Imprimer
Autres documents liés

Rapport | Doc. 13045 | 02 octobre 2012

La réponse européenne face à la crise humanitaire en Syrie

Commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées

Rapporteur : M. Giacomo SANTINI, Italie, PPE/DC

Origine - Renvoi en commission: Débat selon la procédure d’urgence, Renvoi 3896 du 1er octobre 2012. 2012 - Quatrième partie de session

Résumé

A ce jour, 1 200 000 personnes ont fui leur domicile en Syrie et plus de 294 000 se sont vues contraintes de quitter le pays.

Ce rapport souligne les conditions de vie précaires des personnes qui ont dû quitter leur domicile. Il soulève de graves inquiétudes en ce qui concerne l’approvisionnement en produits alimentaires, en eau et en autres biens de première nécessité, et souligne la menace constante pour la population que représentent les combats, les tirs d’armes à feu et les attentats de toutes parts, ainsi que l'absence de soins d'urgence adaptés, la plupart des hôpitaux étant fermés.

L’approche de l’hiver rend également très critique la situation des réfugiés qui se trouvent dans les pays limitrophes.

L’Assemblée parlementaire invite la communauté internationale à faire preuve de solidarité avec les Syriens, victimes du conflit, et avec les pays voisins, qui accueillent des réfugiés. Elle en appelle surtout aux parties au conflit pour qu’elles arrivent le plus rapidement possible à un cessez-le-feu en utilisant, à cet effet, les bons offices du médiateur, M. Lakhdar Brahimi.

A. Projet de résolution 
			(1) 
			Projet de résolution
adopté à l’unanimité par la commission le 2 octobre 2012.

(open)
1. Depuis le début du conflit en Syrie, plus de 2,5 millions de personnes se trouvent dans une situation précaire, souffrant du manque de nourriture, d’hygiène et de produits de première nécessité. Plus de 1,2 million de personnes ont été déplacées à l’intérieur du pays, tandis que 294 005 autres ont trouvé refuge à l’extérieur pour éviter les tirs et les bombardements et pour se soustraire aux actes de violence et aux agressions.
2. La situation devient donc de plus en plus critique car chaque jour est marqué par de nouveaux bains de sang et de nouveaux actes de violence contre les civils, le corps médical ou le personnel des organisations humanitaires.
3. L’Assemblée parlementaire rappelle sa Résolution 1878 (2012) sur la situation en Syrie et regrette que cette crise perdure et continue à faire peser une menace très grave sur la sécurité et la stabilité de l’ensemble de la région et, en particulier, des pays limitrophes.
4. Dans ce contexte, l’Assemblée condamne fermement les actes de violence et les opérations militaires dont ont été victimes les populations civiles et qui ont fait plusieurs milliers de morts.
5. La situation dans les camps de réfugiés en Turquie, au Liban, en Jordanie et en Irak devient elle aussi, dramatique, en raison du manque de nourriture, de produits d’hygiène et de logements. L’approche de l’hiver aggrave encore la situation.
6. En effet, ces six derniers mois, on a noté une recrudescence du nombre de réfugiés dans les régions frontalières ainsi que dans certains Etats membres (France, Allemagne, Suède, etc.), dont 75 % sont des femmes et des enfants.
7. L’Assemblée remercie les autorités turques ainsi que la Jordanie, le Liban et l’Irak, qui accueillent ces réfugiés, malgré les problèmes d’organisation et de sécurité que cela pose.
8. Malheureusement, la capacité d’accueil de ces pays a été vite dépassée suite à l’afflux massif de réfugiés et l’Assemblée en appelle à la solidarité de la communauté internationale pour répondre généreusement et de toute urgence aux appels de fonds destinés à secourir et à aider les réfugiés de Syrie et les pays voisins qui les accueillent, tel que demandé dans le dernier plan révisé des Nations Unies.
9. L’Assemblée regrette que la Turquie, en dépit de l’accueil généreux qu’elle a fait aux réfugiés de Syrie, continue de maintenir la réserve géographique faite à la Convention des Nations Unies de 1951 relative au statut des réfugiés, qui restreint ses obligations aux seules personnes réfugiées du fait d’événements survenant en Europe.
10. L’Assemblée estime que le manque d’action et le silence de la communauté internationale face à l’afflux de réfugiés dans les pays voisins n’ont que trop duré et qu’il est temps de réagir et de prendre les mesures qui s’imposent pour s’assurer que des structures d’accueil adaptées soient mises à la disposition des réfugiés et qu’ils aient la possibilité de rentrer lorsque le conflit aura pris fin.
11. En conséquence, l’Assemblée demande aux parties au conflit:
11.1. d’arriver le plus rapidement possible à un cessez-le-feu, préalable nécessaire à toute solution politique, et d’utiliser à cet effet les bons offices du médiateur international, M. Lakhdar Brahimi;
11.2. de permettre aux organisations humanitaires et aux organisations non gouvernementales (ONG) d’aider les personnes déplacées en Syrie et de respecter en conséquence le droit humanitaire pour l’accès de tous les travailleurs humanitaires;
11.3. de veiller à ce que les personnes qui ont fui leur domicile puissent bénéficier d’un logement et des soins médicaux adéquats;
11.4. d’autoriser la mise en place de couloirs humanitaires ou de zones tampons afin de permettre aux convois d’acheminer toute l’aide humanitaire nécessaire à la survie des populations déplacées.
12. L’Assemblée recommande aux Etats membres du Conseil de Sécurité des Nations Unies de prendre les mesures pour mettre en place une zone d’exclusion aérienne afin d’empêcher le bombardement de la population civile.
13. L’Assemblée recommande aux Etats membres du Conseil de l’Europe et aux pays limitrophes de la Syrie:
13.1. de ne pas renvoyer les demandeurs d’asile en Syrie, conformément au principe fondamental du non-refoulement, et de veiller à ce qu’ils ne soient pas refoulés à leurs frontières;
13.2. de prévoir les infrastructures adéquates pour l’accueil des réfugiés et de leur fournir toute l’aide nécessaire;
13.3. de faire en sorte que tous les demandeurs d’asile puissent obtenir une protection internationale, sous forme du statut de réfugié, à titre temporaire, subsidiaire ou à part entière, conformément à la Convention des Nations Unies relative au statut des réfugiés;
13.4. de prendre les mesures nécessaires pour faciliter et accélérer les procédures pour l’obtention de l’asile;
13.5. de déplacer, si nécessaire, les camps de réfugiés à une plus grande distance de la frontière avec la Syrie, afin de garantir la sécurité de ces camps, comme déjà demandé dans sa Résolution 1878 (2012) sur la situation en Syrie;
13.6. de veiller à ce qu'une assistance adaptée soit apportée aux réfugiés qui vivaient en Syrie et qui cherchent à nouveau protection ou aux ressortissants de pays tiers qui ont fui la Syrie et qui cherchent à rentrer dans leurs pays d’origine;
13.7. de mettre en place un plan d’action prévoyant notamment un programme de réinstallation depuis les pays d’accueil, en faisant éventuellement appel à l’aide de la Banque de développement du Conseil de l’Europe;
13.8. de demander au Gouverneur de la Banque de développement du Conseil de l’Europe d’envisager un don du Compte fiduciaire sélectif pour renforcer l’action du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) en faveur des réfugiés de Syrie.
14. L’Assemblée recommande également aux pays frontaliers, y inclus à Israël, d’ouvrir tous leurs postes-frontières aux réfugiés en provenance de Syrie.

B. Exposé des motifs, par M. Santini, rapporteur

(open)

1. Introduction

1. Le conflit en Syrie ne cesse de s’intensifier entraînant ainsi de plus en plus de victimes, dont un grand nombre de civils. Les attaques de l’armée syrienne font 200 à 300 morts par jour. D’après l’Observatoire syrien des droits de l'homme basé au Royaume-Uni, on dénombre, selon les dernières estimations, plusieurs dizaines de milliers de morts depuis le début du conflit.
2. Parallèlement, le nombre de réfugiés et de déplacés internes dans le pays ne cesse d’augmenter. Selon l’Observatoire des situations de déplacements internes (IDMC), environ 1 500 000 personnes ont perdu leur maison et leurs moyens de subsistance en Syrie.
3. Le nombre de réfugiés, qui ne cesse d’évoluer quotidiennement, s’élève à l’heure actuelle à environ 294 000 pour les réfugiés et à 1 200 000 pour les personnes déplacées. Les tirs et les combats à Alep, Homs, Damas, Idlib et Deraa obligent les civils à quitter le pays pour se réfugier dans les pays avoisinants ou à se rendre dans d’autres villes syriennes.
4. Parmi ces réfugiés se trouvent un grand nombre d’enfants non accompagnés qui racontent que leurs parents sont décédés ou sont restés dans le pays pour s’occuper de leur famille.
5. Au vu de ce qui précède, il est nécessaire d’examiner d’une part, la situation dans le pays et, d’autre part, la situation dans les pays avoisinants ainsi que les conséquences pour les Etats membres du Conseil de l’Europe.

2. La situation en Syrie

2.1. Violations des droits de l’homme

6. Le président de la commission d’enquête sur la Syrie, M. Paulo Pinheiro, a rendu un rapport au Conseil de Sécurité des Nations Unies sur les violations flagrantes des droits de l’homme par les forces gouvernementales et les Chabiha, la milice au pouvoir, ainsi que par des groupes antigouvernementaux en Syrie et demandé le renvoi de la question devant la Cour pénale internationale. Je tiens à saisir cette occasion pour soutenir la demande de plusieurs pays de prolonger et d’élargir le mandat de cette commission, afin qu’elle puisse poursuivre ses investigations.
7. De son côté, lors d’une visite à Alep, qui se situe au nord-ouest de la Syrie, Human Rights Watch a été informée de mauvais traitements et d’actes de torture contre les détenus par des groupes d’opposition armés qui se sont également rendus responsables d’exécutions extrajudiciaires et sommaires, ce qui constitue également un crime de guerre manifeste.

2.2. Conditions de vie très précaires

8. Selon le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) et les autres organisations présentes dans le pays, la situation est de plus en plus critique. Les déplacés internes dans le pays commencent à manquer de nourriture, de produits de première nécessité et d’eau potable, et les conditions d’hygiène et de sécurité sont loin d’être bonnes.
9. En outre, en raison de la reprise de l’année scolaire, il devient de plus en plus urgent de trouver des solutions de remplacement pour les personnes qui se trouvent dans les écoles. Selon le HCR, 350 écoles sont occupées par des personnes déplacées et, selon le gouvernement, plus d’un million de personnes occupent des bâtiments publics. Les autorités syriennes ont publié une liste des écoles pouvant continuer à héberger les familles après la rentrée scolaire, mais ces écoles ne sont pas suffisantes pour héberger tout le monde.

2.3. Problèmes de sécurité

10. Les combats continuent dans les villes syriennes et les médias font quotidiennement part des attaques contre des civils, le personnel des organisations humanitaires et les membres du corps médical, sans compter les vols de nourriture et de médicaments.
11. La plupart des hôpitaux sont fermés et le personnel médical doit travailler de manière clandestine et dans des conditions non sécurisées. J’aimerais ici rendre hommage aux organisations qui continuent à aider et à soigner les personnes déplacées dans leur pays dans des cliniques clandestines, et ce au mépris de leur propre sécurité, et je tiens à saluer tout particulièrement le travail et l’engagement du HCR et des autres organisations sur place dont les membres essaient d’aider au mieux les victimes du conflit, malgré les difficultés rencontrées quotidiennement et les dangers auxquels ils doivent faire face.
12. En effet, le personnel des organisations humanitaires rencontre de graves difficultés et ne dispose pas de conditions sécurisées pour porter secours et soigner les blessés ainsi que pour acheminer la nourriture et les produits de première nécessité.
13. A cet égard, je tiens à rappeler les propos tenus par la Secrétaire générale adjointe des Nations Unies aux affaires humanitaires, Mme Valérie Amos, selon lesquels l’aide humanitaire devrait devenir la question la plus importante, et ceux du porte-parole de l’émissaire des Nations Unies, M. Ahmad Fawzi, demandant que la Syrie permette l’ouverture de «couloirs humanitaires».
14. Toutefois, l’idée de l’ouverture de «couloirs humanitaires» ou de «zones tampons» est loin de faire l’unanimité.
15. Par définition, les «couloirs humanitaires» ou les «zones tampons» sont destinés à protéger les réfugiés et les déplacés internes dans le pays ainsi que l’acheminement de l’aide humanitaire. Toutefois, sans l’accord des autorités syriennes, ces zones risquent d’entraîner des affrontements entre l’armée syrienne et les forces internationales chargées de sécuriser ces zones.
16. Compte tenu de l’impact de ce conflit sur la population, il est bon de rappeler que les parties au conflit doivent impérativement faire une distinction entre les civils et les personnes participant directement au conflit.
17. Les opérations militaires doivent être conduites en veillant constamment à épargner la population civile et les biens de caractère civil, comme les maisons, les écoles ou les lieux de travail.

3. La situation dans les pays frontaliers et autres

18. Quelque 294 000 réfugiés ont fui dans des pays frontaliers, comme la Turquie, la Jordanie, le Liban, l’Irak; d’autres se sont rendus dans divers Etats membres du Conseil de l’Europe. Le principal problème qui se pose en ce moment, à l’approche de l’hiver, est celui de l’hébergement. En effet, dans la plupart des pays, les réfugiés ont pu s’installer dans des écoles mais, avec la rentrée des classes, il est urgent de trouver d’autres centres d’hébergement. Dans ce contexte, je souhaiterais que tous les pays frontaliers ou autres, y compris Israël, ouvrent leurs frontières et les laissent ouvertes.

3.1. Les pays voisins et frontaliers

19. La situation dans l’ensemble des pays voisins et frontaliers devient de plus en plus critique en raison du manque de nourriture, de produits de première nécessité et de locaux. L’approche de l’hiver rendra cette situation encore plus pénible et catastrophique.

3.1.1. Turquie

20. La Turquie a accueilli plus de 87 000 réfugiés, si bien que devant ces arrivées massives, les autorités turques ont décidé d’ouvrir deux nouveaux camps, d’une capacité de 23 000 places. Un autre camp, d’une capacité de 10 000 places, a été ouvert en septembre. Je rappelle, dans ce contexte, que dans sa Résolution 1878 (2012) sur la situation en Syrie, l’Assemblée avait souligné la nécessité de déplacer les camps de réfugiés à une plus grande distance de la frontière avec la Syrie, afin de permettre une meilleure sécurité des réfugiés et de garantir le caractère civil des camps.
21. Le gouvernement turc a instauré dès le départ un régime de protection temporaire pour tous les citoyens syriens souhaitant bénéficier de la protection internationale. Ce régime a été établi conformément aux critères et aux principes internationaux, à savoir:
  • les frontières restent ouvertes;
  • aucun retour forcé vers la Syrie;
  • toutes les personnes se trouvant en Turquie sont enregistrées, disposent de papiers et ont droit à la protection et l’assistance et ce jusqu’à ce qu’il soit possible de retourner dans le pays et que le retour puisse se faire dans des conditions de sécurité maximum.
22. Selon les informations fournies par le HCR, sept nouveaux camps ont été construits, ce qui ramène la capacité d’hébergement à près de 130 000 personnes pour la Turquie à elle-seule.
23. Les autorités turques se déclarent toutefois très préoccupées par la présence, dans le nord de la Syrie, de l’Union démocratique kurde, parti affilié au Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) et par conséquent considéré comme une organisation terroriste par la Turquie et les Etats-Unis. Les autorités turques ont par conséquent décidé de protéger leurs frontières en y déployant des chars et des lance-missiles. Dans ce contexte, je condamne fortement les attaques du PKK qui profite de la vacance de pouvoir et de sécurité en Syrie, voire de la complexité du régime syrien, pour frapper la Turquie.
24. Je voudrais saisir cette occasion pour remercier la Turquie et les autorités turques d’avoir immédiatement répondu à l’appel et d’avoir accueilli des réfugiés dès le début de la crise. Je dois cependant réitérer l’appel lancé à ce pays de lever dès que possible sa réserve géographique à la Convention de 1951 qui restreint les obligations aux seules personnes déracinées suite à des événements survenant en Europe.

3.1.2. Jordanie

25. En Jordanie, on compte environ 54 000 Syriens et ce chiffre ne cesse de s’accroître, comme dans les autres Etats frontaliers, depuis le début de l’année 2012. Les autorités envisagent de prévoir de nouveaux camps, compte tenu de la recrudescence depuis le début de l’année 2012 du nombre de réfugiés arrivant dans leur pays. Depuis son ouverture, le 29 juillet 2012, le camp de Zaatri, qui est situé près de la frontière syrienne, a accueilli 28 000 réfugiés.
26. En règle générale, les réfugiés passent la frontière de nuit et sont accueillis par l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) et l’armée jordanienne. La plupart de ces réfugiés font état du fait qu’ils ont été déplacés de nombreuses fois avant d’arriver en Jordanie.
27. Le HCR a, en fait, dénombré, l’arrivée de 1 400 Syriens par jour, contre seulement 1 700 qui ont décidé de rentrer volontairement en Syrie.

3.1.3. Liban

28. Selon les dernières estimations, près de 57 000 Syriens ont été enregistrés ou en ont fait la demande au HCR, qui a constaté une augmentation de près de 77 % du nombre de réfugiés arrivant dans ce pays. Les réfugiés sont en majorité des femmes et des enfants ou des personnes vulnérables.
29. La situation au Liban s’avère assez critique, compte tenu du fait de l’arrivée massive de Syriens. En fait, selon le HCR, les réfugiés sont bien plus nombreux que ne l’indiquent les statistiques, ce en raison des droits de séjour dont bénéficient les Syriens au Liban. A la différence de la Turquie, de la Jordanie et de l’Irak, les réfugiés syriens sont disséminés parmi les Libanais plutôt que regroupés dans des camps. Ils se retrouvent surtout dans le nord du Liban, région qui a tissé des liens économiques et familiaux avec la Syrie.
30. Mais la question du logement reste toutefois préoccupante et le HCR a réclamé aux autorités libanaises de créer le plus rapidement possible des centres d’accueil collectifs dans des bâtiments publics vacants ou préfabriqués.
31. Un autre sujet de préoccupation est celui de la sécurité, notamment au nord du pays et plus particulièrement à Akkar et à Tripoli où, depuis mai 2012, ont eu lieu de violents affrontements entre groupes alaouites et sunnites. La crise syrienne fait peser une grave menace sur la souveraineté et l’intégrité territoriale du Liban.

3.1.4. Irak

32. Il faut rappeler que plus d’un million d’Irakiens sont venus en Syrie et se trouvent maintenant pris au piège du conflit. Selon le HCR, les Irakiens représentent plus de 90 % de la population réfugiée en Syrie.
33. Le nombre de réfugiés enregistrés en Irak s’élève à environ 34 000. Le Gouvernement irakien a d’ailleurs décidé de soutenir les réfugiés d’origine irakienne souhaitant rentrer chez elles en leur affrétant des vols spéciaux. Cela étant, toutes les frontières ne sont pas ouvertes et le HCR a dû demander au Gouvernement irakien de rouvrir le poste frontière d’Al-Qaem qui est fermé depuis le 15 août.
34. La plupart des réfugiés arrivant en Irak souffrent de traumatismes graves, notamment les enfants qui ont été témoins de violences. Ils sont généralement hébergés dans des écoles ou des mosquées.
35. Une grande partie de ces personnes sont arrivées en Irak en laissant derrière elles leurs documents administratifs ainsi que leurs titres de propriété.
36. Je saisis cette occasion pour saluer l’initiative prise par le gouvernement d’octroyer des cartes de résident, valables six mois, aux réfugiés se trouvant à Al Qaem.

3.2. Etats membres du Conseil de l’Europe

37. On a enregistré environ 5 370 demandes d’asile dans les Etats membres du Conseil de l’Europe, dont le plus grand nombre en Allemagne et en Suède.
38. Les demandes d’asile en Allemagne ont pratiquement doublé depuis le début de l’année 2012, passant de 295 en janvier à 615 au mois de mai, ce qui fait un total de 2 155 demandes qui risque encore d’augmenter dans les prochains mois. En ce qui concerne la Suède, les autorités ont enregistré 865 demandes de janvier à mai, ce qui fait au total 2 911 demandes.
39. Les autres pays les plus concernés sont la Belgique, la France, l’Italie, la Suisse et le Royaume-Uni.
40. De son côté, la Grèce est en train de renforcer ses contrôles maritimes et terrestres. Il faut rappeler que la Grèce était considérée comme la principale entrée pour les migrants irréguliers. En effet, selon les informations du ministère de la Protection du citoyen, environ 100 000 migrants en situation irrégulière arrivent en Grèce chaque année.

4. Quelles sont les implications et la réponse de l’Europe?

41. Face à cette tragédie, l’Europe se doit d’exercer sa responsabilité de protéger les populations et de faire preuve de solidarité, en particulier avec les pays accueillant un grand nombre de demandeurs d’asile. La crise économique qui sévit en Europe ne doit pas servir de prétexte pour refuser d’accueillir des réfugiés.

4.1. La protection temporaire

42. Les premières mesures seraient de mettre en place un mécanisme de protection temporaire et un plan d’action pour l’accueil de ces réfugiés, comme par exemple ce qui a été fait pour protéger les populations du Kosovo en 1999 ou pour accueillir les chrétiens d’Irak en 2010.
43. Dans ce contexte, j’aimerais rappeler que, face à l’afflux massif de personnes déplacées à la suite des conflits en ex-Yougoslavie et de la crise du Kosovo, la plupart des Etats membres de l’Union européenne mirent en place des dispositifs exceptionnels de «protection temporaire» de droit ou de fait. Ces mesures ont été entérinées par la Directive 2001/55/CE du Conseil du 20 juillet 2001 relative à des normes minimales pour l’octroi d’une protection temporaire en cas d’afflux massif de personnes déplacées et à des mesures tendant à assurer un équilibre entre les efforts consentis par les Etats membres pour accueillir ces personnes et supporter les conséquences de cet accueil.
44. La protection temporaire éviterait ainsi aux réfugiés de se soumettre aux procédures de demande d’asile, souvent très longues et contraignantes, et leur permettrait de jouir d’une garantie de sécurité immédiate.
45. Il faut noter que, pour l’instant, au sein des Etats membres du Conseil de l’Europe, ce statut de protection temporaire n’est plus appliqué. Toutefois, la responsabilité de protéger ne doit pas s’arrêter à la frontière et les Etats membres ne doivent pas se soustraire à leurs obligations à l’égard des réfugiés.
46. Une autre solution serait de faciliter au maximum la délivrance des visas, en octroyant, si possible, des visas humanitaires via les ambassades des pays voisins.

4.2. L’accueil et l’hébergement des réfugiés

47. La préoccupation la plus importante est celle de la préparation des pays à accueillir et à héberger les réfugiés. Face à l’afflux massif de réfugiés, la communauté internationale doit impérativement faire preuve de solidarité.
48. Dans ce contexte, je tiens à saluer la décision de la Commission européenne de débloquer une aide humanitaire supplémentaire de 50 millions d’euros.
49. L’hébergement des réfugiés est une question qui devient encore plus cruciale à l’approche de l’hiver. Si, au cours des mois précédents, l’hébergement dans les tentes ne posait pas de problème, cette solution ne sera bientôt plus viable pendant la période hivernale.
50. Les pays d’accueil devront également prendre des mesures particulières pour les femmes et les enfants.

4.3. Mise en place d’un plan d’aide

51. Il est impératif que la communauté internationale mette en place un plan visant à garantir la stabilité économique et politique de la Syrie. Ce plan devrait se concentrer sur les aides à apporter en ce qui concerne la sécurité, les institutions et la reconstruction économique, ainsi que dans le domaine humanitaire. Dans ce contexte, une aide de la part de la Banque de développement du Conseil de l’Europe serait fortement appréciée et l’on pourrait ainsi envisager de demander à son gouverneur d’envisager un don du Compte fiduciaire sélectif afin de renforcer l’action du HCR en faveur des réfugiés de Syrie.

5. Conclusions

52. Compte tenu des conditions de vie précaires dans lesquelles vivent les personnes déplacées en Syrie et les réfugiés dans les pays limitrophes, le rapporteur en appelle à la communauté internationale pour prendre les mesures qui s’imposent pour aider toutes ces personnes à vivre dans des conditions de vie décentes, conformes aux principes de notre Organisation.
53. Il estime que les Etats membres du Conseil de l’Europe se doivent de réagir, d’autant que de plus en plus de demandes d’asile sont enregistrées dans nos pays et il en appelle, à ce titre, aux gouvernements pour qu'ils étudient la possibilité de mettre en place une protection temporaire et les modalités d’un plan d’action afin d’aider la Syrie à se reconstruire, que ce soit sur le plan des institutions ou sur le plan économique.
54. Le rapporteur souhaite que les Etats membres prennent les dispositions nécessaires pour prévoir des centres d’accueil et d’hébergement, compte tenu du risque de recrudescence du nombre de réfugiés arrivant en Europe.
55. Enfin, il est important que la communauté internationale soutienne de manière inconditionnelle le médiateur, M. Lakhdar Brahimi, dans ses efforts pour arriver rapidement à une résolution du conflit.