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Rapport | Doc. 14828 | 13 février 2019

Protéger les droits de l’homme pendant les transfèrements de détenus

Commission des questions juridiques et des droits de l'homme

Rapporteur : M. Emanuel MALLIA, Malte, SOC

Origine - Renvoi en commission: Doc. 14368, Renvoi 4325 du 13 octobre 2017. 2019 - Commission permanente de mars

Résumé

Les normes internationales relatives aux conditions de transport satisfaisantes des détenus dans le respect de leur santé et dignité humaine, notamment la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, et d’autres normes telles que les Règles pénitentiaires européennes et les recommandations du Comité européen pour la prévention de la torture, sont de plus en plus claires.

Pourtant, la commission des questions juridiques et des droits de l’homme note que ces normes sont, soit insuffisamment connues et comprises, soit mal appliquées dans un certain nombre d’États membres du Conseil de l’Europe.

Ce rapport a pour objectif de rappeler certaines normes essentielles au sujet de questions telles que l’espace qui devrait être mis à la disposition de chaque détenu; l’éclairage, le chauffage, l’aération et la climatisation; les mesures de sécurité; la fourniture de repas, d’eau et de pauses de confort; l’accès aux toilettes; la possibilité de dormir sans interruption, muni d’un nécessaire de couchage; la satisfaction particulière des besoins des détenus selon leur situation, âge et genre; l’utilisation de la force et des moyens de contention; la prévention du recours à des transfèrements longs et répétés à titre de sanction; et, enfin, la communication d’informations aux membres de la famille du détenu ou à d’autres personnes désignées.

A. Projet de résolution 
			(1) 
			Projet
de résolution adopté à l’unanimité par la commission le 21 janvier
2019.

(open)
1. Les détenus figurent parmi les personnes les plus vulnérables aux violations de leurs droits fondamentaux. La Cour européenne des droits de l’homme («la Cour») a souligné que les autorités avaient «l’obligation de protéger» à tout moment les personnes dont elles ont la garde.
2. Les conditions inacceptables de transfèrement des détenus peuvent s’apparenter à des peines ou traitements inhumains ou dégradants contraires à l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme (STE no 5, «la Convention») ou, dans des situations extrêmes, à des disparitions forcées (article 2 de la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées).
3. Les normes internationales relatives aux conditions de transport satisfaisantes des détenus dans le respect de leur dignité humaine, notamment la jurisprudence de la Cour, les Règles pénitentiaires européennes de 2006, l’Ensemble de règles minima des Nations Unies pour le traitement des détenus de 2015 et les rapports du Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT), sont de plus en plus claires. Pourtant, les arrêts de la Cour et les rapports pertinents du CPT, ainsi que les travaux des mécanismes nationaux de prévention et des organisations non gouvernementales, montrent que ces normes sont soit insuffisamment connues et comprises, soit mal appliquées dans un certain nombre d’États membres du Conseil de l’Europe.
4. Afin de garantir que tous les détenus soient protégés contre les traitements inhumains ou dégradants pendant leur transfèrement, l’Assemblée parlementaire invite instamment les États membres du Conseil de l’Europe:
4.1. à mettre leur pratique et leur cadre juridique nationaux en conformité avec les normes internationales en vigueur en matière de transfèrement;
4.2. à éviter tout traitement non conforme aux normes ou discriminatoire des détenus pendant leur transfèrement, en veillant à ce que:
4.2.1. les détenus soient exposés aussi peu que possible à la vue du public et leur anonymat préservé;
4.2.2. des conditions matérielles et de sécurité adéquates soient respectées dans tous les moyens de transport des détenus;
4.2.3. un espace adéquat soit prévu pour le transport des détenus dans des conditions humaines, conformément aux recommandations du CPT;
4.2.4. la satisfaction des besoins élémentaires et l’organisation de pauses de confort soient prévues, si besoin est;
4.2.5. le transfèrement des détenus soit effectué pendant une durée strictement limitée et utilise les plus courts trajets disponibles, en évitant tout retard excessif;
4.2.6. si nécessaire, des cellules adéquates soient mises à la disposition des détenus en transit dans les prisons;
4.2.7. tout transfèrement soit effectué sur la base d’un ordre ou d’une décision émis par une autorité compétente à la suite d’une évaluation et d’un programme complets pour chaque cas individuel;
4.2.8. la santé des détenus soit préservée pendant les transfèrements;
4.2.9. certaines catégories de détenus soient séparées des autres détenus pendant le transport, s’il y a lieu;
4.2.10. une escorte adéquate soit fournie aux détenus, en veillant le cas échéant à la présence de personnel médical, féminin et adapté aux enfants, selon les besoins;
4.3. à veiller à ce que toute restriction imposée aux détenus durant leur transport se limite à ce qui est strictement nécessaire et soit proportionnée au but légitime poursuivi par cette restriction, notamment en garantissant que:
4.3.1. le recours à la force et aux instruments de contention se limite à ce qui est strictement nécessaire, pendant la plus brève durée possible, en assurant une évaluation individuelle des risques pour tout recours aux moyens de contention;
4.3.2. les moyens de contention interdits par les normes du Conseil de l’Europe ou les autres normes internationales, comme les chaînes, les fers et les ceintures électriques neutralisantes, ou les dispositifs utilisés pour empêcher les détenus de voir, ne soient jamais utilisés;
4.4. à veiller à ce que des informations détaillées et actualisées soient consignées sur la localisation de tous les détenus pendant leur transfèrement et soient mises, s’il y a lieu, à la disposition des tiers, notamment en s’assurant:
4.4.1. que tout détenu faisant l’objet d’un transfèrement en soit avisé au préalable et suffisamment informé dans une langue qu’il comprend;
4.4.2. que les détenus soient autorisés à informer immédiatement leur famille de leur transfèrement dans un autre établissement;
4.4.3. qu’un registre officiel actualisé des détenus soit conservé et rendu facilement accessible à toute autorité judiciaire ou autre autorité compétente, et que toutes informations pertinentes issues de ce registre soient mises à la disposition des familles et des avocats, qui souhaitent savoir où se trouvent des détenus;
4.4.4. que les communications avec le monde extérieur qui concernent les transfèrements puissent uniquement faire l’objet des restrictions et du contrôle nécessaires aux exigences de sûreté et de sécurité et que ces restrictions autorisent néanmoins un niveau minimal acceptable de contact;
4.5. à former l’ensemble du personnel des forces de l’ordre, du personnel pénitentiaire ou de tout autre personnel de la justice pénale, ainsi que tout contractant privé chargé du transport des détenus, au respect de la dignité et des droits humains des détenus pendant leur transfèrement;
4.6. à veiller à ce que les conditions de transfèrement des détenus soient soumises au contrôle des mécanismes nationaux de prévention et des autres organes dûment qualifiés et à ce que l’ensemble des détenus aient accès à un recours effectif en cas de violation alléguée de leurs droits pendant les transfèrements;
4.7. à signer et ratifier, s’ils ne l’ont pas encore fait, la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées.

B. Projet de recommandation 
			(2) 
			Projet de recommandation
adopté à l’unanimité par la commission le 21 janvier 2019.

(open)
1. L’Assemblée parlementaire rappelle sa Résolution … (2019) «Protéger les droits de l’homme pendant les transfèrements de détenus».
2. L’Assemblée invite le Comité des Ministres à prendre des mesures concrètes pour renforcer la protection des droits de l'homme lors des transfèrements de prisonniers, notamment en incluant des dispositions détaillées dans son travail concernant la révision des Règles pénitentiaires européennes.

C. Exposé des motifs, par M. Emanuel Mallia, rapporteur

(open)

1. Introduction

1. Comme le fait observer la proposition de recommandation sur laquelle repose le présent rapport, les détenus figurent parmi les personnes les plus vulnérables aux violations de leurs droits fondamentaux 
			(3) 
			Doc. 14368, Renvoi 4325 du 13 octobre 2017. J'ai été nommé rapporteur
le 12 décembre 2017.. La Cour européenne des droits de l’homme («la Cour») a souligné que les autorités avaient «l’obligation de protéger» à tout moment les personnes dont elles ont la garde 
			(4) 
			Enache c. Roumanie, Requête no<a href='http://hudoc.echr.coe.int/eng?i=001-142073'> 10662/06</a>, arrêt du 1er avril 2014.. Il existe un domaine qui doit être amélioré d’urgence: celui des conditions de transfèrement et de transport des détenus, qui peuvent s’apparenter à des peines ou traitements inhumains ou dégradants, comme l’a conclu la Cour dans ses arrêts. Les rapports du Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT), des mécanismes nationaux de prévention (MNP) ou d’autres organes dont les attributions lors de leur visite sur le terrain sont similaires montrent que les détenus risquent fréquemment de faire l’objet de décisions arbitraires et de mauvais traitements lors de leur transfèrement. Ces violations des droits de l’homme des détenus commises par les forces de l’ordre, les agents pénitentiaires ou les autres agents de la justice pénale, ainsi que par les contractants privés, peuvent survenir durant le transport entre des sites nationaux différents (par exemple une autre prison, un commissariat de police, un hôpital ou un tribunal) 
			(5) 
			Le
présent rapport ne porte pas sur les transports effectués par les
services de santé ni sur le transfèrement international des personnes
condamnées..
2. Lors de leur transfèrement, les détenus peuvent se trouver confinés dans des espaces extrêmement réduits à l’intérieur d’un véhicule de transport, qu’ils partagent avec un nombre excessif d’autres détenus, dans des conditions déplorables et peu sûres, parfois pendant des périodes prolongées. Dans certaines situations extrêmes, les détenus se sont trouvés en transit pendant un mois ou plus, privés de contact avec leur famille et leurs avocats. Les périodes plus brèves de placement à l’isolement peuvent elles aussi être constitutives de violations, selon le Comité des disparitions forcées des Nations Unies. Cet isolement des détenus accroît leur vulnérabilité, car ils n’ont aucun accès à un recours effectif pour les violations dont ils sont victimes et peuvent moins compter sur la visite d’organes de suivi. Le présent rapport vise à appeler les États membres à veiller à ce que le transport des détenus s’effectue «toujours (…) en toute sûreté et sécurité et avec humanité» 
			(6) 
			CPT, Fiche thématique
sur le Transport des personnes en détention, <a href='https://rm.coe.int/16808b631e'>CPT/Inf(2018)24</a>, juin 2018..
3. Aux fins du présent rapport, j’ai adressé un questionnaire aux parlements nationaux, qui visait à examiner la situation dans les États membres du Conseil de l’Europe 
			(7) 
			Le questionnaire, adressé
par l’intermédiaire du Centre européen de recherche et de documentation
parlementaires, contenait les questions suivants: 
			(7) 
			1.
Existe-t-il un cadre juridique national régissant spécifiquement
les conditions matérielles dans lesquelles s’effectuent les transfèrements
de détenus d’un lieu de privation de liberté à un autre? Dans l’affirmative,
veuillez fournir des informations sur ses principales dispositions
(en joignant, de préférence, une copie des textes pertinents en
anglais ou en français), ainsi que sur les normes juridiques sur
lesquelles il repose (telles que la Convention européenne des droits
de l’homme et les recommandations du Comité européen pour la prévention
de la torture – ou CPT). 
			(7) 
			2. Comment est réglementée
la question de l’information des avocats ou des membres de la famille
sur les transfèrements de détenus, que ce soit avant ou pendant
l’opération? Les détenus ont-ils la possibilité de prendre contact avec
le monde extérieur pendant les transfèrements? 
			(7) 
			3.
Quelles sont les mesures mises en place au niveau national pour
contrôler les conditions dans lesquelles s’effectuent les transfèrements
de détenus d’un lieu de privation de liberté à un autre? Veuillez
fournir des précisions sur tout rapport ou toute recommandation
publié(e) par des mécanismes nationaux de contrôle, ainsi que sur
toute mesure prise pour y donner suite. 
			(7) 
			4. Les conditions
de transfèrement des détenus dans votre pays ont-elles été critiquées
par des instances du Conseil de l’Europe (notamment la Cour européenne
des droits de l’homme et le CPT) ou d’autres mécanismes internationaux?
Si oui, veuillez fournir les références des documents pertinents
(ou des liens vers ceux-ci) et des informations sur les éventuelles
mesures prises en réponse à ces critiques.. Vingt-huit pays y ont répondu et j’aimerais remercier ces parlements (Andorre, Albanie, Allemagne, Arménie, Autriche, Belgique, Chypre, Croatie, Danemark, Estonie, Finlande, France, Géorgie, Grèce, Hongrie, Lettonie, Lituanie, Luxembourg, Malte, Monténégro, Norvège, Pays-Bas, Pologne, Royaume-Uni, République Slovaque, Slovénie, Suède, Ukraine) de leurs précieux commentaires. La commission des questions juridiques et des droits de l’homme a également procédé, en juin 2018, à l’audition de M. James McManus, expert du CPT et ancien professeur de justice pénale à l’Université calédonienne de Glasgow (Royaume-Uni), et de Mme Heather McGill, chercheur du programme Europe et Asie centrale d’Amnesty International (Londres, Royaume-Uni), que je remercie pour leur contribution.

2. Aperçu général des normes internationales

2.1. La Convention européenne des droits de l’homme et les autres normes internationales générales des droits de l’homme

4. La principale norme internationale qui règle les conditions de détention des détenus durant leur transfèrement est celle de l’interdiction des peines ou traitements inhumains ou dégradants, consacrée à l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme (STE no 5, «la Convention»). La Cour a conclu à la violation de l’article 3 dans un certain nombre d’arrêts qui illustrent les différents problèmes susceptibles de se poser à l’occasion du transfèrement des détenus. Plusieurs de ces affaires portent sur une série de circonstances qui constituent, individuellement ou cumulativement, des violations de l’article 3, que nous examinerons plus en détail ultérieurement.
5. Tous les États membres du Conseil de l’Europe ont également ratifié la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants et le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP). Ces deux instruments visent à protéger toute personne contre la torture et les traitements inhumains et à veiller à ce que les personnes détenues soient traitées avec humanité et dignité.

2.2. Les sources des normes internationales particulières applicables à la situation des détenus et des autres personnes privées de liberté

6. Les Règles pénitentiaires européennes (RPE), adoptées par le Comité des Ministres dans sa Recommandation Rec(2006)2, comportent diverses dispositions directement pertinentes pour le présent rapport. La Recommandation Rec(2008)11 du Comité des Ministres sur les Règles européennes pour les délinquants mineurs faisant l’objet de sanctions ou de mesures est également applicable en la matière. Les États membres sont tous Parties à la Convention européenne pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (STE no 126), qui a établi le CPT, lequel a fréquemment formulé des recommandations spécifiques pour remédier à ces problèmes 
			(8) 
			CPT/Inf(208)24, op. cit..
7. L’Ensemble de règles minima des Nations Unies pour le traitement des détenus (les «Règles Nelson Mandela») de 2015 comporte diverses dispositions relatives au transport des détenus, qui sont très similaires aux Règles pénitentiaires européennes. Les autres normes des Nations Unies restent valables, y compris l’Ensemble de principes pour la protection de toutes les personnes soumises à une forme quelconque de détention ou d'emprisonnement, adopté par l’Assemblée générale des Nations Unies en 1988, et les Principes fondamentaux relatifs au traitement des détenus de 1990. Par souci de vigilance à l’égard de la situation particulière des enfants, des jeunes et des femmes privés de liberté, les Règles des Nations Unies concernant le traitement des détenues et l’imposition de mesures non privatives de liberté aux délinquantes (les «Règles de Bangkok») de 2011 et l’Ensemble de règles minima des Nations Unies concernant l'administration de la justice pour mineurs (les «Règles de Beijing») de 1985 énoncent des principes généraux applicables à tout moment. En outre, le Code de conduite pour les responsables de l’application des lois de 1979 énonce que les responsables de l’application des lois doivent, dans l’accomplissement de leur devoir, «protéger les droits fondamentaux de toute personne» (article 2), et en particulier «prendre immédiatement des mesures pour que des soins médicaux leur soient dispensés chaque fois que cela s'impose» (article 6).

3. Garantir des conditions de transfèrement adéquates, sûres et humaines

3.1. Remarques générales

8. S’il s’agit de permettre aux détenus «de mener une vie responsable et exempte de crime» (RPE 102.1), les autorités nationales, et notamment l’administration pénitentiaire et tous les agents immédiatement concernés par le traitement des détenus, doivent s’assurer que «le régime des détenus condamnés ne doit pas aggraver les souffrances inhérentes à l’emprisonnement» (RPE 102.2). L’État a l’obligation positive de veiller à ce que la dignité, la santé et le bien-être des détenus soient convenablement assurés pendant leur emprisonnement 
			(9) 
			Kudla
c. Pologne, Requête no<a href='http://hudoc.echr.coe.int/eng?i=001-173388'> 55477/10</a>, arrêt du 4 mai 2017.. Les détenus doivent bénéficier de conditions de vie qui respectent la dignité humaine (RPE 49), notamment lors de leur transfèrement en dehors des installations pénitentiaires. Les conditions matérielles et de sécurité de leur transport sont considérées comme des éléments essentiels à la dignité des détenus (RPE 32.2 et article 99.2 des Règles européennes pour les délinquants mineurs). La fréquence et la durée du transport ont également un impact direct sur le niveau de stress des détenus. Les autres conditions relatives à la situation personnelle des détenus doivent être attentivement prises en compte; une évaluation régulière et complète au cas par cas est en effet essentielle pour tenir compte de considérations personnelles, ce qui est indispensable pour protéger les détenus de toute pression excessive.
9. Une grande majorité de pays (21) ont indiqué que leur cadre législatif ou administratif national comportait des dispositions légales et réglementaires sur le transfèrement des détenus, tandis que trois pays seulement (la Slovénie, la Hongrie et la Pologne) ont précisé qu’ils n’en avaient aucune. La situation des pays européens reste toutefois inégale, puisque seul un tiers d’entre eux a donné quelques précisions sur les exigences matérielles des transfèrements.

3.2. Les conditions matérielles et de sécurité essentielles

3.2.1. Protection contre l’exposition à la vue du public et anonymat

10. Les RPE indiquent, en particulier pour le transfèrement, qu’au «cours de leur transfert vers une prison, ainsi que vers d’autres endroits tels que le tribunal ou l’hôpital, les détenus doivent être exposes aussi peu que possible à la vue du public et les autorités doivent prendre des mesures pour protéger leur anonymat» (RPE 32.1). Les Règles européennes pour les délinquants mineurs exigent également que le respect de l’anonymat et de la vie privée des mineurs soit assuré lors de leur transfèrement (article 99.3). D’après les réponses données au questionnaire, cet aspect du transfèrement est pris en compte par exemple par l’Autriche, la Belgique, la Finlande, la France, la Lettonie et Malte.

3.2.2. Adéquation des véhicules

11. La Cour a indiqué dans plusieurs affaires que l’inadéquation des conditions matérielles du transport des détenus constituait une violation de l’article 3. Parmi les conditions reprochées figuraient, par exemple dans l’affaire Kavalerov et autres c. Russie, le transport dans des compartiments dépourvus de fenêtres, d’entrée d’air frais, de lumière naturelle ou d’aération; le nombre insuffisant de places de couchage; l’absence de nécessaire de couchage ou de draps et un air chargé de fumée de tabac. Dans l’affaire Guliyev c. Russie, la Cour s’est appuyée sur diverses circonstances à propos d’un transfèrement de 65 heures, au cours duquel le requérant était resté seul dans un compartiment de 2 m². Toutes les deux heures, il avait été contrôlé et contraint de changer de position; son sommeil avait été troublé davantage encore par le fait que le compartiment était constamment éclairé. La Cour a estimé que, «compte tenu de l’effet préjudiciable cumulé que ces conditions de transport ont dû avoir sur le requérant, en particulier la durée du voyage, l’espace confiné, la privation de sommeil, l’alimentation insuffisante et éventuellement l’aération et l’éclairage insuffisants, (…) ces conditions (…) s’apparentent à un traitement inhumain au sens de l’article 3» 
			(10) 
			Requête no<a href='http://hudoc.echr.coe.int/eng?i=001-87045'> 24650/02</a>, arrêt du 19 juin 2008..
12. Les RPE précisent que «le transport des détenus dans des véhicules mal aérés ou mal éclairés ou bien dans des conditions leur imposant une souffrance physique ou une humiliation évitables doit être interdit» (RPE 32.2). Le CPT a souvent fait état de constatations négatives 
			(11) 
			Rapports du CPT sur
les visites effectuées en <a href='http://hudoc.cpt.coe.int/eng?i=p-aze-20021124-en-40'>Azerbaïdjan
(2002), en Azerbaïdjan (2006)</a>, en <a href='http://hudoc.cpt.coe.int/eng?i=p-irl-20061002-en-26'>Irlande
(2006)</a>, en <a href='http://hudoc.cpt.coe.int/eng?i=p-rom-20060608-fr-40'>Roumanie
(2006)</a>, en <a href='http://hudoc.cpt.coe.int/eng?i=p-grc-20050829-en-48'>Grèce
(2005)</a>, en <a href='http://hudoc.cpt.coe.int/eng?i=p-esp-20030722-en-13'>Espagne
(2003)</a>, en <a href='http://hudoc.cpt.coe.int/eng?i=p-ukr-20000910-en-36'>Ukraine
(2000)</a>, en <a href='http://hudoc.cpt.coe.int/eng?i=p-ukr-19980208-en-41'>Ukraine
(1998)</a> et en <a href='http://hudoc.cpt.coe.int/eng?i=p-bgr-19950326-en-37'>Bulgarie
(1995)</a>. au sujet des conditions matérielles des véhicules cellulaires et a adressé des conseils pertinents aux États membres concernés. Il a par exemple rappelé que «les véhicules de transport devraient être équipés de moyens de repos adéquats (comme des bancs ou sièges appropriés)». Il a ajouté qu’en cas de «transport de nuit par train, les compartiments devaient être équipés de lits ou de couchettes et, pendant le voyage, des matelas et des draps ou couvertures devaient être fournis aux détenus». Des normes minimales d’hygiène doivent également être respectées, ce qui signifie, par exemple, que les toilettes des véhicules, navires ou trains doivent être propres. Ces recommandations ont entraîné une amélioration des pratiques nationales, comme le nettoyage des véhicules cellulaires, l’abandon de l’utilisation de véhicules cellulaires inadaptés et/ou l’acquisition de nouveaux véhicules 
			(12) 
			<a href='https://rm.coe.int/16808b631e'>CPT/Inf(2018)24</a>, op. cit., et
le rapport du CPT sur sa visite en <a href='http://hudoc.cpt.coe.int/eng?i=p-svn-20120131-en-21'>Slovénie
(2012). Voir également le Rapport annuel 2016</a> du médiateur slovène des droits de l'homme (en anglais)..

3.2.3. Exigences en matière de sécurité

13. Les véhicules qui transportent des détenus peuvent rapidement devenir «meurtriers», selon les propres termes du CPT (Lituanie, 2000), en cas d’accident ou d’urgence, dès lors qu’ils ne respectent pas les normes pertinentes en matière de sécurité. C’est le cas en l’absence de ceintures de sécurité 
			(13) 
			Rapports du CPT sur
les visites effectuées en <a href='http://hudoc.cpt.coe.int/eng?i=p-ltu-20000214-en-38'>Lituanie
(2000)</a>, au <a href='http://hudoc.cpt.coe.int/eng?i=p-gbr-20120917-en-39'>Royaume-Uni
(2012)</a>, en <a href='http://hudoc.cpt.coe.int/eng?i=p-grc-20130404-en-49'>Grèce
(2013)</a> et à <a href='http://hudoc.cpt.coe.int/eng?i=p-mlt-20150903-en-11'>Malte (2015)</a>., d’interphone qui fonctionne (CPT, Slovénie, 2001), de dispositif d’extinction des incendies et de systèmes d’évacuation d’urgence, comme les portes des cabines/compartiments sécurisés équipées d’un mécanisme permettant de les déverrouiller automatiquement et/ou rapidement en cas d’urgence 
			(14) 
			Rapport du CPT sur
sa visite en <a href='http://hudoc.cpt.coe.int/eng?i=p-ltu-20000214-en-37'>Lituanie
(2000)</a>; OSCE/BIDDH et Penal Reform International, <a href='https://www.penalreform.org/resource/guidance-document-on-the-nelson-mandela-rules/'>Guidance
on the Nelson Mandela Rules</a>, 2018, p. 40.. Le CPT a par exemple ajouté à propos d’une traversée en bateau effectuée à Malte que «les détenus ne devraient pas rester à l’intérieur du fourgon si leur présence est contraire aux consignes de sécurité des autorités de transport maritime» et que le fourgon utilisé pour le transfèrement des détenus de la prison de Gozo au tribunal situé sur l’île principale devait être remplacé, considérant qu’il était «sale et dangereux», uniquement équipé d’une banquette en bois et dépourvu de ceintures de sécurité 
			(15) 
			Rapport du CPT sur
sa visite à <a href='http://hudoc.cpt.coe.int/eng?i=p-mlt-20150903-en-11'>Malte
(2015)</a>.. Le CPT s’est par ailleurs montré critique à l’égard du transport des détenus en Écosse dans des véhicules dépourvus de ceintures de sécurité et dans lesquels les détenus ne pouvaient pas communiquer avec les gardiens qui les accompagnaient, ce qui pouvait être dangereux en cas d’urgence (Royaume-Uni, 2012).
14. Il est indispensable que le cadre juridique et la pratique assurent, d’une part, le respect des dispositions applicables en matière de sécurité routière et, d’autre part, l’équipement de tous les véhicules cellulaires et, le cas échéant, des autres moyens de transport, de ceintures de sécurité et le port de ces ceintures par les détenus à tout moment. Cela permettrait également de garantir la délimitation d’espaces individuels, ce qui limiterait les risques de surpopulation.

3.2.4. Espace et taux d’occupation

15. La surpopulation peut être extrêmement préoccupante pour la sécurité; outre ce qu’elle affirmait dans l’arrêt Kavalerov précité, la Cour considère que le manque d’espace peut à lui seul constituer un facteur déterminant pour établir une violation de l’article 3 de la Convention. En l’espèce, le requérant avait fait l’objet de multiples transfèrements dans un compartiment individuel de 0,3 m² 
			(16) 
			Voir également Sayerov c. Russie, Requête no 33071/12,
arrêt du 7 février 2017, qui concernait notamment une cellule individuelle
de 0,25 m².. Dans l’affaire Khudoyorov c. Russie, les transfèrements avaient été effectués dans le compartiment «individuel» d’un mètre carré d’un fourgon, que se partageaient deux occupants qui s’asseyaient à tour de rôle sur les genoux l’un de l’autre pendant un déplacement dont la durée pouvait aller jusqu’à une heure. La Cour a fait observer que «ce mode de transport est inadmissible, quelle que soit sa durée» 
			(17) 
			Requête no<a href='https://hudoc.echr.coe.int/eng'> 6847/02</a>, arrêt du 12 avril 2006.. Dans l’affaire Idalov c. Russie, le requérant avait été transféré dans des fourgons dont les compartiments de 11,28 m² étaient occupés par 36 détenus et les compartiments de 8,93 m² par 25 détenus. Il n’était donc pas concevable pour la Cour que de telles conditions offrent des places assises et un espace suffisant pour que ce transport se déroule humainement; cette situation s’apparentait à un traitement inhumain et dégradant contraire à l’article 3 
			(18) 
			Requête no<a href='https://hudoc.echr.coe.int/eng'> 5826/03</a>, arrêt du 22 mai 2012..
16. De nombreux rapports du CPT ont soulevé les problèmes liés à la dimension et au taux d’occupation des véhicules utilisés pour le transport des détenus, notamment les rapports qui suivent. Le CPT a appelé les autorités lituaniennes «à diminuer fortement et d’urgence» les taux d’occupation des wagons utilisés pour le transport des détenus, qui comptaient jusqu’à 16 détenus dans des compartiments de 3,5 m² et six détenus dans des compartiments de 2 m² (Lituanie, 2000). Le CPT a également appelé les autorités ukrainiennes à remédier à la surpopulation des wagons utilisés pour le transport des détenus (Ukraine, 2000). Amnesty International a signalé qu’en Russie la surpopulation était aggravée par le fait que les détenus devaient emporter avec eux leurs effets personnels pendant les transfèrements et qu’aucun espace n’était prévu dans les trains pour les bagages 
			(19) 
			Voir également Vasilyev c. Russie, <a href='http://hudoc.echr.coe.int/eng?i=001-162159'>Requête
n° 56201/13</a>, arrêt du 22 mars 2016..
17. Par ailleurs, le CPT a fréquemment appelé les États à réduire le nombre de détenus transportés en camions, bus et fourgons cellulaires. Il a par exemple signalé qu’en Azerbaïdjan les camions transportaient habituellement jusqu’à 30 personnes réparties dans deux cabines de 3 m² et que les véhicules cellulaires roumains étaient parfois occupés par 40 à 50 détenus, alors qu’ils étaient en réalité prévus pour le transport de 24 à 30 personnes. Il a également critiqué la surpopulation des véhicules cellulaires grecs, dont les cabines de 1 m² prévues pour deux détenus en comportaient en réalité quatre, tout en indiquant que «les détenus ne devraient pas être obligés de rester debout pendant leur transport faute de place pour s’asseoir». Il a également constaté qu’en République de Moldova les détenus pouvaient être transportés jusqu’à une demi-heure par jour dans des espaces de seulement 1,3 m de hauteur. Le CPT a demandé de mettre fin à l’utilisation de compartiments de 0,44 m² dans les fourgons servant au transport des détenus au Luxembourg et de cabines de 0,4 m² dans les fourgons et les camions employés en Lituanie, en déclarant qu’un «espace aussi confiné n’est pas adapté à une détention, quelle que soit la brièveté de sa durée» 
			(20) 
			Rapports
du CPT consacrés aux visites effectuées en <a href='http://hudoc.cpt.coe.int/eng?i=p-aze-20021124-en-40'>Azerbaïdjan
(2002)</a>, en <a href='http://hudoc.cpt.coe.int/eng?i=p-aze-20061120-en-12'>Azerbaïdjan
(2006</a>), en <a href='http://hudoc.cpt.coe.int/eng?i=p-rom-20060608-fr-40'>Roumanie (2006),
en Grèce (2005),</a> en <a href='http://hudoc.cpt.coe.int/eng?i=p-grc-20130404-en-49'>Grèce
(2013), en République de Moldova (2007), en Lituanie (2000), en
Lituanie (2004) </a>et en <a href='http://hudoc.cpt.coe.int/eng?i=p-ltu-20080420-en-11'>Lituanie
(2008).</a>.
18. À la suite de ces visites du CPT, certains États membres ont pris des mesures qui restent cependant bien souvent partiellement satisfaisantes. Par exemple, à la suite d’une visite effectuée par le CPT en 2000, les autorités ukrainiennes ont pris des mesures pour retirer de la circulation les véhicules qui comportaient des compartiments de 0,5 m² pour les détenus. Mais en 2009, le CPT a constaté que les compartiments individuels des fourgons cellulaires de la police ne respectaient toujours pas les normes prévues. À la suite des visites effectuées en 2016 par le Sous-comité des Nations Unies pour la prévention de la torture et le CPT, le Gouvernement ukrainien a pris des mesures supplémentaires pour veiller à ce que les véhicules utilisés pour le transport des détenus offrent un niveau satisfaisant de confort et de sécurité. Un décret ministériel de 2017 a prévu le remplacement complet des anciens véhicules par des véhicules modernes.
19. Étonnamment, seule l’Allemagne et la Lettonie ont indiqué disposer d’une réglementation particulière sur l’espace fourni aux détenus dans les véhicules cellulaires. Outre les constatations précitées, le CPT a indiqué que «lorsque les véhicules sont équipés de compartiments sécurisés, il convient de ne pas utiliser de cabines individuelles de taille inférieure à 0,6 m² pour transporter des personnes, même sur un court trajet. Les compartiments ou cabines destinés au transport de plus d’une personne détenue devraient offrir au moins 0,4 m² par personne, et plus de préférence. Pour les longs trajets, elles devraient offrir au moins 0,6 m² d’espace personnel». En outre, «les compartiments devraient offrir une hauteur raisonnable». Ces indications du CPT devraient donner suffisamment d’éléments d’orientation aux États membres 
			(21) 
			<a href='https://rm.coe.int/16808b631e'>CPT/Inf(2018)24</a>, op. cit..

3.2.5. Accès aux installations sanitaires, pauses de confort et fourniture d’eau et de repas

20. La Cour a tenu compte de circonstances supplémentaires (voir les arrêts rendus contre la Russie: Idalov, Kavalerov et Guliyev précités) pour conclure à la violation de l’article 3, notamment du fait de ne pas satisfaire à des besoins aussi élémentaires que la fourniture de repas adéquats ou d’eau, l’accès aux toilettes ou la fourniture d’une tenue adaptée à la saison (voir, à propos de cette dernière, la prochaine partie). Les RPE indiquent que «la nourriture doit être préparée et servie dans des conditions hygiéniques» (RPE 22.3) et que les dispositions nécessaires doivent être prises pour fournir aux détenus l’eau potable dont ils ont besoin et, pour les longs voyages et les longues distances, des repas à des intervalles appropriés 
			(22) 
			Rapports du CPT sur
les visites effectuées en <a href='http://hudoc.cpt.coe.int/eng?i=p-grc-20130404-en-49'>Grèce
(2013)</a> et en <a href='http://hudoc.cpt.coe.int/eng?i=p-ukr-20000910-en-36'>Ukraine
(2000)</a>, ainsi que le rapport <a href='http://www.ajbh.hu/documents/14315/2809072/496-K%C3%B6zponti_Fogda-summary-EN.pdf/7d9200a1-f7fb-74c3-f4d6-1ab3070411e7'>2017
Follow-up visit to the Central Holding Facility of the Budapest
Metropolitan Police by the Hungarian National Commissioner for Fundamental
Rights</a>.. «Les détenus doivent bénéficier d’un régime alimentaire tenant compte de leur âge, de leur état de santé, de leur état physique, de leur religion, de leur culture et de la nature de leur travail» à tout moment (RPE 22.1). Dans l’affaire Moisejevs c. Lettonie, le requérant recevait, les jours où il était conduit au tribunal, un déjeuner qui était clairement insuffisant pour faire face aux exigences du bon fonctionnement de son organisme, surtout si l’on considère que sa présence aux audiences du tribunal lui causait un stress psychologique supplémentaire; une fois revenu à la prison, il recevait pour tout dîner un morceau de pain. Au vu de l’ensemble de ces circonstances, cette situation s’apparentait à un «traitement dégradant» 
			(23) 
			<a href='http://hudoc.echr.coe.int/eng?i=001-75832'>Requête n°
64846/01</a>, arrêt du 15 juin 2006..
21. Le CPT a recommandé qu’à l’occasion de longs voyages des dispositions soient prises pour permettre aux détenus d’avoir accès aux installations sanitaires ou de satisfaire leurs besoins naturels dans des conditions suffisamment respectueuses de leur intimité, de leur hygiène et de leur dignité, notamment sous forme d’arrêts réguliers, accompagnés d’un nombre suffisant d’agents 
			(24) 
			Rapports du CPT sur
les visites effectuées en <a href='http://hudoc.cpt.coe.int/eng?i=p-grc-20130404-en-49'>Grèce
(2013)</a> et en <a href='http://hudoc.cpt.coe.int/eng?i=p-irl-20140916-en-30'>Irlande
(2014)</a>.. En conséquence, lorsque des considérations de sécurité ou la brièveté des itinéraires ne permettent pas de faire des pauses de confort, les véhicules devraient être équipés de toilettes adéquates. En cas de long transfèrement, les détenus devraient également avoir accès à l’air libre et pouvoir pratiquer un exercice physique. Le rapport de 2017 d’Amnesty International indique qu’en Russie les détenus réduisent délibérément leur consommation d’aliments et d’eau au cours des jours qui précèdent leur transfèrement, sachant qu’ils n’auront pas accès aux toilettes.
22. Il ressort de l’analyse des réponses au questionnaire que seuls six pays possèdent des dispositions sur la fourniture de repas pendant les transfèrements (l’Arménie, l’Autriche, la Géorgie, le Monténégro, les Pays-Bas, la République Slovaque et l’Ukraine); la Géorgie et les Pays-Bas sont les seuls à indiquer l’existence de dispositions relatives à la fourniture d’eau. Rares sont les pays à avoir réglementé l’organisation de pauses pendant les longs voyages. Le Royaume-Uni prévoit des pauses de confort appropriées. Les Pays-Bas n’autorisent pas les pauses, sauf s’il devient véritablement urgent de fournir un repas et des boissons aux détenus. L’Arménie et l’Ukraine prévoient des pauses en cas de long transfèrement. Les dispositions applicables visent souvent davantage à assurer la sécurité qu’à satisfaire aux besoins élémentaires des personnes transportées. Le Monténégro et la Belgique, par exemple, exigent que les pauses soient effectuées près d’un établissement pénal ou d’un commissariat de police.

3.2.6. Tenue et propreté individuelle

23. L’inadéquation de la tenue peut également être considérée comme une atteinte à la dignité des détenus. La Cour estime que la tenue doit être adaptée à la saison, tandis que le CPT considère que les détenus doivent avoir la possibilité de faire leur toilette ou de changer de vêtements avant de se rendre au tribunal (Lituanie, 2000). En veillant à ce que les détenus puissent porter des tenues non carcérales pendant leur transfèrement, les autorités s’assurent que les détenus soient «exposés aussi peu que possible à la vue du public et [que] des mesures [soient prises] pour protéger leur anonymat» (RPE 32.1). Cette précaution est particulièrement pertinente lorsque les détenus ont une distance à parcourir jusqu’au véhicule cellulaire ou depuis celui-ci.
24. En outre, selon la règle «Nelson Mandela» no 67, l’administration pénitentiaire veille à protéger les biens des détenus de toute perte ou dommage au cours du transfèrement. Compte tenu de la surpopulation dont il est fait état plus haut dans les transports pénitentiaires, les autorités doivent être particulièrement attentives à prévoir un espace pour les bagages des détenus et à éviter que les détenus soient contraints d’emporter leurs effets personnels avec eux dans des espaces confinés.
25. Le Code ukrainien d’application des peines prévoit que des tenues et des chaussures de saison soient fournies aux détenus lors des transfèrements (article 88). Au Royaume-Uni, l’Inspection des prisons de Sa Majesté (HMIP) recommande que les détenus n’aient pas à «porter une tenue pénitentiaire en dehors de la prison, par exemple pour se présenter au tribunal» 
			(25) 
			HMIP, <a href='https://www.justiceinspectorates.gov.uk/hmiprisons/wp-content/uploads/sites/4/2014/02/final-womens-expectation_web-09-14-2.pdf'>Expectations</a>, Criteria for assessing the treatment of and conditions
for women in prison.. L’Autriche et Malte possèdent des dispositions similaires sur la tenue des détenus. De plus, la Grèce, la Suède et l’Ukraine ont indiqué que les détenus pouvaient emporter leurs effets personnels pendant leur transfèrement, parfois en imposant une limite de poids.

3.3. Durée et fréquence des transfèrements

3.3.1. Durée des transfèrements

26. Il est essentiel de veiller à ce que les détenus ne passent pas plus de temps qu’il n’est nécessaire dans les véhicules qui les transportent 
			(26) 
			OSCE/BIDDH et Penal
Reform International, <a href='https://www.penalreform.org/resource/guidance-document-on-the-nelson-mandela-rules/'>Guidance
on the Nelson Mandela Rules</a>, 2018, p. 40.. Dans l’affaire Andrii Yakovenko c. Ukraine 
			(27) 
			<a href='http://hudoc.echr.coe.int/eng?i=001-141632'>Requête n°
63727/11</a>, arrêt du 13 juin 2014., «eu égard à la durée totale [d’une période d’environ deux mois] passée dans des fourgons cellulaires, des trains ou des lieux de transit, dont deux au moins présentaient des conditions de détention proscrites par l’article 3», la Cour a estimé que les conditions du transfèrement du requérant s’apparentaient à un traitement inhumain ou dégradant. Dans l’affaire Sayerov c. Russie (voir plus haut), alors que le voyage lui-même durait uniquement 35 à 40 minutes, le requérant avait dû attendre dans le fourgon pendant deux heures avant de partir, puis à nouveau à son arrivée. La Cour a observé en particulier que «les effets négatifs [de l’exiguïté] des conditions de transport ont dû augmenter à proportion du temps que le requérant passait à l’intérieur du véhicule» 
			(28) 
			Voir également Yaroshovets et autres c. Ukraine,
Requête no<a href='http://hudoc.echr.coe.int/eng?i=001-158961'>74820/10</a>, arrêt du 3 mars 2016.. Amnesty International a fait état de transfèrements excessivement longs en Russie; l’un des exemples donnés, qui s’est produit en 2001, a duré quatre mois 
			(29) 
			Amnesty International, <a href='https://www.amnesty.org.uk/files/2017-10/Russia report.pdf?aRwaXLzFIsqGMAn.E6739PIKjV6U8r00'>Prisoner
Transportation in Russia: Travelling into the Unknown, 2017, p.
26.</a>. Deux détenus russes ont récemment fait l’objet d’un transfèrement de plus d’un mois dans des conditions inadéquates et dans des espaces bondés, pendant lequel leur famille et leurs avocats avaient très peu d’informations sur le lieu où ils se trouvaient. Alors que la distance parcourue aurait pu être effectuée en 24 heures en train, cette situation a rendu les détenus extrêmement vulnérables à des traitements inhumains et dégradants 
			(30) 
			Voir l'appel à une <a href='https://www.amnesty.org/download/Documents/EUR4689002018FRENCH.pdf'>action
urgente</a> d’Amnesty International, 3 août 2018. Les détenus auraient
été transférés à un lieu inconnu le 20 juillet 2018 et seraient
arrivés à destination le 22 août 2018..
27. La législation de certains pays prévoit que les transfèrements devraient emprunter le plus court trajet disponible (par exemple la Belgique et le Danemark), sans créer de retards inutiles (par exemple la Finlande et le Royaume-Uni). Il est par ailleurs fortement conseillé aux États membres d’investir dans la rénovation ou la construction de cellules de détention adéquates dans les tribunaux et les autres installations utilisées pour la détention provisoire 
			(31) 
			Voir par exemple la
réponse du Gouvernement irlandais au CPT, <a href='https://rm.coe.int/1680696c9b'>CPT/Inf(2015)39.</a>. Dans un rapport publié en 2017, «Le transport des détenus en Russie: voyage dans l’inconnu» («Prisoner Transportation in Russia: Travelling into the Unknown»), Amnesty International recommandait également de limiter à sept jours la durée maximale du transport des détenus.

3.3.2. Fréquence des transfèrements

28. Il ressort de certaines affaires et de certains rapports précités que la fréquence des transfèrements dans des conditions inadéquates peut également emporter violation de l’article 3 de la Convention. Le CPT a observé que «le transfèrement constant des détenus d’un établissement à un autre est perturbant à la fois pour l’intéressé et pour les autres détenus et le personnel; en outre, il empêche l’intégration sociale et favorise un sentiment d’aliénation chez l’individu, qui est susceptible de rendre le détenu de plus en plus difficile à gérer». Le CPT a également reconnu que les autorités pouvaient être confrontées à des situations exceptionnelles de surpopulation et de maintien de l’ordre au sein d’un établissement pénitentiaire, mais a souligné que les pays devraient «éviter autant que possible le déracinement inutile des détenus» (Grèce, 2005). Il ne fait aucun doute que le transfèrement ne devrait en aucun cas faire office de mesure disciplinaire, de discrimination ou de sanction déguisée, ni de moyen de punir les membres de la famille d’un détenu (voir également l’article 97 des Règles européennes pour les délinquants mineurs). Dans l’affaire Orchowski c. Pologne, la Cour a déclaré que «les fréquents transfèrements d’une personne (…) peuvent poser problème au regard de la Convention [et peuvent] accroître le sentiment d’angoisse» 
			(32) 
			Requête no<a href='http://hudoc.echr.coe.int/eng?i=001-95314'> 17885/04</a>, arrêt du 22 octobre 2009. Voir également Khider c. France, Requête no<a href='http://hudoc.echr.coe.int/eng?i=001-93514'> 39364/05</a>, arrêt du 9 juillet 2009..
29. Dans l’affaire Khudoyorov c. Russie (voir plus haut) 
			(33) 
			Voir
également Yakovenko c. Ukraine,
Requête <a href='http://hudoc.echr.coe.int/eng?i=001-82987'>n° 15825/06</a>, arrêt du 25 janvier 2008., le requérant avait été transféré «pas moins de 200 fois» en quatre ans de sa prison au tribunal. La Cour a conclu que la fréquence des transfèrements et l’absence de repas ou d’exercice ces jours-là, ainsi que le manque d’espace au cours de ces voyages, excédaient le degré minimum de sévérité au point de s’analyser en une violation de l’article 3. Dans l’affaire Bamouhammad c. Belgique, le requérant avait fait l’objet de 43 transfèrements entre 2006 et 2013 en raison de son «comportement perturbateur». La Cour a conclu que ces transfèrements étaient dus au préjugé dont le requérant avait personnellement été la cible, ce qui avait eu des conséquences extrêmement négatives sur son bien-être psychologique et avait provoqué et exacerbé son angoisse, sans parvenir à ménager un juste équilibre entre les impératifs de sécurité et l’obligation d’offrir des conditions de détention empreintes d’humanité 
			(34) 
			Requête no <a href='http://hudoc.echr.coe.int/eng?i=001-158969'>47687/13</a>, arrêt du 17 février 2016. Dans son <a href='http://oipbelgique.be/fr/wp-content/uploads/2017/01/Notice-2016.pdf'>rapport
de 2016</a>, l’Observatoire International des prisons de Belgique
fait remarquer que les transfèrements sont «parfois décidés à titre
de sanction». Voir également le rapport du CPT sur sa visite en <a href='http://hudoc.cpt.coe.int/eng?i=p-irl-20140916-en-41'>Irlande
(2014)</a>..
30. Près de la moitié des États membres qui ont répondu au questionnaire ont indiqué que leur système pénal prévoyait l’appréciation des motifs du transfèrement des détenus, ainsi que l’établissement d’un ordre écrit et, le plus souvent, d’un programme personnalisé avant tout transfèrement. Ces garanties devraient limiter à la fois la fréquence des transfèrements au strict minimum et les éventuels abus.

3.4. Exigences relatives aux considérations personnelles

31. Le transfèrement de certaines catégories de détenus, notamment les femmes enceintes, les personnes handicapées, les personnes âgées et les personnes présentant un état de santé physique ou mentale particulier, peut exiger l’existence de dispositions particulières. Par exemple, «les autorités doivent également respecter les besoins des femmes, entre autres aux niveaux physique, professionnel, social et psychologique, au moment de prendre des décisions affectant l’un ou l’autre aspect de leur détention» (RPE 34.1) et les femmes devraient systématiquement être accompagnées par un personnel féminin lors de leur transfèrement. De même, des dispositions particulières devraient être prévues pour le transport des jeunes délinquants et des enfants de détenus (CPT, Royaume-Uni, 2001 et 2008), notamment en prévoyant qu’ils soient accompagnés de gardiens spécialement formés. En outre, «les jeunes délinquants sont séparés des adultes et soumis à un régime approprié à leur âge et à leur statut légal» (article 10-3 du PIDCP). Lorsqu’il est envisagé de séparer les enfants des adultes en prison, les RPE recommandent aux autorités de systématiquement vérifier si la situation est conforme à l’intérêt supérieur de l’enfant (règle 35.4). À l’occasion du transfèrement des détenus, les autorités devraient systématiquement tenir compte des «besoins des détenus appartenant à une minorité ethnique ou linguistique» (RPE 38.1). La séparation des différentes catégories de détenus en fonction de leur sexe, de leur âge, de leur casier judiciaire, du motif légal de leur détention et du traitement dont ils ont besoin, comme le précise la règle «Nelson Mandela» no 11, est également applicable à leur transfèrement.
32. Les autorités pénitentiaires sont tenues de «protéger la santé de tous les détenus dont elles ont la garde» (RPE 39) et de veiller à ce que les conditions de transport soient adaptées à leur état de santé (RPE 41) 
			(35) 
			Le
CPT a également indiqué que les moyens de transport utilisés pour
le transfèrement vers des hôpitaux devraient tenir compte de l'état
de santé des détenus (<a href='http://hudoc.cpt.coe.int/eng?i=p-esp-19910401-en-37'>Espagne,
1991</a>).. Les agents qui ont la charge du transfèrement des détenus doivent par exemple veiller à ce que les détenus malades continuent à recevoir les médicaments dont ils ont besoin et que des articles sanitaires soient fournis, si besoin, pendant le transfèrement, les véhicules soient convenablement équipés pour le transport médical (par exemple d’une rampe pour les fauteuils roulants ou d’un lit médicalisé) des personnes handicapées si besoin est et les détenus soient accompagnés par un personnel médical si leur état de santé l’exige 
			(36) 
			OSCE/BIDDH
et Penal Reform International, <a href='https://www.penalreform.org/resource/guidance-document-on-the-nelson-mandela-rules/'>Guidance
on the Nelson Mandela Rules</a>, 2018, p. 40.. À l’issue d’une visite effectuée en 2018 en Grèce, la délégation du CPT a estimé dans une observation formulée sur-le-champ que les détenus transférés dans un établissement pour y faire l’objet d’une évaluation psychiatrique devaient être avant tout transportés par un personnel soignant.
33. Dans l’affaire Topekhin c. Russie, le requérant, qui était alité et souffrait de graves problèmes de dos et de troubles vésicaux, se plaignait notamment des conditions dans lesquelles s’était déroulé son transfèrement de 300 km vers une colonie pénitentiaire, dans des wagons ordinaires et des fourgons cellulaires dépourvus des équipements spécialisés qu’exigeait son état. Les autorités étaient restées «indifférentes au fait qu’il se plaignait de violentes douleurs lorsqu’il était étendu sur le sol rigide du fourgon cellulaire ou lorsqu’il était porté dans une couverture qui faisait office de brancard». La Cour a conclu que «les effets cumulés des conditions matérielles du transfèrement du requérant et de la durée du voyage étaient suffisamment graves pour s’analyser en un traitement inhumain ou dégradant au sens de l’article 3» 
			(37) 
			Requête
no<a href='https://hudoc.echr.coe.int/eng'> 78774/13</a>, arrêt du 10 mai 2016.. Dans l’affaire Hüseyin Yildirim c. Turquie, la Cour a estimé que le transport par des gardiens non qualifiés d’un détenu invalide placé sur le sol d’un véhicule et retenu par les autres détenus pour qu’il reste stable constituait un traitement dégradant contraire à l’article 3 
			(38) 
			Requête no<a href='https://hudoc.echr.coe.int/eng'> 2778/02</a>, arrêt du 3 mai 2007.. Dans l’affaire Elefteriadis c. Roumanie, le fait qu’un détenu souffrant d’une maladie pulmonaire chronique subisse la fumée de tabac de ses codétenus dans des wagons dépourvus d’aération a contribué à la violation de l’article 3 
			(39) 
			Requête no<a href='http://hudoc.echr.coe.int/eng?i=001-103007'> 38427/05,</a> arrêt du 25 janvier 2011.. Amnesty International a récemment signalé qu’en Russie des détenus «souffrant de maladies chroniques comme le diabète et l’asthme n’avaient pas accès aux médicaments dont ils ont besoin pendant leur transfèrement».
34. L’évaluation de la santé physique et mentale et de la pression psychologique des détenus (RPE 42.3) est essentielle pour déterminer s’il y a lieu de prendre des dispositions médicales particulières ou d’isoler certains détenus des autres. Il convient, le cas échéant, de placer à l’isolement les détenus «suspectés d’être atteints de maladies infectieuses ou contagieuses» (RPE 42.3-f) 
			(40) 
			La Belgique et la Géorgie
ont par exemple pris des dispositions pour le transfèrement des
détenus contagieux.. Dans l’affaire Kavalerov (voir plus haut), la Cour a estimé que le transport du requérant en compagnie de détenus souffrant de tuberculose dans sa forme patente emportait violation de l’article 3 de la Convention. La nécessité d’isoler les détenus souffrant de maladies devrait être évaluée en fonction des caractéristiques particulières de la maladie et du détenu concerné: le CPT a indiqué qu’il n’existait «aucune justification médicale d’une ségrégation des détenus uniquement motivée par leur séropositivité» (CPT, Lituanie, 2004; voir également RPE 42.3-g).
35. Certains États membres (dont la Belgique, la Finlande, la France, la Géorgie, la Grèce, le Monténégro, les Pays-Bas, la République Slovaque, la Suède et l’Ukraine) ont déjà indiqué dans leurs cadres légaux nationaux respectifs qu’il importe de procéder avant un transfèrement à une évaluation des risques qu’il présente pour la santé du détenu et de tenir compte de tout autre considération particulière, ce qui impose parfois d’établir un programme personnalisé pour un détenu. La Géorgie et l’Ukraine prévoient que les détenus soient accompagnés si besoin est par un personnel médical. Le Code de procédure pénale français (article D292) précise par exemple que l’état de santé du détenu peut être un motif de report de son transfèrement. Le médiateur suédois préconise que «le transfèrement de personnes souffrant de toxicomanie devrait systématiquement être précédé d’une fouille corporelle et d’une fouille de leurs bagages, sauf si celles-ci s’avèrent à l’évidence inutiles. Les articles susceptibles d’être préjudiciables à un détenu, comme les médicaments, devraient être conservés de manière à ce qu’il ne puisse y avoir accès». Certains États membres (par exemple l’Estonie, la Géorgie, la Grèce, les Pays-Bas et l’Ukraine) ont également des dispositions particulières sur la séparation de certaines catégories de détenus pendant leur transfèrement. En Grèce, le Décret présidentiel 141/1991 préconise d’éviter le transfèrement d’hommes et de femmes par la même escorte et, si nécessaire, de faire en sorte que les femmes soient détenues séparément et accompagnées par des policières. De même, les mineurs de moins de 17 ans sont accompagnés par des fonctionnaires de police spécialement formés, comme le recommande l’Assemblée dans sa Résolution 2010 (2014) «Une justice pénale des mineurs adaptée aux enfants: de la rhétorique à la réalité», en appelant les États membres «à garantir que tous les acteurs chargés de l’administration de la justice pénale des mineurs reçoivent une formation appropriée afin d’assurer une mise en œuvre effective des droits de l’enfant dans ce contexte».

4. Recours à la force et aux moyens de contention

36. «L’approche générale du bon ordre» définie par les RPE part de l’idée que celui-ci doit être maintenu en prenant en compte «les impératifs de sécurité, de sûreté et de discipline, tout en assurant aux détenus des conditions de vie qui respectent la dignité humaine» (RPE 49). «Les mesures de sécurité appliquées aux détenus individuels doivent correspondre au minimum requis pour assurer la sécurité de leur détention» (RPE 51.1) et atténuer le risque d’évasion (règle 51) ou le risque qu’ils représentent pour les autres détenus ou pour eux-mêmes (règle 52) 
			(41) 
			Voir également le rapport
du CPT suite à sa visite en <a href='http://hudoc.cpt.coe.int/eng?i=p-ltu-20040217-en-13'>Lituanie
(2004)</a>.. Ainsi, il convient en principe d’éviter les transfèrements de nuit, sauf s’ils s’avèrent absolument indispensables 
			(42) 
			OSCE/BIDDH
et Penal Reform International, <a href='https://www.penalreform.org/resource/guidance-document-on-the-nelson-mandela-rules/'>Guidance
on the Nelson Mandela Rules</a>, 2018, p. 39..
37. Bien qu’il incombe à l’administration pénitentiaire d’assurer «la sûreté et la sécurité des détenus, du personnel, des prestataires de services (…) à tout moment» (règle «Nelson Mandela» no 1), il importe que les États membres maintiennent un ratio adéquat entre le personnel et les détenus, qui permette de satisfaire les besoins des détenus pendant leur transfèrement. D’après le CPT, les détenus transportés devraient systématiquement être escortés (Suisse, 1996). Ce précepte vaut également en cas d’externalisation du transfèrement au profit d’autres administrations publiques ou entreprises privées 
			(43) 
			<a href='https://www.unglobalcompact.org/library/2'>Principes
directeurs relatifs aux entreprises et aux droits de l'homme</a>: mise en œuvre du cadre de référence «protéger, respecter
et réparer» des Nations Unies, Nations Unies 2011, Principes 1 et
5.. Pour ce qui est des escortes, il appartient à l’administration de veiller à ce que la formation des personnes qui prennent part au traitement des détenus intègre pleinement une formation et une information sur l’interdiction de la torture et des traitements inhumains ou dégradants, ainsi que sur les normes internationales pertinentes en matière de droits de l’homme (RPE 81).
38. La force (RPE 64-67) et les moyens de contrainte (RPE 68) doivent systématiquement «correspondre au minimum nécessaire et être impos[és] pour une période aussi courte que possible». Ces principes valent également pour le transfèrement. En règle générale, les menottes, camisoles de force et autres entraves ne doivent pas s’inscrire dans une pratique systématique ni être utilisées, sauf a) «au besoin, par mesure de précaution contre une évasion pendant un transfèrement» ou b) «lorsque les autres méthodes de contrôle ont échoué, afin d’empêcher un détenu de se blesser, de blesser des tiers ou de provoquer de sérieux dommages matériels» (RPE 68.2; voir également l’article 91.1 des Règles européennes pour les délinquants mineurs). Le CPT a recommandé aux États membres de veiller à ce que le recours à la force et aux moyens de contention se limite à des exceptions régies de manière rigoureuse, à l’issue de l’appréciation systématique de critères de proportionnalité et, pour l’utilisation des moyens de contention, d’une évaluation individuelle des risques pour tout détenu qui fait l’objet d’un transfèrement 
			(44) 
			Voir par exemple les
rapports du CPT consacrés aux visites effectuées en Irlande <a href='http://hudoc.cpt.coe.int/eng?i=p-irl-20061002-en-26'>(2006</a> et <a href='http://hudoc.cpt.coe.int/eng?i=p-irl-20140916-en-30'>2014),
au Royaume-Uni (2016), en Hongrie (2009), en Serbie (2015) et en
Slovénie (2012). </a>En Slovénie par exemple, d'après les informations communiquées
dans le cadre d'un questionnaire adressé en 2014 aux parlements
à l'initiative du Parlement néerlandais, les mesures d'immobilisation
nécessaires doivent désormais être ordonnées et motivées par un
haut responsable pénitentiaire, en fonction de l'évaluation des
risques faite au cas par cas.. Le recours aux moyens de contention est inutile «lorsque les détenus sont enfermés dans des cabines ou compartiments sécurisés» (Irlande, 2006) ou dans la plupart des transfèrements vers un hôpital (France, 2015). Le CPT a également mis en garde contre le fait de menotter les détenus les mains dans le dos en l’absence de ceintures de sécurité, «car cette position peut s’avérer inconfortable pour le détenu concerné, qui risque d’être blessé en cas d’accident ou de freinage brusque du véhicule» 
			(45) 
			Voir par exemple les
rapports du CPT consacrés aux visites effectuées en <a href='http://hudoc.cpt.coe.int/eng?i=p-and-20111128-fr-15'>Andorre
(2011) et en Slovénie (2001).</a>. Il importe que le personnel pénitentiaire soit formé et incité à utiliser des moyens autres que les menottes et les ceintures de contention pour maîtriser les détenus, comme les instructions verbales et les techniques de contrôle manuel (CPT, Hongrie, 2005).
39. Dans l’affaire Mouisel c. France, la Cour «retient l'état de santé du requérant, le fait qu'il s'agit d'une hospitalisation, l'inconfort du déroulement d'une séance de chimiothérapie et la faiblesse physique de l'intéressé pour penser que le port des menottes était disproportionné au regard des nécessités de la sécurité» 
			(46) 
			Requête
no<a href='http://hudoc.echr.coe.int/eng?i=001-65289'> 67263/01</a>, arrêt du 14 novembre 2002.. Dans des rapports consacrés à la France (visites de 2015 et 1991), le CPT a signalé que certains détenus malades ou en situation de handicap indiquaient avoir été immobilisés aux mains et aux jambes pendant leur transfert aux hôpitaux. En 2017, Amnesty International a fait savoir qu’en Russie les détenus étaient menottés même pour se rendre aux toilettes. Ce type de pratique devrait être interdit par tout moyen et la législation ne devrait en aucun cas considérer le transport des détenus comme un motif suffisant de recours aux menottes ou à d’autres mesures de contention.
40. De plus, certains moyens de contention font l’objet d’une interdiction absolue. Il s’agit des chaînes et fers (EPR 68.1), des ceintures électriques neutralisantes (CPT, Hongrie, 2009) ou des dispositifs utilisés pour empêcher les détenus de voir, par exemple au moyen de lunettes opaques ou déformantes ou en leur bandant les yeux, pendant leur transport d’un lieu à un autre. Dans le cadre de ses visites de 2009, 2013 et 2017, le CPT a également critiqué l’utilisation en Belgique de casques «acoustiques» diffusant de la musique à un niveau sonore élevé, qui, en même temps que l’utilisation forcée de porter des lunettes opaques et déformantes, visaient à empêcher certaines catégories de détenus d’identifier le trajet emprunté, à discuter ou à couvrir les communications radio pendant le trajet. Ces techniques de désorientation spatio-temporelle n’étaient pas conformes aux principes applicables au recours à la force et pouvaient être considérées comme des traitements inhumains ou dégradants. En outre, en cas de mauvais traitements commis par le personnel qui les accompagne, les détenus auraient du mal à identifier les auteurs de ces actes. Il convient d’appeler l’ensemble des États membres à faire en sorte que de telles pratiques n’existent pas dans leur pays.
41. Plusieurs pays ont indiqué dans leurs réponses au questionnaire que les mesures coercitives étaient autorisées lorsqu’elles étaient absolument nécessaires, notamment l’Arménie, l’Autriche, le Danemark, la Finlande, la France, la Grèce, la Norvège, le Monténégro, la Slovénie, la Suède et l’Ukraine. Au Danemark par exemple, le menottage est uniquement autorisé s’il est à chaque fois jugé spécifiquement indispensable pour 1) éviter une violence imminente ou surmonter une résistance violente, 2) prévenir le suicide ou l’automutilation ou 3) prévenir une évasion. En cas de long transfèrement, les autorités danoises doivent examiner s’il convient d’utiliser des ceintures de transport munies de menottes au lieu de menottes classiques, afin que le transfèrement soit le moins inconfortable possible pour les détenus. Il est par ailleurs prévu que les menottes soient dissimulées sous la tenue des détenus par souci de discrétion. La législation impose au personnel de vérifier que les menottes ne soient pas trop serrées. En Suède, la personne en charge du transport doit faire un rapport qui mentionne les motifs de la mesure de contention prise, la nature du moyen de contention utilisé et la durée de la mesure. L’éventuel examen médical de l’intéressé doit être consigné. Aux Pays-Bas, en vertu des dispositions qui régissent le recours à la force dans les établissements pénaux (Geweldsinstructie penitentiaire inrichtingen), les agents ou employés sont autorisés à recourir à la force et à des mesures visant à restreindre la liberté des détenus, comme les menottes et les entraves, sous réserve qu’ils soient suffisamment compétents pour le faire. En Norvège, la loi relative à l’exécution des peines impose aux autorités de recourir aux mesures les moins intrusives. Si celles-ci s’avèrent inefficaces ou clairement inadaptées, des mesures plus coercitives peuvent être appliquées. Elle précise que «le Service correctionnel norvégien vérifie constamment s’il y a lieu de maintenir cette mesure», afin de garantir que ce traitement ne blesse ni ne fasse souffrir inutilement les intéressés.

5. Communication d’informations et contacts avec les avocats, les familles et le monde extérieur

42. Les détenus doivent être systématiquement informés par écrit et oralement, dans une langue qu’ils comprennent, de leurs droits et obligations pendant le transfèrement (RPE 30.1 et 38.3). Ils doivent être informés au préalable des motifs de leur transfèrement, de la date et de l’heure prévues de ce transfèrement et du lieu où ils seront conduits 
			(47) 
			Voir également OSCE/BIDDH
et Penal Reform International, <a href='https://www.penalreform.org/resource/guidance-document-on-the-nelson-mandela-rules/'>Guidance
on the Nelson Mandela Rules</a>, 2018, paragraphe 185.. «Tout détenu doit avoir le droit d’informer immédiatement sa famille de sa détention ou de son transfèrement dans un autre établissement (…)» (RPE 24.8); en outre, «en cas (…) de transfèrement [d’un détenu] dans un hôpital, les autorités – sauf demande contraire du détenu – doivent informer immédiatement son conjoint ou son compagnon ou bien, si l’intéressé est célibataire, le parent le plus proche et toute autre personne préalablement désignée par le détenu» (RPE 24.9). La communication immédiate de ces informations est essentielle pour éviter toute situation excessivement pénible. Lorsque la communication n’est pas immédiate, par exemple par voie postale, il convient de prévoir un délai suffisant pour que les familles reçoivent ces informations, avant de procéder au transfèrement 
			(48) 
			Ibid., paragraphe 135.. L’obligation positive faite aux autorités pénitentiaires de faciliter les contacts avec le monde extérieur (RPE 24.5) devrait s’appliquer au transfèrement. «Toute restriction ou surveillance des communications nécessaire (…) au maintien du bon ordre, de la sécurité et de la sûreté (…) – y compris à la suite d’une ordonnance spécifique délivrée par une autorité judiciaire – doit néanmoins autoriser un niveau minimal acceptable de contact» (RPE 24.2).
43. Le droit d’informer d’un transfert la famille ou les autres personnes de contact représente une garantie essentielle contre la torture et les autres mauvais traitements, le placement à l’isolement et les disparitions forcées. L’article 2 de la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées définit «la disparition forcée» comme suit: «l'arrestation, la détention, l'enlèvement ou toute autre forme de privation de liberté par des agents de l'État ou par des personnes ou des groupes de personnes qui agissent avec l'autorisation, l'appui ou l'acquiescement de l'État, suivi du déni de la reconnaissance de la privation de liberté ou de la dissimulation du sort réservé à la personne disparue ou du lieu où elle se trouve, la soustrayant à la protection de la loi» 
			(49) 
			<a href='https://treaties.un.org/doc/source/docs/A_RES_61_177-E.pdf'>A/RES/61/177</a>, 20 décembre 2016. Cette convention a été ratifiée par
21 États membres du Conseil de l'Europe et signée, mais pas ratifiée,
par 19 autres, dont la plupart il y a plus de 10 ans. Aucune mesure
n'a été prise par Andorre, l'Estonie, la Hongrie, la Lettonie, la
Fédération de Russie, Saint-Marin et le Royaume-Uni.. Dans l’affaire Yrusta c. Argentine, dans laquelle un détenu avait passé sept jours en transit sans que sa famille ne reçoive la moindre information sur le lieu où il se trouvait ni même ne soit informée de son transfèrement, le Comité des disparitions forcées a conclu à la violation des dispositions de la Convention précitée relatives à l’interdiction de la détention en secret, à l’accès des membres de la famille aux informations sur le lieu de privation de liberté du détenu et au droit à un recours pour obtenir des informations sur le lieu de privation de liberté. 
			(50) 
			Yrusta
c. Argentine, Comité des disparitions forcées, Nations
Unies, Communication no<a href='https://www.google.co.uk/url?sa=t&rct=j&q=&esrc=s&source=web&cd=1&ved=2ahUKEwiOs6eRppXgAhWP1uAKHWT8Cw0QFjAAegQICRAC&url=http%3A%2F%2Fdocstore.ohchr.org%2FSelfServices%2FFilesHandler.ashx%3Fenc%3D6QkG1d%252FPPRiCAqhKb7yhsgFpfPDT1bqP5PIMmbQ6bSIUhcQJHC97pEpRtM0YBstUOR9W5Z4SIfXBesxPmEOY3vLp94NEQ3NEhM5EEow6QJkXkVhF9iiS3BttCUORQCfh&usg=AOvVaw0vVEsuILNlZVZThVfc5hNq'> 1/2013</a>, paragraphe 10.4.
44. L'emprisonnement loin du lieu de résidence peut s'apparenter à une violation de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme (droit à la vie familiale); dans l'affaire Khodorkovsky et Lebedev c. Russie 
			(51) 
			Requêtes nos<a href='http://hudoc.echr.coe.int/eng?i=001-122697'> 11082/06
et 13772/05</a>, arrêts du 25 juillet 2013., la Cour a conclu à une violation parce que les requérants avaient été envoyés dans des prisons situées à 6 800 km et 4 000 km du lieu de résidence de leur famille. Le rapport 2017 d’Amnesty International qualifie l’envoi presque systématique de détenus dans des centres de détention loin de leur foyer de «culture pénale sans équivalent qui règne en Russie et associe emprisonnement et exil». Bien que l’article 73 du Code russe d’exécution des peines précise que les détenus doivent purger leur peine «dans des établissements pénaux situés dans les limites de l’unité territoriale (…) dans laquelle ils ont vécu ou ont été condamnés», il prévoit un certain nombre d’exceptions, notamment lorsque la région concernée ne comporte pas d’établissement pénal adéquat; pour les femmes et les jeunes, qui sont envoyés à l’endroit où se trouvent les établissements qui leur sont adaptés; et pour les détenus condamnés pour des crimes particulièrement graves, qui purgent leur peine à la discrétion du Service pénitentiaire fédéral. En conséquence, ces voyages durent souvent un mois ou plus. Le rapport d’Amnesty indique également que ni les détenus ni leur famille ou leur avocat n’étaient informés de la destination finale avant le début du transfèrement; de fait, le Code d’exécution des peines prévoit que les détenus doivent uniquement être informés dans un délai de 10 jours après leur arrivée. Dans l’intervalle, ils sont privés de contact avec le monde extérieur, ce qui peut s’apparenter à une «disparition forcée» et on imagine à quel point cette pratique peut désorienter les détenus 
			(52) 
			Voir
le cas d’Ildar Dadin décrit dans le rapport d’Amnesty, <a href='https://www.amnesty.org.uk/files/2017-10/Russia report.pdf?aRwaXLzFIsqGMAn.E6739PIKjV6U8r00'>Prisoner
Transportation in Russia: Travelling into the Unknown, 2017, </a>p. 25..
45. Comme l’explique le commentaire des RPE, «conformément aux limites définies à l’article 8.2 de la Convention européenne des droits de l’homme sur l’ingérence d’une autorité publique dans l’exercice du droit au respect de la vie privée et familiale et de la correspondance, les restrictions aux communications doivent être réduites au minimum. (…) Les règles déterminant le recours à des restrictions (…) doivent être définies clairement, conformément à la loi, comme l’exige l’article 8.2, et ne pas être laissées à la discrétion de l’administration pénitentiaire (voir Labita c. Italie)» 
			(53) 
			Requête no<a href='http://hudoc.echr.coe.int/eng?i=001-63300'> 26772/95</a>, arrêt du 6 avril 2000; <a href='https://rm.coe.int/16806ab9b6'>Commentaire</a> de la Recommandation Rec(2006)2 du Comité des Ministres
aux États membres sur les Règles pénitentiaires européennes, p.
56. Voir aussi les standards du CPT sur les contacts des détenus
avec le monde extérieur (par exemple la section sur la détention
provisoire dans le <a href='https://rm.coe.int/168070af86'>26ème rapport général
du CPT</a>, paragraphes 59-63)..
46. La bonne consignation du transfèrement des détenus représente une garantie importante contre les disparitions forcées (règle no 7, Règles «Nelson Mandela»). La Déclaration des Nations Unies sur la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées précise qu’un «registre officiel de toutes les personnes privées de liberté doit être tenu à jour dans tout lieu de détention. En outre, tout État doit prendre des mesures pour tenir des registres centralisés de ce type». Les informations pertinentes qui figurent sur ces registres sont tenues à la disposition des membres de leur famille, de leur avocat, de toute autorité judiciaire ou autre autorité nationale compétente et indépendante, ainsi que de tout organe international compétent, qui désirent connaître l’endroit où une personne est détenue (article 10). Citons, en guise de bonne pratique, le «service de localisation pénitentiaire» du Royaume-Uni mis à la disposition des familles et des autres personnes qui recherchent le lieu de détention des détenus qui ont accepté de faire connaître cette information. Je recommande la mise à disposition d’un tel service dans les autres États membres.
47. Un tiers des pays qui ont répondu au questionnaire (par exemple l’Estonie, la Grèce, la Hongrie, la Lituanie, la Norvège, les Pays-Bas, la Pologne et la Slovénie) ont indiqué qu’il n’existait dans leur droit interne aucune disposition particulière relative à la communication aux détenus, à leur avocat ou à leur famille d’informations sur le transfèrement des détenus. La législation de certains pays laisse penser qu’il serait possible d’empêcher la communication d’informations aux détenus avant leur transfèrement (Allemagne, Belgique, France, Suède), mais il est essentiel que les pays garantissent l’information des détenus avant tout transfèrement (comme en Albanie, en Autriche, en Croatie, au Danemark, en Estonie, en Finlande, en Norvège, au Royaume-Uni et en Suède). Le mécanisme national de prévention du Royaume-Uni évalue si les femmes, les enfants et les jeunes «comprennent où ils vont et ce qui les attend à leur arrivée, (…) ont été suffisamment informés des transfèrements prévus et ont la possibilité d’appeler au téléphone leur famille, leurs proches et/ou leur avocat (sous réserve de considérations de sécurité attestées)». La législation de la majorité des États membres prévoit que les familles ou les avocats des détenus soient informés avant et après leur transfèrement sous forme, soit d’une obligation faite aux autorités, soit du droit de communication reconnu aux détenus. Ce droit de communication peut être restreint dans certains pays avant le transfèrement (par exemple en Estonie, en Norvège et en République Slovaque), mais il est indispensable que la législation garantisse que les familles des détenus seront informées immédiatement après que ceux-ci seront arrivés à destination (comme c’est le cas en Albanie, en Allemagne, en Belgique, au Danemark, en Finlande, et en France). Certains pays autorisent toutefois l’existence d’un décalage entre l’arrivée du détenu et la communication des informations: l’Arménie (trois jours), l’Ukraine (jusqu’à trois jours) et la Géorgie (un jour). En outre, plus de la moitié des réponses précisent que les détenus ne peuvent avoir aucun contact avec le monde extérieur pendant leur transfèrement; ils risquent donc d’être soustraits à l’attention de leur famille et de leur avocat. Seule la Norvège a indiqué que certains contacts avec le monde extérieur étaient possibles pendant les transfèrements, sous certaines conditions.
48. Il est clair que le cadre juridique et la pratique des États doivent être améliorés dans le domaine de la communication des informations. Les États membres devraient s’employer à réglementer de manière adéquate toute restriction imposée à la communication d’informations aux détenus et à leurs contacts avec leur avocat et leurs proches. Il importe que ces restrictions ne soient pas sources de souffrances inutiles et qu’elles ne soient pas laissées à la libre appréciation de l’administration pénitentiaire.

6. Surveillance des conditions de transport et du traitement des détenus

49. Les mécanismes de recours représentent des garanties essentielles contre les traitements inhumains ou dégradants commis au cours des transfèrements. Les victimes de ces abus devraient obtenir réparation et jouir d’un droit opposable à une satisfaction équitable et adéquate (article 11-16 de la Convention contre la torture; voir aussi l’article 13 de la Convention européenne des droits de l’homme, droit à un recours effectif). Comme l’explique le CPT dans son 27e Rapport général (2018), «le traitement approprié des plaintes déposées par des personnes privées de liberté, indépendamment de la situation ou du lieu dans lequel elles sont détenues et du cadre juridique régissant la privation de liberté, exige le respect de certains principes élémentaires: la disponibilité, l’accessibilité, la confidentialité/sûreté, l’effectivité et la traçabilité». La Finlande et le Danemark ont indiqué que leurs autorités étaient tenues de fournir aux détenus des informations adéquates sur les mécanismes de recours.
50. Le contrôle indépendant de la manière dont les détenus sont traités pendant les transfèrements doit être facilité et les rapports doivent être rendus publics (RPE 93). Dans leurs réponses au questionnaire, 10 pays ont indiqué qu’ils disposaient de mécanismes d’inspection interne. La plupart des États membres ont de fait mis en place des mécanismes nationaux de prévention 
			(54) 
			Neuf États membres
(Andorre, Belgique, Islande, Irlande, Lettonie, Monaco, Fédération
de Russie, Saint-Marin et République slovaque) ne sont pas Parties
au Protocole facultatif se rapportant à la Convention des Nations
Unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels,
inhumains ou dégradants et n'ont par conséquent pas désigné de mécanisme
national de prévention. La Bosnie-Herzégovine est membre du SPT,
mais n'a pas désigné de mécanisme national de prévention, tel qu’indiqué
par la base de données du <a href='https://apt.ch/en/opcat-database/'>Protocole facultatif</a>.. Au Royaume-Uni, l’article 81 de la loi relative à la justice pénale de 1991 prévoit un moyen très intéressant de contrôle des escortes qui accompagnent les détenus: «un observateur des escortes qui accompagnent les détenus, c’est-à-dire un fonctionnaire chargé d’examiner les dispositions prises et d’en faire rapport au secrétaire d’État» et «un collège d’observateurs non professionnels chargés de vérifier la conformité des conditions de transport ou de détention des détenus et d’adresser des recommandations au secrétaire d’État». Toute allégation relative aux agents qui ont la garde des détenus et toute allégation d’une infraction disciplinaire commise par les détenus dont la remise ou la garde est assurée par ces agents doivent faire l’objet d’une enquête. Le mécanisme national de prévention a établi en 2017 une liste de critères d’appréciation du traitement et des conditions de détention dont doivent bénéficier les détenus: «voyager dans des conditions sûres et convenables, être traités de façon respectueuse et voir leurs besoins personnels pris en compte 
			(55) 
			HM Inspectorate of
Prisons, <a href='https://www.justiceinspectorates.gov.uk/hmiprisons/wp-content/uploads/sites/4/2018/02/Expectations-for-publication-FINAL.pdf'>Expectations:
Criteria for assessing the treatment of and conditions for men in
prisons</a>, Version 5, 2017..» Le document équivalent établi pour les prisons de femmes et les établissements pour enfants et jeunes énonce des préceptes similaires.
51. Plusieurs organismes nationaux de contrôle sont devenus experts des questions relatives aux droits humains des détenus pendant leur transfèrement, grâce à des programmes de recherche interne et à une coopération avec les experts indépendants concernés, les organisations non gouvernementales (ONG) et les organismes internationaux de contrôle compétents. En Suède, par exemple, le médiateur parlementaire a décidé de consacrer en 2018-2019 une étude sur le transfèrement de détenus, un sujet de préoccupation régulièrement abordé lors de ses entretiens avec les détenus et qui coïncide par ailleurs avec une modification de la législation relative au transport des détenus. Cette démarche reflète les travaux entrepris par le CPT pour élaborer la fiche thématique récemment publiée sur le transport des détenus 
			(56) 
			<a href='https://rm.coe.int/16808b631e'>CPT/Inf(2018)24</a>, op. cit..

7. Conclusions et recommandations de politique générale

52. Comme le montrent les éléments qui précèdent, le problème des conditions inadéquates du transport des détenus concerne ou a concerné un certain nombre d’États membres du Conseil de l’Europe. Les normes internationales, y compris la jurisprudence de la Cour, les normes du Conseil de l’Europe et d’autres normes encore, comme celles qui figurent dans les Règles pénitentiaires européennes et dans les recommandations du CPT, sont de plus en plus précises sur de nombreux aspects importants liés aux conditions dans lesquelles les détenus peuvent être transportés convenablement, dans le respect scrupuleux de leur dignité humaine. Des normes essentielles peuvent être facilement définies au sujet de questions telles que l’espace qui devrait être mis à la disposition de chaque détenu; l’éclairage, le chauffage, l’aération et la climatisation; les mesures de sécurité; la fourniture de repas et d’eau; l’accès aux toilettes; la possibilité de dormir sans interruption, muni d’un nécessaire de couchage; la satisfaction particulière des besoins des détenus malades et handicapés; la prévention du recours à des transfèrements longs et répétés à titre de sanction; et, enfin, la communication d’informations aux membres de la famille du détenu ou à d’autres personnes désignées. Il ressort néanmoins des arrêts de la Cour et des rapports du CPT que ces normes sont soit insuffisamment connues et comprises, soit mal appliquées dans un certain nombre d’États membres du Conseil de l’Europe.
53. Sur la base de cette analyse des normes et de l’évaluation de la situation factuelle dans les divers États membres du Conseil de l’Europe, je propose une série de conclusions et recommandations qui figurent dans les projets de résolution et de recommandation joints au présent rapport.