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Rapport | Doc. 15022 | 03 janvier 2020

Lutter contre le trafic de tissus et de cellules d’origine humaine

Commission des questions sociales, de la santé et du développement durable

Rapporteure : Mme Reina de BRUIJN-WEZEMAN, Pays-Bas, ADLE

Origine - Renvoi en commission: Doc. 14357, Renvoi 4320 du 13 octobre 2017. 2020 - Première partie de session

Résumé

Les cellules et tissus humains sont couramment utilisés à des fins médicales, de transplantation et de recherche. Cela comprend les cornées, les valves cardiaques, la peau, les cellules souches, le sperme et les ovocytes. Les nouvelles technologies contribuent à sauver des vies, à améliorer la qualité de vie et à aider des individus à devenir parents. Cependant, une telle utilisation soulève des questions éthiques et juridiques.

Les principes d'interdiction du gain financier, du consentement libre et éclairé et de la prédominance des intérêts de l'être humain sur ceux de la société font partie du cadre juridique international. Néanmoins, des cas d'obtention sans consentement, de tests inadéquats, de faux dossiers de donneurs, d'allocations octroyées de façon irresponsable et de commerce illégal ont été signalés. L'absence d'une définition internationalement acceptée du «trafic de tissus et cellules d’origine humaine», les situations transfrontières, les différences entre législations nationales et l'évolution rapide des technologies ont pour résultante le fait qu’il est difficile de poursuivre les responsables des activités illicites.

Le Conseil de l'Europe a pour mandat de protéger les droits de l'homme et dispose d’une expertise en ce qui concerne les tissus et cellules d’origine humaine. Il est donc bien placé pour appuyer les prises de décision relatives aux activités qui devraient être criminalisées et garantir le respect de ces décisions. L'Assemblée parlementaire devrait inviter le Comité des Ministres à ouvrir la voie et à initier l’élaboration d’un instrument juridique contraignant sur la lutte contre le trafic de tissus et cellules d’origine humaine.

A. Projet de recommandation 
			(1) 
			Projet
de recommandation adoptée à l’unanimité par la commission le 3 décembre
2019.

(open)
1. Les progrès techniques en matière de transplantation de cellules et de tissus d’origine humaine peuvent permettre de sauver des vies, de rétablir des fonctions corporelles essentielles, d’améliorer la qualité de vie et d’aider les individus à devenir parents. De nos jours, les produits d’origine humaine, qui vont des tissus musculosquelettiques, cardio-vasculaires et oculaires jusqu’aux nombreux types de cellules et de gamètes, sont communément utilisés à des fins médicales, thérapeutiques et de recherche. Au sein de la seule Union européenne, plus de 2 millions de produits issus de tissus et de cellules d’origine humaine ont été distribués à des fins médicales en 2016. Mais en parallèle, l’utilisation de produits d’origine humaine à des fins de transplantation et de recherche soulève de nombreuses questions éthiques et juridiques.
2. La Convention du Conseil de l’Europe sur les droits de l’homme et la biomédecine (Convention d’Oviedo, STE n° 164) précise que «le corps humain et ses parties ne doivent pas être, en tant que tels, source de profit», qu’une «intervention dans le domaine de la santé ne peut être effectuée qu’après que la personne concernée y a donné son consentement libre et éclairé» et que «l'intérêt et le bien de l'être humain doivent prévaloir sur le seul intérêt de la société ou de la science». À l’heure actuelle, ces principes risquent d’être contournés et édulcorés.
3. Contrairement au domaine des organes, les activités illicites et contraires à l’éthique associées à l’obtention, au traitement et à l’utilisation clinique des tissus et cellules d’origine humaine n’ont guère retenu l’attention. Cette situation s’explique peut-être par le fait que la société est moins familiarisée avec la transplantation de tissus et de cellules qu’avec la transplantation d’organes, alors même que cette dernière est bien moins fréquente.
4. Lorsque les activités illicites et contraires à l’éthique concernent des donneurs, elles sont fréquemment en rapport avec des personnes récemment décédées. Les tissus prélevés de manière illicite sur une personne décédée sont parfois destinés à jusqu’à 90 receveurs. Divers scandales ont été signalés sur le plan de l’éthique et de la sécurité, comme l’obtention de tissus ou cellules sans consentement ni autorisation, l’insuffisance du contrôle, l’inexactitude ou la falsification des dossiers de donneurs, l’attribution irresponsable et le commerce illicite. Ces situations ont donné lieu à des auditions, à des procès, à des démissions et à des fermetures d’établissements de conservation de tissus. Mais la connaissance de la véritable étendue de ces activités illicites reste limitée. Peu d’informations sont disponibles auprès des sources officielles.
5. En outre, il existe des activités qui, en plus de leur caractère illicite et contraire à l’éthique, pourraient compromettre gravement la qualité et la sécurité des tissus et des cellules, et donc la santé des receveurs.
6. Lorsque ces pratiques illicites et contraires à l’éthique prennent la forme d’une incitation financière au profit des donneurs ou de leur famille, les éventuels donneurs vivants risquent peut-être de ne pas suffisamment tenir compte des dangers de la procédure de don et les familles des donneurs décédés risquent de ne pas communiquer des informations médicales ou comportementales pertinentes qui interdiraient normalement le don. Cette situation peut également pousser les intermédiaires à dissimuler des informations par crainte de perdre leur commission.
7. L’indemnisation excessive des donneurs peut mettre en danger la santé de donneurs vulnérables, qui peuvent être tentés de procéder à un don motivé par leurs besoins financiers. Cette situation peut être particulièrement préoccupante pour les donneuses d’ovocytes lorsque les incitations financières poussent les femmes à procéder à de multiples dons à des cliniques différentes, sans suivi ni soins médicaux adéquats, ce qui présente des risques pour leur santé et leur fertilité. Le danger de l’excès de dons est aggravé en cas de don transfrontière, dès lors que les disparités financières entre pays peuvent transformer des indemnisations à l’origine adéquates dans un État en de véritables incitations aux dons pour les donneurs issus de pays moins riches.
8. Le désespoir peut également conduire les patients à rechercher des thérapies alternatives pour diverses pathologies, notamment des traitements expérimentaux à base de cellules, promus sans sécurité ni efficacité cliniquement démontrée.
9. Les pratiques illicites et contraires à l’éthique sapent la confiance et le soutien du public. Les scandales liés à ces pratiques entraînent une baisse de confiance à l’égard de tous les types de substances issus des donneurs et une réticence de la population en général à faire don des parties du corps humain. Cette situation finira par nuire à la disponibilité des greffons tissulaires et cellulaires et peut tout autant compromettre la disponibilité des donneurs d’organes et de sang.
10. Le cadre juridique international en vigueur élaboré par l’Organisation mondiale de la santé, l’Union européenne et le Conseil de l’Europe, comporte de solides dispositions pour assurer la qualité et la sécurité des tissus et des cellules, qui énoncent les principes de consentement, d’interdiction du profit et d’obligation d’autorisation. Ces principes ne sont toutefois pas pleinement mis en œuvre et leur violation ne fait pas systématiquement l’objet de poursuites. L’interdiction du profit, principe universellement admis pour ce type de dons, n’est pas toujours facile à faire respecter. Les disparités de revenus entre les différents pays et au sein de ceux-ci, auxquelles s’ajoute la facilité avec laquelle les tissus et cellules peuvent être stockés et envoyés, créent des conditions propices à la réalisation d’un profit et aux abus.
11. Qui plus est, l’absence de définition internationalement admise de ce qui constitue un trafic de tissus et de cellules, d’une part, et la diversité des dispositions juridiques de l’Union européenne, des États membres du Conseil de l’Europe et des pays tiers, d’autre part, rendent difficile l’engagement de poursuites à l’encontre des auteurs d’activités illicites et contraires à l’éthique.
12. L’Assemblée rappelle que dans sa Recommandation 2009 (2013) «Vers une convention du Conseil de l’Europe pour lutter contre le trafic d’organes, de tissus et de cellules d’origine humaine», adoptée en 2013, elle indiquait que la question du trafic de tissus et cellules d’origine humaine était différente de celle du trafic d’organes humains et que ces deux questions devaient être traitées au moyen de deux instruments juridiques distincts. L’Assemblée avait donc invité le Comité des Ministres à établir une feuille de route pour l’élaboration d’un protocole additionnel sur le trafic de tissus et cellules d’origine humaine au projet de Convention contre le trafic d’organes humains.
13. Depuis, la Convention du Conseil de l’Europe contre le trafic d’organes humains (STCE n° 216) a été ouverte à la signature et à la ratification. Elle a été ratifiée par neuf pays et signée, mais pas encore ratifiée, par 15 autres États. Elle est entrée en vigueur en 2018. Le Comité des Parties se réunira à l’issue de la 10e ratification. Comme prévu, cette convention ne traite pas de la question des tissus et cellules.
14. Pour ce qui est du trafic des cellules et tissus d’origine humaine, l’Assemblée se félicite des travaux du Comité européen sur la transplantation d’organes, et en particulier de son rapport de 2018 sur «Les activités illicites et contraires à l’éthique en lien avec des tissus et cellules d’origine humaine: répondre à la nécessité d’élaborer un instrument juridique international pour protéger les donneurs et les receveurs». Ce rapport recense les lacunes des cadres juridiques internationaux, réitère les préoccupations du Comité au sujet de l’absence d’accord sur ce qui constitue des activités illicites dans ce domaine et souligne la nécessité d’établir un nouvel instrument juridique pour lutter contre ces activités.
15. L’Assemblée prend note des avancées réalisées jusqu’ici, ainsi que des défis qu’il reste à relever. Elle est convaincue que les États membres du Conseil de l’Europe doivent agir résolument dans ce domaine.
16. Au vu de ce qui précède, l’Assemblée recommande au Comité des Ministres:
16.1. d’entamer la rédaction d’un instrument juridiquement contraignant du Conseil de l’Europe contre le trafic de tissus et de cellules d’origine humaine, si possible sous la forme d’un protocole additionnel à la Convention contre le trafic d’organes humains (STCE n° 216);
16.2. de veiller à ce que cet instrument juridique:
16.2.1. donne une définition des activités illicites dans ce domaine et se fonde sur une approche d’ensemble, qui englobe la prévention et la répression de la criminalité, la protection des victimes, la promotion de politiques adéquates, ainsi que la coopération nationale et internationale;
16.2.2. prévoit des mécanismes de collecte et d’analyse régulières des données sur le trafic de cellules et de tissus d’origine humaine, conformément aux structures de gouvernance démocratique, ainsi qu’un suivi et une mise en œuvre transparents, qui fassent autorité et soient efficaces;
16.3. invite les États membres du Conseil de l'Europe qui n'ont pas encore ratifié les conventions relatives à ce domaine, comme la Convention du Conseil de l'Europe sur les droits de l'homme et la biomédecine (Convention d'Oviedo; STE n° 164), la Convention sur la lutte contre la traite des êtres humains (STCE n° 197) et la Convention contre le trafic d'organes humains (STCE n° 216), à le faire de manière prioritaire et pour contribuer au programme de développement durable des Nations Unies – Objectif 3: Bien-être et santé et Objectif 16: Promouvoir des sociétés justes, pacifiques et inclusives.

B. Exposé des motifs par Mme Reina de Bruijn-Wezeman, rapporteure

(open)

1. Introduction

1. De nos jours, les tissus et cellules d’origine humaine sont fréquemment utilisés à des fins médicales, thérapeutiques, de chirurgie esthétique et de recherche. Plus de 2,1 millions d’unités issues de tissus et de cellules d’origine humaine auraient été distribués à des fins médicales au sein de l’Union européenne en 2016 
			(2) 
			<a href='https://ec.europa.eu/health/sites/health/files/blood_tissues_organs/docs/2017_sare_tc_summary_en_0.pdf'>https://ec.europa.eu/health/sites/health/files/blood_tissues_organs/docs/2017_sare_tc_summary_en_0.pdf</a>..
2. Les progrès techniques en matière de transplantation de cellules et de tissus humains peuvent permettre de sauver des vies (greffe de cellules souches hématopoïétiques, par exemple), de rétablir des fonctions corporelles essentielles et d’améliorer la qualité de vie (greffes de restitution de la cornée et / ou des ligaments chez les patients souffrant de troubles musculosquelettiques nécessitant une chirurgie orthopédique, par exemple), et d’aider les individus dans leur désir de devenir parents (par exemple, par le don de gamètes et d’embryons). Il s’agit pourtant d’un domaine relativement méconnu de la médecine qui ouvre autant de perspectives qu’il comporte de risques et sur lequel le public est encore très peu informé. Parallèlement, pour être efficients, les systèmes de dons de cellules et de tissus dépendent largement de la confiance du public. Il est essentiel de garantir que cette confiance n’est pas aveugle et qu’elle repose sur des informations fiables.
3. Si beaucoup de mesures ont été prises pour lutter contre les pratiques illicites de dons d’organes, les dons d’autres produits d’origine humaine ont fait l’objet d’une attention bien moindre. Malheureusement, il n’existe pas à l’heure actuelle de définition reconnue au niveau international de ce que constitue le trafic de cellules et de tissus humains ni, par conséquent, des pratiques devant être considérées comme illégales et passibles de poursuites judiciaires dans ce contexte. Ce que l’on considère comme illégal dans un pays peut être parfaitement légal dans un autre pays. Les informations officielles relatives au trafic de cellules et de tissus humains sont très limitées, la plupart des connaissances sur le sujet provenant d’estimations ou de rapports de médias d’investigation.
4. En quoi consiste donc exactement le trafic de tissus et de cellules d’origine humaine? Dans quelle mesure est-ce un problème en Europe aujourd’hui? Et comment pouvons-nous tirer pleinement parti des développements sans précédents de la recherche et de la pratique médicales sans toutefois compromettre l’intérêt général et le respect de la dignité humaine? Gardant à l’esprit ces questions, je me pencherai sur les défis passés et actuels en matière d’utilisation de tissus et de cellules d’origine humaine et ferai l’inventaire des normes internationales en vigueur et des lacunes qui subsistent, ainsi que des différents moyens de renforcer les cadres politiques.
5. J’aimerais mentionner le fait que la préparation de ce rapport a été initiée par M. Serhii Kiral (Ukraine, CE) qui a été un membre actif de la Commission des questions sociales, de la santé et du développement durable durant de nombreuses années. La visite d’information de M. Kiral auprès de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) fut très utile pour connaître le point de vue des autorités compétentes. Des informations importantes ont été communiquées lors d’un échange de vues tenu à Paris le 13 septembre 2019, avec la participation de M. Jacinto Sánchez Ibáñez, Directeur de l’Unité d’établissement des tissus et de cryobiologie à l’Hôpital Universitaire d’A Coruña (Espagne), et M. Givi Javashvili, Président du Conseil national géorgien de bioéthique, Professeur et Chef de Département de médecine familiale à la Faculté de médecine de l’Université d’Etat de Tbilissi (Géorgie). Des apports écrits substantiels ont été reçus de M. Fewzi Teskrat, expert en matière de produits issus de cellules et tissus humains (Malte). Suite aux élections qui ont eu lieu en Ukraine en juillet 2019, M. Kiral a quitté l’Assemblée et j’ai été subséquemment nommé rapporteur pour ce rapport le 2 octobre 2019.
6. Pour préparer le présent rapport, j’ai passé en revue des rapports de médias, la littérature sur le sujet et des documents des autorités compétentes de l’Union européenne et d’organes du Conseil de l’Europe, notamment du Comité européen sur la transplantation d’organes.

2. Définitions et portée du rapport

7. Tout d’abord, compte tenu de la nature plutôt technique du sujet, je tiens à préciser ce que l’on entend exactement par «tissus et cellules d’origine humaine» et par «trafic» dans ce contexte.
8. La cellule est la plus petite unité vivante fonctionnelle et susceptible d’être greffée (une cellule souche hématopoïétique, un hépatocyte, un spermatozoïde ou un ovocyte, par exemple). Le mot «cellules» désigne un ensemble de cellules d’origine humaine non-reliées entre elles par un tissu conjonctif. Aujourd’hui, l’isolement de cellules de la quasi-totalité des tissus organiques offre de nouvelles possibilités thérapeutiques. Un «tissu» est un ensemble de cellules reliées entre elles, par exemple, par des structures conjonctives qui remplissent une fonction particulière (les cornées, les valves cardiaques, la peau, etc.). Un «tissu» désigne toute partie du corps humain constituée de cellules. Différents types de cellules et de tissus peuvent être prélevés sur des donneurs vivants ou décédés 
			(3) 
			Conseil
de l’Europe (2017), Guide sur la qualité et la sécurité des cellules
et tissus destinés à des applications chez l’homme..
9. Comme nous l’avons vu précédemment, il n’existe pas de définition reconnue au niveau international du trafic illicite, illégal ainsi que des activités frauduleuses portant sur les cellules et tissus d’origine humaine. Aux fins du présent rapport, je considérerai que de telles activités comprennent toute pratique touchant des cellules ou tissus humains exercée en violation d’un ou plusieurs principes directeurs tels qu’énoncés dans les instruments internationaux. Ces principes comprennent: 1) le consentement; 2) la non-violation de l’intégrité physique au-delà de ce qui est nécessaire; 3) le traitement autorisé; 4) le respect des obligations juridiques; 5) le don altruiste et l’interdiction d’un gain financier 6) la promotion de traitements expérimentaux sans preuve de leur innocuité/efficacité 
			(4) 
			<a href='https://www.edqm.eu/sites/default/files/position_paper_-_illicit_and_unethical_activities_with_human_tissues_and_cells_-_november_2018.pdf'>https://www.edqm.eu/sites/default/files/position_paper_-_illicit_and_unethical_activities_with_human_tissues_and_cells_-_november_2018.pdf</a>.. Tout en reconnaissant qu’il n’existe pas de définition reconnue, j’utiliserai les termes «trafic de tissus et cellules d’origine humaine» et «activités illicites liées à des tissus et cellules d’origine humaine» au sujet de ce type de pratiques dans le présent rapport.
10. Il convient, en outre, de faire la distinction entre la traite d’êtres humains et le trafic d’organes, de cellules et de tissus d’origine humaine 
			(5) 
			Conseil
de l’Europe / Nations Unies (2009) Le trafic d’organes, de tissus
et de cellules et la traite des êtres humains à des fins de prélèvement
d’organes, étude conjointe du Conseil de l’Europe et des Nations
Unies, disponible à l’adresse internet suivante: <a href='https://rm.coe.int/16805ad1bb'>https://rm.coe.int/16805ad1bb</a>.. Ces deux crimes se recoupent mais se différencient quant à leur portée. L’expression «traite d’êtres humains» désigne «le recrutement, le transport, le transfert, l’hébergement ou l’accueil de personnes, par la menace de recours ou le recours à la force ou d’autres formes de contrainte, par enlèvement, fraude, tromperie, abus d’autorité ou d’une situation de vulnérabilité, ou par l’offre ou l’acceptation de paiements ou d’avantages pour obtenir le consentement d’une personne ayant autorité sur une autre aux fins d’exploitation» 
			(6) 
			Conseil
de l’Europe, Convention sur la lutte contre la traite des êtres
humains, consultable à l’adresse suivante: <a href='https://www.coe.int/fr/web/conventions/full-list/-/conventions/rms/0900001680083731'>https://www.coe.int/fr/web/conventions/full-list/-/conventions/rms/0900001680083731</a>.. La traite d’êtres humains est une combinaison de trois éléments – l’action (emmener quelqu’un), les moyens (la coercition) et le but (l’exploitation). L’exploitation d’un individu est l’aspect central d’un tel trafic.
11. Certains cas de trafic d’organes, de tissus et de cellules résultent de la traite d’êtres humains. C’est le cas uniquement lorsque des organes, des tissus et des cellules sont prélevés sur des donneurs vivants (mais pas lorsqu’ils sont prélevés sur des personnes décédées). Néanmoins, le trafic d’organes, de tissus et de cellules n’implique pas nécessairement la traite d’êtres humains. Par exemple, lorsque des tissus sont prélevés sur une personne décédée sans le consentement des membres de la famille, ceci est considéré comme étant un cas de trafic de tissus humains.
12. Alors qu’il n’y a actuellement pas de statistiques officielles en ce qui concerne le trafic de tissus et de cellules d’origine humaine, les experts en la matière pensent que les cas les plus importants du trafic de tissus concernent les donneurs décédés.
13. A propos de la portée de mon rapport, j’aimerais souligner que je vais me concentrer essentiellement sur le trafic de tissus et de cellules d’origine humaine destinés à la transplantation et à la recherche. Alors que l’utilisation de tissus et de cellules dans le cadre du développement de produits médicaux peut être très lucratif, et que d’importantes questions d’éthique sont soulevées par les chercheurs sur ce sujet 
			(7) 
			<a href='https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC4428037/pdf/embr0016-0557.pdf'>https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC4428037/pdf/embr0016-0557.pdf</a>., ceci est un sujet très complexe, très différent de la transplantation et de la recherche. Celui-ci nécessitera un type de réponse politique différent et mérite un rapport séparé de l’Assemblée.
14. Finalement, ce rapport ne couvrira pas le thème du trafic du sang et de ses dérivés, car ce sujet également très différent et requiert une approche différente.

3. Les scandales éthiques et sanitaires appartiennent-ils au passé?

15. Des scandales retentissants ont éclaté par le passé à travers le monde, du fait de l’application et d’un contrôle insuffisants des cadres juridiques ou de l’absence de tels cadres. Ci-après figurent quelques exemples parmi les plus frappants des quarante dernières années 
			(8) 
			En fait, l’obtention
illégale de cadavres à des fins scientifiques remonte à bien plus
longtemps. Cette pratique a atteint son apogée au Royaume-Uni au
XIXe siècle, notamment avec les «résurrecteurs»
de l’époque victorienne, qui exhumaient des corps pour les vendre
à des hôpitaux et universités à des fins de recherches anatomiques., qui montrent l’ampleur des dégâts causés, que ce soit pour en tirer un profit financier, en raison d’un manque de diligence, ou au nom de la science et sur la base du principe paternaliste voulant que le médecin soit «celui qui sait».

Hôpital Alder Hey, Royaume-Uni, 1988-1995

16. En 1999, une enquête a été lancée suite à des allégations affirmant que l’hôpital pédiatrique Alder Hey était impliqué dans le prélèvement, le stockage et l’utilisation non autorisés de parties de corps de patients entre 1988-1995, à des fins de recherche. Le rapport d’enquête de 540 pages, publié en 2001, a mis au jour une pratique de longue date consistant en la conservation d’organes sans le consentement des proches des enfants décédés. Cette approche était censée être mise en œuvre dans l’intérêt des parents. Le rapport a également révélé que d’autres hôpitaux étaient impliqués 
			(9) 
			Par
exemple, les hôpitaux de Birmingham et de Liverpool avaient fourni
également des thymus prélevés lors d’interventions chirurgicales
cardiaques pratiquées sur des enfants vivants à une société pharmaceutique
aux fins de recherche moyennant des dotations financières.. La situation était plus grave dans le cas de l’hôpital Alder Hey, car le pathologiste Dick van Velzen y avait donné l’ordre de «prélever tous les organes de tous les enfants qui avaient subi une opération post-mortem» au cours de la période considérée, même les enfants dont les parents avaient expressément indiqué qu’ils ne voulaient pas d’autopsie complète 
			(10) 
			<a href='https://www.theguardian.com/society/2001/jan/30/health.alderhey1'>https://www.theguardian.com/society/2001/jan/30/health.alderhey1</a>.. En conséquence d’une mauvaise gestion du retour d’organes après l’éclatement du scandale, certains parents ont reçu les organes de leur enfant un par un et ont dû organiser des funérailles à trois ou quatre reprises. Le rapport d’enquête contient des recommandations détaillées sur différents aspects de l’affaire 
			(11) 
			<a href='https://assets.publishing.service.gov.uk/government/uploads/system/uploads/attachment_data/file/250934/0012_ii.pdf'>https://assets.publishing.service.gov.uk/government/uploads/system/uploads/attachment_data/file/250934/0012_ii.pdf</a>.. La loi de 1961 sur les tissus humains a été révisée suite à cette affaire. L’Human Tissue Authority a été créée dans le cadre de loi de 2004 sur les tissus humains. En 2005, le General Medical Council, l’ordre des médecins britannique, a reconnu que Dick van Velzen avait commis une faute professionnelle grave et l’a radié de son registre.

Trafic de cadavres à New York, États-Unis, 2000-2004

17. Fin 2005, un scandale de trafic de cadavres à New York a secoué les États-Unis. Durant près de quatre ans, la société Biomedical Tissue Services (BTS) a fourni des os et d’autres tissus «récoltés» illégalement sur 1 077 corps à RTI Donor Services (filiale à but non lucratif de Regeneration TechnologiesInc. (RTI), fabricant d’implants orthopédiques, cardiovasculaires et autres implants biologiques basé en Floride) et à quatre autres sociétés américaines. Au cours de cette période, la société a encaissé environ 4,7 millions USD. Les dissections étaient pratiquées dans des locaux de pompes funèbres à New York, Rochester, New Jersey et Philadelphie. Les formulaires de consentement et les dossiers contenant des données personnelles ont été falsifiés 
			(12) 
			<a href='https://www.theguardian.com/world/2006/apr/02/usa.features'>https://www.theguardian.com/world/2006/apr/02/usa.features</a>.. Lors du scandale qui a suivi, des banques de tissus partenaires ont rappelé 25 000 produits – dont 2 000 avaient été vendus en Australie, en Corée du Sud, en Turquie, en Suisse et dans d’autres pays 
			(13) 
			<a href='https://www.icij.org/investigations/tissue/body-brokers-leave-trail-questions-corruption/'>https://www.icij.org/investigations/tissue/body-brokers-leave-trail-questions-corruption/</a>.. Les malfaiteurs ont fait l’objet de 122 chefs d’accusation de vol de cadavres, de dissection illégale, de corruption d’entreprise, de vol qualifié, de faux et usage de faux, entre autres infractions. Michael Mastromarino, le meneur du réseau, a été condamné à 15 à 30 ans d’emprisonnement et a accepté de verser 4,6 millions USD, à répartir entre les proches des victimes 
			(14) 
			<a href='https://www.psychologytoday.com/us/blog/shadow-boxing/201307/death-body-snatcher'>https://www.psychologytoday.com/us/blog/shadow-boxing/201307/death-body-snatcher</a>..

Pratiques illicites en reproduction humaine, Chypre et Roumanie, 2005

18. En 2005, le Parlement européen a condamné la pratique de la clinique américano-israélienne GlobalART en Roumanie, qui fournissait des ovocytes au Royaume-Uni, aux États-Unis et à Israël. Les donneurs roumains ont reçu entre 100 et 250 USD à titre de compensation financière. Au moins deux femmes roumaines ont présenté un syndrome d'hyperstimulation aiguë de l'ovaire et n'ont pas reçu les soins médicaux nécessaires. À peu près au même moment, la clinique Petra à Chypre a acheté des ovocytes à des femmes d’Europe de l’Est (envoyés par avion à Chypre pour 500 euros) et a recruté des donneurs d’ovocytes parmi les immigrés vivant à Chypre) 
			(15) 
			<a href='https://books.google.fr/books?id=wMfeCwAAQBAJ&pg=PT250&lpg=PT250&dq=european+parliament+globalART+romania&source=bl&ots=JeCxP0gLJr&sig=ACfU3U1X06MK2vKp8d9tvs0bkfEOFK3P4g&hl=en&sa=X&ved=2ahUKEwjkndvCmO_lAhVFzIUKHdwuDOcQ6AEwC3oECAgQAQ'>https://books.google.fr/books?id=wMfeCwAAQBAJ&pg=PT250&lpg=PT250&dq=european+parliament+globalART+romania&source=bl&ots=JeCxP0gLJr&sig=ACfU3U1X06MK2vKp8d9tvs0bkfEOFK3P4g&hl=en&sa=X&ved=2ahUKEwjkndvCmO_lAhVFzIUKHdwuDOcQ6AEwC3oECAgQAQ#v=onepage&q=european%20parliament%20globalART%20romania&f=false</a>..
19. Depuis lors, certains pays ont développé ou amélioré leurs cadres juridiques et ont mis en place des procédures de suivi. Tous les problèmes ont-ils été résolus pour autant?

4. Progrès réalisés au niveau national: étude de cas – France

20. De nombreux pays européens ont développé des cadres juridiques complets et mis en place des garanties contre le trafic de tissus et de cellules d’origine humaine au cours des dernières décennies. Au sein de l'Union européenne, des mesures de contrôle strictes ont été introduites pour garantir la qualité et éviter les activités illicites. Des experts ont suggéré à M. Kiral qu'une visite d'information en France lui permettrait de se familiariser avec la situation actuelle dans ce domaine.
21. En juin 2019, M. Kiral a rencontré des représentants de l’Agence nationale française de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) pour discuter des derniers développements en matière de traitement de cellules et de tissus humains. Cette agence a pris part à un projet intitulé «Vigilance et surveillance des produits d’origine humaine» (SoHO V&S, 2011), co-financé par l’Union européenne et qui a abouti à l’élaboration d’orientations sur la détection et la conduite d’enquêtes sur des activités illégales et/ou frauduleuses (IFA) relatives aux tissus et cellules. Au cours de sa visite, il a découvert que l’utilisation de cellules et tissus humains pour la transplantation et la recherche était bien établie et rigoureusement réglementée aujourd’hui en France.
22. Les directives de l'UE 2004/23/CE 
			(16) 
			Directive 2004/23/CE
du Parlement européen et du Conseil du 31 mars 2004. Journal officiel
de l'Union européenne. L102 du 7.4.2004, p. 48, 2006/17/CE 
			(17) 
			Directive
2006/17/CE de la Commission mettant en œuvre la directive 2004/23/CE
du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne certaines
exigences techniques en matière de don, d'obtention et de contrôle
de cellule et de tissus humains. Journal officiel de l'Union européenne.
L38 du 9.2.2006, p. 40., 2006/86/CE 
			(18) 
			Directive 2006/86/CE
de la Commission mettant en œuvre la directive 2004/23/CE du Parlement
européen et du Conseil en ce qui concerne les exigences de traçabilité,
la notification des réactions et événements indésirables graves
et certaines exigences techniques relatives à la codification, au
traitement, à la conservation, au stockage et à la distribution de
cellules tissus et tissus humains. Journal officiel de l'Union européenne.
L294 du 25.10.2006, p. 32. et 2015/565/CE 
			(19) 
			Directive (UE) 2015/565
de la Commission du 8 avril 2015 modifiant la directive 2006/86/CE
en ce qui concerne certaines exigences techniques en matière de
codification des tissus et cellules humains. Texte présentant de
l'intérêt pour l'EEE. Disponible à l’adresse suivante: 
			(19) 
			<a href='https://eur-lex.europa.eu/legal-content/EN/TXT/?uri=uriserv:OJ.L_.2015.093.01.0043.01.ENG'>https://eur-lex.europa.eu/legal-content/EN/TXT/?uri=uriserv:OJ.L_.2015.093.01.0043.01.ENG</a>. fournissent un cadre européen commun pour le don, l’obtention, le contrôle, le traitement, le stockage et la distribution de cellules et de tissus humains. Ces normes sont transposées dans la législation nationale française.
23. Le ministère français des Solidarités et de la Santé (Direction générale de l’offre de soins) contrôle les politiques et s’assure de leur mise en œuvre. L’obtention de produits incombe aux agences régionales placées sous la responsabilité du ministère des Solidarités et de la Santé. L’Agence de la biomédecine supervise, accompagne, évalue et informe d’autres organes compétents en vue d’améliorer l’accès aux soins et la qualité de vie des patients dans plusieurs domaines, y compris la collecte et la transplantation de tissus et d’organes. L’ANSM délivre des autorisations de l’obtention jusqu’à la distribution de tissus et de cellules y compris l’importation et l’exportation. Elle procède régulièrement à des inspections et travaille avec les forces de l’ordre compétentes.
24. En France, l’on compte environ 70 établissements dans le secteur, dont la moitié sont des banques de tissus (22 établissements publics et 9 privés) et l'autre moitié, des banques de cellules (toutes publiques). Les banques de tissus privées exportent beaucoup de tissus hors d’Europe, principalement vers le Moyen‑Orient et l'Afrique du Nord. Leurs activités sont néanmoins orientées principalement vers le marché national. Des registres sont tenus conformément à la réglementation en vigueur. Les banques de tissus publiques ont pour objectif de répondre aux besoins du public. La tendance actuelle est que les besoins publics restent stables alors que les exportations augmentent. Le secteur privé est très actif en termes d'innovation.
25. D’après les interlocuteurs de l’ANSM, il y a peu de marge pour les activités illicites et frauduleuses en France, compte tenu d’une réglementation stricte et de l’impossibilité de monnayer les cellules et tissus humains. De plus, les dons autologues (prélevés sur le patient lui-même) ont priorité sur les dons allogènes (d’un donneur au patient) dans la mesure du possible. Si les importations étaient courantes par le passé, elles ne sont plus nécessaires aujourd'hui, sauf pour des raisons de compatibilité entre donneur et receveur. La France est donc largement autosuffisante et dans la plupart des cas, ne dépend pas d'autres pays (susceptibles d’avoir des niveaux de protection moindres contre les pratiques abusives). La coopération au sein de l’Union européenne a permis de travailler avec des pays ayant un niveau similaire d’assurance qualité.
26. L’ANSM a la possibilité de coopérer avec des structures extérieures à l'Union européenne. Dans ce cas, l’établissement partenaire doit présenter les documents nécessaires, puis un système d'évaluation est mis en place, y compris la possibilité d'inspections.
27. La sensibilisation du public joue un rôle important dans le renforcement de la confiance du public en matière de dons et dans l’assurance d’une autosuffisance nationale dans le domaine. Des campagnes de sensibilisation nationales sont organisées par l’Agence de la biomédecine, à l’image de la Journée nationale de réflexion sur le don d’organes et de tissus et la greffe, et de reconnaissance aux donneurs, qui a lieu chaque année le 22 juin 
			(20) 
			<a href='https://www.agence-biomedecine.fr/Journee-nationale-de-reflexion-sur,1259'>https://www.agence-biomedecine.fr/Journee-nationale-de-reflexion-sur,1259</a>..

5. Progrès réalisés au niveau européen et international

28. Les inégalités entre les différents pays et régions sont propices aux activités illicites et frauduleuses. Les tissus et les cellules d'origine humaine peuvent être facilement transportés (sans être reconnus en tant que tels), et les personnes peuvent voyager à des fins de transplantation. Par conséquent, des normes morales et éthiques élevées devraient être garanties non seulement pour les tissus et cellules obtenus et utilisés dans une juridiction, mais également pour ceux importés de (et exportés vers) d'autres pays.
29. Il est, par conséquent, de la plus haute importance de veiller à ce que des approches et des règles communes de base soient reconnues et respectées dans la pratique. Alors que des normes internationales ont été élaborées en vue de lutter contre le trafic d’organes, le trafic cellules et de tissus humains s'est révélé plus difficile à combattre. Néanmoins, un certain nombre de mesures importantes ont été prises dans cette direction.
30. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) énonce des normes internationales dans ses Principes directeurs sur la transplantation de cellules, tissus et organes humains, portant notamment sur l’obligation de consentement, l’interdiction de tout profit financier, l’attribution guidée par des critères cliniques et des normes éthiques, l’autosuffisance des pays, le don altruiste, l’égalité d’accès aux greffons, ainsi que l’efficacité, la sécurité et la qualité 
			(21) 
			<a href='https://www.who.int/transplantation/Guiding_PrinciplesTransplantation_WHA63.22en.pdf'>https://www.who.int/transplantation/Guiding_PrinciplesTransplantation_WHA63.22en.pdf,</a> consulté le 6 mars 2019.. Bien que ces principes directeurs ne soient pas juridiquement contraignants, ils influencent les législations nationales et les codes de pratique professionnelle.
31. La Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne énonce le principe d’interdiction de faire du corps humain et de ses parties, en tant que tels, une source de profit (article 3). Les trois Directives susmentionnées de la Commission européenne établissent le cadre juridique régissant le don, les banques et l’utilisation de tissus au sein de l’Union européenne. Ces Directives donnent des orientations utiles et influencent considérablement l’élaboration des législations nationales; il appartient cependant aux États membres de les mettre en œuvre.
32. La Convention du Conseil de l’Europe sur les droits de l’homme et la biomédecine (Convention d’Oviedo, STE n° 164), ouverte à la signature en 1997, a réaffirmé le principe selon lequel le corps humain et ses parties ne doivent pas être source de profit, défini les exigences de consentement et instauré l’obligation de veiller à la tenue d’un débat public. À ce jour, 29 États membres du Conseil de l’Europe sont liés par ses dispositions. En ce qui concerne les gains financiers, il convient de mentionner la publication récente d'un «Guide pour la mise en œuvre du principe d'interdiction des gains financiers pour le corps humain et ses parties provenant de donneurs vivants ou décédés», qui a été préparé pour soutenir la mise en œuvre de la Convention d'Oviedo 
			(22) 
			<a href='https://rm.coe.int/guide-financial-gain/16807bfc9a'>https://rm.coe.int/guide-financial-gain/16807bfc9a</a>..
33. Un Protocole additionnel à la Convention d’Oviedo relatif à la transplantation d’organes et de tissus d’origine humaine (STE n° 186) a été ouvert à la signature en 2002. À ce jour, 15 États membres du Conseil de l’Europe sont liés par ses dispositions. Le Protocole concerne la transplantation (mais non la recherche ou l’élaboration de produits médicaux). Il porte à la fois sur les tissus et les cellules. Toutefois, le Protocole additionnel n’est pas un instrument de droit pénal et n’indique pas clairement quelles pratiques constituent un trafic de cellules ou de tissus humains et devraient être criminalisés. Le protocole doit être réexaminé régulièrement afin de s'assurer qu'il reflète les développements scientifiques pertinents. Le Comité directeur pour la bioéthique (CDBI), qui était initialement chargé des réexamens prévus dans la Convention et ses Protocoles additionnels, a été remplacé par le Comité de bioéthique (DH-BIO).
34. La Convention du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains (STCE n° 197) a été adoptée en 2005 et est entrée en vigueur en 2008. Elle a été ratifiée par tous les États membres du Conseil de l’Europe à l’exception de la Fédération de Russie. Elle est également entrée en vigueur au Bélarus. Les formes d’exploitation couvertes par la Convention incluent le prélèvement d’organes. Le Groupe d’experts sur la lutte contre la traite des êtres humains (GRETA) est chargé du suivi de la mise en œuvre de cette Convention. Il n’est pas tout à fait clair dans quelle mesure le trafic de cellules et de tissus humains pourrait être traité dans le cadre de cette convention et dans le contexte de la traite des êtres humains plus généralement 
			(23) 
			Il convient de noter
que l'inclusion de tissus et de cellules a été envisagée lors de
la rédaction du Guide législatif du Protocole de Palerme à la Convention
des Nations Unies sur la criminalité transnationale organisée, mais
a finalement été rejetée. Ce protocole fournit la définition juridique
internationale de la traite des êtres humains (reproduite dans la Convention
du Conseil de l'Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains).
De même, en octobre 2011, un projet de rapport présenté au Groupe
de travail sur la traite des êtres humains, appelant les États parties
à appliquer les lois et autres mesures relatives à la traite des
personnes aux fins de prélèvement de tissus et de cellules, a dû
être subséquemment réécrit pour limiter la portée au prélèvement
d'organes. En outre, le Guide législatif indique que le trafic d'organes
sera couvert par le Protocole, par exemple, lorsque les victimes
sont contraintes de conclure un arrangement pour vendre leurs organes.
Les victimes peuvent également être trompées quant aux avantages
ou à l'indemnisation qu'elles recevront ou ne pas être pleinement
informées des procédures et des conséquences pour la santé du prélèvement
d'organe. Une autre méthode consiste à attirer le donneur à l'étranger
avec de fausses promesses, telles que des opportunités d'emploi.
Le Protocole ne vise pas le trafic d'organes séparés à des fins
lucratives ou tout trafic de tissus, de cellules ou de parties du
corps qui ne sont pas des organes..
35. En 2009, le Conseil de l’Europe et les Nations Unies ont produit une étude conjointe qui a souligné la nécessité de distinguer clairement le trafic d’êtres humains et le trafic d’organes, de tissus et de cellules. Cette étude donne un aperçu de la situation juridique et factuelle et formule des recommandations (par exemple, adopter une législation conforme à l'interdiction des gains financiers, promouvoir les dons d'organes et collecter des données fiables). En outre, l'étude met l’accent sur la nécessité d'un instrument juridique international énonçant une définition du «trafic d'organes, de tissus et de cellules» et des «mesures visant à prévenir ce trafic et à protéger les victimes, ainsi que des mesures pénales visant à punir le crime» 
			(24) 
			Conseil
de l'Europe / Nations Unies (2009), Trafic d'organes, de tissus
et de cellules et traite des êtres humains à des fins de prélèvement
d'organes, page 8, disponible à l'adresse: <a href='https://rm.coe.int/16805ad1bb'>https://rm.coe.int/16805ad1bb</a> uniquement disponible en anglais..
36. Un rapport 
			(25) 
			Rapport
de projet sur les directives SOHO V & S à l'intention des autorités
compétentes: Communication et enquête sur les effets indésirables
graves et les réactions indésirables associés aux tissus et cellules
humains, disponible à l'adresse suivante: 
			(25) 
			<a href='https://www.notifylibrary.org/sites/default/files/SOHO V%26S Communication and Investigation Guidance.pdf'>https://www.notifylibrary.org/sites/default/files/SOHO%20V%26S%20Communication%20and%20Investigation%20Guidance.pdf</a>. sur les activités illicites et frauduleuses a été préparé dans le cadre d'un projet financé par l'Union européenne intitulé «Vigilance et surveillance des substances d'origine humaine» (SoHO V & S) 
			(26) 
			Numéro
de la convention de subvention: 20091110. Financé au titre du deuxième
programme d'action communautaire dans le domaine de la santé. De
plus amples informations sont disponibles sur: <a href='https://www.notifylibrary.org/content/vigilance-and-surveillance-substances-human-origin-project-sohovs'>https://www.notifylibrary.org/content/vigilance-and-surveillance-substances-human-origin-project-sohovs</a>., visant à fournir aux autorités compétentes nationales chargées des tissus et des cellules des Etats membres de l’Union, des orientations pour détecter, enquêter, gérer et communiquer sur de telles activités. Un questionnaire a été envoyé à toutes les autorités nationales compétentes. Le rapport notait, entre autres, qu'il existait une diversité importante dans toute l'Union européenne en matière de gestion des activités présumées illicites et frauduleuses dans le contexte des tissus et des cellules et qu'il n'existait pas de formation spécifique sur la manière d'identifier et de gérer de telles activités.
37. En 2013, l’Assemblée a adopté deux textes liés au projet de Convention contre le trafic d’organes humains et a fait savoir entre autres «[qu’]à ce stade, il n’a pas été considéré opportun de procéder à l’élaboration d’un protocole additionnel relatif à la lutte contre le trafic de tissus et de cellules d’origine humaine, du fait notamment de l’absence d’une réglementation complète et harmonisée sur le prélèvement et l’utilisation des tissus et des cellules, au niveau tant national qu’international» 
			(27) 
			Recommandation 2009 (2013) de l’Assemblée
«Vers une convention du Conseil de l’Europe pour lutter contre le trafic
d’organes, de tissus et de cellules d’origine humaine» et Avis 286 (2013) sur
le projet de Convention du Conseil de l’Europe contre le trafic
d’organes humains.. Au lieu de cela, l’Assemblée a proposé de procéder étape par étape et a suggéré au Comité des Ministres de décider d’une feuille de route pour l’élaboration du protocole additionnel 
			(28) 
			Le
Comité des Ministres n'a pas donné suite à cette recommandation
spécifique de l'Assemblée..
38. La Convention du Conseil de l'Europe contre le trafic d'organes humains (STCE n° 216) a été ouverte à la signature en 2015 et est entrée en vigueur le 1er mars 2018. Cette Convention est un instrument de droit pénal. Elle fournit une définition du trafic d'organes humains ainsi qu'une définition claire des pratiques à criminaliser. Cependant, cette convention ne traite pas de la question des tissus et des cellules. À ce jour, neuf pays sont liés aux dispositions de cette convention et 15 pays l’ont signée mais ne l’ont pas ratifiée. Le Comité des Parties, qui est l'organe chargé de superviser la mise en œuvre de cette convention, n'a pas encore été établi (il faut 10 ratifications).
39. Dans le cadre du Conseil de l’Europe, un guide complet sur la qualité et la sécurité des cellules et tissus destinés à des applications chez l’homme a été publié pour la première fois en 2013 (la 4e édition est parue en 2019), avec un financement partiel de l’Union européenne. Ce guide fournit aux professionnels de la santé un aperçu complet des avancées dans ce domaine ainsi que des orientations techniques pour garantir la qualité et la sécurité des tissus et cellules humains appliqués aux patients 
			(29) 
			Conseil de l'Europe
(2019), Guide sur la qualité et la sécurité des tissus et cellules
à usage humain, disponible à l'adresse suivante: <a href='https://www.edqm.eu/en/organs-tissues-and-cells-technical-guides'>https://www.edqm.eu/en/organs-tissues-and-cells-technical-guides</a>..
40. La Cour européenne des droits de l’homme a elle aussi traité le sujet du trafic de cellules et de tissus d’origine humaine. Dans l’affaire Elberte c. Lettonie, des tissus avaient été prélevés sur le corps de l’époux décédé de Mme Elberte, à son insu et sans son consentement, puis envoyés à une société pharmaceutique en Allemagne pour créer des allo-greffons, conformément à un accord approuvé par l’État et dans le cadre d’un dispositif à grande échelle. Les autorités lettones n’ont pas établi l’existence d’éléments constitutifs d’une infraction dans le cas du mari de Mme Elberte. La Cour européenne des droits de l’homme a toutefois conclu que le prélèvement de tissus sur le corps d’un défunt mari, à l’insu et sans le consentement de sa femme, constituait un traitement dégradant 
			(30) 
			Voir, Elberte c. Lettonie (arrêt du 13
janvier 2015) devant la Cour européenne des droits de l’homme, <a href='https://www.echr.coe.int/Documents/FS_Health_ENG.pdf'>https://www.echr.coe.int/Documents/FS_Health_ENG.pdf</a>, consulté le 6 mars 2019..
41. En octobre 2018, le Comité européen sur la transplantation d’organes (CD-P-TO) a adopté un rapport sur «Les activités illicites et contraires à l’éthique en lien avec des tissus et cellules d’origine humaine: répondre à la nécessité d’élaborer un instrument juridique international pour protéger les donneurs et les receveurs» 
			(31) 
			<a href='https://www.edqm.eu/sites/default/files/position_paper_-_illicit_and_unethical_activities_with_human_tissues_and_cells_rev_-_november_2018.pdf'>https://www.edqm.eu/sites/default/files/position_paper_-_illicit_and_unethical_activities_with_human_tissues_and_cells_rev_-_november_2018.pdf</a>.. Ce rapport fait l’inventaire des traités internationaux existants, identifie les lacunes et appelle les organes décisionnels du Conseil de l’Europe à élaborer un Protocole additionnel à la Convention du Conseil de l’Europe contre le trafic d’organes humains portant sur la lutte contre le trafic de cellules et de tissus d’origine humaine.

6. Des inquiétudes persistantes

42. Alors que de nets progrès ont été accomplis, d’importantes inquiétudes subsistent. En effet, les directives de l’Union européenne ont établi un cadre européen commun qui joue un rôle essentiel dans l’assurance de la qualité et dans le renforcement de la confiance du public. Cependant, ces directives laissent de côté les questions éthiques, qui sont en grande partie reléguées aux États membres de l'Union européenne.
43. La question de la compensation des donneurs de tissus et de cellules est assez différente de celle des donneurs d'organes. Par exemple, la directive de l'Union européenne sur les organes stipule que «les États membres veillent à ce que les dons d'organes provenant de donneurs décédés ou vivants soient volontaires et non rémunérés», tandis que les directives de l'Union européenne sur les tissus et les cellules indiquent «les États membres s'efforcent de garantir les dons de tissus et cellules volontaires et non-rémunérés». Dans cette dernière directive, il est également indiqué que «les donneurs peuvent recevoir une indemnisation, qui est strictement limitée à la prise en charge des dépenses et inconvénients liés au don». Le calcul de l'indemnisation financière pour ces inconvénients incombe aux autorités nationales compétentes. Dans quelle mesure les garanties contre les abus possibles sont-elles en place? Quels sont les mécanismes de surveillance et quelle est leur efficacité?
44. D’une manière plus générale, comment peut-on garantir que les dons altruistes ne servent pas les intérêts lucratifs d’acteurs privés? De plus comment peut-on être sûr que les dons servent à répondre aux besoins de santé publique plutôt qu’à faire du profit?
45. Le caractère variable des dispositions législatives et réglementaires selon les régions crée des vides juridiques qui profitent aux activités illicites dans ce domaine. À quels mécanismes pourrait-on avoir recours pour favoriser l’harmonisation des normes pertinentes? Sous l’angle du Conseil de l’Europe, comment pourrait-on faciliter la coopération entre les États membres et les États non-membres de l’Union européenne qui font partie du Conseil de l’Europe?
46. Dans le contexte actuel de pauvreté croissante dans certaines parties du monde, et en Europe en particulier, comment peut-on éviter l’exploitation des personnes vulnérables aux fins de trafic de cellules et de tissus? Est-ce que les mécanismes existants sont suffisamment efficaces pour mettre ces personnes à l’abri de la contrainte, de la fraude et d’autres pratiques abusives? Ces activités illicites constituent non seulement des violations des droits de l'homme, mais elles représentent également une menace pour la santé publique, dans la mesure où les exigences de qualité et de sécurité ne sont souvent pas respectées, ce qui pourrait entraîner la transmission de maladies infectieuses et d'autres réactions indésirables graves pour les patients.
47. De nombreux cas de trafic de cellules et de tissus humains sont liés à la question du consentement et de l'importation. Par exemple, il n’est pas rare que dans certains pays les matières résiduelles obtenues lors de procédures de diagnostic ou de chirurgie servent à la recherche sans le consentement du patient. Dans d'autres cas, les tissus recueillis à des fins de recherche sont utilisés à des fins de recherche militaire ou de recherche et de diagnostic en cosmétique (sans que cela soit précisé lors de l'obtention du consentement). La Recommandation CM/Rec (2016) 6 du Comité des Ministres sur la recherche sur le matériel biologique d'origine humaine 
			(32) 
			<a href='https://search.coe.int/cm/Pages/result_details.aspx?ObjectId=090000168064e8ff'>https://search.coe.int/cm/Pages/result_details.aspx?ObjectId=090000168064e8ff</a>. contient des lignes directrices détaillées à ce sujet, y compris en ce qui concerne les personnes ne pouvant pas donner leur consentement (ce qui peut être fait exceptionnellement dans certaines circonstances). Il est important de veiller à ce que les principes qui sous‑tendent ces lignes directrices soient appliqués dans la pratique au moyen de procédures de contrôle solides et systématiques.
48. Le principe de l’OMS à cet égard veut que l’attribution de cellules et de tissus soit dictée par des critères cliniques et des normes éthiques, et que les règles d’attribution soient équitables, objectivement justifiées et transparentes. Parvenons-nous à respecter ce principe?
49. À l'heure actuelle, de nombreux pays ont de longues listes d'attente pour les traitements de procréation médicalement assistée faisant appel à des ovocytes et à du sperme. L'aide médicale à la procréation peut ne pas être disponible pour toute la population (souvent, seuls les couples hétérosexuels mariés y ont accès). Cela crée une forte demande pour de tels traitements, amenant certains patients (qui en ont les moyens) à se rendre dans d'autres pays à cette fin. En outre, il existe des sites web où le sperme peut être acheté par des particuliers auprès de sociétés en Europe et de pays tiers et être expédiés par la poste directement auprès de l’utilisateur final. En l’absence de contrôles, de traçabilité et de suivi, toutes ces possibilités créent des risques à la fois pour les donneurs et les receveurs et doivent être abordées.
50. La promotion de traitements expérimentaux sans innocuité ni efficacité cliniquement démontrées est un autre sujet de préoccupation. Alors que la greffe de cellules progénitrices hématopoïétiques est utilisée depuis de nombreuses années sans controverse, et que des recherches sont en cours pour appliquer des traitements à base de cellules progénitrices dans le traitement de maladies neurodégénératives et de maladies telles que le diabète et les maladies cardiaques, entre autres, certaines agences de santé encouragent également l'utilisation de ces cellules pour la guérison de la maladie de Parkinson, de l'autisme, de la démence, de la dépression, de la sclérose en plaques, de la paralysie cérébrale, des lésions cérébrales traumatiques, des maladies cardiaques, de la dégénérescence maculaire, des maladies rénales chroniques, de l'arthrose et des accidents vasculaires cérébraux. Des traitements anti‑âge sont également annoncés. Dans la plupart des cas, les avantages de tels traitements restent à prouver.
51. L’absence d’un instrument juridiquement contraignant au niveau international sur le trafic de cellules et de tissus humains, qui comporterait une définition de ce qui relève du champ des activités illicites dans ce domaine, complique la tâche pour lutter contre ce type d’activités et les empêcher.

7. Conclusions et recommandations

52. L’utilisation de tissus et de cellules d’origine humaine à des fins médicales évolue rapidement et ne cesse de créer de nouvelles perspectives et de nouveaux défis pour nos sociétés. De nets progrès ont été réalisés au niveau national, européen et international concernant l’élaboration de normes capables de garantir que la recherche et les procédures médicales sont à la fois sûres et fondées sur le plan éthique. Néanmoins, il reste d’importants défis à relever.
53. Il existe actuellement peu d'informations officielles sur le trafic de cellules et de tissus humains. La plupart de nos connaissances sur ce phénomène reposent sur des estimations ou sur des rapports d’investigation réalisés par les médias. Des données fiables sur le trafic de cellules et de tissus humains doivent être collectées aux niveaux national et européen, afin de permettre une compréhension approfondie des derniers défis à relever et des solutions possibles.
54. Les disparités des cadres législatifs et du niveau de développement économique dans les différents pays (au sein de l'Union européenne, dans la zone géographique couverte par le Conseil de l'Europe et dans les pays tiers) offrent la possibilité d'activités illicites dans ce domaine. L'harmonisation des politiques et des pratiques adéquates en Europe, y compris en dehors de l'Union européenne, est un élément important de la lutte contre le trafic de cellules et de tissus humains. Dans les cas où les tissus et les cellules sont transportés vers un autre pays, une qualité et des normes éthiques équivalentes doivent être garanties. Dans la mesure du possible, l'autosuffisance nationale (et européenne) devrait être davantage encouragée afin de répondre aux besoins des patients.
55. Lors de la préparation de ce rapport, j’ai été frappé par le peu de connaissances dont nous disposons sur les progrès de la science et de la médecine dans ce domaine, sur l’ampleur de leur application actuelle et sur les avantages et les défis qu’ils peuvent représenter. Il est important de faire en sorte que le public soit largement sensibilisé à ce problème dans nos sociétés. En outre, il est important de veiller à ce que les professionnels de la santé et les autres professionnels concernés soient dûment formés et motivés intrinsèquement pour s'occuper des personnes vulnérables, qui sont des patients ou des participants à la recherche, à identifier les formes masquées de coercition et à éviter les incitations proposées qui pourraient nuire à leur jugement.
56. Alors que l'absence d'une définition commune du trafic de cellules et de tissus humains constitue un défi majeur pour une lutte efficace contre les activités illicites et frauduleuses dans ce domaine, la biomédecine se développe très rapidement et il est difficile d'anticiper les formes possibles de telles activités. Cela signifie qu'une telle définition, idéalement adoptée dans le cadre d'un texte juridique international, devrait ensuite être appliquée à des cas spécifiques, puis interprétée en fonction des développements pertinents dans les domaines de la science, de la recherche et des services de santé.
57. De toute évidence, un renforcement de la coopération internationale s’impose dans ce domaine. Un organe international reconnu devrait être chargé du suivi systématique des activités des États membres pour permettre la fixation de normes et leur mise en œuvre de façon permanente ainsi que l’échange de bonnes pratiques. Cet organe international pourrait produire une «jurisprudence» sur ce qui relève du trafic et devrait donc faire l’objet de poursuites judiciaires. Cela faciliterait considérablement l’élaboration des politiques nationales sur le sujet ainsi que le travail des organes chargés de faire respecter la loi. Il importe de veiller à ce que les membres d’un tel organe n’aient pas de conflit d’intérêts en ce qui concerne les tissus et cellules d’origine humaine.
58. Le Conseil de l’Europe présente l'avantage d’avoir déjà établi un traité contraignant sur le trafic d'organes et possède l'expertise nécessaire en matière pénale, ainsi que l’expertise technique par le biais de la Direction européenne de la qualité du médicament et soins de santé. En sa qualité d’organisation à rayonnement régional, le Conseil de l’Europe a une portée géographique limitée par nature, mais ce désavantage peut être surmonté en ouvrant à la signature des États non-membres tout instrument juridique futur.
59. Sur la base des considérations susmentionnées, l'Assemblée parlementaire devrait inviter le Comité des Ministres à envisager l'élaboration d'un instrument juridique contraignant sur la lutte contre le trafic de tissus et cellules humains, éventuellement sous la forme d'un protocole additionnel à la Convention contre le trafic d’organes humains (STCE n° 216).
60. En outre, l'Assemblée parlementaire devrait inviter les États membres du Conseil de l'Europe qui n'ont pas ratifié les instruments juridiques importants du Conseil de l'Europe dans ce domaine – tels que la Convention du Conseil de l'Europe sur les droits de l'homme et la biomédecine (Convention d'Oviedo; STE n° 164), la Convention sur la lutte contre la traite des êtres humains (STCE n° 197) et la Convention contre le trafic d'organes humains (STCE n° 216) – à le faire de manière prioritaire. Il s'agirait également d'une contribution européenne importante au programme de développement durable des Nations Unies – Objectif 3: Bien-être et santé et Objectif 16: Promouvoir des sociétés justes, pacifiques et inclusives (en ce qui concerne la traite des êtres humains).