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Rapport | Doc. 14013 | 04 avril 2016

Les droits de l’homme des réfugiés et des migrants – la situation dans les Balkans occidentaux

Commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées

Rapporteure : Mme Tineke STRIK, Pays-Bas, SOC

Origine - Renvoi en commission: Doc. 13897, Renvoi 4155 du 2 octobre 2015. 2016 - Deuxième partie de session

Résumé

En 2015, 856 000 personnes ont effectué la traversée de la Turquie jusqu’aux îles grecques, et tout porte à croire qu’elles seront encore plus nombreuses cette année. Dans leur écrasante majorité, ces personnes viennent de Syrie, d’Afghanistan et d’Irak. Celles qui passent par les Balkans occidentaux ne souhaitent pas y demander l’asile. Ce phénomène n’est pas nouveau. Néanmoins, en août 2015, le rythme sans précédent des nouvelles arrivées a conduit de nombreux pays des Balkans occidentaux à revoir unilatéralement leur politique; la route des Balkans occidentaux est en réalité fermée depuis fin février 2016. En conséquence, la situation humanitaire des réfugiés et des migrants s’est détériorée dans les Balkans occidentaux, où ils sont de plus en plus exposés à l’exploitation et aux abus. Jusqu’à 100 000 réfugiés et migrants seront bientôt piégés en Grèce, alors que le pays n’a pas une capacité d’accueil suffisante, n’est pas en mesure d’offrir un refuge de longue durée et a un système d’asile défaillant. L’Europe n’a jusqu’ici pas trouvé de solution appropriée et durable à la crise des réfugiés et des migrants dans les Balkans occidentaux. La confiance mutuelle a été ébranlée dans une région où la stabilité politique est fragile.

Aucune réponse à la crise actuelle ne pourra réussir durablement si la solution ne s’appuie pas sur une véritable solidarité, sur une reconnaissance de la nécessité de mener une action commune et sur un partage équitable des responsabilités, dans le total respect des droits de l’homme des réfugiés et des migrants et des principes fondamentaux du droit international et européen. L’Assemblée parlementaire devrait par conséquent appeler les pays de la région et l’Union européenne à respecter ces principes, en leur adressant des recommandations politiques bien précises.

A. Projet de résolution 
			(1) 
			Projet
de résolution adopté par la commission le 22 mars 2016.

(open)
1. En 2015, 856 000 personnes, soit près de 20 fois plus qu’en 2014, ont traversé la mer Egée depuis la Turquie pour gagner les îles grecques. Presque autant de personnes sont arrivées au cours des deux premiers mois de 2016 que pendant les sept premiers mois de 2015 et tout porte à croire que le nombre de réfugiés sera supérieur à celui de l’an dernier. Dans leur écrasante majorité, plus que 90 %, ce sont des ressortissants de pays «producteurs» de réfugiés – Syrie, Afghanistan et Irak, en particulier. Ceux qui arrivent en Grèce et qui transitent ensuite par les Balkans occidentaux seraient majoritairement des réfugiés, mais ils ne souhaitent pas demander l’asile dans l’un de ces pays.
2. L’afflux de réfugiés et de migrants qui empruntent la voie des Balkans occidentaux pour entrer dans les pays de l’Union européenne continentale contiguë n’est pas un phénomène nouveau; leur nombre a commencé à augmenter de manière significative dès 2012. En août 2015, cependant, le rythme sans précédent des nouvelles arrivées a conduit nombre de ces pays à revoir unilatéralement leurs politiques, soit en tentant de bloquer les migrations irrégulières sur leur sol, soit en facilitant le passage rapide à travers leur territoire. En septembre, la situation était stabilisée avec un itinéraire au départ de la Grèce vers l’Europe occidentale relativement sûr; bien que physiquement éprouvant et ne pouvant pas remplacer des voies humanitaires, il avait au moins le mérite d’être raisonnablement efficace.
3. La peur contagieuse des conséquences de la fermeture des frontières plus au nord a conduit les pays des Balkans occidentaux a mettre en place des barrières de plus en plus restrictives à l’entrée sur leur territoire: d’abord en instaurant une «sélection par nationalité», puis un système de quotas journaliers d’admission et, dans le cas de l’Autriche, d’acceptation des demandes d’asile. La route des Balkans occidentaux est pratiquement fermée depuis fin février 2016 – le nombre des entrées est limitée à quelques centaines de réfugiés et de migrants par semaine – alors que le flux des migrants en Grèce ne montre aucun signe de fléchissement. On assiste aujourd’hui à une discrimination délibérée (sélection par nationalité), à un déni délibéré du droit d’accès à la protection pour des raisons administratives arbitraires (système de quotas journaliers d’admissions et d’acceptation des demandes d’asile) et à un non-respect délibéré des décisions juridictionnelles internationales contraignantes ou des avis faisant autorité de ne pas renvoyer des demandeurs d’asile vers les pays dont on sait qu’ils ne sont pas en mesure de leur offrir une protection effective (retours en Serbie, dans «l’ex-République yougoslave de Macédoine» et en Grèce).
4. Ainsi, la situation humanitaire des réfugiés et des migrants s’est détériorée dans les Balkans occidentaux, où ils sont de plus en plus exposés à l’exploitation et aux abus, notamment par les trafiquants d’êtres humains et les passeurs. Depuis août 2015 et jusqu’à très récemment, des rapports ont régulièrement dénoncé un usage excessif de la force par les forces de police et de sécurité aux frontières de «l’ex-République yougoslave de Macédoine», de la Croatie ou de la Hongrie envers les réfugiés et les migrants. Quelque 100 000 réfugiés et migrants devraient bientôt être piégés en Grèce, alors que, on le sait, le pays n’est pas en mesure d’offrir une capacité d’accueil et un abri à plus long terme et que son système d’asile est défaillant; cependant, malgré ces graves défaillances et leurs conséquences pour les réfugiés et les demandeurs d’asile, d’autres Etats membres de l’Union européenne ont effectivement échoué à mettre en place l’accord sur la relocalisation des demandeurs d’asile en provenance de Grèce et d’Italie.
5. L’Assemblée parlementaire est également préoccupée par la situation en Hongrie. La Hongrie a érigé unilatéralement une clôture de barbelés le long de sa frontière avec la Serbie et la Croatie, afin de fermer l’accès à son territoire au flux de réfugiés et de migrants le long de la route des Balkans occidentaux vers l’Autriche et les rediriger vers la Croatie et la Slovénie. La Hongrie a également mis en place une législation très restrictive sur l’asile, en l’absence de toutes les garanties procédurales essentielles. Près de la moitié des demandeurs d’asile en Hongrie sont en détention, parfois dans des conditions insatisfaisantes. L’Assemblée considère que les procédures d’asile et la politique de détention hongroises semblent incompatibles avec ses obligations au titre de la Convention européenne des droits de l’homme (STE no 5), du droit européen et de la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés, et que le discours public anti-migrants du gouvernement et d’autres autorités publiques est incompatible avec les valeurs fondamentales du Conseil de l’Europe.
6. L’Europe n’a jusqu’ici pas trouvé de solution convenable et durable à la crise migratoire dans les Balkans occidentaux. Les dispositions parmi les plus importantes des accords conclus à l’automne 2015, notamment l’accord sur la relocalisation des réfugiés en provenance de Grèce et les accords conclus lors du sommet sur la route des Balkans occidentaux en vue d’offrir une capacité d’accueil adapté et un abri à plus long terme aux réfugiés et aux migrants le long de la route, n’ont quasiment pas été mises en œuvre. La confiance mutuelle a été ébranlée par des actions unilatérales et par l’exclusion de la Grèce des consultations régionales sur les questions migratoires; nous avons changé d’optique en renforçant les contrôles aux frontières et en empêchant les réfugiés et les migrants de quitter la Turquie. L’argent semble être la seule réponse à tous les autres problèmes et le principe de la relocalisation semble oublié ou presque.
7. L’Assemblée rappelle que la stabilité politique est fragile dans la région des Balkans occidentaux. Il est absolument indispensable que les pays concernés soient pleinement soutenus dans leurs efforts pour gérer la crise actuelle et que tous les pays s’abstiennent de prendre des mesures unilatérales qui risquent d’ébranler la confiance mutuelle et les espoirs d’une coopération effective.
8. L’Assemblée est convaincue qu’il ne sera pas possible de résoudre durablement la situation actuelle si la solution ne s’appuie pas sur une véritable solidarité et sur une véritable reconnaissance de la nécessité de mener une action commune et de partager équitablement les responsabilités, dans le total respect des droits de l’homme des réfugiés et des migrants et des principes fondamentaux du droit international et européen.
9. L’Assemblée appelle par conséquent les pays des Balkans occidentaux, à savoir «l’ex-République yougoslave de Macédoine», la Serbie, la Croatie et la Slovénie, ainsi que la Grèce et l’Autriche:
9.1. à veiller au respect du principe de non-refoulement à la frontière des demandeurs d’asile réclamant une protection internationale, en accord avec les normes de la Convention européenne des droits de l’homme, telles qu’interprétées par la Cour européenne des droits de l’homme;
9.2. à s’abstenir de mettre en œuvre, sur une base discriminatoire liée à la nationalité ou pour des motifs arbitraires de commodité administrative, des politiques qui interdisent l’accès à la protection;
9.3. à veiller à ce que les forces de police et de sécurité contrôlent les frontières sans user de manière excessive de la force, en respectant le droit fondamental des réfugiés et des migrants à la dignité;
9.4. à veiller à ce que la capacité nationale d’accueil de courte durée et à offrir un abri à long terme soit suffisante pour accueillir dans de bonnes conditions toutes les demandeurs d’asile en transit ou qui cherchent à obtenir protection;
9.5. à prendre toutes les mesures nécessaires afin de garantir le respect par les systèmes d’asile nationaux des normes applicables de la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés, de la Convention européenne des droits de l’homme et du droit européen, s’il y a lieu;
9.6. à s’abstenir de renvoyer les demandeurs d’asile vers des pays qui ne sont pas en mesure de garantir leur protection conformément aux normes ci-dessus, où elles s’appliquent;
9.7. à s’abstenir de mettre en œuvre des politiques de contrôle aux frontières qui imposeraient abusivement une responsabilité disproportionnée en matière de protection des réfugiés et des migrants à d’autres pays plus exposés à leur arrivée;
9.8. à mettre pleinement en œuvre toutes les dispositions de l’accord conclu lors du sommet sur la route des Balkans occidentaux;
9.9. à faire en sorte que les actions durables menées pour résoudre la crise migratoire ne soient prises qu’après concertation avec tous les pays concernés.
10. L’Assemblée appelle également l’Union européenne:
10.1. à veiller à ce que les droits de l’homme soient considérés comme prioritaires dans les politiques visant à améliorer la situation dans les Balkans occidentaux, en particulier le droit de chercher l’asile et d’en bénéficier, l’interdiction des traitements inhumains et du refoulement, le droit à la liberté et à la sécurité, le droit à un recours effectif et l’interdiction de la discrimination;
10.2. à veiller à ce que tous les Etats membres mettent pleinement en œuvre le droit européen pertinent, en particulier les directives relatives aux conditions d’accueil, aux procédures d’asile et aux conditions à remplir pour le statut de réfugié;
10.3. à veiller à la pleine mise en œuvre des décisions et accords antérieurs, notamment sur la relocalisation des réfugiés en provenance de Grèce et sur la capacité d’accueil et à offrir un abri à plus long terme dans les Balkans occidentaux, sur l’action de lutte contre le trafic de migrants et la traite des êtres humains, sur l’information des réfugiés et des migrants en ce qui concerne les règles applicables, ainsi que leurs droits et obligations, l’enregistrement des arrivées et l’échange de renseignements sur les flux de réfugiés et de migrants;
10.4. à apporter aux pays concernés toute l’aide financière et technique nécessaire et d’un niveau suffisant pour résoudre les problèmes auxquels ils sont confrontés et en évitant les exigences de procédure onéreuses qui peuvent indûment retarder l’apport d’une assistance dans les situations d’urgence;
10.5. à réformer le système de Dublin en vue d’un partage des responsabilités plus équitable, de façon à éviter de surcharger davantage les Etats membres avec un niveau de protection et des capacités d’accueil insuffisants.

B. Exposé des motifs par Mme Tineke Strik, rapporteure

(open)

1. Introduction

1. En 2015, 856 000 personnes, soit près de 20 fois plus qu’en 2014, ont traversé la mer Egée depuis la Turquie pour gagner les îles grecques. Presque autant de personnes sont arrivées au cours des deux premiers mois de 2016 (122 600) que pendant les sept premiers mois de 2015 (130 100). Tout porte à croire qu’en 2016, le nombre de réfugiés sera supérieur à celui de l’an dernier, qui était déjà au-delà de tout ce qu’on aurait pu imaginer. Dans leur écrasante majorité, il s’agit de ressortissants de pays «producteurs» de réfugiés: en 2016, 44 % venaient de Syrie (un pourcentage en baisse par rapport à l’an dernier), 29 % d’Afghanistan et 18 % d’Irak (pourcentages en hausse par rapport à l’an dernier). Ceux qui arrivent de Grèce et qui transitent par les Balkans occidentaux seraient majoritairement des réfugiés, mais ils ne veulent pas demander l’asile dans l’un de ces pays. Pour diverses raisons – espoir d’une protection durable, liens familiaux, présence d’une communauté sur place, espoir de trouver un emploi pour eux-mêmes ou de scolariser leurs enfants, peur de la xénophobie ailleurs – leur but est d’obtenir l’asile en Europe occidentale, en Allemagne ou en Suède bien souvent.
2. D’un point de vue juridique, et notamment de l’existence d’une protection efficace, le périple des réfugiés et des migrants est compliqué. Tous les pays qu’ils traversent (dont la Turquie) sont Parties à la Convention européenne des droits de l’homme (STE no 5, «la Convention») et à la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés, mais la Turquie octroie aux ressortissants des pays non-européens un statut de réfugié distinct. Les réfugiés et les migrants pénètrent dans l’Union européenne et dans l’espace Schengen lorsqu’ils atteignent les îles grecques, avant d’en sortir dès qu’ils franchissent la frontière et sont en transit dans «l’ex-République yougoslave de Macédoine» et en Serbie. Ils sont à nouveau dans l’Union européenne lorsqu’ils passent la frontière croate mais, pour se retrouver dans l’espace Schengen, ils doivent d’abord entrer sur le territoire slovène; or la Croatie et la Slovénie (et la Grèce) font partie du système de Dublin.
3. La Cour européenne des droits de l’homme a établi que les demandeurs d’asile, qu’ils soient ressortissants d’un pays non membre de l’Union européenne comme «l’ex-République yougoslave de Macédoine» ou, dans le cadre du système de Dublin, d’un pays membre de l’Union européenne comme l’Allemagne, ne peuvent pas être renvoyés en Grèce en raison des graves défaillances de ses conditions d’accueil et de son système d’asile. Le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) a déconseillé et plusieurs organes juridictionnels nationaux ont interdit le renvoi des demandeurs d’asile en Serbie en raison des défaillances systémiques de ses procédures d’asile; le HCR a également demandé l’interdiction du renvoi des demandeurs d’asile dans «l’ex-République yougoslave de Macédoine». En résumé, ce n’est qu’en arrivant en Croatie que les réfugiés et les migrants peuvent bénéficier d’une protection pleine et effective, conforme aux normes de la Convention européenne des droits de l’homme et de la Convention de 1951 sur les réfugiés; les pays plus au sud ne peuvent pas, ou ne doivent pas, être considérés comme des pays tiers sûrs vers lesquels les demandeurs d’asile peuvent être renvoyés.
4. La situation de la Hongrie ne doit pas être oubliée. A la mi-septembre 2015, elle a unilatéralement érigé une clôture de barbelés le long de sa frontière avec la Serbie et à la mi-octobre, elle en a érigé une autre le long de sa frontière avec la Croatie. Ce faisant, la Hongrie a fermé l’accès à son territoire au flux de réfugiés et de migrants le long de la route des Balkans occidentaux vers l’Autriche pour les rediriger vers la Croatie et la Slovénie. Pour justifier la fortification de ses frontières avec des pays européens, les autorités hongroises ont indiqué qu’il s’agissait d’une mesure légitime de contrôle aux frontières, mais les conséquences humaines et politiques lui ont valu de sévères critiques du monde entier et ont provoqué de graves tensions avec les pays voisins. L’an dernier, la Hongrie a également adopté une nouvelle législation sur l’asile, en vertu de laquelle ceux qui veulent entrer sur son territoire sont maintenus dans des zones de transit aux frontières, où leurs demandes d’asile sont examinées dans le cadre d’une procédure extrêmement accélérée, qui n’est assortie d’aucune des garanties juridiques essentielles. Les demandes d’asile des migrants qui arrivent de Serbie sont rarement examinées sur le fond, la Hongrie persistant à considérer la Serbie comme un pays tiers sûr, et certaines demandes sont rejetées dans les 24 heures. Près d’un demandeur d’asile sur deux est placé en détention, y compris ceux qui attendent d’être renvoyés vers la Serbie qui, dans la plupart des cas, refuse de les accueillir; la détention des migrants peut ainsi s’éterniser pour l’une ou l’autre raison, dans des conditions parfois insatisfaisantes. Ces mesures juridiques et administratives ont été accompagnées d’une campagne anti-migrants concertée au niveau du gouvernement. C’est pourquoi de plus en plus de pays européens considèrent que le renvoi des demandeurs d’asile vers la Hongrie n’est plus sûr et une affaire contre l’Autriche concernant le retour de demandeurs d’asile vers la Hongrie en application du règlement de Dublin est pendante devant la Cour européenne des droits de l’homme.
5. Le présent rapport fait suite à un précédent, intitulé «Pays de transit: relever les nouveaux défis de la migration et de l’asile» (Doc. 13867), qui traitait de ce problème parmi d’autres et était déjà bien avancé lorsque la situation dans les Balkans occidentaux a fait les gros titres l’été dernier. Du 10 au 13 novembre 2015, peu après l’adoption par l’Assemblée parlementaire de la Résolution 2073 (2015) sur les pays de transit, j’ai effectué une visite de suivi dans les Balkans occidentaux, où j’ai rencontré des ministres et des hauts fonctionnaires, ainsi que des représentants d’organisations internationales et d’organisations non gouvernementales (ONG); j’ai également visité les principaux centres de transit dans «l’ex-République yougoslave de Macédoine», en Serbie et en Slovénie, où j’ai pu discuter avec des responsables, des bénévoles, ainsi qu’avec des réfugiés et des migrants. J’ai présenté une note d’information sur ma visite à la réunion de la commission de décembre 2015 et un avant-projet de rapport plus complet lors de la partie de session de janvier 2016 
			(2) 
			Voir document AS/Mig
(2015) 36 et AS/Mig (2016) 04..
6. Dans le présent rapport, j’examine les principaux développements survenus au cours des huit mois écoulés – beaucoup de choses ont changé, rarement pour le meilleur. Depuis août 2015, les pays des Balkans occidentaux ont déployé un nouvel éventail de réponses politiques. Malheureusement, ces changements ont eu des répercussions qui ont progressivement aggravé la situation des réfugiés et des migrants, surtout depuis novembre 2015, et l’incapacité collective de l’Europe à gérer la situation a généré de graves tensions entre les pays voisins des Balkans occidentaux, entre les Etats européens en général et entre les Etats européens et les institutions européennes.

2. Contexte politique

7. Afin de comprendre la fragilité de la situation politique dans les Balkans occidentaux et pourquoi la crise des réfugiés peut y avoir des conséquences particulièrement graves, il est utile de rappeler quelques faits essentiels concernant la région:
i. «L’ex-République yougoslave de Macédoine» a traversé plusieurs crises politiques ces dernières années. Le remaniement ministériel tant attendu qui a eu lieu fin 2015 sera suivi en 2016 par de nouvelles élections législatives, prévues pour le 5 juin. Les relations entre «l’ex-République yougoslave de Macédoine» et la Grèce, son voisin méridional, sont compliquées depuis longtemps par un litige portant sur le nom officiel du pays et de nombreux autres problèmes plus ou moins liés.
ii. Les relations entre la Slovénie et la Croatie sont également compliquées, notamment en raison d’un problème de frontière litigieuse qui n’a toujours pas été réglé depuis l’éclatement de l’ex-Yougoslavie en 1991.
iii. On observe aussi un certain ressentiment provoqué par les différences de statut des pays au sein de l’Union européenne et du système de Schengen. Dans tous les pays où je me suis rendue en novembre 2015, j’ai observé un profond mécontentement à l’égard de ce qui était perçu comme une incapacité de la Grèce à réguler l’afflux de réfugiés et de migrants, ce qui était interprété comme un manquement à son obligation de surveiller les frontières de Schengen et/ou, en tant que pays de première entrée dans l’Union, de traiter un nombre plus important de demandes d’asile. Les autorités serbes ont fait valoir que la Croatie, qui rencontre exactement les mêmes problèmes qu’elles, a pu obtenir beaucoup plus efficacement des fonds de l’Union européenne du fait que le pays en est membre. Les autorités slovènes ont estimé qu’en qualité de membre de l’Union européenne, la Croatie devrait en faire plus pour réguler le flux et partager les informations, au lieu de se contenter de faire passer aussi rapidement que possible les réfugiés et les migrants en Slovénie; et que la Serbie, pays candidat, devrait aussi accepter davantage de responsabilités.
iv. Plus généralement, bien que plus de 20 ans se soient écoulés depuis la fin de la plupart des conflits en ex-Yougoslavie, des souvenirs extrêmement pénibles sont encore vivaces et beaucoup de problèmes ne sont toujours pas résolus. La communauté internationale, dont le Conseil de l’Europe et l’Union européenne, a énormément investi dans la stabilité, dans le développement économique et dans les perspectives européennes des Balkans occidentaux. Il est indispensable que les pays concernés soient pleinement soutenus dans leurs efforts pour gérer la crise actuelle des réfugiés; considérer la paix et la sécurité dans la région comme acquises serait une grave erreur.

3. Evolution de la crise migratoire dans les Balkans occidentaux

3.1. Situation avant août 2015

8. Que des réfugiés et des migrants entrent dans les zones contiguës de l’Union européenne continentale via les Balkans occidentaux n’est pas un phénomène nouveau. Selon l’Agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures des Etats membres de l’Union européenne (Frontex), la route des Balkans est devenue populaire en 2012, dans la foulée de la libéralisation du régime de visas Schengen pour les pays des Balkans occidentaux, dont la Serbie et «l’ex-République yougoslave de Macédoine»: si 20 000 personnes sont entrées irrégulièrement en Hongrie en 2013, elles étaient plus de 43 000 en 2014. En 2015, ce chiffre a été atteint dès la fin du mois de mai, après quoi le rythme des arrivées a augmenté de manière exponentielle, pour atteindre près de 108 000 en août.
9. En juin 2015, «l’ex-République yougoslave de Macédoine» a révisé sa loi sur l’asile afin de permettre aux réfugiés et aux migrants d’entrer légalement dans le pays, à condition toutefois qu’ils demandent l’asile. En vertu de la loi – dont l’approche est similaire au droit serbe en la matière – ils ont 72 heures pour déposer une demande d’asile ou quitter le pays. Dans la pratique, cela leur laisse suffisamment de temps pour franchir la frontière septentrionale avec la Serbie. L’intention était de permettre aux réfugiés et aux migrants de se déplacer légalement en réduisant le risque qu’ils empruntent des itinéraires dangereux (au moins 25 réfugiés et migrants ont été tués par des trains alors qu’ils marchaient le long des rails au cours du seul premier semestre 2014) et aient recours à des passeurs. Parallèlement, les autorités macédoniennes ont reproché à la Grèce de ne pas contrôler les réfugiés et les migrants à sa frontière.
10. Dans un rapport sur la situation dans les Balkans occidentaux publié en juillet 2015 
			(3) 
			«Europe’s
Borderlands: Violations against refugees and migrants in Macedonia,
Serbia and Hungary»., Amnesty International indique que les réfugiés et les migrants ne bénéficient d’aucune protection juridique ni d’aucun statut, alors qu’ils sont exposés à des risques multiples dans «l’ex-République yougoslave de Macédoine» et en Serbie: exploitation, détention arbitraire et mauvais traitements par les autorités et les passeurs, refoulement aux frontières macédonienne et serbe, et problèmes physiques et psychologiques liés.

3.2. Août-septembre 2015: le chaos et la panique

11. Submergée par à l’afflux exponentiel de migrants – parfois plus de 3 000 arrivées par jour –, «l’ex-République yougoslave de Macédoine» a soudain changé de politique en août 2015. Le gouvernement a décrété l’état d’urgence dans les régions du sud, où des unités antiémeutes de la police et l’armée ont été déployées et la frontière fermée, à l’exception d’un nombre limité de migrants particulièrement vulnérables autorisés à passer. Malgré son intention de laisser entrer chaque jour quelques centaines de réfugiés et de migrants pour qu’ils montent à bord des trains en direction du nord, la peur et la colère ont gagné les réfugiés et les migrants, de plus en plus nombreux, qui se sont soudain retrouvés bloqués à la frontière. Face aux protestations de plus en plus vives, la police a parfois été amenée à utiliser des matraques, des boucliers antiémeutes, du gaz lacrymogène et des grenades assourdissantes pour repousser de l’autre côté de la frontière ceux qui tentaient de forcer le passage. Des milliers de réfugiés et de migrants ont finalement réussi à entrer sur le territoire, faisant échec à une politique restrictive qui, entretemps, avait été largement critiquée par la communauté internationale.
12. Le mois suivant, la Hongrie – elle aussi avait été dépassée par le nombre de personnes qui transitaient par le pays, souvent via la gare centrale de Budapest – a achevé la clôture de barbelés qui était en construction depuis plusieurs semaines le long de sa frontière avec la Serbie. L’effet a été immédiat: le flux des réfugiés a presque totalement été redirigé vers la Croatie. Après que la police hongroise a tiré sur les réfugiés et les migrants massés côté serbe avec du gaz lacrymogène et des canons à eau le long de la frontière nouvellement fermée, la Serbie a officiellement «protesté avec la plus grande vigueur». Une grande partie de la communauté internationale, dont des gouvernements européens et des hauts responsables du Conseil de l’Europe, de l’Union européenne et des Nations unies, a vivement critiqué la clôture de barbelés érigée par la Hongrie, ainsi que d’autres aspects de ses politiques hostiles envers les migrants (voir introduction ci-dessus).
13. Le détournement soudain des réfugiés et des migrants vers la Croatie, facilité par les autorités serbes qui ont mis à disposition des moyens de transport à partir de sa frontière avec la Hongrie, a donné lieu à des scènes de chaos et à des heurts à la frontière serbo-croate aussi; là encore, la police, qui tentait de bloquer le passage en force, a été dépassée par le nombre. En deux jours, 13 000 personnes sont entrées en Croatie, qui a réagi en annonçant qu’elle n’enregistrerait plus et n’accueillerait plus les nouveaux arrivants, mais se contenterait de leur apporter de la nourriture, de l’eau et des soins médicaux. Elle a également commencé à convoyer de nombreux réfugiés et migrants directement jusqu’à la frontière avec la Hongrie, qui l’a accusée de «trafic d’êtres humains» (des agents de l’Etat hongrois ont affirmé que la police croate avait escorté sans autorisation préalable ni avertissement un train transportant dans leur pays un millier de réfugiés et de migrants: les policiers croates ont été désarmés, leur entrée a été enregistrée et le personnel du train a été temporairement mis en garde à vue en Hongrie). La Hongrie a alors entrepris d’ériger une autre clôture de barbelés le long de sa frontière; les travaux ont pris fin mi-octobre.

3.3. Octobre-novembre 2015: la stabilité et l’ordre

14. Bien que l’afflux de réfugiés et de migrants ne se soit pas relâché, la fermeture effective par la Hongrie de ses frontières avec les pays limitrophes qui ne font pas partie du système de Schengen a d’une certaine façon permis de stabiliser la situation. Du fait des politiques mises en œuvre par les pays situés le long de la route des Balkans occidentaux, le transit a gagné en régularité et en ordre. De manière générale, le périple entre la Grèce et l’Autriche pouvait se faire en plusieurs étapes d’une frontière à l’autre. Les personnes étaient enregistrées à chaque frontière, où elles avaient accès à de l’eau, à de la nourriture et à des soins médicaux de base; elles avaient aussi la possibilité de se reposer quelques jours et de bénéficier d’un soutien psychosocial, y compris les enfants, dans les centres de transit et dans d’autres endroits prévus à cet effet le long de la route. La plupart se déplaçait d’un centre de transit à la frontière suivante en transports en commun ou en taxi pour ceux, peu nombreux, qui le voulaient et pouvaient se le permettre. Le périple restait certes long et physiquement éprouvant, notamment lors des déplacements à pied dans les zones rurales ou à bord des trains horriblement bondés où les conditions d’hygiène étaient déplorables, sans compter les longues heures d’attente devant les centres d’enregistrement, mais au moins, les déplacements se faisaient dans une relative sécurité. (Bien sûr, une politique plus rationnelle et plus humaine aurait impliqué des programmes de réinstallation à partir des pays de premier asile, de relocalisation des réfugiés de Grèce et d’autres interventions humanitaires pour les accueillir).
15. A l’époque de ma visite sur place, certains signes laissaient cependant à penser que les politiques devenaient plus restrictives. Ainsi les autorités slovènes se sont plaintes auprès de moi que mi-octobre, la police croate ait profité de la nuit pour conduire les réfugiés et les migrants à une rivière, la Sotla, afin qu’ils la traversent et entrent subrepticement en Slovénie. Du coup, la Slovénie a érigé une clôture de barbelés (selon elle, une «mesure technique» ou un «obstacle temporaire») le long d’une partie de sa frontière avec la Croatie, soi-disant pour canaliser les migrants en direction des postes-frontière officiels et éviter les passages incontrôlés à d’autres endroits. Certaines parties de la clôture de barbelés se trouvant en territoire contesté, la police slovène et la police croate se sont affrontées pacifiquement sur un pont qui enjambe la Sotla; les présidents des deux pays se sont rencontrés et le problème a été résolu dès le lendemain. Peu de temps après ma visite, les autorités macédoniennes ont commencé à ériger une clôture de barbelés le long de la frontière avec la Grèce. L’Autriche a elle aussi annoncé qu’elle s’apprêtait à ériger une clôture, précisant qu’il s’agissait «d’assurer une entrée ordonnée, contrôlée et non pas de fermer la frontière».
16. Avant d’aborder un autre point, je voudrais rappeler certains messages importants que j’ai entendus des responsables politiques dans tous les pays que j’ai visités: tous sont opposés par principe à la fermeture des frontières; tous ont peur des conséquences si l’Autriche ou l’Allemagne venaient à fermer leurs frontières; et tous reconnaissent que si les frontières se ferment au nord, ils seront contraints de faire de même. Je renvoie également à ma note d’information et à mes observations relatives aux répercussions négatives des fermetures de frontières sur l’accès des réfugiés à la protection, étant donné qu’elle est insatisfaisante dans «l’ex-République yougoslave de Macédoine» et en Serbie, et que le système d’asile slovène, selon un groupe d’ONG, est incapable de traiter le nombre élevé de demandes.

3.4. Novembre 2015-février 2016: les restrictions et la confusion

17. Le 18 novembre, peu de temps après ma visite, «l’ex-République yougoslave de Macédoine», la Serbie, la Croatie et la Slovénie ont décidé de refuser aux personnes originaires de pays autres que la Syrie, l’Irak et l’Afghanistan le droit d’entrer ou de rester en transit sur leur territoire. Là aussi, la police macédonienne a fait usage de matraques, de gaz lacrymogène et de balles en caoutchouc pour répondre aux protestations des réfugiés et des migrants bloqués en Grèce, où des Iraniens sont allés jusqu’à se coudre les lèvres en signe de protestation et où un jeune Marocain est décédé accidentellement, victime d’électrocution. L’Autriche et la Slovénie ont commencé à renvoyer respectivement en Slovénie et en Croatie des personnes originaires de pays autres que la Syrie, l’Irak et l’Afghanistan, notamment des Iraniens, des Somaliens, des Pakistanais, des Marocains, des Algériens, des Bangladais et des Sri lankais. Ces politiques de sélection fondée sur la nationalité ont été vivement critiquées, au premier chef par les Nations unies, au motif qu’elles mettaient en danger la santé et la sécurité des réfugiés et des migrants, qu’elles violaient le droit de chercher l’asile et l’interdiction de la discrimination, et qu’elles favorisaient la multiplication des itinéraires et le recours aux passeurs.
18. Vu la proportion très élevée de ressortissants syriens, irakiens et afghans parmi les réfugiés et les migrants qui suivent la route des Balkans occidentaux, il était peu probable que ces politiques aient un impact important, en termes relatifs, sur le nombre de personnes qui arrivaient en Autriche. L’analyse des chiffres publiés par le HCR concernant le nombre d’arrivées en Grèce continentale et aux frontières successives plus au nord, le long de la route, l’a d’ailleurs confirmé: il n’y a pas de grand écart entre le nombre d’arrivées en Grèce, qui n’applique aucune mesure de sélection par nationalité, et le nombre d’arrivées dans les pays qui appliquent une telle mesure, notamment «l’ex-République yougoslave de Macédoine», premier point de passage où les arrivées sont filtrées.
19. Dans le même temps, eu égard à l’afflux massif de personnes en Grèce, ces politiques ne pouvaient qu’entraîner le blocage, en chiffres absolus, d’un nombre important de personnes en Grèce ou, bien qu’en nombre nettement moins élevé, dans les pays plus au nord. Lorsque j’ai présenté mon avant-projet de rapport en janvier, on ne disposait que de très peu d’informations sur le nombre de personnes concernées, l’endroit où elles se trouvaient, leur accès à la protection ou les conditions dans lesquelles elles vivaient. Les rapports nationaux présentaient d’étranges incohérences: la Croatie, par exemple, n’a pas tardé à déclarer que seuls des ressortissants syriens, irakiens et afghans arrivaient dans le pays, tandis que la Slovénie a continué de rapporter l’arrivée de ressortissants d’autres pays, du moins jusqu’en janvier. On ignore ce qu’il est advenu de ceux qui ont été renvoyés, notamment de l’Autriche en Slovénie, ou qui n’ont pas pu transiter par tel ou tel pays. Les informations parcellaires sur la situation en Grèce ne tiennent manifestement pas compte de tous ceux qui ont été empêchés d’entrer sur le sol macédonien. Mon avant-projet de rapport contient d’autres précisions sur la situation en janvier.

3.5. Depuis février 2016: les quotas et les tensions

20. A la mi-février, les pays situés le long de la route des Balkans occidentaux ont à nouveau changé de politique, peut-être en raison des effets négligeables de la sélection par nationalité sur l’afflux global de réfugiés et de migrants. Le 19 février, l’Autriche a annoncé qu’elle ne laisserait entrer que 3 200 personnes et n’accepterait que 80 demandes d’asile par jour. (En janvier, elle avait indiqué qu’elle n’accepterait pas plus de 37 500 demandes d’asile au total en 2016, ce que la Commission européenne avait déclaré être «clairement incompatible» avec les obligations de l’Autriche en vertu du droit européen et international; le président de «l’ex-République yougoslave de Macédoine» avait indiqué qu’il fermerait la route des Balkans occidentaux dès que ce chiffre serait atteint.) Le 21 février, «l’ex-République yougoslave de Macédoine» a annoncé qu’elle allait durcir sa politique de sélection par nationalité et ne laisserait plus passer les Afghans; quant aux Syriens et aux Irakiens, ils devraient désormais produire des documents d'identité avec photographie, ce que beaucoup n’ont pas. Le 26 février, la Slovénie, la Croatie, la Serbie et «l’ex-République yougoslave de Macédoine» ont réduit le nombre des admissions à 580 par jour. Pour mémoire, la Croatie autorisait 6 000 admissions par jour en novembre, un chiffre qu’elle a ramené à 3 600 en décembre, soit une baisse de 40 %; la nouvelle limite représente une nouvelle baisse de 84 %, alors que tout indique que les arrivées en Grèce seront bien plus nombreuses cette année qu’en 2015. Dans la pratique, la situation est encore plus dramatique, des rapports indiquant régulièrement que «l’ex-République yougoslave de Macédoine» laisse entrer beaucoup moins de personnes, et seulement certains jours. Les autorités croates semblent aussi appliquer, même aux réfugiés syriens, des conditions d’admission qui changent constamment et sont souvent fallacieuses: par exemple, la possession de types de documents impossibles à obtenir, une durée limitée de séjour en Turquie ou le fait de venir de régions de Syrie qui ne sont pas concernées. Une lettre envoyée récemment par les autorités de «l'ex-République yougoslave de Macédoine» à plusieurs Etats membres de l’Union européenne (non précisés) donne des indications sur les intentions de ce pays. Dans cette lettre, les autorités macédoniennes expliquent en effet avoir besoin d’aide pour installer une clôture fortifiée destinée à sécuriser les 300 km de frontière avec la Grèce; elles demandent aussi des équipements de «contrôle des foules», tels que des pistolets électriques (Taser), des armes tirant des balles en caoutchouc, des bombes et des grenades projetant des balles en caoutchouc, ainsi que des armes acoustiques non létales 
			(4) 
			Voir
«La Macédoine réclame l’aide des Etats membres pour barricader ses
frontières», EurActiv.com,
4 mars 2016..
21. Ces développements ont eu de graves répercussions sur les réfugiés et les migrants à la frontière gréco-macédonienne, où la police macédonienne a de nouveau fait usage de gaz lacrymogène et de grenades assourdissantes contre la foule en colère qui tentait de franchir la clôture. En janvier et février 2016, le nombre des renvois vers les pays voisins a augmenté le long de la route des Balkans occidentaux: la Slovénie a procédé à 600 renvois vers la Croatie, la Serbie à 600 vers «l’ex-République yougoslave de Macédoine» et cette dernière à 600 vers la Grèce; il y a eu plus de 800 renvois de la Croatie vers la Serbie et plus de 1 800 de l’Autriche vers la Slovénie. Bien que les personnes renvoyées ou dans l’impossibilité de rester en transit soient informées de la possibilité de demander l’asile dans le pays où elles se retrouvent prises au piège, on ignore encore combien l’ont fait et dans quelles conditions elles sont accueillies et hébergées.
22. Les pays des Balkans occidentaux ne parvenant toujours pas à respecter les engagements pris lors du sommet sur la route des Balkans occidentaux en octobre 2015, la situation des réfugiés et des migrants reste particulièrement préoccupante. Dans une Communication sur l’état d’avancement de la mise en œuvre des actions prioritaires prévues par l’agenda européen en matière de migration publiée en février, la Commission européenne note une «absence de volonté politique de créer une capacité d’accueil permanente» et une incapacité à augmenter les capacités d’accueil de 50 000 places le long de la route des Balkans occidentaux, due à l’«absence de projet immédiat/de volonté politique de combler cet écart pour atteindre cet objectif global 
			(5) 
			Voir «Suivi donné au
sommet sur la route des Balkans occidentaux – Etat des lieux», COM(2016)85
final, Annexe 5, 10 février 2016.». (Ces mesures étaient destinées à limiter les effets de l’objectif principal, qui était de ralentir l’afflux – à noter, c’est important, que le sommet n’est pas parvenu à stopper l’afflux, même partiellement.) Fin février, le HCR a indiqué qu’il continuait de recevoir «des rapports crédibles faisant état de refoulements, d’expulsions et de refus d’accès au territoire ou à des procédures équitables et efficaces d’asile pour des motifs arbitraires, de brutalités policières, de séparations des familles et de désinformation des réfugiés pris au piège, dont de plus en plus de femmes et d’enfants réfugiés de Syrie et d’Irak. Ces développements ont conduit à une détérioration tangible de la situation humanitaire des réfugiés et accru le risque d’exploitation et d’abus par les passeurs, les trafiquants et d’autres criminels, mais également de tensions sérieuses et d’incidents liés à la sécurité le long de la route des Balkans».
23. Il est en outre de plus en plus manifeste que l’engorgement des réfugiés et des migrants non syriens et non irakiens en Grèce atteint des proportions critiques. Le 1er mars, le HCR a averti que l’Europe était au bord d’une «crise humanitaire qu’elle a largement provoquée elle-même» et noté que 24 000 réfugiés et migrants étaient en attente d’une solution d’hébergement en Grèce. Environ 8 500 d’entre eux se trouvent à Idomeni, près de la frontière avec «l’ex-République yougoslave de Macédoine», dont au moins 1 500 n’ont pas d’abris et manquent aussi de nourriture, d’eau et de sanitaires. Les autorités grecques ont réagi avec la mise en place, près d’Idomeni, de deux camps prévus pour accueillir 12 500 personnes; un troisième site est déjà en construction. Le 23 février, elles avaient conduit un millier d’Afghans à Athènes – alors que les capacités d’accueil y sont saturées et que beaucoup vivent aujourd’hui dans la rue. Après la décision de «l’ex-République yougoslave de Macédoine» de ne plus laisser entrer les Afghans, le HCR estime que plus de 40 % de ceux qui arrivent en Grèce, dont les trois quarts sont des Afghans, ne pourront pas transiter par les Balkans occidentaux. Selon les autorités grecques, les réfugiés et migrants pourraient être 70 000 sur son sol à la fin du mois de mars; si rien ne bouge ailleurs, ce chiffre continuera d’augmenter de façon exponentielle au fil des mois. Elles estiment que la situation pourrait durer trois ans et que 100 000 réfugiés et migrants auront alors besoin d’une solution d’hébergement.
24. Ces développements ont provoqué de graves tensions entre la Grèce, d’une part, et les pays le long de la route des Balkans occidentaux et l’Autriche, de l’autre. Le 24 février, l’Autriche a convié les pays des Balkans occidentaux, à l’exception de la Grèce, à un mini-sommet sur les migrations, affirmant pour se justifier qu’elle voulait «agir de manière coordonnée avec les pays qui vont dans la même direction». Le Gouvernement grec a réagi en adressant une note de protestation diplomatique à l’Autriche dans laquelle elle déplore une «initiative unilatérale et inamicale» et en rappelant son ambassadrice. La Grèce a également menacé de bloquer toutes les décisions lors du prochain sommet de l’Union européenne sur la migration si les autres pays de l’Union européenne ne participent proportionnellement à la réinstallation et à la relocalisation des réfugiés. Rappelons que début mars, presque six mois après la décision des pays de l’Union européenne de relocaliser et de réinstaller 66 400 réfugiés de Grèce, seulement 322 réfugiés avaient effectivement été relocalisés. L’Union européenne a fait quelque progrès concernant la mise en place de hotspots chargés de gérer les migrants sur les îles grecques, l’augmentation des capacités d’accueil, l’accélération du rythme des renvois et l’extension des opérations de Frontex, ce qui montre bien quelles sont les véritables priorités politiques. Les résultats annoncés sont cependant clairement insuffisants pour résoudre les nombreux problèmes dus à l’écart énorme entre le rythme des arrivées sur les îles grecques et celui des départs vers «l’ex-République yougoslave de Macédoine».
25. Les 18 et 19 février, le Conseil européen a appelé à «rompre avec la politique du «laisser passer» et [à] pallier l’absence de coordination en ce qui concerne les mesures prises le long de cette route», indiquant que «[n]ous devons revenir à une situation où tous les membres de l’espace Schengen appliquent pleinement le code frontières Schengen et refusent l’entrée aux frontières extérieures aux ressortissants de pays tiers qui ne répondent pas aux conditions d’entrée ou qui n’ont pas présenté de demande d’asile alors qu’ils en ont eu l’occasion». Si l’intention est d’empêcher les mouvements de réfugiés secondaires à l’intérieur de l’espace Schengen, alors il est fort probable que la Croatie refusera d’accueillir tous les demandeurs d’asile en provenance de Serbie qui auront transité par la Grèce; il est clair aussi que la Serbie, puis «l’ex-République yougoslave de Macédoine», prendront des mesures similaires. (Si l’intention était de demander à la Grèce de refuser l’entrée aux demandeurs d’asile qui arrivent de Turquie par la mer, c’est totalement irréaliste: les garde-côtes et les bâtiments grecs ne peuvent pas entrer dans les eaux territoriales turques, de sorte que tout réfugié et migrant intercepté doit être accepté sur le sol grec).
26. Il est compréhensible que la Grèce ait le sentiment que l’Union européenne l’abandonne effectivement à son sort si elle ne lui propose que de l’argent (la Grèce a demandé une aide d’urgence de € 480 millions et l’Union européenne a proposé de débloquer € 700 millions sur trois ans, principalement pour aider ses Etats membres dits «de première ligne»), mais pas grand-chose qui se rapproche de la solidarité ou d’un véritable partage des responsabilités. Le chancelier autrichien a récemment déclaré que «l’Autriche n’est pas la salle d’attente de l’Allemagne [et] ne peut pas et ne doit pas devenir une plateforme de distribution [des réfugiés]», mais la Grèce se trouve déjà dans une situation bien pire – elle est devenue une impasse.

3.6. Le sommet Union européenne-Turquie du 7 mars

27. Un nouveau sommet de l’Union européenne avec la Turquie, consacré à la crise des migrants et des réfugiés, s’est tenu le 7 mars 2016. Le but affiché était de garantir une mise en œuvre pleine et rapide du plan d’action commun EU-Turquie, «afin d’endiguer les flux migratoires et de lutter contre les réseaux de trafiquants et de passeurs». Afin de préparer le sommet, le président du Conseil européen Donald Tusk s’est rendu en Autriche, dans les pays des Balkans occidentaux, en Grèce et en Turquie. Lors de ces visites, le Président Tusk a noté qu’«il y a un pays que nous devons aider en particulier, c’est la Grèce», rappelé l’importance d’impliquer tous les Etats membres de l’Union européenne dans la recherche de solutions «si nous ne voulons éviter une nouvelle érosion de la confiance», et déclaré que «des décisions unilatérales sans une coordination préalable (…) portent atteinte à l’esprit européen de solidarité». A aucun moment dans ses déclarations récentes, le Président Tusk n’a évoqué l’accord de relocalisation.
28. Lors du sommet, la Turquie a présenté un nouvel ensemble de propositions, qui reposaient notamment sur les éléments suivants: «durant une période temporaire», la Turquie reprendrait tous les réfugiés et migrants qui auront atteint les îles grecques, à condition que l’Union européenne s’engage à reprendre le même nombre de réfugiés syriens directement depuis le sol turc; en outre, l’Union européenne verserait 3 milliards d’euros supplémentaires à la Turquie pour l’aider à prendre en charge les réfugiés syriens ces trois prochaines années, permettrait aux citoyens turcs de se rendre sans visa dans les pays de l’espace Schengen et accélérerait le rythme des négociations d’adhésion de la Turquie à l’Union européenne. Lors du sommet, il n’a pas été possible de parvenir à un accord final sur ces propositions. En effet, le Premier ministre hongrois, M. Orban, aurait mis son veto au programme de réinstallation, tandis que les autorités chypriotes se sont opposées à une accélération de l’adhésion de la Turquie qui ne s’accompagnerait pas de progrès concernant la réunification de l’île. Des questions juridiques importantes sont restées en suspens, notamment celle de la compatibilité, avec le droit international des réfugiés, de pratiques comme le refoulement et la discrimination fondée sur le pays d’origine. Le Président de la Commission européenne, M. Juncker, a néanmoins déclaré que l’accord allait «briser le “business model” des passeurs qui exploitent la misère humaine»; quant au Président du Conseil européen, M. Tusk, il a assuré que le temps de l’immigration irrégulière en Europe était révolu. Tout en saluant les propositions, la Chancelière allemande, Mme Merkel, a reconnu qu’il restait des incertitudes. Elle a estimé que l’accord serait une percée s’il devenait réalité. Par ailleurs, elle s’est opposée à toute déclaration officielle selon laquelle la route des Balkans occidentaux serait désormais fermée.
29. A plus long terme, si le plan est finalement adopté et bien mis en œuvre, il pourrait présenter l’avantage d’établir une base officielle sur laquelle pourrait se fonder un programme ordonné et de grande envergure qui permettrait la réinstallation de réfugiés syriens arrivés en Turquie, éventuellement sélectionnés en fonction des besoins; le plan éviterait aussi à la Grèce d’être soumise à des pressions supplémentaires, sans régler toutefois la question des dizaines de milliers de migrants déjà présents dans le pays. L’ampleur exacte du programme de réinstallation dépendrait du nombre de réfugiés syriens qui continueront à rejoindre les îles grecques. Cet aspect resterait vraisemblablement, du moins dans une certaine mesure, sous le contrôle de la Turquie: il convient de noter qu’un rapport confidentiel d’Eurojust mettrait sérieusement en doute la capacité de la Turquie à contrôler ses frontières et à réduire les migrations irrégulières, tout en attirant l’attention sur le fait que la Turquie n’a réadmis que très peu de personnes en application de l’accord qu’elle a conclu avec la Grèce. Par ailleurs, dans le cadre de la mise en œuvre de l’accord de mars, il pourrait incomber en premier lieu à la Turquie de conclure des accords de réadmission avec les pays d’origine, ce qui prendrait un certain temps. Dans l’intervalle, réfugiés et migrants continueront probablement à arriver en Grèce, où leurs conditions de vie continueront à se dégrader, ce qui fera monter la pression et augmentera les tensions avec les pays des Balkans occidentaux et l’Autriche.
30. Le 8 mars, le lendemain du sommet entre l’Union européenne et la Turquie, la Slovénie, puis la Croatie, la Serbie et «l'ex-République yougoslave de Macédoine» ont annoncé de nouvelles mesures destinées à bloquer toute migration de transit. Selon des informations, la Slovénie n’admettra que les migrants prêts à demander l’asile à la frontière et ceux qui ont des besoins humanitaires évidents; la Croatie ne laissera entrer que les titulaires de visas Schengen; seules les personnes venant de «l'ex-République yougoslave de Macédoine» pourront entrer en Serbie et l’accès à la Bulgarie sera réservé aux titulaires de visas Schengen; quant à la police de «l'ex-République yougoslave de Macédoine», elle a déclaré avoir complètement fermé la frontière. Le ministère de l’Intérieur slovène a annoncé qu’à partir de minuit cesseraient les migrations qui empruntaient jusqu’ici la route des Balkans occidentaux; la Croatie a affirmé que la limite de l’Europe se situerait à la frontière gréco-macédonienne; le ministère de l’Intérieur serbe a expliqué que le pays ne pouvait pas se permettre de devenir un centre collectif pour réfugiés et qu’il harmoniserait donc toutes ses mesures avec celles des Etats membres de l’Union européenne; enfin, le ministère de l’Intérieur de «l'ex-République yougoslave de Macédoine» a adopté une position similaire en déclarant que le pays s’alignerait sur les décisions prises par les autres pays situés sur la route des Balkans. Je suis consternée de voir que ces pays se désintéressent manifestement de la situation des réfugiés et des migrants bloqués en Grèce ou en train de traverser les Balkans occidentaux, qu’ils ne se montrent absolument pas solidaires de la Grèce et qu’ils ne tiennent aucun compte des appels du Président Tusk à éviter les actions unilatérales.
31. Si réfugiés et migrants continuent à affluer en Grèce continentale et trouvent la frontière avec «l'ex-République yougoslave de Macédoine» fermée, ils chercheront peut-être à passer par le nord. Le Premier ministre albanais a déclaré que son pays ne serait pas une nouvelle voie de passage pour les réfugiés souhaitant se rendre en Europe (à partir de l’Albanie, les réfugiés pourraient traverser l’Adriatique pour rejoindre l’Italie), car il n’a «ni les moyens, ni la force, ni l’enthousiasme nécessaires pour sauver le monde alors que tous les autres ferment leurs frontières». Les autorités albanaises ont posté 450 policiers supplémentaires à la frontière sud et de petits groupes de réfugiés et de migrants auraient déjà été repoussés vers la Grèce. Néanmoins, le ministère de l’Intérieur aurait commencé à transformer d’anciens bâtiments militaires en centres d’accueil. Le Premier ministre du Monténégro a annoncé que son pays serait contraint de fermer ses frontières si «l'ex-République yougoslave de Macédoine» fermait la frontière avec la Grèce; pourtant, les autorités monténégrines auraient commencé à prendre des dispositions pour faire face au transit d’un nombre de réfugiés et de migrants pouvant aller jusqu’à 10 000 et pour accueillir 2 000 personnes. Par ailleurs, de nombreux migrants venant de Grèce transitent déjà par la Bulgarie. En février, le Parlement bulgare a autorisé l’armée à participer à des patrouilles aux frontières et début mars, le Premier ministre a annoncé le déploiement de 400 agents supplémentaires le long de la frontière avec la Grèce. Il est fait état de nombreux cas graves de violences et d’abus commis par la police bulgare à l’encontre de réfugiés et de migrants, ainsi que de plusieurs cas de refoulement. Il est loin d’être sûr qu’une politique mise en œuvre à la suite de la fermeture par «l'ex-République yougoslave de Macédoine» de sa frontière avec la Grèce permette de stopper le flux de réfugiés et de migrants. Ce qui est sûr, en revanche, c’est que toute politique de ce genre conduira ces personnes à se tourner vers des passeurs et rendra leur périple encore plus dangereux.

4. Conclusions et recommandations

32. L’Europe n’a toujours pas trouvé de réponse durable à la crise migratoire dans les Balkans occidentaux qui respecte les obligations incombant aux Etats membres en vertu du droit européen et international, dont la Convention européenne des droits de l’homme et la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés, et qui soit fondée sur une véritable solidarité et un véritable partage des responsabilités. A certains égards, nous sommes revenus à la situation d’août 2015: la frontière gréco-macédonienne est de nouveau fermée, bien que partiellement, et les forces de police font usage de gaz lacrymogène et de grenades assourdissantes envers les réfugiés et les migrants. A d’autres égards, la situation a empiré dans les Balkans occidentaux: il y a une discrimination délibérée (sélection par nationalité), un déni délibéré du droit d’accès à la protection pour des raisons administratives arbitraires (système de quotas journaliers d’admissions et d’acceptation des demandes d’asile) et un non-respect délibéré des décisions juridictionnelles internationales contraignantes ou des avis faisant autorité de ne pas renvoyer les demandeurs d’asile vers les pays dont on sait qu’ils n’ont pas de mécanismes de protection efficaces (retours en Serbie, dans «l’ex-République yougoslave de Macédoine» et en Grèce). A cela s’ajoutent des manquements graves: la non mise en œuvre des accords politiques essentiels conclus à l’automne 2015, notamment sur la capacité d’accueil et à offrir un abri à plus long terme dans les Balkans occidentaux, ainsi que sur la relocalisation des réfugiés en provenance de Grèce. Dans le même temps, les motivations derrière ces accords – garantir une protection minimum aux réfugiés et aux migrants dans les Balkans occidentaux et réduire la pression exercée sur la Grèce – ont autant de raison d’être aujourd’hui qu’avant, sinon plus.
33. La réponse de l’Europe à la crise migratoire dans les Balkans occidentaux doit être fondée sur une vraie reconnaissance de certains principes fondamentaux. Quelles que soient les causes profondes de l’afflux de réfugiés et de migrants, la distance qui sépare les différents pays du point d’entrée, l’histoire et la culture de ces pays. Dans une Europe où la notion profonde d’intégration repose à maints égards sur le respect des droits de l’homme et de la prééminence du droit et dépend de l’équilibre coûts-profits dans tous les domaines équitablement partagés, aucune réponse ne pourra résoudre durablement la crise actuelle si elle n’est pas fondée sur une véritable solidarité, sur la reconnaissance de la nécessité d’agir ensemble et de partager équitablement les responsabilités, dans le plein respect des droits des réfugiés et des migrants et des principes fondamentaux du droit international et européen.
34. Je propose par conséquent que l’Assemblée adresse des recommandations aux pays concernés et à l’Union européenne, le cas échéant, en relation avec les domaines suivants:
  • veiller à ce que les droits de l’homme des réfugiés et des migrants soient considérés comme prioritaires dans les politiques visant à améliorer la situation dans les Balkans occidentaux;
  • garantir aux demandeurs d’asile un accès effectif à la protection sans discrimination ni restrictions arbitraires;
  • prévenir l’usage excessif de la force par les forces de police et de sécurité envers les réfugiés et les migrants, et veiller au respect de leur dignité;
  • veiller à ce que la capacité d’accueil de courte durée et à offrir un abri à long terme soit suffisante pour accueillir les demandeurs d’asile le long de la route des Balkans occidentaux;
  • veiller à ce que les systèmes d’asiles nationaux respectent les normes applicables de la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés, de la Convention européenne des droits de l’homme et du droit européen;
  • prévenir le renvoi des demandeurs d’asile vers des pays qui ne sont pas en mesure de garantir leur protection conformément aux normes internationales et européennes applicables;
  • s’abstenir de mettre en œuvre des politiques de contrôle aux frontières qui imposeraient abusivement une responsabilité disproportionnée en matière de protection des réfugiés et des migrants à d’autres pays d’accueil plus exposés à leur arrivée;
  • mettre pleinement en œuvre les dispositions relatives à la relocalisation des réfugiés en provenance de Grèce et l’accord conclu lors du sommet sur la route des Balkans occidentaux;
  • réformer le système de Dublin en vue d’un partage des responsabilités plus équitable, de façon à éviter de surcharger davantage les Etats membres avec un niveau de protection et des capacités d’accueil insuffisants;
  • faire en sorte que les actions menées pour résoudre la crise migratoire ne soient prises qu’après concertation avec tous les autres pays concernés;
  • apporter toute l’aide financière et technique nécessaire aux pays concernés.