1. Introduction
1. Comme le fait observer la proposition
de recommandation sur laquelle repose le présent rapport, les détenus
figurent parmi les personnes les plus vulnérables aux violations
de leurs droits fondamentaux
. La Cour européenne des
droits de l’homme («la Cour») a souligné que les autorités avaient
«l’obligation de protéger» à tout moment les personnes dont elles
ont la garde
.
Il existe un domaine qui doit être amélioré d’urgence: celui des
conditions de transfèrement et de transport des détenus, qui peuvent
s’apparenter à des peines ou traitements inhumains ou dégradants,
comme l’a conclu la Cour dans ses arrêts. Les rapports du Comité
européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements
inhumains ou dégradants (CPT), des mécanismes nationaux de prévention
(MNP) ou d’autres organes dont les attributions lors de leur visite sur
le terrain sont similaires montrent que les détenus risquent fréquemment
de faire l’objet de décisions arbitraires et de mauvais traitements
lors de leur transfèrement. Ces violations des droits de l’homme
des détenus commises par les forces de l’ordre, les agents pénitentiaires
ou les autres agents de la justice pénale, ainsi que par les contractants
privés, peuvent survenir durant le transport entre des sites nationaux
différents (par exemple une autre prison, un commissariat de police,
un hôpital ou un tribunal)
.
2. Lors de leur transfèrement, les détenus peuvent se trouver
confinés dans des espaces extrêmement réduits à l’intérieur d’un
véhicule de transport, qu’ils partagent avec un nombre excessif
d’autres détenus, dans des conditions déplorables et peu sûres,
parfois pendant des périodes prolongées. Dans certaines situations extrêmes,
les détenus se sont trouvés en transit pendant un mois ou plus,
privés de contact avec leur famille et leurs avocats. Les périodes
plus brèves de placement à l’isolement peuvent elles aussi être
constitutives de violations, selon le Comité des disparitions forcées
des Nations Unies. Cet isolement des détenus accroît leur vulnérabilité,
car ils n’ont aucun accès à un recours effectif pour les violations
dont ils sont victimes et peuvent moins compter sur la visite d’organes
de suivi. Le présent rapport vise à appeler les États membres à
veiller à ce que le transport des détenus s’effectue «toujours (…)
en toute sûreté et sécurité et avec humanité»
.
3. Aux fins du présent rapport, j’ai adressé un questionnaire
aux parlements nationaux, qui visait à examiner la situation dans
les États membres du Conseil de l’Europe
. Vingt-huit
pays y ont répondu et j’aimerais remercier ces parlements (Andorre,
Albanie, Allemagne, Arménie, Autriche, Belgique, Chypre, Croatie,
Danemark, Estonie, Finlande, France, Géorgie, Grèce, Hongrie, Lettonie,
Lituanie, Luxembourg, Malte, Monténégro, Norvège, Pays-Bas, Pologne,
Royaume-Uni, République Slovaque, Slovénie, Suède, Ukraine) de leurs
précieux commentaires. La commission des questions juridiques et
des droits de l’homme a également procédé, en juin 2018, à l’audition
de M. James McManus, expert du CPT et ancien professeur de justice
pénale à l’Université calédonienne de Glasgow (Royaume-Uni), et
de Mme Heather McGill, chercheur du programme
Europe et Asie centrale d’Amnesty International (Londres, Royaume-Uni),
que je remercie pour leur contribution.
2. Aperçu général des normes internationales
2.1. La
Convention européenne des droits de l’homme et les autres normes
internationales générales des droits de l’homme
4. La principale norme internationale
qui règle les conditions de détention des détenus durant leur transfèrement
est celle de l’interdiction des peines ou traitements inhumains
ou dégradants, consacrée à l’article 3 de la Convention européenne
des droits de l’homme (STE no 5, «la
Convention»). La Cour a conclu à la violation de l’article 3 dans
un certain nombre d’arrêts qui illustrent les différents problèmes
susceptibles de se poser à l’occasion du transfèrement des détenus.
Plusieurs de ces affaires portent sur une série de circonstances
qui constituent, individuellement ou cumulativement, des violations
de l’article 3, que nous examinerons plus en détail ultérieurement.
2.2. Les
sources des normes internationales particulières applicables à la
situation des détenus et des autres personnes privées de liberté
6. Les
Règles pénitentiaires
européennes (RPE), adoptées par le Comité des Ministres dans sa Recommandation
Rec(2006)2, comportent diverses dispositions directement pertinentes
pour le présent rapport. La
Recommandation
Rec(2008)11 du Comité des Ministres sur les Règles européennes pour
les délinquants mineurs faisant l’objet de sanctions ou de mesures
est également applicable en la matière. Les États membres sont tous
Parties à la Convention européenne pour la prévention de la torture
et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (STE no 126),
qui a établi le
CPT, lequel a fréquemment formulé des recommandations spécifiques
pour remédier à ces problèmes
.
7. L’Ensemble
de règles minima des Nations Unies pour le traitement des détenus (les «Règles Nelson Mandela») de 2015 comporte diverses
dispositions relatives au transport des détenus, qui sont très similaires aux
Règles pénitentiaires européennes. Les autres normes des Nations
Unies restent valables, y compris
l’Ensemble
de principes pour la protection de toutes les personnes soumises
à une forme quelconque de détention ou d'emprisonnement, adopté par l’Assemblée générale des Nations Unies en
1988, et les
Principes fondamentaux
relatifs au traitement des détenus de 1990. Par souci de vigilance à l’égard de la situation particulière
des enfants, des jeunes et des femmes privés de liberté, les
Règles
des Nations Unies concernant le traitement des détenues et l’imposition
de mesures non privatives de liberté aux délinquantes (les «Règles de Bangkok») de 2011 et l’
Ensemble
de règles minima des Nations Unies concernant l'administration de
la justice pour mineurs (les «Règles de Beijing») de
1985 énoncent des principes généraux applicables à tout moment.
En outre, le
Code
de conduite pour les responsables de l’application des lois de 1979 énonce que les responsables de l’application
des lois doivent, dans l’accomplissement de leur devoir, «protéger
les droits fondamentaux de toute personne» (article 2), et en particulier
«prendre immédiatement des mesures pour que des soins médicaux leur
soient dispensés chaque fois que cela s'impose» (article 6).
3. Garantir
des conditions de transfèrement adéquates, sûres et humaines
3.1. Remarques
générales
8. S’il s’agit de permettre aux
détenus «de mener une vie responsable et exempte de crime» (RPE
102.1), les autorités nationales, et notamment l’administration
pénitentiaire et tous les agents immédiatement concernés par le
traitement des détenus, doivent s’assurer que «le régime des détenus
condamnés ne doit pas aggraver les souffrances inhérentes à l’emprisonnement»
(RPE 102.2). L’État a l’obligation positive de veiller à ce que
la dignité, la santé et le bien-être des détenus soient convenablement
assurés pendant leur emprisonnement
. Les détenus
doivent bénéficier de conditions de vie qui respectent la dignité
humaine (RPE 49), notamment lors de leur transfèrement en dehors
des installations pénitentiaires. Les conditions matérielles et
de sécurité de leur transport sont considérées comme des éléments
essentiels à la dignité des détenus (RPE 32.2 et article 99.2 des
Règles européennes pour les délinquants mineurs). La fréquence et
la durée du transport ont également un impact direct sur le niveau
de stress des détenus. Les autres conditions relatives à la situation
personnelle des détenus doivent être attentivement prises en compte;
une évaluation régulière et complète au cas par cas est en effet
essentielle pour tenir compte de considérations personnelles, ce
qui est indispensable pour protéger les détenus de toute pression
excessive.
9. Une grande majorité de pays (21) ont indiqué que leur cadre
législatif ou administratif national comportait des dispositions
légales et réglementaires sur le transfèrement des détenus, tandis
que trois pays seulement (la Slovénie, la Hongrie et la Pologne)
ont précisé qu’ils n’en avaient aucune. La situation des pays européens reste
toutefois inégale, puisque seul un tiers d’entre eux a donné quelques
précisions sur les exigences matérielles des transfèrements.
3.2. Les
conditions matérielles et de sécurité essentielles
3.2.1. Protection
contre l’exposition à la vue du public et anonymat
10. Les RPE indiquent, en particulier
pour le transfèrement, qu’au «cours de leur transfert vers une prison, ainsi
que vers d’autres endroits tels que le tribunal ou l’hôpital, les
détenus doivent être exposes aussi peu que possible à la vue du
public et les autorités doivent prendre des mesures pour protéger
leur anonymat» (RPE 32.1). Les Règles européennes pour les délinquants
mineurs exigent également que le respect de l’anonymat et de la
vie privée des mineurs soit assuré lors de leur transfèrement (article
99.3). D’après les réponses données au questionnaire, cet aspect
du transfèrement est pris en compte par exemple par l’Autriche,
la Belgique, la Finlande, la France, la Lettonie et Malte.
3.2.2. Adéquation
des véhicules
11. La Cour a indiqué dans plusieurs
affaires que l’inadéquation des conditions matérielles du transport
des détenus constituait une violation de l’article 3. Parmi les
conditions reprochées figuraient, par exemple dans l’affaire
Kavalerov et autres c. Russie, le
transport dans des compartiments dépourvus de fenêtres, d’entrée d’air
frais, de lumière naturelle ou d’aération; le nombre insuffisant
de places de couchage; l’absence de nécessaire de couchage ou de
draps et un air chargé de fumée de tabac. Dans l’affaire
Guliyev c. Russie, la Cour s’est
appuyée sur diverses circonstances à propos d’un transfèrement de
65 heures, au cours duquel le requérant était resté seul dans un
compartiment de 2 m². Toutes les deux heures, il avait été contrôlé
et contraint de changer de position; son sommeil avait été troublé
davantage encore par le fait que le compartiment était constamment
éclairé. La Cour a estimé que, «compte tenu de l’effet préjudiciable
cumulé que ces conditions de transport ont dû avoir sur le requérant,
en particulier la durée du voyage, l’espace confiné, la privation
de sommeil, l’alimentation insuffisante et éventuellement l’aération
et l’éclairage insuffisants, (…) ces conditions (…) s’apparentent
à un traitement inhumain au sens de l’article 3»
.
12. Les RPE précisent que «le transport des détenus dans des véhicules
mal aérés ou mal éclairés ou bien dans des conditions leur imposant
une souffrance physique ou une humiliation évitables doit être interdit» (RPE
32.2). Le CPT a souvent fait état de constatations négatives
au sujet des conditions matérielles
des véhicules cellulaires et a adressé des conseils pertinents aux
États membres concernés. Il a par exemple rappelé que «les véhicules
de transport devraient être équipés de moyens de repos adéquats
(comme des bancs ou sièges appropriés)». Il a ajouté qu’en cas de
«transport de nuit par train, les compartiments devaient être équipés
de lits ou de couchettes et, pendant le voyage, des matelas et des
draps ou couvertures devaient être fournis aux détenus». Des normes
minimales d’hygiène doivent également être respectées, ce qui signifie, par
exemple, que les toilettes des véhicules, navires ou trains doivent
être propres. Ces recommandations ont entraîné une amélioration
des pratiques nationales, comme le nettoyage des véhicules cellulaires,
l’abandon de l’utilisation de véhicules cellulaires inadaptés et/ou
l’acquisition de nouveaux véhicules
.
3.2.3. Exigences
en matière de sécurité
13. Les véhicules qui transportent
des détenus peuvent rapidement devenir «meurtriers», selon les propres termes
du CPT (
Lituanie,
2000), en cas d’accident ou d’urgence, dès lors qu’ils ne
respectent pas les normes pertinentes en matière de sécurité. C’est
le cas en l’absence de ceintures de sécurité
, d’interphone qui fonctionne (CPT,
Slovénie,
2001), de dispositif d’extinction des incendies et de systèmes
d’évacuation d’urgence, comme les portes des cabines/compartiments
sécurisés équipées d’un mécanisme permettant de les déverrouiller
automatiquement et/ou rapidement en cas d’urgence
. Le CPT a par exemple
ajouté à propos d’une traversée en bateau effectuée à Malte que
«les détenus ne devraient pas rester à l’intérieur du fourgon si
leur présence est contraire aux consignes de sécurité des autorités
de transport maritime» et que le fourgon utilisé pour le transfèrement
des détenus de la prison de Gozo au tribunal situé sur l’île principale devait
être remplacé, considérant qu’il était «sale et dangereux», uniquement
équipé d’une banquette en bois et dépourvu de ceintures de sécurité
. Le CPT s’est par ailleurs montré
critique à l’égard du transport des détenus en Écosse dans des véhicules
dépourvus de ceintures de sécurité et dans lesquels les détenus
ne pouvaient pas communiquer avec les gardiens qui les accompagnaient,
ce qui pouvait être dangereux en cas d’urgence (
Royaume-Uni,
2012).
14. Il est indispensable que le cadre juridique et la pratique
assurent, d’une part, le respect des dispositions applicables en
matière de sécurité routière et, d’autre part, l’équipement de tous
les véhicules cellulaires et, le cas échéant, des autres moyens
de transport, de ceintures de sécurité et le port de ces ceintures
par les détenus à tout moment. Cela permettrait également de garantir
la délimitation d’espaces individuels, ce qui limiterait les risques
de surpopulation.
3.2.4. Espace
et taux d’occupation
15. La surpopulation peut être
extrêmement préoccupante pour la sécurité; outre ce qu’elle affirmait
dans l’arrêt
Kavalerov précité,
la Cour considère que le manque d’espace peut à lui seul constituer
un facteur déterminant pour établir une violation de l’article 3
de la Convention. En l’espèce, le requérant avait fait l’objet de
multiples transfèrements dans un compartiment individuel de 0,3
m²
. Dans l’affaire
Khudoyorov c. Russie, les transfèrements
avaient été effectués dans le compartiment «individuel» d’un mètre
carré d’un fourgon, que se partageaient deux occupants qui s’asseyaient
à tour de rôle sur les genoux l’un de l’autre pendant un déplacement
dont la durée pouvait aller jusqu’à une heure. La Cour a fait observer
que «ce mode de transport est inadmissible, quelle que soit sa durée»
. Dans l’affaire
Idalov c. Russie, le requérant avait
été transféré dans des fourgons dont les compartiments de 11,28
m² étaient occupés par 36 détenus et les compartiments de 8,93 m²
par 25 détenus. Il n’était donc pas concevable pour la Cour que
de telles conditions offrent des places assises et un espace suffisant
pour que ce transport se déroule humainement; cette situation s’apparentait
à un traitement inhumain et dégradant contraire à l’article 3
.
16. De nombreux rapports du CPT ont soulevé les problèmes liés
à la dimension et au taux d’occupation des véhicules utilisés pour
le transport des détenus, notamment les rapports qui suivent. Le
CPT a appelé les autorités lituaniennes «à diminuer fortement et
d’urgence» les taux d’occupation des wagons utilisés pour le transport
des détenus, qui comptaient jusqu’à 16 détenus dans des compartiments
de 3,5 m² et six détenus dans des compartiments de 2 m² (
Lituanie,
2000). Le CPT a également appelé les autorités ukrainiennes
à remédier à la surpopulation des wagons utilisés pour le transport
des détenus (
Ukraine,
2000).
Amnesty International a signalé qu’en Russie la surpopulation était aggravée
par le fait que les détenus devaient emporter avec eux leurs effets
personnels pendant les transfèrements et qu’aucun espace n’était
prévu dans les trains pour les bagages
.
17. Par ailleurs, le CPT a fréquemment appelé les États à réduire
le nombre de détenus transportés en camions, bus et fourgons cellulaires.
Il a par exemple signalé qu’en Azerbaïdjan les camions transportaient habituellement
jusqu’à 30 personnes réparties dans deux cabines de 3 m² et que
les véhicules cellulaires roumains étaient parfois occupés par 40
à 50 détenus, alors qu’ils étaient en réalité prévus pour le transport de
24 à 30 personnes. Il a également critiqué la surpopulation des
véhicules cellulaires grecs, dont les cabines de 1 m² prévues pour
deux détenus en comportaient en réalité quatre, tout en indiquant
que «les détenus ne devraient pas être obligés de rester debout
pendant leur transport faute de place pour s’asseoir». Il a également
constaté qu’en République de Moldova les détenus pouvaient être
transportés jusqu’à une demi-heure par jour dans des espaces de
seulement 1,3 m de hauteur. Le CPT a demandé de mettre fin à l’utilisation de
compartiments de 0,44 m² dans les fourgons servant au transport
des détenus au Luxembourg et de cabines de 0,4 m² dans les fourgons
et les camions employés en Lituanie, en déclarant qu’un «espace
aussi confiné n’est pas adapté à une détention, quelle que soit
la brièveté de sa durée»
.
18. À la suite de ces visites du CPT, certains États membres ont
pris des mesures qui restent cependant bien souvent partiellement
satisfaisantes. Par exemple, à la suite d’une visite effectuée par
le CPT en
2000, les autorités ukrainiennes ont pris des mesures pour
retirer de la circulation les véhicules qui comportaient des compartiments
de 0,5 m² pour les détenus. Mais en
2009, le CPT a constaté que les compartiments individuels des
fourgons cellulaires de la police ne respectaient toujours pas les
normes prévues. À la suite des
visites effectuées
en 2016 par le Sous-comité des Nations Unies pour la prévention
de la torture et le CPT, le Gouvernement ukrainien a pris des mesures
supplémentaires pour veiller à ce que les véhicules utilisés pour le
transport des détenus offrent un niveau satisfaisant de confort
et de sécurité. Un décret ministériel de 2017 a prévu le remplacement
complet des anciens véhicules par des véhicules modernes.
19. Étonnamment, seule l’Allemagne et la Lettonie ont indiqué
disposer d’une réglementation particulière sur l’espace fourni aux
détenus dans les véhicules cellulaires. Outre les constatations
précitées, le CPT a indiqué que «lorsque les véhicules sont équipés
de compartiments sécurisés, il convient de ne pas utiliser de cabines
individuelles de taille inférieure à 0,6 m² pour transporter des
personnes, même sur un court trajet. Les compartiments ou cabines
destinés au transport de plus d’une personne détenue devraient offrir
au moins 0,4 m² par personne, et plus de préférence. Pour les longs
trajets, elles devraient offrir au moins 0,6 m² d’espace personnel».
En outre, «les compartiments devraient offrir une hauteur raisonnable».
Ces indications du CPT devraient donner suffisamment d’éléments
d’orientation aux États membres
.
3.2.5. Accès
aux installations sanitaires, pauses de confort et fourniture d’eau
et de repas
20. La Cour a tenu compte de circonstances
supplémentaires (voir les arrêts rendus contre la Russie:
Idalov, Kavalerov et
Guliyev précités) pour conclure
à la violation de l’article 3, notamment du fait de ne pas satisfaire
à des besoins aussi élémentaires que la fourniture de repas adéquats
ou d’eau, l’accès aux toilettes ou la fourniture d’une tenue adaptée
à la saison (voir, à propos de cette dernière, la prochaine partie).
Les RPE indiquent que «la nourriture doit être préparée et servie
dans des conditions hygiéniques» (RPE 22.3) et que les dispositions
nécessaires doivent être prises pour fournir aux détenus l’eau potable
dont ils ont besoin et, pour les longs voyages et les longues distances,
des repas à des intervalles appropriés
. «Les détenus doivent bénéficier
d’un régime alimentaire tenant compte de leur âge, de leur état
de santé, de leur état physique, de leur religion, de leur culture
et de la nature de leur travail» à tout moment (RPE 22.1). Dans l’affaire
Moisejevs c. Lettonie, le requérant
recevait, les jours où il était conduit au tribunal, un déjeuner
qui était clairement insuffisant pour faire face aux exigences du
bon fonctionnement de son organisme, surtout si l’on considère que
sa présence aux audiences du tribunal lui causait un stress psychologique
supplémentaire; une fois revenu à la prison, il recevait pour tout
dîner un morceau de pain. Au vu de l’ensemble de ces circonstances,
cette situation s’apparentait à un «traitement dégradant»
.
21. Le CPT a recommandé qu’à l’occasion de longs voyages des dispositions
soient prises pour permettre aux détenus d’avoir accès aux installations
sanitaires ou de satisfaire leurs besoins naturels dans des conditions
suffisamment respectueuses de leur intimité, de leur hygiène et
de leur dignité, notamment sous forme d’arrêts réguliers, accompagnés
d’un nombre suffisant d’agents
. En conséquence, lorsque des considérations
de sécurité ou la brièveté des itinéraires ne permettent pas de
faire des pauses de confort, les véhicules devraient être équipés
de toilettes adéquates. En cas de long transfèrement, les détenus
devraient également avoir accès à l’air libre et pouvoir pratiquer
un exercice physique. Le rapport de 2017 d’Amnesty International
indique qu’en Russie les détenus réduisent délibérément leur consommation
d’aliments et d’eau au cours des jours qui précèdent leur transfèrement,
sachant qu’ils n’auront pas accès aux toilettes.
22. Il ressort de l’analyse des réponses au questionnaire que
seuls six pays possèdent des dispositions sur la fourniture de repas
pendant les transfèrements (l’Arménie, l’Autriche, la Géorgie, le
Monténégro, les Pays-Bas, la République Slovaque et l’Ukraine);
la Géorgie et les Pays-Bas sont les seuls à indiquer l’existence
de dispositions relatives à la fourniture d’eau. Rares sont les
pays à avoir réglementé l’organisation de pauses pendant les longs
voyages. Le Royaume-Uni prévoit des pauses de confort appropriées.
Les Pays-Bas n’autorisent pas les pauses, sauf s’il devient véritablement
urgent de fournir un repas et des boissons aux détenus. L’Arménie
et l’Ukraine prévoient des pauses en cas de long transfèrement.
Les dispositions applicables visent souvent davantage à assurer
la sécurité qu’à satisfaire aux besoins élémentaires des personnes
transportées. Le Monténégro et la Belgique, par exemple, exigent
que les pauses soient effectuées près d’un établissement pénal ou
d’un commissariat de police.
3.2.6. Tenue
et propreté individuelle
23. L’inadéquation de la tenue
peut également être considérée comme une atteinte à la dignité des
détenus. La Cour estime que la tenue doit être adaptée à la saison,
tandis que le CPT considère que les détenus doivent avoir la possibilité
de faire leur toilette ou de changer de vêtements avant de se rendre
au tribunal
(Lituanie, 2000). En veillant à ce que les détenus puissent porter
des tenues non carcérales pendant leur transfèrement, les autorités
s’assurent que les détenus soient «exposés aussi peu que possible
à la vue du public et [que] des mesures [soient prises] pour protéger
leur anonymat» (RPE 32.1). Cette précaution est particulièrement pertinente
lorsque les détenus ont une distance à parcourir jusqu’au véhicule
cellulaire ou depuis celui-ci.
24. En outre, selon la règle «Nelson Mandela» no 67,
l’administration pénitentiaire veille à protéger les biens des détenus
de toute perte ou dommage au cours du transfèrement. Compte tenu
de la surpopulation dont il est fait état plus haut dans les transports
pénitentiaires, les autorités doivent être particulièrement attentives
à prévoir un espace pour les bagages des détenus et à éviter que
les détenus soient contraints d’emporter leurs effets personnels
avec eux dans des espaces confinés.
25. Le Code ukrainien d’application des peines prévoit que des
tenues et des chaussures de saison soient fournies aux détenus lors
des transfèrements (article 88). Au Royaume-Uni, l’Inspection des
prisons de Sa Majesté (HMIP) recommande que les détenus n’aient
pas à «porter une tenue pénitentiaire en dehors de la prison, par
exemple pour se présenter au tribunal»
. L’Autriche et Malte possèdent
des dispositions similaires sur la tenue des détenus. De plus, la
Grèce, la Suède et l’Ukraine ont indiqué que les détenus pouvaient emporter
leurs effets personnels pendant leur transfèrement, parfois en imposant
une limite de poids.
3.3. Durée
et fréquence des transfèrements
3.3.1. Durée
des transfèrements
26. Il est essentiel de veiller
à ce que les détenus ne passent pas plus de temps qu’il n’est nécessaire
dans les véhicules qui les transportent
. Dans l’affaire
Andrii Yakovenko c. Ukraine , «eu égard
à la durée totale [d’une période d’environ deux mois] passée dans
des fourgons cellulaires, des trains ou des lieux de transit, dont
deux au moins présentaient des conditions de détention proscrites
par l’article 3», la Cour a estimé que les conditions du transfèrement
du requérant s’apparentaient à un traitement inhumain ou dégradant.
Dans l’affaire
Sayerov c. Russie (voir
plus haut), alors que le voyage lui-même durait uniquement 35 à
40 minutes, le requérant avait dû attendre dans le fourgon pendant
deux heures avant de partir, puis à nouveau à son arrivée. La Cour
a observé en particulier que «les effets négatifs [de l’exiguïté]
des conditions de transport ont dû augmenter à proportion du temps
que le requérant passait à l’intérieur du véhicule»
. Amnesty International
a fait état de transfèrements excessivement longs en Russie; l’un
des exemples donnés, qui s’est produit en 2001, a duré quatre mois
. Deux détenus russes ont récemment
fait l’objet d’un transfèrement de plus d’un mois dans des conditions
inadéquates et dans des espaces bondés, pendant lequel leur famille
et leurs avocats avaient très peu d’informations sur le lieu où
ils se trouvaient. Alors que la distance parcourue aurait pu être
effectuée en 24 heures en train, cette situation a rendu les détenus
extrêmement vulnérables à des traitements inhumains et dégradants
.
27. La législation de certains pays prévoit que les transfèrements
devraient emprunter le plus court trajet disponible (par exemple
la Belgique et le Danemark), sans créer de retards inutiles (par
exemple la Finlande et le Royaume-Uni). Il est par ailleurs fortement
conseillé aux États membres d’investir dans la rénovation ou la
construction de cellules de détention adéquates dans les tribunaux
et les autres installations utilisées pour la détention provisoire
. Dans un rapport publié en 2017,
«Le transport des détenus en Russie: voyage dans l’inconnu» («
Prisoner
Transportation in Russia: Travelling into the Unknown»), Amnesty International recommandait également de limiter
à sept jours la durée maximale du transport des détenus.
3.3.2. Fréquence
des transfèrements
28. Il ressort de certaines affaires
et de certains rapports précités que la fréquence des transfèrements
dans des conditions inadéquates peut également emporter violation
de l’article 3 de la Convention. Le CPT a observé que «le transfèrement
constant des détenus d’un établissement à un autre est perturbant
à la fois pour l’intéressé et pour les autres détenus et le personnel;
en outre, il empêche l’intégration sociale et favorise un sentiment
d’aliénation chez l’individu, qui est susceptible de rendre le détenu
de plus en plus difficile à gérer». Le CPT a également reconnu que
les autorités pouvaient être confrontées à des situations exceptionnelles
de surpopulation et de maintien de l’ordre au sein d’un établissement
pénitentiaire, mais a souligné que les pays devraient «éviter autant
que possible le déracinement inutile des détenus» (
Grèce,
2005). Il ne fait aucun doute que le transfèrement ne devrait
en aucun cas faire office de mesure disciplinaire, de discrimination
ou de sanction déguisée, ni de moyen de punir les membres de la
famille d’un détenu (voir également l’article 97 des Règles européennes
pour les délinquants mineurs). Dans l’affaire
Orchowski
c. Pologne, la Cour a déclaré que «les fréquents transfèrements
d’une personne (…) peuvent poser problème au regard de la Convention
[et peuvent] accroître le sentiment d’angoisse»
.
29. Dans l’affaire
Khudoyorov c. Russie (voir
plus haut)
, le requérant
avait été transféré «pas moins de 200 fois» en quatre ans de sa
prison au tribunal. La Cour a conclu que la fréquence des transfèrements
et l’absence de repas ou d’exercice ces jours-là, ainsi que le manque
d’espace au cours de ces voyages, excédaient le degré minimum de
sévérité au point de s’analyser en une violation de l’article 3.
Dans l’affaire
Bamouhammad c. Belgique,
le requérant avait fait l’objet de 43 transfèrements entre 2006
et 2013 en raison de son «comportement perturbateur». La Cour a
conclu que ces transfèrements étaient dus au préjugé dont le requérant
avait personnellement été la cible, ce qui avait eu des conséquences
extrêmement négatives sur son bien-être psychologique et avait provoqué
et exacerbé son angoisse, sans parvenir à ménager un juste équilibre
entre les impératifs de sécurité et l’obligation d’offrir des conditions
de détention empreintes d’humanité
.
30. Près de la moitié des États membres qui ont répondu au questionnaire
ont indiqué que leur système pénal prévoyait l’appréciation des
motifs du transfèrement des détenus, ainsi que l’établissement d’un
ordre écrit et, le plus souvent, d’un programme personnalisé avant
tout transfèrement. Ces garanties devraient limiter à la fois la
fréquence des transfèrements au strict minimum et les éventuels
abus.
3.4. Exigences
relatives aux considérations personnelles
31. Le transfèrement de certaines
catégories de détenus, notamment les femmes enceintes, les personnes handicapées,
les personnes âgées et les personnes présentant un état de santé
physique ou mentale particulier, peut exiger l’existence de dispositions
particulières. Par exemple, «les autorités doivent également respecter
les besoins des femmes, entre autres aux niveaux physique, professionnel,
social et psychologique, au moment de prendre des décisions affectant
l’un ou l’autre aspect de leur détention» (RPE 34.1) et les femmes
devraient systématiquement être accompagnées par un personnel féminin
lors de leur transfèrement. De même, des dispositions particulières
devraient être prévues pour le transport des jeunes délinquants
et des enfants de détenus (CPT,
Royaume-Uni,
2001 et
2008), notamment en prévoyant qu’ils soient accompagnés de
gardiens spécialement formés. En outre, «les jeunes délinquants
sont séparés des adultes et soumis à un régime approprié à leur
âge et à leur statut légal» (article 10-3 du PIDCP). Lorsqu’il est
envisagé de séparer les enfants des adultes en prison, les RPE recommandent
aux autorités de systématiquement vérifier si la situation est conforme
à l’intérêt supérieur de l’enfant (règle 35.4). À l’occasion du
transfèrement des détenus, les autorités devraient systématiquement
tenir compte des «besoins des détenus appartenant à une minorité ethnique
ou linguistique» (RPE 38.1). La séparation des différentes catégories
de détenus en fonction de leur sexe, de leur âge, de leur casier
judiciaire, du motif légal de leur détention et du traitement dont
ils ont besoin, comme le précise la règle «Nelson Mandela» no 11,
est également applicable à leur transfèrement.
32. Les autorités pénitentiaires sont tenues de «protéger la santé
de tous les détenus dont elles ont la garde» (RPE 39) et de veiller
à ce que les conditions de transport soient adaptées à leur état
de santé (RPE 41)
. Les agents qui ont la charge du
transfèrement des détenus doivent par exemple veiller à ce que les
détenus malades continuent à recevoir les médicaments dont ils ont
besoin et que des articles sanitaires soient fournis, si besoin,
pendant le transfèrement, les véhicules soient convenablement équipés
pour le transport médical (par exemple d’une rampe pour les fauteuils
roulants ou d’un lit médicalisé) des personnes handicapées si besoin
est et les détenus soient accompagnés par un personnel médical si
leur état de santé l’exige
. À l’issue d’une visite
effectuée en
2018 en Grèce, la délégation du CPT a estimé dans une observation
formulée sur-le-champ que les détenus transférés dans un établissement
pour y faire l’objet d’une évaluation psychiatrique devaient être
avant tout transportés par un personnel soignant.
33. Dans l’affaire
Topekhin c. Russie,
le requérant, qui était alité et souffrait de graves problèmes de
dos et de troubles vésicaux, se plaignait notamment des conditions
dans lesquelles s’était déroulé son transfèrement de 300 km vers
une colonie pénitentiaire, dans des wagons ordinaires et des fourgons
cellulaires dépourvus des équipements spécialisés qu’exigeait son
état. Les autorités étaient restées «indifférentes au fait qu’il
se plaignait de violentes douleurs lorsqu’il était étendu sur le
sol rigide du fourgon cellulaire ou lorsqu’il était porté dans une
couverture qui faisait office de brancard». La Cour a conclu que
«les effets cumulés des conditions matérielles du transfèrement
du requérant et de la durée du voyage étaient suffisamment graves
pour s’analyser en un traitement inhumain ou dégradant au sens de
l’article 3»
. Dans l’affaire
Hüseyin Yildirim c. Turquie, la
Cour a estimé que le transport par des gardiens non qualifiés d’un
détenu invalide placé sur le sol d’un véhicule et retenu par les
autres détenus pour qu’il reste stable constituait un traitement
dégradant contraire à l’article 3
. Dans l’affaire
Elefteriadis c. Roumanie, le fait
qu’un détenu souffrant d’une maladie pulmonaire chronique subisse
la fumée de tabac de ses codétenus dans des wagons dépourvus d’aération
a contribué à la violation de l’article 3
.
Amnesty
International a récemment signalé qu’en Russie des détenus «souffrant
de maladies chroniques comme le diabète et l’asthme n’avaient pas
accès aux médicaments dont ils ont besoin pendant leur transfèrement».
34. L’évaluation de la santé physique et mentale et de la pression
psychologique des détenus (RPE 42.3) est essentielle pour déterminer
s’il y a lieu de prendre des dispositions médicales particulières
ou d’isoler certains détenus des autres. Il convient, le cas échéant,
de placer à l’isolement les détenus «suspectés d’être atteints de
maladies infectieuses ou contagieuses» (RPE 42.3-f)
. Dans l’affaire
Kavalerov (voir plus haut), la Cour
a estimé que le transport du requérant en compagnie de détenus souffrant
de tuberculose dans sa forme patente emportait violation de l’article
3 de la Convention. La nécessité d’isoler les détenus souffrant
de maladies devrait être évaluée en fonction des caractéristiques
particulières de la maladie et du détenu concerné: le CPT a indiqué
qu’il n’existait «aucune justification médicale d’une ségrégation
des détenus uniquement motivée par leur séropositivité» (
CPT,
Lituanie, 2004; voir également RPE 42.3-g).
35. Certains États membres (dont la Belgique, la Finlande, la
France, la Géorgie, la Grèce, le Monténégro, les Pays-Bas, la République
Slovaque, la Suède et l’Ukraine) ont déjà indiqué dans leurs cadres
légaux nationaux respectifs qu’il importe de procéder avant un transfèrement
à une évaluation des risques qu’il présente pour la santé du détenu
et de tenir compte de tout autre considération particulière, ce
qui impose parfois d’établir un programme personnalisé pour un détenu.
La Géorgie et l’Ukraine prévoient que les détenus soient accompagnés
si besoin est par un personnel médical. Le Code de procédure pénale
français (
article D292) précise par exemple que l’état de santé du détenu peut
être un motif de report de son transfèrement. Le médiateur suédois
préconise que «le transfèrement de personnes souffrant de toxicomanie devrait
systématiquement être précédé d’une fouille corporelle et d’une
fouille de leurs bagages, sauf si celles-ci s’avèrent à l’évidence
inutiles. Les articles susceptibles d’être préjudiciables à un détenu,
comme les médicaments, devraient être conservés de manière à ce
qu’il ne puisse y avoir accès». Certains États membres (par exemple
l’Estonie, la Géorgie, la Grèce, les Pays-Bas et l’Ukraine) ont
également des dispositions particulières sur la séparation de certaines
catégories de détenus pendant leur transfèrement. En Grèce, le Décret
présidentiel 141/1991 préconise d’éviter le transfèrement d’hommes
et de femmes par la même escorte et, si nécessaire, de faire en
sorte que les femmes soient détenues séparément et accompagnées
par des policières. De même, les mineurs de moins de 17 ans sont
accompagnés par des fonctionnaires de police spécialement formés,
comme le recommande l’Assemblée dans sa
Résolution 2010 (2014) «Une justice pénale des mineurs adaptée aux enfants:
de la rhétorique à la réalité», en appelant les États membres «à
garantir que tous les acteurs chargés de l’administration de la
justice pénale des mineurs reçoivent une formation appropriée afin
d’assurer une mise en œuvre effective des droits de l’enfant dans
ce contexte».
4. Recours
à la force et aux moyens de contention
36. «L’approche générale du bon
ordre» définie par les RPE part de l’idée que celui-ci doit être
maintenu en prenant en compte «les impératifs de sécurité, de sûreté
et de discipline, tout en assurant aux détenus des conditions de
vie qui respectent la dignité humaine» (RPE 49). «Les mesures de
sécurité appliquées aux détenus individuels doivent correspondre
au minimum requis pour assurer la sécurité de leur détention» (RPE 51.1)
et atténuer le risque d’évasion (règle 51) ou le risque qu’ils représentent
pour les autres détenus ou pour eux-mêmes (règle 52)
. Ainsi, il convient en principe
d’éviter les transfèrements de nuit, sauf s’ils s’avèrent absolument
indispensables
.
37. Bien qu’il incombe à l’administration pénitentiaire d’assurer
«la sûreté et la sécurité des détenus, du personnel, des prestataires
de services (…) à tout moment» (règle «Nelson Mandela» no 1),
il importe que les États membres maintiennent un ratio adéquat entre
le personnel et les détenus, qui permette de satisfaire les besoins
des détenus pendant leur transfèrement. D’après le CPT, les détenus
transportés devraient systématiquement être escortés (
Suisse,
1996). Ce précepte vaut également en cas d’externalisation
du transfèrement au profit d’autres administrations publiques ou
entreprises privées
. Pour ce qui est des escortes, il appartient
à l’administration de veiller à ce que la formation des personnes
qui prennent part au traitement des détenus intègre pleinement une
formation et une information sur l’interdiction de la torture et des
traitements inhumains ou dégradants, ainsi que sur les normes internationales
pertinentes en matière de droits de l’homme (RPE 81).
38. La force (RPE 64-67) et les moyens de contrainte (RPE 68)
doivent systématiquement «correspondre au minimum nécessaire et
être impos[és] pour une période aussi courte que possible». Ces
principes valent également pour le transfèrement. En règle générale,
les menottes, camisoles de force et autres entraves ne doivent pas
s’inscrire dans une pratique systématique ni être utilisées, sauf
a) «au besoin, par mesure de précaution contre une évasion pendant
un transfèrement» ou b) «lorsque les autres méthodes de contrôle
ont échoué, afin d’empêcher un détenu de se blesser, de blesser
des tiers ou de provoquer de sérieux dommages matériels» (RPE 68.2;
voir également l’article 91.1 des Règles européennes pour les délinquants
mineurs). Le CPT a recommandé aux États membres de veiller à ce
que le recours à la force et aux moyens de contention se limite
à des exceptions régies de manière rigoureuse, à l’issue de l’appréciation
systématique de critères de proportionnalité et, pour l’utilisation
des moyens de contention, d’une évaluation individuelle des risques pour
tout détenu qui fait l’objet d’un transfèrement
. Le recours aux
moyens de contention est inutile «lorsque les détenus sont enfermés
dans des cabines ou compartiments sécurisés» (
Irlande,
2006) ou dans la plupart des transfèrements vers un hôpital
(
France,
2015). Le CPT a également mis en garde contre le fait de
menotter les détenus les mains dans le dos en l’absence de ceintures
de sécurité, «car cette position peut s’avérer inconfortable pour
le détenu concerné, qui risque d’être blessé en cas d’accident ou
de freinage brusque du véhicule»
. Il importe que le personnel pénitentiaire
soit formé et incité à utiliser des moyens autres que les menottes
et les ceintures de contention pour maîtriser les détenus, comme
les instructions verbales et les techniques de contrôle manuel (
CPT,
Hongrie, 2005).
39. Dans l’affaire
Mouisel c. France,
la Cour «retient l'état de santé du requérant, le fait qu'il s'agit
d'une hospitalisation, l'inconfort du déroulement d'une séance de
chimiothérapie et la faiblesse physique de l'intéressé pour penser
que le port des menottes était disproportionné au regard des nécessités
de la sécurité»
. Dans
des rapports consacrés à la France (visites de
2015 et
1991), le CPT a signalé que certains détenus malades ou en
situation de handicap indiquaient avoir été immobilisés aux mains
et aux jambes pendant leur transfert aux hôpitaux. En 2017,
Amnesty
International a fait savoir qu’en Russie les détenus étaient menottés
même pour se rendre aux toilettes. Ce type de pratique devrait être
interdit par tout moyen et la législation ne devrait en aucun cas
considérer le transport des détenus comme un motif suffisant de
recours aux menottes ou à d’autres mesures de contention.
40. De plus, certains moyens de contention font l’objet d’une
interdiction absolue. Il s’agit des chaînes et fers (EPR 68.1),
des ceintures électriques neutralisantes (CPT,
Hongrie,
2009) ou des dispositifs utilisés pour empêcher les détenus
de voir, par exemple au moyen de lunettes opaques ou déformantes
ou en leur bandant les yeux, pendant leur transport d’un lieu à
un autre. Dans le cadre de ses visites de
2009,
2013 et
2017, le CPT a également critiqué l’utilisation en Belgique
de casques «acoustiques» diffusant de la musique à un niveau sonore
élevé, qui, en même temps que l’utilisation forcée de porter des
lunettes opaques et déformantes, visaient à empêcher certaines catégories
de détenus d’identifier le trajet emprunté, à discuter ou à couvrir
les communications radio pendant le trajet. Ces techniques de désorientation
spatio-temporelle n’étaient pas conformes aux principes applicables
au recours à la force et pouvaient être considérées comme des traitements
inhumains ou dégradants. En outre, en cas de mauvais traitements
commis par le personnel qui les accompagne, les détenus auraient
du mal à identifier les auteurs de ces actes. Il convient d’appeler l’ensemble
des États membres à faire en sorte que de telles pratiques n’existent
pas dans leur pays.
41. Plusieurs pays ont indiqué dans leurs réponses au questionnaire
que les mesures coercitives étaient autorisées lorsqu’elles étaient
absolument nécessaires, notamment l’Arménie, l’Autriche, le Danemark,
la Finlande, la France, la Grèce, la Norvège, le Monténégro, la
Slovénie, la Suède et l’Ukraine. Au Danemark par exemple, le menottage
est uniquement autorisé s’il est à chaque fois jugé spécifiquement
indispensable pour 1) éviter une violence imminente ou surmonter
une résistance violente, 2) prévenir le suicide ou l’automutilation ou
3) prévenir une évasion. En cas de long transfèrement, les autorités
danoises doivent examiner s’il convient d’utiliser des ceintures
de transport munies de menottes au lieu de menottes classiques,
afin que le transfèrement soit le moins inconfortable possible pour
les détenus. Il est par ailleurs prévu que les menottes soient dissimulées
sous la tenue des détenus par souci de discrétion. La législation
impose au personnel de vérifier que les menottes ne soient pas trop
serrées. En Suède, la personne en charge du transport doit faire un
rapport qui mentionne les motifs de la mesure de contention prise,
la nature du moyen de contention utilisé et la durée de la mesure.
L’éventuel examen médical de l’intéressé doit être consigné. Aux
Pays-Bas, en vertu des dispositions qui régissent le recours à la
force dans les établissements pénaux (Geweldsinstructie penitentiaire
inrichtingen), les agents ou employés sont autorisés à recourir
à la force et à des mesures visant à restreindre la liberté des
détenus, comme les menottes et les entraves, sous réserve qu’ils
soient suffisamment compétents pour le faire. En Norvège, la
loi
relative à l’exécution des peines impose aux autorités de recourir aux mesures les moins
intrusives. Si celles-ci s’avèrent inefficaces ou clairement inadaptées,
des mesures plus coercitives peuvent être appliquées. Elle précise
que «le Service correctionnel norvégien vérifie constamment s’il
y a lieu de maintenir cette mesure», afin de garantir que ce traitement
ne blesse ni ne fasse souffrir inutilement les intéressés.
5. Communication
d’informations et contacts avec les avocats, les familles et le
monde extérieur
42. Les détenus doivent être systématiquement
informés par écrit et oralement, dans une langue qu’ils comprennent,
de leurs droits et obligations pendant le transfèrement (RPE 30.1
et 38.3). Ils doivent être informés au préalable des motifs de leur
transfèrement, de la date et de l’heure prévues de ce transfèrement et
du lieu où ils seront conduits
. «Tout détenu
doit avoir le droit d’informer immédiatement sa famille de sa détention
ou de son transfèrement dans un autre établissement (…)» (RPE 24.8);
en outre, «en cas (…) de transfèrement [d’un détenu] dans un hôpital,
les autorités – sauf demande contraire du détenu – doivent informer
immédiatement son conjoint ou son compagnon ou bien, si l’intéressé
est célibataire, le parent le plus proche et toute autre personne
préalablement désignée par le détenu» (RPE 24.9). La communication immédiate
de ces informations est essentielle pour éviter toute situation
excessivement pénible. Lorsque la communication n’est pas immédiate,
par exemple par voie postale, il convient de prévoir un délai suffisant
pour que les familles reçoivent ces informations, avant de procéder
au transfèrement
.
L’obligation positive faite aux autorités pénitentiaires de faciliter
les contacts avec le monde extérieur (RPE 24.5) devrait s’appliquer
au transfèrement. «Toute restriction ou surveillance des communications
nécessaire (…) au maintien du bon ordre, de la sécurité et de la
sûreté (…) – y compris à la suite d’une ordonnance spécifique délivrée
par une autorité judiciaire – doit néanmoins autoriser un niveau
minimal acceptable de contact» (RPE 24.2).
43. Le droit d’informer d’un transfert la famille ou les autres
personnes de contact représente une garantie essentielle contre
la torture et les autres mauvais traitements, le placement à l’isolement
et les disparitions forcées. L’article 2 de la
Convention
internationale pour la protection de toutes les personnes contre
les disparitions forcées définit «la disparition forcée» comme suit: «l'arrestation,
la détention, l'enlèvement ou toute autre forme de privation de
liberté par des agents de l'État ou par des personnes ou des groupes
de personnes qui agissent avec l'autorisation, l'appui ou l'acquiescement
de l'État, suivi du déni de la reconnaissance de la privation de
liberté ou de la dissimulation du sort réservé à la personne disparue
ou du lieu où elle se trouve, la soustrayant à la protection de
la loi»
. Dans
l’affaire
Yrusta c. Argentine,
dans laquelle un détenu avait passé sept jours en transit sans que
sa famille ne reçoive la moindre information sur le lieu où il se
trouvait ni même ne soit informée de son transfèrement, le Comité
des disparitions forcées a conclu à la violation des dispositions
de la Convention précitée relatives à l’interdiction de la détention
en secret, à l’accès des membres de la famille aux informations
sur le lieu de privation de liberté du détenu et au droit à un recours
pour obtenir des informations sur le lieu de privation de liberté.
44. L'emprisonnement loin du lieu de résidence peut s'apparenter
à une violation de l'article 8 de la Convention européenne des droits
de l’homme (droit à la vie familiale); dans l'affaire
Khodorkovsky et Lebedev c. Russie , la Cour
a conclu à une violation parce que les requérants avaient été envoyés
dans des prisons situées à 6 800 km et 4 000 km du lieu de résidence
de leur famille. Le rapport 2017 d’Amnesty International qualifie
l’envoi presque systématique de détenus dans des centres de détention
loin de leur foyer de «culture pénale sans équivalent qui règne
en Russie et associe emprisonnement et exil». Bien que l’article
73 du Code russe d’exécution des peines précise que les détenus
doivent purger leur peine «dans des établissements pénaux situés
dans les limites de l’unité territoriale (…) dans laquelle ils ont
vécu ou ont été condamnés», il prévoit un certain nombre d’exceptions,
notamment lorsque la région concernée ne comporte pas d’établissement
pénal adéquat; pour les femmes et les jeunes, qui sont envoyés à
l’endroit où se trouvent les établissements qui leur sont adaptés;
et pour les détenus condamnés pour des crimes particulièrement graves, qui
purgent leur peine à la discrétion du Service pénitentiaire fédéral.
En conséquence, ces voyages durent souvent un mois ou plus. Le rapport
d’Amnesty indique également que ni les détenus ni leur famille ou
leur avocat n’étaient informés de la destination finale avant le
début du transfèrement; de fait, le Code d’exécution des peines
prévoit que les détenus doivent uniquement être informés dans un
délai de 10 jours après leur arrivée. Dans l’intervalle, ils sont
privés de contact avec le monde extérieur, ce qui peut s’apparenter
à une «disparition forcée» et on imagine à quel point cette pratique
peut désorienter les détenus
.
45. Comme l’explique le commentaire des RPE, «conformément aux
limites définies à l’article 8.2 de la Convention européenne des
droits de l’homme sur l’ingérence d’une autorité publique dans l’exercice
du droit au respect de la vie privée et familiale et de la correspondance,
les restrictions aux communications doivent être réduites au minimum.
(…) Les règles déterminant le recours à des restrictions (…) doivent
être définies clairement, conformément à la loi, comme l’exige l’article
8.2, et ne pas être laissées à la discrétion de l’administration
pénitentiaire (voir
Labita c. Italie)»
.
46. La bonne consignation du transfèrement des détenus représente
une garantie importante contre les disparitions forcées (règle no 7,
Règles «Nelson Mandela»). La
Déclaration
des Nations Unies sur la protection de toutes les personnes contre
les disparitions forcées précise qu’un «registre officiel de toutes les personnes privées
de liberté doit être tenu à jour dans tout lieu de détention. En
outre, tout État doit prendre des mesures pour tenir des registres
centralisés de ce type». Les informations pertinentes qui figurent
sur ces registres sont tenues à la disposition des membres de leur
famille, de leur avocat, de toute autorité judiciaire ou autre autorité nationale
compétente et indépendante, ainsi que de tout organe international
compétent, qui désirent connaître l’endroit où une personne est
détenue (article 10). Citons, en guise de bonne pratique, le «
service de
localisation pénitentiaire» du Royaume-Uni mis à la disposition des familles et
des autres personnes qui recherchent le lieu de détention des détenus
qui ont accepté de faire connaître cette information. Je recommande
la mise à disposition d’un tel service dans les autres États membres.
47. Un tiers des pays qui ont répondu au questionnaire (par exemple
l’Estonie, la Grèce, la Hongrie, la Lituanie, la Norvège, les Pays-Bas,
la Pologne et la Slovénie) ont indiqué qu’il n’existait dans leur
droit interne aucune disposition particulière relative à la communication
aux détenus, à leur avocat ou à leur famille d’informations sur
le transfèrement des détenus. La législation de certains pays laisse
penser qu’il serait possible d’empêcher la communication d’informations
aux détenus avant leur transfèrement (Allemagne, Belgique, France,
Suède), mais il est essentiel que les pays garantissent l’information
des détenus avant tout transfèrement (comme en Albanie, en Autriche,
en Croatie, au Danemark, en Estonie, en Finlande, en Norvège, au
Royaume-Uni et en Suède). Le mécanisme national de prévention du
Royaume-Uni évalue si les femmes, les enfants et les jeunes «comprennent
où ils vont et ce qui les attend à leur arrivée, (…) ont été suffisamment
informés des transfèrements prévus et ont la possibilité d’appeler
au téléphone leur famille, leurs proches et/ou leur avocat (sous
réserve de considérations de sécurité attestées)». La législation
de la majorité des États membres prévoit que les familles ou les
avocats des détenus soient informés avant et après leur transfèrement
sous forme, soit d’une obligation faite aux autorités, soit du droit
de communication reconnu aux détenus. Ce droit de communication
peut être restreint dans certains pays avant le transfèrement (par
exemple en Estonie, en Norvège et en République Slovaque), mais
il est indispensable que la législation garantisse que les familles
des détenus seront informées immédiatement après que ceux-ci seront
arrivés à destination (comme c’est le cas en Albanie, en Allemagne,
en Belgique, au Danemark, en Finlande, et en France). Certains pays
autorisent toutefois l’existence d’un décalage entre l’arrivée du
détenu et la communication des informations: l’Arménie (trois jours),
l’Ukraine (jusqu’à trois jours) et la Géorgie (un jour). En outre,
plus de la moitié des réponses précisent que les détenus ne peuvent
avoir aucun contact avec le monde extérieur pendant leur transfèrement;
ils risquent donc d’être soustraits à l’attention de leur famille
et de leur avocat. Seule la Norvège a indiqué que certains contacts
avec le monde extérieur étaient possibles pendant les transfèrements,
sous certaines conditions.
48. Il est clair que le cadre juridique et la pratique des États
doivent être améliorés dans le domaine de la communication des informations.
Les États membres devraient s’employer à réglementer de manière adéquate
toute restriction imposée à la communication d’informations aux
détenus et à leurs contacts avec leur avocat et leurs proches. Il
importe que ces restrictions ne soient pas sources de souffrances
inutiles et qu’elles ne soient pas laissées à la libre appréciation
de l’administration pénitentiaire.
6. Surveillance
des conditions de transport et du traitement des détenus
49. Les mécanismes de recours représentent
des garanties essentielles contre les traitements inhumains ou dégradants
commis au cours des transfèrements. Les victimes de ces abus devraient
obtenir réparation et jouir d’un droit opposable à une satisfaction
équitable et adéquate (
article
11-16 de la Convention contre la torture; voir aussi l’article 13 de la Convention européenne
des droits de l’homme, droit à un recours effectif). Comme l’explique
le CPT dans son 27e
Rapport général (2018), «le traitement approprié des plaintes déposées
par des personnes privées de liberté, indépendamment de la situation
ou du lieu dans lequel elles sont détenues et du cadre juridique
régissant la privation de liberté, exige le respect de certains
principes élémentaires: la disponibilité, l’accessibilité, la confidentialité/sûreté,
l’effectivité et la traçabilité». La Finlande et le Danemark ont
indiqué que leurs autorités étaient tenues de fournir aux détenus
des informations adéquates sur les mécanismes de recours.
50. Le contrôle indépendant de la manière dont les détenus sont
traités pendant les transfèrements doit être facilité et les rapports
doivent être rendus publics (RPE 93). Dans leurs réponses au questionnaire,
10 pays ont indiqué qu’ils disposaient de mécanismes d’inspection
interne. La plupart des États membres ont de fait mis en place des
mécanismes nationaux de prévention
. Au Royaume-Uni,
l’article
81 de la loi relative à la justice pénale de 1991 prévoit un moyen très intéressant de contrôle des escortes
qui accompagnent les détenus: «un observateur des escortes qui accompagnent
les détenus, c’est-à-dire un fonctionnaire chargé d’examiner les
dispositions prises et d’en faire rapport au secrétaire d’État»
et «un collège d’observateurs non professionnels chargés de vérifier
la conformité des conditions de transport ou de détention des détenus
et d’adresser des recommandations au secrétaire d’État». Toute allégation
relative aux agents qui ont la garde des détenus et toute allégation
d’une infraction disciplinaire commise par les détenus dont la remise
ou la garde est assurée par ces agents doivent faire l’objet d’une
enquête. Le mécanisme national de prévention a établi en 2017 une
liste de critères d’appréciation du traitement et des conditions
de détention dont doivent bénéficier les détenus: «voyager dans
des conditions sûres et convenables, être traités de façon respectueuse et
voir leurs besoins personnels pris en compte
.» Le document équivalent
établi pour les
prisons
de femmes et les
établissements
pour enfants et jeunes énonce des préceptes similaires.
51. Plusieurs organismes nationaux de contrôle sont devenus experts
des questions relatives aux droits humains des détenus pendant leur
transfèrement, grâce à des programmes de recherche interne et à
une coopération avec les experts indépendants concernés, les organisations
non gouvernementales (ONG) et les organismes internationaux de contrôle
compétents. En Suède, par exemple, le médiateur parlementaire a décidé
de consacrer en 2018-2019 une étude sur le transfèrement de détenus,
un sujet de préoccupation régulièrement abordé lors de ses entretiens
avec les détenus et qui coïncide par ailleurs avec une modification de
la législation relative au transport des détenus. Cette démarche
reflète les travaux entrepris par le CPT pour élaborer la fiche
thématique récemment publiée sur le transport des détenus
.
7. Conclusions
et recommandations de politique générale
52. Comme le montrent les éléments
qui précèdent, le problème des conditions inadéquates du transport des
détenus concerne ou a concerné un certain nombre d’États membres
du Conseil de l’Europe. Les normes internationales, y compris la
jurisprudence de la Cour, les normes du Conseil de l’Europe et d’autres
normes encore, comme celles qui figurent dans les Règles pénitentiaires
européennes et dans les recommandations du CPT, sont de plus en
plus précises sur de nombreux aspects importants liés aux conditions
dans lesquelles les détenus peuvent être transportés convenablement,
dans le respect scrupuleux de leur dignité humaine. Des normes essentielles
peuvent être facilement définies au sujet de questions telles que
l’espace qui devrait être mis à la disposition de chaque détenu;
l’éclairage, le chauffage, l’aération et la climatisation; les mesures de
sécurité; la fourniture de repas et d’eau; l’accès aux toilettes;
la possibilité de dormir sans interruption, muni d’un nécessaire
de couchage; la satisfaction particulière des besoins des détenus
malades et handicapés; la prévention du recours à des transfèrements
longs et répétés à titre de sanction; et, enfin, la communication d’informations
aux membres de la famille du détenu ou à d’autres personnes désignées.
Il ressort néanmoins des arrêts de la Cour et des rapports du CPT
que ces normes sont soit insuffisamment connues et comprises, soit
mal appliquées dans un certain nombre d’États membres du Conseil
de l’Europe.
53. Sur la base de cette analyse des normes et de l’évaluation
de la situation factuelle dans les divers États membres du Conseil
de l’Europe, je propose une série de conclusions et recommandations
qui figurent dans les projets de résolution et de recommandation
joints au présent rapport.