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Proposition de résolution | Doc. 25 | 08 août 1950

Contrôle et développement en commun des industries du charbon et de l'acier (Plan Schuman)

Signataires : Lord Robert BOOTHBY, Royaume-Uni ; Lord David ECCLES, Royaume-Uni ; Sir John FOSTER, Royaume-Uni ; Lord Walter Thomas LAYTON, Royaume-Uni ; M. Harold MACMILLAN, Royaume-Uni ; Sir David MAXWELL FYFE, Royaume-Uni ; M. Bertil G. OHLIN, Suède ; Sir Ronald D. ROSS, Royaume-Uni ; Lord DUNCAN SANDYS, Royaume-Uni ; M. Hermann SMITT-INGEBRETSEN, Norvège

L'Assemblée, Recommande au Comité des Ministres de transmettre au Gouvernement français, ainsi qu'aux autres Gouvernements participant aux négociations qui ont lieu à Paris sur le Plan Schuman, les propositions suivantes pour l'organisation et le développement en commun des industries européennes du charbon et de l'acier; elle considère que, sur la base do ces propositions un plus grand nombre d'États membres du Conseil de l'Europe seront en mesure de répondre à l'initiative prise par le Gouvernement français.

La Convention et l'organisation définie par cette Convention devront répondre aux motifs exposés ci-dessous :

  • Considérant que la paix du monde est l'objectif essentiel de la civilisation occidentale, et que l'élimination des oppositions et des haines qui, de longue date, ont partagé l'Europe, constitue une étape indispensable sur cette voie,
  • Reconnaissant la dette que le monde a contractée à l'égard du Gouvernement français pour l'initiative prise par ce dernier de présenter le Plan Schuman, on vue d'assurer la réconciliation de pays autrefois rivaux,
  • Convaincues que le moyen le plus rapide et le plus efficace d'assurer l'unité et la défense des peuples d'Europe occidentale consiste à utiliser au maximum leurs ressources économiques et à élever .progressivement leurs niveaux de vie,
  • Reconnaissant que le développement en commun des industries du charbon et de l'acier rendrait ces objectifs accessibles aux peuples de l'Europe,
  • Les Hautes Parties Contractantes s'engagent à instaurer progressivement un marché unique du charbon et de l'acier; elles seront tenues solidairement de faire le nécessaire pour atténuer les répercussions défavorables que pourra provoquer, sur le plan social ou sur tout autre plan, le passage au régime du marché unique.

En conséquence, les Parties Contractantes :

  • prendront, conformément à un programme à établir d'un commun accord, toutes les mesures nécessaires pour abolir les tarifs douaniers, contingents, tarifs différentiels de transport et autres mesures de caractère restrictif, et pour supprimer les subventions ou autres mesures analogues, pour autant qu'ils concernent leurs marchés métropolitains du charbon, de l'acier ou des produits entrant dans la composition de l'acier;
  • ne participeront pas elles-mêmes et n'autoriseront pas les entreprises relevant de leur juridiction à participer à des ententes de caractère restrictif, contraires aux objectifs visés par la Convention;
  • prendront les mesures nécessaires pour que les pouvoirs attribués à l'Autorité du charbon et de l'acier puissent être exercés et ses décisions exécutées sur leur territoire,
  • adopteront une politique commune d'exportation vers les marchés situés hors d'Europe, compte tenu des accords préférentiels présents et à venir entre métropoles et territoires d'outremer ou pays associés.

A ces fins, les membres du Comité des Ministres du Conseil de l'Europe, appartenant aux pays qui sont parties à la Convention, formeront un sous-comité économique du Comité des Ministres, appelé ci-dessous « Comité Ministériel ».

Chaque membre du Comité Ministériel disposera d'une voix.

Le Comité Ministériel instituera une Autorité dont il désignera les membres et à laquelle seront dévolues les fonctions définies par la Convention relativement aux industries du charbon et de l'acier existant sur le territoire des Parties Contractantes. Le Comité Ministériel fixera le statut et les modalités de remplacement des membres de l'Autorité.

Les membres de l'Autorité seront pris parmi les représentants des intérêts en cause, à savoir employeurs, syndicats et consommateurs. Le Comité Ministériel désignera un président indépendant. Les membres de l'Autorité choisiront parmi eux les membres de deux comités de gestion, chargés de l'exécution des tâches qui incombent à l'Autorité dans les domaines respectifs de l'industrie du charbon et l'industrie de l'acier.

Le nombre de voix dont dispose chacun des membres de l'Autorité et chacun des membres des deux comités de gestion sera proportionnel à la production et à la consommation de charbon (ou d'acier) du pays auquel il appartient. Les décisions seront prises à la majorité simple des voix.

Des dispositions spéciales seront prises, aux termes desquelles, pendant la première période de cinq ans, il pourra être fait appel devant le Comité Ministériel des décisions prises par l'Autorité, par ce motif que ces décisions sont contraires à la politique de l'un des États membres dans le domaine économique, social ou stratégique. Ont qualité pour interjeter appel les membres de l'Autorité et ceux du Comité Ministériel. La décision ne peut alors être confirmée que par un vote à la majorité des deux tiers du Comité Ministériel; au cas où la question soumise au Conseil ne concerne qu'un pays, seul le membre du Comité qui représente ce pays peut opposer son veto. Les dispositions du présent paragraphe feront l'objet d'une revision à la lumière de l'expérience.

Tout membre du Comité Ministériel a le droit de se retirer du Comité, et, par suite, de l'Autorité, sur préavis d'un an. Le Comité Ministériel peut obliger l'un de ses membres, par décision prise à la majorité des deux tiers, à se démettre de ses fonctions auprès du Comité et de l'Autorité.

Le Convention devra assigner à l'Autorité la tâche de mettro en oeuvre tous les moyens en son pouvoir pour assurer le bon rendement de la production du charbon et de l'acier et l'accroissement des débouchés, ainsi que le plein emploi et l'élévation du niveau de vie dans les pays intéressés. L'Autorité devra, en particulier :

  • s'efforcer d'assurer l'approvisionnement de tous les consommateurs appartenant aux pays membres à des termes identiques et à des conditions correspondant, en quantité et en qualité aux besoins économiques des pays membres tant dans la métropole qu'outre-mer;
  • s'efforcer d'assurer l'établissement et le maintien de tarifs stables et non discriminatoires;
  • encourager la modernisation des méthodes de production et coordonner les programmes de développement en vue de parvenir, sous réserve seulement de considérations majeures d'ordre social ou stratégique, au rendement maximum de la production dans tout l'ensemble des territoires des États membres;
  • s'efforcer de faire disparaître, dans le plus bref délai possible, tous les obstacles de caractère officiel qui s'opposent à la création d'un marché unique;
  • s'attacher à procurer de meilleures conditions de vie aux travailleurs de ces industries et aux consommateurs de leurs produits;
  • conserver le mécanisme actuel des conventions collectives et faire le nécessaire pour atténuer les incidences fâcheuses que peut avoir sur le plan social la mise en oeuvre de la politique du marché unique.

Les parties contractantes conviendront de charger l'Autorité d'élaborer une politique commune des prix, dont elle contrôlera l'exécution, pour le charbon, l'acier, et les produits de fabrication de l'acier. Le but immédiat sera l'établissement de prix identiques à la mine ou au départ de l'usine pour tous les ordres de même nature. Cette politique pourra soit laisser à chaque entreprise productrice la liberté de fixer et de publier sa propre liste de prix départ visine, soit prévoir, pour des groupes de producteurs, la fixation des prix d'après des principes convenus, selon que ces groupes sont constitués sur une base nationale ou sur une base régionale. Ces prix devront être fixés à un niveau suffisamment stable et, dans toute la mesure du possible, refléter la tendance à long terme des prix de revient.

Parmi les facteurs qui provoquent des différences de prix entre produits similaires, l'Autorité devra distinguer entre ceux qui résultent des conditions naturelles ou géographiques et ceux qui proviennent de causes artificielles ou de dispositions prises par les gouvernements. Pour des considérations d'efficacité, il convient que l'on puisse mettre en valeur les avantages naturels aussi librement que possible. Lorsque ceci entraînera la fermeture ou la réduction du régime des entreprises de moindre rendement, l'Autorité sera habilitée à prendre des dispositions pour atténuer les conséquences économiques et sociales de ces mesures au moyen d'une taxe prélevée sur la production des entreprises au bénéfice desquelles joue cette politique de rationalisation; et cette taxe sera affectée à la garantie des intérêts d'emprunt, ou à toute autre fin nécessaire.

Dans la mise en oeuvre de sa politique commune des prix, l'Autorité ne saurait en aucun cas recourir à l'abaissement du niveau de vie des travailleurs d'une entreprise ni mettre obstacle à son relèvement, en vue d'égaliser les prix de revient respectifs de cette entreprise à ceux d'une autre entreprise, en quelque lieu que cette dernière puisse être située. L'Autorité s'efforcera au contraire de faire en sorte que la politique commune des prix ait pour résultat l'égalisation par le haut des salaires et des conditions de vie.

L'Autorité aura pouvoir pour recueillir des renseignements sur tous les points nécessaires en vue de l'exécution de sa tâche et notamment en matière de production, de consommation, d'exportation, d'importation, de prix, d'ententes, de productivité, de prix de revient, de programmes de développement, de modernisation et d'investissements, etc... La publication d'informations et de commentaires sur ces informations aidera considérablement à l'accroissement du rendement de la production et à l'expansion des marchés.

L'Autorité sera habilitée à entreprendre et à coordonner la recherche aussi bien dans le domaine technique que dans celui des marchés.

L'Autorité sera chargée d'établir des programmes de production à court terme et à long terme. A cet effet, les représentants de chaque pays présenteront chaque année à l'Autorité des programmes de production et d'investissement. L'Autorité prendra en considération, dans l'examen des programmes de production et d'investissement d'un pays donné, la demande de ce produit existant dans ledit pays. Si l'Autorité décide que, pendant une période donnée, la production correspondant dans un pays quelconque à sa capacité actuelle de production, sera inférieure aux quantités prévues dans le programme de ce pays, le gouvernement du dit pays aura le droit d'acheter et de stocker les quantités correspondant à la différence, sous réserve que, pendant un délai de cinq ans, ce tonnage ne devra pas être revendu sans l'agrément de l'Autorité. Devront être soumis à l'Autorité, aux fins d'élaboration du programme d'investissement à long terme, tous les projets importants de modernisation et d'accroissement de la capacité de production. Au cas de rejet par l'Autorité d'un projet, tout membre peut, s'il considère que les dispositions de l'article 9 s'appliquent, interjeter appel devant le Comité Ministériel.

La Convention, devra comporter un certain nombre de dispositions générales prévoyant notamment que :

a. Les dépenses de l'Autorité seront couvertes par une taxe à la production du charbon et da l'acier;
b. L'Autorité ne prendra aucune mesure de nature à porter atteinte, de quelque manière que ce soit, au régime de propriété en vigueur sur le territoire des États membres.

L'Autorité présentera chaque année un rapport au Comité Ministériel. L'Autorité aura la latitude de faire figurer dans son rapport annuel des propositions tendant à la modification de la Convention. Le Comité Ministériel transmettra le rapport de l'Autorité au Comité des Ministres du Conseil de l'Europe qui en saisira l'Assemblée Consultative pour examen.

Une instance de recours composée de cinq membres désignés par la Cour Internationale de la Haye parmi les ressortissants des États parties à la Convention sera compétente pour juger des cas de violation de la Convention qui pourraient lui être soumis par l'un des membres du Comité Ministériel.

La Convention sera ratifiée par les Parlements des Parties contractantes.