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Rapport | Doc. 12493 | 25 janvier 2011

Violence à l’encontre des chrétiens au Proche et au Moyen-Orient

Commission des questions politiques et de la démocratie

Rapporteur : M. Luca VOLONTÈ, Italie, PPE/DC

Origine - Renvoi en commission, Renvoi 3726 du 24 janvier 2011. 2011 - Première partie de session

Résumé

L’Assemblée parlementaire exprime son inquiétude face à l’augmentation du nombre d’attaques contre les communautés chrétiennes au Proche et au Moyen-Orient et condamne vigoureusement les événements tragiques à Bagdad en octobre 2010 et à Alexandrie en janvier 2011.

La coexistence de congrégations religieuses est un signe de pluralisme et de l’existence d’un environnement propice au développement de la démocratie et des droits de l’homme. L’Assemblée est convaincue que la disparition des communautés chrétiennes au Proche et au Moyen-Orient serait également catastrophique pour l’islam, car elle signifierait la victoire du fondamentalisme.

Elle s’adresse aux Etats membres, aux Etats du Proche et du Moyen-Orient, aux chefs religieux et à l’Union européenne et recommande que le Comité des Ministres prenne un certain nombre de mesures relatives à l’état de la liberté religieuse et des droits connexes.

A. Projet de recommandation 
			(1) 
			. Projet de recommandation
adopté par la commission le 25 janvier 2011.

(open)
1. L’Assemblée parlementaire rappelle que la Chrétienté a pris sa source au Proche-Orient il y a deux mille ans et que, depuis lors, il y a toujours eu des communautés chrétiennes dans cette région.
2. Ces communautés, constituées d’autochtones, ont vu leurs membres diminuer ces cent dernières années, pour l’essentiel du fait d’un faible taux de natalité combiné aux migrations qui, en certains endroits, sont déclenchées par la discrimination et les persécutions.
3. La situation s’est aggravée au début du XXIe siècle et, si elle n’est pas traitée convenablement, elle pourrait aboutir à la disparition – dans très peu de temps – des communautés chrétiennes du Proche et du Moyen-Orient, ce qui entraînerait la disparition d’une part significative de l’héritage religieux des pays concernés.
4. L’année 2010 a été marquée par l’augmentation des attentats à l’encontre des communautés chrétiennes dans le monde, ainsi que par la hausse du nombre de procès et condamnations à mort pour blasphème, qui concernent souvent les femmes; comme dans le cas de Mme Asia Bibi.
5. Les relations entre les communautés chrétiennes au Proche et au Moyen-Orient et les musulmans, majoritaires, n’ont pas toujours été faciles. On signale dans toute la région une discrimination et des cas d’extrêmes violences se sont produits sporadiquement dans plusieurs pays. Dans certains pays musulmans, les pouvoirs publics n’ont pas toujours donné les bons signaux concernant les communautés religieuses établies sur leur territoire.
6. Deux événements récents ont été particulièrement tragiques: le 31 octobre 2010, une prise d’otages dans la cathédrale catholique syriaque de Notre-Dame du Salut à Bagdad s’est terminée en massacre de fidèles dont 58 ont péri et 75 autres ont été blessés. Un attentat-suicide à la bombe dans une église copte d’Alexandrie a tué 21 personnes, et 79 autres ont été blessés, alors que les fidèles sortaient de la messe de minuit le 1er janvier 2011.
7. L’Assemblée condamne ces attentats avec la plus grande fermeté et exprime ses sincères condoléances aux familles des victimes, sa sympathie aux blessés et sa solidarité avec leurs familles.
8. Elle rappelle que la liberté de pensée, la liberté de conscience et la liberté de religion, y inclus la liberté de changer de religion, sont des droits humains universels, consacrés par l’article 18 de la Déclaration universelle des droits de l’homme, que chaque Etat membre des Nations Unies s’est engagé à garantir. Elle souhaite également attirer l’attention sur l’article 18 du Pacte international de 1966 relatif aux droits civils et politiques, sur la Déclaration des Nations Unies de 1981 sur l’élimination de toutes les formes d’intolérance et de discrimination fondées sur la religion ou la conviction, sur les rapports de la rapporteuse spéciale des Nations Unies sur la liberté de religion ou de croyance et en particulier ses rapports du 29 décembre 2009, 16 février 2010 et 29 juillet 2010, sur l’article 9 de la Convention européenne des droits de l’homme et sur l’article 10 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.
9. La coexistence de congrégations religieuses est un signe de pluralisme et de l’existence d’un environnement propice au développement de la démocratie et des droits de l’homme. L’Assemblée est convaincue que la disparition des communautés chrétiennes du Proche-Orient serait aussi catastrophique pour l’islam, car elle signifierait la victoire du fondamentalisme.
10. Elle souhaite sensibiliser à la nécessité de combattre tous types de fondamentalisme religieux et la manipulation de croyances religieuses pour des motifs politiques, ces deux phénomènes étant si souvent à la source du terrorisme que nous connaissons actuellement. L’éducation et le dialogue sont deux outils importants qui pourraient contribuer à la prévention de ces fléaux.
11. Etant donné qu’il est toujours plus nécessaire d’analyser et de comprendre l’évolution des développements culturels et religieux dans les relations internationales et les sociétés contemporaines, l’Assemblée recommande au Comité des Ministres:
11.1. de mettre en place une capacité permanente – en coopération avec le Commissaire aux droits de l’homme et la Direction générale des droits de l’homme et des affaires juridiques – pour suivre la situation des restrictions gouvernementales et sociétales à la liberté de religion et aux droits connexes dans les Etats membres du Conseil de l’Europe et les Etats du Proche et du Moyen-Orient, et de rendre compte régulièrement à l’Assemblée;
11.2. d’élaborer d’urgence une stratégie du Conseil de l’Europe pour faire respecter la liberté de religion (y inclus la liberté de changer de religion) en tant que droit de l’homme, avec une liste de mesures pouvant être prises à l’encontre d’Etats qui sciemment ne protègent pas les confessions religieuses;
11.3. de porter une attention accrue au sujet de la liberté de religion ou de croyance et à la situation des communautés religieuses, y compris chrétiennes, dans sa coopération avec des pays tiers ainsi que dans les rapports sur les droits de l’homme;
12. L’Assemblée invite les Etats membres:
12.1. à réaffirmer que le développement des droits de l’homme, de la démocratie et des libertés civiques est la base commune sur laquelle ils construisent leurs relations avec des pays tiers et à veiller à ce que les accords entre eux et des pays tiers comportent une clause sur la démocratie;
12.2. à prendre en compte la situation des communautés religieuses chrétiennes et autres dans leur dialogue politique bilatéral avec les pays concernés;
12.3. à promouvoir une politique, au niveau national et au niveau du Comité des Ministres, qui intègre la question du respect des droits fondamentaux des minorités chrétiennes dans les relations avec des pays étrangers;
12.4. à produire, promouvoir et diffuser des supports pédagogiques traitant les stéréotypes et préjugés antichrétiens ainsi que la christianophobie en général;
12.5. à ne pas encourager les membres des communautés chrétiennes du Proche-Orient à chercher refuge en Europe, à moins que la survie de ces communautés ne devienne impossible; mais, si tel est le cas, les Etats membres devraient prendre pleinement en compte les recommandations du haut-commissariat des Nations Unies pour les réfugiés sur le traitement des questions de demande d’asile et de renvoi dans le pays d’origine;
12.6. à élaborer une politique globale d’asile basée sur des motifs religieux, qui reconnaîtrait en particulier la situation spécifique de ceux qui se convertissent à une autre religion;
12.7. à promouvoir des politiques pour aider à reloger des réfugiés chrétiens dans leurs pays d’origine et soutenir les communautés offrant localement un refuge aux minorités chrétiennes du Proche-Orient;
12.8. à soutenir des initiatives visant à promouvoir le dialogue entre communautés religieuses au Proche-Orient;
12.9. à promouvoir et faciliter les relations entre les diasporas chrétiennes et leurs communautés d’origine.
13. A la suite de l’adoption par le Parlement européen d’une Résolution sur la situation des chrétiens dans le contexte de la liberté de religion, le 20 janvier 2011, l’Assemblée parlementaire appelle la Turquie à clarifier pleinement les circonstances entourant l’interruption de la célébration de la messe de Noël dans les villages de Rizokarpaso et Ayia Triada dans la partie nord de Chypre le 25 décembre 2010 et de faire comparaître devant la justice les responsables.
14. L’Assemblée demande instamment à l’Irak et à l’Egypte de faire preuve de transparence et de détermination pour traduire aussitôt que possible en justice les auteurs des attentats de Bagdad et d’Alexandrie.
15. L’Assemblée demande en outre instamment à tous les Etats du Proche et du Moyen-Orient:
15.1. de condamner sans ambiguïté non seulement les attentats meurtriers contre des personnes innocentes mais aussi le recours à la violence en général et tout type de discrimination et d’intolérance fondé sur la religion et les croyances;
15.2. de promouvoir une éducation positive sur les religions, y compris les minorités chrétiennes;
15.3. de soutenir activement les initiatives visant à promouvoir la dimension interreligieuse du dialogue.
16. L’Assemblée invite tous les chefs religieux en Europe à condamner les attentats contre les communautés chrétiennes et autres groupes de croyants et à accepter la base de l’égalité de respect pour chaque confession.
17. Enfin, l’Assemblée invite l’Union européenne à suivre davantage l’évolution de la situation des communautés religieuses, chrétiennes et autres, dans son dialogue politique avec les pays du Proche-Orient et à lier sa politique européenne de voisinage, y inclus l’aide financière, au degré de protection et de sensibilisation aux droits de l’homme dans ces pays.

B. Exposé des motifs, par M. Volontè, rapporteur

(open)

1. Introduction

1. Les récents actes de violence à l’encontre de communautés chrétiennes à Bagdad et à Alexandrie devraient être replacés dans une perspective plus large. L’intolérance et la violence à l’encontre des chrétiens sont en brutale augmentation: 75 % des victimes de violence religieuse dans le monde sont chrétiennes et près de 200 millions de personnes sont persécutées simplement du fait de leur foi.
2. De décembre 2007 à août 2008, quelque 300 villages chrétiens dans l’Etat indien d’Orissa ont été la cible d’attaques au cours desquelles des églises et des habitations ont été détruites, plus de 90 chrétiens ont perdu la vie et quelque 11 000 familles chrétiennes ont été déplacées. En 2009 et 2010, d’autres églises chrétiennes ont également subi des attaques dans au moins cinq autres Etats indiens et, le 2 janvier 2011, un pasteur protestant a été passé à tabac par des extrémistes hindous à Davanagere (Karnataka). Une grande partie de la violence antichrétienne en Inde est alimentée par le nationalisme hindou extrémiste.
3. On cite également des cas de violence antichrétienne au Pakistan, où une mère de cinq enfants, chrétienne, a été condamnée à mort pour blasphème et où le gouverneur du Penjab a été assassiné le 4 janvier 2010 pour s’être déclaré contre la loi sur le blasphème; en Chine, au Viêt Nam, aux Philippines, où une bombe a explosé dans une chapelle le 25 décembre 2010; en Iran, où plus d’une centaine de chrétiens ont été arrêtés le mois dernier; à Gaza, où des commerces chrétiens ont été la cible d’attentats à la bombe et au Nigeria, où des douzaines de civils, essentiellement chrétiens, ont été tués le jour de Noël 2010.
4. L’Europe n’est pas exempte non plus de ces violences: en Turquie, un prêtre catholique a été assassiné à Trébizonde en février 2006 et trois chrétiens ont été tués lors d’un attentat visant une maison d’édition de la Bible à Malatya en 2007; la célébration de la messe de Noël dans les villages de Rizokarpaso et Aya Triada – dans la partie nord de Chypre – a été interrompue par la force le 25 décembre 2010.
5. La situation au Proche et au Moyen-Orient est cependant particulièrement alarmante et le Synode des évêques s’est réuni en octobre 2010 à Rome pour se pencher sur la difficile situation des chrétiens dans la région, en particulier en Irak. La presque totalité des évêques, représentant sept églises catholiques orientales, ont participé à cette réunion synodale, à l’issue de laquelle un appel urgent a été lancé pour la paix dans la région.

2. Contexte

6. La chrétienté trouve sa source au Proche-Orient, qui compte des communautés chrétiennes depuis deux mille ans, au nombre desquelles les coptes (Egypte), les syriaques, notamment l’Eglise d’Orient – également connus comme les assyriens ou nestoriens (en Syrie, Irak et Iran), l’Eglise chaldéenne (en Irak, Iran, Liban, Egypte et Syrie), l’Eglise syrienne orthodoxe (en Syrie, au Liban, en Irak), l’Eglise syrienne catholique (Liban, Jordanie et Egypte) et l’Eglise maronite (principalement au Liban); les Grecs orthodoxes (au Liban, en Israël, en Cisjordanie, à Gaza, en Syrie et en Jordanie), les melkites (en Syrie, en Cisjordanie, en Israël, en Jordanie et en Egypte) et les Arméniens (en Iran et en Syrie).
7. Ces communautés ne sont pas constituées d’immigrés, d’expatriés ou de convertis de fraîche date mais d’autochtones installés dans la région depuis des siècles.
8. Au XXe siècle, toutefois, ces communautés ont vu le nombre de leurs membres diminuer considérablement. Ce déclin s’explique par les faibles taux de fécondité, l’émigration et, dans certains endroits, les discriminations et persécutions.
9. Au Proche-Orient, de toute part, les chrétiens s’en vont 
			(2) 
			. Voir Daniel Pipes,
«Disappearing Christians in the Middle East», dans Middle East Quarterly,
hiver 2001.. L’émigration, commencée après la première guerre mondiale, s’est fortement accentuée au cours des dix dernières années. Près de la moitié des 800 000 chrétiens qui vivaient en Irak en 2003 ont quitté le pays depuis. Les coptes ont commencé à quitter l’Egypte en masse après la révolution de 1952. Pour la première fois en près de deux millénaires, dans la ville la plus connue comme chrétienne sur terre, Bethléem, les chrétiens ne sont plus majoritaires.
10. Comme l’indiquait récemment un journaliste jordanien: «Si on continue comme ça, il ne faudra pas longtemps pour qu’au Proche-Orient – berceau de la Chrétienté – il n’y ait plus un seul chrétien.» 
			(3) 
			. «Urayb al-Rintawi»,
in Al-Dustour, cité par la BBC le 5 janvier 2011.
11. Les relations entre les communautés chrétiennes du Proche-Orient et les populations majoritairement musulmanes n’ont pas toujours été faciles. On signale des discriminations dans toute la région et des cas d’extrême violence se sont produits sporadiquement. En ce qui concerne plus spécifiquement l’Egypte et l’Irak, sept personnes ont été tuées dans un attentat contre une église copte à Nag Hammadi, en Egypte, il y a un an déjà, en janvier 2010; entre 2004 et 2007, on a dénombré 25 attentats à la bombe contre des églises à Bagdad et l’archevêque de l’Eglise catholique chaldéenne de Mossoul a été enlevé et tué en 2007; deux prêtres, trois diacres et dix croyants ont également été tués à Mossoul et Kirkouk entre 2005 et 2008.
12. Dans certains pays musulmans, les pouvoirs publics ne donnent pas toujours les bons signaux concernant les communautés religieuses existant sur leurs territoires. Ainsi, l’abattage en masse de porcs en Egypte, en 2009, a été clairement ressenti comme une mesure dirigée contre les coptes égyptiens.
13. En 2007 déjà, le Parlement européen avait adopté une résolution sur de «graves événements compromettant l’existence des communautés chrétiennes et celle d’autres communautés religieuses», dans laquelle il exprimait sa vive préoccupation «devant la multiplication d’épisodes d’intolérance et de répression, ainsi que de manifestations de violence, à l’encontre des communautés chrétiennes, notamment dans des pays d’Afrique, d’Asie et du Moyen-Orient».
14. La protection des communautés religieuses au Proche-Orient devrait également concerner les croyants juifs, mandéens, zoroastriens, bektachis, druzes, yezidis et adeptes de Baha’l, ainsi que les non-croyants.
15. On se souviendra qu’il y a quelques mois à peine, dans sa Résolution 1743 (2010) sur l’islam, l’islamisme et l’islamophobie en Europe, l’Assemblée parlementaire invitait «les musulmans, leurs communautés religieuses et leurs responsables religieux à lutter contre toute forme d’extrémisme pratiqué sous couvert de l’islam. L’islam est une religion qui prône la paix. Les musulmans devraient être les premiers à réagir avec consternation et à s’opposer à l’utilisation que les terroristes ou les extrémistes politiques font de l’islam pour mener leurs propres luttes de pouvoir et porter ainsi atteinte à cette valeur essentielle qu’est la vie humaine et aux autres principes consacrés par l’islam».
16. Dans sa Résolution 1605 (2008) sur les communautés musulmanes européennes confrontées à l’extrémisme, l’Assemblée invitait «les organisations, les dirigeants et les leaders d’opinion musulmans européens à faire preuve d’un sens élevé des responsabilités lorsqu’ils s’expriment publiquement et à condamner clairement le terrorisme et l’extrémisme».
17. Enfin, dans sa Recommandation 1720 (2005) «Education et religion», l’Assemblée soulignait que «l’éducation est essentielle pour combattre l’ignorance, les stéréotypes et l’incompréhension des religions. Les gouvernements devraient aussi faire plus pour garantir la liberté de conscience et d’expression religieuse, pour encourager l’enseignement du fait religieux, pour promouvoir le dialogue avec et entre les religions, et pour favoriser l’expression culturelle et sociale des religions».

3. Récents événements

18. Le 31 octobre 2010, une prise d’otage dans la cathédrale catholique syriaque de Notre-Dame-du-Salut s’est achevée en bain de sang, 58 fidèles ayant été tués et 75 autres blessés. L’attentat, revendiqué par un groupe extrémiste sunnite lié à Al-Qaida, a été condamné par beaucoup de musulmans.
19. Un attentat-suicide à la bombe dans une église copte d’Alexandrie a tué 21 personnes et en a blessé 79 dans les rangs des fidèles qui sortaient de la messe de minuit le 1er janvier 2011. L’attentat n’a pas été revendiqué, mais la police égyptienne pense qu’il a été perpétré par des terroristes isolés inspirés par Al-Qaida. La bombe, remplie de boulons, écrous, clous et autres objets métalliques, était conçue pour faire un maximum de dégâts.

4. Réactions de la communauté internationale

20. Ces deux attentats ont été fermement condamnés.
21. Le Premier ministre irakien Nouri al-Maliki a déclaré que l’attentat de Bagdad était une «tentative de ranimer les conflits religieux en Irak et de forcer davantage de chrétiens à partir du pays». Le gouvernement régional du Kurdistan a fait une déclaration dans laquelle il a condamné fermement cet attentat terroriste contre ceux qu’il a appelé «nos frères chrétiens de Bagdad», présenté ses condoléances aux familles des victimes et souhaité un prompt rétablissement aux blessés.
22. Le primat d’Irak, le cardinal Emmanuel III Delly, a incité les chrétiens déjà en petit nombre à ne pas quitter le pays, tout en condamnant l’attentat, et a déclaré: «Jamais nous n’avions vu cela, des militants attaquant la maison de Dieu où des fidèles prient pour la paix.»
23. Plus d’une trentaine de survivants de l’attentat ont trouvé refuge en France, où ils se sont vu accorder un permis de résidence temporaire en tant que demandeurs d’asile. Le ministre français chargé de l’immigration, Eric Besson, a déclaré que la France donnait asile à 150 victimes de l’attentat en gage d’amitié et de soutien aux chrétiens en difficulté.
24. La Fondation pour le secours et la réconciliation au Proche-Orient et le ministre danois des Affaires étrangères ont organisé un sommet de crise réunissant des chefs religieux chrétiens et musulmans d’Irak, du 12 au 14 janvier 2011 à Copenhague, pour explorer les moyens de «mettre fin à cette spirale de violence».
25. Le Président égyptien, Hosni Moubarak, a déclaré que l’attentat d’Alexandrie portait la marque de «mains étrangères» cherchant à déstabiliser l’Egypte. Les grands dignitaires musulmans du pays ont également adressé leurs condoléances et appelé à l’unité.
26. Dans sa condamnation de l’attentat d’Alexandrie, le Président de l’Assemblée, Mevlüt Çavusoğlu, s’est dit profondément choqué et a présenté ses sincères condoléances aux familles des défunts ainsi qu’aux autorités égyptiennes. Pour lui, le terrorisme demeure la plus grande menace à l’encontre des valeurs universelles des droits de l’homme. Il a rappelé que l’Assemblée avait récemment déclaré que «la manipulation des croyances religieuses pour des motifs politiques viole les droits de l’homme et les valeurs démocratiques». Il a également fait référence au Conseil de l’Europe qui fait de l’action en faveur de la liberté de religion une priorité, tout en luttant contre l’intolérance et la discrimination religieuses ainsi que contre les atteintes, sous un prétexte religieux, aux valeurs qu’il défend. 
27. La chancelière allemande, Angela Merkel, a condamné cet attentat «barbare» du 1er janvier 2011, et le Cabinet du Premier ministre français, François Fillon, indique que ce dernier a, quant à lui, prié pour les victimes dans une église d’Assouan, au sud de l’Egypte, lors d’un déplacement privé. Le Premier ministre italien, Silvio Berlusconi, le Président français, Nicolas Sarkozy, et d’autres dirigeants européens ont également fermement condamné ces deux attaques.
28. Le 12 novembre 2010, la Commission permanente de l’Assemblée a tenu un débat d’actualité sur les «Récentes attaques violentes contre les chrétiens et d’autres communautés religieuses en Irak» introduit par M. Jean-Claude Mignon (France, PPE/DC). En décembre, le Bureau a renvoyé la question à la commission des questions politiques. Dans l’intervalle, le Groupe du Parti populaire européen a demandé un débat selon la procédure d’urgence sur «le nettoyage religieux des chrétiens en Irak et dans d’autres régions du monde». En janvier 2011, le groupe a proposé de remplacer le titre par «Violences récentes contre les chrétiens au Proche et au Moyen-Orient».
29. En prévision du Conseil des affaires étrangères du 31 janvier 2011, plusieurs ministres des Affaires étrangères d’Etats membres de l’Union européenne ont contacté Lady Ashton, haute représentante pour les affaires étrangères et la politique de sécurité de l’Union européenne, en vue d’une action concertée par les Etats membres de l’Union européenne.
30. Le pape Benoît XVI, qui avait dénoncé dans l’attentat en Irak une «violence absurde et féroce», a stigmatisé la lâcheté de celui d’Alexandrie. Toutefois, l’imam d’al-Azhar, Ahmed al-Tayeb, a critiqué l’appel lancé par le pape aux dirigeants de la planète pour défendre les chrétiens, qu’il a jugé constituer une ingérence inacceptable dans les affaires de l’Egypte. Le 20 janvier, al-Azhar a annoncé qu’il suspendait les rencontres qu’il a deux fois par an avec le Vatican.
31. Le secrétaire de presse de la Maison-Blanche, à propos de l’attentat de Bagdad, a déclaré ceci: «Les Etats-Unis condamnent avec la plus grande fermeté cet acte gratuit de prise d’otage et de violence perpétré dimanche à Bagdad par des terroristes liés à Al-Qaida en Irak, qui a tué tant d’Irakiens innocents.» Plusieurs représentants américains ont adressé une lettre à la secrétaire d’Etat Hillary Clinton, demandant que l’administration Obama élabore une politique globale de protection des communautés religieuses autochtones en Irak, et présentant leurs condoléances aux victimes et à leurs familles. Le Président Barack Obama, à propos de l’attentat d’Alexandrie, a parlé «d’un acte de haine».
32. Le Secrétaire général des Nations Unies, Ban Ki-moon, a condamné les attentats meurtriers contre des églises. Selon son porte-parole, il a été atterré par l’attentat terroriste contre l’église copte d’al-Qiddissin à Alexandrie au cours des fêtes du Nouvel An. Il a également appelé les autorités égyptiennes à agir avec célérité pour traduire en justice les auteurs de l’attentat terroriste à la bombe et a adressé ses sincères condoléances aux familles des victimes.
33. Les Frères musulmans ont également condamné le crime avec la plus grande fermeté, déclarant qu’aucune religion n’accepte le crime, et que l’islam prône la protection des droits des non-musulmans comme des musulmans.
34. Le 19 janvier 2011, le Parlement européen a tenu un débat sur «La situation des chrétiens dans le contexte de la liberté de religion» et a adopté une résolution sur cette question le 20 janvier, dans laquelle il «se dit gravement préoccupé par le détournement de la religion par les auteurs d’actes terroristes dans diverses régions du monde et dénonce l’instrumentalisation de la religion dans divers conflits politiques».
35. Le 20 janvier 2011, le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe a adopté une déclaration condamnant fermement les récents événements tragiques et appelant au respect de la liberté de pensée, de conscience et de religion.

5. Conclusions

36. La liberté de pensée, la liberté de conscience et la liberté de religion sont des droits de l’homme universels, consacrés par l’article 18 de la Déclaration universelle des droits de l’homme, que chaque Etat membre des Nations Unies s’engage à garantir au regard du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. L’article 18 de la déclaration dispose ceci: «Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion; ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction seule ou en commun, tant en public qu’en privé, par l’enseignement, les pratiques, le culte et l’accomplissement des rites.»
37. L’article 9 de la Convention européenne des droits de l’homme déclare que «toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion; ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction, ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction individuellement ou collectivement, en public ou en privé, par le culte, l’enseignement, les pratiques et l’accomplissement des rites», ajoutant que «la liberté de manifester sa religion ou ses convictions ne peut faire l’objet d’autres restrictions que celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité publique, à la protection de l’ordre, de la santé ou de la morale publiques, ou à la protection des droits et libertés d’autrui».
38. L’Assemblée devrait condamner avec la plus grande fermeté non seulement les attentats meurtriers à l’encontre de personnes innocentes, comme ceux de Bagdad et d’Alexandrie, mais aussi tout type de discrimination et d’intolérance fondé sur la religion et les croyances.
39. L’Assemblée devrait appeler la Turquie à clarifier pleinement les circonstances entourant l’interruption de la célébration de la messe de Noël dans les villages de Rizokarpaso et Ayia Triada dans la partie nord de Chypre le 25 décembre 2010 et de faire comparaître devant la justice les responsables. Elle devrait aussi appeler les autorités d’Azerbaïdjan à abroger les lois punissant les rassemblements religieux et les prières communes de chrétiens.
40. La coexistence de congrégations religieuses est un signe de pluralisme et de l’existence d’un environnement propice au développement de la démocratie et des droits de l’homme.
41. La disparition des communautés chrétiennes du Proche-Orient serait catastrophique aussi pour l’islam, car cela signifierait la victoire du fondamentalisme.
42. C’est pourquoi les Etats membres du Conseil de l’Europe ne devraient pas encourager les membres des communautés chrétiennes d’Orient à chercher refuge en Europe, à moins que la survie de ces communautés ne devienne impossible. Comme l’a exprimé l’archevêque de l’Eglise orthodoxe grecque en Palestine et à Jérusalem: «Merci pour votre soutien, mais quand nous aurons besoin de protection, nous demanderons à nos frères musulmans de nous l’accorder.»
43. Selon le HCR, un millier de familles environ sont arrivées dans la région du Kurdistan irakien depuis le début de novembre 2010. En outre, les bureaux du HCR en Syrie, en Jordanie et au Liban signalent de plus en plus d’arrivées de chrétiens irakiens qui les contactent pour se faire enregistrer et aider. Les églises et organisations non gouvernementales préviennent l’agence pour les réfugiés de s’attendre à un flux accru d’arrivées dans les semaines qui viennent. Le Haut-Commissariat pour les réfugiés a rappelé avec force aux pays de s’abstenir d’expulser des Irakiens en provenance des régions les plus dangereuses du pays: les demandeurs d’asile en provenance des gouvernorats irakiens de Bagdad, Diyala, Ninewa et Salah-al-Din, ainsi que de la province de Kirkouk ne devraient pas être renvoyés et devraient bénéficier de la protection internationale, que ce soit par le statut de réfugié au titre de la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés ou par une autre forme de protection complémentaire.
44. L’Assemblée devrait sensibiliser au besoin de lutter contre toute forme de fondamentalisme religieux et contre la manipulation de croyances religieuses pour des raisons politiques, qui sont si souvent à la base du terrorisme actuel. L’éducation et le dialogue sont deux outils importants qui pourraient contribuer à la prévention de tels fléaux. Dans ce contexte, lors de sa partie de session d’avril 2011, l’Assemblée tiendra un débat sur la dimension religieuse du dialogue interculturel.
45. A la lumière de ces conclusions, l’Assemblée devrait recommander que le Comité des Ministres prenne un certain nombre de mesures relatives à l’état de la liberté de religion et des droits connexes.
46. Enfin, l’Assemblée devrait affirmer son engagement fort en faveur du dialogue interculturel et son refus d’accepter un «choc des civilisations».