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Rapport | Doc. 14318 | 09 mai 2017

Budget et priorités du Conseil de l'Europe pour l'exercice biennal 2018-2019

Commission du Règlement, des immunités et des affaires institutionnelles

Rapporteur : M. George LOUCAIDES, Chypre, GUE

Origine - Renvoi en commission: Décision du Bureau, Renvoi 4270 du 23 janvier 2017. 2017 - Commission permanente de mai

Résumé

L’Europe est confrontée à des tensions multiples nées de la montée du populisme et de l’extrémisme, la crise des migrants et des réfugiés, la menace terroriste et plus généralement l’accroissement de la pauvreté et de l’exclusion sociale. Pour réussir à répondre à tous ces enjeux, le Conseil de l’Europe doit renforcer son action dans le domaine des droits sociaux et prendre en compte dans ses priorités certains objectifs de développement durable des Nations Unies qui entrent parfaitement dans son mandat. Pour cela l’Organisation doit renforcer sa coopération intergouvernementale et promouvoir ses conventions, notamment en invitant l’Union européenne à adhérer à celles qui lui sont ouvertes. Un tel défi ne peut être relevé que si les États membres reviennent à une croissance réelle du budget de l’Organisation.

A. Projet d’avis 
			(1) 
			Projet
d’avis adopté à l’unanimité par la commission le 26 avril 2017.

(open)
1. L’Europe doit faire face à des tensions de plus en plus vives liées aux menaces d’attaques terroristes, à la persistance des hostilités dans les zones de conflit, à la crise des migrants et des réfugiés et finalement à une situation économique encore fragile dans un certain nombre d’États membres. Par ailleurs, la croissance des inégalités économiques et sociales en Europe et au-delà, ainsi que l’augmentation de la pauvreté et de l’exclusion sociale, mais aussi l’insuffisance des réponses des institutions publiques à ces défis, fournissent un terrain fertile au développement du populisme, de l’extrémisme, du racisme et de la xénophobie partout en Europe.
2. Ces tendances sapent les principes et les valeurs fondamentales du Conseil de l’Europe. L’Assemblée parlementaire considère que le Conseil de l’Europe, de par sa dimension géographique et son solide système de valeurs, est l’organisation européenne la mieux à même de combattre ces menaces, de contrer les dérives actuelles et de relever ces défis, en réaffirmant la nécessité de défendre ses valeurs que sont les droits de l’homme, l’État de droit et la démocratie.
3. L’Assemblée partage pleinement l’analyse que le Secrétaire Général du Conseil de l'Europe, M. Thorbjørn Jagland, a présentée dans le discours «Comprendre le populisme et défendre les démocraties européennes» prononcé devant elle le 24 janvier 2017. Depuis bientôt 70 ans, le Conseil de l’Europe veille à faire respecter dans tous les États membres les principes de l’État de droit, de la démocratie pluraliste et des droits de l’homme. Comme l’y encourage le Secrétaire Général, «ce précieux héritage» doit être protégé.
4. Pour le prochain Programme et Budget biennal 2018-2019, le Secrétaire Général du Conseil de l'Europe identifie trois défis prioritaires que le Conseil de l’Europe devra s’efforcer de relever:
4.1. répondre à la menace populiste, en donnant aux citoyens européens des parlements efficaces, des médias dynamiques et pluralistes, des tribunaux dans lesquels ils peuvent avoir confiance, une société civile qui leur offre des moyens d’agir et, ce qui est essentiel, des droits sociaux dans les secteurs de l’emploi, de la santé et de l’éducation, au sein de sociétés inclusives;
4.2. défendre les droits des migrants et des réfugiés, au travers de l’action de tous les organes du Conseil de l’Europe;
4.3. lutter contre le terrorisme, en axant les initiatives sur son financement, notamment à travers le trafic d’objets culturels, que le Secrétaire Général dénonce comme le commerce des «antiquités du sang».
5. L’Assemblée réaffirme la position qu’elle avait énoncée dans son Avis 288 (2015) sur le budget et les priorités du Conseil de l’Europe pour l’exercice biennal 2016-2017, à savoir que l’ensemble des actions menées par le Conseil de l’Europe doit aller de pair avec la mise en place d’un système cohérent de protection des droits de l’homme à l’échelle européenne, et d’une coopération renforcée avec les États membres pour lutter contre le terrorisme, en veillant à ce que les États n’adoptent pas de mesures contraires aux principes de la Convention européenne des droits de l’homme (STE no 5) et à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme.
6. S’agissant de la question des migrants et des réfugiés, l’Assemblée regrette que le Conseil de l’Europe n’ait plus de comité intergouvernemental chargé de cette question. Elle salue néanmoins l’initiative du Secrétaire Général d’avoir nommé un représentant spécial sur les migrations et les réfugiés, chargé de promouvoir et de coordonner les actions de l’Organisation dans ce domaine.
7. Dans ce contexte, l’Assemblée soutient pleinement la nouvelle Convention du Conseil de l’Europe sur les infractions visant des biens culturels (STCE no 221), qui était au cœur des priorités de la présidence chypriote du Comité des Ministres et est le seul traité international consacré aux mesures et sanctions pénales contre les activités illicites dans le domaine du patrimoine culturel. L’Assemblée invite tous les États membres et non membres du Conseil de l’Europe à la signer et à la ratifier dès que possible.
8. Toutefois, on ne pourra apporter une réponse aux défis mentionnés par le Secrétaire Général du Conseil de l'Europe sans œuvrer en faveur d’une véritable Europe sociale sur tout le continent européen, objectif que partage également l’Union européenne ainsi qu’elle l’a affirmé dans la Déclaration de Rome du 25 mars 2017. En conséquence, l’Assemblée souhaite que le programme d’activités du prochain budget biennal soit renforcé dans le domaine des droits sociaux, avec comme objectif de lutter contre l’accroissement des inégalités sociales et économiques qui ne cessent de se creuser en Europe. L’Assemblée entend également soutenir toutes les initiatives visant à faire de la Charte sociale européenne le socle sur lequel doit s’appuyer le pilier social de l’Union européenne afin de contribuer à l’édification d’une Europe sociale et inclusive plus harmonisée.
9. L’Assemblée souhaite que des initiatives résolues soient prises afin que tous les États membres du Conseil de l’Europe soient Parties à la Charte sociale européenne (révisée) (STE no 163), qui contient les droits sociaux les plus avancés, et qu’ils adoptent le système de réclamation collective prévu par la Charte, soit en signant et ratifiant le protocole additionnel prévoyant un système de réclamations collectives (STE no 158), soit en acceptant l’article D de la Charte sociale révisée.
10. L’Assemblée aimerait également que le programme de travail du Conseil de l’Europe pour l’exercice 2018-2019 s’inscrive dans la lignée de la Résolution 70/1 des Nations Unies «Transformer notre monde: le Programme de développement durable à l’horizon 2030» adoptée le 25 septembre 2015, qui définit 17 objectifs de développement durable, dont au moins huit correspondent aux priorités du Conseil de l’Europe.
11. L’Assemblée reconnaît que le train de réformes conduit par le Secrétaire Général du Conseil de l’Europe depuis son entrée en fonction en 2009 pour revitaliser l’Organisation et lui donner un nouvel élan politique a porté ses fruits. En redéfinissant les programmes d’actions du Conseil de l’Europe afin qu’ils répondent aux défis auxquels les États membres sont confrontés et en renforçant les domaines prioritaires, en particulier l’exécution des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme, les questions d’égalité et de dignité humaine, la liberté d’expression et des médias, la lutte contre le terrorisme et son financement et, enfin, la crise des migrants et des réfugiés, le Secrétaire Général a su redonner à l’Organisation toute sa place.
12. Dans ce contexte, l’Assemblée soutient pleinement les différents plans d’action thématiques ou nationaux mis en place par le Secrétaire Général. En mettant en place des projets concrets, le Conseil de l’Europe a pu apporter à un nombre ciblé de pays, en particulier ceux de l’Europe orientale et de l’Europe du Sud-Est, une assistance substantielle pour leur permettre de se mettre à niveau des exigences du Conseil de l’Europe et de l’Union européenne.
13. S’agissant plus particulièrement des plans d’action thématiques, l’Assemblée encourage vivement l’initiative du Secrétaire Général visant à la mise en place d’un plan d’action consacré aux enfants migrants non accompagnés, qui fait écho au travail de l’Assemblée et à sa campagne parlementaire pour mettre fin à la rétention d’enfants migrants, lancée en 2015 et financée grâce à la générosité de la Suisse.
14. Toutefois, promouvoir des solutions efficaces à long terme pour relever l’ensemble des défis auxquels les États membres font face réclame un nouvel engagement du Conseil de l’Europe. Ce ne sera possible que si l’Organisation renforce sa capacité normative, mise en œuvre par son réseau de comités intergouvernementaux, dont les mandats pourraient être revus pour tenir compte des défis susmentionnés.
15. Or, l’Assemblée regrette que le pilier consacré à l’établissement de normes – cœur historique du Conseil de l’Europe et de la coopération intergouvernementale – ait été quelque peu marginalisé par rapport aux programmes d’assistance technique.
16. En 2012, le secteur intergouvernemental a été profondément réorganisé pour faire face à la pression exercée sur le budget ordinaire du Conseil de l’Europe, accentuée dès 2014 par la décision du Comité des Ministres d’imposer à l’Organisation le principe de croissance zéro en termes nominaux des contributions obligatoires des États membres au budget ordinaire. La coopération intergouvernementale, disposant de moins de ressources financières, a réduit le nombre de ses comités directeurs (moins nombreux et avec un mandat plus large) et de ses réunions (une à deux par an).
17. La faiblesse de cette stratégie est qu’elle focalise l’attention et les moyens au profit d’un nombre limité d’États membres. Or, le rôle du Conseil de l’Europe est de s’adresser à 47 États européens. Restaurer pleinement ce rôle passe par le renforcement de la coopération intergouvernementale, matérialisée par les deux piliers que sont l’établissement de normes et le suivi de leur application. L’Assemblée est convaincue que des réponses concrètes peuvent être apportées aux défis actuels si les États partagent leurs expériences. Pour cela, les comités intergouvernementaux actuels (directeurs et subordonnés) devraient disposer des moyens supplémentaires nécessaires pour pouvoir élargir leurs mandats et accroître leur rythme de réunion, moyens indispensables pour permettre l’élaboration d’outils efficaces.
18. Ce renforcement des mécanismes de coopération passe également, d’une part, par la promotion des traités du Conseil de l’Europe notamment vis-à-vis de l’Union européenne, qui n’a pas pleinement exploité les possibilités existantes pour adhérer aux traités du Conseil de l’Europe – n’étant Partie qu’à 11 conventions sur les 54 qui lui sont ouvertes – et, d’autre part, par une clarification de l’attitude des États membres du Conseil de l’Europe et de l’Union européenne concernant leur participation au travail intergouvernemental qui, en raison de leurs obligations dans le cadre de l’Union européenne, peuvent bloquer le Conseil de l’Europe dans l’élaboration de nouvelles conventions ou la révision de conventions existantes, qui sont importantes en particulier pour les États non membres de l’Union européenne.
19. Pour lui permettre de répondre à tous ces défis, le Conseil de l’Europe doit revenir à une croissance réelle. Entre 2013 et 2017, les contributions payées par les États membres au budget ordinaire sont restées stables voire, pour certains pays, ont diminué. En revanche, la Turquie, en décidant d’augmenter sa contribution aux budgets du Conseil de l’Europe pour l’exercice biennal 2016-2017 (budget ordinaire, fonds de réserve des pensions et budget extraordinaire) a contribué à redonner de l’oxygène à l’Organisation, lui permettant de couvrir notamment les besoins organiques (tels que les investissements immobiliers, la sécurité, la modernisation des outils informatiques, le fonctionnement des organes intergouvernementaux et statutaires et les services centraux).
20. Depuis que les États membres appliquent une croissance zéro au budget du Conseil de l’Europe (d’abord réelle puis nominale), l’Assemblée a régulièrement suggéré une modification du règlement financier afin que le solde non dépensé de l’année écoulée (reliquat) soit laissé à la disposition de l’Organisation, et non plus restitué aux États membres.
21. Cette demande n’a pas été exaucée. Cependant, l’Assemblée remercie les États (20 en 2015) qui ont laissé à la disposition de l’Organisation les crédits non dépensés de l’année précédente, pour un total de € 413 000 (correspondant à 28 % du reliquat 2015), qui ont pu être réaffectés aux besoins de la Cour européenne des droits de l'homme et de différents plans d’action.
22. Afin d’endiguer l’érosion mécanique des ressources de l’Organisation en raison de l’inflation (qui est actuellement de 0,5 % en France) et d’éviter que les effets positifs de la décision de la Turquie d’intégrer le club des grands contributeurs soient gommés à moyen terme, l’Assemblée réitère son appel aux États membres de revenir à une croissance réelle du budget afin de donner au Conseil de l’Europe les moyens de fonctionner correctement. En période de faible inflation, et compte tenu de l’application actuelle du règlement financier quant à la destination des reliquats, un retour à une croissance réelle n’est pas un effort insurmontable pour la grande majorité des États membres. Cette décision représenterait un signe fort de l’engagement des États dans la perspective d’un 4e Sommet des chefs d’État et de gouvernement des États membres du Conseil de l’Europe (en 2019).

B. Exposé des motifs, par M. George Loucaides, rapporteur

(open)

1. Introduction

1. La croissance des inégalités économiques et sociales en Europe et au-delà et l’augmentation de la pauvreté et de l’exclusion sociale fournissent un terrain fertile pour que le populisme, l’extrémisme, le racisme, la xénophobie et le terrorisme se développent, ce qui sape les principes et les valeurs fondamentales du Conseil de l’Europe. Pour contrer ces menaces et relever ces défis, nous devons continuer à investir dans nos sociétés démocratiques et inclusives et nous attacher à défendre les droits de l’homme, l’État de droit et la démocratie.
2. Aux politiques portant atteinte aux droits sociaux et démocratiques des citoyens en Europe s’ajoutent des défis extérieurs tels que la crise des migrants et des réfugiés, les hostilités persistantes dans de nombreuses régions du monde et la menace permanente du terrorisme. Un nouvel engagement du Conseil de l’Europe s’impose pour relever efficacement ces défis et trouver des solutions à long terme. Mais il ne peut le faire sans renforcer sa capacité normative, mise en œuvre à travers son réseau de comités intergouvernementaux, dont les mandats pourraient être revus pour tenir compte des défis susmentionnés.
3. Le Conseil de l’Europe est-il prêt à apporter à l’ensemble de ses États membres et aux autres États partenaires les éléments de réponse permettant à ces derniers de relever ces défis et combattre les dérives actuelles?

2. Audit des comptes 2014 et 2015

4. Succédant à la Cour des Comptes française, la Najwyższa Izba Kontroli (NIK) a été nommée Auditeur externe du Conseil de l'Europe par le Comité des Ministres. Son mandat non renouvelable est de cinq ans et a commencé par l’audit des états financiers pour l’exercice clos le 31 décembre 2014. L’audit a été réalisé conformément aux normes IPSAS 
			(2) 
			Normes comptables internationales
du secteur public.. Les états financiers donnent une image exacte et juste de la position financière, des résultats d’activités et des flux de trésorerie du Conseil de l’Europe au 31 décembre 2014. L’auditeur externe a également identifié des secteurs clés pouvant être améliorés:
  • la gestion des risques, qui a été introduite en 2014 dans toute l’Organisation sous l’égide de la Direction de l’Audit interne et de l’Évaluation (DIO). Des registres des risques ont été établis dans chaque Grande Entité Administrative. L’auditeur recommande que ce dossier soit confié à une unité exerçant des fonctions managériales, la DIO continuant à apporter soutien et conseil sur l’élaboration et l’utilisation du registre des risques stratégiques pour l’Organisation;
  • l’inventaire physique, pour lequel l’auditeur recommande de repenser le concept de base sur lequel reposent les pratiques au Conseil de l’Europe. En effet, ces inventaires ne sont pas réalisés de la manière définie par le règlement financier. Afin de pallier ce problème, l’auditeur suggère d’établir un système centralisé de la gestion des actifs, pour une politique des inventaires physiques, un registre, un compte qualité, une supervision et une formation uniformes. Pour cela, il propose qu’un soutien approprié en matériel et en logiciel informatiques soit fourni aux équipes réalisant les contrôles d’inventaires;
  • la comptabilisation des stocks de la Direction européenne de la qualité du médicament (DEQM) qui devrait être adaptée pour répondre aux principes des IPSAS;
  • la mise en place d’un mode de préparation plus automatisé des états financiers du Conseil de l’Europe.
5. Concernant l’année 2015, en plus d’analyser les états financiers du Conseil de l’Europe, l’auditeur externe a procédé à trois audits de performance, dans les domaines de la gestion des informations financières, de la gestion des immobilisations et l’exploitabilité et fiabilité de WebFocus (outil de reporting et de traitement des données financières). L’auditeur a également procédé à trois audits financiers concernant trois programmes du Conseil de l’Europe financés par des contributions extrabudgétaires: paquet de mesures immédiates pour l’Ukraine (PIM); mesures de confiance pour la région de Transnistrie de la République de Moldova, ainsi que le programme «Renforcer l’indépendance, l’efficacité et le professionnalisme de la justice en Ukraine».

3. Année 2015

6. La lutte contre le terrorisme a été une priorité tout au long de 2015. Suite aux attentats terroristes commis à Paris début janvier 2015, les Délégués des ministres ont adopté le 21 janvier plusieurs décisions concernant l’action du Conseil de l’Europe contre la radicalisation conduisant au terrorisme. Ils ont en particulier adopté le mandat d’un Comité sur les combattants terroristes étrangers et les questions connexes chargé de préparer un projet de protocole additionnel à la Convention du Conseil de l’Europe pour la prévention du terrorisme (STCE no 196). Dans ce contexte, l’Assemblée a adopté plusieurs résolutions et un avis sur le projet de protocole que le Comité des Ministres a adopté lors de sa Session du 19 mai 2015 et qui a été ouvert à la signature à Riga (Lettonie) le 22 octobre 2015 (STCE no 217). Le Comité des Ministres a également adopté une Déclaration et un Plan d’action sur la lutte contre l'extrémisme violent et la radicalisation conduisant au terrorisme qui vise à prévenir et combattre la radicalisation par des mesures concrètes dans le secteur public, en particulier dans les établissements scolaires et les prisons, et sur internet.
7. La sécurité démocratique de l’Ukraine est un autre point important qui a fait l’objet d’une attention particulière en 2015. En particulier, en janvier 2015, le Comité des Ministres a approuvé un plan d’action 2015-2017 visant à soutenir les réformes dans le domaine des droits de l’homme, de l’État de droit et de la démocratie en Ukraine. Dans ce contexte, il convient de souligner la décision du Président ukrainien de mettre en place une commission constitutionnelle à laquelle le Conseil de l’Europe participe. L’enjeu est de faire avancer rapidement les réformes concernant la décentralisation, le système judiciaire, la législation électorale, la lutte contre la corruption et la protection des droits de l’homme. De son côté l’Assemblée a examiné plusieurs facettes du conflit en Ukraine, y compris ses aspects humanitaires.
8. Concernant les autres événements importants, il convient de noter que, le 25 mars 2015, le Comité des Ministres a ouvert à la signature la Convention du Conseil de l’Europe contre le trafic d’organes humains (STCE no 216), à l’issue d’une conférence internationale sur le trafic d’organes qui s’est tenue à Saint Jacques de Compostelle (Espagne). À cette occasion 14 États membres l’ont signée. Le 11 mai 2015, le Comité des Ministres a institué une nouvelle journée européenne pour la protection des enfants contre l’exploitation et les abus sexuels, célébrée le 18 novembre dans les États membres du Conseil de l’Europe, et il a invité tous les gouvernements, parlementaires, organisations non gouvernementales (ONG), professionnels travaillant au contact des enfants à s’approprier cette journée, en agissant de concert pour combattre ces crimes.
9. Dans le domaine budgétaire, l’information la plus importante a été l’annonce faite le 6 janvier 2015 par le ministre turc des Affaires étrangères de confirmer l’engagement de la Turquie à devenir grand contributeur à partir de 2016. Cette décision a été actée par le Comité des Ministres au mois de mai 2015. Cette décision importante (près de 19 millions d’euros supplémentaires, tous budgets confondus) a pour objectif de donner au Conseil de l’Europe des moyens supplémentaires afin de s’acquitter de son mandat. Parallèlement à ce choix, le Comité des Ministres, répondant à la Recommandation 2072 (2015) de l’Assemblée sur l’attribution des sièges à l’Assemblée parlementaire au titre de la Turquie, a adopté la Résolution CM/Res(2015)7 amendant l’article 26 du Statut du Conseil de l'Europe (STE no 1)pour fixer désormais à 18 le nombre des représentants de la Turquie à l’Assemblée parlementaire.
10. Enfin, dans le domaine de la coopération, il convient de noter la décision du Comité des Ministres d’approuver la mise en place de deux plans d’action et d’assistance pour la période 2015-2017 au profit de la Bosnie-Herzégovine et de l’Albanie, financés en partie par des contributions volontaires des États membres.
11. De son côté, l’Assemblée, en plus des questions liées au terrorisme, a accordé une attention particulière aux questions d’asile et de migration à la lumière de la pression posée aux États européens par l’arrivée massive de réfugiés. L’Assemblée a également voté une résolution importante sur la réforme de la gouvernance du football. Elle a procédé à l’élection de plusieurs juges à la Cour européenne des droits de l’homme et réélu Mme Gabriella Battaini-Dragoni comme Secrétaire Générale adjointe et M. Wojciech Sawicki comme Secrétaire général de l’Assemblée. Enfin, elle a remis son Prix des Droits de l’Homme Václav Havel à Mme Ludmilla Alexeeva (Fédération de Russie).

4. Année 2016

12. Fin novembre 2015, le Comité des Ministres a adopté le troisième programme et budget biennal de l’Organisation (pour les années 2016 et 2017). Comme pour les cycles précédents, le budget a été préparé en tenant compte de la volonté des États membres d’appliquer une croissance zéro en termes nominaux. Toutefois, grâce à la décision de la Turquie de devenir grand contributeur en 2016, des moyens supplémentaires significatifs ont été apportés au Conseil de l’Europe, lui permettant de renforcer ses capacités d’investissement et opérationnelles et de consolider son action.
13. Garantir l’efficacité continue du système de la Convention européenne des droits de l’homme (STE no 5) est un sujet que le Comité des Ministres suit avec attention et notamment la suite donnée aux principes énoncés dans les déclarations d’Interlaken, Izmir, Brighton et Bruxelles. Les efforts accomplis à travers la mise en œuvre du Protocole no 14 à la Convention (STCE no 194) ainsi que d’autres mesures ont permis une diminution notable du nombre d’affaires pendantes devant la Cour européenne des droits de l’homme. Par ailleurs, le Comité des Ministres a endossé un certain nombre de propositions du Comité directeur pour les droits de l’homme (CDDH) concernant l’autorité de la Convention, de la Cour, de ses arrêts et la place du mécanisme de la Convention dans l’ordre juridique européen et international.
14. Le Comité des Ministres a approuvé en 2016 deux nouvelles stratégies d’action. La première concerne la gouvernance de l’Internet (2016-2019) qui vise à relever les défis relatifs aux droits de l’homme, à la démocratie et à l’État de droit dans un environnement en ligne en mutation rapide. Une seconde stratégie concernant les droits de l’enfant (2016-2021) a été lancée à l’occasion d’une conférence de haut niveau tenue à Sofia les 5 et 6 avril 2016, à laquelle l’Assemblée était représentée.
15. Dans le domaine de la coopération et en réponse aux différents défis posés aux États membres, le Comité des Ministres a adopté tout un ensemble de plans d’action thématiques pluriannuels comme le plan d’action pour «renforcer l’indépendance et l’impartialité du pouvoir judiciaire» lancé à Sofia en avril 2016, à l’occasion d’une conférence à haut niveau des ministres de la Justice, et le plan d’action thématique sur l’inclusion des Roms et Gens du Voyage (2016-2019), pour faire suite à la création d’un Institut rom européen pour les arts et la culture (ERIAC) qui devrait être installé à Berlin. Dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, le Comité des Ministres a adopté un plan d’action spécifique sur le crime organisé transnational (2016-2020) ainsi que des lignes directrices à l’intention des services pénitentiaires et de probation concernant la radicalisation et l’extrémisme violent.
16. Concernant les autres décisions du Comité des Ministres adoptées au cours de l’année 2016, il convient de souligner l’adoption de la Convention du Conseil de l’Europe sur la coproduction cinématographique (révisée) (STE no 220), qui vise à encourager le développement de la coproduction cinématographique internationale. L’ouverture à la signature de la Convention du Conseil de l’Europe sur une approche intégrée de la sécurité, de la sûreté et des services lors des matches de football et autres manifestations sportives (STCE no 218) ainsi que l’ouverture à la ratification, acceptation ou approbation du Protocole portant amendement à la Convention européenne du paysage (STCE no 219) ont également été actés.
17. Toujours dans le domaine normatif, on peut se féliciter du rayonnement international des traités du Conseil de l’Europe, en notant l’adhésion du Costa Rica à la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise) et les demandes de l’Inde d’adhérer à la Convention sur le transfèrement des personnes condamnées (STE no 112) et du Cap Vert pour la Convention pour la protection des personnes à l’égard du traitement automatisé des données à caractère personnel (STE no 108).
18. La crise des migrants et la situation des réfugiés en Europe ont occupé une large place de la session de 2016 de l’Assemblée parlementaire. D’autre part, le Président de l’Assemblée a lancé une nouvelle initiative avec le mot-clic #NiHaineNiPeur, repris dans des milliers de tweets. 2016 a été également une année chargée en élections au niveau international, l’Assemblée ayant observé les élections présidentielles et législatives dans 11 États membres et non membres. Enfin, l’Assemblée a décerné son Prix des Droits de l’Homme Václav Havel à Mme Nadia Murad, une jeune femme yézidie du nord de l’Irak.
19. Les activités de coopération de l’Assemblée ont pris de l’ampleur en 2016 grâce aux € 751 000 de contributions volontaires qu’elle a reçues pour l’ensemble de ses activités (dont € 250 000  pour les plans d’action en Bosnie-Herzégovine et en Albanie). Ces fonds ont permis l’organisation de plus de 20 séminaires thématiques ou conférences parlementaires et les réunions régulières des réseaux parlementaires (violence sexuelle contre les enfants, violence contre les femmes, alliance parlementaire contre la haine). Il convient ici de remercier les États membres et institutions qui soutiennent régulièrement les activités de coopération de l’Assemblée.

5. Priorités 2018-2019

20. Le Secrétaire Général du Conseil de l'Europe, M. Thorbjørn Jagland, dans le discours «Comprendre le populisme et défendre les démocraties européennes» qu’il a prononcé devant l’Assemblée le 24 janvier 2017, a identifié trois défis prioritaires que le Conseil de l’Europe devra s’efforcer de relever:
  • répondre à la menace populiste, en donnant aux citoyens européens des parlements efficaces, des médias dynamiques et pluriels, des tribunaux dans lesquels ils peuvent avoir confiance, une société civile qui leur offre des moyens d’agir et, ce qui est essentiel, des droits sociaux dans les secteurs de l’emploi, de la santé et de l’éducation, au sein de sociétés inclusives;
  • défendre les droits des migrants et des réfugiés, au travers de l’action de tous les organes du Conseil de l’Europe. S’agissant de cette question on peut regretter que le Conseil de l’Europe n’ait plus de comité intergouvernemental chargé de ces questions;
  • lutter contre le terrorisme, en axant les actions sur la lutte contre son financement, notamment à travers le trafic d’objets culturels, que le Secrétaire Général a dénoncé comme le commerce des «antiquités du sang».
21. L’ensemble des actions doit par ailleurs aller de pair avec la mise en place d’un système cohérent de protection des droits de l’homme à l’échelle européenne et d’une coopération renforcée avec les États membres pour lutter contre le terrorisme, en veillant à que les États n’adoptent pas de mesures contraires aux principes de la Convention européenne des droits de l’homme et à la jurisprudence de la Cour.
22. D’autre part, pour apporter une réponse aux défis mentionnés par le Secrétaire Général, le Conseil de l'Europe devra également renforcer son action dans le domaine des droits sociaux avec comme objectif de lutter contre l’accroissement des inégalités sociales et économiques qui ne cessent de se creuser en Europe. Le programme d’activités du prochain budget biennal devrait refléter cette priorité. Dans ce contexte, le Conseil de l’Europe devrait appuyer toutes initiatives visant à faire de la Charte sociale européenne le socle sur lequel doit s’appuyer le pilier social de l’Union européenne afin de contribuer à l’édification d’une Europe sociale et inclusive plus harmonisée.
23. Le programme de travail du Conseil de l’Europe devrait également s’inscrire dans le prolongement de la Résolution adoptée par l’Assemblée Générale des Nations Unies le 25 septembre 2015 «Transformer notre monde: le Programme de développement durable à l’horizon 2030», qui définit 17 objectifs de développement durable, dont au moins huit correspondent aux priorités du Conseil de l’Europe dans le domaine des droits de l’homme, de la santé, de l’éducation, de l’égalité et de la justice.
24. Pour mettre en œuvre son action et ses activités, le Conseil de l’Europe peut s’appuyer sur trois leviers:
  • l’établissement de normes, contraignantes ou non, et de bonnes pratiques (les conventions et leurs protocoles, les recommandations ou résolutions adoptées par le Comité des Ministres avec le soutien des organes représentatifs que sont l’Assemblée parlementaire et le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux);
  • les actions de suivi prévues par les conventions (Cour européenne des droits de l’homme, Groupe d'Etats contre la corruption (GRECO), Groupe d'experts sur la lutte contre la traite des êtres humains (GRETA), Groupe d’experts sur la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (GREVIO), Commission européenne contre le racisme et l'intolérance (ECRI), Comité européen des Droits sociaux, …), qui veillent au respect des engagements pris par les États parties à ces conventions;
  • la coopération ou assistance technique, menée sur le terrain pour aider les États qui en éprouvent le besoin à intégrer et mettre en place de manière effective les normes établies par le Conseil de l’Europe.
25. Depuis son entrée en fonction en 2009, le Secrétaire Général du Conseil de l’Europe a entrepris tout un ensemble de réformes pour revitaliser l’Organisation et lui donner un nouvel élan politique. Il a fait un choix stratégique en renforçant les activités d’assistance technique et de suivi conventionnel. Ce choix a donné au Conseil de l’Europe une plus grande visibilité de son action sur le terrain, et a permis de compenser la stagnation du budget ordinaire par d’importantes ressources extrabudgétaires. Cette politique a également contribué au renforcement des liens entre le Conseil de l’Europe et l’Union européenne.
26. En mettant en place des plans d’action concrets, le Conseil de l’Europe a pu apporter à un nombre ciblé de pays, en particulier ceux de l’Europe orientale et ceux de l’Europe du Sud-Est, une assistance substantielle pour leur permettre de se mettre à niveau des exigences tant du Conseil de l’Europe que de l’Union européenne. Mais cette stratégie comporte une faiblesse dans ce sens qu’elle focalise l’attention et les moyens au profit d’un nombre limité d’États membres. Or, le rôle du Conseil de l’Europe est de s’adresser à 47 États européens. Restaurer pleinement ce rôle passe par le renforcement de la coopération intergouvernementale, c’est-à-dire la réunion des meilleurs experts nationaux, chargés de proposer des réponses concrètes aux différents défis posés aux États européens.
27. L’assistance technique a certes été un levier pour attirer des ressources extrabudgétaires et a permis de compenser – en partie seulement – les effets de la croissance nominale zéro imposée par les États membres depuis 2014. Mais ces ressources extrabudgétaires ont servi essentiellement à financer des dépenses liées aux programmes d’assistance et peu ou pas du tout les besoins organiques de l’Organisation, c’est-à-dire les investissements immobiliers, la sécurité, la modernisation des outils informatiques ou le fonctionnement de la coopération intergouvernementale et des organes statutaires ainsi que des services centraux.
28. Finalement, le pilier consacré à l’établissement de normes – qui est en fait le cœur historique du Conseil de l’Europe et de la coopération intergouvernementale – a été quelque peu marginalisé par rapport aux programmes d’assistance. La coopération intergouvernementale disposant de moins de ressources financières a réduit le nombre de ses comités directeurs (moins nombreux avec un mandat plus large) et de ses réunions (une à deux par an). Si l’on veut que le Conseil de l’Europe soit en mesure de pouvoir proposer aux États membres des politiques concrètes pour leur permettre de relever les défis actuels, un renforcement de cette coopération doit être envisagé.
29. Entre 2013 et 2017, les contributions payées par les États membres au budget ordinaire sont restées stables voire, pour certains pays, ont diminué. En revanche, la Turquie, en décidant d’augmenter sa contribution aux budgets du Conseil de l’Europe pour l’exercice biennal 2016-2017 (budget ordinaire, fonds de réserve des pensions et budget extraordinaire) a contribué à redonner de l’oxygène à l’Organisation, lui permettant de couvrir notamment certaines des dépenses organiques citées plus haut.
30. Depuis que les États membres appliquent une croissance zéro au budget du Conseil de l’Europe (d’abord réelle puis nominale), l’Assemblée a régulièrement suggéré une modification du règlement financier afin que le solde non dépensé de l’année écoulée (reliquat) soit laissé à la disposition de l’Organisation, et non plus restitué aux États. Cette demande n’a pas été exaucée, mais certains États (une vingtaine en 2015) ont tout de même laissé à la disposition du Conseil de l’Europe tout ou partie des crédits non dépensés leur revenant, permettant ainsi au Secrétaire Général de les réaffecter aux besoins de la Cour européenne des droits de l'homme et au financement d’un certain nombre de plans d’action.
31. Aussi, pour redonner au Conseil de l’Europe les moyens de fonctionner correctement, et dans la perspective d’un 4ème Sommet des chefs d’État et de gouvernement des États membres du Conseil de l’Europe (en 2019), les États membres devraient pouvoir revenir à une croissance réelle du budget. En période de faible inflation, et compte tenu de l’application actuelle du règlement financier quant à la destination des reliquats, un retour vers une croissance réelle n’est pas un effort insurmontable pour la grande majorité des États membres.