1. Introduction
1. Les sociétés du XXIe siècle
requièrent de la créativité et une conscience de la diversité culturelle
et des valeurs culturelles, qui sont étroitement liées à d’autres
compétences sociales, comme l’ouverture d’esprit, la tolérance,
l’adaptabilité et la capacité à gérer les conflits. Les systèmes
d’éducation doivent assurer le développement de ces compétences
essentielles pour l’épanouissement personnel, la réussite professionnelle
et une participation active à la société.
2. La
Résolution 2123
(2016) «Culture et démocratie» de l’Assemblée parlementaire
appelle à «une bien plus grande reconnaissance du rôle que peut
jouer la culture dans la défense des valeurs et principes démocratiques,
et la construction de sociétés inclusives», et précise que «[l]a
culture est une source de renouveau intellectuel et de développement
humain. Une participation dynamique à des activités culturelles aide
les individus à développer un esprit critique et une compréhension
plus grande des différentes visions du monde, à nouer des relations
avec autrui et à acquérir une voix propre ainsi qu'à définir leur
rôle au sein de la société» (paragraphes 2 et 3).
3. La résolution souligne également que «[l]es politiques éducatives
visent généralement à dispenser des connaissances et des compétences
professionnelles répondant à des besoins économiques, alors que l'épanouissement
personnel, qui est pourtant un facteur clé du bien-être personnel
et sociétal, a été, dans une large mesure, négligé ces dernières
décennies. L’Assemblée estime que les politiques éducatives devraient être
révisées et servir d’élément moteur dans le monde d’aujourd’hui
caractérisé par des mutations rapides et une complexité croissante.
L'éducation culturelle doit jouer un rôle important dans ce processus,
notamment pour promouvoir le dialogue et la compréhension mutuelle,
et renforcer la solidarité et le respect des droits de l'homme»
(paragraphe 4).
4. Le présent rapport est la suite directe de cette résolution.
Son objectif est double:
- il
examine, d’une part, la manière dont l’épanouissement personnel
devrait être stimulé à la fois au travers de politiques gouvernementales
en matière d’éducation artistique et culturelle de qualité, et à l’aide
de nouveaux partenariats entre les différentes institutions gouvernementales
et les acteurs gouvernementaux et non gouvernementaux;
- il explore d’autre part la manière de promouvoir l’épanouissement
personnel grâce à la reconnaissance des compétences dans les domaines
artistiques et culturels acquises au sein des institutions du système
éducatif mais également dans le cadre des activités extra-scolaires
pratiquées par les jeunes.
5. Je propose, à cet égard, d’étudier l’opportunité et la faisabilité
d’un outil à l’échelle européenne pour la reconnaissance des compétences
acquises par les apprenants lors de leur participation à des activités artistiques,
culturelles et créatives: un «
Cultural
Competences Award»
. La réflexion concernant
cet outil européen a été menée en collaboration avec Mme Joan
Parr, responsable de Creative Learning pour Creative Scotland (Édimbourg)
et présidente du réseau ACEnet
.
6. Cet outil aurait pour but de certifier et de valoriser les
aptitudes, les connaissances et les attitudes acquises par des milliers
de jeunes qui participent actuellement à des activités d’apprentissage
extra-scolaires dans le domaine des arts et de la culture partout
en Europe, et qui ne sont pas reconnues à ce jour. Il serait utile
aux jeunes, à titre individuel, au regard de leur épanouissement
personnel, leur bien-être et leur employabilité, tout en témoignant
de notre compréhension du lien entre la culture et les valeurs européennes.
7. Ce rapport s’intéresse aux jeunes mais les propositions qui
y sont présentées pourraient servir aussi aux apprenants concernés
par l’apprentissage tout au long de la vie. Il traite principalement
des activités extra-scolaires, c’est-à-dire les activités qui ne
font pas partie du programme scolaire de base; mais rien n’empêche que
les activités en question aient lieu sur le temps scolaire ou soient
organisées par des professeurs, en fonction des conditions locales.
8. Le rapport propose également une méthodologie générale pour
la création et le développement de cette certification, afin d’établir
de nouveaux partenariats significatifs et stables entre une variété
d’acteurs qui s’engagent à promouvoir les réalisations et les réussites
des jeunes dans la compétence «sensibilité et expression culturelles»,
car ils sont conscients de son interdépendance avec les autres compétences
clés de l’Union européenne et de son importance pour une adhésion
solide aux valeurs européennes.
2. Le rôle de l’éducation artistique
9. Depuis le début du XXIe siècle,
l’Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et
la culture (UNESCO) porte une attention particulière à l’éducation
artistique. Lors de la 2e Conférence
mondiale sur l’éducation artistique organisée à Séoul en 2010, des
représentants gouvernementaux et des experts des 95 pays participants
sont convenus d’un «Agenda de Séoul».
Celle-ci insiste sur «l’importance
du rôle que doit jouer l’éducation artistique dans la transformation
des systèmes éducatifs en vue de satisfaire les besoins des apprenants
dans un monde en mouvement constant, un monde caractérisé, d’une
part, par de remarquables progrès technologiques et, d’autre part,
par des injustices sociales et culturelles non surmontées».
10. l’Agenda de Séoul appelle tous les États membres de l’UNESCO
à «appliquer les stratégies proposées et [à] mettre en œuvre les
actions dans un effort concerté:
- pour
parvenir à une éducation artistique de grande qualité qui renouvelle
les systèmes éducatifs;
- pour répondre à des enjeux sociaux et culturels;
- pour profiter aux enfants, aux jeunes et aux apprenants
de tous âges».
11. L'Agenda de Séoul a lancé une discussion sur une éducation
artistique de qualité ainsi que sur la distinction entre éducation
pour l’art (par exemple, promotion de jeunes talents susceptibles
de former la prochaine génération d’artistes), éducation à l’art
(par exemple, enseignement des beaux-arts, de la musique, du théâtre,
d’artisanats, etc.) et éducation par l’art (par exemple, utilisation
de l’art comme outil pédagogique dans d’autres disciplines, telles
que littérature, notions de calcul et technologie).
12. Lorsque l’éducation artistique est liée à des domaines extérieurs
au secteur culturel (éducation par l’art), on peut distinguer trois
autres grands concepts: une approche qui fait ressortir l’intérêt
de l’éducation artistique pour le développement de compétences cognitives
et pour le renouvellement de l’enseignement – effets de transfert
vers d’autres domaines de compétence ainsi qu’interactions entre
art et autres secteurs importants pour nos sociétés, innovation
par l’éducation, par exemple –, un aspect social (par exemple, éducation
pour le développement durable ou l’instruction civique) et une dimension
économique.
13. L’année 2020 marquera le 10e anniversaire
de l’Agenda de Séoul de l’UNESCO et, actuellement, de nombreux réseaux
internationaux – notamment ACEnet, l’European Network of Observatories
(ENO, le réseau européen d’observatoires), le Réseau international
pour la recherche en éducation artistique (INRAE), l’International
Society for Education through Art (InSEA) ou l’International Teaching
Artist Collaborative (ITAC) – s’emploient à concevoir une méthodologie
permettant d’enregistrer les progrès des nations européennes par
rapport aux objectifs de l’Agenda de Séoul. Ce rapport s’inscrit
dans la même direction.
3. Quels
sont les enjeux?
14. Que ce soit sur le plan économique,
social ou éducatif, il existe des raisons de plus en plus fortes
de développer, de soutenir et de reconnaître les compétences artistiques,
culturelles et créatives dans toutes les formes d’apprentissage
– formel, informel et non formel. Des spécialistes observent que,
lorsqu’un jeune bénéficie d’une longue expérience de l’art et de
la culture, il n’acquiert pas seulement des compétences artistiques
mais aussi des compétences utiles dans tous les domaines de la vie.
15. Selon une récente publication de l’association britannique
«Cultural Learning Alliance»
:
- la
participation à des activités artistiques structurées peut accroître
les capacités cognitives de 17 %;
- l’éducation artistique et culturelle peut améliorer les
résultats de l’apprentissage des maths et de l’anglais;
- l’éducation artistique et culturelle développe les aptitudes
et les comportements favorables à la réussite scolaire des enfants;
- les élèves/étudiants de milieux défavorisés qui participent
à des activités artistiques à l’école ont trois fois plus de chances
d’obtenir un diplôme;
- chez les étudiants de disciplines artistiques, l’aptitude
à l’emploi et la probabilité de le conserver sont supérieures;
- s’ils pratiquent des disciplines artistiques à l’école,
les étudiants de milieux modestes sont deux fois plus susceptibles
de s’engager dans le bénévolat; et le nombre de ceux susceptibles
de voter à l’âge adulte est supérieur de 20 %;
- s’ils participent à des activités artistiques, le nombre
des jeunes délinquants susceptibles de récidiver est inférieur de
18 %;
- les personnes qui participent à des activités artistiques
ont 38 % plus de chances d’être en bonne santé.
16. D’après les prévisions du Forum économique mondial de Davos
, les arts constitueront une force motrice
du développement économique, avec 65 % des enfants entamant leur
scolarité aujourd’hui qui travailleront demain dans des emplois
qui n’existent pas encore. Dans bon nombre de pays, les industries
dites créatives apparaissent comme le plus grand secteur de l’activité
économique. Cette situation appelle à une totale refonte du système
éducatif européen. Le Forum économique mondial reconnaît la créativité
comme le troisième groupe de compétences plus important favorisant
l’embauche
.
Aussi la créativité devra-t-elle occuper une place éminente dans
l’éducation.
17. L’Organisation de coopération et de développement économiques
(OCDE) avance dans la même direction et envisage actuellement d’inclure
l’esprit critique dans le Programme international pour le suivi
des acquis des élèves (PISA), en vue d’une phase de test qui débutera
en 2021. Cette démarche devrait considérablement renforcer une prise
de conscience et un intérêt pour le développement des aptitudes
à la créativité. Selon le groupe consultatif qui travaille sur le
projet, la «créativité» se décline en cinq «façons de penser»: curiosité,
persévérance, esprit de collaboration, discipline et imagination.
Faut-il inclure dans le PISA une évaluation de la créativité (et
classer les résultats)? La décision sera prise ultérieurement.
18. Dans ce contexte, il convient de rappeler que l'Assemblée,
dans ses
Résolutions
2123 (2016) et
2270 (2019) , définit la culture comme incluant
les caractéristiques spirituelles, matérielles, intellectuelles
et émotionnelles qui caractérisent une société. La culture couvre
non seulement le patrimoine culturel, les arts et les lettres, mais
également les modes de vie, les façons de penser et d'agir, les
systèmes de valeurs, les traditions et les croyances.
19. De plus en plus, les institutions européennes adoptent des
modèles de programme d’enseignement basés sur des compétences, considérant
les activités artistiques, culturelles et créatives comme vitales
pour des personnes et des sociétés en bonne santé.
20. Pourtant, malgré l’intérêt accru pour ces compétences et malgré
l’atout que, à l’avenir, la population férue d’art et de créativité
est censée détenir, des études spécialisées
brossent un tableau peu encourageant des
prestations scolaires en matière d’art et de créativité dans la
majorité des régions d’Europe. Dans près d’un quart des cas, la
médiocrité des programmes artistiques et culturels risquerait même
d’avoir des effets négatifs sur la participation des enfants aux
activités artistiques, sur leur créativité et sur leur imagination.
21. Les jeunes améliorent leurs compétences (connaissances, aptitudes
et attitudes) par une large palette d’activités parascolaires; dès
lors, il est nécessaire d’élaborer une méthode qui devrait mieux
rendre compte de tous leurs progrès et les mettre en valeur, au
lieu de ne baser l‘évaluation des jeunes que sur les examens scolaires.
4. Une
éducation artistique de qualité pour tous
22. Selon la recherche
, n’importe quelle éducation artistique
et culturelle ne fait pas l’affaire. Quel que soit le niveau d’enseignement
et qu’il s’agisse d’enseignement formel ou informel, les enfants
doivent recevoir une éducation artistique de grande qualité. Pourtant,
malgré le réel succès des arguments avancés pour intégrer l’art
dans les politiques éducatives, la mise en œuvre à large échelle
de programmes artistiques à l’école laisse encore à désirer.
23. À l’exception de quelques pays, le niveau global de l’éducation
artistique et culturelle dispensée aux enfants est très faible.
Dans la plupart des pays, les enseignants ne sont pas préparés à
donner des cours sur l’art ni à utiliser certaines de ses techniques
au cours du processus d’apprentissage. Dans l’enseignement actuel,
des disciplines telles que littérature, mathématiques, sciences
et les technologies de l’information et des communications (TIC)
font l’objet de contrôle et de reporting,
mais l’incidence des expériences artistiques et culturelles sur
l’éducation des enfants dans son ensemble n’est pas prise en compte.
24. Il existe tout de même des exemples de bonnes pratiques de
par le monde. Une éducation artistique de qualité promeut l'identité
culturelle et a un effet positif sur les résultats scolaires des
enfants, notamment pour l’apprentissage de la lecture/écriture et
d’une seconde langue. Parallèlement, une éducation artistique de qualité
améliore les attitudes des élèves vis-à-vis de l’école, la manière
dont parents et collectivité perçoivent l’école, ainsi que l’intérêt
des élèves pour la culture et l’art.
25. En outre, une éducation artistique et culturelle de qualité
rehausse l’estime de soi, aide à construire un sentiment identitaire
et encourage l’unité et la diversité. Dans une société dynamique,
elle renforce la capacité de l’individu à s’adapter au changement
et favorise l’appréciation et la compréhension du patrimoine (tant matériel
qu’immatériel). De fait, une éducation riche sur le plan culturel
permet aux individus de participer activement à la création du patrimoine
du design et de la production de demain. Ainsi l’art peut-il être
considéré comme l’un des investissements les plus précieux pour
l’avenir.
26. Il est également essentiel pour l'éducation artistique et
culturelle d'enseigner les compétences nécessaires pour participer
efficacement à la culture démocratique et vivre paisiblement avec
d'autres personnes dans des sociétés démocratiques culturellement
diverses. Dans ce contexte, je voudrais souligner l’importance des
valeurs, attitudes, compétences, connaissances et compréhension
critique définies dans le cadre de référence du Conseil de l’Europe
pour les «Compétences pour une culture de la démocratie»
, ainsi que dans le cadre de compétences
clés de l’Union européenne «Sensibilisation et l’expression culturelles»
, à intégrer comme éléments essentiels
des programmes d’enseignement des arts et par les arts.
27. Des programmes de qualité devraient être bâtis autour de la
notion d'inclusivité et d'éducation riche sur le plan artistique
pour tous. Autrement dit, tous les enfants, indifféremment des aptitudes
et capacités artistiques, de la motivation initiale, du comportement
ou de la situation économique, doivent pouvoir bénéficier de prestations
artistiques de haut niveau, tant pour apprécier l’art sous toutes
ses formes qu’à travers les autres disciplines du programme. Cette
démarche est particulièrement importante dans le cadre d’initiatives visant
à dispenser une éducation pour tous et à favoriser l’inclusion des
groupes marginalisés au sein de l’enseignement général
28. Il faut veiller à ce qu’il existe des programmes artistiques
de qualité pour tous les enfants. Dispenser une éducation artistique
aux seuls élèves talentueux ou intéressés ne saurait être considéré
comme dispenser une éducation complète pour tous. On ne peut parler
d’éducation artistique adéquate simplement par ce qu’une école a
un orchestre, une chorale, un groupe de danse, une représentation
théâtrale annuelle ou un club artistique.
5. Dispenser
une éducation artistique de qualité: le rôle du corps enseignant
et de la direction scolaire
29. Dans de nombreux cas, la qualité
de l’éducation artistique dépend de ce qui est fourni au niveau
de l’école, qui peut être différent d’une l’école à l’autre. Pourtant,
les enseignants sont rarement soutenus dans leur mission. Il semble
que l’art souffre d’une absence de reconnaissance dans la majorité
des programmes éducatifs et que, en la matière, les enseignants
manquent généralement de formation – ou, tout au moins, de formation
adéquate. Des études montrent que, dans les pays ayant pris au sérieux
leur responsabilité en matière d’éducation artistique et culturelle,
la politique éducative s’est accompagnée d’initiatives systématiques
de formation professionnelle.
30. Il est nécessaire de mettre en place une formation de qualité
à l’intention des enseignants et une formation professionnelle continue
à l’intention des enseignants et des professionnels de la création
– cette dernière étant, d’après les études sur ce sujet, beaucoup
plus efficaces pour améliorer la qualité de l’éducation artistique
qu’une formation initiale, c’est-à-dire avant l’emploi. Le développement
professionnel continu a le pouvoir de revigorer les enseignants
et les professionnels de la création, mais aussi de stimuler chez
eux la confiance, la créativité et le plaisir. Des études indiquent
que l’art renforce l’engagement des enseignants et, dans l’ensemble,
accroît la qualité de leur pédagogie.
31. Les responsables scolaires (directeurs d’établissements, principaux
et inspecteurs) jouent un rôle primordial pour assurer qu’une éducation
artistique de qualité est dispensée à l’école; en conséquence, ces responsables
doivent eux aussi bénéficier d’un développement professionnel afin
d’étendre la panoplie des aptitudes requises pour bien gérer, organiser,
adapter et planifier l’enseignement, afin de ménager une place aux
pratiques artistiques à l’école.
32. En général, les programmes artistiques de qualité abondent
dans les situations propices à une flexibilité organisationnelle.
Dans le secteur de l’éducation, des emplois du temps stricts, une
compartimentalisation de l’apprentissage et des structures d’évaluation
restrictives ont tendance à limiter l’ampleur et la qualité de l’éducation
artistique. Idem au sein des organisations culturelles, où différents
facteurs – par exemple, maîtrise des coûts, limites physiques d’une
galerie ou d’un musée, manque de souplesse administrative – restreignent les
possibilités d’un véritable engagement envers le secteur de l’éducation.
6. La
recherche de nouveaux partenariats
33. L’éducation artistique et culturelle
n’est pas de la responsabilité d’une seule et même institution;
elle est une tâche transversale. Elle prospère dans des établissements,
institutions, organisations, associations et sociétés intervenant
en priorité dans les domaines de la culture, de l’éducation, de
la jeunesse et de l’université, mais aussi de l’économie, de la
santé et de l’urbanisme. Une éducation artistique et culturelle
de qualité est le fruit de partenariats solides entre institutions
publiques responsables, entre les écoles et des organisations artistiques
et communautaires ou, forme encore plus novatrice, entre écoles,
organisations artistiques et entreprises. Ce sont les écoles, les
enseignants, les artistes, les communautés et, de plus en plus,
les diverses industries et entreprises donatrices qui, ensemble,
assument la responsabilité de dispenser les programmes.
34. Dans le même esprit, notre récente
Résolution 2270 (2019) sur la valeur du patrimoine culturel dans une société
démocratique a encouragé l’adoption de politiques visant «à revoir
et à actualiser les programmes d’enseignement et de formation professionnelle
de manière à ce qu’ils répondent bien à l’évolution des besoins en
matière d’emploi dans le secteur culturel, en associant plus étroitement
les arts, l’économie, la technologie et la science afin de stimuler
des interactions beaucoup plus efficaces entre les technologies,
les arts et l’entrepreneuriat» (paragraphe 4.2.4).
35. Le paradoxe c’est que la plupart des États européens sont
dotés au niveau national, régional et local de ministères ou de
départements distincts pour l’éducation – que ce soit l’enseignement
primaire, secondaire, tertiaire ou destiné aux adultes – et pour
la culture. Différentes autorités gèrent les établissements tels
que théâtres, opéras, bibliothèques, musées, crèches, écoles et
universités. La gamme de ces différents établissements reflète aussi
la diversité des attributions, objectifs et groupes cibles des autorités
qui en sont responsables, ainsi que la diversité des attitudes,
des valeurs et des méthodes associées à l’offre éducative et culturelle.
36. Un partenariat actif implique la participation directe d’un
vaste éventail d’instances culturelles et artistiques à tous les
aspects de la planification et de la prestation des programmes d’éducation
artistique. Les programmes les plus efficaces ont su mettre en place
des associations durables et à long terme avec des agences et des
industries culturelles selon des termes de réciprocité. Dans un
partenariat authentique, tous les acteurs prennent acte des contributions
faites par les autres et s’impliquent dans tous les aspects de la prise
de décision, de l’exécution et de l’évaluation.
37. Bien que fréquents dans les écoles, les programmes d’artistes
en résidence n’atteignent pas toujours le niveau de partenariat
nécessaire à des prestations artistiques de qualité. Ce type de
partenariat doit être multiple et tourné vers l’extérieur, entre
plusieurs écoles et d’autres instances éducatives, comme la collectivité,
les institutions, les artistes et les familles.
38. Souvent, les familles hésitent à encourager leurs enfants
à participer à des activités artistiques, celles-ci étant considérées
comme récréatives plus qu’éducatives. L’intervention de partenariats
culturels favorise l’éducation artistique et encourage l’ensemble
de la communauté à percevoir l’intérêt des arts. Sans compter qu’une
alliance précoce entre institutions culturelles, parents et enfants
a toutes les chances de se traduire plus tard par un plus grand
afflux du public.
39. En revanche, si l’intervention des professionnels de la création
est ponctuelle, brève et de pure forme, il est peu probable qu’elle
affecte durablement la qualité des prestations artistiques au sein
de l’école ou du cadre éducatif. Pour un partenariat de qualité,
la durée idéale est d’au moins deux ans et il doit bénéficier de l’engagement
de hauts responsables des organisations éducatives, artistiques
et culturelles concernées.
40. La collaboration est un élément crucial des arts, en particulier
pour les arts du spectacle. En effet, plus que dans d’autres disciplines,
les arts exigent très souvent un travail de groupe – ainsi le théâtre,
la musique et la danse. Quant au travail de groupe, il suscite un
esprit d’appartenance et d’interaction qui est également important
pour l’épanouissement personnel de l’enfant. Le travail d’équipe,
outre qu’il améliore les compétences communicatives et sociales,
peut avoir une réelle incidence sur l’attitude générale de l’enfant
vis-à-vis de l’école.
7. Le
fondement des politiques en faveur d’un outil de reconnaissance
des compétences culturelles à l’échelle européenne: que prévoient
les textes en vigueur en la matière?
41. Le Conseil de l’Europe et la
Commission européenne défendent avec éloquence, dans nombre de documents
récents, la nécessité urgente de promouvoir les valeurs européennes,
de reconnaître le rôle central de la culture au sein des problématiques
sociales, économiques et démocratiques actuelles, de valoriser les compétences
de sensibilité et d’expression culturelles, et d’encourager les
partenariats entre différents domaines d’action. Les exemples suivants
sont une toute petite sélection issue de documents clés.
42. Notre rapport sur «Culture
et démocratie»
appelle le Conseil de l’Europe
à rester à l’avant-garde lorsqu’il s’agit de placer la culture au
cœur du processus démocratique. Il recommande d’encourager la coopération
entre les différents secteurs du Conseil de l'Europe en vue d’élaborer
des approches novatrices en matière de politiques culturelles. Il
indique que les États membres doivent mieux intégrer les activités culturelles,
améliorer l’accès à la culture des jeunes marginalisés et défavorisés
et soutenir les projets qui visent à intégrer les activités culturelles
dans d’autres domaines d’action, comme la santé, les services sociaux,
les établissements pénitentiaires et les programmes de réinsertion
des détenus.
43. En se fondant sur ce rapport, la
Résolution 2123 (2016) de l’Assemblée demande notamment aux États membres:
- de faire respecter le droit
de tout un chacun de participer à la vie culturelle en tant que
droit de l’homme fondamental (paragraphe 6.1);
- de promouvoir la diversité des expressions culturelles
en tant que facteur positif d’innovation et de développement (paragraphe
6.2);
- d’encourager les partenariats entre les secteurs culturels
(institutions culturelles et artistes individuels) et le système
éducatif, dont l'éducation formelle et l'apprentissage tout au long
de la vie, afin de promouvoir la compréhension de la liberté d'expression,
le respect de la diversité et le développement des compétences interculturelles
dès le plus jeune âge (paragraphe 6.4);
- de rapprocher le plus possible du citoyen les processus
décisionnels concernant la culture (paragraphe 6.5).
7.2. Cadre
d’indicateurs sur la culture et la démocratie (FIDC): guide à l'intention
des responsables politiques
44. Le FIDC du Conseil de l’Europe
est un outil pour évaluer et optimiser les politiques culturelles
sur la base de données comparatives fiables et pour examiner les
liens entre culture et démocratie dans et entre les 47 États membres
du Conseil de l'Europe. Le premier rapport thématique «Participation
culturelle et sociétés inclusives» (2017) souligne les liens entre
culture, confiance dans la société et inclusion. Le guide du FIDC (2016)
à l’intention des responsables politiques explique la logique et
comment mettre en œuvre le cadre.
45. Ce dernier document affirme qu’«[u]n lien a été établi au
cours des dernières années entre une démocratie forte, aux rouages
bien huilés, et l’abondance de l’offre culturelle pour les citoyens
et tout autre habitant de la société. Une société est présumée s’ouvrir,
se montrer plus tolérante, mieux fonctionner et prospérer économiquement
dès lors que sa population accède facilement à toutes sortes d’activités
culturelles, et qu’elle y participe en nombre. Les activités culturelles
semblent en effet jouer un rôle important chez les citoyens, notamment
dans le développement de leur capacité à s’exprimer, à s’informer,
à développer une pensée critique et à se forger une opinion – des
compétences essentielles au bon fonctionnement de la démocratie»
.
7.3. Manuel
Sensibilité et expressions culturelles (Cultural awareness and expression
handbook)
46. En décembre 2016, le groupe
de travail Méthode ouverte de coordination de l’Union européenne
sur l'élaboration de la compétence «Sensibilité et expression culturelles»
a publié un
manuel consacré à ce sujet; son annexe contient des exemples
de bonnes pratiques relevées dans toute l’Europe. La compétence
relative à la sensibilité et à l’expression culturelles sont l’une
des huit compétences clés qui constituent l’outil de référence que
les États membres de l’Union européenne sont invités à intégrer
à leurs stratégies et à leur infrastructure dans le cadre de l’apprentissage
tout au long de la vie.
47. Ce manuel définit les compétences relatives à la sensibilité
et à l’expression culturelles comme l’appréciation de l’importance
de l’expression créative d’idées, d’expériences et d’émotions par
le biais de moyens d’expression variés, notamment la musique, les
arts du spectacle, la littérature et les arts visuels. Par savoir
culturel, on entend la connaissance du patrimoine culturel local,
national et européen et de sa place dans le monde. Il s’agit de
connaissances basiques des principaux courants culturels, y compris
la culture populaire contemporaine. Cette définition repose sur
l’idée qu’une réelle compréhension de notre propre culture et de
notre propre identité peut être le fondement d’une attitude ouverte
envers les autres et de respect pour la diversité et l’expression
culturelle.
48. Les aptitudes pertinentes concernant ces compétences incluent,
entre autres, la capacité à mettre en relation les points de vue
créatifs et expressifs d’une personne avec les opinions d’autrui,
et à identifier et exploiter des opportunités sociales et économiques
au sein d’une activité culturelle
.
7.4. Recommandation
du Conseil de l’Union européenne relative aux compétences clés pour l'éducation
et la formation tout au long de la vie
49. Le Conseil de l’Union Européenne
a adopté le 22 mai 2018 une
Recommandation
relative aux compétences clés pour l’éducation et la formation tout
au long de la vie. La recommandation contient en annexe la version mise
à jour du «Cadre de référence européen» des compétences clés pour
l'éducation et la formation tout au long de la vie. Ce Cadre définit
huit compétences clés
,
considérées d’importance égale et étroitement liées, «nécessaires
à toute personne pour l’épanouissement et le développement personnels, l’employabilité,
l’inclusion sociale, un mode de vie durable, la réussite dans une
société pacifique, une gestion de vie saine et la citoyenneté active».
50. Parmi ces compétences clés figurent les «compétences relatives
à la sensibilité et à l’expression culturelles», lesquelles «supposent
de comprendre et de respecter la façon dont les idées et le sens
sont exprimés et communiqués de manière créative dans des cultures
différentes et à travers un éventail d’arts et d’autres formes de
culture. Elles nécessitent de s’engager à comprendre, à développer
et à exprimer ses propres idées et son sentiment d’appartenance
ou son rôle dans la société de différentes manières et dans divers
contextes».
7.5. Programme
de l’Union européenne «Europe créative» (2014-2020, 2021-2027)
51. Le programme Europe créative
a été mis en place en 2014 dans le but de préserver et de promouvoir la
diversité culturelle et linguistique et le patrimoine culturel européen,
ainsi que de renforcer la compétitivité des secteurs de la culture
et de la création en Europe. Le programme vise à anticiper les nouvelles
tendances dans les secteurs concernés en établissant un pont entre
culture et créativité, en favorisant le mouvement de jeunes artistes
talentueux et en partageant le contenu culturel au-delà des frontières.
Il aide les organisations culturelles et créatives à opérer de manière
transnationale et favorise la circulation transfrontalière des œuvres culturelles
et la mobilité des acteurs culturels.
52. La nouvelle proposition de la Commission européenne relative
au programme Europe créative 2021-2027
reconnaît la valeur intrinsèque
de la culture et propose une double augmentation du budget, préservant la
liberté d'expression artistique, la mobilité des artistes et la
circulation des œuvres. Malheureusement, la proposition ne favorise
pas un lien explicite entre créativité, culture et éducation.
53. Le 27 novembre 2018, les ministres de la Culture de l'Union
européenne ont adopté les conclusions sur le plan de travail pour
la culture 2019-2022
, qui offre néanmoins deux domaines
de création de synergies entre culture, éducation, recherche, numérisation
et développement régional et urbain. Il s’agit notamment: a) de
la «jeune génération créative», qui visera à encourager la créativité
des jeunes et leur potentiel d’innovation à l’ère numérique, et
b) «de la citoyenneté, des valeurs et de la démocratie», qui examinera l’impact
de la participation aux arts et à la culture sur la citoyenneté
active, l’ouverture d'esprit, la curiosité et l’esprit critique
et applicabilité du cadre d'indicateurs du Conseil de l'Europe sur
la culture et la démocratie dans le contexte de l'Union européenne.
8. Modèles
existants de certification pour les jeunes
54. De nombreuses certifications
destinées aux jeunes existent en Europe, mais très peu d’entre elles concernent
les arts ou la culture, ou ont pour objet la reconnaissance et la
validation des réussites des jeunes.
55. Le certificat
Youthpass est un outil à l’échelle européenne
pour documenter et reconnaître ce que les jeunes apprennent par
le travail et les activités solidaires. Il est disponible pour les
projets financés par Erasmus+ – programme Jeunesse en action de
la Commission européenne. Les participants au projet ont la possibilité
de décrire ce qu’ils ont fait dans leur projet et quelles compétences
ils ont acquises. Ainsi,
Youthpass encourage
la réflexion sur le processus et les résultats de l’apprentissage
non formel personnel, renforce la reconnaissance sociale du travail
des jeunes et soutient la citoyenneté européenne active des jeunes
et des travailleurs de la jeunesse en décrivant la valeur ajoutée
de leur projet. Il vise également à soutenir l’employabilité des
jeunes et des travailleurs de la jeunesse en les rendant plus conscients
de leurs compétences, en les aidant à décrire ces compétences et
en documentant leur acquisition de compétences clés sur un certificat.
56. Au Royaume-Uni, l’
Arts Award est un instrument abouti issu d’un
programme national fondé en 2005 et géré par le Trinity College
de Londres, en association avec l’Arts Council (Conseil des arts),
Angleterre. C'est un outil proposé aux jeunes qui souhaitent approfondir
leur engagement artistique, acquérir des compétences créatives et
obtenir une qualification nationale. Au moyen de ses cinq niveaux,
les enfants et les jeunes (jusqu’à 25 ans) peuvent explorer tous
les arts, notamment arts du spectacle, arts visuels, littérature,
médias et multimédia. Cette certification favorise la confiance,
aide la jeunesse à apprécier les activités culturelles et la prépare
à une formation complémentaire ou à l’emploi. L’
Arts Award est particulièrement
utile pour promouvoir les compétences de leadership dans le domaine
artistique. Cependant, à la connaissance des rédacteurs, il n’inclut
pas les éléments plus larges de la culture et du patrimoine.
57. Au niveau institutionnel, Artsmark
est la norme de qualité créative
pour les écoles, accréditée par le Conseil des arts en Angleterre.
Il fournit un cadre clair aux enseignants pour planifier, développer
et évaluer les arts, la culture et la créativité dans le curriculum.
Elle permet aux écoles d’accéder à des réseaux d’organisations culturelles
de premier plan qui leur permettent d’utiliser les arts pour engager
et développer des jeunes affirmés et confiants et inspirer les enseignants.
En plus de reconnaître les écoles qui rendent les arts vivants,
le prix Artsmark est un outil pratique et précieux pour enrichir
l’offre artistique d’une école, quel que soit le point de départ.
Les écoles sont classées dans les catégories argent, or ou platine,
en fonction de leurs réalisations.
58. Le Certificat de compétences culturelles
, projet pilote allemand, est un passeport
éducatif attribué aux jeunes (à partir de 12 ans). Il décrit les
activités artistiques suivies par le jeune et les points forts dont
il ou elle a fait preuve au cours du projet. Cet ensemble d'outils
est le fruit d’une coopération entre praticiens de l'éducation culturelle
des jeunes, chercheurs en sciences sociales et représentants du
milieu des affaires.
59. Bien que ces quatre projets soient utiles dans tel ou tel
contexte local, aucun d'entre eux n’est facilement réalisable dans
les États membres du Conseil de l’Europe. Aucun d’eux ne tient compte
explicitement de l’importance grandissante de la «créativité» et
de son caractère interdisciplinaire. Comme l’a suggéré Mme Parr,
le temps est venu de mettre au point une nouvelle certification
qui tienne compte du nouveau Cadre de référence européen des compétences
clés, de l’importance et de la valeur accrues accordées aux aptitudes à
la créativité et de l’importance de la formation tout au long de
la vie, puisque l’apprentissage ne se déroule pas simplement sur
les bancs de l’école.
60. La particularité de la certification que je souhaite proposer
est qu’elle pourrait:
- s’appliquer
aux arts et à la culture;
- promouvoir les aptitudes, les connaissances et les attitudes
définies dans la compétence n° 8 du cadre européen des compétences
clés tout au long de la vie, à savoir: «Sensibilité et expressions
culturelles»;
- se décliner à l’échelle de l’Europe et promouvoir les
valeurs européennes;
- encourager les partenariats entre la culture et d’autres
domaines professionnels et politiques, à l’échelle locale ou de
l’Union européenne.
9. Suggestion
de cadre pour la certification
9.1. Principaux
points
61. La certification en question
reconnaîtrait la progression et les réalisations de l’apprenant
en matière de connaissances, d’aptitudes et d’attitudes, telles
que définies dans le «Cadre de référence européen» des compétences
clés pour l'éducation et la formation tout au long de la vie.
62. Je trouve particulièrement significative l’explication donnée
par ce texte en ce qui concerne les connaissances, aptitudes et
attitudes essentielles correspondant aux «compétences relatives
à la sensibilité et à l’expression culturelles»:
«Ces compétences requièrent la connaissance des cultures
et des expressions locales, nationales, régionales, européennes
et mondiales (…) ainsi qu’une compréhension de la manière dont ces expressions
peuvent s’influencer mutuellement et influencer les idées de chacun.
Elles supposent de comprendre les différents modes de communication
des idées entre le créateur, le participant et le public (…). Elles
exigent une compréhension de notre propre identité en développement
et de notre patrimoine culturel dans un monde caractérisé par la
diversité culturelle, et de la manière dont les arts et d’autres formes
de culture peuvent être un instrument pour interpréter et façonner
le monde.
Parmi les aptitudes figurent
la faculté d’exprimer et d’interpréter avec empathie des idées figuratives
et abstraites, des expériences et des émotions, (…) ainsi que la
faculté de participer à des processus créatifs, à la fois à titre
individuel et collectif.
Il est important d’avoir une
attitude ouverte par rapport à la diversité des expressions culturelles
et de la respecter (…). Une attitude positive suppose également
une curiosité à l’égard du monde, une ouverture d’esprit permettant
d’imaginer de nouvelles possibilités, et la volonté de participer
à des expériences culturelles.»
64. Les résultats d’apprentissage (en termes de connaissances,
d’aptitudes et d’attitudes à acquérir) pourraient être articulés
en niveaux de difficulté croissants et en parcours de progression,
afin que les réalisations soient reconnues à différents niveaux
(bronze, argent, or ou 1, 2, 3, par exemple).
65. Le parcours d’apprentissage et les objectifs à atteindre dans
ce cadre seront, dans un premier temps, proposés par l’apprenant
s’engageant dans ce modèle de certification. Ils devront être débattus
et approuvés par un mentor local, comme un professeur, un professionnel
des arts ou de la culture, un éducateur jeunesse ou un employé de
la collectivité, qui sera chargé d’accompagner et de motiver l’apprenant
tout au long du processus, et de recommander la délivrance de la
certification lorsque les objectifs fixés et le niveau de compétences
approprié auront été atteints et documentés de manière satisfaisante.
La participation de professionnels plus spécialisés sera nécessaire
lors des parcours de progression.
66. Les objectifs d’apprentissage identifiés seront atteints en
un temps défini et les preuves du parcours d’apprentissage seront
recueillies et présentées en vue de la certification à délivrer.
La difficulté des objectifs d’apprentissage et l’examen minutieux
des preuves recueillies augmenteront en fonction des niveaux de
la certification.
67. Il sera important que l’apprenant fournisse un suivi de sa
réflexion et une auto-évaluation, ce qui témoignera en soi d’une
progression, particulièrement en termes d’aptitudes et d’attitudes.
68. Des centres nationaux ou territoriaux pourront faire le lien
entre l’échelle locale et européenne, en matière de formation et
d’accompagnement des mentors locaux.
69. Pour assurer une forte dimension européenne à ce modèle de
certification, tous les certificats devront être délivrés par un
centre européen unique: une organisation de parrainage, peut-être
avec le soutien d'une université agréée ayant un rôle de conseil
et de gestion de l'accréditation et de la formation.
70. Il conviendra d’adopter une approche créative dans la collecte
des éléments attestant des objectifs atteints, et les apprenants
seront invités à faire part de leurs suggestions. Il est probable
que la technologie créative jouera un rôle essentiel dans l’enregistrement
des activités et des réalisations à évaluer.
71. Des modules de sensibilité et expression culturelles à différents
niveaux de progression pourraient être développés et proposés en
complément des certifications existantes destinées à la jeunesse.
Des structures de certification existantes pourraient se porter
candidates pour valider ces modules, mais ils continueront toutefois
d’être évalués à l’échelle locale ou européenne selon le degré de
difficulté, et ajouteront un label d’assurance qualité européenne
à la certification des apprenants.
9.2. Résultats
attendus de l’outil
72. Cet outil devrait permettre:
- aux jeunes/apprenants de valider
les compétences (connaissances, aptitudes et attitudes) qu’ils ont acquises
en participant à des activités scolaire et/ou extra-scolaires artistiques,
culturelles et créatives;
- de mieux comprendre l’importance et la pertinence des
aptitudes, connaissances et attitudes associées à la sensibilité
et l’expression culturelles;
- de développer à long terme et soutenir de nouveaux partenariats
dans un grand nombre de disciplines et de secteurs variés, avec
pour objectif commun de promouvoir et d’intégrer davantage la sensibilité
et l’expression culturelles dans l’élaboration des politiques en
Europe;
- de mieux comprendre et valoriser les valeurs européennes.
L’Europe est un leader mondial en matière de promotion des valeurs
de démocratie, d’inclusivité, de liberté de parole et d’expression,
de participation et de respect de la diversité.
9.3. Où
commencer?
73. Idéalement, il devrait s’agir
d’un projet conjoint entre le Conseil de l’Europe et la Commission européenne,
qui comprendra plusieurs phases. La portée précise des futurs travaux
ne pourra être déterminée qu’après avoir pris connaissance des résultats
de la phase initiale.
74. Pour commencer, le Conseil de l’Europe et la Commission européenne
pourraient désigner un chef de projet chargé:
- de concevoir et mettre en œuvre une stratégie de consultation
afin d’évaluer l’intérêt de la certification proposée auprès d’un
éventail de parties prenantes dans divers secteurs, notamment la
culture, les arts, le travail des jeunes, la justice et la santé.
La consultation s’adressera aux jeunes, aux responsables politiques,
aux professionnels des arts, de la culture, du travail auprès des
jeunes et de l'éducation, ainsi qu’à des universitaires et des employeurs.
Elle pourra prendre la forme d'un questionnaire diffusé en ligne
par le biais de divers organismes et réseaux existants et cherchera
à recueillir des informations et des opinions sur les avantages
locaux et les éventuels obstacles;
- d’examiner en profondeur différents modèles possibles
de certification et les coûts associés, y compris l’élaboration
d’une nouvelle certification et/ou la possibilité d’intégrer un
«module» aux certifications existantes;
- de rechercher les différentes sources de financement possibles
pour la mise en œuvre de la certification.
75. Il est possible que ces travaux ne puissent pas être pris
en charge par le personnel existant, auquel cas un appel d'offres
pour cette phase du projet pourra être élaboré et des prestataires
externes qualifiés pourront être recrutés. Dans tous les cas, le
chef de projet devra constituer un petit groupe consultatif pour l’accompagnement
et le suivi. Il serait préférable de recruter les membres du groupe
consultatif dans différents secteurs tels que la santé, la justice
et le secteur social, en complément d’autres secteurs plus évidents
comme la culture et l’éducation.
76. Voici une liste des partenaires dont la contribution pourrait
être pertinente:
- ACEnet: un réseau européen informel réunissant
des responsables politiques issus des ministères européens de l’Éducation
et de la Culture.
- ENO (Réseau européen d'observatoires): un réseau qui met
en contact les centres de connaissances des pays européens. Il vise
à faciliter l'échange de résultats de recherche et de pratiques
innovantes, à stimuler de nouvelles recherches sur l'éducation artistique
et culturelle et à soutenir le développement de l'éducation artistique
dans le cadre des politiques et directives mondiales de l'UNESCO
pour l'éducation, la culture et le développement durable;
- Parlement européen des jeunes: cette organisation devrait
être au cœur du développement de cet outil, puisqu’une partie de
sa mission vise à encourager le développement de l’esprit critique
des jeunes;
- Association pour la Carte jeunes européenne: une organisation
à but non lucratif qui représente 36 pays en Europe et qui s’engage
auprès des six millions de détenteurs de la carte, afin de favoriser
la mobilité des jeunes et la citoyenneté active;
- représentants des certifications suivantes: Arts Awards, Cultural
Competency Record et Youthpass;
- ancien président ou ancien membre du groupe de travail
Méthode ouverte de coordination sur la compétence «Sensibilité et
expression culturelles»: ce groupe a été créé pour une tâche et
une durée définies et ne se réunit plus, mais la participation de
ses membres à la rédaction du Manuel Sensibilité et expression culturelles
fait qu’ils pourraient être à même d’apporter une contribution intéressante
et éclairée.
9.4. Principes
de développement
77. Pour réussir, le projet doit
reposer sur des bases solides. À cet égard, je crois que:
- les jeunes devront être considérés
et traités comme des partenaires à part entière (co-créateurs) dans la
planification et le développement de cet outil;
- la diversité des citoyens européens devra être respectée
et soutenue dans toutes les phases de développement et de mise en
œuvre;
- réalisation/fabrication/production/création doivent faire
partie intégrante des objectifs mesurés par l’outil;
- la qualité de l’expérience culturelle est fondamentale
et devra être prise en compte à chaque étape de la conception;
- le processus doit comporter des éléments d’autodéfinition
des objectifs, d’autoréflexion et d’auto-évaluation;
- le processus d’accréditation impliquera probablement des
éléments au niveau local, régional, national et européen;
- une utilisation optimale des outils numériques devrait
être faite, tant pour les processus d’enregistrement et de traitement
administratif, que pour connecter des jeunes ayant les mêmes sensibilités
à travers toute l’Europe.
10. Conclusions
78. La créativité et les compétences
créatives ont un rôle important à jouer dans une éducation véritablement
transformationnelle; elles peuvent favoriser les conditions idéales
à l’épanouissement des élèves et des enseignants. À l’heure où les
enseignants doivent venir à bout d’un programme surchargé et ce dans
le cadre d’une culture de reddition de comptes, il n’est que trop
facile de soumettre les pratiques de classe à l’impératif des examens
et de leurs résultats au lieu de développer les compétences des
jeunes et de les préparer à une vie professionnelle et personnelle
active et enrichissante. Les systèmes éducatifs européens doivent
opérer un revirement majeur: l’apprentissage moderne devra être
dicté non par la conception des tests mais par les besoins et les
intérêts des élèves.
79. S’ils ont la possibilité de développer leurs aptitudes et
compétences créatives, les apprenants gagnent en assurance et deviennent
plus ambitieux; leur estime de soi grandit, tout comme leur désir
d’explorer et de remettre en question les hypothèses, de prendre
en main leur propre apprentissage et leur propre réflexion. Ils
font montre d’un esprit plus imaginatif, plus ouvert, plus aventureux
et ils abordent les problèmes de différents points de vue. Ils osent
poser des questions, établir des liens entre les disciplines, envisager
ce qui est possible et impossible, explorer les idées, identifier
les problèmes et rechercher et motiver des solutions
.
80. Les écoles modernes ont besoin de programmes solides en art
et par l’art, ainsi que de moyens artistiques et créatifs d’apprendre
de manière intégrée pour l’ensemble du programme scolaire. À cet
effet, les écoles européennes ont besoin d'enseignants compétents
capables d’enseigner de façon transversale et créative à travers
les arts et la culture.
81. À partir des exemples recueillis mais aussi du travail déjà
entrepris (mentionnés ci-dessus) se dégagent trois recommandations
principales:
- Il faudrait encourager
les gouvernements des États membres à intégrer des compétences culturelles
et créatives dans leurs systèmes d’éducation formelle.
- Les gouvernements des États membres devraient encourager
et soutenir des partenariats à long terme entre écoles, employeurs,
industries créatives et institutions culturelles afin d’apporter
aux jeunes la confiance et les capacités dont ils auront besoin
dans un monde et une économie tributaire de l’innovation.
- Ces partenariats devraient:
-
- impliquer une série
d’organisations dans tous les aspects de la planification et de
la prestation;
- créer des associations durables et réciproques;
- encourager une responsabilité partagée pour planifier,
mettre en œuvre et évaluer un programme;
- être accessibles à tous, en particulier aux enfants débutant
à un âge précoce et aux jeunes issus de milieux socio-économiques
défavorisés;
- être orientés vers la recherche et basés sur des projets,
ainsi que favoriser les situations spontanées et créer de véritables
possibilités d’apprentissage.
- Le Conseil de l’Europe et la Commission européenne, en
collaboration avec des associations professionnelles et en s’inspirant
d’exemples de politiques intersectorielles, devraient élaborer un
outil européen de reconnaissance des compétences acquises par les
apprenants lors de leur participation à des activités artistiques/culturelles/créatives
(en dehors de celles financées par le programme Erasmus+, et comprenant
des éléments d’amélioration des compétences).