1. Introduction
1. La croissance des inégalités
économiques et sociales en Europe et au-delà et l’augmentation de
la pauvreté et de l’exclusion sociale fournissent un terrain fertile
pour que le populisme, l’extrémisme, le racisme, la xénophobie et
le terrorisme se développent, ce qui sape les principes et les valeurs
fondamentales du Conseil de l’Europe. Pour contrer ces menaces et
relever ces défis, nous devons continuer à investir dans nos sociétés
démocratiques et inclusives et nous attacher à défendre les droits
de l’homme, l’État de droit et la démocratie.
2. Aux politiques portant atteinte aux droits sociaux et démocratiques
des citoyens en Europe s’ajoutent des défis extérieurs tels que
la crise des migrants et des réfugiés, les hostilités persistantes
dans de nombreuses régions du monde et la menace permanente du terrorisme.
Un nouvel engagement du Conseil de l’Europe s’impose pour relever
efficacement ces défis et trouver des solutions à long terme. Mais
il ne peut le faire sans renforcer sa capacité normative, mise en
œuvre à travers son réseau de comités intergouvernementaux, dont
les mandats pourraient être revus pour tenir compte des défis susmentionnés.
3. Le Conseil de l’Europe est-il prêt à apporter à l’ensemble
de ses États membres et aux autres États partenaires les éléments
de réponse permettant à ces derniers de relever ces défis et combattre
les dérives actuelles?
2. Audit des comptes 2014 et
2015
4. Succédant à la Cour des Comptes
française, la Najwyższa Izba Kontroli (NIK) a été nommée Auditeur externe
du Conseil de l'Europe par le Comité des Ministres. Son mandat non
renouvelable est de cinq ans et a commencé par l’audit des états
financiers pour l’exercice clos le 31 décembre 2014. L’audit a été
réalisé conformément aux normes IPSAS
. Les états financiers donnent
une image exacte et juste de la position financière, des résultats
d’activités et des flux de trésorerie du Conseil de l’Europe au
31 décembre 2014. L’auditeur externe a également identifié des secteurs
clés pouvant être améliorés:
- la
gestion des risques, qui a été introduite en 2014 dans toute l’Organisation
sous l’égide de la Direction de l’Audit interne et de l’Évaluation
(DIO). Des registres des risques ont été établis dans chaque Grande Entité
Administrative. L’auditeur recommande que ce dossier soit confié
à une unité exerçant des fonctions managériales, la DIO continuant
à apporter soutien et conseil sur l’élaboration et l’utilisation du
registre des risques stratégiques pour l’Organisation;
- l’inventaire physique, pour lequel l’auditeur recommande
de repenser le concept de base sur lequel reposent les pratiques
au Conseil de l’Europe. En effet, ces inventaires ne sont pas réalisés
de la manière définie par le règlement financier. Afin de pallier
ce problème, l’auditeur suggère d’établir un système centralisé
de la gestion des actifs, pour une politique des inventaires physiques,
un registre, un compte qualité, une supervision et une formation
uniformes. Pour cela, il propose qu’un soutien approprié en matériel
et en logiciel informatiques soit fourni aux équipes réalisant les
contrôles d’inventaires;
- la comptabilisation des stocks de la Direction européenne
de la qualité du médicament (DEQM) qui devrait être adaptée pour
répondre aux principes des IPSAS;
- la mise en place d’un mode de préparation plus automatisé
des états financiers du Conseil de l’Europe.
5. Concernant l’année 2015, en plus d’analyser les états financiers
du Conseil de l’Europe, l’auditeur externe a procédé à trois audits
de performance, dans les domaines de la gestion des informations
financières, de la gestion des immobilisations et l’exploitabilité
et fiabilité de WebFocus (outil
de reporting et de traitement des
données financières). L’auditeur a également procédé à trois audits
financiers concernant trois programmes du Conseil de l’Europe financés
par des contributions extrabudgétaires: paquet de mesures immédiates
pour l’Ukraine (PIM); mesures de confiance pour la région de Transnistrie
de la République de Moldova, ainsi que le programme «Renforcer l’indépendance,
l’efficacité et le professionnalisme de la justice en Ukraine».
3. Année 2015
6. La lutte contre le terrorisme
a été une priorité tout au long de 2015. Suite aux attentats terroristes commis
à Paris début janvier 2015, les Délégués des ministres ont adopté
le 21 janvier plusieurs décisions concernant l’action du Conseil
de l’Europe contre la radicalisation conduisant au terrorisme. Ils
ont en particulier adopté le mandat d’un Comité sur les combattants
terroristes étrangers et les questions connexes chargé de préparer
un projet de protocole additionnel à la Convention du Conseil de
l’Europe pour la prévention du terrorisme (STCE no 196).
Dans ce contexte, l’Assemblée a adopté plusieurs résolutions et
un avis sur le projet de protocole que le Comité des Ministres a
adopté lors de sa Session du 19 mai 2015 et qui a été ouvert à la
signature à Riga (Lettonie) le 22 octobre 2015 (STCE no 217).
Le Comité des Ministres a également adopté une Déclaration et un
Plan d’action sur la lutte contre l'extrémisme violent et la radicalisation conduisant
au terrorisme qui vise à prévenir et combattre la radicalisation
par des mesures concrètes dans le secteur public, en particulier
dans les établissements scolaires et les prisons, et sur internet.
7. La sécurité démocratique de l’Ukraine est un autre point important
qui a fait l’objet d’une attention particulière en 2015. En particulier,
en janvier 2015, le Comité des Ministres a approuvé un plan d’action
2015-2017 visant à soutenir les réformes dans le domaine des droits
de l’homme, de l’État de droit et de la démocratie en Ukraine. Dans
ce contexte, il convient de souligner la décision du Président ukrainien
de mettre en place une commission constitutionnelle à laquelle le
Conseil de l’Europe participe. L’enjeu est de faire avancer rapidement
les réformes concernant la décentralisation, le système judiciaire,
la législation électorale, la lutte contre la corruption et la protection
des droits de l’homme. De son côté l’Assemblée a examiné plusieurs facettes
du conflit en Ukraine, y compris ses aspects humanitaires.
8. Concernant les autres événements importants, il convient de
noter que, le 25 mars 2015, le Comité des Ministres a ouvert à la
signature la Convention du Conseil de l’Europe contre le trafic
d’organes humains (STCE no 216), à l’issue
d’une conférence internationale sur le trafic d’organes qui s’est
tenue à Saint Jacques de Compostelle (Espagne). À cette occasion
14 États membres l’ont signée. Le 11 mai 2015, le Comité des Ministres
a institué une nouvelle journée européenne pour la protection des
enfants contre l’exploitation et les abus sexuels, célébrée le 18
novembre dans les États membres du Conseil de l’Europe, et il a
invité tous les gouvernements, parlementaires, organisations non
gouvernementales (ONG), professionnels travaillant au contact des
enfants à s’approprier cette journée, en agissant de concert pour
combattre ces crimes.
9. Dans le domaine budgétaire, l’information la plus importante
a été l’annonce faite le 6 janvier 2015 par le ministre turc des
Affaires étrangères de confirmer l’engagement de la Turquie à devenir
grand contributeur à partir de 2016. Cette décision a été actée
par le Comité des Ministres au mois de mai 2015. Cette décision importante
(près de 19 millions d’euros supplémentaires, tous budgets confondus)
a pour objectif de donner au Conseil de l’Europe des moyens supplémentaires
afin de s’acquitter de son mandat. Parallèlement à ce choix, le
Comité des Ministres, répondant à la
Recommandation 2072 (2015) de l’Assemblée sur l’attribution des sièges à l’Assemblée
parlementaire au titre de la Turquie, a adopté la Résolution CM/Res(2015)7 amendant
l’article 26 du Statut du Conseil de l'Europe (STE no 1)pour
fixer désormais à 18 le nombre des représentants de la Turquie à
l’Assemblée parlementaire.
10. Enfin, dans le domaine de la coopération, il convient de noter
la décision du Comité des Ministres d’approuver la mise en place
de deux plans d’action et d’assistance pour la période 2015-2017
au profit de la Bosnie-Herzégovine et de l’Albanie, financés en
partie par des contributions volontaires des États membres.
11. De son côté, l’Assemblée, en plus des questions liées au terrorisme,
a accordé une attention particulière aux questions d’asile et de
migration à la lumière de la pression posée aux États européens
par l’arrivée massive de réfugiés. L’Assemblée a également voté
une résolution importante sur la réforme de la gouvernance du football.
Elle a procédé à l’élection de plusieurs juges à la Cour européenne
des droits de l’homme et réélu Mme Gabriella
Battaini-Dragoni comme Secrétaire Générale adjointe et M. Wojciech
Sawicki comme Secrétaire général de l’Assemblée. Enfin, elle a remis
son Prix des Droits de l’Homme Václav Havel à Mme Ludmilla
Alexeeva (Fédération de Russie).
4. Année 2016
12. Fin novembre 2015, le Comité
des Ministres a adopté le troisième programme et budget biennal
de l’Organisation (pour les années 2016 et 2017). Comme pour les
cycles précédents, le budget a été préparé en tenant compte de la
volonté des États membres d’appliquer une croissance zéro en termes
nominaux. Toutefois, grâce à la décision de la Turquie de devenir
grand contributeur en 2016, des moyens supplémentaires significatifs
ont été apportés au Conseil de l’Europe, lui permettant de renforcer
ses capacités d’investissement et opérationnelles et de consolider
son action.
13. Garantir l’efficacité continue du système de la Convention
européenne des droits de l’homme (STE no 5) est
un sujet que le Comité des Ministres suit avec attention et notamment
la suite donnée aux principes énoncés dans les déclarations d’Interlaken,
Izmir, Brighton et Bruxelles. Les efforts accomplis à travers la
mise en œuvre du Protocole no 14 à la
Convention (STCE no 194) ainsi que d’autres
mesures ont permis une diminution notable du nombre d’affaires pendantes
devant la Cour européenne des droits de l’homme. Par ailleurs, le
Comité des Ministres a endossé un certain nombre de propositions
du Comité directeur pour les droits de l’homme (CDDH) concernant
l’autorité de la Convention, de la Cour, de ses arrêts et la place
du mécanisme de la Convention dans l’ordre juridique européen et
international.
14. Le Comité des Ministres a approuvé en 2016 deux nouvelles
stratégies d’action. La première concerne la gouvernance de l’Internet
(2016-2019) qui vise à relever les défis relatifs aux droits de
l’homme, à la démocratie et à l’État de droit dans un environnement
en ligne en mutation rapide. Une seconde stratégie concernant les
droits de l’enfant (2016-2021) a été lancée à l’occasion d’une conférence
de haut niveau tenue à Sofia les 5 et 6 avril 2016, à laquelle l’Assemblée
était représentée.
15. Dans le domaine de la coopération et en réponse aux différents
défis posés aux États membres, le Comité des Ministres a adopté
tout un ensemble de plans d’action thématiques pluriannuels comme
le plan d’action pour «renforcer l’indépendance et l’impartialité
du pouvoir judiciaire» lancé à Sofia en avril 2016, à l’occasion
d’une conférence à haut niveau des ministres de la Justice, et le
plan d’action thématique sur l’inclusion des Roms et Gens du Voyage
(2016-2019), pour faire suite à la création d’un Institut rom européen pour
les arts et la culture (ERIAC) qui devrait être installé à Berlin.
Dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, le Comité des Ministres
a adopté un plan d’action spécifique sur le crime organisé transnational
(2016-2020) ainsi que des lignes directrices à l’intention des services
pénitentiaires et de probation concernant la radicalisation et l’extrémisme
violent.
16. Concernant les autres décisions du Comité des Ministres adoptées
au cours de l’année 2016, il convient de souligner l’adoption de
la Convention du Conseil de l’Europe sur la coproduction cinématographique (révisée)
(STE no 220), qui vise à encourager le
développement de la coproduction cinématographique internationale.
L’ouverture à la signature de la Convention du Conseil de l’Europe
sur une approche intégrée de la sécurité, de la sûreté et des services
lors des matches de football et autres manifestations sportives (STCE
no 218) ainsi que l’ouverture à la ratification,
acceptation ou approbation du Protocole portant amendement à la
Convention européenne du paysage (STCE no 219)
ont également été actés.
17. Toujours dans le domaine normatif, on peut se féliciter du
rayonnement international des traités du Conseil de l’Europe, en
notant l’adhésion du Costa Rica à la Commission européenne pour
la démocratie par le droit (Commission de Venise) et les demandes
de l’Inde d’adhérer à la Convention sur le transfèrement des personnes
condamnées (STE no 112) et du Cap Vert
pour la Convention pour la protection des personnes à l’égard du
traitement automatisé des données à caractère personnel (STE no 108).
18. La crise des migrants et la situation des réfugiés en Europe
ont occupé une large place de la session de 2016 de l’Assemblée
parlementaire. D’autre part, le Président de l’Assemblée a lancé
une nouvelle initiative avec le mot-clic #NiHaineNiPeur, repris
dans des milliers de tweets. 2016 a été également une année chargée en
élections au niveau international, l’Assemblée ayant observé les
élections présidentielles et législatives dans 11 États membres
et non membres. Enfin, l’Assemblée a décerné son Prix des Droits
de l’Homme Václav Havel à Mme Nadia Murad,
une jeune femme yézidie du nord de l’Irak.
19. Les activités de coopération de l’Assemblée ont pris de l’ampleur
en 2016 grâce aux € 751 000 de contributions volontaires qu’elle
a reçues pour l’ensemble de ses activités (dont € 250 000 pour
les plans d’action en Bosnie-Herzégovine et en Albanie). Ces fonds
ont permis l’organisation de plus de 20 séminaires thématiques ou
conférences parlementaires et les réunions régulières des réseaux
parlementaires (violence sexuelle contre les enfants, violence contre
les femmes, alliance parlementaire contre la haine). Il convient
ici de remercier les États membres et institutions qui soutiennent
régulièrement les activités de coopération de l’Assemblée.
5. Priorités 2018-2019
20. Le Secrétaire Général du Conseil
de l'Europe, M. Thorbjørn Jagland, dans le discours «Comprendre
le populisme et défendre les démocraties européennes» qu’il a prononcé
devant l’Assemblée le 24 janvier 2017, a identifié trois défis prioritaires
que le Conseil de l’Europe devra s’efforcer de relever:
- répondre à la menace populiste,
en donnant aux citoyens européens des parlements efficaces, des médias
dynamiques et pluriels, des tribunaux dans lesquels ils peuvent
avoir confiance, une société civile qui leur offre des moyens d’agir
et, ce qui est essentiel, des droits sociaux dans les secteurs de l’emploi,
de la santé et de l’éducation, au sein de sociétés inclusives;
- défendre les droits des migrants et des réfugiés, au travers
de l’action de tous les organes du Conseil de l’Europe. S’agissant
de cette question on peut regretter que le Conseil de l’Europe n’ait
plus de comité intergouvernemental chargé de ces questions;
- lutter contre le terrorisme, en axant les actions sur
la lutte contre son financement, notamment à travers le trafic d’objets
culturels, que le Secrétaire Général a dénoncé comme le commerce
des «antiquités du sang».
21. L’ensemble des actions doit par ailleurs aller de pair avec
la mise en place d’un système cohérent de protection des droits
de l’homme à l’échelle européenne et d’une coopération renforcée
avec les États membres pour lutter contre le terrorisme, en veillant
à que les États n’adoptent pas de mesures contraires aux principes
de la Convention européenne des droits de l’homme et à la jurisprudence
de la Cour.
22. D’autre part, pour apporter une réponse aux défis mentionnés
par le Secrétaire Général, le Conseil de l'Europe devra également
renforcer son action dans le domaine des droits sociaux avec comme
objectif de lutter contre l’accroissement des inégalités sociales
et économiques qui ne cessent de se creuser en Europe. Le programme
d’activités du prochain budget biennal devrait refléter cette priorité.
Dans ce contexte, le Conseil de l’Europe devrait appuyer toutes
initiatives visant à faire de la Charte sociale européenne le socle
sur lequel doit s’appuyer le pilier social de l’Union européenne
afin de contribuer à l’édification d’une Europe sociale et inclusive
plus harmonisée.
23. Le programme de travail du Conseil de l’Europe devrait également
s’inscrire dans le prolongement de la Résolution adoptée par l’Assemblée
Générale des Nations Unies le 25 septembre 2015 «Transformer notre monde:
le Programme de développement durable à l’horizon 2030», qui définit
17 objectifs de développement durable, dont au moins huit correspondent
aux priorités du Conseil de l’Europe dans le domaine des droits
de l’homme, de la santé, de l’éducation, de l’égalité et de la justice.
24. Pour mettre en œuvre son action et ses activités, le Conseil
de l’Europe peut s’appuyer sur trois leviers:
- l’établissement de normes, contraignantes ou non, et de
bonnes pratiques (les conventions et leurs protocoles, les recommandations
ou résolutions adoptées par le Comité des Ministres avec le soutien des
organes représentatifs que sont l’Assemblée parlementaire et le
Congrès des pouvoirs locaux et régionaux);
- les actions de suivi prévues par les conventions (Cour
européenne des droits de l’homme, Groupe d'Etats contre la corruption
(GRECO), Groupe d'experts sur la lutte contre la traite des êtres
humains (GRETA), Groupe d’experts sur la lutte contre la violence
à l’égard des femmes et la violence domestique (GREVIO), Commission
européenne contre le racisme et l'intolérance (ECRI), Comité européen
des Droits sociaux, …), qui veillent au respect des engagements
pris par les États parties à ces conventions;
- la coopération ou assistance technique, menée sur le terrain
pour aider les États qui en éprouvent le besoin à intégrer et mettre
en place de manière effective les normes établies par le Conseil
de l’Europe.
25. Depuis son entrée en fonction en 2009, le Secrétaire Général
du Conseil de l’Europe a entrepris tout un ensemble de réformes
pour revitaliser l’Organisation et lui donner un nouvel élan politique.
Il a fait un choix stratégique en renforçant les activités d’assistance
technique et de suivi conventionnel. Ce choix a donné au Conseil
de l’Europe une plus grande visibilité de son action sur le terrain,
et a permis de compenser la stagnation du budget ordinaire par d’importantes
ressources extrabudgétaires. Cette politique a également contribué
au renforcement des liens entre le Conseil de l’Europe et l’Union
européenne.
26. En mettant en place des plans d’action concrets, le Conseil
de l’Europe a pu apporter à un nombre ciblé de pays, en particulier
ceux de l’Europe orientale et ceux de l’Europe du Sud-Est, une assistance
substantielle pour leur permettre de se mettre à niveau des exigences
tant du Conseil de l’Europe que de l’Union européenne. Mais cette
stratégie comporte une faiblesse dans ce sens qu’elle focalise l’attention
et les moyens au profit d’un nombre limité d’États membres. Or,
le rôle du Conseil de l’Europe est de s’adresser à 47 États européens.
Restaurer pleinement ce rôle passe par le renforcement de la coopération
intergouvernementale, c’est-à-dire la réunion des meilleurs experts
nationaux, chargés de proposer des réponses concrètes aux différents
défis posés aux États européens.
27. L’assistance technique a certes été un levier pour attirer
des ressources extrabudgétaires et a permis de compenser – en partie
seulement – les effets de la croissance nominale zéro imposée par
les États membres depuis 2014. Mais ces ressources extrabudgétaires
ont servi essentiellement à financer des dépenses liées aux programmes
d’assistance et peu ou pas du tout les besoins organiques de l’Organisation, c’est-à-dire
les investissements immobiliers, la sécurité, la modernisation des
outils informatiques ou le fonctionnement de la coopération intergouvernementale
et des organes statutaires ainsi que des services centraux.
28. Finalement, le pilier consacré à l’établissement de normes
– qui est en fait le cœur historique du Conseil de l’Europe et de
la coopération intergouvernementale – a été quelque peu marginalisé
par rapport aux programmes d’assistance. La coopération intergouvernementale
disposant de moins de ressources financières a réduit le nombre
de ses comités directeurs (moins nombreux avec un mandat plus large)
et de ses réunions (une à deux par an). Si l’on veut que le Conseil
de l’Europe soit en mesure de pouvoir proposer aux États membres
des politiques concrètes pour leur permettre de relever les défis
actuels, un renforcement de cette coopération doit être envisagé.
29. Entre 2013 et 2017, les contributions payées par les États
membres au budget ordinaire sont restées stables voire, pour certains
pays, ont diminué. En revanche, la Turquie, en décidant d’augmenter
sa contribution aux budgets du Conseil de l’Europe pour l’exercice
biennal 2016-2017 (budget ordinaire, fonds de réserve des pensions
et budget extraordinaire) a contribué à redonner de l’oxygène à
l’Organisation, lui permettant de couvrir notamment certaines des
dépenses organiques citées plus haut.
30. Depuis que les États membres appliquent une croissance zéro
au budget du Conseil de l’Europe (d’abord réelle puis nominale),
l’Assemblée a régulièrement suggéré une modification du règlement
financier afin que le solde non dépensé de l’année écoulée (reliquat)
soit laissé à la disposition de l’Organisation, et non plus restitué
aux États. Cette demande n’a pas été exaucée, mais certains États
(une vingtaine en 2015) ont tout de même laissé à la disposition
du Conseil de l’Europe tout ou partie des crédits non dépensés leur revenant,
permettant ainsi au Secrétaire Général de les réaffecter aux besoins
de la Cour européenne des droits de l'homme et au financement d’un
certain nombre de plans d’action.
31. Aussi, pour redonner au Conseil de l’Europe les moyens de
fonctionner correctement, et dans la perspective d’un 4ème Sommet
des chefs d’État et de gouvernement des États membres du Conseil
de l’Europe (en 2019), les États membres devraient pouvoir revenir
à une croissance réelle du budget. En période de faible inflation,
et compte tenu de l’application actuelle du règlement financier
quant à la destination des reliquats, un retour vers une croissance
réelle n’est pas un effort insurmontable pour la grande majorité
des États membres.