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Résolution 2358 (2021)

Mise en œuvre des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme

Auteur(s) : Assemblée parlementaire

Origine - Discussion par l’Assemblée le 26 janvier 2021 (3e séance) (voir Doc. 15123 et addendum, rapport de la commission des questions juridiques et des droits de l'homme, rapporteur: M. Constantinos Efstathiou). Texte adopté par l’Assemblée le 26 janvier 2021 (3e séance).Voir également la Recommandation 2193 (2021).

1. Bien que, en vertu de l’article 46.2 de la Convention européenne des droits de l’homme (STE n° 5, «la Convention») signée il y a près de soixante-dix ans, la responsabilité première de la surveillance de l’exécution des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme («la Cour») incombe avant tout au Comité des Ministres, l’Assemblée parlementaire contribue largement, depuis sa Résolution 1226 (2000) sur l’exécution des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme, à ce processus, comme le précise sa Résolution 2277 (2019) intitulée «Rôle et mission de l’Assemblée parlementaire: principaux défis pour l’avenir».
2. L’Assemblée rappelle en particulier ses Résolutions 2178 (2017), 2075 (2015), 1787 (2011), 1516 (2006) et ses Recommandations 2110 (2017) et 2079 (2015) sur la mise en œuvre des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme dans lesquelles elle encourage les parlements nationaux à s’engager dans ce processus. Elle rappelle par ailleurs que l’exécution des arrêts de la Cour, imposée à l’article 46.2 de la Convention, recouvre non seulement le paiement de la satisfaction équitable octroyée par la Cour, mais aussi l’adoption d’autres mesures individuelles (visant à assurer la restitutio in integrum aux requérants) et/ou générales (visant à prévenir de nouvelles violations de la Convention).
3. Depuis le dernier examen de cette question en 2017, l’Assemblée constate de nouveaux progrès dans l’exécution des arrêts de la Cour, notamment une diminution régulière du nombre d’arrêts pendants devant le Comité des Ministres (5 231 à la fin de 2019) et l’adoption de mesures individuelles et générales dans de nombreuses affaires complexes toujours pendantes. Cela montre l’efficacité de la réforme du système de la Convention, entamée en 2010 à la suite de la Conférence de haut niveau d’Interlaken sur l’avenir de la Cour européenne des droits de l’homme, et l’impact du Protocole no 14 à la Convention (STCE no 194), entré en vigueur en juin 2010, pour faire face à la situation extrêmement critique de la Cour et aux quelque 10 000 affaires pendantes devant le Comité des Ministres à cette époque. L’Assemblée se félicite des mesures prises par le Comité des Ministres en vue de rendre plus efficace sa surveillance de l’exécution des arrêts de la Cour, ainsi que des synergies qui se sont développées dans ce cadre, tant au sein du Conseil de l’Europe qu’entre ses organes et les autorités nationales.
4. L’Assemblée reste toutefois profondément préoccupée par le nombre d’affaires révélant des problèmes structurels qui sont pendantes devant le Comité des Ministres depuis plus de cinq ans. Le nombre de ces affaires n’a que très légèrement baissé au cours des trois dernières années. L’Assemblée observe par ailleurs que la Fédération de Russie (y compris la Crimée, annexée illégalement, et les territoires temporairement occupés des régions de Donetsk et de Lougansk), la Turquie, l’Ukraine, la Roumanie, la Hongrie, l’Italie, la Grèce, la République de Moldova, l’Azerbaïdjan et la Bulgarie comptent le plus grand nombre d’arrêts de la Cour non exécutés et sont toujours confrontés à de graves problèmes structurels ou complexes, dont certains durent depuis plus de dix ans. Cette situation pourrait être due à des problèmes fortement enracinés, tels que les préjugés persistants à l’encontre de certains groupes de la société, une organisation nationale inadéquate, l’absence de ressources nécessaires ou de volonté politique, voire l’existence d’un désaccord manifeste avec un arrêt de la Cour.
5. L’Assemblée est particulièrement préoccupée par les difficultés juridiques et politiques croissantes qui entourent l’exécution des arrêts de la Cour et relève qu’aucune mesure législative ou administrative nationale ne peut ajouter de nouveaux obstacles à ce processus. L’Assemblée souligne que les États membres ne sont pas fondés à légitimer la possibilité de ne pas mettre en œuvre les décisions de la Cour.
6. L’Assemblée exprime en outre son inquiétude quant aux obstacles à l’exécution des arrêts rendus par la Cour dans des affaires interétatiques ou présentant des caractéristiques interétatiques. Elle appelle tous les États parties à la Convention impliqués dans l’exécution de tels arrêts à ne pas entraver ce processus et à coopérer pleinement avec le Comité des Ministres.
7. L’Assemblée condamne une fois de plus les retards pris dans l’exécution des arrêts de la Cour et rappelle que l’obligation juridique faite aux États parties à la Convention d’exécuter les arrêts de la Cour lie toutes les branches du pouvoir étatique et que celles-ci ne peuvent s’en exonérer en invoquant des problèmes ou obstacles techniques dus, en particulier, au manque de volonté politique, à l’insuffisance des ressources ou à l’évolution du droit interne, y compris de la Constitution.
8. Ainsi, près de soixante-dix ans après la signature de la Convention, l’Assemblée invite tous les États parties à la Convention à réaffirmer leur engagement primordial envers la protection et la promotion des droits de l’homme et des libertés fondamentales, notamment par l’exécution pleine, effective et rapide des arrêts et des termes des règlements amiables rendus par la Cour. À cet égard, elle appelle fermement les États parties à la Convention:
8.1. à coopérer, à cette fin, avec le Comité des Ministres, la Cour et le Service de l’exécution des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme, ainsi qu’avec les autres organes concernés du Conseil de l’Europe;
8.2. à soumettre, en temps utile, au Comité des Ministres, des plans d’action, des bilans d’action et des informations sur le paiement de la satisfaction équitable; et à répondre aux communications présentées par les requérants, les institutions nationales de protection et de promotion des droits de l’homme et les organisations non gouvernementales (ONG) au titre de la règle 9 des Règles du Comité des Ministres pour la surveillance de l’exécution des arrêts et des termes des règlements amiables;
8.3. à mettre en place des recours internes effectifs pour remédier aux violations de la Convention;
8.4. à accorder une attention particulière aux affaires soulevant des problèmes structurels ou complexes identifiés par la Cour ou le Comité des Ministres, notamment celles qui sont pendantes depuis plus de dix ans;
8.5. à ne pas adopter de lois ni prendre de mesures susceptibles d’entraver le processus d’exécution des arrêts de la Cour;
8.6. à tenir compte des avis pertinents de la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise) lors de l’adoption de mesures visant à exécuter les arrêts de la Cour;
8.7. à consacrer suffisamment de ressources aux organes compétents du Conseil de l’Europe et aux parties prenantes nationales chargées de l’exécution des arrêts de la Cour, y compris les bureaux des agents du gouvernement, et à les encourager à coordonner leurs travaux dans ce domaine;
8.8. à renforcer le rôle de la société civile et des institutions nationales de protection et de promotion des droits de l’homme dans le processus d’exécution des arrêts de la Cour;
8.9. à condamner les déclarations qui discréditent l’autorité de la Cour et les attaques contre les agents du gouvernement qui travaillent à la mise en œuvre des arrêts de la Cour et contre les ONG qui interviennent pour promouvoir et protéger les droits de l’homme.
9. À la lumière de l’avis de la Commission de Venise n° 981/2020 du 18 juin 2020 sur le projet d'amendement à la Constitution de la Fédération de Russie (tel que signé le président de la Fédération de Russie le 14 mars 2020) relatif à l'exécution dans la Fédération de Russie des arrêts de la Cour européenne des droits de l'homme, l’Assemblée appelle la Fédération de Russie à modifier les récents amendements apportés aux articles 79 et 125.5.b de la Constitution.
10. Se référant à sa Résolution 1823 (2011) sur «Les parlements nationaux: garants des droits de l’homme en Europe», l’Assemblée invite les parlements nationaux des États membres du Conseil de l’Europe à mettre en œuvre les «Principes fondamentaux du contrôle parlementaire des normes internationales relatives aux droits de l’homme», annexés à ladite résolution. À ce propos, elle souligne une fois de plus la nécessité de mettre en place des structures parlementaires pour contrôler le respect des obligations internationales relatives aux droits de l’homme, notamment celles qui découlent de la Convention et de la jurisprudence de la Cour.
11. L’Assemblée appelle les États membres du Conseil de l’Europe qui n’ont pas encore ratifié les Protocoles nos 15 et 16 à la Convention (STCE nos 213 et 214) à le faire rapidement.
12. Étant donné le besoin urgent d’accélérer l’exécution des arrêts de la Cour, l’Assemblée décide de rester saisie de la question et de continuer à lui donner la priorité.