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Rapport | Doc. 11701 | 15 septembre 2008

Respect des obligations et engagements de la Serbie

Commission pour le respect des obligations et engagements des États membres du Conseil de l'Europe (Commission de suivi)

Corapporteur : M. Charles GOERENS, Luxembourg, ADLE

Corapporteur : M. Andreas GROSS, Suisse, SOC

Résumé

La commission de suivi salue l’ambition de la Serbie de poursuivre l’intégration européenne et s’engage fermement à soutenir le pays dans cette voie. Elle note que la majorité des citoyens serbes a clairement exprimé son choix en faveur de l’intégration européenne lors des élections législatives de mai 2008. Pour répondre aux attentes de ces citoyens, les autorités serbes se doivent, à présent, de prendre urgemment un certain nombre de mesures concrètes et réformatrices pour que tous les citoyens du pays puissent profiter des bénéfices de l’intégration européenne.

La commission salue le fait que, jusqu’à présent, les autorités serbes ont défendu leur position vis-à-vis du Kosovo par des moyens pacifiques et diplomatiques, dans le respect du droit international. Elle appelle les autorités serbes à fournir un forum pour un dialogue ouvert entre l’ensemble des partis et acteurs politiques quant aux développements au Kosovo.

La récente stabilité politique, suivant la mise en place d’un nouveau gouvernement soutenu par une coalition large et variée de forces politiques, crée un environnement favorable pour que la société progresse et mette en œuvre les réformes nécessaires dans le domaine de la démocratie, des droits de l’homme et de l’Etat de droit. La commission de suivi exhorte les partis d’opposition à cesser de faire de l’obstructionnisme et à adopter une attitude constructive dans l’arène parlementaire. Parallèlement, elle appelle la coalition majoritaire à créer les conditions pour un dialogue substantiel avec l’opposition sur les problèmes clés.

Pour satisfaire à ses obligations et engagements comme Etat membre, la commission de suivi attend de la Serbie qu’elle entreprenne un certain nombre d’actions concrètes, conformément aux recommandations contenues dans le présent rapport. Dans l’attente de leur mise en œuvre, elle propose à l’Assemblée de poursuivre la procédure de suivi relative à la Serbie.

A. Projet de résolution

(open)
1. La Serbie est, depuis 2003, un Etat membre du Conseil de l’Europe, ayant succédé en 2006 à l’union d’état de Serbie-Monténégro. Durant cette période, la Serbie a mis en œuvre de manière régulière les obligations et engagements pris au moment de son adhésion. Le pays coopère activement avec le Conseil de l’Europe et a présidé le Comité des Ministres de mai à novembre 2007.
2. L’Assemblée parlementaire rappelle sa Résolution 1514 (2006) sur les conséquences du référendum au Monténégro et prend note des principaux développements politiques intervenus en Serbie depuis la dissolution de l’union d’état de Serbie-Monténégro en juin 2006: une nouvelle Constitution a été entérinée par le référendum des 28 et 29 octobre 2006; des élections législatives ont eu lieu le 21 janvier 2007, une élection présidentielle a été organisée les 20 janvier et 3 février 2008, et, plus récemment, après une crise gouvernementale, des élections législatives anticipées ont eu lieu le 11 mai 2008.
3. L’Assemblée fait référence aux rapports de sa mission d’évaluation des élections pour le scrutin présidentiel (second tour) et de sa commission ad hoc pour l’observation des élections législatives en Serbie le 11 mai 2008, et félicite le peuple et les autorités serbes pour avoir conduit les élections conformément aux normes du Conseil de l’Europe en matière d’élections démocratiques.
4. L’Assemblée note que la majorité des citoyens serbes a clairement exprimé son choix en faveur de l’intégration européenne.
5. L’Assemblée salue l’ambition de la Serbie de poursuivre l’intégration européenne et s’engage fermement à soutenir la Serbie dans cette voie. A cet égard, l’Assemblée salue la ratification, le 9 septembre 2008, de l’Accord de stabilisation et d’association entre l’Union européenne et la Serbie. Cet accord donnera un nouvel élan aux indispensables réformes visant à rapprocher l’ordre juridique serbe des acquis européens dans le domaine de la démocratie, de l’Etat de droit et des droits de l’homme. Parallèlement, l’Assemblée considère que les autorités serbes se doivent de prendre un certain nombre de mesures concrètes et réformatrices pour que tous les citoyens du pays puissent profiter des bénéfices de l’intégration européenne. Ce n’est qu’à ce moment-là que l’intégration européenne deviendra une vision partagée de l’avenir du pays.
6. L’Assemblée suit de près les développements concernant le statut du Kosovo. Elle a pris note de la déclaration unilatérale d’indépendance adoptée par l’Assemblée du Kosovo le 17 février 2008 et constate que plusieurs pays, dont certains Etats membres du Conseil de l’Europe, ont d’ores et déjà reconnu l’indépendance du Kosovo. Par ailleurs, l’Assemblée a pris note du rejet de cette déclaration par la Serbie et plusieurs Etats membres du Conseil de l’Europe, ceux-ci la jugeant illégale et contraire au droit international.
7. L’Assemblée comprend la frustration du peuple serbe quant aux développements au Kosovo. Elle salue le fait que, jusqu’à présent, les autorités serbes ont défendu leur position par des moyens pacifiques et diplomatiques, dans le respect du droit international.
8. L’Assemblée condamne fermement les incidents violents qui se sont produits en février 2008 après l’adoption de la déclaration unilatérale d’indépendance au nord du Kosovo ainsi qu’à Belgrade et notamment les attaques perpétrées contre certaines ambassades étrangères, totalement inadmissibles dans un pays adhérant aux principes démocratiques et au droit international. Parallèlement, l’Assemblée note que ces incidents étaient restés isolés et que les autorités ont pris des mesures pour punir les responsables.
9. Par conséquent, l’Assemblée appelle les autorités serbes:
9.1. à garantir qu’en défendant leur position vis-à-vis du Kosovo, elles continueront à employer uniquement des moyens pacifiques et diplomatiques;
9.2. à fournir un forum pour un dialogue ouvert entre l’ensemble des partis et acteurs politiques quant aux développements au Kosovo;
9.3. à poursuivre la coopération et le dialogue avec l’ensemble des acteurs internationaux et régionaux afin de promouvoir la paix, la stabilité et la réconciliation dans les Balkans occidentaux, dans un esprit d’intégration européenne;
9.4. à poursuivre la coopération avec la présence civile internationale des Nations Unies au Kosovo en vue de préserver et promouvoir les droits culturels, linguistiques et religieux de toutes les communautés au Kosovo.
10. L’Assemblée se félicite de la mise en place d’un nouveau gouvernement soutenu par une coalition large et variée de forces politiques. La récente stabilité politique crée un environnement favorable pour que la société progresse et mette en œuvre les réformes nécessaires dans le domaine de la démocratie, des droits de l’homme et de l’Etat de droit. A cet égard, l’Assemblée exhorte les partis d’opposition à cesser de faire de l’obstructionnisme et à adopter une attitude constructive dans l’arène parlementaire. Parallèlement, elle appelle la coalition majoritaire à créer les conditions pour un dialogue substantiel avec l’opposition sur des problèmes clés. La Serbie a tenu trop d’élections depuis deux ans. A présent, le temps est venu pour toutes les forces politiques de travailler ensemble afin de faire de la Serbie un meilleur endroit où vivre: l’intégration européenne, la coopération avec le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY), le renforcement des institutions démocratiques et des droits de l’homme, la réforme du système judiciaire et du ministère public, la lutte contre la criminalité et la corruption et l’amélioration du niveau de vie des citoyens devraient être les toutes premières priorités.
11. A cet égard, l’Assemblée note que la Serbie est en train de faire des progrès clairs dans la mise en œuvre de ses engagements concernant la coopération avec le TPIY. Elle félicite les autorités pour l’arrestation de Radovan Karadžić, Stojan Župljanin, Zdravko Tolimir et Vlastimir Đorđević. Elle est convaincue que le nouveau gouvernement est fermement engagé à poursuivre sa coopération avec le tribunal.
12. C’est pourquoi, s’agissant de la coopération entre la Serbie et le TPIY, l’Assemblée invite les autorités serbes:
12.1. à ne pas ménager leurs efforts pour retrouver les personnes accusées toujours en liberté et les remettre au plus vite au TPIY;
12.2. à mettre à la disposition du TPIY tous les documents et archives du ministère de la Défense et des services de sécurité, afin que le tribunal mène les enquêtes dans le cadre de son mandat;
12.3. à signer et ratifier sans plus attendre la Convention européenne sur l’imprescriptibilité des crimes contre l’humanité et des crimes de guerre (STE no 82) et la Convention relative au dédommagement des victimes d’infractions violentes (STE no 116);
12.4. à arrêter et extrader les deux inculpés restants, Ratko Mladić et Goran Hadžić, sans plus attendre.
13. S’agissant du fonctionnement des institutions démocratiques, l’Assemblée:
13.1. déplore que les institutions démocratiques serbes ne soient toujours pas suffisamment solides et souligne la nécessité qu’elles soient renforcées davantage dans les domaines de la législation électorale, de la démocratie parlementaire et de la décentralisation;
13.2. encourage l’Assemblée nationale serbe à développer, en coopération avec l’Assemblée, un nouveau programme d’assistance parlementaire, notamment en exploitant pleinement les nouvelles possibilités de financement dans le cadre de l’Instrument d’aide de préadhésion de l’Union européenne (IAP);
13.3. salue la volonté du président de l’Assemblée nationale de la République de Serbie nouvellement nommé de travailler avec l’Assemblée sur la rédaction du nouveau règlement qui garantirait les droits de l’opposition tout en permettant au parlement de fonctionner de manière effective;
13.4. c’est pourquoi l’Assemblée invite les autorités serbes:
13.4.1. à amender la législation électorale, conformément aux recommandations conjointes de la Commission de Venise et de l’OSCE/BIDDH, pour mettre notamment le système d’attribution des sièges au sein du parlement et des assemblées municipales en conformité avec les normes européennes;
13.4.2. à retirer de la Constitution les dispositions établissant le mandat impératif de membres du parlement et à renforcer la capacité de l’Assemblée nationale à jouer un rôle de plus en plus important dans le processus politique;
13.4.3. à adopter une nouvelle loi relative à l’Assemblée nationale de Serbie ainsi qu’un nouveau règlement du parlement, en étroite coopération avec l’Assemblée, dans le cadre du Programme de soutien parlementaire;
13.4.4. à renforcer davantage la base législative et la capacité opérationnelle du bureau du défenseur des droits des citoyens et du bureau du commissaire pour la liberté de l’information;
13.4.5. à poursuivre la mise en œuvre d’une réforme d’ensemble de la décentralisation, en vue de transférer dans les faits des compétences sectorielles aux autorités locales et aux provinces autonomes, de renforcer la décentralisation fiscale, d’améliorer la supervision administrative de l’activité des autorités locales et de développer les capacités de ces dernières;
13.4.6. à signer et ratifier sans plus attendre la Convention-cadre européenne sur la coopération transfrontalière des collectivités ou autorités territoriales (STE no 106).
14. S’agissant de l’Etat de droit, l’Assemblée:
14.1. regrette que les réformes du système judiciaire et du ministère public n’aient toujours pas été menées à terme;
14.2. se félicite de l’adoption de la loi sur la Cour constitutionnelle et de la nomination des juges de cette cour;
14.3. salue la coopération entre les autorités serbes et le Conseil de l’Europe dans les domaines de la réforme du système judiciaire et du ministère public, de la lutte contre la corruption, du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme;
14.4. note que la nouvelle Constitution nécessite l’adoption d’un arsenal complet de nouvelles lois régissant le système judiciaire et le ministère public, qui devraient être élaborées en coopération avec le Conseil de l’Europe;
14.5. en particulier, l’Assemblée invite les autorités serbes:
14.5.1. à développer et mettre en œuvre la législation sur l’organisation des tribunaux, le statut des juges et du Conseil supérieur de la magistrature, l’organisation du ministère public, le statut des procureurs et le Conseil national des procureurs, conformément aux normes européennes garantissant notamment que le système judiciaire et les procureurs sont à l’abri de toute influence politique;
14.5.2. à renforcer l’efficacité et le professionnalisme des juges et des procureurs, en développant notamment leur formation initiale et continue par l’intermédiaire de l’Académie de jurisprudence;
14.5.3. à prendre des mesures spécifiques pour lutter contre la corruption au sein du système judiciaire, tout en préservant la garantie fondamentale d’indépendance des juges;
14.5.4. à mettre pleinement en œuvre les recommandations du Groupe d’Etats contre la corruption du Conseil de l’Europe (GRECO);
14.5.5. à œuvrer avec le Conseil de l’Europe au développement et à la mise en place de l’Agence de lutte contre la corruption afin d’intensifier et d’harmoniser la mise en œuvre de différentes politiques et mesures de lutte contre la corruption de nature politique et administrative;
14.5.6. à ne ménager aucun effort pour renforcer la législation et les politiques visant à prévenir le blanchiment de capitaux et lutter contre le financement du terrorisme, conformément aux recommandations de MONEYVAL.
15. S’agissant des droits de l’homme, l’Assemblée:
15.1. se félicite de la liste détaillée des droits de l’homme et des minorités garantis par la nouvelle Constitution;
15.2. salue les nouveaux mécanismes de contrôle démocratique sur les forces armées et de sécurité, introduits par la nouvelle Constitution et les lois sur l’armée de Serbie et sur les forces de sécurité, tout en regrettant que la législation sur le service alternatif et les objecteurs de conscience n’ait pas encore été adoptée;
15.3. se félicite du développement de la nouvelle législation sur la liberté d’association, en coopération avec le Conseil de l’Europe;
15.4. condamne fermement les menaces et les attaques à l’encontre de défenseurs des droits de l’homme, de journalistes indépendants, des médias et de représentants des minorités nationales, perpétrées au cours des deux années écoulées;
15.5. en particulier, l’Assemblée appelle les autorités serbes:
15.5.1. à adopter la loi sur les associations, en tenant compte de toutes les recommandations des experts du Conseil de l’Europe;
15.5.2. à adopter une législation sur le service alternatif et les objecteurs de conscience, en consultation avec le Conseil de l’Europe;
15.5.3. à adopter une loi relative à la lutte contre la discrimination et à développer une politique détaillée dans ce domaine afin d’éliminer toutes les formes de discrimination, y compris celles exercées à l’encontre des minorités sexuelles;
15.5.4. à mettre en œuvre les recommandations de la Commission européenne contre le racisme et l’intolérance, adoptées le 14 décembre 2007;
15.5.5. à développer davantage la politique sur les droits des minorités, en renforçant la confiance entre les représentants des différentes communautés et en mettant en œuvre dans la pratique les droits des minorités nationales, dans un esprit de dialogue et de coopération entre le gouvernement central et les communautés minoritaires, notamment dans le domaine de l’utilisation des langues minoritaires, de l’éducation, et de la représentation des minorités à tous les échelons des instances politiques et administratives;
15.5.6. à adopter une loi sur les conseils des minorités nationales, clarifiant leurs responsabilités, leurs modalités relatives à leur élection, leur rôle vis-à-vis du gouvernement central, ainsi que leurs modes de financement;
15.5.7. à enquêter et porter devant la justice toutes les affaires de violence et de harcèlement à l’encontre de défenseurs des droits de l’homme, de membres des communautés minoritaires et de journalistes, et à prendre des mesures concrètes pour garantir leur protection;
15.5.8. à publier le rapport du Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT) et à travailler avec le Conseil de l’Europe à la mise en œuvre des recommandations du CPT;
15.5.9. à prendre des mesures appropriées pour renforcer le pluralisme des médias, à assurer l’application correcte de la loi sur l’audiovisuel et à garantir la transparence dans le travail de l’Agence républicaine de radiodiffusion;
15.5.10. à poursuivre la réforme de l’éducation et à procéder à des aménagements pour enseigner les principes de tolérance, de respect d’autrui, de dialogue interculturel et de réconciliation;
15.5.11. à signer et ratifier la Convention européenne sur la nationalité (STE no 166) et la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention des cas d’apatridie en relation avec la succession d’Etats (STCE no 200);
15.5.12. à poursuivre les travaux pour garantir, dans la mesure du possible, aux réfugiés et aux personnes déplacées un retour durable, sûr et dans de bonnes conditions, et à ne ménager aucun effort pour trouver des solutions durables pour ceux qui ont décidé de rester en Serbie.
16. S’agissant de l’adhésion aux conventions du Conseil de l’Europe, l’Assemblée:
16.1. salue le fait que, à ce jour, la Serbie ait signé et ratifié 58 conventions du Conseil de l’Europe;
16.2. invite les autorités serbes à ratifier, sans plus attendre, les 14 conventions signées mais non encore ratifiées, et notamment la Charte sociale européenne (révisée).
17. L’Assemblée décide de poursuivre la procédure de suivi sur le respect des obligations et engagements de la Serbie, dans l’attente de progrès dans les domaines de la coopération avec le TPIY, du fonctionnement des institutions démocratiques, de l’Etat de droit et des droits de l’homme.

B. Projet de recommandation

(open)
1. L’Assemblée parlementaire rappelle sa Résolution … (2008) sur le respect des obligations et engagements de la Serbie dans laquelle elle soutient pleinement les aspirations européennes de la Serbie et appelle les autorités à concentrer tous leurs efforts sur l’amélioration de la coopération avec le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie et à mener à bien les réformes nécessaires dans les domaines des institutions démocratiques, de l’Etat de droit et des droits de l’homme.
2. L’Assemblée recommande au Comité des Ministres:
2.1. de prendre en compte la Résolution … (2008) de l’Assemblée, dans le contexte de la procédure de rapports du secrétariat devant le Groupe de rapporteurs sur la démocratie (GR-DEM);
2.2. de poursuivre et de renforcer les programmes d’assistance existants, visant à aider la Serbie à respecter les obligations et engagements qu’elle a contractés vis-à-vis du Conseil de l’Europe, en leur allouant des ressources financières appropriées et en recourant, le cas échéant, à des financements bilatéraux par des donateurs;
2.3. d’œuvrer avec les autorités serbes à l’élaboration, s’il y a lieu, de nouveaux programmes de coopération ciblés dans des domaines tels que le renforcement des institutions démocratiques, la démocratie locale et régionale, la réforme du système judiciaire et du ministère public, la lutte contre la corruption, les droits de l’homme, les médias et l’éducation, notamment en exploitant pleinement les nouvelles possibilités de financement, y compris dans le cadre de l’Instrument d’aide de préadhésion de l’Union européenne (IAP).

C. Exposé des motifs, par MM. Goerens et Gross

(open)

1. Introduction

1. L’union d’état de Serbie-Monténégro a adhéré au Conseil de l’Europe le 3 avril 2003. En tant que successeur de l’union d’état de Serbie-Monténégro, la Serbie a maintenu son adhésion au Conseil de l’Europe. Conformément à l’Avis no 239 (2002) de l’Assemblée parlementaire sur la demande d’adhésion de la République fédérale de Yougoslavie au Conseil de l’Europe, le pays a contracté un certain nombre d’engagements spécifiques en sus des obligations générales entraînées par l’adhésion à l’Organisation. La procédure de suivi a été ouverte et un premier bilan de la mise en œuvre des obligations et engagements a été effectué dans la Résolution 1397 (2004) de l’Assemblée parlementaire sur le fonctionnement des institutions démocratiques en Serbie-Monténégro.
2. Au cours des deux années suivantes, les corapporteurs se sont rendus deux fois en Serbie, du 17 au 20 avril 2005 pour une mission d’étude portant particulièrement sur la situation des minorités nationales et sur certains aspects du fonctionnement des institutions de l’union d’état de Serbie-Monténégro, et du 8 au 11 avril 2006 pour une mission d’étude concernant la préparation du référendum sur l’indépendance du Monténégro.
3. Plusieurs événements sont intervenus depuis lors: les plus importants sont le référendum sur l’indépendance qui a eu lieu au Monténégro le 21 mai 2006 et l’adoption par l’Assemblée nationale du Monténégro de la Déclaration d’indépendance le 3 juin 2006, qui a ensuite conduit à la dissolution de l’union d’état de Serbie-Monténégro.
4. A la lumière de ces évolutions, l’Assemblée, dans sa Résolution 1514 (2006), a chargé la commission de suivi «de revoir et de redéfinir les engagements initiaux de l’union d’état de Serbie-Monténégro, de les rendre applicables à la République de Serbie». La commission de suivi a désigné Charles Goerens (Luxembourg, ADLE) et Andreas Gross (Suisse, SOC) comme corapporteurs de cette mission. Les corapporteurs se sont rendus trois fois en Serbie pour préparer le présent rapport, du 3 au 5 septembre 2007 (Belgrade), du 26 au 28 novembre 2007 (Belgrade et Vojvodine) et les 1er et 2 septembre 2008 (Belgrade).
5. Un avant-projet de rapport sur le respect des obligations et engagements par la Serbie a été présenté à la commission de suivi le 18 décembre 2007. Le rapport a ensuite été transmis aux autorités serbes qui devaient y apporter leurs commentaires dans un délai de trois mois. Après avoir tenu compte des commentaires des autorités, les corapporteurs ont établi un projet de rapport que la commission de suivi devait adopter le 18 mars 2008 en vue d’un débat à l’Assemblée à la partie de session d’avril 2008. Cependant, après la crise gouvernementale et la dissolution de l’Assemblée nationale de Serbie le 10 mars 2008, le Bureau de l’Assemblée a décidé de reporter le débat sur le respect des obligations et engagements de la Serbie après les élections législatives anticipées. Dans ce contexte, à la demande des corapporteurs, la commission de suivi a rendu public le projet de rapport des corapporteurs le 18 mars 2008. Le présent projet est une version actualisée de ce dernier.

2. Evolution de la situation politique depuis l’adoption de la Résolution 1514 (2006) de l’Assemblée

2.1. Elections législatives de janvier 2007 et formation du gouvernement

6. Ces dix-huit derniers mois, la vie politique serbe a connu des évolutions importantes. Après l’adoption de la nouvelle Constitution par l’Assemblée nationale de Serbie le 30 septembre 2006, entérinée par le référendum des 28 et 29 octobre 2006, le parlement a promulgué le 10 novembre 2006 une loi constitutionnelle sur la mise en œuvre de la Constitution de la République de Serbie. Entre autres choses, cette loi constitutionnelle ouvrait la voie à la tenue d’élections législatives générales, à l’élection du Président de la République et à l’élection des membres de l’Assemblée de la province autonome de Vojvodine et des conseils municipaux.
7. Les élections législatives ont eu lieu le 21 janvier 2007. Comme ce fut le cas lors des élections précédentes, le Parti radical serbe (SRS) a obtenu le plus fort pourcentage de voix, gagnant 81 sièges sur un total de 250 (juste un siège de moins que dans la précédente législature). Le Parti démocratique (DS) du président Boris Tadic a considérablement amélioré sa position et obtenu 60 sièges (contre 37 dans la législature précédente). Le parti démocratique de Serbie (DSS) a obtenu 33 sièges (contre 53 dans la législature précédente) et G17+ a obtenu 19 sièges (contre 34 dans la législature précédente). Les 57 sièges restants ont été répartis entre le Parti socialiste de Serbie (SPS, 14 sièges), Nouvelle Serbie (NS, 10 sièges), le Parti libéral démocratique (6 sièges), la Ligue des sociaux-démocrates de Vojvodine (4 sièges), l’Alliance des Hongrois de Vojvodine, l’Alliance civique et le Parti démocratique du Sandžak (9 sièges), le Parti démocratique serbe du renouveau et Serbie unie (4 sièges) et l’Union sociale démocrate (1 siège). L’Union des Roms de Serbie, le Parti rom, le Parti démocrate-chrétien de Serbie, l’Alliance démocratique des Croates de Vojvodine, le Parti démocratique bosniaque du Sandjak, le Parti de l’action démocratique, le Mouvement des anciens combattants de Serbie, le Parti social libéral de Serbie et les listes «sans parti» ont obtenu 1 siège chacun 
			(1) 
			Selon la législation
électorale serbe, tandis que les listes de partis politiques doivent
généralement obtenir un minimum de 5 % des voix pour se voir attribuer
des sièges au parlement, les partis dits «partis minoritaires» sont
appuyés par des accords plus favorables. Voir infra,
section 5.8.1..
8. Aucun parti représenté à l’Assemblée nationale n’a obtenu une majorité suffisante pour pouvoir désigner à lui seul le gouvernement. La formation de coalitions est donc devenue une nécessité. Des pourparlers longs et difficiles ont été engagés à cette fin. Immédiatement après la confirmation des résultats électoraux, le président Tadic a ouvert des consultations afin de constituer un «Bloc démocratique» comprenant le DS, le DSS et le G17+. Lors de ces pourparlers, le G17+ cherchait principalement à s’assurer le contrôle des principaux ministères économiques; le DS ambitionnait d’obtenir le poste de Premier ministre et les ministères compétents en matière d’intégration européenne, tandis que la plate-forme mise en avant par le DSS était axée en priorité sur le statut du Kosovo 
			(2) 
			Voir en particulier
«Platforma DSS-a za pregovore», B92, 31 janvier 2007..
9. Dans l’intervalle, l’ancien gouvernement a continué à assurer la gestion quotidienne du pays. Comme la législature précédente n’avait pas approuvé de budget pour 2007, le gouvernement a adopté un décret de financement intérimaire valable pour trois mois (janvier à mars 2007) qui a ensuite été prorogé jusqu’en juin 2007. Aucune activité législative n’a pu avoir lieu pendant cette période, ce qui a retardé l’élaboration de la législation requise par la loi constitutionnelle.
10. Le 7 mai 2007, huit jours seulement avant l’expiration du délai prévu pour la formation d’un gouvernement, le parlement a ouvert la discussion sur l’élection du chef adjoint du Parti radical serbe, M. Tomislav Nikolić, à la présidence du parlement. Le DSS/NS, le SPS et le SRS ont unanimement soutenu l’élection de Nikolić, formant ainsi une coalition majoritaire de 145 députés (sur un total de 250). Dans ces conditions, le président Tadic a été contraint de demander à la coalition nouvellement formée de proposer dès que possible un candidat au poste de Premier ministre afin de respecter le délai prévu par la Constitution 
			(3) 
			Aux termes de l’article
109 de la Constitution, l’Assemblée nationale doit être dissoute
si elle ne parvient pas à désigner un gouvernement dans les quatre-vingt-dix
jours qui suivent sa constitution officielle.. Entre-temps, le 9 mai 2007, le nouveau président du parlement, Tomislav Nikolić, a évoqué en termes vigoureux la possibilité de déclarer l’état d’urgence au cas où le Kosovo deviendrait indépendant 
			(4) 
			«Nikolić ponders state
of emergency», B92, Beta, 10 mai 2007.. On notera cependant qu’il est revenu sur cette déclaration le jour suivant, en indiquant que cette éventualité était seulement «théorique» 
			(5) 
			«Vanredno stanje samo
teorija», Blic, 10 mai 2007.. Ces soubresauts inquiétants ont sans doute incité le DS, le DSS/NS et le G17+ à finaliser un accord sur la composition du futur cabinet. Tomislav Nikolić a démissionné de la présidence du parlement le 13 mai et, après deux jours de débat, le nouveau gouvernement a été approuvé par le parlement une demi-heure seulement avant l’expiration du délai prévu par la Constitution.
11. Sous la conduite du Premier ministre Koštunica, du DSS, le gouvernement était constitué de façon assez équilibrée. Le DS détenait la plupart des ministères importants, notamment le ministère des Finances, le ministère de la Défense, le ministère des Affaires étrangères, le ministère de la Justice, le ministère de l’Administration publique et de l’Autonomie locale, ainsi que le poste de Vice-Premier ministre pour l’intégration européenne. Le DSS gardait sous son contrôle le ministère de l’Intérieur, le ministère du Commerce, le ministère de l’Education et le ministère du Kosovo-Metohija. Le G17+ dirigeait le ministère de l’Economie et du Développement régional, le ministère de la Santé, le ministère des Sports ainsi que le ministère des Sciences.
12. Un accord a été obtenu sur le partage de la fonction de chef de l’Agence de l’information et de sécurité (services de sécurité) entre le DS et le DSS, mais le directeur en fonction de l’agence, Rade Bulatović (apparemment fidèle au DSS) a conservé son poste.
13. Lors de nos visites de septembre et novembre 2007, nous avons pu rencontrer presque tous les ministres importants, y compris le Premier ministre Koštunica et le Vice-Premier ministre chargé de l’intégration européenne, Delic. L’enthousiasme et l’engagement personnel manifestés par les ministres du Parti démocratique, notamment le Vice-Premier ministre, M. Delic, le ministre de la Justice, M. Petrović, et le ministre des Affaires étrangères, M. Jeremić, nous ont laissé une impression nettement favorable. Les aspirations démocratiques et européennes de ces hommes politiques jeunes et très compétents, qui sont fortes et authentiques, méritent tout particulièrement d’être notées. Les discussions que nous avons eues avec les membres du gouvernement appartenant au DSS, bien qu’un peu moins chaleureuses et de caractère plus technique, nous ont laissé une impression généralement positive. La réunion avec le Premier ministre Koštunica était ouverte et constructive.
14. Nous avons noté que les premiers résultats obtenus par le gouvernement nouvellement formé étaient encourageants: nous saluons, en particulier, la reprise des négociations au sujet de l’Accord de stabilisation et d’association ainsi que l’amélioration de la coopération avec le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY). Nous nous réjouissons également de la ratification de l’Accord de libre-échange centre-européen (ALECE) et de la ratification de la Charte européenne de l’autonomie locale, l’une des conventions du Conseil de l’Europe qui avaient été signées – mais non ratifiées – par l’union d’état avant sa dissolution. Enfin, comme nous le verrons plus tard dans ce rapport, nous accueillons favorablement le lancement de la rédaction de plusieurs lois-cadres essentielles en matière de réforme du système judiciaire et du parquet.
15. Cela étant, peu après sa formation, le gouvernement a été confronté à des difficultés politiques, concernant en premier lieu les négociations sur le statut du Kosovo et l’organisation des élections présidentielles et locales. Nous regrettons que le débat politique sur ces questions entre les différentes forces politiques formant la coalition ait empêché le gouvernement d’achever son programme de réformes et ait finalement conduit à une crise gouvernementale et à la dissolution de l’Assemblée nationale.

2.2. Négociations sur le statut futur du Kosovo

16. La question du statut du Kosovo domine l’agenda politique en Serbie depuis deux années. L’adoption de la nouvelle Constitution, qui indique dans son préambule que «la province du Kosovo-Metohija est partie intégrante du territoire de la Serbie» et dispose que «l’autonomie substantielle de la province autonome (…) sera régie par une loi spéciale adoptée conformément à la procédure requise pour amender la Constitution», est apparue comme un pas important sur la voie de l’établissement du statut définitif du Kosovo au sein de la Serbie.
17. Tous les représentants de partis politiques que nous avons rencontrés au cours de nos visites de 2007 (à l’exception des «partis minoritaires») ont indiqué que le statut du Kosovo était l’un des problèmes les plus difficiles et les plus brûlants que devait résoudre la Serbie, parallèlement aux enjeux de l’intégration européenne et du développement économique et social. Le nouveau cycle de négociations a été ouvert en août 2007 après plusieurs tentatives infructueuses de faire adopter par le Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations Unies une nouvelle résolution sur la base du plan proposé par l’envoyé spécial du Secrétaire général des Nations Unies, M. Marti Ahtisaari. Des pourparlers supplémentaires ont été organisés avec la médiation d’une «troïka» composée de représentants de l’Union européenne, des Etats-Unis et de la Russie. La troïka a consulté de façon approfondie les dirigeants serbes et kosovars jusqu’à fin novembre 2007. Six réunions ont eu lieu avec la participation des deux parties. Le cycle de négociations supplémentaire s’est achevé avec la réunion du 26 au 28 novembre 2007 et la troïka a présenté un rapport sur les résultats des négociations au Secrétaire général des Nations Unies le 10 décembre 2007.
18. Dans sa déclaration sur la réunion finale des parties, la troïka a noté que «malheureusement, les parties n’ont pu parvenir à un accord sur le futur statut du Kosovo».
19. Le Conseil de sécurité de l’ONU n’a pas pu aboutir à un accord sur le statut futur du Kosovo sur la base du rapport présenté par le Secrétaire général d’après les conclusions de la troïka. En conséquence, le 17 février 2008, l’Assemblée du Kosovo a adopté une déclaration unilatérale d’indépendance. Le Gouvernement serbe a immédiatement adopté une décision spéciale pour «annuler les actes et actions des institutions provisoires d’administration autonome du Kosovo-Metohija par lesquels l’indépendance unilatérale est proclamée (…) étant donné qu’ils violent la souveraineté et l’intégrité territoriale de la République de Serbie garanties par la Constitution de la République de Serbie, la Charte des Nations Unies, la Résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité, les autres résolutions pertinentes du Conseil de sécurité ainsi que le droit international en vigueur» 
			(6) 
			Voir le site http://www.srbija.sr.gov.yu/kosovo-metohija/index.php?id=43159..
20. Néanmoins, peu après l’adoption de la déclaration unilatérale d’indépendance, plusieurs Etats, y compris un certain nombre d’Etats membres du Conseil de l’Europe et de l’Union européenne, ont reconnu l’indépendance du Kosovo. Les autorités serbes ont transmis aux ministres des Affaires étrangères des Etats concernés des notes de protestation et ont rappelé leurs ambassadeurs dans ces pays pour consultation 
			(7) 
			Par la suite, le 25
juillet 2008, le Gouvernement serbe a décidé de laisser ses ambassadeurs
retourner dans les Etats membres.. Le Président Tadic et le ministre serbe des Affaires étrangères, Vuk Jeremić, ont fait des déclarations devant le Conseil de sécurité des Nations Unies, le Conseil permanent de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe et le Parlement européen exprimant leurs positions sur la déclaration unilatérale d’indépendance.
21. Sur le front politique intérieur, les partis de la coalition en place ont vigoureusement condamné la déclaration unilatérale d’indépendance. Un rassemblement massif de protestation a eu lieu à Belgrade le 22 février 2008. Il fut suivi de violents incidents, notamment d’attaques contre les ambassades des Etats-Unis, du Canada, du Royaume-Uni, de l’Allemagne et de la Croatie. Les autorités serbes enquêtent sur ces attaques. Tous les acteurs politiques ont condamné les incidents violents qui, apparemment, ont été menés par des groupes isolés de voyous. Toutefois, certains hauts fonctionnaires du Gouvernement serbe ont fait des déclarations qui pourraient être interprétées comme légitimant ces attaques. Des actes isolés contre des représentants de minorités nationales ont également été signalés.
22. Par ailleurs, la presse a fait état du harcèlement par certains acteurs politiques des militants des droits de l’homme et des hommes politiques qui exprimaient des points de vue sur l’évolution du Kosovo différents de la position officielle des autorités. En particulier, le Parti socialiste de Serbie a annoncé qu’il recueillerait des signatures pour déposer plainte contre une militante notoire des droits de l’homme, Nataša Kandić, directrice exécutive du Centre de droit humanitaire, pour «ses agissements contre l’ordre constitutionnel et ses menaces contre l’indépendance et l’intégrité de l’Etat». Une campagne massive contre Nataša Kandić a été lancée dans les médias. B92 également – un des principaux médias du pays – a reçu des menaces et ses bureaux ont été attaqués dans la soirée qui a suivi le rassemblement du 22 février.
23. Nous condamnons vigoureusement les protestations violentes ainsi que les attaques contre les militants des droits de l’homme, les minorités et les médias. Nous sommes fortement préoccupés par les attaques contre les ambassades étrangères à Belgrade. Ces attaques sont totalement inacceptables dans un pays qui adhère aux principes démocratiques et au droit international. Nous saluons la condamnation de ces attaques par l’ensemble des acteurs politiques et les mesures prises par les autorités pour enquêter sur les responsables de violence, d’attaques et de harcèlement à l’encontre des militants des droits de l’homme, des représentants des minorités et des politiciens, et pour les poursuivre. Nous espérons que les responsables seront traduits en justice.
24. De la même façon, nous condamnons les violentes protestations des Serbes dans le nord du Kosovo survenues après la déclaration unilatérale d’indépendance. La violence ne résoudra pas les inquiétudes de la communauté serbe pas plus qu’elle ne contribuera à instaurer la confiance entre les représentants des différentes communautés ethniques qui vivent au Kosovo.
25. Nous nous félicitons du fait que, jusqu’à présent, les autorités serbes ont défendu leur position vis-à-vis du Kosovo uniquement par des voies légales et pacifiques. Nous appelons la Serbie à continuer à coopérer avec la présence civile internationale au Kosovo en vue de promouvoir les droits culturels, linguistiques et religieux de toutes les communautés qui y vivent.
26. Indépendamment des développements au Kosovo, nous encourageons les autorités serbes à poursuivre le cours de leur stratégie en vue de l’intégration européenne tout en continuant à mettre en œuvre les importantes réformes démocratiques nécessaires aux niveaux économique, social et institutionnel afin d’améliorer les conditions de vie en Serbie. Les nombreux fonctionnaires et représentants d’ONG que nous avons rencontrés durant nos visites ont parlé de la nécessité de s’attaquer plus efficacement aux problèmes socio-économiques urgents en réduisant le chômage, en renforçant les institutions démocratiques et en créant un environnement favorable aux investissements étrangers. Nous pensons qu’il est temps maintenant pour les autorités serbes de se concentrer sur ces questions importantes tout en reconnaissant leur volonté de continuer à défendre leur position en ce qui concerne l’évolution du Kosovo.

2.3. Election présidentielle de février 2008 et élections provinciales et locales de mai 2008

27. La loi sur la mise en œuvre de la Constitution dispose que la date d’organisation des élections présidentielle, provinciales et locales doit être fixée par le président du parlement avant le 31 décembre 2007 et dans les soixante jours suivant l’adoption d’un certain nombre de textes de loi essentiels.
28. Tout au long du mois d’octobre 2007, les partenaires de la coalition ont mené d’intenses consultations sur la date des élections. Le DS semblait favorable à la tenue de l’élection présidentielle avant la fin 2007 (juste avant l’achèvement du cycle de négociations en cours sur le statut du Kosovo-Metohija), tandis que le DSS était d’avis que les élections devraient avoir lieu après la définition du statut final de la province et M. Miloš Aligrudić, chef du groupe parlementaire du DSS et président de la délégation serbe à l’Assemblée parlementaire, a déclaré que «des élections n’étaient pas nécessaires dans la phase actuelle de définition du statut futur du Kosovo» 
			(8) 
			V.I.P.
Daily News Report, no 3695,
11 octobre 2007..
29. A l’issue des consultations, les principaux partenaires de la coalition sont parvenus à un accord le 3 novembre 2007. Cet accord prévoyait que l’élection présidentielle serait organisée au terme du cycle supplémentaire de négociations sur le Kosovo, c’est-à-dire après le 10 décembre, sauf en cas de menaces immédiates sur l’intégrité territoriale du pays (par exemple, en cas de proclamation ou de reconnaissance unilatérale de l’indépendance du Kosovo). L’accord incluait apparemment un calendrier détaillé pour l’adoption de la législation nécessaire à la tenue de l’élection. Cette législation a été adoptée le 11 décembre 2007 et le président de l’Assemblée nationale a annoncé l’organisation de l’élection présidentielle pour le 20 janvier 2008.
30. L’Assemblée a observé le deuxième tour de l’élection présidentielle qui s’est tenu le 3 février 2008. A cet égard, nous renvoyons à son rapport sur l’observation de l’élection présidentielle qui contient une description détaillée des modalités de vote 
			(9) 
			Voir Doc. 11534 de l’Assemblée.. Nous nous rallions aux conclusions de la mission d’évaluation de l’élection en ce que «le deuxième tour du scrutin de l’élection présidentielle de la Serbie s’est déroulé conformément aux engagements envers le Conseil de l’Europe pour des élections démocratiques». Cette élection a confirmé une fois de plus la voie stratégique de la Serbie en faveur de l’intégration européenne. Elle a cependant montré que «le projet d’intégration européenne» n’est pas partagé par tous les secteurs de la société. Il incombe maintenant aux dirigeants de la Serbie de collaborer avec tous les acteurs concernés pour établir des passerelles sociales fort nécessaires afin que l’intégration européenne devienne une vision partagée de l’avenir du pays.
31. La législation nécessaire pour la tenue des élections provinciales et locales, à savoir la loi sur l’organisation territoriale, la loi sur la ville-capitale, la loi sur les élections locales et la loi sur l’autonomie locale, a été adoptée le 29 décembre 2007 et les élections ont, en conséquence, été fixées au 11 mai 2008. Le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l’Europe a observé les élections et conclu que le scrutin était conforme aux normes internationales 
			(10) 
			Voir
le site http://www.coe.int/t/congress/10-docs-news/20080512-ELections-Serbia_en.asp..

2.4. Elections législatives anticipées du 11 mai 2008 et récente évolution politique

32. Après l’élection présidentielle de février 2008 et l’adoption de la déclaration unilatérale d’indépendance par l’Assemblée du Kosovo, les tensions au sein de la coalition au pouvoir se sont exacerbées. Bien que les ministres du DS et du DSS aient semblé mettre en œuvre conjointement le plan d’action gouvernemental sur les mesures à prendre en cas d’adoption d’une déclaration unilatérale d’indépendance par le Kosovo, le Premier ministre Koštunica et les ministres du DSS ont adopté une position bien plus radicale. L’intégration européenne semblait être le point essentiel de désaccord entre les parties: tandis que DS et le G17+ se prononçaient en faveur d’un rapprochement plus étroit avec l’Union européenne et de la signature de l’Accord de stabilisation et d’association, les ministres du DSS appelaient à l’annulation de l’accord, affirmant que la déclaration unilatérale d’indépendance et la reconnaissance de l’indépendance du Kosovo par plusieurs Etats membres de l’Union européenne modifiaient la finalité et l’objet de l’accord. L’échauffement du débat politique a totalement bloqué le gouvernement: sans avoir la majorité, le Premier ministre Koštunica a refusé à plusieurs occasions d’organiser les sessions gouvernementales sachant que les représentants de son parti seraient mis en minorité sur des questions relatives à l’intégration européenne.
33. La crise a culminé avec la démission du gouvernement le 10 mars 2008 et avec l’adoption d’une proposition de dissolution de l’Assemblée nationale de la République de Serbie et de tenue d’élections législatives anticipées le 11 mai 2008. Dans cette proposition, le gouvernement reconnaît l’absence d’unité sur des points essentiels l’empêchant de concevoir et de mener une politique commune à tout le pays. Le Président Tadic a accepté la proposition, dissous l’Assemblée nationale puis annoncé la tenue d’élections anticipées le 11 mai 2008.
34. Une commission ad hoc de l’Assemblée a observé les élections du 11 mai 2008. Nous ne reproduirons pas dans le présent rapport les conclusions de cette dernière, auxquelles nous adhérons en tous points 
			(11) 
			Pour de
plus amples informations, voir le Doc. 11618 de l’Assemblée.. Nous notons que, en s’appuyant sur le succès de l’élection présidentielle, le bloc pro-européen s’est rallié autour du DS, a obtenu une victoire retentissante et est devenu avec 102 sièges la plus grande force parlementaire. Le SRS a réussi à garantir 78 sièges (contre 81 lors de la précédente législature). Le DSS a été le grand perdant de l’élection avec seulement 21 sièges. Les résultats des autres partis sont plus ou moins comparables à ceux des élections législatives de janvier 2007.
35. Tout comme en janvier 2007, aucun parti n’a pu former seul une majorité et les négociations de coalition ont été ardues. Au début, il a semblé que le «bloc patriotique» du SRS et du DSS-NS pouvait former une coalition avec le Parti socialiste serbe (SPS) et constituer un gouvernement majoritaire. L’accord de coalition majoritaire au niveau local a été conclu entre les partis du «bloc patrio tique» et le SPS dans la plupart des assemblées locales, y compris celle de la ville de Belgrade, où le candidat SRS Aleksandar Vučić était en bonne place pour remporter les élections municipales. Plusieurs jours après les élections, la coalition menée par le SPS, comprenant 20 députés du SPS, du Parti uni des retraités (PUPS) et du Parti uni serbe (JS), n’était cependant plus disposée à former une alliance avec le SRS et le DSS-NS, en grande partie parce que les partenaires du SPS (PUPS et JS) ont vivement rejeté toute action pouvant ralentir le processus d’intégration européenne. Le «bloc patriotique» a affirmé que l’Accord de stabilisation et d’association devait être annulé dans le nouveau contexte établi après la reconnaissance de l’indépendance du Kosovo par la majorité des Etats membres de l’Union européenne 
			(12) 
			21 sur 27 au moment
de la rédaction du présent rapport..
36. Par la suite, la coalition du SPS a annoncé qu’elle brisait l’accord de coalition avec le SRS et le DSS-NS pour entamer de nouvelles négociations avec le bloc pro-européen du DS. Les négociations ont culminé avec la signature d’un accord de coalition et la formation d’un nouveau gouvernement, également soutenu à l’Assemblée nationale par les partis des minorités nationales et par le Parti démocrate libéral (LDP) 
			(13) 
			Comme
on pouvait s’y attendre, après la formation d’une coalition avec
le bloc du DS, le SPS a annulé les accords de coalition avec le
SRS et le DSNSS dans les assemblées locales, notamment dans l’assemblée
municipale de Belgrade..
37. La composition politique du nouveau gouvernement est révélatrice. Avec 24 ministères, 1 premier Vice-Premier ministre (Ivica Dačić, leader du SPS), 3 Vices-Premiers ministres et 1 ministre sans portefeuille, l’effectif du nouveau gouvernement est plus important que les précédents. Ses priorités politiques semblent conformes au parcours stratégique vers l’intégration européenne lancé par l’ancien gouvernement de coalition. Comme l’a souligné le Premier ministre Mirko Cvetković dans son discours d’ouverture devant l’Assemblée nationale, les éléments clés du programme de son gouvernement seront «l’engagement pour l’intégration européenne, la non-acceptation de l’indépendance de la province autonome du Kosovo-Metohija, la nécessité de consolider l’économie, le renforcement de la responsabilité sociale du gouvernement et des efforts pour combattre le crime et la corruption et pour faire respecter le droit international» 
			(14) 
			Voir le site http://www.srbija.sr.gov.yu/pages/article.php?id=46940..
38. Nous félicitons les acteurs politiques serbes d’avoir procédé rapidement aux négociations de coalition de façon ordonnée et démocratique. Nous accueillons favorablement les aspirations européennes du pays et nous nous tenons prêts à soutenir l’évolution stratégique du gouvernement vers l’intégration européenne. Toutefois, nous notons que le nouveau gouvernement se trouve actuellement dans une position difficile. Face à une opposition forte et relativement consolidée, il devra nouer le dialogue avec l’ensemble des acteurs politiques pour faire de l’intégration européenne une vision partagée de l’avenir du pays. Il devra également tenir ses promesses électorales, en mettant notamment l’accent sur les programmes sociaux et l’amélioration du niveau de vie des citoyens. Cette mission est extrêmement complexe, en particulier vu que l’opposition semble se servir des lacunes du règlement existant de l’Assemblée nationale pour paralyser le débat.
39. Nous condamnons fortement l’obstructionnisme et exhortons les partis politiques de l’opposition à adopter une attitude constructive dans l’action parlementaire. L’obstruction ne saurait être utilisée comme instrument du processus politique. Au lieu de cela, tous les représentants de la majorité et de l’opposition devraient s’engager dans un dialogue constructif sur des réformes fort nécessaires, en attente depuis trois ans à cause de rivalités politiques. A cet égard, nous invitons la coalition majoritaire à n’épargner aucun effort pour nouer une relation de travail constructive avec l’opposition. Comme cela est indiqué plus bas, nous considérons que l’adoption d’un nouveau règlement du parlement peut aider à surmonter ce problème (voir le paragraphe 104).
40. Nous suivrons de près les activités du nouveau gouvernement, en particulier celles concernant la mise en œuvre des obligations et engagements à l’égard du Conseil de l’Europe. Comme nous le verrons plus tard dans le présent rapport, nous attendons des autorités qu’elles lancent rapidement des réformes d’envergure pour consolider les institutions démocratiques, l’Etat de droit et les droits de l’homme. Nous sommes d’avis que le nouveau gouvernement dispose de la volonté politique et des capacités nécessaires à la réussite de ce programme de réformes. Pour notre part, nous apporterons un soutien politique total à ces réformes, essentielles à l’avenir de la démocratie en Serbie et, d’une manière générale, dans les Balkans occidentaux.

2.5. Les relations avec l’Union européenne

41. La Serbie est un candidat potentiel à l’adhésion à l’Union européenne. Les négociations en vue d’un Accord de stabilisation et d’association (ASA) ont été officiellement ouvertes en octobre 2005. Toutefois, elles ont été suspendues en mai 2006 en raison de l’échec de la coopération des autorités serbes avec le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY). Les discussions ont repris en juin 2007 après la formation du nouveau gouvernement de coalition et ont été conçues pour garantir une coopération totale avec le TPIY.
42. Des progrès dans la coopération avec le tribunal ont été constatés et signalés à la Commission européenne par le procureur du TPIY à l’automne 2007. Afin de prendre en compte cette dynamique positive, l’Accord de stabilisation et d’association entre la Serbie et l’Union européenne a été approuvé le 6 novembre 2007. L’ensemble des acteurs concernés, aux niveaux tant national qu’international, considère l’approbation de l’ASA comme un pas important sur la voie de l’intégration de la Serbie à l’Union européenne.
43. Entre-temps, le 13 novembre 2007, la Commission européenne a publié son rapport de suivi de la Serbie pour 2007. Tout en reconnaissant les progrès réalisés par la Serbie dans la mise en œuvre des critères politiques de Copenhague, ce rapport relève un certain nombre de points faibles et de dysfonctionnements des institutions démocratiques. En particulier, la Commission européenne se fait l’écho de l’avis de la Commission de Venise selon lequel la nouvelle Constitution de Serbie contient plusieurs dispositions qui ne sont pas conformes aux normes européennes, notamment le contrôle exercé par les partis sur le mandat de chaque député et le rôle démesuré accordé au parlement dans les nominations judiciaires.
44. La Commission note également que «des progrès limités ont été réalisés dans la lutte contre la corruption. La corruption est largement répandue et reste un problème grave en Serbie» 
			(15) 
			«Rapport de suivi de
la Serbie 2007», Commission européenne, SEC(2007)1435, 6 novembre
2007.. Il y a également de graves problèmes en ce qui concerne la réforme judiciaire; en particulier, «les dispositions de la nouvelle Constitution sur les nominations judiciaires n’ont pas été mises en œuvre, les nouvelles lois sur les tribunaux et les poursuites judiciaires n’ayant pas été adoptées. Il n’a pas été établi de critères et procédures bien définis pour les nominations judiciaires. Le degré d’influence du parlement sur la magistrature est source de préoccupations. Le parlement, en effet, est chargé de nommer les juges et les procureurs pour la période probatoire initiale sur proposition du Conseil supérieur de la magistrature ou du Conseil des procureurs. Plusieurs membres de ces deux conseils sont aussi élus par le parlement» 
			(16) 
			Ibid..
45. La Serbie a ratifié l’Accord révisé de libre-échange centre-européen (ALECE) en septembre 2007 et les accords de simplification des formalités de délivrance des visas et de réadmission des personnes en séjour irrégulier sur le territoire de l’Union européenne en novembre 2007.
46. En février 2008, l’Union européenne a nommé M. Peter Feith représentant spécial au Kosovo et a autorisé le déploiement de la mission «Etat de droit» menée par l’Union européenne (EULEX) pour reprendre les compétences de la MINUK. Les autorités serbes ont contesté la légalité du déploiement de la mission en l’absence de décision du Conseil de sécurité des Nations Unies. Il était prévu que l’Assemblée nationale de Serbie nouvellement élue lance un débat sur une nouvelle résolution concernant la situation au Kosovo comme l’un des points prioritaires de la session de septembre 2008, qui a débuté le 2 septembre 2008. Si nous comprenons que les députés serbes tiennent à prendre une position politique sur la question du Kosovo, nous espérons cependant que ce débat ne nuira pas à l’unité des partenaires de la coalition au sujet de l’intégration européenne, ni ne creusera de fossé dans la société. Nous estimons que les autorités serbes peuvent défendre leurs intérêts légitimes à l’égard du Kosovo tout en poursuivant leur chemin stratégique vers l’intégration européenne. Nous nous tenons prêts à soutenir nos collègues serbes dans l’accomplissement de cette tâche au niveau de l’Assemblée parlementaire.

2.6. Contexte international et relations avec les pays voisins

47. 47. La Serbie a présidé le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe de mai à novembre 2007. Cette présidence a été préparée dans un contexte particulièrement difficile, parallèlement à l’adoption de la nouvelle Constitution, à la tenue des élections législatives et à la formation du nouveau gouvernement. Néanmoins, le travail préparatoire a été bien mené par le ministère des Affaires étrangères: un groupe de travail intersectoriel regroupant l’ensemble des acteurs concernés a été mis en place et le programme de la présidence a été établi en temps voulu. Les priorités de la présidence serbe au Comité des Ministres étaient les suivantes:
  • la promotion des valeurs fondamentales du Conseil de l’Europe: les droits de l’homme, la démocratie et l’Etat de droit, et notamment le renforcement des mécanismes conventionnels et de contrôle, et la consolidation de la démocratie et de l’Etat de droit dans toute l’Europe;
  • le renforcement de la sécurité des personnes, en particulier par la lutte contre le terrorisme, la criminalité organisée et la corruption;
  • la construction d’une Europe plus humaine, notamment grâce à une participation plus active de l’ensemble des citoyens, la promotion de l’identité et de l’unité européennes sur la base des valeurs fondamentales communes, le respect du patrimoine commun et de la diversité culturelle de l’Europe, et le développement des capacités des collectivités locales et des individus;
  • le renforcement de la coopération et des relations de bon voisinage dans le plein respect des valeurs du Conseil de l’Europe et la mise en œuvre de ses normes dans les pays d’Europe du Sud-Est afin de favoriser les perspectives d’intégration européenne de la région.
48. Les résultats de la présidence serbe ont été jugés très positifs par le Conseil de l’Europe et les milieux politiques nationaux et internationaux. Le Secrétaire Général du Conseil de l’Europe a déclaré que le pays s’était révélé un «leader européen capable» qui «mérite de porter les couleurs européennes». Nous félicitons les autorités serbes d’avoir réussi à mener à bien cette tâche importante.
49. La Serbie a pris une part active aux initiatives de coopération régionale. De novembre 2006 à mai 2007, elle a présidé le Conseil de coopération de la mer Noire. Elle a aussi participé activement au Pacte de stabilité pour l’Europe du Sud-Est et à sa transformation en un cadre de coopération mieux implanté dans la région, le processus de coopération de l’Europe du Sud-Est (SEECP). Dans le cadre de la présidence du Comité des Ministres, la Serbie a facilité les contacts entre le Conseil de l’Europe et le Conseil de coopération régionale récemment mis en place. La Serbie a participé de façon constructive aux négociations sur l’Accord révisé de libre-échange centre-européen (ALECE), accord qu’elle a ratifié en septembre 2007.
50. L’attitude de la Serbie est moins encourageante en ce qui concerne la mise en œuvre de la Résolution 1244 du Conseil de sécurité de l’ONU sur le Kosovo. Les autorités serbes ont appelé les populations serbes du Kosovo à boycotter les élections du 17 novembre 2007. Il n’est pas surprenant que la participation des électeurs dans les municipalités où vivent les Serbes ait été très faible. Cela n’a cependant pas gêné l’organisation des élections qui ont été considérées comme valides.
51. Depuis l’indépendance du Monténégro et la dissolution de l’union d’état, la Serbie a établi de bonnes relations de coopération avec son nouveau voisin indépendant. Les deux pays ont signé un accord sur la sécurité sociale. Le Monténégro a aussi chargé la Serbie d’assurer la protection des ressortissants monténégrins à l’étranger. Toutefois, les relations entre les Eglises orthodoxes serbe et monténégrine demeurent tendues. La question de la double nationalité a aussi suscité une réaction négative au Monténégro. Les amendements de septembre 2007 à la loi serbe sur la nationalité qui mettent en place une procédure simplifiée d’octroi de la nationalité serbe aux ressortissants monténégrins résidant sur le territoire de la Serbie à la date de l’indépendance ont été perçus comme une ingérence dans les affaires intérieures du Monténégro. Nous espérons que les autorités des deux pays parviendront à résoudre ce problème dans un esprit constructif.
52. Les relations avec la Croatie sont bonnes. Un accord de coopération sur la poursuite des crimes de guerre a été signé en 2007. Cependant, les deux pays n’ont pas encore signé d’accord sur le tracé de la frontière. La Croatie maintient en outre la procédure pour génocide engagée contre la Serbie devant la Cour internationale de justice.
53. En février 2007, la Cour internationale de justice a rendu un arrêt dans l’affaire Bosnie-Herzégovine c. Serbie. La Cour a conclu que des actes de génocide avaient été commis à Srebrenica. Toutefois, la Cour a jugé que la Serbie n’avait pas commis de génocide contre la Bosnie-Herzégovine. Néanmoins, la Cour a considéré que la Serbie n’avait pas pris toutes les mesures nécessaires pour prévenir le génocide commis à Srebrenica et livrer les responsables à la justice.
54. La Serbie maintient de bonnes relations avec «l’ex-République yougoslave de Macédoine», bien que certaines tensions persistent entre les Eglises orthodoxes serbe et macédonienne.
55. Les relations avec la Roumanie, la Bulgarie et la Slovénie sont généralement bonnes.

3. Fonctionnement des institutions démocratiques

3.1. Réforme constitutionnelle

3.1.1. Adoption de la Constitution

56. Le travail sur la nouvelle Constitution serbe a commencé dès le renversement du régime Milošević, mais la version finale a, en fait, été élaborée en un temps très court. Le texte définitif, qui a été préparé très rapidement, est apparemment le résultat d’un compromis entre les dirigeants des quatre principaux partis politiques (DSS, DS, G17+ et SPS). Les autres forces politiques et les experts semblent avoir été exclus du processus d’élaboration de la Constitution.
57. La Constitution a été approuvée le 30 septembre 2006 par les quelque 242 membres de l’Assemblée nationale réunie en session spéciale. Elle a été adoptée à l’unanimité et soumise à un référendum dont la date a été fixée aux 28 et 29 octobre 2006 (moins d’un mois après l’adoption de la Constitution). Le référendum a été étalé sur deux jours afin d’assurer que le taux de participation requis de 50 % soit atteint.
58. Etant donné ce délai très court, la Commission de Venise n’a pu analyser la Constitution avant son approbation par référendum 
			(17) 
			A la demande de la
commission de suivi, la Commission de Venise a émis un avis sur
la Constitution de Serbie auquel nous nous référerons dans la suite
du présent rapport (CDL-AD(2007)004).. Le texte n’a pas non plus fait l’objet d’un véritable débat avec les citoyens. La préparation de la nouvelle Constitution n’est pas un bon exemple de processus constitutionnel.
59. Dans les semaines qui ont suivi l’adoption de la Constitution, les médias électroniques et la presse écrite ont organisé une campagne massive en sa faveur. Certains avançaient que la Constitution apporterait une solution définitive au statut du Kosovo-Metohija. D’autres étaient d’avis que la Constitution aiderait la Serbie à rompre avec son passé et à mettre les distances avec l’ère Milošević pour entrer dans un futur plus prometteur. Les activités du Premier ministre et du Président visant à promouvoir la Constitution ont largement été diffusées dans tous les bulletins d’information télévisés. Mais, d’une façon générale, aucune émission de télévision n’a offert de tribune pour un débat sérieux.
60. Bien que, selon la délégation de l’Assemblée chargée d’observer le vote, «le référendum constitutionnel (…) [se soit] globalement déroulé dans le respect des engagements démocratiques de la Serbie à l’égard du Conseil de l’Europe» 
			(18) 
			Doc. 11102, Observation du référendum constitutionnel en Serbie
(28-29 octobre 2006), rapport de la commission ad hoc du Bureau
de l’Assemblée., l’organisation du scrutin semble avoir été entachée de graves irrégularités. Les observateurs de l’Assemblée en ont identifié quelques-unes dont, entre autres, des inexactitudes dans les listes électorales, un mauvais scellage des urnes, un bourrage des urnes, etc. Des problèmes spécifiques liés à l’étalement du scrutin sur deux jours ont également été identifiés: les protocoles n’ont pas été correctement signés et scellés à la fermeture des bureaux de vote le premier jour, ni vérifiés le matin du jour suivant à la réouverture des bureaux de vote.
61. Une remarque générale s’impose ici: la délégation de l’Assemblée n’a visité que 318 bureaux de vote sur 8 600 dans tout le pays, ce qui représente environ 3,7 % des bureaux. L’OSCE/BIDDH (Bureau des institutions démocratiques et des droits de l’homme) n’a pas observé le référendum, apparemment parce qu’elle n’avait pas été invitée à envoyer une mission d’observation. Seuls deux partis représentés au parlement et opposés à la Constitution ont été autorisés à déployer des observateurs (l’Alliance civique de Serbie a déployé 670 observateurs et l’Union sociale-démocrate 335). Le Centre pour les élections libres et la démocratie (CeSID) de Belgrade a observé le déroulement du scrutin dans 600 bureaux de vote seulement 
			(19) 
			«Serbia’s New Constitution:
Democracy Going Backwards». International Crisis Group, Europe Briefing, n° 44, Belgrade/Bruxelles,
8 novembre 2006..
62. La délégation de l’Assemblée a été informée qu’un groupe d’ONG (Comité Helsinki des droits de l’homme, Comité des juristes pour les droits de l’homme, Initiative des jeunes pour les droits de l’homme et Centre pour le droit humanitaire) avait produit une «Analyse des irrégularités survenues lors du référendum». Selon cette analyse, le processus de confirmation de la Constitution a été marqué par les irrégularités suivantes: des Albanais du Kosovo ne figuraient pas sur le registre des électeurs et n’ont reçu qu’une invitation tout juste officielle à le signer; les autorités responsables du processus électoral n’ont inclus que les représentants des partis en faveur de l’adoption de la Constitution; ce processus s’est accompagné d’une campagne très agressive et négative à l’encontre d’un groupe de partis politiques et d’ONG ayant appelé au boycott; le niveau de participation était très faible jusqu’à l’après-midi du deuxième jour, où il a étonnamment augmenté; le plus grand nombre d’incidents s’est produit durant les dernières heures avant la fermeture des bureaux de vote, etc. La mission d’observation de l’Assemblée n’a pas pris position sur ces faits dans la mesure où elle ne rendait compte que de la situation des bureaux de vote qu’elle observait.
63. Cela dit, bien que le vote apparaisse avoir été entaché de plusieurs irrégularités, l’adoption de la nouvelle Constitution serbe tant attendue serait bienvenue, sous réserve que cette nouvelle Constitution respecte les normes européennes et crée les fondements juridiques pour que le pays avance dans la voie de l’intégration européenne. Ces conditions, toutefois, ne sont pas entièrement satisfaites dans le texte adopté.

3.1.2. Analyse des dispositions de la nouvelle Constitution à la lumière des normes du Conseil de l’Europe

64. Dans l’avis sur la Constitution de la République de Serbie qu’elle a rendu après le référendum, la Commission de Venise note que «la Constitution comprend de nombreux éléments positifs, notamment le choix d’un système parlementaire fonctionnel et une liste détaillée des droits fondamentaux. Il aurait été préférable que les restrictions aux droits fondamentaux soient réglementées de façon plus claire, à l’aide de dispositions moins compliquées, mais les tribunaux et en particulier la Cour constitutionnelle auront la possibilité d’appliquer ces droits d’une manière pleinement conforme aux normes européennes» 
			(20) 
			Avis de la Commission
de Venise sur la Constitution de la Serbie, p. 22, CDL-AD(2007)004.. Elle note également que la nouvelle Constitution tient compte de nombreuses critiques formulées par la Commission de Venise dans son avis de 2005 
			(21) 
			Ibid., p. 3..
65. Néanmoins, certaines parties essentielles de la Constitution devront encore être améliorées afin de satisfaire aux normes européennes du droit constitutionnel. Dans le présent rapport, nous aborderons spécifiquement six questions: l’influence démesurée des partis politiques sur les députés, le statut de la magistrature, le statut du ministère public, l’autonomie provinciale et l’autonomie locale, la place du droit international dans l’ordre juridique interne et les modalités de révision de la Constitution.

3.1.2.1. Le «mandat impératif» des membres du parlement

66. Il s’agit là à notre avis de l’une des dispositions les plus inquiétantes de la nouvelle Constitution car elle met directement en danger le développement d’une démocratie parlementaire efficace et qui fonctionne en Serbie. L’article 102, paragraphe 2, dispose que «selon les termes de la loi, un député est libre de mettre irrévocablement son mandat à la disposition du parti politique sur proposition duquel il/elle a été élu(e)». La Commission de Venise considère que cette disposition vise à lier le député à la position du parti sur toute question et en toutes circonstances. C’est là une grave violation de la liberté des députés d’exprimer leur opinion sur toute question débattue au parlement.
67. Cette disposition, en outre, si on l’envisage sous l’angle de la réglementation électorale (qui permet aux partis de choisir les candidats qui siégeront effectivement au parlement, quel que soit le choix des électeurs; voir infra la section 3.2), confère aux partis politiques un rôle excessif dans le processus politique. Il s’agit là d’un danger majeur pour le fonctionnement des institutions démocratiques, compte tenu en particulier du rôle démesuré reconnu au parlement dans les nominations judiciaires (voir infra, paragraphe 3.1.2).
68. Lors de nos visites en Serbie, certains de nos interlocuteurs ont défendu l’idée que le rôle important accordé aux partis politiques est justifié dans la situation actuelle afin de prévenir la corruption et d’empêcher certains milieux d’affaires ou des réseaux criminels d’exercer une influence indue sur la vie politique. Cependant, nombre des personnes que nous avons rencontrées ont condamné cette pratique comme s’opposant à la transparence du processus politique et empêchant les citoyens d’exercer un contrôle effectif sur leurs élus.
69. Tout en reconnaissant les bonnes intentions de ceux qui cherchent à lutter contre la corruption politique, nous ne pensons pas que le fait de lier pieds et poings les députés élus aux dirigeants des partis politiques représente une solution appropriée à ce problème. D’autres moyens peuvent être envisagés pour construire une démocratie parlementaire forte, transparente et réellement démocratique. Il est contraire aux normes européennes de la démocratie parlementaire de soumettre entièrement les membres du parlement au bon vouloir de la direction des partis politiques. Au contraire, les membres du parlement doivent être libres et doivent pouvoir s’opposer aux directions des partis politiques. Le manque de liberté détruit le dialogue politique et empêche la société d’apprendre et d’évoluer avec les changements démocratiques.
70. Cette disposition de la Constitution doit être modifiée.

3.1.2.2. L’indépendance de la justice

71. Aux termes de l’article 147, les juges sont élus par l’Assemblée nationale. Dans son avis sur la Constitution de la République de Serbie, la Commission de Venise condamne cette pratique en reprenant les remarques formulées dans son avis précédent sur les dispositions relatives à la magistrature dans le projet de Constitution de la Serbie approuvé par le gouvernement en 2004. Selon la Commission de Venise, «la participation du parlement aux nominations judiciaires emporte le risque de les politiser. S’agissant plus particulièrement des juges des tribunaux inférieurs, on voit mal ce que pourrait apporter une procédure de nomination parlementaire. (…) l’élection par un parlement est un acte discrétionnaire dans lequel les considérations politiques ont toujours leur rôle».
72. Selon la Recommandation no R (94) 12 du Comité des Ministres du Conseil de l’Europe sur l’indépendance, l’efficacité et le rôle des juges, «toute décision concernant la carrière professionnelle des juges devrait reposer sur des critères objectifs, et la sélection et la carrière des juges devraient se fonder sur le mérite, eu égard à leurs qualifications, leur intégrité, leur compétence et leur efficacité. L’autorité compétente en matière de sélection et de carrière des juges devrait être indépendante du gouvernement et de l’administration. Pour garantir son indépendance, des dispositions devraient être prévues pour veiller, par exemple, à ce que ses membres soient désignés par le pouvoir judiciaire et que l’autorité décide elle-même de ses propres règles de procédure». Par conséquent, au vu des normes européennes, les nominations judiciaires devraient s’effectuer hors de toute considération politique. La Commission de Venise suggère à cet égard que les juges soient nommés par le Président sur proposition du Conseil supérieur de la magistrature.
73. Le Conseil supérieur de la magistrature est créé par la Constitution à l’article 153. Sa composition semble à première vue équilibrée puisqu’il comprend trois membres d’office (le président de la Cour de cassation, le ministre de la Justice et le président de la commission parlementaire pertinente), six juges, un avocat en exercice et un professeur de droit. Cependant, dans son Avis no 405/2006, la Commission de Venise a affirmé que la composition de ce conseil était en fait trompeuse car «tous les membres du Haut Conseil judiciaire sont élus, au suffrage direct ou indirect, par l’Assemblée nationale». La Commission de Venise a conclu sur cette base qu’il y avait un risque de politisation du processus de nomination. Le projet de loi sur le Haut Conseil judiciaire de la République de Serbie, élaboré par le ministère de la Justice en coopération avec le Conseil de l’Europe et évalué par la Commission de Venise 
			(22) 
			CDL-AD(2008)006., a tenté de résoudre ces problèmes en proposant que l’Assemblée nationale se voie soumettre pour chaque poste vacant le nom d’un candidat unique, élu par les personnes habilitées à voter (c’est-à-dire les juges, le barreau ou les facultés). Evidemment, cette procédure réduit au minimum l’influence des partis politiques sur le processus électoral. Toutefois, elle n’élimine pas totalement le risque de politisation et nous considérons que, à l’avenir, la Constitution devrait être modifiée, à la suite des recommandations émises par la Commission de Venise en 2006.
74. La loi constitutionnelle sur la mise en application de la Constitution introduit un élément d’inquiétude supplémentaire. En fait, l’article 7, paragraphe 2, dispose que «les juges et présidents des autres tribunaux [à l’exclusion de la Cour suprême] doivent être élus dans l’année qui suit la date de constitution du Conseil supérieur de la magistrature». Cette disposition est susceptible d’interprétations différentes. Dans son avis sur la Constitution de la Serbie, la Commission de Venise interprète cette disposition comme devant servir de base légale au processus de confirmation des juges dans l’ensemble du pays. Cette approche est peut-être motivée par la volonté de se débarrasser de certains juges nommés dans le passé sur la base de critères politiques et dont l’impartialité est gravement compromise. Certains de nos interlocuteurs, en effet, ont cité des exemples de juges nommés à l’époque où Milošević était au pouvoir qui, dans le passé, ont rendu des décisions entachées de considérations politiques ou qui seraient impliqués dans des affaires de corruption. Nous approuvons en principe cet objectif qui est légitime. Cependant, nous joignons notre voix à celle de la Commission de Venise pour déclarer que le processus de confirmation des juges doit reposer sur des critères clairs et transparents, et garantir le droit de recours des personnes concernées. Nous approuvons également l’avis de la Commission de Venise à propos du Conseil supérieur de la magistrature qui, totalement dépendant du parlement, n’est pas un organe apte à conduire cette procédure dans les conditions requises d’équité, d’impartialité et de transparence.
75. Indépendamment du choix politique qui sera celui des autorités serbes à propos des (re-)nominations judiciaires, nous considérons que le processus de nomination devrait être en toutes circonstances à l’abri de l’ingérence des organes politiques. C’est pourquoi nous recommandons vivement de renforcer le statut de la magistrature dans la législation ordinaire, comme on le verra en détail plus bas (voir infra, section 4.1), et de réviser la Constitution à moyen terme afin de l’aligner sur les normes européennes relatives à l’indépendance de la magistrature en éliminant les dispositions à la formulation incertaine pouvant donner lieu à différentes interprétations.

3.1.2.3. Statut des parquets

76. Dans son avis sur la Constitution de la Serbie, la Commission de Venise a noté que le sens donné à la fonction du parquet de «prendre des mesures pour protéger l’ordre constitutionnel et légal» n’était pas clair. La délégation serbe à l’Assemblée a expliqué dans ses commentaires sur le présent rapport que cette disposition concernait «la mise en œuvre de moyens juridiques extraordinaires en application des dispositions de la loi sur la procédure pénale». Conformément à cette loi, le parquet ne fait qu’engager une procédure où la décision finale sera rendue par la juridiction compétente, respectant ainsi pleinement le principe de sécurité juridique. Il est ajouté que «le parquet de la République de Serbie (…) a le droit de mettre en œuvre des moyens juridiques, et notamment d’introduire une demande en protection de la légalité, même à l’encontre la procédure judiciaire précédant le jugement effectif s’il se trouve que le droit a été violé (article 419 de la loi sur la procédure pénale), la décision finale appartenant à la Cour suprême de Serbie. Il est à noter que la juridiction compétente, au moment de rendre sa décision, est liée par l’interdiction de reformatio in pejus, de sorte que si la demande en protection de la légalité a été introduite contre l’inculpé et que la juridiction la juge recevable, elle se limitera à décider qu’il y a eu violation de la loi sans toucher à la décision effective (article 423, paragraphe 3, et article 425, paragraphe 3, de la loi sur la procédure pénale). Les dispositions de l’article 22 de la loi sur la procédure pénale établissent clairement que «la juridiction chargée de rendre une décision sur une demande en protection de la légalité peut, en tenant compte du contenu de la requête, décider de différer, c’est-à-dire de suspendre l’exécution de la décision effective. Il est évident que seul le parquet a le droit de soumettre une proposition, alors que la décision est rendue par la juridiction compétente».
77. Nous prenons note de cette explication détaillée. Notre méconnaissance du droit serbe en matière de procédure pénale ne nous permet pas d’analyser les dispositions ci-dessus tirées hors de leur contexte. Nous espérons que les «moyens juridiques» décrits ne permettent pas aux parquets d’exercer un «contrôle» sur les décisions judiciaires en remettant en cause des décisions finales des tribunaux au motif d’illégalité. Si c’était le cas, il pourrait y avoir un risque d’insécurité juridique qui pourrait donner lieu à la violation du droit à un procès équitable, tel que protégé par la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Nous étudierons l’avis des experts du Conseil de l’Europe sur la législation régissant le fonctionnement des parquets et en tiendrons compte dans le processus de suivi.
78. En outre, nous partageons les préoccupations de la Commission de Venise concernant l’éventuelle ingérence du parlement dans le travail des procureurs généraux du fait de leur double responsabilité envers le procureur de la République et l’Assemblée nationale.
79. La procédure d’élection des procureurs généraux et des substituts des procureurs généraux par l’Assemblée nationale sur proposition du Conseil des parquets de l’Etat (qui, à l’instar du Conseil supérieur de la magistrature, est composé de membres élus directement ou indirectement par l’Assemblée nationale) est également dérangeante en raison de l’ingérence du parlement.
80. Ces carences doivent être supprimées de la législation ordinaire, tel que cela sera indiqué ci-après (veuillez vous reporter à la section 4.2 ci-dessous), en vue de garantir l’indépendance des procureurs et d’éviter l’ingérence politique. De même, nous recommanderions également la modification à moyen terme de la Constitution en vue de mettre en œuvre les normes européennes relatives aux ministères publics au niveau constitutionnel.

3.1.2.4. Autonomie provinciale et autonomie locale

81. En fait, le chapitre de la Constitution consacré à l’autonomie provinciale et à l’autonomie locale (chapitre sept) comporte un certain nombre de déclarations de principes. Le fond réel de ces principes devra toutefois être défini dans une législation spécifique. Les dispositions constitutionnelles relatives au Kosovo-Metohija sont particulièrement intéressantes à cet égard. Bien que l’un des buts de la Constitution ait été de définir l’autonomie de la province, elle n’est pas parvenue à le faire, en énonçant simplement à l’article 182 que «l’autonomie substantielle de la province autonome du Kosovo-Metohija sera régie par une loi spéciale qui sera adoptée conformément à la procédure prévue pour la modification de la Constitution».
82. Du point de vue de la technique juridique, il aurait été plus sage de prévoir, dans la Constitution, un cadre réglementaire fondé sur les principes de la Charte européenne de l’autonomie locale (STE no 122), signée et ratifiée par la Serbie, et applicable à toutes les provinces autonomes (en tenant compte du fait que la Constitution autorise expressément, au paragraphe 3 de l’article 182, la création de nouvelles provinces autonomes).
83. Il pourrait en aller de même pour le statut des municipalités.

3.1.2.5. Place du droit international dans l’ordre juridique interne

84. L’article 16, paragraphe 3, dispose que «les traités internationaux ratifiés doivent être conformes à la Constitution». Cela n’est, en principe, pas gênant car de nombreux Etats membres du Conseil de l’Europe accordent à la Constitution, dans la hiérarchie des normes, un rang supérieur par rapport au droit international. Cependant, en pratique, si un traité signé et ratifié par la Serbie est jugé incompatible avec la Constitution, les autorités devront soit dénoncer le traité, soit modifier la Constitution (ce qui donne lieu à une procédure particulièrement complexe, tel que cela ressort ci-après) car, selon la Convention de Vienne sur le droit des traités internationaux, les dispositions du droit interne ne peuvent servir de justification pour ne pas appliquer un traité.
85. Nous approuvons la recommandation de la Commission de Venise selon laquelle, pour éviter ces problèmes, il est nécessaire d’introduire une procédure spéciale de vérification de la constitutionnalité du traité avant sa ratification devant la Cour constitutionnelle.

3.1.2.6. Complexité de la procédure de modification de la Constitution

86. Comme nous l’avons constaté précédemment, la Constitution de Serbie contient un certain nombre de dispositions problématiques qui doivent être mises en conformité avec les normes européennes. Cependant, cela donnera lieu à une procédure plutôt complexe car la Constitution prévoit à l’article 203 une procédure à deux niveaux pour confirmer les modifications. Tout d’abord, la «proposition de modification de la Constitution» doit être approuvée par une majorité des deux tiers du nombre total des membres du parlement. Si la proposition est approuvée, «un texte de loi de modification de la Constitution» doit être rédigé et approuvé à nouveau par une majorité des deux tiers des membres du parlement.
87. Il existe une troisième garantie procédurale complémentaire: les modifications du préambule de la Constitution et des chapitres relatifs aux «principes de la Constitution, aux droits de l’homme et des minorités et aux libertés, au système de pouvoir, à la proclamation de l’état de guerre et de l’état d’urgence, à la restriction des droits de l’homme et des minorités dans le cadre de l’état d’urgence et de guerre ou à la procédure de modification constitutionnelle» doivent être approuvées par la majorité des votants dans le cadre d’un référendum.
88. Nous comprenons l’intention du législateur de préserver une certaine stabilité dans l’ordre constitutionnel. Cependant, la Constitution, comme toute autre loi, doit évoluer au fil du temps, étant donné que de nouveaux défis juridiques apparaissent (par exemple, l’intégration européenne). La procédure de modification de la Constitution doit, sans aucun doute, être rigide. Mais elle ne doit pas rendre pratiquement impossible l’introduction de modifications dans l’ordre constitutionnel.
89. En termes pratiques, dans le contexte politique actuel de la Serbie, il sera extrêmement difficile pour la coalition majoritaire d’introduire des modifications de la Constitution, nécessaires pour mettre ses dispositions en conformité avec les normes européennes. Nous espérons que cet obstacle sera finalement surmonté.

3.2. Législation électorale

90. Comme nous l’avons indiqué précédemment, la législation électorale serbe ne respecte pas complètement les normes européennes.
91. La loi relative à l’élection des représentants de la République de Serbie adoptée en 2000 et modifiée en dernier lieu en 2004 a été sensiblement améliorée à la lumière des recommandations conjointes de la Commission de Venise et de l’OSCE/BIDDH 
			(23) 
			Recommandations conjointes
sur les lois sur les élections législatives, présidentielles et
locales, et l’administration des élections en République de Serbie,
CDL-AD(2006)013.. Désormais, elle «prévoit d’importantes garanties visant à promouvoir des pratiques électorales démocratiques, notamment des mesures destinées à renforcer la transparence dans l’organisation et la conduite des élections et à protéger le secret du vote» 
			(24) 
			Doc. 11238, addendum 2, «Observation sur les élections législatives
en République de Serbie (21 janvier 2007)». Rapport de la commission
ad hoc du Bureau de l’Assemblée, 11 octobre 2007..
92. Elle comporte toutefois un certain nombre de points problématiques, en particulier en ce qui concerne la composition des listes électorales (tout en autorisant le dépôt de listes par les partis politiques et d’autres organisations politiques et groupes de citoyens, elle ne définit pas précisément quelles organisations peuvent être qualifiées de «politiques»; bien que la loi n’interdise pas la présentation de listes avec un candidat unique, elle ne prévoit pas expressément l’autodésignation d’un candidat indépendant individuel) et l’attribution des sièges.
93. Le problème précité est particulièrement gênant.
94. Premièrement, la loi introduit un seuil de 5 % pour que les listes électorales puissent faire l’objet d’une répartition des sièges (il est cependant renoncé à cette exigence pour les «partis des minorités ethniques», ce qui représente une évolution positive). Pourtant, elle ne définit pas exactement le mode de calcul du seuil de 5 %. En vertu de l’article 81, les listes électorales qui obtiennent les suffrages de «5 % des votants» se voient attribuer des sièges. Elle ne dit pas si ces 5 % sont calculés par référence au nombre de signatures sur la liste électorale ou en décomptant le nombre total de bulletins de vote se trouvant dans les urnes (valides ou non) ou par tout autre moyen. La Commission de Venise et l’OSCE/BIDDH ont recommandé la modification de cet article de manière à préciser que les 5 % doivent être calculés par référence au nombre total de bulletins valides. Dans le cas contraire, les électeurs qui signent le registre électoral sans exprimer un vote valide pourraient influencer le scrutin, comme c’était le cas lors des élections précédentes parce que la Commission électorale centrale calculait le seuil de 5 % sur la base du nombre de signatures figurant sur les listes électorales.
95. Deuxièmement, comme nous l’avons indiqué précédemment, l’article 84 autorise les partis à choisir arbitrairement sur leurs listes, après l’élection, les candidats qui deviendront membres du parlement au lieu de déterminer l’ordre des candidats au préalable. Nous partageons l’opinion de la Commission de Venise et de l’OSCE/BIDDH selon laquelle «cette procédure limite la transparence du système et confère aux partis politiques une position de force disproportionnée vis-à-vis des candidats» 
			(25) 
			CDL-AD(2006)013,
p. 12.. Envisagée conjointement avec la disposition constitutionnelle sur le mandat impératif des députés, cette disposition constitue une violation grave des normes européennes et une menace pour le bon fonctionnement des institutions démocratiques.
96. Nous avons aussi constaté que pratiquement la même procédure d’attribution de sièges s’appliquait au sein des assemblées municipales (à l’exception du fait qu’un tiers des sièges sont attribués aux candidats en fonction de leur place sur la liste et l’attribution des sièges restants est laissée à la discrétion du parti politique, de l’organisation politique ou du groupe de citoyens ayant présenté la liste). Bien que cette procédure soit un peu plus appropriée que le système d’attribution de sièges à l’Assemblée nationale, elle affecte la transparence et accroît de manière disproportionnée l’influence des partis politiques sur la politique au niveau local.
97. Nous recommandons vivement que ces problèmes ainsi que d’autres problèmes identifiés dans l’avis commun de la Commission de Venise et de l’OSCE/BIDDH soient éliminés dans les plus brefs délais et, en tout état de cause, avant les prochaines élections législatives.
98. Dans le cas contraire, les membres du parlement et les conseillers municipaux seront toujours «prisonniers» des orientations de la direction de leurs partis et le parlement ne pourra pas jouer son rôle de forum central du débat politique et d’acteur clé du processus législatif.

3.3. Fonctionnement du parlement

99. Lors de nos visites, nous avons rencontré les représentants de tous les partis politiques présents à l’Assemblée nationale en 2007 et en 2008 (à l’exception du SRS, dont les représentants ont refusé de nous rencontrer, malgré nos demandes). Ils nous ont communiqué des informations détaillées sur le fonctionnement du parlement.
100. Après l’adoption de la nouvelle Constitution, une nouvelle loi sur l’Assemblée nationale doit être élaborée et un nouvel arsenal de règles de procédure doit être adopté. Nous avons appris que la législature 2007 travaillait sur une nouvelle législation concernant l’Assemblée nationale, qui n’a toutefois pas remporté l’accord de tous les partis politiques. Apparemment, le projet de loi n’a pas réglé l’un des problèmes clés que nous avons mentionné précédemment, à savoir la nature impérative du mandat des députés. On nous a dit que le projet définit les mandats des députés comme «libres conformément à la Constitution», ce qui confirme en fait la pratique des partis politiques consistant à lier les députés par les instructions que leur donnent les directions des partis. Cette pratique est manifestement contraire aux normes européennes de la démocratie parlementaire 
			(26) 
			Nous faisons remarquer
qu’un avis d’experts du Conseil de l’Europe concernant le projet
de règlement de l’Assemblée nationale de Serbie, remis au Parlement
serbe, comporte une vue d’ensemble très détaillée et très claire
des normes européennes clés pour la démocratie parlementaire. Il
contient des références expresses au Règlement de l’Assemblée parlementaire
du Conseil de l’Europe, au règlement du Parlement européen ainsi
qu’à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme
et de la Cour de justice de l’Union européenne concernant l’exercice
de leur mandat par les membres du parlement. Nous espérons vivement
que cet avis d’experts et les recommandations qui y sont formulées
seront pris au sérieux par le législateur serbe et utilisés dans
la préparation de la loi sur l’Assemblée nationale.. L’avenir du pays ne saurait dépendre du bon vouloir de trois ou quatre personnes. Le parlement se doit d’être un forum de dialogue politique où les parlementaires discutent d’options et d’alternatives politiques diverses en tant que représentants libres élus par les citoyens.
101. Encore une fois, nous devons souligner le fait que la Constitution actuelle de Serbie contient un certain nombre de dispositions problématiques représentant un obstacle à d’autres réformes. Une révision complète de la Constitution est nécessaire pour mettre la législation ordinaire/le projet de nouvelle législation en conformité avec les normes européennes. Nous espérons que l’Assemblée nationale nouvellement élue reprendra prochainement ses travaux sur le projet de loi sur l’Assemblée nationale ainsi que sur son nouveau règlement.
102. En l’absence de nouveau règlement de procédure, les débats au parlement sont régis par les règles révisées de procédure de l’Assemblée nationale de la République de Serbie, dans leur version modifiée du 28 juin 2005 
			(27) 
			Voir
le site http://www.parlament.sr.gov.yu/content/eng/akta/poslovnik/
poslovnik_ceo.asp.. Les règles de procédure actuelles ne permettent pas un débat parlementaire très efficace et rationalisé. Le rôle des commissions, dans le cadre de la procédure parlementaire, est particulièrement faible, ce qui signifie qu’en pratique tous les projets de loi et toutes les décisions sont discutés en détail par l’Assemblée nationale en séance plénière. En juillet 2007, l’adoption de la loi sur la ratification de la Charte européenne de l’autonomie locale a été un exemple particulièrement frappant: nous avons appris que le projet de loi avait été débattu en séance plénière durant plusieurs jours, alors que, dans les systèmes parlementaires, la législation sur la ratification des instruments internationaux est promulguée très rapidement si des travaux ont été réalisés en amont par le gouvernement et si la commission compétente du parlement publie un avis favorable.
103. Les lacunes affectant les règles de procédure parlementaire ne sont pas la seule raison de la faiblesse des commissions parlementaires. Qui plus est, le parlement souffre cruellement d’un manque de personnel qui pourrait apporter aux députés une expertise non seulement en matière procédurale, mais également sur le fond des propositions débattues. Nous recommandons vivement que le personnel de l’Assemblée nationale soit renforcé en vue de permettre au parlement de devenir un acteur à part entière du processus législatif.
104. Dans le même temps, nous sommes prêts à apporter notre soutien à nos collègues serbes dans la rédaction des nouvelles règles de procédure, en nous servant des connaissances au niveau de l’Assemblée et de modèles de règles de procédure conçus par d’autres parlements de la région avec l’appui d’experts internationaux. Nous saluons la volonté du nouveau président de l’Assemblée nationale d’œuvrer avec l’Assemblée sur ce point.

3.4. Fonctionnement de l’Institution nationale chargée des droits de l’homme (bureau du défenseur des droits des citoyens)

105. Nous avons été agréablement surpris par la discussion que nous avons eue avec le nouveau défenseur des droits des citoyens (médiateur) Saša Janković, qui a été élu par l’Assemblée nationale le 29 juin 2007 par 143 voix sur un total de 250. Sa nomination a été bien accueillie par les principaux acteurs concernés; nous avons donc eu l’impression qu’il existait un vaste consensus sur la nécessité d’établir une institution nationale des droits de l’homme en Serbie, sachant que toutes les tentatives précédentes de désignation d’un médiateur se sont soldées par un échec depuis l’adoption de la loi en 2005.
106. La nomination du médiateur doit être saluée. M. Janković semble être plein de nouveaux projets et d’idées sur la façon d’organiser son bureau. Nous nous félicitons notamment de son intention de collecter des données sur les violations des droits de l’homme, en mettant l’accent en priorité sur les cas de discriminations et de violations des droits des minorités nationales. Nous félicitons le nouveau médiateur pour son intention d’exercer pleinement son droit d’initiative législative afin de travailler sur des lois attendues de longue date et dont le besoin se fait cruellement sentir, par exemple en ce qui concerne le code de conduite des fonctionnaires.
107. Ces projets bienvenus ne seront toutefois pas mis en œuvre si le bureau du médiateur ne dispose pas de moyens appropriés pour fonctionner correctement.
108. A la date de notre réunion avec le médiateur (septembre 2007), son bureau n’était pas encore pleinement opérationnel. M. Janković occupait à titre provisoire des locaux dans le bâtiment de l’Assemblée nationale. De même, le médiateur ne disposait pas alors de personnel suffisant pour exercer ses fonctions légales. Nous avons été informés que le projet d’organigramme prévoyant 62 membres du personnel et quatre adjoints pour seconder le médiateur avait été transmis à la commission compétente de l’Assemblée nationale au début du mois de septembre 2007 et inscrit à l’ordre du jour du parlement parmi les derniers points à examiner lors de la session en cours. Nous avons été particulièrement surpris de constater que la commission parlementaire souhaitait demander l’avis du gouvernement concernant l’organigramme. Cela semble complètement inopportun car le médiateur est essentiellement une institution parlementaire.
109. Toutefois, par la suite, la délégation serbe à l’Assemblée nous a informés que le gouvernement et l’Assemblée nationale avaient adopté le budget proposé par le médiateur, d’un montant de 92 millions de dinars (environ 1,1 million d’euros) pour l’année 2008. L’Assemblée nationale a aussi adopté la loi sur la création de l’institution du médiateur. Le bureau du médiateur a commencé à fonctionner le 24 décembre 2007 avec 15 employés empruntés à d’autres services publics pour une durée déterminée afin de mener les activités élémentaires de l’institution. En même temps, un concours pour recruter 22 personnes supplémentaires a été ouvert et 5 autres employés ont été engagés en dehors de la procédure normale de recrutement. Une fois la procédure terminée, 27 personnes supplémentaires viendront renforcer le bureau du médiateur qui a déjà reçu un grand nombre de plaintes écrites et orales des citoyens ainsi que des demandes d’aide et de conseils.
110. Toutefois, même si elle est importante, la mise en place de conditions matérielles appropriées n’est pas le seul défi que l’institution du médiateur ait à relever en Serbie. A moyen terme, la législation régissant le fonctionnement du médiateur pourrait être améliorée à la lumière des normes européennes.
111. Dans son avis sur la Constitution de Serbie, la Commission de Venise a fait remarquer qu’il était regrettable que le médiateur ne soit pas protégé contre une révocation injustifiée par l’Assemblée nationale avant la fin de son mandat. Si le médiateur doit, en effet, remettre des rapports à l’Assemblée nationale, il semble contestable d’affirmer que l’Assemblée nationale contrôle le médiateur (article 99) et que le médiateur rend compte de son travail à l’Assemblée nationale 
			(28) 
			CDL-AD(2007)004,
p. 13..
112. D’autres aspects préoccupants ressortent de la loi sur le défenseur des droits des citoyens (médiateur), laquelle a été adoptée en 2005 puis modifiée en juin 2007. Cette loi a été examinée conjointement par la Commission de Venise et par le bureau du Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe en 2004 
			(29) 
			CDL-AD(2004)041, Avis
n° 318/2004 du 6 décembre 2004.. Nous saluons le fait que plusieurs recommandations importantes des experts du Conseil de l’Europe ont été intégrées à la version définitive de la loi.
113. Néanmoins, il nous semble que trois aspects de la loi pourraient être améliorés.
114. Premièrement, le médiateur est désigné par l’Assemblée nationale à travers un vote à la majorité absolue (article 4). Cela constitue, de fait, une amélioration par rapport à la version précédente de la loi qui prévoyait la majorité simple. Cette procédure ne suit toutefois pas la recommandation des experts du Conseil de l’Europe selon laquelle le médiateur doit être désigné à la majorité qualifiée des membres du parlement (deux tiers ou trois cinquièmes). Nous sommes d’accord avec les experts du Conseil de l’Europe sur le fait que le choix du médiateur doit recueillir un large consensus pour garantir la confiance du public en son indépendance. Nous rejoignons aussi la Commission de Venise sur le fait qu’il est important de prévoir des garanties contre sa révocation injustifiée par l’Assemblée nationale avant la fin de son mandat. Selon la loi, le médiateur peut être révoqué par une majorité absolue des votes sur la base d’un certain nombre de critères dont certains sont plutôt vagues (par exemple, l’article 12, paragraphe 12, sous-paragraphe 1, qui dispose qu’un médiateur peut être révoqué «pour incompétence ou négligence dans l’exercice de ses fonctions»). Une procédure impliquant un vote à la majorité qualifiée serait bien plus appropriée.
115. Deuxièmement, nous sommes préoccupés par le fait que les critères de sélection du médiateur soient quelque peu restrictifs. Selon l’article 5, un candidat doit être titulaire d’un «diplôme en droit; [justifier] d’au moins dix ans d’expérience dans des emplois liés au domaine de compétence du [médiateur], [posséder] une haute moralité et de hautes qualifications; une expérience significative en matière de protection des droits civils». Nous sommes d’accord avec les experts du Conseil de l’Europe pour dire que l’obligation de détenir un diplôme en droit ne devrait pas être une condition requise pour être médiateur et que l’obligation d’une expérience professionnelle semble vague et pourrait être interprétée de manière restrictive. Elle pourrait décourager des candidats compétents de postuler, faute d’expérience professionnelle spécifique. Nous aurions aimé que les deux premiers critères soient supprimés de la loi; les deux autres critères semblent largement conformes aux conditions de la plupart des mandats nationaux et internationaux de défenseurs des droits de l’homme.
116. Troisièmement, nous sommes préoccupés par la rigidité de la procédure d’introduction des plaintes qui est trop semblable à celle des tribunaux (article 27). Bien que la procédure ait été améliorée (et, en particulier, nous saluons le fait que le personnel du médiateur soit désormais tenu d’apporter une aide technique au plaignant pour rédiger sa plainte si le plaignant en fait la demande), nous pensons que des conditions trop strictes pour le dépôt des plaintes sont contraires à la nature même de l’institution.

3.5. Fonctionnement du bureau du commissaire chargé de l’accès aux informations d’intérêt général

117. Le commissaire chargé de l’accès aux informations d’intérêt général doit faire globalement face aux mêmes problèmes que ceux qui se posent au médiateur. M. Rodoljub Šabić a été nommé commissaire par l’Assemblée nationale le 12 décembre 2004, mais son bureau n’est devenu pleinement opérationnel qu’à la fin du mois de mai 2005, près de six mois après sa nomination. Actuellement, M. Šabić travaille avec seulement six employés alors que l’organigramme approuvé par le parlement ne prévoit pas moins de 21 personnes pour le seconder dans sa mission de commissaire.
118. Nous avons été particulièrement impressionnés par l’engagement personnel de M. Šabić dans son travail. En tant que praticien du droit, au cours des six premiers mois, il s’est personnellement investi dans son travail en vue d’accélérer le fonctionnement de son bureau. L’OSCE lui a fourni une aide appréciable en termes de formation de son personnel.
119. Le bureau du commissaire a été créé sur la base de la loi sur le libre accès aux informations d’intérêt général, adoptée le 2 novembre 2004 et modifiée le 13 juin 2007. La loi définit la notion «d’information d’intérêt général» et réglemente le mode d’exercice par les citoyens de leur droit d’obtenir des informations d’intérêt général et l’obligation des organismes publics de fournir ces informations aux citoyens. Le bureau du commissaire a été mis en place pour contrôler le respect de l’obligation des pouvoirs publics de fournir des informations d’intérêt général aux citoyens et d’examiner les recours contre les décisions des organismes publics concernant la fourniture d’informations d’intérêt général. Le commissaire est nommé et révoqué par l’Assemblée nationale à la majorité absolue des votes. Les critères de nomination et de révocation du commissaire sont très semblables à ceux applicables au médiateur. Pour être nommé, le candidat doit détenir un diplôme en droit, posséder au moins dix ans d’expérience professionnelle et jouir d’une bonne réputation et de compétences démontrées dans le domaine de la protection et de la promotion des droits de l’homme. Le commissaire peut être révoqué par l’Assemblée nationale sur l’initiative d’un tiers des membres du parlement et, notamment, pour un exercice de ses «fonctions de manière non professionnelle et non consciencieuse».
120. Bien que nous comprenions que la fonction du commissaire exige une certaine compétence professionnelle, nous doutons que les obligations de détenir un diplôme de droit, de posséder dix ans d’expérience et de démontrer des compétences en matière de droits de l’homme soient justifiées. Comme dans le cas du médiateur, ces obligations semblent restrictives et sont susceptibles de décourager des candidats compétents de postuler pour le poste.
121. De même, nous sommes préoccupés par le fait que les décisions de nomination et de révocation soient prises à la majorité absolue. Cela signifie que le commissaire peut en pratique être nommé et révoqué par une coalition majoritaire sans consulter l’opposition et sans un accord éventuel avec celle-ci. Le commissaire exerce une fonction très importante de protection et de promotion de la transparence dans le travail de l’administration publique et de protection du droit des citoyens à l’information. La nomination et la révocation du commissaire doivent découler du consensus de tous les acteurs politiques représentant la majorité et l’opposition.
122. En conséquence, nous recommandons de modifier la loi en y introduisant une obligation de majorité qualifiée pour la nomination et la révocation du commissaire.
123. Cela étant dit, les résultats du travail du commissaire sont méritoires. Toutes les informations sur les activités du commissaire peuvent être facilement consultées sur le site web du commissaire (http://www.poverenik.org.yu/) en serbe et en anglais. Les formulaires de demande d’informations et de plainte peuvent également être téléchargés en serbe et en anglais. Des statistiques ainsi que des rapports mensuels et annuels sont également disponibles.
124. Nous saluons, en particulier, la présence sur le site web du «Guide relatif à la loi sur la liberté d’accès aux informations d’intérêt général» qui est publié non seulement en serbe mais également en anglais ainsi que dans plusieurs langues minoritaires (albanais, bulgare, hongrois, roumain, ruthène et slovaque).
125. Parmi les exemples positifs récents du travail du commissaire, on peut citer son rôle dans le scandale concernant la publication de l’octroi du marché de construction et d’entretien de l’autoroute Horgoš-Požega. Le contrat relatif à la construction de l’autoroute a été signé en mars 2007 avec le consortium hispano-autrichien FCC-Alpina. Immédiatement après la signature du marché, des rumeurs ont circulé concernant certains accords financiers prétendument préférentiels accordés au consortium en termes de perception et d’utilisation des droits de péage. Les autorités de Vojvodine se sont plaintes, au plus haut niveau, auprès du Gouvernement de Serbie en alléguant que les conditions du marché violaient les intérêts de la province autonome et elles ont demandé son annulation. Parallèlement, le gouvernement a refusé de rendre public le marché en invoquant une clause particulièrement confidentielle qui l’empêchait de ne plus classer comme confidentiel le marché sans l’accord exprès des partenaires étrangers. Le commissaire chargé de la liberté d’accès aux informations publiques a fait une déclaration publique dans laquelle il soulignait que ces règles de confidentialité étaient contraires à la Constitution serbe et à la loi sur la liberté d’accès aux informations publiques qui garantissent le droit des citoyens d’avoir accès aux informations publiques et qui n’autorisent des restrictions dans l’exercice de ce droit qu’«aux fins de protéger des intérêts supérieurs contre un grand danger dans le cadre d’une société démocratique». Il a également fait remarquer que les pouvoirs publics avaient l’obligation de garantir que ces principes constitutionnels et légaux sont appliqués par toutes les institutions, notamment les partenaires étrangers qui opèrent dans le cadre du droit serbe. Le non-respect de cette obligation fondamentale serait particulièrement dommageable dans le contexte actuel d’harmonisation de l’ordre juridique serbe avec l’acquis de l’Union européenne 
			(30) 
			Voir le site http://www.poverenik.org.yu/saopstenja_eng.asp..
126. A la suite de l’intervention du commissaire, le gouvernement a finalement décidé de divulguer les conditions du marché, en restreignant toutefois l’accès à certaines annexes du contrat qui régissent apparemment les aspects financiers de l’application du contrat et qui concernent des garanties bancaires.
127. Nous n’avons pas pour mission d’enquêter sur les aspects techniques et financiers de la concession de marchés pour la construction d’autoroutes en Serbie. Nous nous abstiendrons donc de faire des commentaires sur ce point. Nous ne pouvons toutefois pas nous empêcher de souligner que, dans une société démocratique régie par le principe de la primauté du droit, toutes les institutions publiques doivent se conformer aux règles et que les citoyens doivent avoir la possibilité de contrôler des dépenses publiques afin que les responsables politiques rendent des comptes. Nous espérons donc que la question de l’accès à toutes les informations relatives à la construction de l’autoroute sera finalement réglée en toute transparence et conformément au droit.

3.6. La démocratie locale

128. La ratification de la Charte européenne de l’autonomie locale (STE no 122) est un événement dont on peut se féliciter. En effet, elle faisait partie des vieux engagements non remplis que l’union d’état avait pris et omis de satisfaire avant sa dissolution. Nous félicitons les autorités serbes pour la ratification de la charte qui constitue désormais le fondement juridique du renforcement de la démocratie locale.
129. Cependant, il importe de consolider plus avant la démocratie locale.

3.6.1. Accords institutionnels

130. Le statut des municipalités est régi par la Constitution et la nouvelle loi sur l’autonomie locale adoptée le 29 décembre 2007. Cette loi ainsi que la loi sur l’organisation territoriale, la loi sur les élections locales, la loi sur la ville-capitale ont introduit quelques changements dans le système d’autonomie locale. En particulier, la loi sur l’organisation territoriale a donné le statut de ville à 19 municipalités supplémentaires; actuellement, la Serbie est divisée en 150 municipalités, 23 villes et la ville-capitale (Belgrade). L’Assemblée nationale de la République de Serbie a compétence pour décider de la création de nouvelles municipalités et villes ainsi que pour modifier les limites ou dissoudre les entités locales autonomes existantes. Tout changement territorial ne peut être mis en place qu’à la suite d’un référendum consultatif demandé par l’assemblée municipale ou par 10 % des habitants de la municipalité.
131. Selon la nouvelle législation, l’assemblée municipale est l’organe de plus haut niveau de l’unité locale autonome; les maires sont élus à bulletin secret parmi les membres de l’assemblée pour un mandat de quatre ans. Les élections locales sont organisées sur la base du système proportionnel avec un seuil électoral de 5 % (qui est supprimé pour les partis et coalitions de partis des minorités nationales). Ces changements semblent en accord avec les normes de la Charte européenne de l’autonomie locale. Toutefois, les accords institutionnels et financiers relatifs aux collectivités locales nécessitent certaines améliorations de fond.

3.6.2. Attribution de nouvelles compétences

132. A compter du 1er janvier 2007, les municipalités sont autorisées à assumer de nouvelles missions dans le domaine de l’administration et de la collecte des impôts locaux, de l’achat et de l’entretien d’équipements de soins de santé de base, du transport des enfants d’âge préscolaire et de la gestion de centres d’action sociale. Le transfert de nouvelles missions se fait de manière progressive; le processus devrait s’achever en 2009.
133. Alors que le transfert de la responsabilité consistant à organiser le transport des enfants d’âge préscolaire n’a pratiquement aucune incidence sur les budgets municipaux, le transfert d’autres responsabilités nécessite le développement de mécanismes financiers complexes et efficaces. Cela ne s’applique toutefois pas à la collecte et à l’administration des impôts locaux. Cette mission est hautement lucrative et peut augmenter le potentiel de ressources propres au niveau local.
134. Le transfert de missions dans le domaine de la santé de base et dans le secteur social peut éventuellement accroître les complications pour les municipalités. En plus de la conception de nouveaux mécanismes financiers pour couvrir les coûts de ces nouvelles missions, la décentralisation exige un transfert de matériel et de personnel utilisés pour le moment par les ministères au sein de l’administration centrale pour effectuer les mêmes missions. C’est délicat, car le processus de transfert doit être étroitement coordonné en révisant l’ensemble des stratégies de fourniture de services publics et des plans directeurs du réseau.
135. Dans ce contexte, nous pensons que le développement d’une stratégie complètement intégrée de transfert des missions de services du niveau central vers les municipalités, sous la direction énergique du ministère de la Fonction publique et de l’Autonomie locale, des ministères sectoriels et du ministère des Finances, est nécessaire pour garantir un processus de transfert harmonieux et efficace.

3.6.3. Décentralisation fiscale

136. Le développement de la décentralisation fiscale est étroitement lié à l’attribution de nouvelles responsabilités sectorielles aux municipalités. Le transfert de nouvelles missions ne doit pas être mis en œuvre aux frais des autorités locales. Le financement doit correspondre à la compétence et de nouveaux mécanismes financiers doivent être conçus pour couvrir les frais liés aux nouvelles responsabilités incombant aux municipalités (par exemple, subventions en bloc, subventions compensatoires, etc.).
137. La loi adoptée en 2007 sur les finances des collectivités locales a introduit un nouveau système de péréquation financière fondé sur des critères objectifs. Les simulations réalisées au stade de l’élaboration de la loi laissent présager une amélioration substantielle de la péréquation fiscale horizontale entre municipalités. Mais les effets à long terme du nouveau système de péréquation doivent être contrôlés au fil du temps, au fur et à mesure de l’accroissement des responsabilités (et des dépenses) des collectivités locales.
138. La nouvelle loi sur les finances locales a fait de l’impôt foncier l’une des principales ressources propres des municipalités. L’administration de cet impôt est toutefois problématique en raison du manque de données cadastrales à jour et de l’absence de système moderne et efficace d’évaluation des biens. Certaines municipalités tentent de concevoir leur propre système avec l’aide de donateurs étrangers. Un système national complet doit encore être développé.
139. Nous estimons que la nouvelle Commission pour le financement intercollectivités doit jouer un rôle moteur dans le contrôle de la mise en œuvre des nouveaux accords financiers pour les collectivités locales, en faisant des recommandations sur d’éventuelles améliorations, le cas échéant.

3.6.4. Attribution des biens

140. Après l’adoption en 1995 de la loi sur le patrimoine de la République de Serbie qui avait nationalisé tous les biens des collectivités locales, les municipalités ont souffert, des années durant, d’une ingérence systématique des autorités centrales dans toutes les transactions immobilières réalisées au niveau local. Cela a créé d’importants obstacles au développement économique local et découragé des investisseurs potentiels de lancer des projets avec les autorités locales.
141. La nouvelle Constitution semble autoriser les municipalités à détenir des biens, mais elle laisse à la législation ordinaire le soin de définir les règles régissant les droits de propriété des autorités locales. Une loi sur la délimitation des biens de l’Etat et des collectivités locales est donc nécessaire. Parallèlement, une législation régissant l’utilisation des biens régis par le régime du droit public et des biens régis par le régime du droit privé doit être adoptée. L’attribution des biens est étroitement liée à la question de la restitution des biens nationalisés lors de l’instauration de la Yougoslavie socialiste.
142. Nous estimons que l’élaboration d’un arsenal complet de lois sur les biens et les droits de propriété doit être l’une des toutes premières priorités du gouvernement, afin de permettre aux municipalités (et aux autorités centrales) de disposer librement de leurs biens, dans les limites du droit, de manière à promouvoir le développement local et régional, en particulier dans le cadre des programmes de préadhésion à l’Union européenne.

3.6.5. Relations entre les autorités centrales et locales

143. Le système de contrôle administratif de l’action des autorités locales établi par la loi sur l’autonomie locale semble assez complexe. Il n’existe pas de contrôle automatique des actes des collectivités locales mais le gouvernement, par l’intermédiaire du ministère responsable de l’autonomie locale, peut engager une procédure devant la Cour constitutionnelle s’il considère qu’un acte donné d’une municipalité contrevient à la Constitution ou à la loi, crée un préjudice irréparable ou porte atteinte aux droits et libertés des citoyens. Dans l’attente de la décision de la Cour constitutionnelle, l’acte contesté est suspendu sur décision du gouvernement.
144. Le ministère chargé de l’autonomie locale peut également attaquer un acte d’une collectivité locale devant la Cour suprême s’il estime que l’acte en question viole les statuts de la municipalité.
145. Le ministère est habilité à annuler des actes administratifs de faible importance, pris par des municipalités, à la suite d’une «procédure de conciliation». La décision du ministère devrait pouvoir être attaquée en justice bien que la loi ne le prévoie pas expressément.
146. Bien qu’ils soient formellement conformes aux normes européennes, les accords juridiques en vigueur ne semblent pas offrir de protection adéquate aux municipalités car les Cours constitutionnelle et suprême peuvent ne pas être en mesure d’examiner toutes les affaires de manière efficace et dans des délais raisonnables. Une procédure plus efficace et rationalisée de contrôle de légalité, garantissant une intervention efficace et dans des délais raisonnables de l’autorité judiciaire, est nécessaire pour satisfaire aux principes de la Charte européenne de l’autonomie locale.
147. Les autorités locales peuvent aussi contester la constitutionnalité de la légalité d’une loi ou d’un acte général de la république ou de la province autonome devant la Cour suprême. Les actes individuels des organes d’Etat peuvent aussi faire l’objet de recours devant la Cour suprême.

3.6.6. Autonomie provinciale

148. Lorsque Milošević était au pouvoir, la large autonomie traditionnellement accordée à la province autonome de Vojvodine a été sensiblement réduite. La nouvelle Constitution de 2006 n’est pas parvenue à remédier à la situation et les compétences actuelles de la province ne sont, en réalité, pas différentes de celles exercées sous le régime de l’ancienne Constitution. C’est, de fait, la raison pour laquelle les autorités provinciales étaient contre la Constitution et ont appelé au boycott du référendum. Il ressort de nos réunions avec les autorités provinciales que, bien qu’elles n’aient pas été satisfaites des dispositions de la nouvelle Constitution, elles ont accepté de travailler dans le cadre de celle-ci en proposant des modifications et une nouvelle législation visant à accroître l’autonomie de la province. Nous saluons cette attitude positive et constructive.
149. Cela étant dit, la nouvelle Constitution comporte certaines garanties majeures concernant les «droits acquis» de la province, en particulier en matière financière. L’article 184, notamment, garantit que le budget de la province autonome de Vojvodine doit représenter au moins 7 % du budget de la République de Serbie. Nous ne sommes pas favorables à de tels seuils relativement volatils en ce qui concerne les ressources financières des autorités régionales ou locales et nous aurions préféré une formulation différente reposant éventuellement sur le principe de proportionnalité des ressources financières par rapport aux compétences décentralisées, conformément à la Charte européenne de l’autonomie locale. Cependant, nous reconnaissons qu’il s’agit d’un élément positif qui représente une garantie majeure et qui doit être renforcé au fur et à mesure des progrès de la décentralisation.
150. Les autorités de la province autonome de Vojvodine travaillent actuellement sur le nouveau projet de statut de la province qui, en vertu de la loi relative à l’application de la Constitution, doit être soumis à l’Assemblée nationale de Serbie dans un délai maximal de quatre-vingt-dix jours à compter de la constitution de la nouvelle Assemblée provinciale. Nous invitons les autorités de la province autonome et les autorités de Belgrade à travailler en étroite coordination sur le projet de statut. Il serait souhaitable de demander des conseils au Conseil de l’Europe pour la rédaction de cet important document juridique.
151. En outre, nous avons appris que des discussions se tiennent à différents niveaux en ce qui concerne la possibilité d’instaurer d’autres provinces en Serbie, ce qui créerait ainsi un nouveau niveau intermédiaire de gouvernement entre Belgrade et les autorités locales. Nous nous félicitons de ces décisions, la régionalisation étant une bonne façon d’améliorer les règles de la démocratie.
152. La régionalisation améliorera la capacité des pouvoirs publics à gérer des compétences décentralisées de manière plus rentable et efficace, conformément au principe de subsidiarité. Elle créera, en outre, un fondement approprié pour la gestion des réformes structurelles, en renforçant ainsi la capacité des autorités serbes à absorber le financement de préadhésion à l’Union européenne. Nous encourageons tous les acteurs concernés à continuer d’examiner cette question. Sans préjudice de la place particulière occupée par Vojvodine, son statut actuel pourrait être utilisé comme modèle pour encourager d’autres discussions.

4. Prééminence du droit

4.1. Réforme de la justice

153. La réforme du système judiciaire est régie par la Stratégie nationale de réforme judiciaire adoptée en avril 2006. La stratégie semble complète et constituer un document bien écrit qui fixe des objectifs prioritaires de réforme pour la période 2006-2011. Elle prévoit la mise en place d’une Commission de mise en œuvre de la stratégie réunissant les représentants du ministère de la Justice, de la Cour suprême, de l’Assemblée nationale, du parquet, du Centre de formation judiciaire ainsi que des associations professionnelles de juges, de procureurs et de praticiens du droit 
			(31) 
			Nous faisons remarquer
que l’Association des juges et l’Association des procureurs considèrent
que la composition de la commission n’est pas suffisamment équilibrée.
Sur les 11 membres, il n’y a que 2 juges et 1 procureur. Il ressort
de notre réunion avec les associations professionnelles que les
juges et les procureurs ont eu le sentiment de ne pas être suffisamment
impliqués dans le processus de consultation..
154. La stratégie est axée sur quatre principaux piliers du système judiciaire: l’indépendance, la transparence, la responsabilité et l’efficacité. Elle vise à renforcer le rôle du Conseil supérieur de la magistrature en vue de le transformer en une structure puissante et indépendante chargée, à moyen terme, de la gestion du système judiciaire, le ministère de la Justice n’assumant que les missions qui ne peuvent pas être déléguées au Conseil supérieur de la magistrature.
155. Tout en nous félicitant de ces buts légitimes, nous sommes préoccupés par leur mise en œuvre dans la pratique. L’efficacité de la mise en œuvre des stratégies de réforme dépend, dans une large mesure, de la disponibilité de plans d’action concrets et bien articulés et de la bonne coopération entre les principaux acteurs concernés dans le cadre de petites commissions opérationnelles de mise en œuvre (à savoir des groupes d’action chargés de surveiller des éléments spécifiques de la stratégie, des groupes de travail sur les projets de loi, des équipes d’experts pour proposer des options alternatives). Certains de nos interlocuteurs se sont plaints de la lenteur du rythme de mise en œuvre des réformes en affirmant que la commission de mise en œuvre de la stratégie était paralysée depuis sa création.

4.1.1. Cadre législatif

156. Lors de nos visites, nous avons eu l’occasion d’évoquer longuement avec l’ex-ministre de la Justice et son équipe la mise au point d’une nouvelle législation sur le système judiciaire et les parquets. Nous sommes ravis de noter que la nouvelle ministre de la Justice, Mme Snežana Marković, s’est pleinement investie dans le processus d’élaboration de cette législation sur le système judiciaire et le parquet lorsqu’elle était vice-ministre. Nous espérons qu’elle-même et son équipe mèneront rapidement à bien la réforme législative, en faisant plein usage des projets de lois et évaluations d’experts déjà au point. Cela s’applique en particulier à la rédaction de la législation sur l’organisation des tribunaux, le statut des juges et du Conseil supérieur de la magistrature, l’organisation du ministère public, le statut des procureurs et le Conseil national des procureurs.
157. Nous nous félicitons de la qualité de la coopération instaurée entre le ministère de la Justice et les experts du Conseil de l’Europe dans le cadre d’une initiative conjointe du Conseil de l’Europe et de l’AER (Agence européenne pour la reconstruction) sur l’application de la stratégie nationale de réforme du système judiciaire. Dans le cadre de ce programme conjoint, le ministère et le Conseil de l’Europe ont élaboré des principes fondamentaux de la réforme du système judiciaire et du ministère public ainsi que plusieurs projets de lois que nous examinerons plus bas.
158. Dans cette partie de notre rapport, nous nous intéresserons principalement à l’analyse de la législation relative à la réforme du système judiciaire; quant à la réforme des parquets, elle sera abordée plus en détail dans la section 4.2.
159. Les Principes fondamentaux de la réforme de la justice forment un long document complet visant à jeter les fondements du processus d’élaboration de la législation sur le statut de la magistrature. Ce texte exhaustif décrit les grands principes sur lesquels le système judiciaire doit être fondé, les caractéristiques essentielles du statut des juges, l’organisation des tribunaux, le statut et le mandat du Conseil supérieur de la magistrature, les principes régissant l’élection des juges et des présidents de tribunaux, les droits et les devoirs des juges et des présidents de tribunaux, les principes applicables à l’évaluation du travail des juges et des présidents de tribunaux, la responsabilité des juges en matière disciplinaire, ainsi que les modalités relatives à la fin de leur mandat.
160. Ces principes fondamentaux visent à renforcer davantage un certain nombre de garanties constitutionnelles afférentes à l’indépendance du pouvoir judiciaire conformément à quelques normes internationales inscrites dans diverses conventions et recommandations internationales. Ils servent de base à l’élaboration des projets de loi sur la magistrature, l’organisation des tribunaux en Serbie et le Conseil supérieur de la magistrature, qui ont été évalués par la Commission de Venise 
			(32) 
			Voir l’Avis no 464/2007
(CDL-AD(2008)007 et CDL-AD(2008)006)..
161. Si elle se félicite de la qualité de certaines dispositions de ces lois, la Commission de Venise a considéré que l’ensemble des lois sur la réforme du système judiciaire tendait à affaiblir l’indépendance judiciaire. Certaines de ces dispositions accroissent le risque de politisation de ce dernier en exigeant que, pour chaque élection de juge, le Conseil supérieur de la magistrature propose deux candidats à l’Assemblée nationale; de plus, le projet n’instaure aucun modèle susceptible de préserver la continuité des fonctions des juges en place, même en l’absence de toute allégation d’incompétence ou de manquement à leur devoir d’indépendance à leur encontre. Comme cela est indiqué précédemment au paragraphe 73, nous ne sommes pas totalement convaincus par la solution proposée dans le projet de loi sur le Conseil supérieur de la magistrature relatif à l’ingérence du parlement dans le processus de désignation des membres du conseil. L’application de la loi devra être analysée minutieusement après son adoption.
162. Nous invitons les autorités serbes à étudier avec attention l’avis de la Commission de Venise et à reformuler les lois, conformément aux recommandations des experts. Nous examinerons la législation dès son adoption au cours des étapes ultérieures du processus de suivi.
163. Nous saluons l’adoption par le parlement, le 24 novembre 2007, de la loi sur la Cour constitutionnelle. L’adoption de ce projet de loi est déterminante, puisque la Cour constitutionnelle a cessé de fonctionner à l’automne 2006, avec le départ à la retraite du président de la cour. Depuis cette date, le président n’avait pas été remplacé et la cour ne s’était pas réunie une seule fois étant donné que le règlement prévoit que les sessions de la cour ne peuvent être convoquées que par son président. Au cours de la même séance, le parlement a élu 5 juges de la cour à partir de la liste de 10 candidats soumise par le Président. En même temps, le parlement a approuvé une liste de 10 candidats devant être soumise au Président pour la nomination de 5 juges faisant partie du «quota» présidentiel. A la suite de quoi, le Président a nommé cinq membres de la cour sur son quota et la cour a repris ses activités 
			(33) 
			En vertu de l’article
172 de la Constitution, la Cour constitutionnelle est composée de
15 juges, dont 5 sont nommés par le Président, 5 par l’Assemblée
nationale et 5 par la Cour suprême de cassation, à partir d’une
liste commune soumise par le Conseil supérieur de la magistrature
et le Conseil national des procureurs. La cour peut fonctionner
à partir du moment où les deux tiers de ses membres ont été nommés
(par exemple, 10 juges sur les quotas présidentiel et parlementaire),
cela afin d’éviter les retards liés à la mise en place du Conseil
supérieur de la magistrature, du Conseil national des procureurs
et de la Cour suprême de cassation, qui ne peuvent pas fonctionner
sans une législation adaptée..
164. Dans l’ensemble, la loi sur la Cour constitutionnelle soumise à la Commission de Venise est un texte sérieux et exhaustif, qui aborde la quasi-totalité des aspects du fonctionnement de la Cour constitutionnelle. Il devrait favoriser la mise en place d’une Cour constitutionnelle forte et équilibrée dans sa composition. Il répond, partiellement du moins, aux préoccupations des membres de la Commission de Venise quant au droit de l’Assemblée nationale de révoquer les juges de la Cour constitutionnelle. Cette révocation ne peut en effet intervenir que dans certaines circonstances exceptionnelles (c’est-à-dire lorsque le juge enfreint les principes relatifs aux conflits d’intérêts, perd définitivement la capacité d’exercer ses fonctions de juge, est condamné à une peine d’emprisonnement ou reconnu coupable d’une infraction pénale qui le/la rend inéligible au poste de juge à la Cour constitutionnelle), et la cour se réserve le droit de décider si ces conditions sont ou non réunies.
165. Certaines dispositions de la loi pourraient toutefois être améliorées. Cette remarque vaut notamment pour certaines normes de procédure, liées à l’application de la législation en matière de procédure par analogie, aux parties à la procédure, aux modalités du contrôle abstrait des normes, à l’examen des cas de conflit de compétences, aux délais judiciaires, ainsi qu’au rôle des institutions d’Etat chargées de surveiller le respect des droits de l’homme dans le cadre du dépôt de recours constitutionnels. Nous espérons que cette loi sera améliorée à l’avenir, conformément aux recommandations de la Commission de Venise.

4.1.2. Pratique judiciaire et fonctionnement des tribunaux

166. Les réformes législatives ne sont pas l’unique défi auquel le système judiciaire soit confronté en Serbie. La corruption du pouvoir judiciaire est en effet perçue comme étant l’un des principaux obstacles à une administration efficace de la justice. Même si, d’après nos interlocuteurs, les juges ayant compromis leur impartialité et leur indépendance ne constituent qu’une minorité, il faudra des efforts à grande échelle pour assainir l’ensemble du corps judiciaire composé d’environ 2 400 juges.
167. D’après les statistiques de la justice pénale, les juges ont tendance à prononcer des peines a minima. Pour ne citer que deux exemples, dans 58 % des affaires de meurtre, les criminels sont condamnés à cinq ans d’emprisonnement (alors que la loi prévoit des peines allant de cinq à quinze ans) et, dans 52 % des cas de meurtre avec circonstances aggravantes, les criminels sont condamnés à dix ans d’emprisonnement (soit une peine inférieure au minimum prévu par la loi, qui va de trente à quarante ans); si, en vertu de la loi, les trafiquants de drogue sont passibles de peines de deux à douze ans d’emprisonnement (de cinq à quinze ans s’ils agissent dans le cadre d’un réseau organisé), en pratique cependant, dans 70 % des cas, les tribunaux prononcent des peines avec sursis et, dans 30 % des cas restants, on enregistre 48 % de peines d’un an et 43 % de peines allant de un à trois ans d’emprisonnement. Cette situation peut indubitablement relever d’une certaine pratique judiciaire (afin d’éviter la surpopulation carcérale), mais elle peut également être un indice de corruption, en particulier dans les cas de meurtre avec circonstances aggravantes et de trafic de drogue.
168. Dans la pratique, le ministère de la Justice ne dispose d’aucun outil pour combattre efficacement la corruption au sein du système judiciaire. En vertu de la législation actuelle, le ministre de la Justice ne peut pas entamer de poursuites pour révoquer un juge. Cette compétence est réservée au seul Conseil supérieur du personnel de la Cour suprême, composé de neuf juges. A ce jour, un seul juge de la Cour suprême a été condamné pour avoir accepté des pots-de-vin de la part de groupes criminels organisés, tandis qu’un autre juge reconnu coupable de corruption continue d’exercer ses fonctions.
169. Tout en reconnaissant l’existence d’un phénomène de corruption au sein du pouvoir judiciaire, les représentants de la justice admettent ne pas se sentir en sécurité. De nombreux juges se plaignent des pressions qu’ils subissent de la part de milieux politiques et du monde des affaires. Beaucoup de juges compétents quittent la fonction judiciaire afin d’aller travailler pour des organismes publics ou exercer en cabinet privé. Aux dires mêmes des premiers intéressés, les juges travaillent depuis des années dans une situation de flou juridique dans la mesure où leur nomination et leur révocation sont décidées par l’Assemblée nationale composée de membres élus représentant les divers intérêts des partis politiques. Il faudrait absolument réformer le pouvoir judiciaire et renforcer les garanties d’indépendance des juges.

4.2. Réforme du ministère public

170. A l’heure actuelle, le statut du ministère public est régi par la nouvelle Constitution de Serbie. La législation sur l’organisation des parquets, la nomination et la cessation des fonctions des procureurs et de leurs substituts, ainsi que sur le statut du Conseil supérieur de la magistrature, n’a pas encore été adoptée.
171. Entre-temps, le ministère de la Justice a rédigé un ensemble de principes fondamentaux sur la réforme du ministère public afin de jeter les bases du processus d’élaboration d’une législation spécifique. Par la suite, deux projets de loi sur le ministère public et sur le Conseil national des procureurs ont été préparés et adressés au Conseil de l’Europe pour évaluation. Les experts du Conseil de l’Europe ont examiné ces deux textes dans le cadre de l’Initiative commune entre le Conseil de l’Europe et l’AER sur la mise en œuvre de la Stratégie nationale de réforme de la justice.
172. Si les deux projets semblent correctement rédigés, ils suscitent un certain nombre d’inquiétudes par rapport aux normes européennes sur le statut des parquets codifiées en particulier par la Recommandation Rec(2000)19 du Comité des Ministres du Conseil de l’Europe sur le rôle du ministère public dans le système de justice pénale et la Recommandation 1604 (2003) de l’Assemblée sur le rôle du ministère public dans une société démocratique régie par le principe de la primauté du droit. Ces inquiétudes proviennent des dispositions de la nouvelle Constitution qui, comme nous l’avons déjà mentionné, devraient être mises en conformité avec les normes européennes.
173. Nous avons déjà pris note de l’explication donnée par la délégation serbe à l’Assemblée concernant la fonction du ministère public en matière de protection de la constitutionnalité, de la légalité, des droits de l’homme et des libertés civiles. Nous espérons que les «moyens juridiques» conférés au ministère public ne lui permettent pas d’exercer un «contrôle» des tribunaux en contestant des décisions finales au motif d’illégalité. Si c’était le cas, il pourrait y avoir un risque d’insécurité juridique qui pourrait donner lieu à la violation du droit à un procès équitable, tel que protégé par la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.
174. Les projets de loi proposés n’ont pas complètement résolu les inquiétudes exprimées par la Commission de Venise concernant les modalités d’élection du procureur général, des procureurs et des substituts (pour une période initiale de trois ans toutefois, avec la possibilité de confirmer la nomination pour une durée indéfinie par le Conseil national des procureurs). Conformément à la Constitution, ces différentes personnes devraient être élues par l’Assemblée nationale sur proposition du gouvernement et après consultation de la commission compétente de l’Assemblée nationale. Le gouvernement fait une proposition à partir d’une liste de candidats établie par le Conseil national des procureurs. Si le rôle de l’Assemblée nationale était strictement honorifique, cette procédure ne poserait aucun problème. Toutefois, la loi semble indiquer que l’Assemblée nationale peut faire un choix entre les candidats proposés par le gouvernement ou refuser d’élire l’un ou l’autre des candidats proposés par le gouvernement, auquel cas une nouvelle «élection» est organisée. Cette procédure confère à l’Assemblée nationale le pouvoir discrétionnaire de prendre une décision politique sur la nomination des procureurs, ce qui crée une relation de «dépendance» des procureurs à l’égard du parlement. Cette situation s’applique tout particulièrement au cas du procureur général et aux procureurs qui sont élus pour six ans et rééligibles. La procédure de réélection constitue pour l’Assemblée nationale l’occasion de faire pression sur les procureurs, qui seront inévitablement soumis à l’influence de considérations politiques dans le cadre de leur action s’ils souhaitent être réélus. Par ailleurs, la majorité à l’Assemblée nationale pourrait «mettre à la porte» un procureur dont les décisions ne correspondent pas à ses intérêts politiques.
175. En ce qui concerne l’élection par l’Assemblée nationale des six membres au Conseil national des procureurs, nous avons appris par la délégation serbe à l’Assemblée que le projet de loi sur le Conseil national des procureurs dispose que le conseil devrait proposer au Gouvernement de la République de Serbie trois candidats pour chaque poste de membre du conseil pourvu par élection et que le gouvernement a l’obligation de proposer à l’Assemblée nationale deux candidats sur les trois proposés pour chaque poste de membre élu du conseil. L’Assemblée nationale a l’obligation d’élire une seule personne sur la liste des candidats et elle n’est pas autorisée à renvoyer la liste des candidats au gouvernement et au Conseil national des procureurs pour qu’ils fassent de nouvelles propositions. Evidemment, cette procédure réduit au minimum l’influence des partis politiques sur le processus électoral. Toutefois, elle n’élimine pas complètement le risque de politisation du processus dans la mesure où il est difficile d’établir les motifs qui ont guidé le choix de l’Assemblée nationale en faveur de l’un ou l’autre candidat proposé par le gouvernement.
176. Tout comme nous l’avons fait au sujet des modalités d’élection des membres du Conseil supérieur de la magistrature, nous recommandons que les propositions du Conseil national des procureurs soient contraignantes pour le gouvernement et l’Assemblée nationale, celle-ci n’ayant plus alors qu’un simple rôle de confirmation formelle des désignations. Cette réforme serait de nature à contribuer à l’émergence en Serbie d’un ministère public solide et autonome.

4.3. Poursuite des crimes de guerre

177. La poursuite des crimes de guerre et la coopération avec le TPIY faisaient partie des engagements essentiels de l’union d’état de Serbie-Monténégro, repris par la suite par la Serbie. En particulier, les autorités se sont engagées à: «faire le maximum pour découvrir les (...) personnes inculpées toujours en fuite et les livrer au TPIY (…); réviser la loi sur la coopération avec le TPIY, conformément au statut de ce dernier et à la résolution applicable du Conseil de sécurité de l’ONU; mettre les documents et les archives, y compris militaires, à la disposition du TPIY sans plus tarder» 
			(34) 
			Avis no 239 (2002) de l’Assemblée relatif à la demande d’adhésion de la
République fédérale de Yougoslavie au Conseil de l’Europe.. La mise en œuvre de cet engagement n’est toutefois pas aussi avancée qu’elle devrait l’être.
178. Si la nouvelle Constitution serbe n’interdit plus l’extradition des ressortissants serbes, cette interdiction n’a pas été retirée de la législation. Cette situation continue de préoccuper vivement l’Assemblée, qui a recommandé, dans sa Résolution 1564 (2007) relative aux poursuites engagées pour les crimes relevant de la compétence du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY) 
			(35) 
			Texte adopté
par l’Assemblée le 28 juin 2007 (25e séance)., que l’interdiction d’extrader les ressortissants nationaux inculpés de crimes de guerre soit levée immédiatement. Sur un plan pratique, le rapporteur a suggéré que l’application des traités internationaux sur l’extradition pouvait éliminer les obstacles créés par la législation nationale puisque le droit international prévaut sur le droit national 
			(36) 
			Doc. 11281 de l’Assemblée, «Poursuites engagées pour les crimes
relevant de la compétence du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie
(TPIY)», rapport de M. Tony Lloyd (Royaume-Uni, SOC) pour la commission
des questions juridiques et des droits de l’homme.. En effet, comme nous l’avons mentionné précédemment, les traités internationaux signés et ratifiés par la Serbie ont primauté sur le droit national pour autant qu’ils respectent la Constitution (ce qui paraît être le cas pour l’extradition). A cet égard, l’Assemblée a recommandé que la Serbie retire la déclaration restrictive qu’elle a formulée au moment de la ratification de la Convention européenne d’extradition (STE no 24) afin d’interdire l’extradition de ses ressortissants 
			(37) 
			Recommandation 1803 (2007) sur les poursuites engagées pour les crimes relevant
de la compétence du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie
(TPIY), adoptée par l’Assemblée le 28 juin 2007 (25e séance), paragraphe
1.2.. Nous soutenons fermement cette recommandation de l’Assemblée.
179. Au chapitre des conventions, nous nous félicitons que la Serbie ait récemment signé et ratifié la Convention européenne sur la valeur internationale des jugements répressifs (STE no 70) 
			(38) 
			Signée et ratifiée
le 26 avril 2007 et entrée en vigueur depuis le 27 juillet 2007. et le Deuxième Protocole additionnel à la Convention européenne d’entraide judiciaire en matière pénale (STE no 182) 
			(39) 
			Signé et ratifié le
7 avril 2007 et entré en vigueur depuis le 1er août 2007.. Toutefois, la Serbie n’est pas encore partie à la Convention européenne sur l’imprescriptibilité des crimes contre l’humanité et des crimes de guerre (STE no 82) ni à la Convention européenne relative au dédommagement des victimes d’infractions violentes (STE no 116).
180. Par ailleurs, sur un plan pratique, très récemment encore, la coopération avec le TPIY était lente et insuffisante, situation qui a conduit la Commission européenne à suspendre en mai 2006 les négociations relatives à un Accord de stabilisation et d’association avec la Serbie. Les pourparlers ont toutefois repris en juin 2007 après la formation d’un nouveau gouvernement. Depuis, on a observé un mieux dans la coopération. En particulier, grâce à une bonne coopération entre les services de sécurité de Serbie, de Bosnie-Herzégovine et du Monténégro, deux inculpés ont été remis au Tribunal de La Haye: le chef des services de sécurité de Milošević, le général Zdravko Tolimir, qui a été appréhendé le 30 mai 2007, et le général Vlastimir Đorđević, un haut fonctionnaire de police serbe inculpé de crimes contre l’humanité et de crimes de guerre commis à l’encontre des Albanais du Kosovo en 1999, qui a été transféré au tribunal le 17 juin 2007.
181. Plus important encore, ces six derniers mois, deux inculpés supplémentaires (Stojan Župljanin et Radovan Karadžić) ont été arrêtés et extradés vers le tribunal. Nous considérons ces arrestations comme une amélioration indéniable de la coopération de la Serbie avec le TPIY. Le fait que deux des quatre inculpés les plus recherchés aient été arrêtés prouve que les fugitifs sont à portée des autorités. Nous pensons que les autorités serbes ne ménagent pas leurs efforts pour parvenir à une coopération fructueuse avec le tribunal en vue d’arrêter et d’extrader le général Ratko Mladić, ancien commandant de l’état-major principal de l’armée de la République serbe de Bosnie («VRS»), et Goran Hadžić, ancien Premier ministre de la «république de Srpska Krajina». Nous attendons des autorités qu’elles arrêtent rapidement ces criminels de guerre.

4.4. La lutte contre la corruption et le blanchiment d’argent

4.4.1. Le cadre législatif et institutionnel

182. Les divers gouvernements serbes qui se sont succédé ces six dernières années ont indiqué avoir fait de la lutte contre la corruption l’une de leurs priorités. Plusieurs mesures législatives et pratiques importantes ont été adoptées dans ce contexte. Sur le plan législatif, la lutte contre la corruption est régie par la loi sur la prévention des conflits d’intérêts adoptée en 2004, la loi sur le financement des partis politiques adoptée en 2003, la loi sur les marchés publics adoptée en 2002 et modifiée en 2004, la loi sur la fonction publique adoptée en 2005, la loi sur l’Institut suprême d’audit adoptée en 2005, la loi sur le défenseur des droits des citoyens adoptée en 2005, la loi sur le libre accès à l’information d’intérêt général adoptée en 2004, ainsi que le Code pénal 
			(40) 
			Voir
Begović B., Mijatović B. (ed.), Corruption
in Serbia Five Years Later, Centre for Liberal-Democratic
Studies, 2007. et le Code de procédure pénale. La mise en application de ce vaste ensemble de textes de loi est coordonnée dans le cadre de la Stratégie nationale de lutte contre la corruption, adoptée en 2005.
183. Un plan de mise en œuvre de la stratégie a été adopté en 2006. L’application des mesures anticorruption avance relativement bien, et plusieurs nouveaux dossiers de corruption de fonctionnaires, de policiers et de douaniers ont été ouverts au cours de l’année 2006. Toutefois, il manque au plan de lutte contre la corruption, des délais précis, des actions concrètes et les moyens nécessaires à sa mise en œuvre.
184. D’après Transparency International, la Serbie a enregistré en 2007 un indice de perception de la corruption (IPC) de 3,4, ce qui place le pays au 79e rang 
			(41) 
			Il
s’agit cependant d’une amélioration, du fait que l’IPC de la Serbie
pour 2006 était de 3,0, la plaçant au 90e rang
des pays suivis. Voir le site <a href='http://www.transparency.org/policy_research/surveys_indices/cpi/2007'>http://www.transparency.org/policy_research/surveys_indices/cpi/2007</a>., avant les autres pays d’Europe du Sud-Est sauf la Croatie, dont l’IPC est de 4,1. Toutefois, il est généralement admis que la corruption reste répandue en Serbie et pose un grave problème 
			(42) 
			Rapport
de suivi de la Serbie 2007, Commission européenne, SEC(2007)1435,
6 novembre 2007.. Bien que la législation ait jeté de solides bases à l’élaboration d’une politique anticorruption, des améliorations supplémentaires s’imposent à plusieurs égards. La loi sur le financement des partis politiques contient un certain nombre de principes sains, mais les mesures de surveillance et de contrôle sont insuffisantes: par exemple, les rapports sur le financement de la campagne électorale de janvier 2007 étaient en grande partie incomplets et insatisfaisants 
			(43) 
			Begović
B., Mijatović B., op. cit.. La loi sur la prévention des conflits d’intérêts n’englobe pas l’ensemble des fonctionnaires appelés à prendre part au processus de décision; sa mise en application pose par ailleurs certaines difficultés, puisque les sanctions prévues par la loi sont assez limitées (c’est-à-dire l’avertissement confidentiel et l’annonce publique en cas de violation de la loi par un fonctionnaire, avec recommandation de démission). La loi sur les marchés publics met en place des procédures d’achat complexes et l’organisme chargé des marchés publics ne joue pas un rôle suffisamment important. Les vérificateurs de l’Institut suprême d’audit n’ont été nommés qu’en septembre 2007. Les dispositions de fond et de procédure de la législation pénale pourraient être encore améliorées, conformément aux recommandations des experts du Conseil de l’Europe.
185. Sur le plan du droit international, la Serbie est partie aux conventions suivantes du Conseil de l’Europe: la Convention pénale sur la corruption (STE no 173), la Convention civile sur la corruption (STE no 174), le Protocole additionnel à la Convention pénale sur la corruption (STE no 191), la Convention relative au blanchiment, au dépistage, à la saisie et à la confiscation des produits du crime (STE no 141), la Convention européenne d’entraide judiciaire en matière pénale (STE no 30) et son Protocole additionnel (STE no 99). Toutefois, elle n’a pas encore ratifié la Convention relative au blanchiment, au dépistage, à la saisie et à la confiscation des produits du crime et au financement du terrorisme (STCE no 198) ni la Convention sur la cybercriminalité (STE no 185).
186. Au niveau institutionnel, la lutte contre la corruption est assurée principalement par le Conseil de lutte contre la corruption. Cet organisme de 13 membres a été mis sur pied par une décision du gouvernement en 2001. Il s’agit d’une instance consultative ayant pour mandat de soutenir le gouvernement dans la mise en œuvre de politiques anticorruption. Il examine les différentes activités de lutte contre la corruption, propose les mesures à prendre pour améliorer l’efficience des politiques anticorruption et suit leur mise en œuvre. Le conseil peut également proposer de nouvelles législations, programmes et autres activités de lutte contre la corruption 
			(44) 
			Rapport d’évaluation
du GRECO sur la République de Serbie, adopté par le GRECO lors de
sa 29e réunion plénière (Strasbourg, 19-23 juin 2006), Greco Eval
I-II Rep (2005) 1E Revised..
187. Le conseil a pris un certain nombre de bonnes initiatives de lutte contre la corruption au cours des dernières années. Il s’est principalement concentré sur la «corruption politique». Les cas de «corruption administrative», c’est-à-dire de corruption de fonctionnaires, comme la corruption dans le secteur de la santé, de la justice, de l’administration fiscale et des douanes, semblent avoir été négligés par le conseil 
			(45) 
			Begović B., Mijatović
B., op. cit..
188. Afin que les enquêtes et poursuites des infractions pénales présentant des éléments de corruption et de blanchiment d’argent soient menées plus efficacement, un Département de lutte contre la corruption a été créé dans le cadre du programme et du plan annuel 2008 du ministère public de la République de Serbie. Le département a pour tâche de coordonner les activités avec les parquets de district ainsi qu’avec les autres organes de l’Etat (le ministère de l’Intérieur, la brigade fiscale et d’autres services d’inspection). Il doit aussi, si nécessaire, prendre part aux procédures pénales en première instance. L’expérience d’un certain nombre de pays européens est prise en compte pour la constitution de ce département. La mission de l’OSCE en Serbie a aussi annoncé qu’elle était prête à apporter son savoir-faire et son soutien matériel. Cela dit, il conviendrait de créer une structure plus opérationnelle afin de renforcer la mise en application des mesures de lutte contre la corruption et d’assurer une meilleure coordination entre les différents mécanismes et politiques anticorruption.

4.4.2. Les recommandations du GRECO

189. Le Groupe d’Etats contre la corruption (plus connu sous le nom de GRECO) du Conseil de l’Europe a adopté un rapport d’évaluation sur la République de Serbie en juin 2006. Le groupe a formulé un certain nombre de recommandations concrètes et a invité les autorités serbes à rendre compte de la mise en œuvre de ces recommandations d’ici à la fin de 2007.
190. Un total de 25 recommandations a été adressé aux autorités serbes. Pour résumer, elles pourraient être classées selon les catégories suivantes 
			(46) 
			La liste
ci-dessous n’est pas exhaustive. Une liste complète des recommandations
figure dans le rapport d’évaluation du GRECO sur la République de
Serbie, adopté par le GRECO lors de sa 29e réunion plénière (Strasbourg,
19-23 juin 2006), Greco Eval I-II Rep (2005) 1E Revised.:
  • aspects institutionnels (améliorer la transparence de la nomination des juges et des procureurs, et supprimer les influences politiques auxquelles elle est soumise afin de bâtir la confiance dans la justice et dans les autorités de poursuite pénale, pérenniser le mandat des procureurs adjoints, consolider le mandat du procureur spécial pour la criminalité organisée, améliorer la coopération entre la police et le ministère public, renforcer la formation continue pour les policiers et les procureurs appelés à traiter des affaires de corruption et de criminalité organisée, mettre en place des mécanismes efficaces de suivi du Plan de mise en œuvre de la stratégie anticorruption, etc.);
  • enquêtes (instituer des techniques d’enquête spéciales et assurer des actions de formation, élaborer un programme complet de protection des témoins, instaurer le gel temporaire des transactions suspectes, saisir et confisquer les biens illicites transférés à des tierces parties, etc.);
  • blanchiment de capitaux (élaborer des lignes directrices comportant des indicateurs de blanchiment de capitaux, sensibiliser davantage à la nécessité de signaler les opérations suspectes et de suivre les progrès accomplis, etc.);
  • prévention de la corruption (former des fonctionnaires à la lutte contre la corruption, mettre en place le bureau du médiateur à l’échelon national, appliquer la loi sur les conflits d’intérêts à tous les fonctionnaires assurant des fonctions d’administration publique, adopter des codes de conduite pour les fonctionnaires, etc.);
  • renforcement de la mise en œuvre de la loi sur les marchés publics, par une formation adaptée dispensée aux fonctionnaires;
  • simplification des procédures et des règlements régissant l’octroi des licences et des permis;
  • renforcement du contrôle financier par la mise en place d’une institution publique d’audit.
191. Nous devons étudier minutieusement les conclusions du GRECO sur la mise en œuvre de ces recommandations et en tenir compte dans le processus de suivi.

4.4.3. Perspectives

192. Le précédent gouvernement serbe a préparé une loi sur l’Agence de lutte contre la corruption. En vertu de ce projet de loi, la future agence remplacera les organes actuels: le Conseil de lutte contre la corruption et le Comité républicain pour la prévention des conflits d’intérêts. Elle exercera également un contrôle sur le financement des partis politiques et mettra en œuvre la stratégie anticorruption conformément au plan d’action adopté. L’agence aurait également des fonctions «normatives» et serait chargée de rédiger des avis sur les lois et les règlements, ainsi que de veiller à la détection des «risques de corruption» dans les projets législatifs.
193. Nous nous félicitons de l’élaboration de cette loi et encourageons les autorités serbes à l’adopter rapidement en prévision de la réforme des institutions actuellement chargées de la lutte contre la corruption et de la rationalisation de l’application des politiques anticorruption.

4.4.4. Blanchiment de capitaux

194. Les politiques de lutte contre le blanchiment des capitaux en Serbie et au Monténégro ont été évaluées fin2003 par le Comité d’experts du Conseil de l’Europe sur l’évaluation des mesures de lutte contre le blanchiment des capitaux (MONEYVAL). Un rapport d’évaluation détaillé a été préparé et approuvé à la réunion plénière du comité le 21 janvier 2005. Un résumé de ce rapport a par la suite été préparé et publié sur le site internet du MONEYVAL 
			(47) 
			MONEYVAL (2005)2 Summ
(voir le site <a href='http://www.coe.int/moneyval'>www.coe.int/moneyval</a>)..
195. Depuis l’adoption du premier rapport sur la Serbie et le Monténégro, la situation en Serbie a évolué. Une nouvelle loi contre le blanchiment des capitaux a été adoptée en 2005. Ce texte visait à améliorer l’efficience de la détection et de la prévention du blanchiment des capitaux. Dans la pratique, cette nouvelle loi a introduit une nouvelle définition du blanchiment de capitaux, l’obligation d’obtenir l’identité des clients et des bénéficiaires effectifs lors de l’ouverture d’un compte bancaire, ainsi que l’obligation de signaler à la Cellule de renseignement financier (CRF) (Agence de lutte contre le blanchiment de capitaux) toute transaction en espèces d’au moins 15 000 euros. Il existe également une obligation générale de déclarer à la CRF les opérations financières suspectes, quel qu’en soit le montant. Les autorités douanières sont désormais tenues de signaler les mouvements transfrontaliers d’espèces, de chèques et de valeurs mobilières à partir des montants précisés par les règlements régissant les mouvements financiers transfrontaliers en monnaies locales et en devises. L’obligation de déclaration a été étendue aux fonds d’investissement, aux marchands de biens de valeur, aux agences de voyages, aux casinos, etc. Une unité de renseignement financier dotée d’un budget indépendant a été créée au sein du ministère des Finances.
196. Certains changements relatifs à l’incrimination du blanchiment de capitaux ont également été introduits dans le Code pénal et dans le Code de procédure pénale. La législation sur les banques, les assurances, les jeux de hasard, les valeurs mobilières et les instruments financiers, les fonds d’investissement, les opérations de change, la formation des juges, des procureurs généraux et des procureurs adjoints a été modifiée, afin d’aligner les règlements sur la nouvelle loi de lutte contre le blanchiment des capitaux.
197. Un changement important a été apporté au Code de procédure pénale, qui devrait renforcer le rôle des procureurs généraux dans le cadre des enquêtes. En vertu du nouveau code (adopté en juin 2006), l’enquête sera menée par le procureur. Cette nouveauté devrait accélérer la procédure. Le nouveau Code de procédure pénale n’entrera toutefois en vigueur que le 31 décembre 2008 (et non le 1er juin 2007 comme prévu dans la première mouture de la loi).
198. Les mesures de lutte contre le financement du terrorisme ont par ailleurs été renforcées dans la législation pénale.
199. Bien que la nouvelle loi contre le blanchiment de capitaux ait été favorablement accueillie par tous les acteurs concernés, certains de ses éléments ont été critiqués par des organisations nationales et internationales. Nous avons été informés que le Conseil de lutte contre la corruption avait fait une évaluation plutôt critique de la loi, soulignant en particulier que le concept de blanchiment aurait pu être mieux défini et contestant l’indépendance de l’Agence de lutte contre le blanchiment de capitaux, qui fonctionne comme un organe du ministère des Finances. De même, le rôle du ministère des Finances dans la définition de la méthodologie et des procédures de lutte contre le blanchiment de capitaux ainsi que le droit du ministère d’octroyer des exceptions à l’obligation d’information à certaines entités assujetties ont été critiqués. Les sanctions prévues par la loi sont considérées comme faibles et le nombre de transactions devant être contrôlées par l’agence, excessivement élevé, ce qui pourrait dans la pratique empêcher l’agence de réagir efficacement dans les affaires de blanchiment de capitaux 
			(48) 
			Begović B., Mijatović
B., op. cit..
200. L’OSCE et l’UNICRI (Institut interrégional de recherche des Nations Unies sur la criminalité et la justice) ont fait une évaluation un peu plus équilibrée de la loi, relevant cependant, au nombre des lacunes de la loi et du régime juridique actuel en matière de prévention du blanchiment:
a. le manque de clarté dans la liste des entités assujetties à des obligations de déclaration;
b. le manque de clarté eu égard au blanchiment de capitaux en cas de privatisation;
c. les problèmes liés au rôle de la Cellule de renseignement financier, en particulier son manque d’indépendance, un manque de clarté dans ses relations avec les autres institutions et une qualité problématique de l’information recueillie; et
d. le manque d’harmonisation des sanctions prévues en cas de blanchiment de capitaux et d’infractions analogues 
			(49) 
			«Money Laundering and
the Legislation of the Republic of Serbia», mai 2007, rapport de
l’UNICRI et de l’OSCE, http://www.unicri.it/wwd/money_laundering/docs/MoneyLaunderingSerbia_LegalReport.pdf..
201. Cela dit, nous avons été informés que le MONEYVAL procéderait sous peu à une évaluation de la conformité du cadre et de la pratique législatifs serbes avec les normes européennes en matière de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme. Nous invitons les autorités serbes à coopérer pleinement avec le MONEYVAL à l’organisation de cette évaluation, ainsi qu’à la mise en œuvre des recommandations. De notre côté, nous allons étudier attentivement les conclusions du MONEYVAL dès qu’elles seront disponibles, et nous en tiendrons compte dans le processus de suivi.

5. Droits de l’homme

5.1. Réforme de l’armée, des services de police et de sécurité, et des établissements pénitentiaires

5.1.1. Contrôle démocratique

202. Nous nous félicitons de l’ensemble complet de dispositions relatives au contrôle démocratique des activités de la police, des services de sécurité et de l’armée de Serbie établis par la Constitution et la législation sectorielle. Nous sommes dans l’attente de plus amples informations sur le fonctionnement réel de ces procédures dans le cadre du processus de suivi.
203. Les modalités de contrôle sont définies dans la loi sur l’organisation de fond des services de sécurité de la République de Serbie adoptée le 11 décembre 2007. Selon la loi, l’Assemblée nationale vérifie notamment la constitutionnalité et la légalité des opérations des services de sécurité; l’harmonisation du fonctionnement de ces services avec la stratégie de sécurité nationale, la stratégie de défense, la politique de renseignement et de sécurité de la République de Serbie; la légalité de la mise en œuvre de procédures et mesures particulières pour la collecte clandestine de renseignements, etc. L’Assemblée nationale adopte les rapports sur les opérations des services de sécurité en s’appuyant sur les rapports présentés par le chef des services de sécurité au moins une fois par an. L’Assemblée nationale peut aussi examiner les propositions, pétitions et demandes des citoyens concernant les activités des services de sécurité et prendre les mesures appropriées pour trouver une solution. Le chef des services de sécurité est tenu, sur demande de la commission compétente de l’Assemblée nationale, de permettre aux membres de la commission d’accéder aux locaux des services et à la documentation, de leur fournir des données et des informations sur le fonctionnement des services et de répondre à leurs questions.
204. Le contrôle démocratique de l’armée de Serbie est réglementé par la nouvelle Constitution et la loi sur l’armée de Serbie adoptée le 11 décembre 2007. Le contrôle civil démocratique sur l’armée de Serbie comprend, en particulier, le contrôle du recours à l’armée et de son développement, le contrôle interne et externe des dépenses militaires, le suivi de l’état de préparation de l’armée de Serbie et l’information du public à ce sujet, le libre accès aux informations d’intérêt général et la définition des responsabilités pour l’exercice des obligations militaires conformément à la loi. Le contrôle civil démocratique sur l’armée de Serbie est exercé par l’Assemblée nationale de Serbie, le Bureau du médiateur et d’autres organes de l’Etat dans le cadre de leurs compétences, ainsi que directement par les citoyens.
205. De la même manière, les activités de la police sont soumises au contrôle démocratique. La nouvelle loi sur la police, adoptée en 2005, a accordé l’autonomie administrative à la Direction de la police au sein de l’organisation du ministère de l’Intérieur. Le directeur de la police est un fonctionnaire nommé sur la base d’un concours, écartant ainsi toute ingérence politique dans le processus de désignation. Chaque semestre, le directeur de la police soumet à la Commission de la défense et de la sécurité de l’Assemblée nationale des rapports sur les activités de ses services. Cette pratique est positive. Il nous a été indiqué que la commission organisait des débats publics dans le cadre du processus d’examen des rapports.

5.1.2. Action de la police

206. En ce qui concerne son organisation, la police est divisée en 15 branches. Elle est organisée en 26 districts dont la capitale, Belgrade. Les traitements des fonctionnaires de police ont été augmentés ces dernières années. Il nous a été indiqué qu’un policier à Belgrade touchait en moyenne jusqu’à 30 000 dinars (environ 385 euros), ce qui est plus élevé que la moyenne des rémunérations nationales (qui s’établit entre 26 000 et 28 000 dinars). Les conditions d’emploi des fonctionnaires de police restent cependant mauvaises et les risques de corruption élevés.
207. Le directeur de la police est globalement satisfait du travail de ses services. La coopération entre le parquet et les services de police est bonne. La police a placé la lutte contre la corruption et le crime organisé parmi les grandes priorités de son action. Dans ce domaine, elle coopère étroitement avec le procureur spécial chargé de combattre le crime organisé et le tribunal de première instance de Belgrade qui est compétent pour juger les affaires liées à la corruption et au crime organisé. Le Service du crime organisé et la Direction de la police criminelle s’occupent quotidiennement d’enquêter sur les affaires de corruption. Des équipes de fonctionnaires de police spécialement formés sont déployées dans les services régionaux de la police pour enquêter sur les affaires de corruption et de crime organisé; elles ont recours à des techniques d’investigation spéciales (y compris à des agents infiltrés). Au nombre des affaires récentes et graves de corruption évoquées par le directeur de la police figure le cas de l’université de Kragujevac dont 18 professeurs font actuellement l’objet d’une instruction pour avoir accepté des pots-de-vin.
208. Selon M. Milorad Veljović, la police serbe participe activement à diverses formations sur les droits de l’homme organisées par le Conseil de l’Europe et l’OSCE. Des contacts directs ont été établis avec la police et les forces de l’ordre des pays de la région dans le cadre de relations de travail quotidiennes.
209. Le renforcement des mécanismes de contrôle interne est une tâche importante de la Direction de la police. Le Secteur de contrôle interne de la police veille à la légalité des opérations de police, particulièrement en ce qui concerne le respect et la sauvegarde des droits de l’homme. En tant qu’organe de contrôle interne, le secteur veille à ce que les droits discrétionnaires des policiers soient strictement contrôlés et limités, et qu’ils s’appuient sur le droit, le code de conduite et les conventions internationales ratifiées par la Serbie. Le Secteur de contrôle interne est dirigé par un ministre adjoint de l’Intérieur nommé par le gouvernement sur concours public. Le chef du secteur dépend du ministre de l’Intérieur et soumet à celui-ci des rapports périodiques sur l’activité du secteur. Au cours de l’année 2007, le Secteur de contrôle interne de la police a procédé à plus de 122 inculpations et apporté des éléments de preuve supplémentaires dans 12 affaires à l’encontre de 159 membres de la police et de 80 citoyens. La majorité des inculpations portaient sur l’abus de fonction officielle, la contrefaçon de documents officiels, la corruption et la subornation. Il est à noter qu’au cours de l’année 2007, le Secteur de contrôle interne s’est considérablement investi dans la mise au jour d’actes délictueux graves et plus complexes. Outre ces opérations indépendantes, le secteur a pris part aux activités des administrations de district de la police. Le Secteur de contrôle interne de la police accorde une attention particulière à la formation professionnelle de ses membres, qui leur est dispensée sous différentes formes dans le pays et à l’étranger. La formation est largement centrée sur la lutte contre la corruption.

5.1.3. Prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants

210. Le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT) traite séparément la question des actes de violence commis par les fonctionnaires de police et les conditions de détention dans les établissements pénitentiaires. Une délégation du comité s’est déplacée en Serbie le 19 novembre 2007 pour une deuxième visite périodique de deux semaines. La délégation a examiné les mesures prises par les autorités serbes pour améliorer le traitement des personnes détenues par la police et le fonctionnement dans la pratique des garanties mises en place. Le traitement et le régime des prisonniers placés dans les quartiers fermés, les quartiers de haute sécurité ainsi que les quartiers de détention provisoire dans trois prisons (à Belgrade, Požarevac et Sremska Mitrovica) ont également été examinés. La délégation du CPT a, par ailleurs, effectué une visite de suivi dans l’unique hôpital carcéral de Serbie.
211. L’équipe du CPT a, en outre, examiné la situation des patients psychiatriques de l’hôpital spécialisé de neuropsychiatrie de Kovin. De plus, la délégation s’est rendue pour la première fois dans un établissement pour personnes souffrant de déficiences intellectuelles, l’Institution spéciale pour enfants et mineurs de Stamnica.
212. Nous recommandons aux autorités serbes de publier le rapport du CPT dès qu’il sera disponible pour faciliter la mise en œuvre de ses recommandations en coopération avec le Conseil de l’Europe.

5.1.4. Traite des êtres humains

213. La Serbie n’a pas encore ratifié la Convention du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains (STCE no 197). Nous recommandons vivement à la Serbie de ratifier cette convention dans les meilleurs délais.
214. Du côté de la législation nationale, le Code pénal érige en infraction pénale la traite des êtres humains. La mise en œuvre de la stratégie nationale visant à combattre la traite des êtres humains, adoptée en décembre 2006, avance sans contretemps. Selon les informations fournies par les autorités serbes à la délégation du secrétariat du Conseil de l’Europe qui a préparé le deuxième rapport concernant le respect des obligations et engagements et la mise en œuvre du programme de coopération postadhésion, de nombreuses arrestations ont été effectuées au cours du premier semestre 2007 en relation avec la traite des êtres humains et plusieurs affaires sont en cours d’instruction 
			(50) 
			Respect
des obligations et engagements et mise en œuvre du programme de
coopération postadhésion – 2e rapport: le point sur les éléments
nouveaux (novembre 2006-juin 2007), SG/Inf(2007)05 final..
215. Nous encourageons les autorités serbes à poursuivre leurs efforts en vue de combattre la traite des êtres humains et le trafic d’organes humains.

5.2. Jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme

216. En 2006-2007, la Cour européenne des droits de l’homme a prononcé 13 jugements contre la Serbie. Les violations les plus régulières de la Convention ayant été constatées par la Cour concernent la durée excessive des procédures et l’inefficacité des recours nationaux, contrevenant à l’article 6, paragraphes 1 et 13, de la Convention (droit à un procès équitable et droit à un recours effectif devant une instance nationale). Il a été relevé également deux cas de violation de l’article 10 de la Convention relatif à la liberté d’expression. Deux autres cas concernaient la violation de l’article 1 du Protocole no 1 à la Convention (droit de propriété).
217. Nous comptons que les autorités serbes combleront les failles de l’ordre juridique interne, notamment en ce qui concerne les procédures judiciaires et les recours effectifs contre les violations des droits de l’homme. Ce problème particulier doit être traité dans le cadre de la réforme du système judiciaire.

5.3. Ratification de la Charte sociale européenne (révisée)

218. La Serbie a signé la Charte sociale européenne (révisée) le 22 mars 2005. Cependant, elle n’a pas encore procédé à la ratification de ce texte, qui reste l’un des principaux engagements qu’elle doit honorer.
219. Nous avons appris que le Conseil de l’Europe avait organisé, le 20 novembre 2007, un séminaire sur la Charte sociale européenne en coopération avec le ministère du Travail et des Affaires sociales. Les discussions entre les experts participant au séminaire ont montré que rien dans le droit serbe ne s’opposait à la ratification de ce texte.
220. En marge du séminaire, le ministre du Travail et des Affaires sociales, M. Rasim Ljajić, a informé la délégation du Conseil de l’Europe que la préparation de la ratification était en cours. Au cours de cette préparation, le Conseil de l’Europe sera sollicité pour ses conseils et des consultations seront menées avec les partenaires sociaux.
221. Nous saluons cette démarche positive et nous nous réjouissons à l’idée, dans un avenir proche, de féliciter la Serbie pour la ratification de la Charte.

5.4. Liberté d’expression et pluralisme des médias

5.4.1. Contexte général

222. Les dispositions de la nouvelle Constitution régissant la liberté d’expression et la liberté des médias sont globalement conformes aux normes européennes. L’article 46 garantit la liberté d’opinion et la liberté d’expression en spécifiant que ces libertés, dans une société démocratique, ne peuvent être limitées par la loi qu’afin de protéger les droits et la réputation d’autrui, garantir l’autorité et l’impartialité des tribunaux et protéger la santé et la morale publiques ainsi que la sécurité nationale de la république. De la même manière, l’article 50 garantit à tout un chacun la liberté de créer des journaux et de communiquer des informations au public sous d’autres formes sans autorisation préalable et dans le cadre prévu par la loi. La liberté de créer des médias électroniques est également garantie. Conformément au paragraphe 3 de l’article 50, la liberté des médias ne peut être limitée que par une décision de justice et «quand la situation l’exige dans une société démocratique afin de prévenir les appels à renverser de manière violente le régime constitutionnel, d’empêcher la violation de l’intégrité du territoire national, de s’opposer à la propagation de la guerre ou aux incitations directes à la violence, ou de prévenir les appels à la haine raciale, ethniqueou religieuse qui constituent une incitation à la discrimination, à l’hostilité ou à la violence».
223. Pourtant, malgré le cadre protecteur qu’offre la Constitution, les journalistes ne se sentent pas en sécurité. L’Association serbe des journalistes indépendants (NUNS) s’est dite préoccupée par la montée de la violence contre, notamment, les journalistes qui se livrent à des travaux d’investigation 
			(51) 
			Dosije
o medijima, no 22, avril-juillet 2007, «Nezavisno Udruženje
Novinara Srbije».. La tentative d’assassinat perpétrée contre un rédacteur du magazine Vreme, Dejan Anastasijević, cas récent le plus connu, illustre bien ce climat d’insécurité général 
			(52) 
			Pour
plus d’informations, voir Political Violence
in Serbia, publication de l’Initiative des jeunes pour
les droits de l’homme, soutenue par le Comité suédois d’Helsinki
pour les droits de l’homme, Belgrade, 2007.. M. Anastasijević a beaucoup écrit sur les crimes de guerre, le crime organisé et les activités des services de sécurité. Il a témoigné devant le TPIY dans le procès de Milošević. Le 13 avril 2007, une grenade à main explosait sous les fenêtres de son appartement situé au rez-dechaussée. L’agression contre M. Anastasijević a été vivement condamnée par toutes les personnalités de l’Etat, et en particulier par le Président Tadic et le Premier ministre Koštunica. Toutefois, l’affaire fait toujours l’objet d’une enquête et les auteurs de l’agression n’ont pas été retrouvés.
224. En 2007, l’association NUNS s’est enquise, à 17 reprises, auprès des autorités des progrès de l’enquête concernant les décès de trois journalistes (Radislava «Rada» Vujasinović, Slavko Ćuruvija, et Milan Pantić) sans recevoir de réponse claire. Il n’a apparemment pas été répondu à la plupart des lettres ou bien les réponses n’étaient pas jugées satisfaisantes et n’arrivaient qu’après l’intervention du commissaire chargé de l’accès aux informations d’intérêt général, Rodoljub Šabić 
			(53) 
			Dosije
o medijima, op. cit..
225. Nous condamnons vivement les actes de violence à l’encontre de journalistes. Les agressions contre les journalistes ne sont pas tolérables dans une société démocratique. Nous demandons aux autorités serbes d’enquêter sur ces actes de violence dans les meilleurs délais et les invitons à fournir un complément d’information concernant les progrès réalisés s’agissant des enquêtes sur les affaires de meurtre les plus notoires, mentionnées plus haut, dans le cadre du processus de suivi.

5.4.2. Concentration des médias

226. Bien que la situation des médias soit relativement diversifiée sur le plan du nombre de moyens d’information de masse écrits et électroniques, l’absence de pluralisme et la monopolisation de ces moyens par les groupes politiques et les dirigeants d’affaires suscite de graves préoccupations. Selon l’Association serbe des journalistes indépendants (NUNS) «aujourd’hui, tous les grands médias en Serbie sont contrôlés par les partisans de Milošević» 
			(54) 
			«Padejski Đ. Miloševićev
medijski amanet», in Dosije o medijima,
op. cit.. Cela a été démontré par une enquête récemment conduite par NUNS. Bien que les médias les plus influents soient la propriété de dirigeants d’affaires et de magnats locaux, l’emprise de l’Etat sur les médias reste très forte. L’étude indique qu’il n’y a que deux médias entièrement contrôlés par des intérêts étrangers (Blic et 24 sata, propriété de Ringier, Suisse, et TV Fox, propriété d’American News Corporation).
227. Nous encourageons vivement les autorités serbes à prendre les mesures qui conviennent afin d’accroître le pluralisme des médias, notamment, en favorisant la privatisation des médias existants et la création de nouveaux.

5.4.3. Médias électroniques: les activités de l’Office républicain de radiodiffusion

228. L’Office républicain de radiodiffusion a été créé en 2002 en tant qu’autorité de régulation de l’audiovisuel. Il a été créé à partir de la loi sur l’audiovisuel adoptée en 2002 et modifiée par la suite en 2005. Conformément à la loi, l’office est chargé:
  • de contrôler et d’assurer la bonne application des dispositions de la loi sur l’audiovisuel;
  • d’octroyer les licences de radiodiffusion et d’en déterminer les termes;
  • de superviser les activités des radiodiffuseurs sur le territoire de la république;
  • d’imposer les sanctions appropriées à l’encontre des radiodiffuseurs, conformément à cette loi;
  • de prescrire les règles engageant les radiodiffuseurs qui assurent la mise en œuvre de la politique audiovisuelle de la république.
229. Le Conseil de l’Office de radiodiffusion n’a pas été élu lors de la création de l’office en 2003 en raison de la controverse suscitée par les nominations litigieuses de trois de ses neuf membres. Après une modification de la loi, un nouveau conseil a été élu début 2005, à la quasiunanimité des 200 membres du parlement ayant pris part au scrutin. De nombreux observateurs nationaux et internationaux soutiennent que l’accord sur l’élection des membres du conseil est le fruit d’un pacte entre les principaux partis politiques.
230. Les activités de l’Office de radiodiffusion en matière d’octroi des licences sont particulièrement controversées. Les experts nationaux et étrangers, les associations professionnelles, les radiodiffuseurs et les organisations internationales se sont déclarés sérieusement préoccupés par les décisions du Conseil de la radiodiffusion en matière d’octroi des licences de radiodiffusion nationales. A la suite d’un appel d’offres public pour les fréquences nationales et régionales de Belgrade, l’office a accordé des licences à cinq radiodiffuseurs: TV Avala, Television B92, TV Pink, TV Fox, et TV Happy et TV Košava, pour l’usage en commun d’une seule fréquence.
231. Au total, 13 radiodiffuseurs ont participé à l’appel d’offres. Les fréquences ont été accordées dans une proportion de trois pour deux à des radiodiffuseurs entièrement nationaux. Nous avons appris qu’une des raisons de cette distribution de fréquences était la protection des radiodiffuseurs nationaux, conformément à la stratégie de développement de la radiodiffusion en Serbie qui court jusqu’en 2013.
232. Certains des diffuseurs qui n’ont pas été retenus par l’appel d’offres ont fait appel de la décision de l’office. La Cour suprême de Serbie a relevé certaines irrégularités de procédure dans les décisions prises, irrégularités qui, de l’avis de la Cour, pourraient avoir influencé le processus de décision. Nous avons été informés que l’office avait remédié aux irrégularités de procédure tout en confirmant ses décisions sur le fond. Apparemment, le seul recours au fond qui est toujours pendant devant la Cour suprême est celui déposé par RTL. Lors de notre réunion avec l’Office de radiodiffusion, nous n’avons pas obtenu d’informations claires sur la situation juridique concernant les irrégularités de procédure et les recours déposés en conséquence.
233. Nous sommes ressortis de nos réunions avec les représentants des médias et des ONG avec l’impression que la procédure d’octroi des fréquences était loin d’être complètement transparente. Si nous approuvons l’aspiration légitime de l’Office de radiodiffusion à mettre de l’ordre dans l’affectation des fréquences et à soutenir les radiodiffuseurs nationaux, nous considérons que ce travail doit être fait en toute transparence et dans le respect de la législation. Nous lançons un appel aux autorités serbes pour qu’elles poursuivent leurs efforts dans ce sens.
234. Enfin, nous avons appris que le Conseil de la radiodiffusion avait publié, en septembre 2007, une instruction contraignant la RTS (Radio Televizija Srbije – société nationale de radiodiffusion) à retransmettre en direct les séances du parlement sur sa deuxième chaîne, en semaine, de 10 heures à 18 heures. Si la retransmission en direct des débats parlementaires ne pose pas de problème de principe, le fait que l’autorité de réglementation du secteur de l’audiovisuel oblige le service public de la radiodiffusion à accomplir certaines activités peut, à notre avis, porter atteinte à l’indépendance éditoriale et à l’autonomie institutionnelle d’un radiodiffuseur qu’exige la Recommandation no R (1996) 10 du Comité des Ministres concernant la garantie de l’indépendance du service public de la radiodiffusion.
235. La presse a cependant rapporté que le Conseil de la radiodiffusion avait décidé, le 20 novembre 2008, de modifier l’instruction contraignante relative à la retransmission directe des séances du parlement par la RadioTélévision serbe (RTS), la transformant en recommandation. Pourtant, le Conseil de la radiodiffusion «continue apparemment de penser que cette retransmission devrait être poursuivie, car elle est pratiquée depuis seize ans».
236. De telles instructions représenteraient, à notre avis, une ingérence inappropriée de l’autorité de réglementation dans les activités du service public de la radiodiffusion. Nous recommandons à l’Office de radiodiffusion d’éviter d’émettre des instructions de ce type et de laisser le service public de radiodiffusion décider de ses programmes quotidiens.

5.5. La liberté d’association

237. Le ministère serbe de l’Administration publique et de l’Autonomie locale, en coopération avec le groupe de travail des organisations non gouvernementales, a rédigé une nouvelle loi sur les associations. Cette loi a été approuvée par le gouvernement et présentée au parlement le 15 octobre 2007. Elle a vocation à remplacer les lois en vigueur concernant les organisations et associations de la société civile, l’adhésion des citoyens aux associations ainsi que les organisations sociales et politiques. Plusieurs versions du projet de loi ont été préparées au cours des deux années écoulées et soumises au Conseil de l’Europe pour examen.
238. La version finale du projet de loi a été étudiée par les experts du Conseil de l’Europe en octobre 2006 
			(55) 
			PCRED/DGI/EXP (2006)
44.. Selon ces derniers, les auteurs de la loi ont tenu compte des remarques du Conseil de l’Europe et procédé à une nouvelle rédaction de la quasi-totalité des dispositions posant problème. Elle est maintenant conforme aux différentes normes européennes sur la liberté d’association.
239. Le projet de loi a été examiné en détail avec les principaux acteurs concernés lors de séminaires et de tables rondes organisés, pour certains, avec la participation du Conseil de l’Europe. Il a été étudié par la commission de l’Assemblée nationale de Serbie chargée de l’intégration européenne le 30 octobre 2007. Nous espérons que le parlement sera en mesure d’adopter prochainement la loi afin de mettre en place un nouveau cadre juridique national applicable aux associations qui soit conforme aux normes européennes.

5.6. Situation des réfugiés, des personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays et procédures d’asile

240. Selon les informations fournies par M. Dragiša Dabetić, commissaire serbe pour les réfugiés, et le bureau du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) en Serbie, depuis juillet 2007, on compte 97 701 réfugiés et 206 607 personnes déplacées qui vivent en Serbie. La plupart des réfugiés et des personnes déplacées ont un hébergement privé tandis qu’un petit nombre est installé dans 79 centres collectifs et 89 institutions spécialisées.
241. Au cours des deux dernières années, les autorités serbes se sont efforcées d’améliorer la situation des réfugiés et des personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays (PDI) en levant plusieurs obstacles aux solutions durables. Le nombre de réfugiés dans le pays a, de ce fait, été considérablement réduit 
			(56) 
			En 1996, le nombre
total de réfugiés dans la République fédérale de Yougoslavie était
de 548 000. Source: statistiques du HCR.. Il convient toutefois de déployer des efforts supplémentaires afin d’instaurer des conditions favorisant un retour durable et pour permettre la pleine intégration des réfugiés qui choisissent de rester. Huit années après la fin de la guerre du Kosovo, les PDI n’ont d’autre option que la perspective incertaine de rapatriement et l’absence de possibilité d’intégration locale; elles rencontrent de nombreuses difficultés pour faire respecter l’intégralité de leurs droits civiques de base. Depuis la fin de la guerre, le nombre total de personnes rapatriées de Serbie au Kosovo reste peu élevé (depuis 2002, il y a eu environ 7 500 rapatriements 
			(57) 
			Entre 2002 et avril
2007, environ 7 500 personnes ont été rapatriées de Serbie-Monténégro.
Source: statistiques du HCR.).

5.6.1. Situation des réfugiés

242. Le rapatriement volontaire des réfugiés en Croatie pose encore problème. Il nous a été indiqué que le HCR aidait les rapatriés, notamment en leur fournissant une assistance juridique pour les questions de restitution des biens et de naturalisation. S’ils sont très nombreux à être retournés en Croatie de manière organisée ou spontanément, les problèmes non réglés de propriété entravent encore le processus de rapatriement et les dissuadent de regagner leur pays.
243. La mise en œuvre de la Déclaration de Sarajevo (dite initiative «3 x 3», devenue processus «3 x 4» après l’indépendance du Monténégro) n’a pas avancé aussi bien qu’elle l’aurait pu. L’absence de consensus sur les «questions ouvertes» restantes – notamment la restitution aux réfugiés croates des droits de bail ou leur indemnisation – a ralenti le processus et empêché de finaliser les «feuilles de route».
244. Cela étant, nos discussions avec le commissaire serbe aux réfugiés et les responsables du HCR nous ont donné à penser que des progrès avaient été réalisés dans l’élaboration de solutions durables pour les réfugiés en Serbie. Leur nombre décroît et, comme nous l’avons mentionné précédemment, ils sont en ce moment encore 97 701 dans le pays. Pourtant, malgré des efforts significatifs de la part du gouvernement, l’intégration locale des réfugiés les plus vulnérables continue d’être un processus difficile (notamment dans le secteur du logement) en raison, principalement, de l’absence de capacité institutionnelle adéquate, de l’inefficacité des mécanismes de mise en œuvre des stratégies nationales de développement (à savoir la stratégie de réduction de la pauvreté) et de la pénurie de financement.

5.6.2. Situation des personnes déplacées à l’intérieur du Kosovo

245. La situation générale au Kosovo dans le domaine de la sécurité, l’absence de liberté de circulation et les conditions peu favorables à une réintégration durable (accès limité à l’emploi et aux services publics, règlement des questions relatives au logement, aux terres et aux biens) ont continué à peser sur les perspectives de retour durable et sûr des personnes déplacées. On a observé une très faible (voire inexistante) progression des retours en 2005 et une baisse en 2006.
246. Dans cette situation, les efforts déployés par le HCR afin de faciliter les retours individuels de ceux qui le souhaitent et de fournir assistance et protection aux PDI les plus vulnérables demeurant en Serbie sont dignes d’éloges. Le HCR s’est, notamment, attaché à fournir aux PDI des renseignements fiables afin de les aider à opter, de manière éclairée et libre, pour une solution durable, en leur apportant une aide juridique par le biais de ses partenaires sur le terrain et en les encourageant à prendre une part active aux processus institutionnels. Les discussions se poursuivent entre Belgrade et Pristina depuis la signature, en juin 2006, du Protocole sur le rapatriement volontaire durable et dans le cadre du groupe de travail sur le dialogue direct présidé par le HCR, mais aucun progrès notable n’a été constaté dans la mise en œuvre des rapatriements. Un sous-groupe technique a, cependant, été formé en vue de faciliter le processus de retour et d’aplanir les obstacles. Le groupe s’est réuni à trois reprises, obtenant quelques avancées dont le soutien conjoint des délégations de Belgrade et de Pristina à des projets particuliers. Il reste toutefois beaucoup à faire pour que le sous-groupe technique soit réellement efficace.
247. La situation des droits fondamentaux des PDI en Serbie reste un sujet de préoccupations, bien que le gouvernement, aidé du HCR, se soit considérablement investi afin de l’améliorer. Les Roms déplacés représentent une fraction particulièrement marginalisée, défavorisée et vulnérable de la population déplacée interne qui rencontre d’énormes difficultés pour avoir accès à une protection juridique, se faire inscrire sur les registres d’état civil, obtenir des papiers et jouir de ses droits socio-économiques de base.
248. L’absence de papiers d’identité est un problème particulièrement grave pour les PDI. Toutefois, ce problème est en voie d’être résolu. Selon les autorités serbes, l’enquête menée vers la fin 2007 en coopération avec le HCR et le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) a révélé que le nombre de PDI sans carte d’identité avait considérablement diminué par rapport à 2000. Actuellement, 10,6 % des PDI ont des difficultés pour se procurer des papiers d’identité.

5.6.3. Citoyenneté et apatridie

249. Si la République de Serbie est partie à la Convention de 1954 relative au statut des apatrides, elle n’a pas encore signé la Convention de 1961 sur la réduction des cas d’apatridie, ni la Convention européenne sur la nationalité (STE no 166). La nouvelle loi sur la citoyenneté est conforme aux normes juridiques internationales et comporte des dispositions en faveur de l’octroi de la nationalité serbe à un grand nombre de réfugiés de Bosnie-Herzégovine et de Croatie 
			(58) 
			Un total
de 143 000 réfugiés a été naturalisé entre 1996 et 2005. Source:
statistiques du HCR..
250. Il est à noter que des amendements à la loi sur la nationalité ont été adoptés par le Parlement serbe en septembre 2007. Selon ces amendements, la nationalité serbe peut être «accordée à toute personne de plus de 18 ans, capable de travailler et de signer une déclaration indiquant qu’elle considère la Serbie comme son pays» 
			(59) 
			Voir le site http://www.srbija.sr.gov.yu/vesti/vest.php?id=38768.. Une procédure spéciale permet également d’accorder la nationalité serbe aux citoyens du Monténégro qui étaient enregistrés comme résidant sur le territoire serbe le 3 juin 2006. Ils doivent, pour ce faire, présenter une demande et une déclaration écrite indiquant qu’ils se considèrent comme des citoyens serbes.
251. Il n’y a actuellement aucune donnée officielle sur le nombre d’apatrides vivant en Serbie. Le HCR estime qu’ils sont environ 17 000 dans ce cas.
252. La principale difficulté pour prévenir les cas d’apatridie semble être la complexité, la lenteur et, parfois, l’échec des procédures administratives d’inscription sur les registres d’état civil et d’enregistrement de résidence. Les citoyens ne peuvent jouir pleinement de leurs droits civiques, politiques et socio-économiques que lorsqu’ils détiennent une carte d’identité (lična karta) valide. Pour obtenir une lična karta, une personne doit être inscrite sur les registres d’état civil et avoir enregistré un lieu de résidence officiellement reconnu. Cette question difficile a un impact important sur l’accès des citoyens à la protection de l’Etat. Elle est particulièrement importante pour les PDI qui, pour accomplir les procédures d’inscription sur les registres d’état civil et/ou pour faire enregistrer leur résidence, ont besoin de papiers d’identité devant être extraits de registres. Ces registres peuvent être détruits ou manquants et, quand ils existent, avoir été transférés dans l’une des sept municipalités situées dans le centre ou le sud de la Serbie. Toutefois, selon les autorités serbes, des travaux sont en cours pour restaurer les registres détruits ou manquants, et, jusqu’à présent, on compte 105 195 entrées récupérées avec les données appropriées. Une autre mesure louable est la décision du ministère serbe de l’Education d’assurer à chaque enfant une éducation primaire, quelle que soit sa nationalité.
253. Il apparaît que les personnes déplacées appartenant aux communautés rom, ashkalie et égyptienne sont encore plus exposées car un grand nombre d’entre elles n’ont jamais été inscrites dans les registres de naissance et de nationalité. Toutefois, nous avons appris que la loi sur les registres d’état civil et les directives sur la tenue de ces registres permettaient d’enregistrer les naissances a posteriori.
254. Si ces efforts de la part des autorités sont louables, nous pensons qu’il est nécessaire de revoir systématiquement la législation qui régit les procédures d’enregistrement de l’état civil et de la résidence. Nous encourageons les autorités serbes à entreprendre cette révision dans les meilleurs délais.

5.6.4. Procédures d’asile

255. Le 24 novembre 2007, l’Assemblée nationale de la République de Serbie a adopté la loi sur l’asile. Selon les autorités serbes, cette loi a mis en conformité la législation nationale avec les normes internationales.
256. Cette loi prévoit une procédure détaillée d’octroi d’asile adaptée à la situation particulière et aux besoins des personnes concernées. Elle permet aussi à l’Etat de se protéger contre d’éventuels abus massifs du droit d’asile. La loi prévoit la création de trois organes spéciaux intervenant dans le processus d’octroi du droit d’asile. Le premier est le Bureau d’asile au sein du ministère de l’Intérieur qui a autorité pour décider en première instance. Le deuxième est la Commission d’asile établie par le Gouvernement de la République de Serbie, qui a compétence pour trancher en deuxième instance. Le troisième organe est le Centre d’asile au sein du bureau du commissaire pour les réfugiés, qui offre un hébergement, de la nourriture et d’autres services aux demandeurs d’asile pendant toute la durée de la procédure.
257. La nouvelle loi est entrée en vigueur le 1er avril 2008.

5.6.5. Réadmission

258. En plus de la signature de l’Accord de stabilisation et d’association avec l’Union européenne, la Serbie a ratifié le 7 novembre 2007 un accord avec l’Union sur la réadmission des personnes en situation irrégulière. La plupart des analystes estiment que, dans les prochains mois, un nombre important de personnes seront rapatriées d’Europe occidentale vers la Serbie.
259. Nous recommandons aux autorités serbes d’élaborer une stratégie globale pour régler la question des rapatriés. Nous les félicitons d’avoir mis au point un manuel d’instructions pour l’intégration des rapatriés. Ce document pourrait servir de base pour élaborer une stratégie et un plan d’action.

5.7. Lutte contre le racisme et l’intolérance

260. Nous avons été informés que les autorités serbes avaient élaboré une loi antidiscrimination, qui a été transmise au Conseil de l’Europe et évaluée par la Commission de Venise 
			(60) 
			Voir
l’Avis n° 453/2007 du 22 janvier 2008 (CDL-AD(2008)001).. Nous invitons les autorités serbes à tenir vraiment compte des recommandations de cette dernière et d’adopter la loi dès que possible.
261. Par ailleurs, nous suivrons attentivement les travaux de la Commission européenne contre le racisme et l’intolérance (plus connue sous l’appellation ECRI), qui a récemment établi son premier rapport sur la Serbie 
			(61) 
			Voir
document CRI (2008) 25.. Ce rapport fait observer que la Constitution serbe consacre les principes de non-discrimination et de protection des droits des minorités, et prévoit que l’Etat encourage la compréhension, la reconnaissance et le respect de la diversité ethnique, culturelle, linguistique et religieuse. Le nouveau Code pénal de 2006 interdit les crimes racistes et la discrimination raciale. Les autorités ont pris plusieurs mesures pour améliorer la situation des Roms, notamment dans le domaine de l’accès aux soins de santé, qui commencent à porter leurs fruits. Nous sommes très satisfaits de ces mesures encourageantes.
262. Par ailleurs, notons que des domaines problématiques persistent. Le projet de loi sur la lutte contre la discrimination n’a toujours pas été adopté et la Serbie doit encore promulguer des dispositions exhaustives contre la discrimination raciale dans le droit civil et administratif. La loi sur les Eglises et les communautés religieuses et son application ne permettent pas à toutes les communautés religieuses présentes en Serbie d’exercer pleinement leur droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion consacré par l’article 9 de la Convention européenne des droits de l’homme. Le Code pénal demeure trop rarement appliqué aux personnes qui commettent des infractions racistes à l’encontre des minorités nationales ou ethniques, et des minorités religieuses, ou des crimes antisémites. La situation des Roms, des Ashkalis et des Egyptiens déplacés à l’intérieur du pays demeure précaire. Qui plus est, nous sommes inquiets au sujet des informations transmises par les ONG et les défenseurs des droits de l’homme concernant des cas de discrimination à l’encontre de personnes homosexuelles, bisexuelles et transgenres/transsexuelles.
263. Il importe que nous suivions de près la mise en œuvre des recommandations de l’ECRI durant les prochaines étapes de la procédure de suivi.

5.8. Droits des minorités nationales

5.8.1. Cadre constitutionnel et législatif

264. Les droits des minorités nationales sont protégés par la nouvelle Constitution serbe. La Constitution protège «les droits individuels ou collectifs spéciaux» des minorités, «outre les droits garantis à tous les citoyens» de Serbie (article 75, paragraphe 1). De plus, la Constitution octroie aux représentants des minorités nationales le droit de participer aux processus décisionnels ou de prendre eux-mêmes des décisions en toute indépendance sur certaines questions ayant trait à la culture, l’éducation, l’information et l’usage officiel de leur langue minoritaire parlée et écrite (article 75, paragraphe 2). La discrimination à l’égard des minorités nationales est interdite (article 76). Des mesures spéciales visent à assurer que les représentants des minorités nationales sont convenablement représentés dans les organes de l’Etat, la fonction publique et les administrations autonomes provinciales et locales (article 77, paragraphe 3).
265. Une autre disposition importante de la Constitution est l’interdiction de toute assimilation forcée (article 78). En particulier, la Constitution interdit «strictement les mesures qui entraîneraient des changements artificiels de la structure ethnique de la population dans les régions où vivent traditionnellement en grand nombre les membres de minorités nationales» 
			(62) 
			A cet égard, nous faisons
observer que les représentants de toutes les communautés minoritaires
que nous avons rencontrés au cours de notre visite en Vojvodine
ont exprimé des inquiétudes quant aux modifications de la structure ethnique
de la région qui se sont produites ces dix dernières années. Nous
avons reçu l’assurance des autorités serbes que les réfugiés et
les personnes déplacées ne s’étaient pas rendus en Vojvodine de
façon planifiée et que leur installation sur le territoire de la
province ne joue pas sur l’exercice des droits des minorités. Nous
pensons que, en tenant compte de l’obligation constitutionnelle
de ne pas causer de changement artificiel de la structure ethnique
de la population dans les régions où vivent traditionnellement en
grand nombre des minorités nationales, les autorités serbes trouveront
la voie pour faire face aux préoccupations des minorités, particulièrement
à la lumière des conséquences possibles de la mise en œuvre de l’accord
sur la réadmission..
266. L’article 79 énonce la liste complète des droits garantis aux minorités en vue de préserver leur spécificité. Nous nous félicitons de cette liste étendue des droits. Leur mise en application est définie par la loi sur la sauvegarde des droits et libertés des minorités nationales ainsi que par plusieurs lois et règlements sectoriels des provinces autonomes, comme la loi sur l’éducation primaire, la loi sur l’enseignement secondaire, la loi sur les fondements du système éducatif, la loi sur l’usage officiel de la langue et de l’alphabet, la loi sur l’élection de représentants, la loi sur les activités d’intérêt général dans le domaine de la culture, la loi sur la radiodiffusion, la loi sur l’information publique, la décision de l’Assemblée provinciale de la province autonome de Vojvodine sur la réglementation détaillée des questions relatives à l’usage officiel des langues et alphabets, la décision de l’Assemblée provinciale de Vojvodine sur l’élection des membres de l’assemblée, etc.
267. La participation des minorités nationales à la vie politique est facilitée par la suppression du seuil électoral de 5 % aux élections législatives. En conséquence, un certain nombre de représentants des minorités ont été élus au parlement et ont constitué leur propre groupe. En ce qui concerne les assemblées locales et provinciales, l’article 180, paragraphe 4, de la Constitution dispose que «dans les provinces autonomes et les entités de l’autonomie locale où la population est constituée de diverses nationalités, une représentation proportionnelle des minorités nationales dans les assemblées doit être prévue conformément à la loi». Cette disposition est à saluer.
268. Le rapporteur de la commission des questions juridiques et des droits de l’homme, M. Jürgen Herrmann (Allemagne, PPE/DC), a préparé un rapport qui examine tout particulièrement la situation des minorités nationales en Serbie (et notamment en Vojvodine, ainsi que la situation de la minorité ethnique roumaine en Serbie), qui sera examiné prochainement par l’Assemblée. Nous sommes d’accord avec les conclusions de M. Herrmann et invitons les autorités à mettre en œuvre les recommandations contenues dans son rapport.

5.8.2. Rôle des conseils nationaux des minorités

269. Aux termes de l’article 75, paragraphe 3, de la Constitution, les personnes qui appartiennent à des minorités nationales peuvent élire leurs propres conseils afin d’exercer leur droit à l’autonomie dans le domaine de la culture, de l’éducation, de l’information et de l’usage officiel de leur langue parlée et écrite, conformément à la législation. Les conseils nationaux des minorités fonctionnent en Serbie depuis quelque temps déjà. Le Comité consultatif de la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales a souligné, dans son avis de 2003, l’intérêt potentiel de ces conseils pour améliorer la participation des minorités aux processus de décision. Il a également appelé l’attention des autorités sur la nécessité de leur garantir un niveau de financement approprié et d’éviter leur politisation excessive.
270. Le Département des droits de l’homme et des minorités du Gouvernement serbe a élaboré un projet de loi sur les élections et les pouvoirs des conseils nationaux des minorités, qui a ensuite été évalué par les experts du Conseil de l’Europe. Une table ronde a été organisée le 27 mai 2007 pour examiner ce projet de loi. A cette occasion, les experts du Conseil de l’Europe ont avancé que certaines dispositions du projet de loi n’étaient pas suffisamment explicites et que le texte insistait trop sur les obligations incombant aux conseils alors que l’obligation faite aux autorités de l’Etat de faire participer les conseils aux processus décisionnels n’était pas formulée avec suffisamment de clarté. De plus, les experts ont contesté le fait que la loi impose un critère de citoyenneté pour devenir membre des conseils et y participer. Ce critère est susceptible d’avoir un effet négatif sur la défense des droits des Roms et des apatrides, qui peuvent ainsi se voir privés de participer aux activités des conseils. Les autorités serbes nous ont informés que le critère de citoyenneté avait été introduit dans le projet de loi à partir de la définition de minorité nationale contenue dans la loi sur la sauvegarde des droits et libertés des minorités nationales. Nous comprenons la position des autorités serbes, mais nous recommandons de réfléchir à des solutions juridiques de remplacement pour donner la possibilité aux représentants des communautés ethniques qui n’ont pas la citoyenneté serbe, mais qui vivent sur le territoire de la Serbie, de participer aux travaux des conseils.
271. Nous avons été informés que le ministère de l’Administration publique et de l’Autonomie locale se chargeait de l’élaboration de la loi préalablement confiée au département et en préparait une version révisée. Nous espérons que les experts du ministère tiendront compte des recommandations du Conseil de l’Europe dans ce processus et présenteront une version révisée de la loi aux experts du Conseil de l’Europe pour évaluation.
272. L’adoption d’une nouvelle loi sur les conseils nationaux des minorités est essentielle, car les mandats des conseils actuels vont bientôt expirer. Certes, tous les conseils que nous avons rencontrés ont reçu l’assurance que leurs mandats resteraient valides jusqu’à l’adoption d’une nouvelle loi et la tenue de nouvelles élections, mais il est très important d’achever l’élaboration du cadre législatif au plus tôt afin de confirmer et de légitimer le rôle des conseils, de façon à rassurer les minorités.
273. Il existe aussi un Conseil républicain des minorités nationales qui travaille à Belgrade sous la présidence du Premier ministre. Cependant, selon les informations qui nous ont été fournies, ce conseil ne s’est pas réuni une seule fois au cours des deux années écoulées. Cette situation préoccupe les représentants des communautés minoritaires qui en déduisent que leurs intérêts ne sont pas pris en compte à Belgrade. En outre, les représentants des minorités estiment que la législation de protection n’est pas très bien appliquée et que, dans la pratique, il faudrait que le gouvernement central redouble d’efforts pour leur permettre d’exercer pleinement leurs droits. Il nous a été dit que la part du budget allouée au fonctionnement des conseils nationaux des minorités avait été retirée de la première proposition de budget présentée par le gouvernement au parlement. Selon les autorités serbes, cela n’a pas été le cas et le Département des droits de l’homme et des minorités du Gouvernement serbe a proposé une augmentation significative des crédits budgétaires affectés au fonctionnement des conseils nationaux en 2008 (les crédits ont été augmentés de 138 %, passant de 63 millions de dinars en 2007 à 150 millions de dinars en 2008). Nous nous félicitons de cette mesure positive de soutien aux activités des conseils nationaux et espérons une bonne coopération entre le gouvernement et les conseils en 2008 de sorte que les crédits budgétaires pour 2009 ne donnent pas lieu à des rumeurs et des spéculations.
274. De la même façon, la mise en œuvre des accords bilatéraux sur la protection des minorités nationales serbes que la Serbie a conclus avec les Etats voisins 
			(63) 
			A notre connaissance,
la Serbie a conclu ces accords avec la Hongrie, «l’ex-République
yougoslave de Macédoine», la Roumanie et la Croatie. ne s’est pas déroulée aussi bien qu’elle aurait dû parce que les représentants de la Serbie et des Etats concernés dans les commissions mixtes établies par les accords n’ont pas encore été désignés. Nous recommandons aux autorités serbes et aux autorités des Etats concernés d’engager promptement des consultations pour rendre ces commissions mixtes opérationnelles dans les plus brefs délais.
275. De nos réunions avec les représentants des minorités nationales, nous avons très largement retiré l’impression que les minorités avaient une perception tout à fait différente de celle des autorités de l’application de leurs droits spéciaux garantis par la Constitution. Nous reconnaissons que les autorités serbes font des efforts louables pour protéger et promouvoir les droits des communautés minoritaires. Toutefois, le fait que ces communautés ne soient pas pleinement satisfaites de ces mesures indique qu’il faut améliorer le dialogue entre Belgrade et les minorités. Dans la situation actuelle, à la suite de l’adoption par l’Assemblée du Kosovo de la déclaration unilatérale d’indépendance, les inquiétudes des minorités seront probablement aggravées par la crainte d’une montée des sentiments nationalistes dans la société. Plusieurs incidents violents à l’encontre des minorités sont déjà survenus dans les jours qui ont suivi l’adoption de la déclaration unilatérale d’indépendance. Il est extrêmement important dans ce contexte d’envoyer un message rassurant aux minorités en condamnant la violence clairement et sans équivoque et en ouvrant des enquêtes sur les cas d’agression violente. Nous appelons les autorités serbes à prendre des mesures positives à cet égard.
276. Nous reconnaissons que les autorités serbes ont déjà pris un certain nombre de mesures positives pour assurer pleinement l’application des droits des minorités. Ce sont l’adoption de la Constitution de Serbie, l’abrogation du seuil électoral de 5 % pour les partis des minorités nationales qui participent aux élections législatives, l’adoption des conclusions du Gouvernement serbe relatives à une plus grande participation des minorités dans l’administration publique, qui sont actuellement mises en œuvre en partenariat avec les conseils nationaux (une des mesures prévues est la traduction des avis de concours publics dans les langues des minorités et leur publication dans les médias des minorités sélectionnés par les conseils nationaux), les mesures spéciales qui sont prises par les autorités pour augmenter la participation des minorités dans le corps judiciaire, le transfert des droits d’administration de certains médias aux conseils nationaux, le financement public des médias des minorités ainsi que leur exclusion du processus de privatisation obligatoire.
277. Nous recommandons aux autorités de continuer à travailler avec les minorités nationales et leurs conseils nationaux pour mettre en œuvre ces mesures dans un esprit de dialogue et de partenariat.

5.8.3. Mise en œuvre de la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales

278. Un premier avis du comité consultatif sur ce qui était alors la Serbie-Monténégro a été adopté en 2003. Le deuxième rapport étatique était attendu pour le 1er septembre 2007. Le comité consultatif espère qu’il sera présenté rapidement afin de lancer le deuxième cycle de suivi. Le secrétariat du comité consultatif a reçu le rapport du deuxième cycle le 4 mars 2008. Des rapports parallèles établis par des ONG ont aussi été publiés.
279. Nous suivrons attentivement les travaux du Comité consultatif de la Convention-cadre sur la protection des minorités nationales dans le cadre du processus de suivi.

5.8.4. Mise en œuvre de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires

280. Depuis mars 2005, la Serbie est partie à la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires. Après ratification en février 2006, la charte est entrée en vigueur le 1er juin 2006.
281. En ratifiant la charte, la Serbie a décidé d’appliquer les mesures de protection spéciale prévues dans la partie III de la charte, aux langues suivantes: albanais, bosniaque, bulgare, hongrois, romani, roumain, ruthène, slovaque, ukrainien et croate.
282. Par ailleurs, la Serbie a émis une réserve précisant que l’expression «territoire dans lequel une langue régionale ou minoritaire est pratiquée» se réfère aux régions dans lesquelles l’usage des langues régionales et minoritaires est officiel, en accord avec la législation nationale 
			(64) 
			Voir
le site <a href='http://conventions.coe.int/Treaty/Commun/ListeDeclarations.asp?NT=148&CM=2&DF=12/4/2007&CL=ENG&VL=1'>http://conventions.coe.int/Treaty/Commun/ListeDeclarations.asp?NT=148&CM=2&DF=12/4/2007&CL=ENG&VL=1</a>.. La loi sur la sauvegarde des droits et libertés des minorités nationales introduit l’obligation de l’usage officiel des langues et alphabets des minorités nationales qui représentent plus de 15 % de la population totale. De plus, elle introduit l’obligation de l’usage officiel des langues et alphabets des minorités nationales dans les entités autonomes où l’usage officiel de la langue était reconnu au moment de l’adoption de cette loi, même si le pourcentage des membres des minorités nationales était inférieur à 15 %.
283. Le 11 juillet 2007, les autorités ont présenté le premier rapport périodique sur la mise en œuvre de la charte, qui compte environ 400 pages. Un «contre-rapport» a été préparé par le Centre des droits de l’homme de Vojvodine. Le rapport a été rendu public et est disponible sur le site web du Centre des droits de l’homme 
			(65) 
			Voir le site <a href='http://www.vojvodina-hrc.org/'>www.vojvodina-hrc.org</a>..
284. Le Comité d’experts de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires est en train d’examiner le rapport des autorités. Nous étudierons attentivement les conclusions du comité d’experts et en tiendrons compte dans le cadre du processus de suivi.

5.9. Réforme de l’éducation

285. La réforme du secteur de l’éducation est une tâche particulièrement complexe dont la Serbie doit s’acquitter. Selon les autorités, le processus de réforme ne devrait pas se limiter aux seuls enjeux structurels (notamment la délégation des responsabilités aux autorités locales quant à la gestion des établissements scolaires, les investissements dans les infrastructures, l’élaboration de nouveaux programmes et la formation des enseignants). Il importe également de revoir complètement l’héritage difficile lié aux conflits qu’a connus l’ex-Yougoslavie et avec lequel la Serbie est bien obligée de vivre. Dans ce contexte, l’élaboration d’une stratégie de réforme globale de l’éducation s’impose.
286. Malheureusement, nous n’avons pas obtenu d’informations sur les mesures prises par les autorités pour enseigner les principes de tolérance, le respect d’autrui et des différences à l’école. Nous espérons pouvoir examiner ces mesures dans la suite du processus de suivi. Entretemps, nous recommandons que les autorités continuent la réforme de l’éducation et prennent leurs dispositions pour enseigner les principes de tolérance, le respect d’autrui, le dialogue interculturel et la réconciliation.

6. Conclusions et suite de la procédure de suivi

287. Ces dernières années, la Serbie a traversé une période de turbulences et de mutation. Dans ce contexte, la mise en œuvre des obligations et engagements contractés au titre de l’adhésion au Conseil de l’Europe s’est ralentie, principalement du fait du dysfonctionnement institutionnel de l’union d’état de Serbie-Monténégro.
288. Toutefois, avec l’indépendance du Monténégro et la dissolution de l’union d’état, la Serbie a dû relever de nouveaux défis en matière de réformes démocratiques. L’adoption de la nouvelle Constitution a modifié le cadre politique et institutionnel. Les autorités doivent maintenant engager une restructuration complète des principales institutions démocratiques. Deux élections législatives en deux années civiles, suivies des élections présidentielle, provinciales et locales, ainsi que les négociations laborieuses sur la coalition gouvernementale, ont empêché le pays de mettre en œuvre rapidement les réformes démocratiques nécessaires. Enfin, dernier point important, l’adoption par le Kosovo de la déclaration unilatérale d’indépendance constitue pour les autorités un important défi à relever.
289. Malgré cette situation, nous sommes convaincus que la Serbie progresse sur la voie de l’intégration européenne. Les perspectives européennes du pays ont été clairement confirmées lors des élections présidentielles du 20 janvier et du 3 février 2008, et par la victoire retentissante du bloc proeuropéen aux élections législatives du 11 mai. Le temps est venu de transformer les aspirations démocratiques et européennes du pays en actions concrètes afin de mettre en œuvre des réformes trop longtemps différées et de mener à bien les transformations démocratiques indispensables. Ces réformes doivent être mises en place en coopération étroite avec l’ensemble des acteurs politiques pour faire de l’intégration européenne une vision de l’avenir du pays partagée par tous.
290. Aujourd’hui, comme jamais auparavant, notre Assemblée se tient prête à soutenir ce processus. Dans ce but, nous adressons aux autorités plusieurs recommandations qui les aideront à mener à bien la coopération avec le TPIY, à consolider les institutions démocratiques et l’Etat de droit ainsi qu’à renforcer la protection des droits de l’homme et des minorités.
291. En attendant que ces recommandations soient mises en application, l’Assemblée doit continuer à suivre la mise en œuvre des obligations et engagements de la Serbie, en apportant tout le soutien politique nécessaire aux réformes engagées.

Commission chargée du rapport: commission pour le respect des obligations et engagements des Etats membres du Conseil de l’Europe (commission de suivi).

Renvoi en commission: Résolution 1115 (1997) et Avis no 239 (2002).

Projet de résolution et projet de recommandation adoptés à l’unanimité par la commission le 11 septembre 2008.

Membres de la commission: M. Serhiy Holovaty (Président), M. György Frunda (1er Vice-Président), M. Konstantin Kosachev (2e Vice-Président), M. Leonid Slutsky (3e Vice-Président), M. Aydin Abbasov, M. Avet Adonts, M. Pedro Agramunt, M. Miloš Aligrudić, Mme Meritxell Batet Lamaña, M. Ryszard Bender, M. József Berényi, M. Aleksandër Biberaj, M. Luc Van den Brande, M. Jean-Guy Branger, M. Mevlüt Çavuşoğlu, M. Sergej Chelemendik, Mme Lise Christoffersen, M. Boriss Cilevičs, M. Georges Colombier, M. Telmo Correia, M. Valeriu Cosarciuc, Mme Herta Däubler-Gmelin, M. Joseph Debono Grech, M. Juris Dobelis, Mme Josette Durrieu, M. Mátyás Eörsi, Mme Mirjana Ferić-Vac, M. Jean-Charles Gardetto, M. József Gedei, M. Marcel Glesener, M. Charles Goerens, M. Andreas Gross, M. Michael Hagberg, M. Holger Haibach, Mme Gultakin Hajiyeva, M. Michael Hancock, M. Davit Harutyunyan, M. Andres Herkel, M. Raffi Hovannisian, M. Kastriot Islami, M. Miloš Jevtić, Mme Evguenia Jivkova, M. Hakki Keskin, M. Ali Rashid Khalil, M. Andros Kyprianou, M. Jaakko Laakso, Mme Sabine Leutheusser-Schnarrenberger, M. Göran Lindblad, M. René van der Linden, M. Eduard Lintner, M. Younal Loutfi, M. Pietro Marcenaro, M. Mikhail Margelov, M. Bernard Marquet, M. Dick Marty, M. Miloš Melčák, Mme Assunta Meloni, Mme Nursuna Memecan, M. João Bosco Mota Amaral, M. Theodoros Pangalos, Mme Maria Postoico, M. Christos Pourgourides, M. John Prescott, M. Andrea Rigoni, M. Dario Rivolta, M. Armen Rustamyan, M. Indrek Saar, M. Oliver Sambevski, M. Kimmo Sasi, M. Andreas Schieder, M. Samad Seyidov, Mme Aldona Staponkienė, M. Christoph Strässer, Mme Elene Tevdoradze, M. Mihai Tudose, M. Egidijus Vareikis, M. Miltiadis Varvitsiotis, M. José Vera Jardim, Mme Birutė Vėsaitė, M. Piotr Wach, M. Robert Walter, M. David Wilshire, Mme Renate Wohlwend, Mme Karin S. Woldseth, M. Boris Zala, M. Andrej Zernovski.

N.B. Les noms des membres présents à la réunion sont indiqués en gras.

Ce texte sera débattu ultérieurement.