) 
			(51) 
			Association internationale
de sociologie, Criminologues sans frontières, rapport: «La violence
envers les migrants, les travailleurs migrants et leurs familles»..
96. Pour s'attaquer aux causes profondes de la violence, il est donc nécessaire de faciliter l'accès des migrants à la justice. Il faut veiller à ce qu'ils bénéficient d'une assistance judiciaire, quel que soit leur statut migratoire, et s'assurer que les victimes puissent témoigner en toute liberté devant les tribunaux, sans crainte de représailles de la part du pays d'accueil.
97. La clé de la lutte contre la violence demeure néanmoins l'intégration. Cette intégration doit se fonder sur l'éducation des communautés locales et des migrants, et tout particulièrement de la jeunesse. Aux Pays-Bas, par exemple, les migrants sont tenus de suivre des programmes d'assistance linguistique, une orientation sociale/professionnelle et une formation générale 
			(52) 
			ONUDC,
rapport «Prévenir la violence envers les migrants et améliorer la
sécurité des collectivités».. Il faut également faciliter l'acquisition de la nationalité par les migrants et nous assurer de l'absence de toute ségrégation en mettant en place des programmes de développement local.

5.2. Renforcer la législation

98. La législation est un outil indispensable pour combattre la violence envers les migrants. Néanmoins, certaines lois comme celle qui érige l'immigration irrégulière en infraction pénale peuvent au contraire aggraver cette violence et exposer davantage les migrants au racisme et à la xénophobie. C'est pourquoi il faut que les Etats revoient et modifient leur législation pour garantir que l'immigration irrégulière ne soit pas considérée comme une infraction pénale, et qu'ils ratifient l'ensemble des instruments internationaux en matière de droits de l'homme (et en particulier la Convention internationale sur les droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille).
99. Dans ce contexte, il faut également que les Etats renforcent les lois contre le discours de haine raciste, la discrimination et la xénophobie. Toute forme d'incitation à la discrimination raciale doit être érigée en infraction pénale par le droit national et toute disposition de la législation des Etats membres autorisant ou excusant la violence envers les migrants doit être éliminée.
100. Les lois de lutte contre la violence au sein des communautés de migrants doivent également être renforcées. Etant donné la vulnérabilité des femmes et des enfants migrants, le droit pénal et le droit civil doivent être modifiés pour que toute pratique traditionnelle dommageable, sous toutes ses formes (mutilation génitale féminine, crime d'honneur ou test forcé de virginité), soit interdite et érigée en infraction pénale.

5.3. Protéger et assister les victimes et les témoins

101. Les Etats doivent s'assurer que les migrants soient informés de leur droit d'être protégés de la violence et de demander réparation en justice. Trop souvent, les migrants ne s'y hasardent pas par crainte de représailles ou de mesures d'expulsion. C'est pourquoi la répression de la violence doit prévaloir sur le contrôle de l'immigration et le statut des victimes.
102. L'article 16.2 de la Convention internationale sur les droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille apporte des réponses pénales aux victimes de violences physiques ou sexuelles 
			(53) 
			<a href='http://www2.ohchr.org/english/bodies/cmw/cmw.htm'>www2.ohchr.org/english/bodies/cmw/cmw.htm. </a>. Les Etats n'en doivent pas moins mettre en place de nouvelles mesures pour garantir la sécurité des migrants lors des procédures pénales et s'assurer qu'ils ne risquent pas une victimisation secondaire par des représentants de la justice. Il faut de plus que les Etats assurent la protection des témoins migrants contre les représailles.
103. Concernant les services d'assistance, il faut que les gouvernements fournissent aux victimes les soins nécessaires (matériel médical, assistance psychologique et sociale) sans tenir compte de leur statut migratoire. Les migrants doivent être informés de leurs droits (par des services d'assistance ou des brochures) de manière à pouvoir être aidés. Des soins spéciaux doivent en outre être prodigués aux victimes vulnérables telles que les femmes ou les enfants, en fonction de la nature des violences subies.

5.4. Punir les auteurs de violences

104. Les condamnations pour violence envers les migrants doivent être proportionnées à la gravité des infractions mais doivent également permettre la réinsertion de leurs auteurs dans la société tout en évitant les risques de récidive. C'est la raison pour laquelle des solutions autres que l'incarcération – sanctions économiques, travaux d'intérêt général ou assignation à résidence – sont privilégiées 
			(54) 
			Règles minima des Nations
Unies pour l'élaboration de mesures non privatives de liberté, règle
8.2, Résolution 45/110 de l'Assemblée générale, annexe.. Les Etats n'en doivent pas moins modifier leur législation pour y inclure comme circonstance aggravante la perpétration d'actes violents à l'égard des migrants.
105. Lorsque les auteurs d'infractions violentes sont des migrants, nous devons nous assurer qu'ils sont incarcérés dans des conditions non discriminatoires 
			(55) 
			Rapport Combattre la violence envers les migrants,
Office des Nations Unies contre la drogue et le crime, mars 2015.. Au cours de leur détention, ils doivent jouir des mêmes droits que les non-migrants.

5.5. Sensibiliser aux problèmes

106. Les campagnes de sensibilisation doivent avant tout être envisagées dans les pays d'origine. Il est fondamental d'avertir les migrants des violences auxquelles ils s'exposent lors du processus migratoire, ainsi que de leur vulnérabilité face aux criminels. Il faut également les informer de possibilités de migration plus sûres et leur dire où s'adresser pour demander de l'aide 
			(56) 
			Ibid..
107. Il convient également de mener des campagnes de sensibilisation dans les pays hôtes. Les Etats doivent sensibiliser l'opinion aux violences endurées par les migrants tout au long de leur périple, que ce soit dans les pays d'origine, de transit ou de destination. Il faut en outre renforcer les liens culturels entre migrants et communautés locales. Il est essentiel que ces dernières aient conscience des avantages de la migration pour mettre un frein à la discrimination et à la xénophobie. Encourager le respect pour la diversité est la clé de l'intégration sociale et de l'instauration de la non-violence.

6. Conclusions et recommandations

108. Jusqu'à présent, la réponse des Etats membres n'a pas suffi à protéger les migrants de la violence. Même si les droits des migrants sont généralement protégés au moyen d'instruments juridiques, la violence reste extrêmement préoccupante, qu'il s'agisse du trafic de migrants, des centres de rétention ou du travail forcé. C'est pourquoi il est nécessaire de renforcer la protection des migrants, et en particulier des femmes et des enfants, qui sont les plus vulnérables.
109. L'application de la loi est essentielle mais ne suffit pas à prévenir les violences envers les migrants. Il convient d'intégrer les mesures dans une approche plus globale allant d'une politique d'immigration claire à de nouvelles mesures préventives telles que des campagnes de sensibilisation 
			(57) 
			Ibid. dans les pays de destination, en vue d'encourager la tolérance et de favoriser l'intégration sociale des migrants.
110. Considérant le nombre croissant d'actes de violence à l'égard des migrants, l'Assemblée parlementaire devrait appeler les gouvernements à modifier leur législation afin que l'immigration irrégulière ne soit pas qualifiée d’infraction pénale. Il faudrait en outre que les Etats se mobilisent contre les abus commis par des membres des forces de l’ordre, qui doivent être traduits en justice et sanctionnés. Pour ce qui est de la violence exercée dans le contexte du travail forcé, il est nécessaire d'informer les migrants des conditions de travail auxquelles ils ont droit et de sanctionner les employeurs responsables de violences. De plus, les autorités locales devraient collaborer et coopérer avec les médias pour que ceux-ci évitent de transmettre sur les migrants des informations erronées ou caricaturales susceptibles de susciter des sentiments racistes et xénophobes vis-à-vis de cette population. Il est également indispensable d'adopter des mesures visant à dissocier les poursuites pour violences des procédures de l'immigration, de manière à protéger les migrants contre la violence quel que soit leur statut migratoire.
111. Enfin, je souhaiterais renouveler auprès des Etats membres du Conseil de l'Europe mon appel à contribuer à la ratification généralisée de la Convention d'Istanbul. Il faudrait également que les Etats membres qui ne l’ont pas encore fait ratifient la Convention du Conseil de l'Europe sur la protection des enfants contre l'exploitation et les abus sexuels afin d’assurer la protection des enfants migrants.