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Avis de commission | Doc. 14347 | 20 juin 2017

L’intégration des réfugiés en période de fortes pressions: enseignements à tirer de l’expérience récente et exemples de bonnes pratiques

Commission sur l'égalité et la non-discrimination

Rapporteure : Mme Elena CENTEMERO, Italie, PPE/DC

Origine - Renvoi en commission: Doc. 13903, Renvoi 4169 du 25 janvier 2016. Commission saisie du rapport: Commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées. Voir Doc. 14329. Avis approuvé par la commission le 19 mai 2017. 2017 - Troisième partie de session

A. Conclusions de la commission

(open)
1. La commission sur l’égalité et la non-discrimination se félicite du rapport de la commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées et félicite sa rapporteure, Mme Susanna Huovinen, de son exposé des motifs bien documenté qui fournit divers exemples de la façon dont les États membres du Conseil de l’Europe traitent de la question complexe de l’intégration des réfugiés. Ces exemples stimulants témoignent des multiples possibilités d’absorber «des effectifs même très importants de réfugiés et de demandeurs d’asile d’une manière qui profite à la fois aux nouveaux arrivants et aux sociétés d’accueil dès lors qu’il existe une volonté politique claire, une communication efficace au sujet des politiques ainsi qu’une mobilisation et une coordination effectives de ressources administratives et sociales» 
			(1) 
			Exposé
des motifs, paragraphe 3..
2. La commission approuve la définition éloquente de l’intégration que donne le projet de résolution, à savoir que, tout en requérant le respect des valeurs fondamentales de la société d’accueil, l’intégration ne doit pas être conçue comme une «assimilation selon laquelle les nouveaux arrivants adoptent la culture, les valeurs et les traditions du pays hôte en lieu et place des leurs». Elle ne doit pas non plus être apparentée au «multiculturalisme, avec des communautés autochtones et de réfugiés ou migrants menant des existences séparées, dictées par leurs cultures, valeurs et traditions d’origine». La commission se réjouit, en outre, que le projet de résolution recommande de dispenser des formations linguistiques et professionnelles ainsi qu’une éducation civique qui fournisse des orientations utiles pour la vie quotidienne dans le pays et de donner accès à des services de garderie pour les enfants; elle apprécie également l’accent qui est mis sur l’importance du regroupement familial. Il s’agit là d’éléments importants pour assurer une intégration effective, lesquels ont été promus à maintes reprises dans les rapports pertinents de la commission et dans les textes de l’Assemblée parlementaire qui en découlent 
			(2) 
			Résolution 1478 (2006) et Recommandation
1732 (2006) «Intégration des femmes immigrées en Europe»; Résolution 1811 (2011) et Recommandation
1970 (2011) sur la protection des femmes immigrées sur le marché
du travail; Résolution
1887 (2012) «Discriminations multiples à l’égard des femmes musulmanes
en Europe: pour l’égalité des chances» et Résolution 2159 (2017) «Protéger les femmes et les filles réfugiées de la violence
fondée sur le genre»..
3. La commission sur l’égalité et la non-discrimination souhaite proposer six amendements afin de renforcer le projet de résolution sous l’angle de la non-discrimination et des droits des femmes, conformément à son mandat et aux textes pertinents de l’Assemblée.

B. Amendements proposés

(open)

Amendement A (au projet de résolution)

Après le paragraphe 6.2, insérer le paragraphe suivant:

«à condamner et sanctionner fermement toute forme de discrimination, de racisme, de xénophobie et de violence contre les réfugiés et les migrants;»

Amendement B (au projet de résolution)

Au paragraphe 6.6.5, après les mots «mettre en place divers éléments», insérer les mots suivants:

«, dont une approche sensible au genre,»

Amendement C (au projet de résolution)

A la fin du paragraphe 6.6.5, ajouter les mots suivants:

«et la mise à disposition de femmes agents responsables des demandes d’asile et d’interprètes femmes»

Amendement D (au projet de résolution)

Après le paragraphe 6.7.3, insérer le paragraphe suivant:

«à pleinement reconnaître le rôle clé des femmes dans une intégration réussie des familles migrantes et à veiller à ce que les besoins particuliers des femmes migrantes soient dûment pris en compte en termes d’accès à la santé sexuelle et reproductive, de formation professionnelle et linguistique, et d’accès indépendant à l’éducation, tout en fournissant les ressources et le personnel pédagogique nécessaires;»

Amendement E (au projet de résolution)

Après le paragraphe 6.7.4, insérer le paragraphe suivant:

«à accorder un statut juridique individuel aux femmes migrantes qui rejoignent leur conjoint au titre du regroupement familial, si possible dans l’année qui suit leur arrivée;»

Amendement F (au projet de résolution)

Au paragraphe 6.7.5, après le mot «comme», insérer les mots «les femmes et»:

C. Exposé des motifs, par Mme Elena Centemero, rapporteure pour avis

(open)
1. L’exposé des motifs souligne que «[l]es responsables politiques ne doivent pas verser dans les discours de haine à l’égard des réfugiés, [et que] [l]a législation et la politique nationales devraient prévoir des mesures appropriées contre de tels propos haineux, quel qu’en soit le contexte, y compris les déclarations dans les médias». ll fait également référence aux travaux en la matière de la Commission européenne contre le racisme et l’intolérance et aux initiatives de l’Assemblée parlementaire dans ce contexte 
			(3) 
			Exposé
des motifs, paragraphe 11.. Toutefois, il n’y a pas de recommandation correspondante dans le projet de résolution.
2. Notre engagement, en tant que parlementaires, devrait aller bien au-delà de l’attitude consistant simplement à «ne pas verser dans les discours de haine». Nous devrions nous élever contre la discrimination et la stigmatisation des réfugiés et des demandeurs d’asile et des migrants en général. C’est aussi le sens de l’appel lancé par l’Assemblée dans sa Résolution 2069 (2015) «Reconnaître et prévenir le néoracisme» et dans sa Résolution 2159 (2017) «Protéger les femmes et les filles réfugiées de la violence fondée sur le genre». L’Assemblée a également demandé aux États membres de lutter contre la discrimination à l’égard des réfugiés et des demandeurs d’asile en condamnant et sanctionnant toute forme de discrimination et de violence à leur égard. Cette recommandation est d’autant plus pertinente pour l’actuel projet de résolution que la discrimination, le racisme et la xénophobie sont d’importants obstacles à une intégration effective. (Amendement A)
3. L’exposé des motifs reconnaît que les réfugiés arrivent en Europe au terme d’un voyage difficile et peuvent être fortement traumatisés par les épreuves dues au conflit et au fait de fuir leur domicile et de quitter leur famille. Dans ce contexte, il souligne l’importance de disposer de personnels et d’établissements médicaux et sociaux pour détecter les problèmes psychologiques à un stade précoce, faisant observer que l’incapacité de résoudre ces problèmes peut avoir des conséquences très vastes, par exemple sur l’emploi, l’apprentissage des langues, l’éducation et l’interaction avec les autorités 
			(4) 
			Exposé des motifs,
paragraphe 30.. Le projet de résolution recommande, par conséquent, de mettre en place divers éléments visant à faciliter l’intégration aux premiers stades de la procédure de détermination du droit d’asile, y compris un soutien concernant les traumatismes psychologiques.
4. Je propose d’ajouter, dans la recommandation précitée, une référence à une «approche sensible au genre» et la mise à disposition d’agents responsables des demandes d’asile et d’interprètes femmes. En fait, de nos jours, les femmes, ainsi que les enfants, représentent la majorité des migrants qui arrivent en Europe. Ces femmes sont souvent exposées à des violences fondées sur le genre dans leurs pays d’origine, pendant leur voyage, ainsi que dans les pays de transit et de destination. «[A]ssurer une protection contre la violence fondée sur le genre à toutes les femmes, quel que soit leur statut, doit être une priorité, conformément aux dispositions de la Convention du Conseil de l'Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (STCE no 210, Convention d’Istanbul). La responsabilité d’aider et de protéger les demandeuses d’asile et les réfugiées ne se limite pas aux cas de violence perpétrée dans les pays de destination. Ces femmes devraient recevoir une assistance adéquate pour surmonter le traumatisme qu’elles ont subi dans leur pays d’origine ou dans les pays de transit 
			(5) 
			Résolution 2159 (2017), op. cit. .» C’est aussi la première étape pour garantir une intégration réussie qui, à son tour, sera, à long terme, la réponse la plus efficace à la violence fondée sur le genre. Pour les mêmes raisons, je propose d’ajouter «les femmes» au paragraphe 6.7.5 où sont mentionnés les groupes particulièrement vulnérables qui méritent protection et assistance. (Amendements B, C et F)
5. Les femmes sont au cœur même du processus d’intégration car, dans la plupart des familles migrantes, elles jouent un rôle majeur dans l’éducation des enfants. Il est donc essentiel de garantir l’intégration économique et sociale des femmes réfugiées et migrantes car une telle démarche aura un effet multiplicateur sur l’intégration des familles migrantes.
6. L’Assemblée a souligné à maintes reprises la nécessité de promouvoir l’intégration des femmes immigrées et proposé des mesures à cet effet. Dans sa Résolution 1478 (2006) «Intégration des femmes immigrées en Europe», l’Assemblée a souligné que les mesures favorisant l’accès des femmes immigrées à l’éducation, à la formation, à l’emploi, aux droits sociaux et culturels et aux services de santé contribue au renforcement de la cohésion sociale des pays d’accueil. Elle a donc recommandé, entre autres, d’assurer aux femmes immigrées une formation professionnelle adéquate visant à ne pas les confiner dans des emplois subalternes et à leur permettre de choisir des métiers dans des secteurs d’activité autres que ceux qui leur sont traditionnellement réservés (services, santé, restauration, par exemple) et à organiser à leur intention des cours de langue sur mesure, pratiques, axés sur les principaux centres d’intérêt de leur vie et gratuits dans la mesure du possible.
7. L’Assemblée a également condamné à maintes reprises les pratiques traditionnelles néfastes comme les mutilations génitales féminines qui constituent des actes de violence à l’égard des femmes et des enfants et une flagrante violation de leurs droits humains. Elle a recommandé de nombreuses mesures pour combattre ces pratiques, dont la formation des professionnels de la santé pour qu’ils soient en mesure de diagnostiquer les mutilations génitales féminines et la prestation de soins appropriés aux femmes et aux filles qui souffrent des conséquences de ces mutilations 
			(6) 
			Résolution 2135 (2016) «Les mutilations génitales féminines en Europe».. L’Assemblée a également appelé à procurer, dans les centres de transit et d’accueil, aux victimes de violence fondée sur le genre dans leur pays d’origine et dans les pays de transit ou de destination des services de conseil, une aide psychologique et des soins médicaux, y compris des soins de santé sexuelle et reproductive et des soins spécifiques en cas de viol 
			(7) 
			Résolution 2159 (2017), op. cit..
8. Compte tenu de ces éléments, je voudrais ajouter une recommandation spécifique sur le rôle clé des femmes dans une intégration réussie et sur leurs besoins particuliers en termes de formation linguistique et professionnelle ainsi que d’accès à la santé sexuelle et reproductive. (Amendement D)
9. Ces vingt dernières années, l’Assemblée n’a cessé de recommander d’accorder aux femmes migrantes un droit autonome de résidence, c'est-à-dire qui ne soit pas lié au statut de résidence de leur époux 
			(8) 
			Recommandation 1261 (1995) sur la situation des femmes immigrées en Europe. La
Recommandation Rec(2002)4 du Comité des Ministres sur le statut
juridique des personnes admises au regroupement familial a, en outre,
recommandé d’accorder un titre de séjour distinct de celui du regroupant
après quatre ans de résidence régulière et d’accorder le droit de
demander un titre de séjour autonome au bout d’un an de résidence
en cas de divorce, de séparation ou de décès du regroupant. . Dans sa résolution sur l’intégration des femmes immigrées en Europe mentionnée ci-dessus, l’Assemblée a insisté sur la nécessité d’accorder, le plus tôt possible, un statut indépendant à l’épouse et aux enfants du regroupant afin de garantir et de protéger pleinement leurs droits, de faciliter leur intégration sociale et d’éviter de les confiner à la sphère domestique. Cette recommandation a été reprise dans des résolutions et recommandations successives 
			(9) 
			Résolution 1697 (2009) et Recommandation 1891 (2009) «Femmes immigrées: un risque spécifique de violence domestique»
et Résolution 1811 (2011), op. cit. et devrait être répétée une nouvelle fois. (Amendement E)
10. Pour conclure, je tiens à réaffirmer que l’arrivée de demandeurs d’asile en Europe devrait aussi être perçue comme une chance de promouvoir et de défendre des valeurs telles que la tolérance, la diversité, l’ouverture ainsi que d’adopter une position ferme contre les formes multiples de discrimination 
			(10) 
			Résolution 2159 (2017), op. cit.. Comme l’a affirmé avec justesse ma collègue Mme Gisela Wurm dans son rapport sur la protection des femmes réfugiées contre la violence fondée sur le genre 
			(11) 
			Doc. 14284., «[L]’Europe peut apprendre et a beaucoup à gagner de l’expérience des réfugiés et (…) ne fait que mettre en pratique et respecter ses valeurs fondamentales lorsqu’elle les accueille pour les protéger des atrocités de la guerre. Favoriser l’intégration sociale des réfugiés est donc essentiel pour vaincre les préjugés et assurer un “vivre ensemble” harmonieux».
11. La commission sur l’égalité et la non-discrimination continuera de s’intéresser à l’intégration des migrants à travers un nouveau rapport sur «Les migrations sous l’angle de l’égalité entre les femmes et les hommes: donner aux femmes les moyens d’être des actrices essentielles de l’intégration» que Mme Gabriela Heinrich (Allemagne, SOC) élabore actuellement.