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Rapport | Doc. 14889 | 16 mai 2019

Situation en Syrie: des perspectives de solution politique?

Commission des questions politiques et de la démocratie

Rapporteure : Mme Theodora BAKOYANNIS, Grèce, PPE/DC

Origine - Renvoi en commission: Décision du Bureau, Renvoi 4275 du 27 janvier 2017. 2019 - Troisième partie de session

Résumé

Le rapport analyse l’impact de huit années de conflit syrien, en particulier les conséquences humanitaires pour le peuple syrien et ses effets déstabilisateurs sur le Proche-Orient et le monde arabe, ainsi que sur l’Europe. Il aborde également les rapports de forces complexes et les sphères d'influence des acteurs internationaux qui ont rejoint le conflit et décrit l'évolution récente du processus de paix.

Considérant que le processus politique a atteint un stade critique, la commission des questions politiques et de la démocratie formule un certain nombre de recommandations axées sur l'assistance humanitaire, la résolution du conflit, la responsabilité des violations graves du droit international et des droits humains, ainsi que sur la situation humanitaire des réfugiés dans les pays voisins.

En outre, la communauté internationale est invitée à adhérer à la feuille de route pour la paix, conformément au processus politique mené par la Syrie, et à soutenir les efforts du nouvel Envoyé spécial des Nations Unies pour la Syrie, en vue de mettre en place une commission constitutionnelle légitime, crédible, diversifiée et équilibrée, en tant que mécanisme nécessaire de transition politique vers une Syrie démocratique après la guerre.

A. Projet de résolution 
			(1) 
			Projet
de résolution adopté par la commission le 5 mars 2019.

(open)
1. Huit ans après le début des hostilités, la guerre en Syrie se solde par une des pires crises humanitaires que le monde ait connues depuis la seconde guerre mondiale. Elle continue d’avoir des conséquences dramatiques pour le peuple syrien, a déjà coûté la vie à plus de 400 000 personnes et a contraint environ 11,7 millions d'autres à fuir leurs maisons, dont plus de 5,6 millions ont cherché refuge dans les pays voisins et au-delà.
2. Le conflit a un impact déstabilisateur non seulement sur le Proche-Orient et le monde arabe, mais également sur le continent européen, notamment à cause des divergences politiques et sectaires exacerbées à l’intérieur de la Syrie; l’implication d’acteurs internationaux poursuivant leurs propres intérêts et aggravant la complexité du conflit; la montée en puissance de Daech et d’autres groupes terroristes violents, qui ont également généré le phénomène des combattants étrangers et les problèmes liés au retour de ces derniers dans leurs pays d’origine.
3. Comme le processus politique est parvenu à un stade décisif, l’Assemblée parlementaire prie instamment la communauté internationale de s’unir et de consentir des efforts importants en vue de parvenir rapidement à un accord commun, et de soutenir sans réserve les efforts du nouvel Envoyé spécial des Nations Unies pour la Syrie, M. Geir O. Pedersen, pour obtenir la création d’un comité constitutionnel, un mécanisme indispensable à la transition politique vers la paix et la stabilité, fondé sur le communiqué de Genève du 30 juin 2012 et la Résolution 2254 (2015) du Conseil de sécurité des Nations Unies.
4. L'Assemblée est extrêmement alarmée par la condition des 13 millions de Syriens qui ont besoin d'une aide humanitaire, dont un tiers vivant dans des secteurs coupés du reste de la Syrie, y compris 2 millions de personnes déplacées dans la zone dite «de désescalade» d'Idlib.
5. Les progrès dans la reconquête de territoires de Syrie qui étaient aux mains de Daech et d’autres groupes terroristes méritent certes d'être salués, mais l’Assemblée prie instamment toutes les parties impliquées dans les opérations militaires qui les ciblent:
5.1. de prendre toutes les précautions possibles pour éviter de nuire aux milliers de civils piégés entre les frappes aériennes et les combats au sol, conformément à leurs obligations prévues par le droit international humanitaire;
5.2. de respecter la désescalade dans la zone démilitarisée convenue et de protéger les civils.
6. L’Assemblée salue les progrès réalisés dans les négociations par l'ancien Envoyé spécial des Nations Unies pour la Syrie et par la communauté internationale, y compris le cadre d'Astana, et exhorte toutes les parties au conflit:
6.1. à renforcer le cessez-le-feu dans toutes les parties du pays, à permettre aux convois humanitaires de passer et à faciliter l'envoi rapide, en toute sécurité et sans entraves, d'une assistance humanitaire soutenue;
6.2. à mobiliser des fonds pour répondre aux besoins immédiats et vitaux du peuple syrien, et en particulier des enfants, y compris pour garantir le respect de leurs droits à la vie, à une nourriture suffisante, à un abri et à des soins médicaux;
6.3. à continuer de prendre des mesures conformes au droit international pour entraver et tarir l'afflux de combattants terroristes étrangers qui rejoignent Daech et d’autres groupes terroristes, en lien avec les décisions du Conseil de sécurité des Nations Unies et conformément à la Résolution 2091 (2016) et à la Recommandation 2084 (2016) sur les combattants étrangers en Syrie et en Irak;
6.4. à créer les conditions nécessaires à un retour volontaire, sûr et digne des réfugiés et des personnes déplacées, dans le respect des normes internationalement acceptées des droits de l'homme et du droit humanitaire, y compris des droits au logement, à la terre et à la propriété.
7. L'Assemblée exhorte également les États membres du Conseil de l'Europe à rapatrier les combattants étrangers capturés et leurs familles, qui ont combattu avec Daech en Syrie, et à les traduire en justice.
8. De plus, l’Assemblée exhorte toutes les parties à respecter la feuille de route pour la paix, dans le respect du processus politique mené par la Syrie sous les auspices de l'Envoyé spécial des Nations Unies pour la Syrie et à saisir l'actuelle opportunité d'instaurer une paix durable:
8.1. en réalisant des avancées vers la création d'un comité constitutionnel dont la composition serait légitime, crédible, diversifiée et équilibrée, chargé de préparer une réforme de la Constitution, en tant que contribution au règlement politique et à l'instauration d'une Syrie d'après-guerre démocratique, conformément à la déclaration finale de Sotchi du 30 janvier 2018;
8.2. en veillant à ce que le comité constitutionnel permette une participation inclusive de l'opposition politique et de la société civile, avec notamment des délégués représentant des experts syriens, des organisations non gouvernementales, des chefs tribaux et un minimum de 30 % de femmes, comme le propose les Nations Unies.
9. L’Assemblée estime que le Conseil de l'Europe pourrait soutenir les efforts des Nations Unies, étant donné son expertise dans le domaine institutionnel et les objectifs fixés par la Résolution 2254 (2015) du Conseil de sécurité des Nations Unies. Le Comité constitutionnel pourrait s’appuyer sur l’expérience et le savoir-faire de la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise) dans le processus de réforme constitutionnelle à venir.
10. L'établissement des responsabilités pour les violations graves du droit international humanitaire et des droits de l'homme, en particulier la persécution des communautés religieuses ou ethniques, les crimes de guerre et les crimes contre l'humanité est essentiel pour parvenir à une paix durable en Syrie et faciliter le processus de réconciliation nationale et de justice transitionnelle. C’est pourquoi l’Assemblée:
10.1. appelle toutes les parties au conflit, et notamment le Gouvernement syrien, les États membres et observateurs du Conseil de l'Europe et les États dont le parlement bénéficie du statut d’observateur ou de partenaire pour la démocratie auprès de l’Assemblée parlementaire, la société civile et l’ensemble de la communauté internationale à pleinement coopérer avec le Mécanisme international, impartial et indépendant chargé de faciliter les enquêtes sur les violations les plus graves du droit international commises en République arabe syrienne depuis mars 2011, mis en place par l'Assemblée générale des Nations Unies, en fournissant notamment les informations et la documentation pertinentes;
10.2. demande que la situation en Syrie, dont les crimes contre l'humanité ou même les allégations de génocide commis par Daech, fasse l’objet d’une saisine de la Cour pénale internationale (CPI) par le Conseil de sécurité des Nations Unies invoquant l'article 13(b) du Statut de Rome de la CPI.
11. Vivement préoccupée par les dernières allégations d'attaques chimiques contre Alep le 24 novembre 2018, l’Assemblée:
11.1. condamne dans les termes les plus forts l'utilisation des armes chimiques par qui que ce soit et en toutes circonstances, soulignant que tout recours aux armes chimiques est inadmissible et contraire aux normes et principes internationaux, dont la Convention de 1997 sur les armes chimiques, ratifiée par 192 États, dont la Syrie;
11.2. considère qu’il est impératif de veiller à ce que tous les responsables du recours aux armes chimiques soient identifiés et appelés à rendre des comptes, et soutient sans réserve les travaux de l'Organisation pour l'interdiction des armes chimiques (OIAC).
12. En outre, l’Assemblée insiste sur le fait que la crise des réfugiés syriens relève de la responsabilité non seulement des États voisins et de l'Europe, mais encore de toute la communauté internationale. Elle salue vivement les efforts considérables consentis par les pays voisins, le Liban, la Jordanie, la Turquie et l'Irak, pour accueillir les réfugiés syriens et, conformément à la Résolution 2224 (2018) sur la situation humanitaire des réfugiés dans les pays voisins de la Syrie, renouvelle son appel aux États membres du Conseil de l'Europe:
12.1. d'accroître les contributions financières au Plan régional des Nations Unies pour les réfugiés et la résilience, afin de soutenir les efforts nationaux consentis en Turquie, au Liban, en Jordanie et en Irak;
12.2. de parvenir à un partage plus effectif des responsabilités grâce à des programmes de réinstallation et d’autres formes d'admission légale des réfugiés de la région dans leur pays;
12.3. de mettre en œuvre tous les moyens diplomatiques existants pour favoriser un partage plus équitable des responsabilités avec les pays non membres de l'Union européenne.
13. Enfin, l’Assemblée s’associe pleinement à l'objectif des Nations Unies de mettre un terme aux souffrances du peuple syrien et de parvenir à un règlement durable et pacifique du conflit grâce à un processus politique inclusif, dirigé par la Syrie, menant à l'établissement d'une société multiethnique incluant tous les groupes religieux et ethniques de Syrie et répondant aux aspirations légitimes du peuple syrien.

B. Exposé des motifs, par Mme Theodora Bakoyannis, rapporteure

(open)

1. Introduction

1. Suite au départ de M. Tobias Zech de l’Assemblée parlementaire, j'ai été nommée rapporteure le 25 janvier 2018. Même si je n’avais travaillé qu’une année sur mon rapport j’ai demandé à la commission, en janvier 2019, de donner son accord pour une adoption du rapport le 5 mars. J’estime qu’il s’agit d’une période critique pour le processus politique en Syrie, qui justifie pleinement la tenue d’un débat de l’Assemblée dès que possible.
2. Comme le soulignait M. Staffan De Mistura, l'ancien Envoyé spécial des Nations Unies pour la Syrie, à la fin de son mandat, en décembre 2018, «nous avons besoin d’un nouvel élan d’ambition commune et d’action concertée au sein du Conseil de sécurité des Nations Unies si nous voulons que 2019 soit un véritable tournant pour la Syrie». Comme le nouvel Envoyé spécial, le Norvégien Geir Pedersen, a débuté ses consultations à Damas en janvier 2019, notre Assemblée devrait apporter sa contribution et soumettre des propositions concrètes sur la phase d’après-guerre en Syrie.
3. Ce conflit sanglant, qui a causé plus de 400 000 morts et a contraint des millions de personnes à fuir depuis 2011, est devenu de plus en plus complexe au cours des huit dernières années en raison de la participation de différents acteurs internationaux et de l'évolution de facteurs internes.
4. Depuis 2012, l’Assemblée a analysé le conflit syrien et des questions connexes dans une série de textes, depuis la Résolution 1878 (2012) sur la situation en Syrie 
			(2) 
			De plus, le 3 octobre
2013 l’Assemblée a adopté la <a href='http://assembly.coe.int/nw/xml/XRef/Xref-DocDetails-FR.asp?FileID=20215&lang=FR'>Recommandation
2026 (2013)</a> concernant le Cadre pour l'élimination des armes chimiques
syriennes. En octobre 2014, l’Assemblée a adopté sa Résolution 2016 (2014), sur la base de mon rapport intitulé «Les menaces contre
l'humanité posées par le groupe terroriste connu sous le nom de
“l’E.I”: la violence à l'encontre des chrétiens et d'autres communautés
religieuses ou ethniques». La <a href='http://assembly.coe.int/nw/xml/XRef/Xref-DocDetails-FR.asp?FileID=22736&lang=FR'>Résolution
2107 (2016)</a> a envisagé «Une réponse renforcée de l’Europe à la crise
des réfugiés syriens». La <a href='http://assembly.coe.int/nw/xml/XRef/Xref-DocDetails-FR.asp?FileID=22482&lang=FR'>Résolution
2091</a> (2016) et la <a href='http://assembly.coe.int/nw/xml/XRef/Xref-DocDetails-FR.asp?FileID=22483&lang=FR'>Recommandation
2084</a> (2016) ont été adoptées en janvier 2016 en raison de
l'implication croissante de jeunes Occidentaux dans la crise, comme
souligné dans le rapport sur «Les combattants étrangers en Syrie
et en Irak». Le 12 octobre 2017, l'Assemblée a adopté la Résolution 2190 (2017) «Poursuivre et punir les crimes contre l'humanité ou même
le génocide éventuel commis par Daech». En avril 2018, l’Assemblée
a adopté la <a href='http://assembly.coe.int/nw/xml/XRef/Xref-DocDetails-FR.asp?FileID=24696&lang=FR'>Résolution
2211 (2018)</a> «Le financement du groupe terroriste Daech: enseignements
retenus». . En juin 2018, l’Assemblée a adopté sa Résolution 2224 (2018) sur la situation humanitaire des réfugiés dans les pays voisins de la Syrie à laquelle je me réfère pour l’analyse approfondie de la question des réfugiés.
5. Le 25 novembre 2016, suite à une demande de débat d'urgence, l’Assemblée a également adopté la Résolution 2138 (2016) et la Recommandation 2096 (2016) sur la situation à Alep. Le rapport de M. Jean-Claude Mignon 
			(3) 
			Doc. 14197. abordait les conséquences politiques et humanitaires du conflit et proposait plusieurs recommandations aux acteurs concernés.
6. Le Comité des Ministres a pris note de la Recommandation 2096 (2016) et a adopté une réponse le 31 mai 2017 à la 1287ème réunion des Délégués des Ministres 
			(4) 
			Doc. 14331.. Se référant à sa propre Déclaration sur la situation en Syrie adoptée en 2012, le Comité des Ministres a réaffirmé que seule une solution politique pouvait mettre fin au conflit, ajoutant qu'un soutien en faveur d'une véritable transition politique fondée sur le communiqué de Genève du 30 juin 2012 et la Résolution 2254 (2015) du Conseil de sécurité des Nations Unies ouvrirait la voie à une nouvelle constitution et à des élections libres et équitables.
7. Depuis l’adoption de la Résolution 2138 (2016), le Gouvernement syrien a repris Alep et d'autres zones essentielles du pays avec l'aide de la puissance aérienne russe et des milices parrainées par l'Iran. Daech a perdu le contrôle de Raqqa, une ville qui était sa capitale auto-proclamée en Syrie, ainsi que d’autres secteurs essentiels, tandis que le conflit s'est étendu au-delà des frontières syriennes avec une intervention militaire accrue de multiples acteurs. Les pourparlers de paix menés à Genève, Astana et Sotchi ont produit quelques résultats sur lesquels je reviendrai dans le présent rapport, et ont ouvert des perspectives en vue d’une transition politique crédible.
8. J'ai l'intention de me concentrer principalement sur l'impact du conflit syrien et d'examiner notamment les très nombreux problèmes posés sur le plan humanitaire, les pourparlers de paix en cours ainsi que le rôle des acteurs internationaux et les effets du conflit sur les pays voisins
9. Le 24 octobre 2017, la commission des questions politiques et de la démocratie a tenu un échange de vues avec M. Christian Springer, fondateur de l'organisation à but non lucratif Orienthelfer. Des auditions d'experts, auxquelles ont participé M. Tarek Mitri, directeur de l'Université américaine de Beyrouth, M. Julien Barnes-Dacey, du Conseil européen sur les relations extérieures, et M. Haid Haid, de Chatham House, ont eu lieu le 14 novembre 2017, une autre s'est déroulée le 12 mars 2018, avec M. Eugenio Dacrema, de l'Institut italien d'études internationales (ISPI) à Paris, et enfin avec M. Sotirios Roussos, Professeur associé à l’université du Péloponnèse, le 22 mai 2018 à Athènes.
10. Le 24 janvier 2018 et le 26 avril 2018, l’Assemblée a tenu deux débats d'actualité: sur le rôle de l’Europe dans les initiatives de rétablissement de la paix en Syrie, ouvert par Mme Rósa Björk Brynjólfsdóttir (Islande, GUE), et sur l'intervention militaire turque en Syrie, ouvert par M. Tiny Kox (Pays-Bas, GUE). Ces débats ont grandement contribué à documenter mon rapport et je remercie nos collègues pour leurs contributions.
11. Ensuite, le 24 octobre 2018 je me suis rendue en Jordanie où j’ai exprimé nos sincères félicitations à ce pays pour sa contribution à l’accueil des réfugiés syriens, qui y sont plus de 1,3 millions. Ma visite a confirmé notre opinion commune, que la Jordanie et d’autres pays voisins comme le Liban et la Turquie mériteraient un plus grand soutien de la communauté internationale dans la gestion de ce problème délicat.
12. Enfin, la commission a organisé un échange de vues avec la participation de M. Salam Kawakibi, Directeur du Centre arabe de recherche et d'études politiques, le 5 mars 2019 à Paris.
13. À ce stade critique pour les négociations, il est vital que notre Assemblée soutienne les efforts des Nations Unies et, notamment, insiste sur la nécessité de faire participer toutes les forces politiques syriennes, les experts, la société civile, les chefs religieux et tribaux et les femmes au sein d’une future commission constitutionnelle, dans le cadre de l’indispensable transition politique fondée sur le communiqué de Genève du 30 juin 2012 et la Résolution 2254 (2015) du Conseil de sécurité des Nations Unies. C’est pourquoi j’ai proposé de modifier le titre de mon rapport comme suit: «La situation en Syrie: des perspectives de solution politique?»

2. Données essentielles dans la perspective de 2018-2019

14. La Syrie a commencé à sombrer dans la guerre civile début 2011, quand les forces de sécurité gouvernementales ont tiré sur les foules et tué des manifestants dans le contexte de ce qui semblait alors constituer un «Printemps arabe». La répression brutale des manifestations a engendré de nouvelles vagues de protestations. Entre août et novembre 2011, les États-Unis, l'Union européenne, la Turquie et les pays de la Ligue arabe ont imposé des sanctions économiques contre le régime syrien en raison de la répression menée contre des manifestants civils. En juin 2012, les combats ont gagné Alep, la deuxième plus grande ville de Syrie, et son carrefour commercial.
15. Au cours des dernières années, le groupe djihadiste Daech et d'autres groupes terroristes affiliés ont rejoint le conflit. Daech s'est développé à partir de ce qui était al-Qaïda en Irak, formé par des militants sunnites après l'invasion de 2003 menée par les Etats-Unies, et est devenu une force majeure dans l'insurrection sectaire du pays. En 2011, Daech a rejoint la rébellion contre le président Assad en Syrie, où il a trouvé un refuge sûr et un accès facile aux armes. En février 2013, des groupes armés, dont Daech, ont pris le contrôle d'emplacements stratégiques dans la province de Raqqa et ont conquis la ville un mois plus tard. La chute de Raqqa aux mains de Daech a été suivie d'une vague d'attaques contre des civils dans les zones rurales, d'arrestations d'activistes et d'enlèvements d'étrangers.
16. Tout au long du conflit, on a assisté dans le pays à de multiples tentatives de pourparlers de paix soutenues par les Nations Unies ou la Fédération de Russie, mais la plupart d'entre elles n'ont abouti qu'à des résultats limités. De même, la Commission d'enquête indépendante des Nations Unies sur la Syrie a publié près d'une douzaine de rapports relatant les atrocités commises pendant la guerre. Mme Carla del Ponte, membre de cette commission qu’elle a quittée en août 2017, a déclaré: «Au début, il y avait du bon et du mauvais: le bon rôle pour l'opposition, le mauvais pour le gouvernement. Aujourd'hui, en Syrie, tout le monde est du mauvais côté. Le gouvernement Assad a commis d'horribles crimes contre l'humanité et utilisé des armes chimiques, mais l'opposition est désormais composée d'extrémistes et de terroristes». Elle a ajouté: «Croyez-moi, les crimes commis en Syrie sont plus horribles que ceux que j'ai vus au Rwanda et dans l'ex-Yougoslavie», avant de conclure: «Je n'ai aucun pouvoir tant que le Conseil de sécurité ne fait rien. 
			(5) 
			<a href='http://www.npr.org/sections/thetwo-way/2017/08/07/542034643/-i-give-up-frustrated-war-crimes-expert-resigns-from-u-n-syria-inquiry'>www.npr.org/sections/thetwo-way/2017/08/07/542034643/-i-give-up-frustrated-war-crimes-expert-resigns-from-u-n-syria-inquiry</a>. <a href='https://www.swissinfo.ch/eng/politics/stalemate_un-syrian-commissioner-del-ponte-to-resign-over-lack-of-political-will/43391828'>www.swissinfo.ch/eng/politics/stalemate_un-syrian-commissioner-del-ponte-to-resign-over-lack-of-political-will/43391828</a>.»
17. La période 2011-2017 a connu une alternance de désescalades, de tensions, de combats ininterrompus et de négociations, avec l’implication de la Russie, de l’Iran et de la Turquie, des vétos décisifs de la Russie contre des résolutions du Conseil de sécurité des Nations Unies appelant à des sanctions contre le Gouvernement syrien suite à l’utilisation d’armes chimiques, des attaques militaires américaines contre des bases syriennes et le soutien aux forces kurdes, ainsi que les réactions de la Turquie.
18. Selon les rapports des Nations Unies, depuis le début de l’année 2018 les belligérants ont mené des combats à Alep, dans le nord de Homs, à Damas et dans les gouvernorats de Rif Dimachq, de Dara’a et d’Idlib, et provoqué au total le déplacement de plus d’un million d’hommes, de femmes et d’enfants syriens. Au 5 février 2019, des milliers de personnes avaient fui les derniers bastions de Daech à Hajin, dans le gouvernorat de Deir Ez-zor, dans le sud-est de la Syrie. Les fugitifs font état de nombreuses victimes civiles, dont des femmes et des enfants, de la destruction massive d’infrastructures civiles et d’une pénurie de nourriture et de médicaments 
			(6) 
			<a href='https://www.un.org/press/en/2019/db190205.doc.htm'>www.un.org/press/en/2019/db190205.doc.htm</a>..
19. Il y a eu une série d'escalades inquiétantes, notamment à l'intérieur des zones de désescalade créées par les «garants d'Astana» (Russie, Iran et Turquie) et en dehors de ces zones, un retour à des combats acharnés pour la reconquête du territoire, ainsi que de lourdes frappes aériennes soutenues sur le nord-ouest et la Ghouta orientale assiégée. Il y a également eu plusieurs allégations d'attaques au gaz de chlore dans la Ghouta, à Idlib, à Afrine et à Douma.
20. Le 20 janvier 2018, la Turquie a fait une incursion en Syrie, appelée «Opération Rameau d'olivier», pour éliminer les milices kurdes syriennes YPG (Unités de protection du peuple) de sa frontière méridionale. Cette agression a eu des conséquences humanitaires désastreuses pour les habitants d'Afrine et créé un risque de conflit potentiel direct avec les États-Unis.
21. La Turquie, les États-Unis et la Russie, ainsi que le régime syrien et les Kurdes, qui ont utilisé la guerre civile pour mettre en place une région autonome dans ce qu'ils espèrent voir devenir une Syrie fédérale post-guerre, luttent pour contrôler cette région stratégique du nord de la Syrie qui jouxte l'Irak et la Turquie et dispose d'importantes ressources en pétrole.
22. En dépit des appels des Nations Unies pour un cessez-le-feu début février 2018, les souffrances des civils ont empiré au cours de cette année. Aux combats se sont ajoutées les frappes aériennes pro-gouvernementales sur l'enclave de l'opposition dans la Ghouta orientale à l'extérieur de Damas, qui était le dernier grand bastion rebelle 
			(7) 
			L'Observatoire
des droits de l'homme britannique basé en Syrie a déclaré qu'il
s'agissait du nombre le plus élevé de morts en 48h dans le conflit
syrien depuis une attaque chimique dans la Ghouta orientale en 2013: <a href='http://www.syriahr.com/en/?p=85284'>www.syriahr.com/en/?p=85284</a>. et une offensive contre des rebelles dans la province d'Idlib, dans le nord-ouest, deux zones qui avaient été déclarées «zones de désescalade». L’assaut sur la Ghouta orientale, qui a suscité un tollé international, a duré deux mois et culminé dans une attaque chimique présumée, le 7 avril 2018; le Secrétaire Général des Nations Unies a qualifié les conditions endurées par les civils de «l’enfer sur terre».
23. Le 14 avril 2018, les États-Unis, le Royaume-Uni et la France procédaient à ce qu'ils ont appelé des «frappes chirurgicales» en Syrie en réponse à l'attaque chimique présumée du 7 avril. Le Président Poutine a condamné les frappes comme un «acte d'agression» et nié les éléments de preuve attestant d'une attaque aux armes chimiques, ajoutant que les frappes auront un effet destructeur sur le système des relations internationales dans son ensemble 
			(8) 
			<a href='http://en.kremlin.ru/events/president/news/57257'>http://en.kremlin.ru/events/president/news/57257</a>..
24. Pour sa part, l'Union européenne a condamné à nouveau avec la plus grande fermeté l'utilisation répétée d’armes chimiques par le régime syrien, confirmée par le Mécanisme d'enquête conjoint des Nations Unies/Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC) et, se référant aux frappes aériennes des États-Unis, de la France et du Royaume-Uni, a souligné que ces mesures avaient été prises «dans le seul but d'empêcher le régime syrien d'utiliser à nouveau des armes et des substances chimiques pour tuer ses propres citoyens» 
			(9) 
			<a href='http://www.consilium.europa.eu/fr/press/press-releases/2018/04/14/declaration-by-the-high-representative-on-behalf-of-the-european-union-on-the-targeted-airstrikes-in-syria/'>www.consilium.europa.eu/fr/press/press-releases/2018/04/14/declaration-by-the-high-representative-on-behalf-of-the-european-union-on-the-targeted-airstrikes-in-syria/</a>..
25. En juin et en août 2018, le gouvernement syrien a lancé une offensive dans l’est de la province méridionale de Daraa et sur Idlib, où vivaient 2,9 millions de personnes. La Russie et la Turquie ont toutefois décidé, en septembre 2018, d’éviter l’offensive syrienne qui menaçait Idlib, qui aurait pu déclencher une nouvelle vague de réfugiés vers la Turquie, où près de 4 millions de personnes ont déjà fui.
26. Lors de son annonce de la «défaite de Daech», le 19 décembre 2018, le Président américain Trump a fait part de l’intention de retirer la totalité des quelques 2 000 soldats américains présents en Syrie. Le 17 février 2019, il a également demandé au Royaume-Uni, à la France, à l'Allemagne et à d'autres alliés européens de reprendre et de juger plus de 800 combattants de Daech détenus par des forces dirigées par des Kurdes. En janvier 2019, les Nations Unies continuaient d’exprimer leur inquiétude face aux informations signalant que des civils, dont des femmes, des enfants et des personnels médicaux avaient été tués et blessés en raison des intenses affrontements entre groupes armés étrangers au gouvernement dans le nord-ouest du pays. De récents combats ont aussi été signalés dans le nord de Hama, dans le sud du gouvernorat d’Idlib, ainsi qu’à la frontière irakienne, à Baghuz.
27. Fin janvier 2019, le Ministre turc des Affaires étrangères a indiqué que la Turquie pourrait donner son accord à une offensive syrienne limitée soutenue par la Russie pour reprendre Idlib, ce qui constituerait un revirement politique majeur de la Turquie, qui a soutenu les forces d’opposition syriennes tout au long de la guerre. Trois millions de personnes vivent dans le gouvernorat d’Idlib, où il subsiste un fort risque d’escalade militaire.
28. Dernière question mais non la moindre, nous devons garder à l'esprit que la capture des territoires contrôlés par Daech ne signifie pas la fin de sa menace idéologique et terroriste, les forces de Daech se rassemblant déjà en Irak, notamment à Mossoul.

3. Les conséquences humanitaires du conflit 
			(10) 
			Je me réfère aux travaux
antérieurs de l’Assemblée sur les droits fondamentaux des réfugiés
et sur les principes généraux qui sous-tendent la gestion des déplacements
massifs de population, qui s’appliquent pleinement à la situation dans
les pays voisins de la Syrie et dans la région, en particulier:
la <a href='http://assembly.coe.int/nw/xml/XRef/Xref-DocDetails-FR.asp?FileID=23721&lang=FR'>Résolution
2164 (2017)</a> sur les possibilités d’améliorer le financement des
situations d’urgence concernant les réfugiés; la <a href='http://assembly.coe.int/nw/xml/XRef/Xref-DocDetails-FR.asp?FileID=22738&lang=FR'>Résolution
2109 (2016)</a> sur la situation des réfugiés et des migrants dans le
cadre de l'Accord UE-Turquie du 18 mars 2016; la <a href='http://assembly.coe.int/nw/xml/XRef/Xref-DocDetails-FR.asp?FileID=22465&lang=FR'>Résolution
2089 (2016)</a> sur le crime organisé et les migrants; la <a href='http://assembly.coe.int/nw/xml/XRef/Xref-DocDetails-FR.asp?FileID=22556&lang=FR'>Résolution
2099 (2016)</a> «Mettre fin à l’apatridie des enfants – une nécessité»;
et la <a href='http://assembly.coe.int/nw/xml/XRef/Xref-DocDetails-FR.asp?FileID=23179&lang=FR'>Résolution
2136 (2016)</a> «Harmoniser la protection des mineurs non accompagnés
en Europe».

29. Le nombre des victimes directes du conflit a été estimé à plus de 400 000 selon les sources, dont plus de 11 000 en 2017 
			(11) 
			<a href='http://www.iamsyria.org/death-tolls.html'>www.iamsyria.org/death-tolls.html</a>. et 19 799 en 2018 
			(12) 
			<a href='http://www.syriahr.com/en/?p=111056'>www.syriahr.com/en/?p=111056</a>.. Ce chiffre n'inclut pas les milliers de personnes qui ont pu mourir en mer ou sur terre en essayant de traverser les frontières internationales pour échapper à la guerre.
30. Le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) 
			(13) 
			<a href='https://data2.unhcr.org/en/situations/syria'>https://data2.unhcr.org/en/situations/syria</a>. a estimé que plus de 5,6 millions de personnes ont fui la Syrie depuis 2011 et cherché refuge au Liban, en Jordanie, en Turquie et au-delà, mais à peine 10 % des réfugiés se sont tournés vers d’autres pays d’Europe. 6,6 millions de personnes sont déplacées à l’intérieur de la Syrie, 13,1 millions de personnes ont besoin d’une assistance et 2,98 millions résident dans des secteurs difficiles d’accès et assiégés. 85 % des Syriens vivent dans la pauvreté et la grande majorité d'entre eux dans une pauvreté abjecte, voire extrême. Les parties engagées dans le conflit ont aggravé la situation en ne permettant pas aux organisations humanitaires d'accéder à nombre de personnes dans le besoin.
31. Même si les parties belligérantes ont quelque peu limité la violence en instaurant des zones de désescalade, elles continuent de perpétrer des crimes inimaginables contre des civils, en violation flagrante du droit international et notamment des déplacements forcés, des attaques délibérées et l'utilisation d'armes chimiques.
32. Le 21 décembre 2016, l’Assemblée Générale des Nations Unies a décidé la création du Mécanisme international, impartial et indépendant (IIIM) «pour ce qui est de recueillir, de regrouper, de préserver et d’analyser les éléments de preuve attestant de violations du droit international humanitaire, de violations du droit des droits de l’homme et d’atteintes à ce droit, et de constituer des dossiers en vue de faciliter et de diligenter des procédures pénales équitables, indépendantes (...) devant des cours ou tribunaux nationaux, régionaux ou internationaux, qui ont ou auront compétence pour connaître de ces crimes conformément au droit international» 
			(14) 
			<a href='http://www.securitycouncilreport.org/atf/cf/%7B65BFCF9B-6D27-4E9C-8CD3-CF6E4FF96FF9%7D/a_res_71_248.pdf'>www.securitycouncilreport.org/atf/cf/%7B65BFCF9B-6D27-4E9C-8CD3-CF6E4FF96FF9%7D/a_res_71_248.pdf</a>..
33. Le 10 février 2018, le Haut-commissaire aux droits de l'homme des Nations Unies, Zeid Ra'ad Al Hussein, a déclaré qu'il faut «mettre fin au climat d'impunité qui règne actuellement et protéger les civils. Après sept ans de paralysie au sein du Conseil de sécurité, la situation en Syrie doit de toute urgence être portée devant la Cour pénale internationale, et les États doivent déployer bien plus d'efforts concertés pour apporter la paix. La conduite et la gestion de cette guerre sont une honte depuis le début et les tentatives pour y mettre fin sont un échec cuisant de la diplomatie au niveau mondial» 
			(15) 
			<a href='http://www.ohchr.org/EN/NewsEvents/Pages/DisplayNews.aspx?NewsID=22647'>www.ohchr.org/EN/NewsEvents/Pages/DisplayNews.aspx?NewsID=22647</a>..
34. Le 22 février 2018, avec Mme Sevinj Fataliyeva (Azerbaïdjan, CE), ancienne rapporteure sur la protection des enfants touchés par les conflits armés, j'ai fait une déclaration appelant toutes les parties au conflit à mettre fin à la tragédie humanitaire dans la Ghouta orientale, en particulier dans l'intérêt des enfants, le groupe le plus vulnérable 
			(16) 
			<a href='http://assembly.coe.int/nw/xml/News/News-View-FR.asp?newsid=6973'>http://assembly.coe.int/nw/xml/News/News-View-FR.asp?newsid=6973.</a>.
35. La Commission d'enquête internationale indépendante sur la République arabe syrienne, créée en août 2011 par le Conseil des droits de l'homme, a recensé environ 34 incidents documentés de recours aux armes chimiques par diverses parties au conflit, ce qui est strictement interdit en vertu du droit international, notamment de la Convention de 1997 sur les armes chimiques, ratifiée par 192 États, dont la Syrie 
			(17) 
			<a href='http://www.ohchr.org/EN/HRBodies/HRC/Pages/NewsDetail.aspx?NewsID=22939&LangID=E'>www.ohchr.org/EN/HRBodies/HRC/Pages/NewsDetail.aspx?NewsID=22939&LangID=E</a>.. Selon une étude réalisée par l’Institut de politique publique mondiale de Berlin en février 2019, au moins 336 attaques d'armes chimiques ont eu lieu depuis 2012 
			(18) 
			Institut de politique
publique mondiale, Nulle part où se cacher – la logique de l'utilisation
des armes chimiques en Syrie, février 2019, <a href='https://www.gppi.net/media/GPPi_Schneider_Luetkefend_2019_Nowhere_to_Hide_Web.pdf'>www.gppi.net/media/GPPi_Schneider_Luetkefend_2019_Nowhere_to_Hide_Web.pdf.</a>. La plus récente allégation d’attaque chimique à Alep date du 24 novembre 2018. Selon le 63e rapport mensuel de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (décembre 2018), des produits chimiques toxiques continuent d’être utilisés comme des armes en Syrie 
			(19) 
			<a href='https://www.securitycouncilreport.org/atf/cf/%7B65BFCF9B-6D27-4E9C-8CD3-CF6E4FF96FF9%7D/S_2018_1166.pdf'>www.securitycouncilreport.org/atf/cf/%7B65BFCF9B-6D27-4E9C-8CD3-CF6E4FF96FF9%7D/S_2018_1166.pdf.</a>. À cet égard, notons qu’il appartient au Conseil de sécurité des Nations Unies de prendre l’initiative de saisir la Cour pénale internationale (CPI) de la situation en Syrie. Ce pays n’étant pas un État Partie à la CPI, il faut une saisine du Conseil de sécurité invoquant l’article 13(b) du Statut de Rome pour habiliter la CPI à enquêter sur les crimes commis et qui relèvent de sa compétence. 
			(20) 
			Voir également la Résolution 2134 «Coopération avec la Cour pénale internationale: pour
un engagement étendu et concret», et la Résolution 2190 (2017) «Poursuivre et punir les crimes contre l'humanité ou
même le génocide éventuel commis par Daech».
36. La vie sous la domination de Daech a également été marquée par des exécutions sommaires, l’enrôlement d’enfants et de graves châtiments corporels de civils accusés d'avoir violé l'idéologie du groupe, et par la destruction de sites du patrimoine culturel, notamment le Tetrapylon à Palmyre.
37. Dans le nord de la Syrie, les Unités de protection du peuple kurde (YPG) ou les Forces démocratiques syriennes (FDS) ont déplacé des communautés afin de nettoyer les zones minées par Daech. Dans certains cas, les forces des YPG ou les FDS n'ont pas fourni une aide humanitaire suffisante aux communautés déplacées. Les forces des YPG continuent d'enrôler de force des hommes et des mineurs pour qu'ils servent dans l'armée.
38. S'exprimant devant notre commission, M. Springer, fondateur de l'organisation à but non lucratif Orienthelfer, a évoqué la situation désastreuse des réfugiés, en particulier au Liban, où se trouvent les deux principaux camps de réfugiés et 2 000 camps irréguliers. Le Liban, qui est un pays de 6 millions d'habitants, a accueilli environ 1,5 million de réfugiés. Les organisations non gouvernementales (ONG) ont un manque à gagner de 80 % parce que l'opinion publique estime que les réfugiés peuvent retourner en Syrie 
			(21) 
			Voir également la Résolution 2150 (2017) sur la situation au Liban et les risques pour la stabilité
de la région et la sécurité de l’Europe. .
39. Les structures de sécurité et de paix des pays accueillant des réfugiés ont été mises à rude épreuve, non seulement au Liban mais aussi en Jordanie et en Irak. Les officiels jordaniens que j’ai rencontrés à Amman en octobre dernier m’ont confirmé que la lourde tâche qu’implique l’accueil des Syriens fuyant la guerre a poussé la Jordanie au bord de ses capacités et pourrait l’amener à reconsidérer sa politique à l’égard des réfugiés.
40. En octobre 2018, quelques jours avant ma visite, deux points de passage essentiels des frontières avec les voisins de la Syrie, Israël et la Jordanie, ont rouvert. D’après le HCR, jusqu’à 250 000 réfugiés syriens pourraient rentrer dans leur pays en 2019, tandis que de nombreux autres se heurtent à des problèmes de documents et de propriété que le Gouvernement syrien doit aider à résoudre. Une étude réalisée en novembre 2018 par NAMA Strategic Intelligence Solutions en partenariat avec la Konrad Adenauer Stiftung et portant sur 1 306 Jordaniens et 600 réfugiés syriens a révélé que 33 % des réfugiés syriens déclarent qu’ils «ne rentreront jamais au pays» et que 24 % estiment qu’ils ne «rentreront probablement pas».
41. L’instabilité constitue un obstacle majeur au retour. Cela suggère qu’il faut accorder la priorité à la sécurité, la stabilité et la reconstruction de la Syrie pour renforcer l’attractivité du pays et encourager le retour des réfugiés installés en Jordanie, au Liban, en Turquie et dans d’autres pays d’Europe, atténuer la radicalisation et la polarisation de la politique européenne vers l’extrême droite et désamorcer les tensions dans les pays pauvres en ressources du voisinage de la Syrie. 
			(22) 
			<a href='http://www.jordantimes.com/opinion/fares-braizat/syrian-refugees-returning'>www.jordantimes.com/opinion/fares-braizat/syrian-refugees-returning</a>.
42. L'accord conclu par l'Union européenne avec la Turquie sur les migrants n'a pas résolu le problème car les réfugiés syriens semblent pris au piège dans des conditions qui violent leurs droits les plus élémentaires, même en Europe. Par exemple, les conditions inhumaines dans les camps de rétention en Grèce ont été critiquées et par la communauté internationale et par les ONG.
43. L'éducation des enfants syriens est également un problème, sans parler du traumatisme psychologique causé par la guerre. Des ONG dispensent certes une éducation dans le cadre de plusieurs projets européens, mais au moins un tiers des enfants syriens ne vont pas à l'école, ce qui augmente le risque de radicalisation.
44. Qui plus est, le Fonds des Nations Unies pour la population a effectué une évaluation de la violence fondée sur le genre en Syrie en 2017 et conclu que l'aide humanitaire était échangée contre des services sexuels dans divers gouvernorats de Syrie. 
			(23) 
			<a href='https://www.humanitarianresponse.info/system/files/documents/files/2017-12_voices_from_syria_2nd_edition.pdf'>www.humanitarianresponse.info/system/files/documents/files/2017-12_voices_from_syria_2nd_edition.pdf</a>.
45. L'Union européenne est un des principaux donateurs; elle a octroyé plus de 10,8 milliards d’euros pour l’aide humanitaire, le développement économique et la stabilisation depuis le début de la crise. En juillet 2017, elle a annoncé une enveloppe de 1,5 millions d’euros pour soutenir la Commission d'enquête internationale indépendante sur la République arabe syrienne 
			(24) 
			Résolution 71/248 de
l’Assemblée générale des Nations Unies. et, en avril 2018, elle a réussi à mobiliser l'aide humanitaire aux Syriens en Syrie et dans les pays voisins, y compris pour les communautés d'accueil, moyennant des promesses de 3,5 milliards d'euros pour 2018 ainsi que des promesses pluriannuelles de 2,7 milliards d'euros pour 2019-2020. 
			(25) 
			<a href='https://www.consilium.europa.eu/fr/press/press-releases/2018/04/25/brussels-ii-conference-on-supporting-the-future-of-syria-and-the-region-co-chairs-declaration/'>Aide
à apporter pour l'avenir de la Syrie et des pays de la région –
Conférence de Bruxelles: déclaration des co-présidents</a>. Lors du Conseil des affaires étrangères de l'Union européenne du 18 février 2019, les ministres de l'Union européenne ont réaffirmé que l'Union européenne ne serait disposée à aider à la reconstruction de la Syrie que lorsqu'une transition politique globale, authentique et inclusive serait fermement engagée. La conférence «Bruxelles 3» sur le thème «Soutenir l'avenir de la Syrie et de la région», prévue du 12 au 14 mars 2019, visera à mobiliser la communauté internationale pour qu'elle soutienne les efforts humanitaires et de résilience du peuple syrien et des communautés hôtes. 
			(26) 
			<a href='https://www.consilium.europa.eu/fr/meetings/fac/2019/02/18/?utm_source=dsms-auto&utm_medium=email&utm_campaign=Foreign+Affairs+Council%2c+18%2f02%2f2019'>www.consilium.europa.eu/fr/meetings/fac/2019/02/18/?utm_source=dsms-auto&utm_medium=email&utm_campaign=Foreign+Affairs+Council%2c+18%2f02%2f2019</a>.
46. En décembre 2018, les agences des Nations Unies et ses ONG partenaires ont lancé le Plan régional 2019-2020 pour les réfugiés et la résilience (3RP), doté de 5,5 milliards $US et visant à soutenir les efforts nationaux de la Turquie, du Liban, de la Jordanie, de l’Égypte et de l’Irak pour gérer les conséquences durables de la crise syrienne. Comme le souligne le PNUD, en tant que communauté internationale nous devons faire le maximum pour faire preuve de solidarité à l’égard de ces hôtes vulnérables qui donnent tant malgré leurs propres difficultés à joindre les deux bouts. Notre réponse collective doit aussi permettre aux pays d’accueil d’obtenir le soutien nécessaire à la poursuite de leur développement. 
			(27) 
			<a href='http://www.3rpsyriacrisis.org/wp-content/uploads/2018/12/ENG_Summary_20dec.pdf'>www.3rpsyriacrisis.org/wp-content/uploads/2018/12/ENG_Summary_20dec.pdf</a>.

4. Engagement de la communauté internationale: un équilibre complexe de pouvoirs et de sphères d'influence

47. Le conflit a dégénéré au fil des ans au-delà de la simple guerre civile entre partisans et opposants du régime d’Assad. Le sectarisme en Syrie, encouragé sous la férule d'Assad, a fini par créer une animosité entre les différentes communautés religieuses. La guerre a reproduit cette segmentation entre groupes religieux et ethniques. Le sectarisme est considéré comme un facteur important contribuant à la guerre et à la difficulté à trouver une solution politique. 
			(28) 
			Pour
une analyse approfondie des groupes ethniques et religieux de Syrie,
voir l’excellent rapport de M. Pietro Marcenaro, qui a abouti à
la <a href='http://assembly.coe.int/nw/xml/XRef/Xref-DocDetails-FR.asp?FileID=18336&lang=FR'>Résolution
1878 (2012)</a> sur la situation en Syrie, Doc. 12906.
48. De plus, l’implication d’acteurs internationaux a engendré des alliances encore plus complexes et des intérêts divergents. Par exemple, le clivage chiites/sunnites, les intérêts de l'Iran, de l'Arabie saoudite, des Russes et des Américains ainsi que la rivalité entre la Turquie et les Kurdes nuisent à l'équilibre des pouvoirs et ajoutent à la complexité.
49. Au départ, un certain nombre de factions de l'opposition politique se sont réunies au sein d’une «Coalition nationale syrienne» visant à renverser le régime d'Assad. Ensuite, quatre principales factions de groupes armés se sont affrontées dans le pays: les forces gouvernementales syriennes (principalement l'armée arabe syrienne), l'opposition syrienne (divers groupes armés constituant la Coalition nationale syrienne), les forces kurdes, Daech et d'autres groupes terroristes comme Jaish al Fateh, une alliance entre le Front Al Nosra et Ahrar-al-Sham.
50. Le pouvoir chiite en Iran semble dépenser des milliards de dollars pour soutenir le gouvernement dominé par les Alaouites et envoie des conseillers militaires et des armes tout en fournissant des fonds et du pétrole. La Syrie est le principal pays de transit des cargaisons d'armes iraniennes alimentant le mouvement chiite islamiste libanais Hezbollah, qui a aussi envoyé des milliers de combattants soutenir les forces gouvernementales.
51. La tension dans les relations entre l’Iran et Israël est encore montée d’un cran au cours de l’année écoulée. Israël considère que sa principale menace stratégique est la présence croissante à ses frontières de groupes affiliés à l’Iran, ainsi que les ambitions de ce pays de se doter de l’arme nucléaire et de missiles balistiques. 
			(29) 
			<a href='https://www.ecfr.eu/mena/battle_lines/'>www.ecfr.eu/mena/battle_lines/</a>. Le retrait de Syrie annoncé par les États-Unis signifie également qu’Israël pourrait perdre son principal allié contre les forces iraniennes.
52. L'Arabie saoudite, gouvernée par les sunnites, aurait fourni une assistance militaire et financière aux rebelles syriens. Elle voit dans le soutien de l’Iran aux groupes chiites une menace directe contre les intérêts saoudiens.
53. Depuis 2014, les États-Unis ont fourni une assistance militaire à l'opposition syrienne et aux groupes armés kurdes, craignant que des armes perfectionnées ne tombent entre les mains des djihadistes. Il en est aussi résulté une confrontation directe entre les États-Unis et la Turquie. Il est possible que le retrait de l’armée américaine incite Daech à retourner en Syrie. Le Président français Macron a déclaré que Daech n’est pas encore vaincu et a réaffirmé que la France resterait engagée en Syrie en 2019. 
			(30) 
			<a href='https://www.diplomatie.gouv.fr/fr/le-ministere-et-son-reseau/actualites-du-ministere/actualites-du-ministere-de-l-europe-et-des-affaires-etrangeres/article/voeux-du-president-de-la-republique-au-corps-diplomatique-04-01-18'>www.diplomatie.gouv.fr/fr/le-ministere-et-son-reseau/actualites-du-ministere/actualites-du-ministere-de-l-europe-et-des-affaires-etrangeres/article/voeux-du-president-de-la-republique-au-corps-diplomatique-04-01-18</a>.
54. Même si Daech a perdu pratiquement tout le territoire qu’il occupait, les experts estiment que des milliers de ses combattants sont retournés à leurs racines insurrectionnelles et sont toujours capables de mener des attaques. Daech a été accusé par les Nations Unies de mener une campagne de terreur, infligeant des sanctions sévères à ceux qui transgressent ou refusent d'accepter ses règles, notamment des centaines d'exécutions publiques et d'amputations. Ses combattants ont également perpétré des massacres de groupes armés rivaux, de membres des forces de sécurité, de civils et de minorités religieuses, et ont décapité des otages, dont plusieurs Occidentaux. Plusieurs défis demeurent pour la Syrie d'après-guerre, comme le sort des anciens combattants et sympathisants de Daech et la question de savoir s'il devrait y avoir un processus d'intégration permettant à ces personnes de vivre en paix dans cette région, après avoir tenté de transformer leur mentalité violente.
55. Le retrait annoncé par les États-Unis est également préoccupant pour la sécurité des Kurdes de Syrie qui se sentent trahis, notamment suite à l’annonce par le Président turc d’une nouvelle opération militaire contre le territoire kurde situé à l’est de Manbij. Le gouvernement d’Assad et ses alliés veulent que ce territoire soit à nouveau contrôlé par Damas.
56. Pendant des années, la Turquie a soutenu les groupes rebelles contre le Gouvernement syrien. Elle a toutefois modifié sa position en 2015 quand les Unités de protection du peuple kurde (YPG) ont récupéré un vaste territoire du nord-est de la Syrie. Récemment, le Président Erdoğan a déclaré que «l’unique objectif» de la Turquie était de lutter contre des groupes comme Daech et le YPG, et le ministre des Affaires étrangères, M. Mevlüt Çavuşoğlu, a ajouté que la Turquie envisagerait de collaborer avec le Président Assad s’il remportait des élections démocratiques. 
			(31) 
			<a href='https://www.aljazeera.com/news/middleeast/2019/01/erdogan-assad-friendship-damaged-repair-190126174026594.html'>www.aljazeera.com/news/middleeast/2019/01/erdogan-assad-friendship-damaged-repair-190126174026594.html</a>.
57. La Russie est entrée dans le conflit en septembre 2015 en bombardant des opposants à Assad, mais elle aurait auparavant discrètement financé le régime d'Assad. La Russie a toujours affirmé qu’elle ne ciblerait que les «terroristes».
58. Même parmi les sympathisants du régime, il existe des divisions importantes: la Russie veut un État fort capable d'apporter la stabilité et la sécurité à l'intérieur de la Syrie tandis que l'Iran vise à créer un modèle semblable à celui du Liban et de l'Irak, avec des acteurs non étatiques alliés à l'Iran et un État faible.
59. Fin décembre 2018, en signe de normalisation, les Émirats Arabes Unis et le Bahrein ont rouvert leur ambassade à Damas. Le régime syrien et l’Iran profiteront sans doute de ce rapprochement pour faire la promotion de leur «discours de victoire» en Syrie. 
			(32) 
			<a href='https://www.aljazeera.com/indepth/opinion/uae-bahrain-open-embassies-syria-190107165601089.html'>www.aljazeera.com/indepth/opinion/uae-bahrain-open-embassies-syria-190107165601089.html</a>.

5. Faits récents dans le processus de paix

60. De nombreuses initiatives internationales visant à faire cesser la guerre se succèdent depuis 2011, mais les deux principales entreprises diplomatiques ont été les pourparlers de Genève, à l’initiative des Nations Unies, et les négociations d’Astana, avec la médiation de la Russie et de la Turquie.
61. Conformément au mandat donné par la Résolution 2254 (2015) du Conseil de sécurité des Nations Unies, les pourparlers parrainés par les Nations Unies ont concentré leur attention sur la gouvernance, un calendrier et un processus de rédaction d’une nouvelle constitution et d’organisation d’élections devant poser le fondement d’un règlement du conflit dirigé par les Syriens et reconnu par ceux-ci. Les discussions s’intéressent également aux stratégies de lutte contre le terrorisme. Les Nations Unies ont organisé huit tours de pourparlers intra-syriens depuis 2016. 
			(33) 
			Pourparlers
inter-syriens – dates clés du processus de paix: <a href='http://www.unog.ch/unog/website/news_media.nsf/(httpPages)/E409A03F0D7CFB4AC1257F480045876E?OpenDocument'>www.unog.ch/unog/website/news_media.nsf/(httpPages)/E409A03F0D7CFB4AC1257F480045876E?OpenDocument</a>.
62. Parallèlement à ce processus, les parties ont été convoquées à Ankara en décembre 2016 par la Russie, la Turquie et l’Iran, où elles ont accepté un cessez-le-feu national qui a débuté le 30 décembre 2016. En 2017 et en 2018, les parties ont participé aux pourparlers d’Astana, au Kazakhstan. Ces discussions organisées par les trois garants, la Russie, la Turquie et l’Iran, ont permis d’obtenir la création de quatre «zones de désescalade» en Syrie. Les résultats sont encore assez mitigés. Astana a abouti à des cessez-le-feu partiels, qui ont fréquemment été violés par toutes les parties au conflit, et aucun progrès n'a été enregistré sur les questions comme l'accès humanitaire aux zones assiégées.
63. L'ex-Envoyé spécial des Nations Unies, Staffan de Mistura, a maintes fois déclaré que le processus de paix serait basé sur la Résolution 2254 (2015) du Conseil de sécurité des Nations Unies, appelant à la fin des attaques contre les civils, l'exclusion de Daech et du Front al-Nosra, l'établissement d'une société multiethnique incluant tous les groupes religieux et ethniques en Syrie, la création d'une nouvelle constitution de la Syrie et la tenue d'élections libres et équitables dans les 18 mois au plus tard. L’Envoyé spécial a systématiquement réaffirmé la souveraineté de la Syrie et insisté sur le fait que les Syriens doivent s’approprier et diriger le processus politique.
64. La création d’un comité constitutionnel de 150 membres pour la Syrie a été approuvée lors des pourparlers de paix de Sotchi, en Russie, en janvier 2018, 
			(34) 
			Déclaration
finale de Sotchi, S/2018/121, 31 janvier 2018: <a href='http://www.securitycouncilreport.org/atf/cf/%7B65BFCF9B-6D27-4E9C-8CD3-CF6E4FF96FF9%7D/s_2018_121.pdf'>www.securitycouncilreport.org/atf/cf/%7B65BFCF9B-6D27-4E9C-8CD3-CF6E4FF96FF9%7D/s_2018_121.pdf</a>. dans le but d’instaurer un nouveau système de gouvernance plus inclusif en Syrie, conformément au processus politique dirigé et approuvé par les Syriens que demande la Résolution 2254 (2015) du Conseil de sécurité.
65. Au cours d’un briefing du Conseil de sécurité des Nations Unies en octobre 2018, M. de Mistura a indiqué que le gouvernement syrien avait proposé que les Nations Unies retirent leur liste de 50 personnes proposées pour participer aux travaux de ce comité en vue de créer une Syrie d’après-guerre plus démocratique. Les délégués de cette «troisième liste du milieu» étaient des experts syriens, des représentants de la société civile, des indépendants, des chefs de tribus et des femmes. Les autres délégués devaient être désignés par le gouvernement et l’opposition.
66. Les dirigeants syriens affirment que la réforme constitutionnelle est une affaire intérieure et insistent sur le principe de la non-ingérence, ajoutant que la constitution est une question sensible qui relève de la souveraineté nationale. Je suis tout à fait d’accord avec l’ex-Envoyé spécial qui note que le Conseil de sécurité est seul responsable du maintien de la paix et de la sécurité internationales. Il a chargé les Nations Unies de faciliter le processus politique interne à la Syrie pour la mise en œuvre de la Résolution 2254. Il s’agit de la seule possibilité de permettre aux Syriens de déterminer leur propre avenir. 
			(35) 
			<a href='https://www.securitycouncilreport.org/atf/cf/%7B65BFCF9B-6D27-4E9C-8CD3-CF6E4FF96FF9%7D/s_pv_8434.pdf'>www.securitycouncilreport.org/atf/cf/%7B65BFCF9B-6D27-4E9C-8CD3-CF6E4FF96FF9%7D/s_pv_8434.pdf</a>.
67. Selon les Nations Unies, la composition du «troisième groupe du milieu» doit répondre à des critères d’inclusion, de crédibilité et de diversité, réunir des personnes n’appartenant ni au gouvernement, ni à l’opposition et comporter un minimum de 30 % de femmes. La participation des femmes aux processus de paix est essentielle. Une étude réalisée en 2015 par l’Institut de hautes études internationales et du développement de Genève sur un échantillon de 40 processus de paix a révélé que les accords de paix auxquels participent les femmes ont 35 % de chances de plus de durer au moins 15 ans.
68. Le 27 juin 2018, notre commission a organisé un échange de vues avec la participation de Mme Rajaa Altalli, cofondatrice et codirectrice du Centre pour la société civile et la démocratie en Syrie, qui a également participé à un événement organisé en marge par la Conférence des organisations internationales non gouvernementales (OING) sur l’application de la Résolution 1325 (2000) du Conseil de sécurité des Nations Unies sur les femmes, la paix et la sécurité. Mme Altalli est aussi membre du Conseil consultatif des femmes syriennes créé en 2015 par les Nations Unies pour conseiller son Envoyé spécial. Ce Conseil s’est réuni à Genève mais n’a pas participé aux négociations officielles. Nos échanges ont confirmé l’importance de faire participer les femmes à la prévention des conflits, à leur règlement et aux efforts de réconciliation pour garantir que les intérêts des femmes et leur expérience vécue soient pleinement pris en compte dans les processus de paix, et que les femmes soient également prises en compte dans les efforts de relèvement du pays suite au conflit.
69. Quelques progrès ont été réalisés au fil des nombreuses réunions organisées fin 2018 et début 2019, et notamment entre les représentants du groupe des garants d’Astana sur la Syrie (Iran, Turquie et Russie) 
			(36) 
			Dernièrement, à la
fin du sommet de Sotchi, le 14 février 2019, les présidents iranien,
russe et turc ont publié une déclaration commune soulignant le ferme
attachement à la souveraineté, à l'indépendance, à l'unité et à
l'intégrité territoriale de la Syrie. <a href='https://en.mehrnews.com/news/142523/Joint-statement-by-presidents-of-Iran-Russia-and-Turkey-at-end'>https://en.mehrnews.com/news/142523/Joint-statement-by-presidents-of-Iran-Russia-and-Turkey-at-end</a>. , entre les participants aux réunions quadripartites (Allemagne, France, Russie et Turquie), et entre les membres du Groupe restreint (Égypte, France, Allemagne, Jordanie, Arabie saoudite, Royaume-Uni et États-Unis). Ces consultations ont une fois de plus confirmé l’importance de la création d’un comité constitutionnel validé et dirigé par la Syrie avec la médiation des Nations Unies, pour préparer une réforme constitutionnelle susceptible d’être approuvée par le peuple.
70. Le 15 janvier 2019, le nouvel Envoyé spécial des Nations Unies pour la Syrie, Geir O. Pederson, a ouvert les consultations à Damas afin d’obtenir un soutien pour une solution politique avec la médiation des Nations Unies, en traitant toutes les questions liées à la gouvernance, au processus constitutionnel et à la nécessité d'élections supervisées par les Nations Unies.

6. Conclusions et recommandations

71. Ce qui a commencé par une répression brutale par les forces de sécurité syriennes contre des manifestants civils mécontents du régime d'Assad début 2011 a engendré huit longues années d’une guerre sanglante, l’une des pires crises humanitaires que le monde ait connues depuis la seconde guerre mondiale.
72. Ce conflit continue d’avoir des conséquences dramatiques pour le peuple syrien et a déjà coûté la vie à plus de 400 000 personnes et déplacé environ 11,7 millions d’autres, soit 50 % de la population syrienne, dont plus de 5,6 millions ont cherché refuge dans les pays voisins et au-delà. Il a également un impact déstabilisateur sur le Proche-Orient et le monde arabe, ainsi que sur l’Europe où il exacerbe les divergences politiques et sectaires et la propagation du terrorisme.
73. La situation humanitaire reste extrêmement préoccupante, avec 13 millions de Syriens qui ont besoin d’une aide humanitaire, dont un tiers vivant dans des secteurs coupés du reste de la Syrie, y compris 2 millions de personnes déplacées dans la zone dite «de désescalade» d’Idlib.
74. L’impact du conflit armé sur les civils de Syrie, et notamment dans le nord-ouest, le nord-est et le sud-est du pays, reste très alarmant. Les progrès dans la reconquête de territoires de Syrie qui étaient aux mains de Daech et d’autres groupes terroristes méritent certes d’être salués, mais nous devons aussi prier instamment toutes les parties impliquées dans les opérations militaires correspondantes de prendre toutes les précautions possibles pour éviter de nuire aux milliers de civils piégés entre les frappes aériennes et les combats au sol, conformément à leurs obligations prévues par le droit international humanitaire. À Idlib et dans les secteurs voisins, nous appelons toutes les parties à respecter la désescalade et la zone démilitarisée qui a été convenue, ainsi qu’à protéger les civils.
75. Notre Assemblée devrait saluer les progrès dans les négociations réalisés par l’Envoyé spécial des Nations Unies et par la communauté internationale, y compris dans le cadre d’Astana, et appeler l’ensemble de la communauté internationale à unir ses efforts afin de permettre au processus politique défini par le Conseil de sécurité des Nations Unies d’aller de l’avant. Elle devrait appeler toutes les parties au conflit:
  • à renforcer le cessez-le-feu dans toutes les parties du pays, à permettre aux convois humanitaires de passer et à faciliter l’envoi rapide, en toute sécurité et sans entraves d’une assistance humanitaire soutenue;
  • à mobiliser des fonds pour répondre aux besoins immédiats et vitaux du peuple syrien, et en particulier des enfants, et protéger notamment leur droit à la vie, l'accès à une nourriture suffisante, à des abris et à des soins médicaux;
  • à prendre des mesures conformes au droit international pour entraver et tarir l’afflux de combattants terroristes étrangers qui rejoignent Daech et les groupes terroristes apparentés, en lien avec les décisions du Conseil de sécurité des Nations Unies;
  • à créer les conditions nécessaires à un retour volontaire, sûr et digne des réfugiés et des personnes déplacées, dans le respect des normes internationalement acceptées des droits de l’homme et du droit humanitaire, y compris des droits au logement, à la terre et à la propriété.
76. Des violations graves des droits de l'homme, notamment des meurtres, y compris d'enfants, de personnel médical et de patients hospitalisés, des actes de torture, des arrestations arbitraires, des bombardements disproportionnés et aveugles de zones civiles, des enlèvements, des exécutions, une privation systématique, dans certaines zones, de nourriture et d'eau, et l’entrave de tout traitement médical, ont été quelques-uns des principaux problèmes soulevés par la communauté internationale.
77. L’établissement des responsabilités pour les violations graves du droit international humanitaire et des droits de l’homme, les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité est essentiel pour parvenir à une paix durable en Syrie et faciliter le processus de réconciliation nationale et de justice transitionnelle. C’est pourquoi notre Assemblée doit:
  • appeler toutes les parties au conflit, et notamment le Gouvernement syrien, la société civile et le système des Nations Unies à pleinement coopérer avec le Mécanisme international, impartial et indépendant chargé de faciliter les enquêtes sur les violations les plus graves du droit international commises en République arabe syrienne depuis mars 2011, en fournissant notamment les informations et la documentation pertinentes;
  • demander que la situation en Syrie soit portée devant la Cour pénale internationale par le Conseil de sécurité des Nations Unies en vertu de l’article 13(b) du Statut de Rome.
78. Je suis également consternée par les allégations d’attaques chimiques qui auraient frappé Alep le 24 novembre 2018. Le recours aux armes chimiques par toute partie et en toutes circonstances est injustifiable. Notre Assemblée devrait à nouveau condamner avec la plus grande fermeté l'utilisation répétée des armes chimiques, qui est strictement interdite en vertu du droit international, notamment de la Convention de 1997 sur les armes chimiques, ratifiée par 192 États, dont la Syrie. Il est impératif que ses auteurs soient identifiés afin de pouvoir leur demander des comptes.
79. L’Assemblée devrait en outre exhorter toutes les parties à respecter la feuille de route pour la paix, dans le respect du processus politique mené par la Syrie sous les auspices de l'Envoyé spécial des Nations Unies pour la Syrie, conformément à la Résolution 2254 (2015) du Conseil de sécurité des Nations Unies et au Communiqué de Genève du 30 juin 2012, et saisir l’actuelle opportunité d’instaurer une paix durable, notamment:
  • en réalisant des avancées vers la création d’un comité constitutionnel dont la composition serait légitime, crédible, diversifiée et équilibrée, chargé de préparer une réforme de la Constitution, en tant que contribution au règlement politique et à l’instauration d’une Syrie d’après-guerre plus démocratique, conformément à la déclaration finale de Sotchi du 30 janvier 2018;
  • en veillant à ce que le comité constitutionnel permette une participation inclusive de l’opposition politique et de la société civile, avec notamment des délégués représentant des experts syriens, des organisations non gouvernementales, des chefs religieux et tribaux et un minimum de 30 % de femmes, comme le proposent les Nations Unies.
80. Le Conseil de l'Europe pourrait soutenir les efforts des Nations Unies, étant donné son expertise dans le domaine institutionnel et les objectifs fixés par la Résolution 2254 (2015) du Conseil de sécurité des Nations Unies. Le comité constitutionnel pourrait s’appuyer sur l’expérience et le savoir-faire de la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise) dans le processus de réforme constitutionnelle à venir.
81. Ensuite, j’insiste sur le fait que la crise des réfugiés syriens relève de la responsabilité non seulement des États voisins et de l'Europe, mais de la communauté internationale dans son ensemble. Je tiens à vivement saluer les efforts considérables consentis par le Liban, la Jordanie, la Turquie, l’Irak et l’Égypte pour accueillir les réfugiés syriens. Au 24 janvier 2019, 3,5 millions de Syriens étaient enregistrés par le Gouvernement turc, 2 millions de Syriens étaient enregistrés par le HCR en Égypte, en Irak, en Jordanie et au Liban, et plus de 33 000 réfugiés syriens étaient recensés en Afrique du Nord. Conformément à la Résolution 2224 (2018) sur la situation humanitaire des réfugiés dans les pays voisins de la Syrie, nous devons renouveler notre appel au États membres du Conseil de l'Europe:
  • à accroître les contributions financières au Plan régional des Nations Unies pour les réfugiés et la résilience, afin de soutenir les efforts nationaux consentis en Turquie, au Liban, en Jordanie et en Irak;
  • à réaliser un partage plus efficace des responsabilités par la mise en œuvre de réinstallations et d’autres formes d’admission légale des réfugiés de la région dans leur pays;
  • à utiliser tous les moyens diplomatiques existants pour favoriser un partage plus équitable des responsabilités avec les pays non membres de l’Union européenne et ceux qui participent au processus au Moyen-Orient.
82. Enfin, notre Assemblée devrait soutenir sans réserve les efforts du nouvel Envoyé spécial des Nations Unies pour la Syrie, M. Geir O. Pedersen, et s’associer à l’objectif des Nations Unies de mettre un terme aux souffrances du peuple syrien et de parvenir à un règlement durable et pacifique du conflit grâce à un processus politique inclusif, dirigé par la Syrie et répondant aux aspirations légitimes du peuple syrien.