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Rapport | Doc. 13227 | 07 juin 2013

Dialogue postsuivi avec «l’ex-République yougoslave de Macédoine»

Commission pour le respect des obligations et engagements des Etats membres du Conseil de l'Europe (Commission de suivi)

Rapporteur : M. Robert WALTER, Royaume-Uni, GDE

Origine - Renvoi en commission: Résolution 1115 (1997). 2013 - Troisième partie de session

Résumé

Lorsque l'Assemblée a clos la procédure de suivi de «l'ex-République yougoslave de Macédoine» en 2000, elle a décidé de poursuivre le dialogue avec les autorités sur un certain nombre de questions en suspens. Dans son premier rapport complet depuis lors, la commission de suivi note que l'Accord-cadre d'Ohrid de 2001 – qui vise à renforcer les droits des communautés non majoritaires après le conflit inter-ethnique – a été un facteur de paix et de stabilité dans toute la région au cours des dix dernières années, bien que les relations entre les communautés macédonienne et albanaise demeurent fragiles.

La vie publique reste fortement divisée selon des lignes de fracture politique et ethnique. Les autorités devraient donc poursuivre la mise en œuvre de l’Accord d'Ohrid, lancer de nouvelles politiques inclusives, poursuivre la décentralisation, et continuer à promouvoir les droits culturels et linguistiques des minorités. Les partis politiques devraient également essayer de tenir un dialogue plus constructif, remédier aux griefs découlant de la procédure parlementaire et du Code électoral, et une commission d'enquête devrait se pencher sur les graves incidents survenus au parlement en décembre 2012, qui ont déclenché une crise politique.

La commission se félicite des réformes juridiques lancées par «l’ex-République yougoslave De Macédoine», mais exhorte à travailler davantage pour garantir l’impartialité et l’indépendance du système judiciaire, de sorte à inspirer la confiance du public. Elle se déclare préoccupée par la loi de lustration très controversée. Elle appelle également au renforcement de la liberté des médias. Dans l’intervalle, les efforts du pays pour réduire la corruption, lutter contre les discriminations, mettre fin aux mauvais traitements et intégrer les réfugiés doivent être poursuivis.

Enfin, la commission regrette que la question du nom continue à retarder l'ouverture des négociations d'adhésion avec l'Union européenne, ainsi que les tentatives de «l’ex-République yougoslave de Macédoine» de rejoindre l'OTAN, et espère que la Grèce adoptera une approche plus souple à cet égard.

La Macédoine doit faire face à des défis à tous les niveaux pour assurer sa stabilité politique et sa cohésion sociale, comme le conclut la commission, mais de sérieux doutes subsistent quant à la question de savoir si le pays dispose d’une stabilité politique suffisante pour réaliser des progrès réguliers dans la mise en œuvre des réformes requises. Dans l'intervalle, le Conseil de l'Europe devrait faire tout son possible pour soutenir «l’ex-République yougoslave de Macédoine» et élargir la coopération – notamment par l’ouverture d’un bureau à Skopje. Pour sa part, l'Assemblée devrait poursuivre son dialogue postsuivi sur les questions soulevées.

A. Projet de résolution 
			(1) 
			Projet
de résolution adopté à l’unanimité par la commission le 23 mai 2013.

(open)
1. «L’ex-République yougoslave de Macédoine» a adhéré au Conseil de l’Europe en 1995. En 2000, l’Assemblée parlementaire a adopté la Résolution 1213 (2000) et a décidé de mettre fin à la procédure de suivi. Depuis lors, l’Assemblée a ouvert un dialogue avec les autorités macédoniennes pour assurer le suivi des questions restantes identifiées par l’Assemblée – parmi lesquelles l’intégration des minorités ethniques, l’éducation, la réforme de la justice, la liberté d’expression, l’asile et la décentralisation – et de toute autre question découlant de ses obligations en tant qu’Etat membre du Conseil de l’Europe. La Résolution 1710 (2010) sur le mandat des corapporteurs de la commission de suivi requiert que l’Assemblée débatte du rapport consacré au dialogue postsuivi avec «l’ex-République yougoslave de Macédoine» en séance plénière.
2. L’Assemblée regrette que la question du nom continue de retarder l’ouverture des négociations d’adhésion avec l’Union européenne, pourtant recommandée à plusieurs reprises par la Commission européenne depuis 2009, ainsi que les initiatives lancées par «l’ex-République yougoslave de Macédoine» en vue de rejoindre l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN), malgré l’arrêt rendu par la Cour internationale de justice (CIJ) le 5 décembre 2011. L’Assemblée espère que la Grèce va adopter une approche plus souple sur cette question. L’Assemblée invite également «l’ex-République yougoslave de Macédoine» à poursuivre le dialogue engagé sous les auspices des Nations Unies en vue de régler la question du nom dans un proche avenir, et à nouer des relations constructives avec les pays voisins, contribuant ainsi à la stabilité globale de la région.
3. L’Assemblée rappelle que «l’ex-République yougoslave de Macédoine» est une société multiculturelle et pluriethnique complexe. Après le conflit interethnique de 2001, la signature de l’Accord-cadre d’Ohrid (ACO) visait à améliorer les droits des communautés non majoritaires, y compris celles des Albanais de souche qui représentent quelque 25 % des deux millions d’habitants, tout en préservant l’unité de l’Etat. L’ACO prévoyait, entre autres, des modifications de la Constitution, des dispositions visant à réglementer et à élargir l’utilisation de la langue albanaise, tout particulièrement dans les communautés comprenant au moins 20 % d’Albanais, l’instauration d’une représentation proportionnelle dans la fonction publique et les institutions d’Etat, la mise en place de mécanismes de protection des minorités au parlement, la décentralisation, ainsi que la majorité qualifiée, c’est-à-dire une double majorité («principe de Badinter»), lorsque le parlement adopte des lois concernant directement les droits des communautés nationales. L’Assemblée reconnaît que l’ACO a été un facteur de paix et de stabilité dans toute la région au cours des dix dernières années, et qu’il a permis d’importantes réformes.
4. L’Assemblée note, cependant, que plus de 10 ans après l’Accord-cadre d’Ohrid, les relations entre les communautés demeurent fragiles. Les tensions persistantes ont entraîné plusieurs incidents graves impliquant des membres des communautés macédonienne et albanaise, notamment au cours des derniers mois. L’Assemblée encourage les autorités macédoniennes à poursuivre la mise en œuvre effective de l’ACO et, en particulier, à chercher:
4.1. à appeler tous les acteurs politiques et sociaux à s’interdire d’employer toute forme de rhétorique nationaliste susceptible d’attiser les divisions et à faire preuve de respect et de compréhension à l’égard de l’identité et de la culture de chaque communauté;
4.2. à poursuivre la décentralisation, notamment fiscale; à donner une formation appropriée aux agents et aux élus locaux; et à profiter de l’expertise qui pourrait être fournie par le Conseil de l’Europe dans ces domaines;
4.3. à présenter et débattre du bilan établi pour faire le point sur l’application des politiques découlant de l’ACO, afin d’inspirer de nouvelles mesures inclusives et de donner un nouvel élan à sa mise en œuvre;
4.4. à envisager de nouvelles mesures visant à rétablir la confiance ainsi que des initiatives participatives pour promouvoir une vision commune qui permettrait de rapprocher les communautés et de construire une société prospère. A cet égard, l’Assemblée regrette la ségrégation persistante dans le domaine de l’éducation, qui hypothèque la cohésion des générations futures;
4.5. à poursuivre les efforts déployés pour défendre les droits culturels et linguistiques des communautés les moins représentées de Macédoine;
4.6. en vue de renforcer la protection des minorités nationales, à appliquer la Résolution CM/ResCMN(2012)13 du Comité des Ministres sur la mise en œuvre de la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales par «l’ex-République yougoslave de Macédoine»;
4.7. à reprendre, sans plus attendre, la préparation et la conduite d’un recensement reposant sur une méthodologie acceptée par les principales parties prenantes, étant donné que les résultats de ce recensement auront un effet direct sur toutes les communautés.
5. L’Assemblée est convaincue que la pleine application de l’ACO de façon équitable et transparente, sans exclure personne, peut contribuer à garantir une coexistence pacifique et la pleine participation à la vie publique des communautés non majoritaires, y compris les plus petites, et à assurer leur accès aux droits sociaux. Des efforts continus, à travers le dialogue et des mesures visant à rétablir la confiance, sont donc essentiels pour atteindre cet objectif.
6. L’Assemblée estime que «l’ex-République yougoslave de Macédoine» devrait être soutenue dans ses efforts visant à consolider la démocratie. Elle note cependant avec inquiétude que la série d’actions entreprises à l’encontre des médias, des partis d’opposition et des organisations non gouvernementales (ONG) après les élections législatives de juin 2011 ont suscité de graves préoccupations au sein de l’opposition comme de la société civile, qui ont perçu ces faits comme des actions partiales et sélectives. D’après le classement mondial de la liberté de la presse de «Reporters sans frontières» de 2013, «l’ex-République yougoslave de Macédoine» occupe la 116e place sur 179 pays. Par conséquent, l’Assemblée appelle les autorités macédoniennes à garantir la pleine liberté des médias.
7. La vie publique reste fortement divisée selon des lignes de fracture politique et ethnique, ce qui entrave le développement d’une société intégrée et solidaire. La dépolitisation de la vie publique est un défi difficile à relever, qui doit être pris au sérieux par les autorités avec le soutien de tous les partis politiques afin d’améliorer la transparence et l’efficacité des institutions publiques, de dynamiser le développement socio-économique du pays et d’offrir un avenir plus prometteur à la jeunesse macédonienne.
8. L’Assemblée insiste sur le fait que les mesures prises par les autorités pour instaurer des systèmes de recrutement au mérite devraient être renforcées et reposer sur des critères de sélection ou d’élection transparents. Face au sentiment de polarisation et de politisation de la société, les partis au pouvoir, qui détiennent la majorité à la fois au parlement et au niveau local depuis les élections de mars 2013, ont la lourde responsabilité de veiller à la mise en place d'un dialogue intégrateur entre toutes les composantes de la société et les partis politiques.
9. A cet égard, l’Assemblée déplore les graves incidents survenus au parlement le 24 décembre 2012, à l’occasion de l’adoption du budget 2013. La crise politique qui s’en est suivie a conduit l’opposition à boycotter le parlement au début 2013, jusqu’à la signature d’un accord le 1er mars 2013.
10. L’Assemblée invite les autorités macédoniennes et toutes les parties prenantes à appliquer pleinement l’accord du 1er mars 2013 et, en particulier:
10.1. à accélérer la mise en place d’une commission chargée d’enquêter sur les événements du 24 décembre 2012 et de débattre du résultat de ses investigations, afin que le parlement puisse modifier son règlement et ses méthodes de travail en conséquence;
10.2. à réviser le Code électoral, compte tenu de toutes les recommandations qui seront adoptées par la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise) en juin 2013 et par le Bureau des institutions démocratiques et des droits de l'homme de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE/BIDDH). L’Assemblée invite également les autorités macédoniennes à traiter les questions électorales identifiées par la commission ad hoc de l’Assemblée parlementaire pour l’observation des élections de 2011, en particulier la séparation insuffisamment nette entre Etat et partis et la nécessité de renforcer les mécanismes juridiques de protection du statut des agents publics, surtout au niveau local, afin de lutter efficacement contre les cas, perçus comme étant très répandus, de pressions exercées pendant la campagne électorale et notamment de menaces de perte d’emploi.
11. L’Assemblée demande instamment aux partis politiques d’engager un dialogue constructif en vue d’assurer le bon fonctionnement du parlement et l’adoption d’un code de déontologie, et de solliciter l’expertise de l’Assemblée parlementaire pour améliorer le fonctionnement du parlement par le biais de programmes de coopération.
12. L’Assemblée appelle les autorités macédoniennes à garantir la liberté des médias, étant donné la faiblesse du secteur des médias, le grand nombre d’organes de presse, le fait que les médias soient lourdement tributaires de la publicité de l’Etat (à hauteur de 50 %), ce qui soulève des préoccupations concernant l’ingérence politique dans les médias, l’insuffisance des normes professionnelles qui ne sont pas à même de garantir l’indépendance et l’impartialité du journalisme d’investigation, et les problèmes posés par le passage au numérique en 2013.
13. L’Assemblée se félicite de la dépénalisation de la diffamation en 2012. Elle note, cependant, que la loi nouvellement adoptée relative à la responsabilité civile en matière d’insultes et de diffamation et les compensations financières à verser dans le cadre des procédures civiles pourraient avoir de graves conséquences sur la viabilité économique des médias et inciter à l’autocensure involontaire. L’Assemblée demande donc instamment aux autorités de poursuivre le dialogue avec les associations de journalistes, de renforcer la liberté d’expression dans les lois futures, de faciliter la création d’une instance d’autorégulation et de veiller à ce que le Conseil de la radio et de la télédiffusion, dans sa nouvelle composition, soit perçue comme agissant de manière indépendante, et s’acquitte de sa mission sans être exposé aux pressions politiques.
14. Concernant le respect de l’Etat de droit, l’Assemblée considère qu’un système judiciaire efficace et indépendant est une condition essentielle de la démocratie. Elle se félicite des réformes entreprises par «l’ex-République yougoslave de Macédoine» pour modifier sa législation et appliquer le Code de procédure pénale nouvellement adopté. Elle note, cependant, le manque de confiance des citoyens dans le système judiciaire, et demande instamment aux autorités macédoniennes de faire en sorte de créer des conditions favorables à l’instauration d’un système judiciaire non sélectif. Dans ce contexte, l’Assemblée invite «l’ex-République yougoslave de Macédoine» à renforcer les programmes de formation des juges et des procureurs.
15. L’Assemblée note avec satisfaction l’évolution positive observée au cours des cinq dernières années dans l’indice de perception de la corruption de Transparency International. Elle considère que la lutte contre la corruption doit rester une priorité: la corruption porte gravement atteinte au fonctionnement des institutions démocratiques et judiciaires et des services publics, de même qu’à la confiance des citoyens dans les institutions publiques. L’Assemblée se félicite de l’adoption des amendements à la loi sur le financement des partis politiques en octobre 2011, novembre 2012 et février 2013, et au Code pénal en 2011. Elle encourage les autorités macédoniennes à pleinement appliquer les dispositions nouvellement adoptées et à assurer la formation de toutes les parties prenantes. Elle demande instamment à «l’ex-République yougoslave de Macédoine» de modifier sa législation conformément aux recommandations restantes du Groupe d’Etats contre la corruption (GRECO) et de renforcer l’indépendance et l’impartialité de la Commission nationale de prévention de la corruption, ainsi que la protection juridique et institutionnelle des donneurs d’alerte.
16. Concernant la protection des droits de l’homme, l’Assemblée encourage «l’ex-République yougoslave de Macédoine» à se confronter à son passé et à régler des questions en souffrance liées aux droits de l’homme, ainsi que le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe l’a souligné en avril 2013. Elle exprime cependant sa préoccupation concernant la loi de lustration, très controversée, et invite les autorités macédoniennes à se conformer à la décision de la Cour constitutionnelle, à la lumière du mémoire amicus curiae adopté par la Commission de Venise en mars 2013.
17. L’Assemblée appelle les autorités macédoniennes à intensifier leurs efforts de lutte contre la discrimination, notamment des Roms, à poursuivre les programmes locaux d’intégration et à assurer l’accès effectif de ces populations aux documents d’identité, ainsi qu’aux soins de santé et aux droits sociaux. L’Assemblée rappelle que la lutte contre la discrimination doit englober toutes les formes de discrimination, y compris les préjugés liés à l’orientation sexuelle. L’Assemblée appelle donc les autorités macédoniennes à allouer suffisamment de ressources financières et humaines à ces activités et à garantir le bon fonctionnement du bureau du médiateur.
18. L’Assemblée demeure préoccupée par les mesures prises pour combattre les «faux demandeurs d’asile» – principalement des Roms. L’Assemblée rappelle que le droit de chaque individu de quitter son pays est un droit fondamental établi, garanti par l’article 2 du Protocole no 4 à la Convention européenne des droits de l’homme (STE n° 46) et consacré dans l’article 14 de la Déclaration universelle des droits de l’homme. En conséquence, l’Assemblée demande instamment aux autorités macédoniennes de ne prendre aucune mesure qui porterait atteinte à cette liberté fondamentale et de s’employer à améliorer encore les conditions de vie des communautés concernées.
19. L’Assemblée prend note des efforts déployés par «l’ex-République yougoslave de Macédoine» pour lutter contre la torture et les mauvais traitements. Elle invite cependant «l’ex-République yougoslave de Macédoine» à appliquer les recommandations restantes du Comité pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT). L’Assemblée se félicite du lancement, en décembre 2012, d’un programme conjoint Conseil de l’Europe/Union européenne sur le renforcement des capacités des services répressifs pour garantir un traitement approprié aux détenus et aux personnes condamnées, et demande la mise en place de nouveaux programmes de coopération dans le domaine des droits de l’homme.
20. L’Assemblée se félicite des amendements à la loi sur l’asile et la protection temporaire adoptés en 2012 et du lancement d’une Stratégie d’intégration des réfugiés (2008-2015). Elle appelle les autorités à allouer les fonds nécessaires pour permettre la mise en œuvre intégrale du plan d’action national envisagé en vue de renforcer l’accès des réfugiés au logement, à l’éducation, à la protection de la santé, à l’emploi et à la protection sociale, et à mieux garantir la protection juridique et les droits des réfugiés et des demandeurs d’asile, en coopération avec le Haut-Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés.
21. En conclusion, l’Assemblée est bien consciente des défis auxquels «l’ex-République yougoslave de Macédoine» doit faire face à tous les niveaux pour assurer sa stabilité politique et sa cohésion sociale. On ne peut que se féliciter de son aspiration à s’intégrer davantage en Europe et à se conformer pleinement aux normes européennes dans les domaines des droits de l’homme, de la démocratie et de l’Etat de droit, et l’appuyer. Toutefois, de sérieux doutes subsistent quant à la question de savoir si le pays dispose d’une stabilité politique suffisante pour réaliser des progrès réguliers dans la mise en œuvre des réformes requises.
22. Compte tenu de ce qui précède, l’Assemblée demande au Secrétaire Général du Conseil de l’Europe d’envisager l’ouverture d’un bureau du Conseil de l’Europe pour aider «l’ex-République yougoslave de Macédoine» à poursuivre ses efforts de démocratisation, suivre l’évolution de la situation politique dans le pays, fournir des conseils et l’expertise du Conseil de l’Europe, le cas échéant, et, d’une manière générale, renforcer et coordonner la coopération avec les autorités macédoniennes.
23. Dans l’intervalle, l’Assemblée décide de poursuivre son dialogue postsuivi avec «l’ex-République yougoslave de Macédoine» sur les questions soulevées dans la présente résolution. Elle appelle le Président de l’Assemblée parlementaire et son rapporteur à convenir rapidement d’une rencontre avec le Président et le Premier ministre de «l’ex-République yougoslave de Macédoine», afin de discuter de la mise en œuvre des recommandations faites dans cette résolution, ainsi que de l’avancement de la procédure de postsuivi d’une manière générale.

B. Projet de recommandation 
			(2) 
			Projet
de recommandation adopté à l’unanimité par la commission le 23 mai
2013.

(open)
1. L’Assemblée parlementaire se réfère à sa Résolution … (2013) sur le dialogue postsuivi avec «l’ex-République yougoslave de Macédoine». L’Assemblée estime que les efforts déployés par les autorités macédoniennes pour garantir l’application de l’Accord-cadre d’Ohrid de 2001, poursuivre les réformes engagées dans les domaines de la démocratie, des droits de l’homme et de l’Etat de droit et continuer à avancer selon le calendrier fixé pour l’intégration européenne doivent être pleinement appuyés par le Conseil de l’Europe et ses Etats membres.
2. En conséquence, l’Assemblée recommande au Comité des Ministres d’intensifier les activités de coopération avec «l’ex-République yougoslave de Macédoine», de soutenir les autorités macédoniennes dans leurs efforts visant à se conformer aux normes du Conseil de l’Europe, et d’appuyer la construction d’une société ouverte, démocratique et plurielle, en particulier en soutenant les mesures visant à rétablir la confiance entre toutes les communautés. Cela permettrait de garantir le fonctionnement des institutions démocratiques aux niveaux local et national, de renforcer la lutte contre la corruption et la discrimination, et de préserver l’indépendance de la justice et des médias.
3. En outre, les autorités macédoniennes devraient être invitées à faire usage de l’expertise offerte par le Conseil de l’Europe – notamment par la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise) – afin de garantir l’entière compatibilité de la législation et de la pratique avec les principes et normes de l’Organisation.
4. En conséquence, l’Assemblée recommande que le Comité des Ministres et le Secrétaire Général renforcent la présence du Conseil de l’Europe dans «l’ex-République yougoslave de Macédoine» et ouvrent un bureau du Conseil de l’Europe, conformément à la Résolution CM/Res(2010)5 sur le statut des bureaux du Conseil de l’Europe, pour, entre autres, apporter conseil, promouvoir et soutenir les politiques et activités des autorités nationales et des partenaires locaux liées au statut de membre du Conseil de l’Europe, coordonner les activités dans le pays avec les autres organisations et institutions internationales et, d’une manière générale, renforcer la coopération en cours avec les autorités macédoniennes.

C. Exposé des motifs, par M. Walter, rapporteur

(open)

1. Introduction

1. L’Assemblée parlementaire, dans sa Résolution 1213 (2000) sur le respect des obligations et engagements de «l’ex-République yougoslave de Macédoine», a décidé d’engager le dialogue postsuivi avec la Macédoine 
			(3) 
			Le
terme «Macédoine» est utilisé dans ce document à titre descriptif
et pour des raisons de convenance du lecteur. Il ne préjuge pas
de la position de l’Assemblée sur la question du nom de l’Etat et
ne reflète pas la position du Conseil de l’Europe.. M. Serhiy Holovaty (Ukraine, ADLE), à l’époque président de la commission de suivi, s’est rendu à Skopje du 2 au 5 novembre 2008 
			(4) 
			Voir AS/Mon (2008)
31 rev., à la suite de la présentation du dernier mémorandum sur le dialogue postsuivi avec «l’ex-République yougoslave de Macédoine» préparé par son prédécesseur, M. Eduard Lintner, en janvier 2008 
			(5) 
			AS/Mon
(2007)12 rev 2 du 24 janvier 2008.. J’ai été nommé rapporteur le 24 juin 2010, conformément aux nouvelles règles relatives à la préparation des rapports de dialogue postsuivi depuis l’adoption de la Résolution 1710 (2010).
2. J’ai effectué trois visites d’information, du 26 au 28 septembre 2011, du 7 au 10 mai 2012 et du 31 octobre au 2 novembre 2012, avec pour objet le suivi de la mise en œuvre de la Résolution précédemment adoptée, la collecte d’informations actualisées et l’identification de domaines clés à prendre en compte dans le cadre du dialogue postsuivi régulier. En septembre 2011, j’ai décidé de me concentrer sur les événements les plus récents, à savoir l’issue des élections législatives du 5 juin 2011, la situation des médias et la mise en œuvre de l’Accord-cadre d’Ohrid (ACO). Au cours de ma seconde visite, en mai 2012, j’ai rencontré divers interlocuteurs, et notamment le Procureur général. Ces discussions étaient axées sur l’impact des derniers événements interethniques de 2012, la liberté des médias, la lutte contre la corruption, la situation des réfugiés et des demandeurs d’asile, le processus de lustration et la décentralisation. Aussi ai-je rencontré les représentants d’autorités locales et d’organisations non gouvernementales (ONG) à Ohrid, Struga, Vevcani et Tetovo. Malheureusement je n’ai pu m’entretenir ni avec le Premier ministre, ni avec le Président de la République au cours de mes visites. J’ose espérer que cela ne traduise pas un manque d’intérêt ou d’engagement des plus hautes autorités pour la coopération avec l’Assemblée parlementaire en vue d’honorer les obligations et engagements pris par la Macédoine envers le Conseil de l’Europe auquel elle a adhéré en 1995.
3. Le présent rapport reflète les résultats de mes visites, qui n’avaient pas été publiés par la commission de suivi jusqu’ici. Il s’appuie sur les rapports élaborés par l’Assemblée parlementaire, l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), la Commission européenne (CE), le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), le Haut-Commissariat aux réfugiés (HCR) et les organes de suivi du Conseil de l’Europe ainsi que sur les analyses fournies par les médias et les groupes de réflexion, notamment l’International Crisis Group (ICG), qui a publié, le 11 août 2011, un rapport détaillé 
			(6) 
			«Macedonia: ten years
after the conflict», Europe report n° 212, (ci-après «rapport ICG
2011»), <a href='http://www.icg.org'>www.icg.org</a>.. Il prend également en considération le rapport publié par le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, M. Nils Muižnieks, le 9 avril 2013 
			(7) 
			CommDH(2013)4., à la suite de sa visite en Macédoine effectuée en novembre 2012, qui aborde plusieurs des questions traitées dans le présent document.
4. Je souhaite profiter de cette occasion pour remercier la délégation de la Macédoine auprès de l’Assemblée parlementaire et son secrétariat pour l’excellente organisation de mes visites, pour leur attitude constructive, pour avoir facilité nos contacts avec les autorités ainsi que pour leurs commentaires utiles et détaillés sur mon avant-projet de rapport 
			(8) 
			Voir AS/Mon (2013)
10, 12 avril 2013. . Je tiens en outre à remercier l’Ambassadeur Orav, Chef de la délégation de l’Union européenne à Skopje, M. Robin Lidell, Chef de la section politique et information de la délégation de l’Union européenne, l’Ambassadeur Ralf Breth, Chef de la Mission de l’OSCE ainsi que MM. Domenico Albonetti et James De Witt, de la Mission de l’OSCE, Mme Deirdre Boyd, Chef de la mission du PNUD, M. Christopher Yvon, Ambassadeur du Royaume-Uni et les membres de la communauté internationale pour les précieuses informations fournies.

2. Le processus d’intégration euro-atlantique

2.1. Perspective d’intégration dans l’Union européenne

5. La Macédoine cherche à devenir membre de l’Union européenne et a obtenu le statut de pays candidat en décembre 2005. Le Conseil des ministres de l’Union européenne a adopté le partenariat pour l’adhésion en février 2010. Dans ses rapports de suivi de 2009, 2010, 2011 et à nouveau en 2012, la Commission européenne a proposé d’entamer les négociations en vue de l’adhésion du pays.
6. Dans ce contexte, la Commission européenne a décidé de lancer un «Dialogue d’adhésion de haut niveau» (DAHN) en mars 2012, qui devrait permettre un échange de vues substantiel et des consultations techniques régulières dans cinq domaines politiques clés – liberté d’expression, Etat de droit, réforme de l’administration publique, réforme électorale et critères économiques. Il portera vraisemblablement sur les chapitres 23 (système judiciaire et droits fondamentaux) et 24 (justice, liberté et sécurité) des futures négociations d’adhésion à l’Union européenne et doit être salué car il ne peut qu’encourager la Macédoine à accélérer le respect de ses engagements et obligations non encore satisfaits et l’inciter à ne pas laisser retomber l’élan qui lui permettra de réaliser de nouveaux progrès dans ces domaines essentiels et de produire des résultats. Des réunions ont eu lieu au niveau politique les 15 mars, 7 mai, 17 septembre 2012 et 9 avril 2013. Selon la Commission européenne, des progrès satisfaisants ont été réalisés sur un plan général. Ils ont été évalués dans le dernier rapport de suivi en date de la Commission 
			(9) 
			SWD (2012) 333, Rapport
de suivi de 2012 sur «l’ex-République yougoslave de Macédoine»,
qui accompagne le document «Communication de la Commission au Parlement
européen et au Conseil – Stratégie d’élargissement et principaux
défis 2012-2013, <a href='http://ec.europa.eu/enlargement/pdf/key_documents/2012/package/strategy_paper_2012_fr.pdf'>COM(2012)600</a>, 10 octobre 2012 (ci-après «Rapport de suivi CE 2012»)..
7. Alors que persiste le différend avec la Grèce sur le nom du pays (voir ci-dessous), des tensions sont apparues récemment avec la Bulgarie. Dans une lettre adressée à Nikola Poposki, son homologue macédonien, à la fin du mois de novembre 2012, Nikolaï Mladenov, ministre bulgare des Affaires étrangères a présenté trois mesures qu’il proposait de prendre: 1) signer un accord sur des relations de bon voisinage et de coopération; 2) améliorer les infrastructures pour renforcer la collaboration en créant des groupes de travail afin de resserrer les relations dans des domaines clés; et 3) créer un conseil à haut niveau sous la forme de réunions intergouvernementales annuelles. Bien que Skopje ait accepté ces propositions, la Bulgarie s’est ralliée à la Grèce et s’est opposée à l’ouverture de négociations d’adhésion à l’Union européenne 
			(10) 
			Darko
Duridanski, <a href='http://www.balkaninsight.com/en/article/bulgaria-sets-terms-for-aiding-macedonia-s-eu-bid'>«Bulgaria
Sets Terms For Aiding Macedonia’s EU Bid</a>», <a href='http://www.balkaninsight.com/'>www.balkaninsight.com</a>, 30 novembre 2012.. La visite en Macédoine du Premier ministre bulgare Borisov le 16 février 2013 a cependant été perçue comme une «occasion importante» de renforcer le dialogue politique entre les deux pays et met en lumière l’utilité d’une coopération concrète dans les domaines des infrastructures, des institutions, de la communication, du commerce et des investissements 
			(11) 
			AS/Mon (2013) 10, commentaires
du Gouvernement macédonien sur l’avant-projet de rapport, p. 3..
8. S’agissant de la proposition de la Bulgarie de conclure un accord sur des relations de bon voisinage et de coopération, la symétrie, le respect mutuel et des spécificités nationales, culturelles, linguistiques et autres ont été soulignés en tant qu’éléments essentiels pour établir de bonnes relations de voisinage.
9. Lors de sa réunion du 11 décembre 2012, la formation «Affaires générales» du Conseil européen de l’Union européenne a proposé que «en vue d’une possible décision du Conseil européen d’ouvrir des négociations d’adhésion avec l’ancienne République yougoslave de Macédoine, le Conseil examinera, sur la base d’un rapport que la Commission présentera au printemps 2013, la mise en œuvre des réformes dans le contexte du dialogue de haut niveau sur l’adhésion ainsi que les mesures prises afin de promouvoir des relations de bon voisinage et de trouver, sous l’égide des Nations Unies, une solution négociée et mutuellement acceptable à la question de la dénomination du pays».
10. Le 16 avril 2013, la Commission européenne a publié son rapport de printemps sur la «Mise en œuvre des réformes dans le cadre du dialogue de haut niveau sur l’adhésion et promotion des relations de bon voisinage», qui fournit des informations complémentaires dans la perspective de la réunion du Conseil européen prévue en juin 2013, en vue de décider ou non d’ouvrir des négociations d’adhésion. J’ai relevé à cet effet l’accent placé sur la pleine mise en œuvre de «l’accord du 1er mars» (voir ci-dessous) 
			(12) 
			“Rapport de la Commission
au Parlement européen et au Conseil, l’ex-République yougoslave
de Macédoine: mise en œuvre des réformes dans le cadre du dialogue
de haut niveau sur l’adhésion et promotion des relations de bon voisinage» (ci-dessous:
«Rapport de printemps de la Commission européenne»), COM(2013)205
final, <a href='http://ec.europa.eu/enlargement/pdf/key_documents/2013/mk_spring_report_2013_fr.pdf'>http://ec.europa.eu/enlargement/pdf/key_documents/2013/mk_spring_report_2013_fr.pdf</a>..
11. L’ouverture de négociations d’adhésion, perspective saluée par toutes les communautés de Macédoine, sera très certainement une incitation de plus de mener les réformes. Dans l’intervalle, je ne peux qu’encourager les autorités macédoniennes et l’ensemble des parties prenantes à ce processus à poursuivre leurs efforts pour parvenir à un accord sur la dénomination du pays, car ce serait une performance politique et cela accélérerait le processus d’intégration de la Macédoine dans l’Union européenne et l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN). Je dois également ajouter que les questions qu’il convient d’aborder dans le cadre des négociations des chapitres 23 et 24 ont trait aux normes auxquelles le Conseil de l’Europe attache une importance toute particulière dans la mesure où elles portent sur le système judiciaire, les droits et libertés fondamentaux et la justice. Le Conseil de l’Europe est disposé à soutenir les autorités macédoniennes dans leurs efforts pour se conformer aux normes européennes dans les domaines de la démocratie, des droits de l’homme et de l’Etat de droit et aborder tout l’éventail de sujets qui présentent de l’intérêt tant pour la Commission européenne que pour le Conseil de l’Europe.

2.2. La question du nom

12. Le dialogue entamé sous les auspices des Nations Unies par l’envoyé spécial des Nations Unies, Matthew Nimetz, n’a pas encore porté ses fruits. En outre, le processus pourrait être ralenti par l’actuelle crise économique et politique en Grèce. Le 17 novembre 2008, la Macédoine a saisi la Cour internationale de justice (CIJ) contre la Grèce pour «violation flagrante des obligations qu’impose l’article 11» de l’accord intérimaire signé par les deux parties 
			(13) 
			Voir le
rapport ICG 2011: la Macédoine estime que la Grèce a violé l’accord
en s’opposant à sa demande d’admission à l’OTAN alors que toutes
les obligations ont été respectées. La Grèce s’est engagée, dans
l’accord de 1995, à ne pas s’opposer à l’adhésion de son voisin
du Nord à des organisations internationales uniquement à cause de
la divergence au sujet du nom, mais Athènes affirme que cette décision
a été prise par l’OTAN, dont les procédures décisionnelles internes
ne relèvent pas de la compétence de la CIJ.. Le 5 décembre 2011, la CIJ a estimé que la Grèce n’avait pas respecté l’accord intérimaire conclu par les Nations Unies en 1995, du fait de son blocage de la tentative de la Macédoine de rejoindre l’OTAN en 2008 
			(14) 
			Cependant,
la CIJ n’a pas accepté la demande de la Macédoine qu’il soit ordonné
à la Grèce de mettre fin au blocage de l’entrée de la Macédoine
dans l’Union européenne et l’OTAN et a déclaré (par. 168) que «la
Cour ne juge pas nécessaire d’ordonner au défendeur, comme le demande
le requérant, de s’abstenir de toute conduite future violant son obligation
au titre de l’Article 11, paragraphe 1, de l’Accord intérimaire».
Comme la Cour l’a expliqué précédemment, «en règle générale, il
n’y a pas de raison de supposer qu’un Etat dont les actes ou la
conduite ont été déclarés illicites par la Cour réitérera à l’avenir
cet acte ou cette conduite, sa bonne foi devant être présumée».
Voir le <a href='http://www.icj-cij.org/docket/files/142/16827.pdf'>jugement</a> sur l’application de l’accord intérimaire du 13 septembre
1995 («l’ex-République yougoslave de
Macédoine c. Grèce»), CIJ, 5 décembre 2011..
13. Malgré la décision de la CIJ, aucun progrès n’a pu être enregistré dans le processus d’intégration euro-atlantique. La Macédoine n’a pas été invitée à rejoindre l’OTAN lors du dernier sommet de cette Organisation à Chicago en mai 2012 et le processus d’intégration dans l’Union européenne demeure bloqué. Les autorités soulignent que les Résolutions 817 (1993) et 845 (1993) du Conseil de sécurité des Nations Unies, ainsi que l’accord intérimaire datant de 1995, établissent le cadre de ce processus 
			(15) 
			AS/Mon (2013) 10, commentaires
du Gouvernement macédonien, p. 4..
14. Les discussions sur la question du nom ont repris récemment après une rencontre en septembre 2012 entre M. Nikola Poposki, ministre macédonien des Affaires étrangères, et M. Dimitris Avramapoulos, ministre grec des Affaires étrangères, à New York où ils se sont retrouvés pour signer un protocole d’accord. L’envoyé des Nations Unies a déposé une nouvelle proposition en novembre (dont le contenu n’a cependant pas été rendu public). En janvier 2013, deux cycles de discussions se sont tenus entre les deux parties et une nouvelle réunion devait suivre en avril 2013.

3. Résultats des élections législatives anticipées du 5 juin 2011 et évolution de la situation à la suite de ces élections

3.1. Résultats et évaluation des élections législatives du 5 juin 2011

15. Des élections législatives anticipées ont été convoquées à la suite du boycott du parlement par l’opposition début 2011. L’Union social-démocrate de Macédoine (SDSM) avait subordonné son retour au parlement à l’adoption d’amendements constitutionnels afin de changer la composition du Conseil de la magistrature, de débloquer les comptes bancaires de la chaîne TV A1 et des autres médias sanctionnés (voir ci-dessous), à l’introduction d’une nouvelle loi sur la répartition équitable des financements publics destinés à la publicité dans les médias, à l’aboutissement d’un consensus entre gouvernement et opposition sur les amendements au Code électoral et à la formation d’un groupe de travail parlementaire pour mettre à jour les listes électorales. Le Premier ministre, M. Nikola Gruevski, a accepté toutes les conditions sauf le déblocage des comptes bancaires de la chaîne A1, question relevant, a-t-il déclaré, du domaine judiciaire 
			(16) 
			Rapport ICG 2011.. Les négociations entre les partis du gouvernement de coalition VMRO‑DPNME et de l’opposition, conduite par la SDSM, sur le retour éventuel de celui-ci au parlement ont tourné court. Le parlement a voté sa dissolution le 15 avril 2011 et fixé des élections anticipées au 5 juin 2011.
16. Une commission ad hoc de l’Assemblée parlementaire a observé les élections législatives anticipées et conclu que «les élections législatives anticipées ont été pluralistes, transparentes et bien administrées dans l’ensemble du pays, même si certains points, comme la séparation insuffisamment nette entre Etat et partis, requièrent une plus grande vigilance» 
			(17) 
			Voir Doc. 12643.. La commission ad hoc a également noté que «le jour du scrutin, les électeurs ont pu exprimer librement leur suffrage dans un climat pacifique, malgré les allégations d’irrégularités soulevées de façon irresponsable par certains partis politiques. Le processus de vote et de dépouillement a fait l’objet d’une évaluation très largement positive, sans différence sensible entre les territoires à population macédonienne et ceux où dominent les Albanais de souche».
17. La commission ad hoc a fait les constatations suivantes:
  • Elle a regretté que les amendements au Code électoral aient été adoptés par le parlement avec une faible majorité le 5 avril 2011, à deux mois seulement du jour du scrutin, et ce, sans avoir obtenu l’avis de la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise), et que les partis de l’opposition aient boycotté le vote 
			(18) 
			Le 5 avril 2011, la
coalition gouvernementale a adopté des amendements au Code électoral,
en vue de mettre en œuvre les recommandations de la Commission de
Venise et du Bureau des institutions démocratiques et des droits
de l'homme (BIDDH) contenues dans les derniers rapports d’observation
des élections présidentielle et locales du 22 mars et 5 avril 2009.
Vu les délais très courts, la Commission de Venise n’a pas été en
mesure d’adopter un avis sur ces amendements récents au Code électoral.
Pourtant, selon les interlocuteurs du BIDDH à Skopje, le Code électoral
ainsi amendé répond à la plupart des recommandations et, s’il est
correctement mis en œuvre, permettra d’offrir une base juridique
solide pour la tenue d’élections démocratiques..
  • Elle a fait remarquer que l’exactitude des listes électorales était un problème récurrent qui était constaté depuis 1994.
  • Elle a rappelé avec insistance que des cas d’intimidations et de pression continuaient à être constatés, d’une élection à l’autre et que, plus grave encore, les agents publics qui soutenaient l’opposition, surtout au niveau local, étaient menacés de perdre leur emploi. Cela est extrêmement préoccupant dans un pays où, selon différentes estimations, le chômage affecte plus de 30 % de la population active.
  • Elle a constaté des cas de vote en famille dans 15 % des bureaux visités.
18. La commission ad hoc a formulé les recommandations suivantes – dont j’ai suivi la mise en œuvre au cours de la préparation de mon rapport:
«51. La commission ad hoc considère que «l’ex-République yougoslave de Macédoine» devrait renforcer sa coopération avec la Commission de suivi de l’Assemblée dans le cadre du dialogue post-suivi pour répondre aux préoccupations suivantes, liées aux élections:
– Renforcer les mécanismes juridiques de protection du statut des agents publics, surtout au niveau local, afin de lutter efficacement contre les cas, assez répandus, de pressions et de menaces de pertes d’emploi à l’égard des agents publics tout au long du processus électoral;
– Assurer la mise en œuvre effective des dispositions juridiques relatives au financement des campagnes électorales des partis politiques et des médias en tenant compte des recommandations du GRECO [Groupe des Etats contre la corruption], publiées en mars 2010, sur “l’ex-République yougoslave de Macédoine”;
– Promouvoir la culture du dialogue entre les différentes forces politiques, indépendamment de l’appartenance ethnique, pour la recherche de compromis afin d’éviter les cas fréquents de boycott du parlement.
52. La commission ad hoc demande aux autorités de “l’ex-République yougoslave de Macédoine” de solliciter l’avis de la Commission de Venise sur le Code électoral tel que révisé le 5 avril 2011 et une assistance de la Commission de Venise afin de renforcer ses capacités juridiques et techniques internes.
53. La commission ad hoc considère qu’il serait nécessaire de mettre en œuvre des programmes d’assistance électorale ciblés sur les problèmes identifiés dans le présent rapport.»
19. Les résultats des élections ont abouti à une composition plus équilibrée du parlement, avec une opposition plus forte et une majorité réduite de la coalition au pouvoir. La répartition des sièges est la suivante: coalition Organisation révolutionnaire intérieure de Macédoine – Parti démocratique pour l’unité macédonienne (VMRO-DPMNE) – 56 sièges (dont 3 sièges pour la diaspora); coalition Union social-démocrate de Macédoine SDSM – 42 sièges; Union démocratique pour l’intégration (DUI) – 15 sièges; Parti démocratique des Albanais (DPA) – 8 sièges.
20. Le 28 juillet 2011, le parlement a élu le nouveau gouvernement, à nouveau placé sous la conduite du Premier ministre Nikola Gruevski, par 70 voix pour et 47 contre. La DUI a réussi à obtenir cinq ministères (dont ceux de la Défense et de la Justice) et deux postes de Vice-Premier ministre (notamment celui en charge des affaires européennes). La plate-forme de la VRMO-DPMNE et la coalition DUI ont annoncé qu’elles se concentreront sur cinq priorités: le développement économique, l’intégration euro-atlantique, la corruption et la criminalité organisée, la poursuite de la mise en œuvre de l’Accord-cadre d’Ohrid et les investissements dans l’éducation.

3.2. Evénements postélectoraux et développements

21. Le lendemain des élections a été marqué par la mort de M. Martin Neskovski, décédé peu après minuit le 6 juin 2011 (à 0h40) après avoir été frappé brutalement sur la place centrale de Skopje durant les célébrations pour fêter la victoire de la veille du parti VMRO-DPMNE de M. Gruevski. Selon les comptes rendus des médias, la police a nié durant deux jours son implication, puis a rendu publiques des informations sur l’affaire, alimentant ainsi les soupçons de camouflage et déclenchant des manifestations 
			(19) 
			Les autorités ont souligné
que le décès a été qualifié de meurtre dès réception du rapport
médico-légal et que l’auteur a été identifié en moins de 24 heures.
La police s’est abstenue de rendre publiques des informations qui
ne reposaient pas sur des faits probants. Les autorités ont déploré
que cette période n’ait pas été utilisée à bon escient, les appels
lancés au public par la police afin de recueillir des informations
étant restés lettre morte. Le 8 juin 2011, le Parquet a engagé des
poursuites pénales à l’encontre de M. Spasov. AS/Mon (2013) 10,
p. 4. . Un fonctionnaire de police, dont l’implication dans le décès du jeune homme a été confirmée, a été arrêté et suspendu. Il s’agit de M. Spasov, 33 ans, membre à l’époque des unités spéciales «Tigres» et chargé d’assurer la sécurité de la place pendant les célébrations du parti victorieux, le jour du scrutin de 8 heures du matin à minuit. Plus tard, plusieurs milliers de jeunes se sont rendus dans les rues de Skopje après que la nouvelle qu’une personne avait été frappée à mort s’est propagée sur les réseaux sociaux Twitter et Facebook.
22. Les manifestants ont demandé une enquête complète sur l’affaire; ils ont essayé d’obtenir des réponses de la ministre de l’Intérieur, Mme Gordana Jankulovska, et se sont plaints en outre que les médias progouvernementaux avaient ignoré l’affaire ainsi que les mouvements de protestation qui ont suivi 
			(20) 
			<a href='http://www.balkaninsight.com/'>www.balkaninsight.com</a>, «Macedonian Mother Sues State Over Son’s Death», 11
juillet 2011.. Les protestataires ont régulièrement manifesté depuis lors, notamment lors de ma visite à Skopje en septembre 2011, afin que soit faite une enquête complète mais ils demandent également la révision de la loi sur la police afin de garantir un contrôle civil plus rigoureux du travail de la police ainsi que des règles plus strictes pour le recrutement de nouveaux agents de police 
			(21) 
			Sinisa Jakov Marusic,
«Macedonians Protest Over Delays in Neskovski Probe», <a href='http://www.balkaninsight.com/'>www.balkaninsight.com</a>, 30 septembre 2011.. Mme Jankulovska a reconnu que l’interaction entre la police et les personnes avait besoin d’être améliorée et m’a informé de l’organisation de formations à cet égard. Le procès de M. Spasov s’est ouvert le 2 novembre 2011. M. Spasov a été reconnu coupable et condamné à quatorze ans de prison par le tribunal pénal de Skopje. Les membres du mouvement «Halte aux brutalités policières» et la famille de M. Neskovski ont cependant accusé le gouvernement d’avoir favorisé une enquête entachée d’irrégularités, d’avoir préservé l’impunité de la police et d’avoir fait preuve d’intimidation 
			(22) 
			<a href='http://www.state.gov/documents/organization/186589.pdf'>Country
Reports on Human Rights Practices for 2011</a>, US Department of State Bureau of Democracy, Human Rights and
Labor. .
23. L’arrestation de M. Ljube Boskoski, chef du parti politique d’opposition «Unis pour la Macédoine» (UM), le 6 juin 2011 (le lendemain des élections législatives), en présence des médias qui ont pu filmer l’arrestation, et la saisie de 100 000 euros en espèces ainsi que d’une arme dans sa voiture ont suscité des questions. Le ministère de l’Intérieur se renseignait sur M. Boskoski depuis plusieurs mois, notamment pendant la période de campagne électorale. D’après l’UM, l’arrestation a été motivée par la volonté du gouvernement de manifester son pouvoir et de prendre une revanche politique, M. Boskoski s’étant montré extrêmement critique envers le gouvernement. La condamnation de M. Boskoski à sept ans de prison pour financement illégal de la campagne électorale et abus de position a été confirmée en mai 2012 par la Cour d’appel, ce qui a pourtant fait naître des préoccupations relatives à une justice sélective 
			(23) 
			A cet égard, l’opposition
a déploré le fait que «la dette de la campagne électorale non honorée
par le VMRO-DPMNE», «estimée à 3,5 millions d’euros» restait «une
question ouverte», et que «aucune poursuite légale n’[avait] été entreprise».
AS/Mon (2013) 10, p. 22.. Dans l’intervalle, M. Boskoski a été poursuivi parce qu’il avait assisté à l’assassinat de Marjan Tuchevski et de Kiril Janev en 2001 dans un restaurant de Skopje 
			(24) 
			Pour
plus de détails, voir: <a href='http://www.balkaninsight.com/en/article/macedonia-s-boskoski-charged-with-assisting-murder'>www.balkaninsight.com/en/article/macedonia-s-boskoski-charged-with-assisting-murder</a>.  
			(25) 
			Le parti d’opposition
SDSM a également mis en exergue que «la démolition du projet de
construction “Cosmos”, qui était la propriété d’un autre leader
d’opposition et membre du parlement Fijat Canoski, a été assurée
par des forces de police spéciales, immédiatement après les élections,
sans aucune possibilité de recours contre la décision. (...) Ceci
a été interprété comme un acte de revanche à la suite de la décision
de M. Canovski de quitter la [coalition] gouvernementale et de rejoindre
la coalition d’opposition pour les élections». AS/Mon (2013) 10,
p. 22..

4. Fonctionnement des institutions démocratiques

4.1. Remarque préliminaire

24. La politisation de la vie publique a souvent été mentionnée au cours de mes visites, y compris par des responsables, bien que ces avis ne soient pas étayés par des données officielles. L’appartenance à un parti semble conditionner l’obtention d’un emploi (même dans le secteur privé) ou d’autres avantages. Cette situation gêne le bon fonctionnement du pays et ne laisse pas d’autre choix à ceux qui n’adhèrent pas à un parti que de quitter le pays. En particulier, les jeunes ayant un niveau d’éducation supérieur renforcent la fuite des cerveaux des Balkans vers l’étranger. C’est là, selon moi, une tendance fort préoccupante dans un pays où 30 % de la population vit dans la misère et où l’Etat emploie 25 % des salariés 
			(26) 
			Il y avait 115 000
salariés dans le secteur public en 2009 et jusqu’à 165 000 en 2012
sur un total de 625 000 salariés. Source: Sashka Cvetkovska, BIRN, <a href='http://www.balkaninsight.com/en/article/want-to-work-join-the-party-contacts-trump-merit-in-balkan-job-market'>‘Want
to Work? Join the Party’: Contacts Trump Merit in Balkan Job Market</a>, <a href='http://www.balkaninsight.com/'>www.balkaninsight.com</a>, 13 décembre 2012. .
25. A cet égard, je tiens à saluer l’action menée par diverses institutions pour instaurer des systèmes de recrutement au mérite et des mécanismes d’évaluation de la satisfaction des usagers des services publics. J’ai été impressionné en particulier par les efforts que le ministre de la Société de l’information et de l’Administration déploie pour favoriser un tel système (ce qui, il l’a reconnu, va à l’encontre du principe d’égalité de représentation, voir ci-dessous), mais aussi la gouvernance électronique, l’évaluation du fonctionnement de l’administration etc. Cependant, il faudra beaucoup de pédagogie et un changement des mentalités pour faire en sorte que ces initiatives ne soient pas ruinées par un système fondé sur l’appartenance aux partis politiques.

4.2. Code électoral

26. Ainsi que cela m’a été annoncé au cours de mes visites d’information, le parlement a adopté un nouveau Code électoral le 9 novembre 2012. Cependant, l’opposition a dénoncé le fait que cette nouvelle version ne reprenne pas toutes les recommandations formulées par le BIDDH/OSCE et la Commission de Venise et elle a annoncé qu’elle présenterait une proposition de loi pour faire en sorte que les recommandations restantes soient incorporées dans le nouveau Code électoral. J’avais encouragé les autorités macédoniennes à solliciter à nouveau l’avis de la Commission de Venise à propos du Code électoral révisé et à veiller à ce que des questions telles que l’exactitude des rôles électoraux, l’allocation de fonds aux médias pendant les campagnes électorales ou la représentation des minorités au parlement soient traitées dans le respect des normes du Conseil de l’Europe.
27. Je rappelle ici que, dans son avis conjoint d’octobre 2011 sur le Code électoral révisé, tel qu’amendé les 5 et 13 avril 2011 par le Parlement macédonien, la Commission de Venise, tout en rappelant que «la modification du cadre juridique à une date aussi proche d’une élection n’est pas conforme aux bons usages en matière électorale», a reconnu que le Code électoral amendé avait été amélioré et fournissait une base solide pour la tenue d’élections démocratiques essentiellement conformes aux normes internationales. Toutefois, les questions relatives aux plafonds pour le financement des campagnes électorales, à la publication des résultats des élections, aux procédures de plainte et d’appel et aux systèmes et dispositifs de vote depuis l’étranger mériteraient d’être examinées de plus près 
			(27) 
			J’ai
appris que les questions des plafonds pour le financement des campagnes
électorales et de la règlementation du vote depuis l’étranger restaient
soumises à l’examen du Groupe de travail en charge de la législation
électorale, qui œuvre au sein du ministère de la Justice, jusqu’à
la mise en œuvre pleine et entière des recommandations restantes.
AS/Mon (2013) 10, p. 5.. La Commission de Venise a également souligné que, pour garantir l’intégrité du processus électoral et améliorer la confiance du public, il était essentiel que le Code électoral soit appliqué consciencieusement et en faisant preuve d’une grande maturité politique 
			(28) 
			CDL-AD(2011)027, paragraphes
99-102..
28. L’exactitude du rôle électoral et l’inscription des citoyens vivant à l’étranger ont aussi donné lieu à des préoccupations. Certains interlocuteurs ont avancé le chiffre de 1,8 million d’électeurs inscrits, alors qu’il n’y a que deux millions d’habitants en Macédoine. J’ai été informé de la création en 2009 par le ministre de l’Intérieur d’un groupe de travail chargé de préparer et de mettre à jour la méthodologie d’établissement du rôle électoral. Il a achevé sa mission en décembre 2012 après avoir inspecté les décès enregistrés pour la période 1950-2011, mis à jour le Registre des numéros d’identification uniques et vérifié les personnes qui n’avaient pas soumis de demande de délivrance d’un nouveau document d’identité biométrique 
			(29) 
			AS/Mon (2013) 10, p.
5-6.. En dépit des efforts déployés pour mettre à jour le registre 
			(30) 
			Selon
les informations communiquées par les autorités, le pays comptait,
en février 2013, 2 430 091 citoyens, dont 1 915 553 adultes et 120
888 personnes (dont 105 153 adultes) qui avaient fait état d’un
séjour en Macédoine d’une durée supérieure à trois mois., les observateurs internationaux ont une nouvelle fois soulevé le problème de l’exactitude des listes électorales pour les élections locales de mars/avril 2013. L’OSCE/BIDDH a réitéré «les préoccupations de longue date de nombreux interlocuteurs de la Mission d’observation des élections quant à la fiabilité des listes électorales», qui n’ont fait que «croître le jour du premier tour de scrutin après qu’un certain nombre d’électeurs n’aient pas été trouvés sur les listes alors qu’ils étaient en possession de documents d’identité biométriques» 
			(31) 
			OSCE/BIDDH <a href='http://www.osce.org/odihr/elections/100554'>Déclaration
sur les constatations et conclusions préliminaires</a>, Elections municipales, Second tour, 7 avril 2013. .
29. En novembre 2012, le Code électoral a été amendé afin, selon les autorités, de mettre en œuvre «les recommandations prioritaires formulées dans le Rapport final de la mission d’observation de l’OSCE/BIDDH, ainsi que les activités jugées urgentes dans la Feuille de route des objectifs prioritaires pour 2012 adoptée lors du dialogue de haut niveau sur l’adhésion 
			(32) 
			AS/Mon
(2013) 10, p. 5.. Ces modifications visaient à renforcer les mécanismes de protection afin de garantir une séparation adéquate de l’Etat et des structures du parti; de veiller à l’utilisation de mécanismes juridiques afin de prévenir tout financement illégal de la campagne électorale; d’accroître la transparence des comptes et activités des instances directement ou indirectement liées aux partis politiques; ou lorsqu’ils sont déjà sous leur contrôle, de garantir un rôle proactif et effectif des organes compétents en matière de surveillance, d’investigation et de mise en œuvre de la réglementation relative au financement politique; de garantir la transparence dans la publication des résultats des élections; et de permettre de nouvelles réglementations des procédures de plainte 
			(33) 
			Ibid.. L’opposition a cependant contesté le Code électoral révisé en novembre 2012, déplorant que toutes les recommandations de l’OSCE/Commission de Venise n’aient pas été prises en compte dans le Code électoral et mettant en question la légitimité et l’équité des élections locales prévues pour le printemps 2013. Sur une proposition de ma part, la commission de suivi a décidé, à sa réunion du 13 novembre 2012, de demander un avis sur le Code électoral révisé, qui devrait être adopté par la Commission de Venise lors de sa session de juin 2013. Dans le même temps, j’ai noté que la loi sur le financement des partis politiques devra être révisée pour tenir compte des recommandations du GRECO (voir ci-dessous) et qu’il faudrait compléter le rôle électoral bien que le recensement prévu en 2011 n’ait pas été réalisé et qu’il ne soit pas envisagé ces prochains mois.

4.3. Fonctionnement du parlement

30. Lors de mes visites d’information en 2011 et 2012, M. Trajko Veljanoski, Président du Parlement, a souligné le climat de bonne entente qui régnait au parlement après les élections et s’est déclaré satisfait de son bon fonctionnement. Il a par ailleurs souligné que le boycott de l’opposition parlementaire au printemps 2011 n’avait pas empêché le parlement d’élaborer et d’adopter la législation.
31. La loi sur le parlement, adoptée en août 2009, et le règlement intérieur du parlement, approuvé en septembre 2010, garantissent dans une large mesure les droits de l’opposition, qui peut désormais présenter des questions à l’ordre du jour du parlement. Deux auditions de contrôle et quatorze auditions publiques avec des membres du gouvernement avaient été organisées en 2011 
			(34) 
			Rapport de suivi CE
2012, p. 7. et huit débats et une discussion publics, ainsi qu’un débat de contrôle, en 2012 
			(35) 
			Informations complémentaires
fournies par le Président du Parlement, AS/Mon (2013) 10, p. 17.
En outre, depuis juillet 2011, les députés de l’opposition ont proposé
60 points qui ont été inclus à l’ordre du jour du parlement et débattus par
les instances de travail, conformément au Règlement intérieur du
parlement.. Par exemple, une audition a eu lieu en septembre 2011, à la demande de l’opposition, sur la question de la liberté des médias.
32. Des progrès ont également été observés en ce qui concerne l’utilisation de la langue albanaise au parlement: les projets de loi et l’ensemble du matériel utilisé dans le cadre de la procédure parlementaire sont traduits en albanais. L’albanais peut être utilisé dans les procédures orales au sein des commissions et lors des auditions parlementaires, la chaîne de télévision parlementaire fait l’objet d’une interprétation en albanais et, depuis juillet 2011, tous les élus ou les représentants nommés par le parlement peuvent utiliser cette langue pour s’adresser au parlement et à ses organes 
			(36) 
			Rapport de suivi CE
2011, p. 6.. Les représentants du Parti démocratique des Albanais ont toutefois déploré que les vice-présidents du parlement ne puissent s’exprimer en albanais lorsqu’ils président les sessions plénières.
33. Le parlement a pris des mesures pour renforcer sa capacité institutionnelle, notamment par la création de l’Institut parlementaire prévu dans la loi sur le parlement de 2009. Toutefois, en novembre 2012, l’Institut parlementaire ne fonctionnait pas encore et la procédure de recrutement n’était toujours pas achevée. En mars 2013, le processus de sélection et l’élection de fonctionnaires aux postes de direction de l’Institut parlementaire entraient dans leur phase finale et devaient se poursuivre au lendemain immédiat des élections locales 
			(37) 
			Informations
complémentaires fournies par le Président du Parlement, AS/Mon (2013)
10, p. 17.. Le budget de fonctionnement du parlement a augmenté de 40 % en 2011, ce qui a abouti à la création de 30 postes permanents au parlement et a permis de procéder à la rénovation du bâtiment 
			(38) 
			Rapport
de suivi CE 2011, p. 6..
34. Des membres de l’opposition que j’ai rencontrés ont déploré la suprématie du gouvernement sur le parlement, l’insuffisance des débats parlementaires, l’adoption de nombreuses lois dans le cadre de la procédure d’urgence ou abrégée, réduisant ainsi la législature à un rôle de «machine à voter», ainsi que le rejet des amendements proposés par l’opposition. Le parlement a adopté, par exemple, 142 lois entre le 6 et le 26 avril 2011, laissant, si je comprends bien, peu ou pas de temps pour la discussion. Toutefois, en 2009-2010, la Cour constitutionnelle a annulé des dispositions concernant pratiquement 25 % des affaires où des lois étaient contestées, souvent à cause d’erreurs de rédaction 
			(39) 
			Rapport
ICG 2011.. Ce chiffre est descendu à 15 % en 2011 
			(40) 
			Rapport de
suivi CE 2012, p. 9., ce qui est un signe positif. Au cours de ma seconde visite en mai 2012, l’opposition a déploré le rôle limité joué par le débat parlementaire et a décidé d’interrompre sa participation aux réunions de coordination des groupes politiques 
			(41) 
			Le Président du Parlement
a rappelé que, conformément au Règlement intérieur, sa présence
aux réunions de coordination ainsi que celle des vice-présidents
et des coordinateurs des groupes parlementaires était obligatoire.
Il a indiqué que le vice-président de l’opposition et les coordinateurs
de trois groupes parlementaires de l’opposition avaient boycotté
la réunion de coordination du 17 avril 2012 au motif que les points
proposés par l’opposition ne figuraient pas à l’ordre du jour de
la session. Ils ont toutefois campé sur leur position après inscription
de ces questions à l’ordre du jour, et n’ont de ce fait pas respecté
leur obligation légale. AS/Mon (2013) 10, p. 17..
35. Je note que le code de déontologie des parlementaires reste à adopter. J’ai appris qu’un groupe de travail avait été créé à cette fin 
			(42) 
			Le Président
a toutefois jugé impossible l’adoption du code tant que l’opposition
continuerait de boycotter les réunions de coordination. AS/Mon (2013)
10, p. 17.. Etant donné le contexte très politisé de la Macédoine, un tel code serait fort utile et pourrait donner lieu à un échange de bonnes pratiques parlementaires. L’Assemblée parlementaire pourrait également, sur demande des autorités macédoniennes, fournir son expertise en la matière.
36. Lors de mes trois visites, j’ai noté que le parlement fonctionnait de façon satisfaisante en dépit des nombreuses tensions qui opposent les partis, y compris au sein de la coalition au pouvoir lors du débat sur la loi relative aux défenseurs (voir ci-dessous). Cependant, le parlement s’est finalement révélé être une enceinte où les débats et les négociations pouvaient être menés. Je tiens à saluer le Président du Parlement pour cet état de choses.
37. La situation s’est pourtant dégradée ces derniers mois: lors des débats de décembre 2012 sur le budget 2013, le gouvernement a demandé l’accord du parlement pour solliciter deux nouveaux prêts auprès de la Banque mondiale (40 millions d’euros) et de la Deutsche Bank (250 millions). L’opposition a résisté, affirmant que le gouvernement avait déjà creusé considérablement la dette publique et qu’il souhaitait uniquement encourager les dépenses et renforcer son assise avant les élections locales de mars 2013 au lieu de réduire les coûts. L’opposition a bloqué le travail de la commission parlementaire sur le financement et le budget en déposant plus de 1 200 amendements. Pour contourner ceux-ci, le gouvernement a présenté et adopté un nouveau projet de loi en séance plénière le 24 décembre 2012. L’opposition a qualifié d’illégale cette manœuvre. Selon les médias, les membres de la SDSM ont d’abord tenté de bloquer la porte de la principale salle de réunion pour empêcher les membres de la coalition au pouvoir d’entrer. Le service de sécurité a été appelé pour intervenir tandis que les députés des partis au pouvoir sont entrés dans la salle par une porte dérobée. Le Président aurait été évacué. Des journalistes qui avaient refusé d’obtempérer à la demande des agents de sécurité de quitter les lieux jusqu’au rétablissement des conditions de travail normales ont été sortis du parlement, ce qui a suscité une réaction indignée des médias et des associations de journalistes 
			(43) 
			Voir la <a href='http://www.znm.org.mk/drupal-7.7/en/node/524'>déclaration
commune des organisations médiatiques de Macédoine</a>, publié le 26 décembre 2012 et l’article: <a href='http://www.balkaninsight.com/en/article/tensions-rise-as-macedonian-parties-confront-over-budget'>www.balkaninsight.com/en/article/tensions-rise-as-macedonian-parties-confront-over-budget</a>.. Le budget pour 2013 a été adopté en quelques minutes par le parlement en l’absence de l’opposition. Le Premier ministre a dénoncé une tentative de «coup d’Etat».
38. Des milliers de manifestants se sont rassemblés devant le parlement, ce qui a conduit à des échauffourées entre partisans de l’opposition et de la majorité, qui ont fait dix-huit blessés, dont 11 policiers et, selon les médias 
			(44) 
			<a href='http://www.balkaninsight.com/en/article/macedonian-opposition-to-continue-protests'>www.balkaninsight.com/en/article/macedonian-opposition-to-continue-protests</a>., trois députés de l’opposition. Par la suite, l’opposition a lancé une série de manifestations, a invité à la désobéissance civile et a annoncé qu’elle boycotterait le parlement et les élections locales de mars 2013.
39. L’opposition a déclaré le 9 janvier 2013 qu’elle prendrait part aux élections locales, sous réserve que trois conditions soient satisfaites:

a) le changement de trois postes ministériels (en l’occurrence le ministre de l’Intérieur, le ministre de la Justice et le ministre des Finances);

b) l’organisation d’élections générales en mars 2013, avec une surveillance internationale accrue qui devrait aussi porter sur la révision des listes électorales;

c) la nomination d’un nouveau directeur du service de radio et télédiffusion national, MRTV, pour assurer une couverture médiatique impartiale durant les élections.

40. J’ai critiqué ces faits récents et je tiens à exprimer ma préoccupation au sujet de l’expulsion par la force de parlementaires et de journalistes du parlement, ainsi que le boycott lancé par l’opposition qui s’en est suivi. J’exhorte tous les partis politiques à poursuivre le dialogue et à contribuer de manière constructive à l’action parlementaire. Ni le boycott du travail parlementaire ni l’adoption de textes de loi en l’absence de l’opposition ne sont une façon appropriée de mener les affaires parlementaires et de répondre aux attentes de la population. J’ai également fait part de mes préoccupations devant l’atmosphère qui était en train de s’instaurer à la veille de la campagne électorale, qui devrait permettre aux citoyens d’élire leurs représentants locaux dans moins de trois mois.
41. Le 1er mars 2013, une délégation conjointe de l’Union européenne présente à Skopje (composée du Commissaire M. Štefan Füle, du rapporteur du Parlement européen M. Richard Howitt et de l’ancien Président du Parlement européen, M. Jerzy Buzek) est parvenue, par la médiation, à un accord avec les deux principaux partis de Macédoine. Cet accord 
			(45) 
			<a href='http://ec.europa.eu/commission_2010-2014/fule/headlines/news/2013/03/20130301_en.htm'>http://ec.europa.eu/commission_2010-2014/fule/headlines/news/2013/03/20130301_en.htm</a>. comprend un certain nombre de propositions visant à résoudre la crise politique, ainsi que l’engagement de chacun des partis:

1) d’appuyer les priorités stratégiques de l’Etat au moyen de la conclusion d’un Mémorandum d’accord (ou d’une résolution parlementaire) entre les partis confirmant le soutien du calendrier pour l’intégration euro-atlantique et le refus de toute action susceptible d’entraver l’atteinte de cet objectif;

2) de reprendre le cours de la vie politique normale et de veiller à ce que l’ensemble des partis réintègrent le parlement et participent aux élections locales prévues;

3) d’appuyer l’adoption immédiate de mesures pour mettre en œuvre les réformes clés, en vue notamment d’améliorer le fonctionnement du parlement, et de réunir une commission d’enquête ad hoc chargée de mener des investigations sur les événements du 24 décembre 2012;

4) d’engager la réforme électorale après les élections locales;

5) de renforcer la liberté d’expression, grâce par exemple à une reprise du dialogue avec les journalistes, mené par l’Association des journalistes, ainsi que par l’intermédiaire d’autres mesures de confiance;

6) de convenir d’un calendrier électoral s’agissant de l’enregistrement des listes de candidats au scrutin local;

7) de se réunir au lendemain immédiat des élections locales afin de discuter de la situation politique dans le pays, y compris des conclusions de la commission d’enquête;

8) de poursuivre, en toute bonne foi, les discussions relatives à l’ensemble des options, et sans préjudice de la fixation du calendrier des prochaines élections législatives, sur la base de la mise en œuvre des recommandations de l’OSCE/BIDDH, afin de permettre la prise en compte des résultats dans le prochain rapport de suivi de la Commission européenne.

42. J’ai pris note des explications fournies tant par la majorité au pouvoir que par l’opposition concernant les «événements du 24 décembre 2012» dans les commentaires qu’ils m’ont transmis en avril 2013. Je m’abstiendrai à ce stade de prendre position. Cependant, je soulignerai la gravité de ces événements qui doivent faire l’objet d’une enquête approfondie et dont il faut tirer des enseignements. Je prie instamment Ies autorités d’accélérer le démarrage des travaux de la commission d’enquête, de garantir l’indépendance de son travail et la discussion au sein du parlement des résultats de l’enquête. J’appelle également l’ensemble des partis politiques à engager un dialogue constructif afin de permettre le bon fonctionnement du parlement et la conduite des réformes tant attendues par les citoyens. J’attends par ailleurs la mise en œuvre pleine et entière de «l’Accord du 1er mars» par l’ensemble des partis.

5. L’application de l’Accord-cadre d’Ohrid, 10 ans après

5.1. L’Accord-cadre d’Ohrid

43. L’Accord-cadre d’Ohrid (ACO), signé le 13 août 2001, a mis fin aux combats entre l’Armée de libération nationale albanaise (ALN) et les forces de sécurité du gouvernement; il a permis de conduire d’importantes réformes pour renforcer les droits des Albanais de souche qui représentent quelque 25 % des deux millions d’habitants, tout en préservant l’unité de l’Etat. Ces réformes ont notamment consisté à modifier des passages essentiels de la Constitution, y compris son préambule, de manière à faire prévaloir le concept d’égalité des citoyens sur le statut préférentiel conféré précédemment aux Macédoniens de souche. A noter également, les dispositions visant à réglementer et à élargir l’utilisation de la langue albanaise, tout particulièrement dans les communautés comprenant au moins 20 % d’Albanais, l’instauration d’une représentation proportionnelle dans la fonction publique et les institutions d’Etat, ainsi que la mise en place de mécanismes de protection des minorités au parlement et dans les instances décentralisées 
			(46) 
			Rapport ICG 2011.. L’ACO a imposé la majorité qualifiée («principe de Badinter»), c’est-à-dire une double majorité exigeant à la fois un vote majoritaire et une majorité de voix de députés revendiquant leur appartenance à des communautés ne faisant pas partie de la population majoritaire du pays, lorsque le parlement adopte des lois concernant directement les droits des communautés nationales, conformément aux dispositions de la loi de 2007 relative à la commission des relations intercommunautaires 
			(47) 
			Voir la loi relative
à la Commission des relations intercommunautaires publiée dans le
Journal officiel de la République de Macédoine, n° 150 du 12 décembre
2007..
44. L’application de l’ACO est supervisée par le Secrétariat pour l’application de l’Accord-cadre d’Ohrid (SAACO) piloté par la DUI. J’ai rencontré à deux reprises le Vice‑Premier ministre Musa Xhaferi pour m’entretenir avec lui des progrès en la matière et avoir son avis sur la possibilité d’évaluer globalement la mise en œuvre de l’Accord et de la comparer avec des modèles de référence («benchmarking»); il a indiqué en novembre 2012 que le SAACO avait établi un rapport sur la situation au regard de la mise en œuvre de l’ensemble des politiques découlant de l’ACO. Bien qu’il n’ait pas été rendu public à l’époque, ce document a été accepté par tous les partis au pouvoir; il constitue un premier bilan des progrès accomplis et devrait présenter d’intéressantes analyses et recommandations pour l’application ultérieure de l’accord. Le premier volet du bilan de l’OFA a fait l’objet d’une publication le 11 avril 2013 
			(48) 
			Rapport
de printemps de la Commission européenne, p. 6..
45. Il faut reconnaître que l’ACO a été un facteur de paix au cours des dix dernières années. Cela dit, le respect et la protection des minorités et de leurs droits, notamment culturels, pourraient être renforcés. Des progrès ont été constatés en matière de représentation équitable: selon les chiffres cités par les ministres de la Justice et de l’Intérieur lors de ma visite, 13 % des effectifs de la justice et 22 % de ceux de la police appartiennent à des communautés non majoritaires dans le pays. Le gouvernement a également pris des mesures pour favoriser l’intégration interethnique dans le système d’éducation. L’intégration des communautés ethniques reste néanmoins limitée et pour renforcer la confiance, il sera nécessaire de développer le dialogue, notamment dans les domaines culturel et linguistique.

5.2. Les mécanismes d’application de l’ACO

46. La commission parlementaire des relations intercommunautaires, créée en 2002 par un amendement constitutionnel et régie par la loi de 2007 relative à la commission des relations intercommunautaires comprend 19 membres 
			(49) 
			Sept députés de la
communauté macédonienne, sept députés de la communauté albanaise,
un député de chacune des communautés turque, valaque, rom, serbe
et bosniaque. désignés par le parlement. Elle a pour mission d’examiner les questions se rapportant aux relations intercommunautaires, d’effectuer des évaluations et de proposer des solutions que le parlement est tenu de prendre en considération et sur lesquelles il doit se prononcer 
			(50) 
			Voir le site web du
parlement <a href='http://www.sobranie.mk/'>www.sobranie.mk</a>. Voir également le rapport du PNUD intitulé «Results
of a Participatory Assessment National and Local Capacities for
Strengthening Inter-Ethnic Dialogue and Collaboration» («rapport
PNUD»), septembre 2010, p. 13.. Il semble toutefois que depuis 2008 elle se réunisse rarement en raison de problèmes de quorum 
			(51) 
			Rapport
ICG 2011.. J’espère que le nouveau parlement, au pluralisme plus affirmé, trouvera un moyen de relancer les travaux de la commission et lui permettra de jouer pleinement son rôle, en veillant aussi à améliorer la coordination avec les commissions interethniques en place au niveau municipal.
47. L’Agence pour la réalisation des droits des communautés a été mise en place en juillet 2008 conformément à la loi relative à la promotion et à la protection des droits des communautés qui représentent moins de 20 % de la population totale du pays. L’Agence, qui a débuté ses travaux le 25 novembre 2009, est chargée de suivre la mise en œuvre de ladite loi et de renforcer la protection des minorités en question. Pour sa directrice, Mme Babic-Petrovski, l’Agence est un organe consultatif indépendant doté d’un rôle éducatif qui ne dispose malheureusement que d’un budget limité; elle manque de ressources financières et humaines 
			(52) 
			Les autorités
ont souligné le renforcement des ressources. L’Agence compte désormais
10 personnes. Voir AS/Mon (2013) 10, p. 7. et ses compétences ne sont pas suffisamment définies. Ses activités englobent le suivi de la situation des petites communautés dans le domaine de l’emploi, de l’éducation, de l’information et de la protection du patrimoine culturel, la mise en place de bases de données (sur la représentation équitable, l’emploi des membres de communautés minoritaires dans la fonction publique, les ONG œuvrant dans le domaine de la protection des communautés, la fréquentation scolaire des enfants appartenant à des minorités, etc.) et la promotion de programmes culturels dans le service public de radio et de télévision (dont la deuxième chaîne est consacrée aux communautés). Concernant la préparation du recensement, Mme Babic-Petrovski a souligné le manque d’information, la nécessité de restaurer la confiance entre les autorités et les communautés locales et celle de mieux organiser le recensement de manière à recueillir des données susceptibles d’être utilisées dans les 10 années à venir 
			(53) 
			De
plus amples détails sur les activités menées par l’Agence, avec
le soutien de la mission de l’OSCE et le projet IPA, ont été fournis
par les autorités. Voir AS/Mon (2013) 10, p. 7-8..
48. Le médiateur suit la situation concernant la protection des personnes contre la discrimination et le respect du principe de représentation équitable 
			(54) 
			Le médiateur a constaté
une importante augmentation du nombre de plaintes de citoyens, passé
dorénavant à 4 000 par an. Il constate environ 1 000 violations
des droits de l’homme par an. Ses domaines de compétence englobent
le système judiciaire, l’administration publique, l’emploi, les
droits sociaux et les droits du consommateur. Il a indiqué que ses
recommandations étaient suivies par les autorités dans 90 % des
cas et fait état d’un conflit tenace avec le ministre de l’Intérieur.. Ses rapports qui traitent aussi de la question de la représentation équitable dans les établissements publics 
			(55) 
			En 2011, sur les 1 082
établissements contactés par le médiateur 972 ont communiqué des
données. <a href='http://www.ombudsman.mk/ombudsman/upload/documents/2012/Izvestaj 2011-ANG.pdf'>Rapport annuel
du médiateur de 2011</a>, p. 37. sont soumis au parlement. Pour M. Ixhet Memeti, ces rapports ont contribué en particulier à une meilleure intégration des personnes appartenant à des communautés minoritaires. Si la mise en œuvre du principe de représentation adéquate et équitable a connu des améliorations, de nombreux établissements, notamment des entreprises publiques, n’ont pas atteint le niveau obligatoire de représentation adéquate et équitable ou n’appliquent pas le principe de manière suffisante, surtout au niveau managérial. La représentation des petites minorités demeure problématique 
			(56) 
			Sur les 972 institutions
ayant transmis des données, 845 n’employaient pas un seul Bosniaque,
737 pas un seul Rom, 730 pas un seul Valaque, 676 pas un seul Turc,
622 pas un seul Serbe, 495 pas un seul Albanais et enfin 32 établissements
n’employaient pas un seul Macédonien. Rapport annuel 2011 du médiateur,
p. 35. . Le médiateur a conclu que «veiller à établir un réel équilibre entre le nombre d’employés et la représentation des membres de toutes les communautés peut concourir à l’instauration d’un climat de loyauté et de tolérance multiethniques et dans le même temps constituer un mode de prévention grâce à l’élimination de la discrimination fondée sur l’appartenance ethnique» 
			(57) 
			Rapport annuel 2011
du médiateur, p. 37..
49. Au niveau local, l’article 55 de la loi relative à l’autonomie locale prévoit la mise en place de commissions des relations intercommunautaires (CRIC) dans les municipalités dont au moins 20 % de la population appartient à une communauté ethnique donnée. Les CRIC comprennent un nombre égal de représentants de chaque communauté de la municipalité. Elles examinent les questions liées aux relations entre les communautés représentées dans la municipalité. Elles formulent des avis et proposent des moyens de résoudre les problèmes qui se posent entre les communautés. Le conseil municipal est tenu d’examiner les avis et les propositions des commissions et de prendre les décisions correspondantes 
			(58) 
			Rapport du PNUD, p.
6.. M. Trajanovski, président de l’Association des unités d’autonomie locale (ZELS), a souligné que 35 municipalités se sont dotées de CRIC, alors que 20 d’entre elles seulement étaient tenues de le faire en application de la loi. Cela étant, il ressort d’une enquête effectuée par le PNUD que la composition, le fonctionnement et la pratique des CRIC varient d’une commune à l’autre. Le PNUD a relevé en outre qu’il était difficile de savoir précisément qui au niveau national et local était chargé d’appliquer la loi et quelles étaient les conséquences d’une violation de celle-ci; il a conclu que, «à ce jour, il ressort des études pertinentes que le “principe de Badinter” n’était pas appliqué dans la plupart des cas où il aurait dû l’être, pour des raisons diverses allant de l’interprétation de ce qui constitue un problème “culturel” ou “linguistique” au refus d’appliquer la réglementation» 
			(59) 
			Ibid.,
p. 19..

5.3. Le processus de décentralisation

50. J’ai examiné également l’état d’avancement du processus de décentralisation, vu que la décentralisation était l’une des exigences premières de la communauté albanaise en 2001. L’ACO prévoit le transfert des compétences de l’Etat aux municipalités dans différents domaines, comme les services publics, l’aménagement rural et l’urbanisme, la protection de l’environnement, le développement économique local, la culture, les finances locales, l’éducation, la protection sociale et les soins de santé. A signaler, l’adoption de lois de première importance, notamment sur l’autonomie locale (2002) et l’organisation territoriale (2004). Le redécoupage de 123 communes a permis de les regrouper, de leur attribuer plus de compétences et de réaliser une représentation ethnique plus équilibrée.
51. Selon le cadre législatif actuel, le pays compte 84 municipalités et la ville de Skopje est une entité distincte (avec 10 municipalités). On notera l’entrée en vigueur en juillet 2011 de deux lois importantes, l’une sur les bâtiments illégaux, l’autre sur la construction. Ces deux textes permettent aux municipalités de gérer le foncier local, mais le gouvernement central conserve néanmoins d’importantes responsabilités, dont la gestion des terres agricoles, des forêts et des ressources hydriques qui constituent des sources essentielles de revenus. La loi relative au développement régional équitable (2007) qui oblige le gouvernement à consacrer 1 % du produit intérieur brut au développement régional constitue la base du développement régional et permet aux municipalités de se regrouper pour solliciter des fonds à affecter à leur développement. Elle n’a toutefois pas été mise en œuvre 
			(60) 
			Rapport ICG 2001.. En septembre 2011, le président de l’Association des unités d’autonomie locale a souligné la nécessité d’obtenir davantage de ressources de l’Etat central, notamment une part accrue de la TVA (qui pourrait passer de 3,5 % à 6 %) et du produit de l’impôt sur le revenu (30 % au lieu de 3 %), etc. Il s’est félicité de l’adoption de la loi sur la gestion des biens fonciers de l’Etat entrée en vigueur en juillet 2011; il a souligné que toutes les municipalités sauf six sont entrées dans la deuxième phase du processus de décentralisation. Au cours de l’entretien que j’ai eu avec le maire d’Ohrid, membre du parti d’opposition SDSM, nous avons soulevé la question de l’allocation sélective de fonds aux pouvoirs locaux et des limites de l’autonomie locale.
52. En octobre 2012, sur les 85 municipalités que compte le pays, 84 étaient entrées dans la seconde phase du processus de décentralisation fiscale; la part de la TVA leur étant transférée était passée à 4 %.
53. Le 18 octobre 2012, le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l’Europe a adopté sa recommandation 
			(61) 
			Recommandation 329
(2012) sur la démocratie locale dans «l’ex-République yougoslave
de Macédoine», voir document CPL(23)2, exposé des motifs, rapporteurs:
S. James, Royaume-Uni (L, GILD) et A. Buchmann, France (R, SOC)<a href='https://wcd.coe.int/ViewDoc.jsp?Ref=CPL(23)2&Language=lanEnglish&Ver=original&Site=Congress&BackColorInternet=C3C3C3&BackColorIntranet=CACC9A&BackColorLogged=EFEA9C'></a>. sur la démocratie locale en «ex-République yougoslave de Macédoine». Je relève en particulier que le Congrès a exprimé sa préoccupation eu égard, entre autres, au risque d’une influence persistante de l’Etat, à l’ambiguïté de la loi concernant les compétences, au fait que les communes continuent de dépendre fortement des dotations de l’Etat, qu’elles n’ont qu’une faible latitude en matière de taxes locales et que la part de la fiscalité propre dans les recettes budgétaires reste comparativement faible, ainsi qu’à la participation limitée des femmes à la vie politique locale
54. J’encourage très vivement les autorités macédoniennes à mettre pleinement en œuvre les recommandations du Congrès et à faire appel à l’expertise du Conseil de l’Europe pour renforcer la démocratie locale et finaliser le processus de décentralisation qui restera l’un des principaux piliers de la stabilité et de la démocratisation du pays.
55. Dans le contexte de la crise politique, l’importance politique des élections locales a largement dépassé le cadre des municipalités. Ainsi que le Congrès et l’OSCE l’ont mentionné, le dirigeant de la coalition VMRO-DPMNE a qualifié ces élections de référendum sur l’avenir du pays, alors que le président de la SDSM a déclaré que les résultats du scrutin détermineront la tenue éventuelle d’élections législatives anticipées. Par ailleurs, les élections ont été considérées par beaucoup comme un test crucial dans le contexte de l’ambition commune de l’ensemble des principaux partis politiques de promouvoir l’intégration euro-atlantique du pays.
56. Les élections locales du 24 mars et du 7 avril 2013 ont été considérées comme «gérées avec efficacité» par les observateurs internationaux, y compris le Congrès et l’OSCE. Les observateurs ont relevé cependant que «la partialité dont ont fait preuve les médias et l’absence de transparence dans les activités de l’Etat et des partis n’ont pas toujours favorisé l’équité. Les tensions interethniques ont éclipsé la campagne. Le jour du scrutin a été calme, en dépit de l’observation de certaines irrégularités procédurales» 
			(62) 
			Ibid.. Les observateurs ont également noté des lacunes dans le Code électoral, des problèmes dans le fonctionnement et le règlement de la Commission électorale centrale, ainsi que des problèmes d’exactitude des listes électorales 
			(63) 
			Le
parti d’opposition SDMS a pour sa part, à la lumière du «grand nombre
de graves irrégularités gouvernementales et des violations de la
listes des électeurs» qu’il a observés, considéré que les élections
locales ne pouvaient pas être considérées comme «libres et équitables».
AS/Mon (2013) 10, p. 22..
57. Les partis au pouvoir ont remporté près de 90% des municipalités (58 municipalités pour la coalition menée par le VRMO-DPMNE, et 14 municipalités pour le DUI) alors que la coalition dirigée par la SDSM a remporté quatre municipalités et le DPA deux. Une municipalité a été remportée par le Parti progressiste serbe en Macédoine et les deux dernières par des candidats indépendants 
			(64) 
			Chiffres fournis par
la délégation macédonienne le 29 avril 2013..
58. Deux décisions de la Cour administrative, annulant les résultats des élections dans la municipalité chaudement disputée de Centar à Skopje (qui abrite le projet Skopje 2014) et de Struga (où un candidat commun albanais a battu le candidat commun macédonien) suite aux plaintes déposées par la coalition VRMO-DPMNE, ont suscité des controverses. Ces décisions ont amené le chef de la Cour administrative de Macédoine, Isamedin Limani, à démissionner. De nouvelles élections, organisées le 21 avril 2013, ont permis la victoire du candidat de l’opposition Andrej Zernoski, qui a décidé de réexaminer le projet Skopje 2014 
			(65) 
			Dans
l’intervalle, les autorités ont annoncé que le projet avait coûté
208 millions d’euros, au lieu des 80 millions d’euros initialement
prévus..

5.4. Quelques réflexions sur l’application de l’Accord-cadre d’Ohrid

59. Permettez-moi d’abord de souligner une fois encore que l’ACO de 2001 a contribué à ramener la paix et la stabilité dans le pays. Il a permis l’adoption de réformes constitutionnelles et législatives majeures visant à atténuer les tensions interethniques et à promouvoir la compréhension mutuelle et la tolérance. Les mesures adoptées depuis 2001 ont abordé la décentralisation, la lutte contre la discrimination, la représentation équitable, l’usage des langues parlées par au moins 20% de la population, etc. La ratification en 1997 de la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales (STE n° 157) a également contribué à la protection des minorités nationales, comme le Comité consultatif de la Convention et le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe l’ont souligné 
			(66) 
			Résolution <a href='https://wcd.coe.int/ViewDoc.jsp?Ref=CM/ResCMN(2012)13&Language=lanFrench&Ver=original&Site=CM&BackColorInternet=C3C3C3&BackColorIntranet=EDB021&BackColorLogged=F5D383'>CM/ResCMN(2012)13</a> sur la mise en œuvre de la Convention-cadre pour la
protection des minorités nationales par «l’ex-République yougoslave
de Macédoine», adoptée par le Comité des Ministres le 4 juillet
2012 lors de la 1147e réunion des Délégués des Ministres.. Plus d’une décennie après la signature de l’ACO, il serait utile de partager quelques réflexions après mes visites en Macédoine au cours desquelles j’ai eu l’occasion de rencontrer un certain nombre de parties prenantes.
60. Le parti d’opposition albanais DPA considère que l’ACO n’offre pas actuellement de perspective politique et économique aux citoyens. Il l’a négocié et signé il y a 12 ans, mais estime cependant qu’il n’a pas permis d’améliorer la situation des Albanais et qu’il a même entravé la promotion de leurs droits. M. Aliu, coordinateur du DPA au parlement, a déploré l’usage limité de la langue albanaise et le maigre budget alloué aux Albanais qui, contribuent, selon lui, à plus de 30 % du budget et ne reçoivent en retour que 2 % ou 3 % au titre de la culture, de l’éducation, de la santé ou des dépenses d’infrastructure. La discrimination économique dont sont victimes les Albanais est également dénoncée par le nouveau Parti pour le renouveau démocratique national (dont deux membres siègent au parlement) qui a calculé que 4 % seulement des fonds publics sont affectés à des projets en faveur des Albanais.
61. Il semble aussi que certains Albanais préconisent d’étudier des solutions plus radicales et proposent de négocier un Accord d’Ohrid II 
			(67) 
			Rapport
ICG 2011..
62. Comme indiqué au paragraphe 25 ci-dessus, le principe de la représentation équitable entre parfois en conflit avec un système de recrutement au mérite. Des représentants d’ONG ont signalé que des membres de communautés minoritaires recrutés dans des administrations publiques restent parfois chez eux, faute de disposer de postes de travail, d’où un sentiment de frustration tant chez les intéressés qui ne peuvent pas aller travailler que chez les contribuables. Ils mentionnent en outre que le recrutement est souvent politisé. La Commission européenne a reconnu dans son rapport de suivi de 2011 que «le nombre total de fonctionnaires appartenant à des communautés ethniques non majoritaires a atteint 30 %» mais que «la tendance à recruter des employés issus de ces communautés en vertu de considérations quantitatives sans prise en compte des besoins réels des établissements s’est poursuivie. (…) Un grand nombre de fonctionnaires récemment recrutés sont ainsi rémunérés sans se voir assigner de tâches ou responsabilités. Par ailleurs, la représentation des communautés non majoritaires aux postes de haut niveau demeure très faible» 
			(68) 
			Rapport de suivi CE
2011, p. 10 et 20.. Cette tendance s’est confirmée en 2012; il a été constaté que «la tendance à recruter des employés en vertu de considérations quantitatives sans tenir suffisamment compte des besoins réels des établissements se poursuit. La plupart des nouvelles recrues n’ont pas encore pris leurs fonctions dans les institutions qui leur ont été indiquées, mais perçoivent toutefois d’ores et déjà un salaire du SAACO. La procédure de recrutement concernant les membres de communautés non majoritaires n’est pas alignée sur les procédures générales de recrutement et reste exposée aux pressions politiques» 
			(69) 
			Rapport
de suivi CE 2012, p. 9..
63. Cette situation engendre beaucoup de frustration, tant pour la communauté macédonienne que pour les Albanais de souche. En ce qui concerne l’emploi, la réforme de l’administration publique engagée par le ministre de l’Information et de l’Administration publique vise à instaurer un système de recrutement au mérite pour les fonctionnaires. Dans les échanges de vues que j’ai eus avec le Vice-Premier ministre Xhaferi, j’ai cru comprendre que cette nouvelle approche risquait d’entrer en conflit avec la nécessité de garantir une discrimination positive découlant de l’ACO; le ministre a fait montre d’un grand intérêt pour les exemples de bonnes pratiques développées dans d’autres pays européens confrontés aux mêmes problèmes.
64. Pour d’autres ONG, l’ACO doit être considéré dorénavant comme faisant partie intégrante de la Constitution. Il faudra par conséquent centrer l’attention sur l’application des dispositions de l’ACO, sous le contrôle du parlement et des institutions publiques.
65. Dans ce contexte, je mentionnerai l’annulation du recensement 
			(70) 
			Le dernier recensement
a eu lieu en Macédoine en 2002. Les résultats ont indiqué que sur
les deux millions de personnes que compte la population du pays,
64,2 % sont des Macédoniens de souche, 25,3 % des Albanais de souche, le
reste de la population étant composé de Roms, Turcs, Serbes et membres
d’autres minorités. qui devait se dérouler du 1er au 15 octobre 2011, sous le contrôle de l’Agence européenne de la statistique, EUROSTAT. Le gouvernement a décidé d’interrompre l’exercice, les membres de la Commission nationale du recensement n’ayant pu s’accorder sur la question de savoir si les citoyens qui avaient vécu dans d’autres pays depuis plus d’un an devaient être pris en compte. M. Aliu m’avait expliqué deux semaines auparavant que le DPA déplorait l’absence de préparation de l’exercice de manière à ce qu’il pût être validé et accepté par la communauté albanaise. Par conséquent, le DPA a proposé d’apporter des modifications au projet de loi sur l’enregistrement et suggéré de le reporter de manière à pouvoir tenir une discussion politique au parlement.
66. Lors de ma deuxième visite en Macédoine, je me suis attaché plus particulièrement à l’impact des récents incidents interethniques, d’ampleur diverse, qui se sont produits en maints lieux depuis janvier 2012. Malheureusement, certains d’entre eux ont été graves: à Gostivar, un policier qui n’était pas en service a tué par balles deux jeunes Albanais de souche, ce qui a déclenché une série de manifestations et de troubles dans tout le pays. Alors qu’il disait avoir agi en état de légitime défense, il a néanmoins été condamné à la prison à perpétuité en première instance 
			(71) 
			Informations fournies
par les autorités, AS/Mon (2013) 10, p. 8.. Près de Skopje, cinq pêcheurs locaux dont quatre jeunes garçons ont été assassinés en avril 2012, la veille de la Pâque orthodoxe, une affaire pénale connue sous l’appellation «affaire des monstres». Le 30 octobre 2012, après six mois d’enquête, le procureur chargé de la criminalité organisée a inculpé les six individus soupçonnés d’avoir participé aux meurtres. La déposition d’un témoin protégé semble toutefois avoir été la principale preuve dans cette affaire, puisque l’arme du crime n’a pas été trouvée et que deux suspects se sont volatilisés, cachés, semble-t-il, au Kosovo* 
			(72) 
			* Toute référence au
Kosovo mentionnée dans ce texte, que ce soit à son territoire, ses
institutions ou sa population, doit se comprendre en pleine conformité
avec la Résolution 1244 du Conseil de sécurité des Nations Unies
et sans préjuger du statut du Kosovo.. Le procès a débuté en novembre 2012. La cour a accédé le 20 décembre 2012 à la requête de l’avocat de la défense de disposer de plus de temps pour examiner les accusations portées contre les prévenus. L’audition des trois premiers inculpés, Agim Ismailovic, Fejzi Aziri and Rami Sejdi, a débuté le 9 janvier 2013. Les trois ont plaidé non coupables.
67. Plusieurs interlocuteurs ont souligné que les événements intervenus dans diverses municipalités n’avaient pas de lien entre eux et devaient être considérés comme des incidents distincts; les autorités ont estimé que le meurtre des cinq pêcheurs n’était pas motivé par des considérations ethniques, mais lié à l’islamisme radical (la Macédoine est l’un des partenaires de la coalition menée par l’OTAN en Afghanistan) 
			(73) 
			Au 3 décembre 2012,
157 membres de l’armée macédonienne participaient à la Force d’assistance
à la sécurité internationale. Voir <a href='http://www.nato.int/isaf/docu/epub/pdf/placemat.pdf'>www.nato.int/isaf/docu/epub/pdf/placemat.pdf</a>. 1 843 soldats macédoniens de la force de maintien de la
paix ont été déployés depuis 2002 en Afghanistan. 
			(73) 
			(voir <a href='http://www.morm.gov.mk/content/?6265E45FFF197C3C17AE1287EC42D766CC95B01E'>www.morm.gov.mk/content/?6265E45FFF197C3C17AE1287EC42D766CC95B01E</a>)..
68. Cela étant, si l’on considère la situation dans son ensemble, on pourrait voir dans cette série d’incidents une évolution inquiétante. Il semble que les tensions interethniques se nourrissent de la frustration que suscitent – tant chez les Macédoniens que chez les Albanais de souche – l’application guère satisfaisante de l’ACO et le taux de pauvreté élevé que connaît le pays; en outre, elles sont peut-être exacerbées par le projet urbain «Skopje 2014» qui met fortement en avant les éléments nationaux macédoniens.
69. Le Vice-Premier ministre chargé de la mise en œuvre de l’ACO s’est montré plutôt critique à l’égard de la réponse institutionnelle apportée à ces incidents (sachant que les citoyens n’ont confiance ni dans la police ni dans la justice) et de l’évaluation de la gravité de la situation. Il a noté que les manifestants avançaient désormais des motivations religieuses, ce qui est un phénomène relativement nouveau en Macédoine.
70. Je me félicite du fait que des milliers de personnes aient été autorisées à se rassembler à Skopje le 17 mars 2012 pour une «marche pour la paix» afin de protester contre la violence interethnique. Je demeure cependant perplexe devant les nombreuses manifestations organisées par la suite par de jeunes Albanais et Macédoniens via les réseaux sociaux pour mener des actions de protestation parallèles qui ont fini par conduire çà et là à des frictions ethniques et religieuses. Il faut, me semble-t-il, des messages forts de la part des dirigeants politiques et religieux pour mettre un terme à l’escalade potentielle de la violence; il faut aussi de nouvelles initiatives politiques pour répondre aux besoins les plus urgents de la population, notamment des jeunes, et encourager la cohésion sociale.
71. La cohabitation interethnique demeure fragile. Je mentionnerai à titre d’exemple la récente soumission d’un projet de loi visant à octroyer des prestations sociales à ceux qui ont combattu dans les rangs de l’armée macédonienne en 2001 (et à leurs familles); ce projet a été présenté après que le ministre de la Défense (du parti DUI) eut rendu hommage aux combattants albanais en 2001. Le projet de «loi sur les défenseurs du pays» a suscité maints débats, ébranlé la coalition au pouvoir, et provoqué en définitive un tollé au parlement. Le DUI a d’abord envisagé de soutenir une motion de censure présentée par l’opposition (qui a finalement été rejetée) pour provoquer des élections anticipées; il a décidé ensuite de présenter 15 000 amendements au texte, le VRMO-DPMNE n’envisageant pas de retirer son projet.
72. En dépit de cette situation tendue, je demande aux responsables politiques de Macédoine de s’abstenir de discours nationalistes chaque fois que se produisent des incidents interethniques – ou des incidents qui ne procèdent peut-être pas de motivations ethniques, mais impliquent des membres des deux communautés. Les déclarations de cette nature pourraient avoir des effets dévastateurs sur la coexistence des deux communautés. Les institutions macédoniennes compétentes doivent maintenant procéder à des enquêtes, efficaces, dénuées de discrimination, pour veiller à ce que ces incidents fassent l’objet d’une enquête approfondie, que leurs auteurs soient poursuivis et que justice soit faite. J’attends également des responsables politiques qu’ils adoptent une position plus volontariste et mesurent pleinement les effets positifs qu’a produits à ce jour l’Accord-cadre d’Ohrid sur le maintien de la paix. La compréhension et la confiance mutuelles, à ce jour, n’ont pas été atteintes.

6. L’Etat de droit

6.1. Réforme de la justice: derniers développements

73. Un certain nombre de réformes ont été menées pour accroître l’efficacité de la justice. Des progrès ont été accomplis pour ce qui est la diminution du nombre d’affaires en suspens 
			(74) 
			Selon les chiffres
du Rapport annuel 2012 fournis par les autorités (voir AS/Mon (2013)
10, p. 8), la diminution du nombre de dossiers en retard se présente
comme suit: Cour d’appel de Skopje: 9,5 % (augmentation des nouveaux dossiers
de +2,2 %); Cour administrative de Macédoine: diminution de 11%
(nouveaux dossiers: +11,5 %), Cour suprême: 32,55 % (nouveaux dossiers:
+22,3 %).. Le nombre total d’affaires en suspens devant les juridictions nationales de tous niveaux est passé de plus de 675 000 en 2010 à moins de 300 000 fin 2011. Entre le 1er juillet 2012 et le 1er mars 2013, quelque 324 831 affaires de recouvrement et d’affaires ne relevant pas du contentieux ont été sorties du système juridictionnel par suite d’un transfert de compétences vers les huissiers de justice et les notaires 
			(75) 
			Rapport de suivi CE
2012, p. 51.. En février 2012, le Conseil judiciaire a adopté des lignes directrices sur le nombre minimum de dossiers que les juges des tribunaux principaux, des cours d’appel, de la Cour administrative, de la Haute cour administrative et de la Cour suprême sont tenus de traiter mensuellement.
74. Les juridictions de tous les niveaux ont continué à publier les arrêts sur leurs sites web (près de 135 000 au cours de l’année 2012), dont il convient de souligner l’importance pour promouvoir la transparence et l’accès à la justice. Il faut que la Macédoine s’emploie à instaurer un système de recrutement au mérite dans le système judiciaire. En 2012, les dispositions en vigueur exigeaient que 50 % des personnels nommés soient diplômés de l’Institut de formation des juges et procureurs (AJP). Cela étant, en 2011, le Conseil judiciaire a préféré nommer comme juges de première instance des candidats non diplômés, contrairement à l’engagement qu’il avait pris de les recruter dorénavant sur la base du mérite. Depuis 2013, tous les juges élus au sein des tribunaux principaux sont diplômés de l’Institut de formation des juges et procureurs, et à compter de juillet 2013, l’élection des juges aux tribunaux de juridiction supérieure sera soumise à des qualifications spécifiques et l’avancement se fera uniquement au mérite 
			(76) 
			Dans
leurs commentaires (voir AS/Mon (2013) 10, p. 9), les autorités
ont indiqué que les juges de la Cour d’appel devaient avoir exercé
en continu durant au moins quatre ans en qualité de juge d’un tribunal
principal et avoir obtenu les meilleures notes lors de l’évaluation
du Conseil judiciaire, alors que les juges de la Cour suprême devaient
avoir exercé en continu durant au moins six ans en qualité de juge
de la Cour d’appel et avoir obtenu les meilleures notes lors de l’évaluation
effectuée l’année précédente par le Conseil supérieur de la magistrature. . Les motifs de licenciement des juges doivent également être clairs, précis et prévisibles 
			(77) 
			Rapport
de suivi CE 2012, p. 10 et 51..
75. En dépit de quelques avancées, la Macédoine devra réformer plus avant son système judiciaire pour le rendre plus efficace; le pays compte actuellement 678 juges, un effectif supérieur de plus de 50 % à la moyenne européenne par rapport à la taille de la population. De 80 % à 85 % du budget de la justice (c’est-à-dire 29 millions d’euros en 2012 ou 0,4 % du PIB) est affecté aux rémunérations des juges et agents administratifs. Le budget du ministère public est de l’ordre de 5,3 millions d’euros dont la plus grande partie (83 %) est dépensée en salaires, ce qui laisse peu de ressources pour les autres postes de dépenses 
			(78) 
			Ibid., p. 51..
76. La Macédoine a adopté en 2010 un train de mesures législatives visant à mettre en œuvre un certain nombre de dispositions dont de nouveaux critères pour l’élection des juges; un système de gestion des carrières des juges; une redéfinition des dispositions concernant la responsabilité disciplinaire et l’appréciation des compétences professionnelles des juges. Cela se traduira par l’application de critères objectifs et mesurables; le renforcement de la transparence dans le fonctionnement des tribunaux; et de nouveaux systèmes d’évaluation des juges sur la base de critères qualitatifs et quantitatifs objectifs 
			(79) 
			Informations fournies
par les autorités, voir AS/Mon (2013) 10, p. 9..
77. Cependant, des progrès importants sont nécessaires pour renforcer l’indépendance des juges: de nombreux interlocuteurs ont dénoncé une justice sélective ou soupçonnée de l’être qui ciblerait exagérément l’opposition (voir mes précédentes observations sur les toutes dernières affaires concernant les médias et les poursuites à l’encontre de responsables politiques, etc.). S’il peut s’avérer difficile d’étayer ces allégations, le fait est que les représentants de la société civile manifestent incontestablement une grande méfiance à l’égard du système judiciaire. L’Etat devra par conséquent s’employer davantage à mettre en place un système fondé sur le mérite concernant le recrutement, la promotion et le licenciement des juges et des procureurs et veiller à ce que les institutions en place garantissent l’indépendance et l’impartialité de la justice dans la pratique.

6.2. Lutter contre la corruption

78. En mai 2012, j’ai abordé le problème de la corruption avec les autorités et les organes compétents en matière de lutte contre la corruption. Il s’observe une évolution positive, puisque le pays a gagné 40 places dans l’indice de perception de la corruption de Transparency International au cours des cinq dernières années 
			(80) 
			En 2011, la Macédoine
s’est classée à la 69e place sur 183
pays dans l’indice de perception de la corruption de Transparency
International, avec un score de 3,9/10. Voir <a href='http://www.transparency.org/country'>www.transparency.org/country#MKD</a>.; la tendance s’est confirmée en 2012 
			(81) 
			Dans son <a href='http://www.transparency.org/cpi2012/in_detail'>indice
sur la perception de la corruption de décembre 2012</a>, Transparency International a classé la Macédoine à
la 69e place (avec un score de 4,1/10)
concernant les niveaux de perception de la corruption dans le secteur public
dans 176 pays/territoires dans le monde.. Des modifications conformes aux recommandations du GRECO ont été apportées au cadre juridique de la politique anti-corruption; l’adoption d’un nouveau Code de procédure pénale devrait améliorer les procédures d’enquête pour les affaires complexes de criminalité organisée et de corruption; une équipe d’investigation devrait travailler directement pour le procureur général.
79. Dans son rapport de suivi de 2011, la Commission européenne a estimé toutefois que la corruption reste un problème grave. Elle a souligné que l’indépendance et l’impartialité de la Commission nationale de prévention de la corruption demeurent fragiles; il est nécessaire de renforcer la protection juridique et institutionnelle des donneurs d’alerte.
80. Se référant au rapport 2010 de l’Office national des statistiques, Transparency Macedonia a indiqué que sur un total de 1,5 milliard d’euros de projets de marchés publics inspectés cette année, près de 500 millions d’euros ont été qualifiés de «potentiellement frauduleux» par l’Office, mais il n’a pas été lancé d’enquête ni engagé de poursuites 
			(82) 
			<a href='http://www.balkaninsight.com/en/article/macedonia-is-losing-fight-against-corruption-ngo-warns'>www.balkaninsight.com/en/article/macedonia-is-losing-fight-against-corruption-ngo-warns</a>. Les autorités ont cependant rejeté ces allégations.
Voir AS/Mon (2013) 10, p. 9.. Il ressort d’une étude de l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC) que le montant moyen des pots-de-vin versés en Macédoine est de 470 € 
			(83) 
			<a href='http://www.unhcr.org/refworld/country,,,,MKD,,4fd5dd2a4d,0.html'>www.unhcr.org/refworld/country,,,,MKD,,4fd5dd2a4d,0.html</a>..
81. Les mesures mises en place pour lutter contre la «petite» corruption et sensibiliser le grand public sont à saluer 
			(84) 
			Ces mesures comprennent
une évaluation à 360° de l’administration publique ou l’introduction
d’un système de smileys permettant aux citoyens de noter la qualité
et le comportement des fonctionnaires (en activant un bouton rouge (grimace),
jaune (neutre) et vert (sourire de satisfaction).. Le système de poursuites a fait en outre l’objet d’importantes réformes; pour pouvoir être performants, le ministère public, la Cour des comptes et la Commission nationale de prévention de la corruption devront non seulement être dotés des ressources humaines et financières dont elles ont besoin, mais également faire montre de fermeté pour combattre la corruption.
82. Dans ce contexte, il faudra porter une attention particulière au financement des partis politiques: la loi de 2004 sur le financement des partis politiques (telle qu’amendée en juillet 2009) établit certes un cadre juridique, mais Transparency International a instamment demandé aux autorités de renforcer la pratique juridique actuelle et d’appliquer les peines prévues, de mettre en place des sanctions plus lourdes en cas de non-respect des dispositions pertinentes concernant les donateurs, de mettre en œuvre la recommandation du GRECO visant à charger une seule et unique institution de la supervision des finances des partis politiques au lieu du système en place trop fragmenté et inefficace 
			(85) 
			<a href='http://www.transparency.org.mk/en/images/stories/legislation_and_practices_in_the_financing_of_political_parties.pdf'>www.transparency.org.mk/en/images/stories/legislation_and_practices_in_the_financing_of_political_parties.pdf</a>.
83. Au cours de sa réunion plénière de mars 2012, le GRECO a adopté un rapport de conformité sur la Macédoine au titre du troisième cycle d’évaluation, centré sur la criminalisation et la transparence du financement des partis politiques. J’ai salué la décision des autorités macédoniennes d’autoriser la publication de ce rapport en juin 2012 
			(86) 
			Troisième
cycle d’évaluation, Rapport de conformité sur «l’ex-République yougoslave
de Macédoine», <a href='http://www.coe.int/t/dghl/monitoring/greco/evaluations/round3/GrecoRC3(2012)2_FYROMacedonia_fr.pdf'>Greco
RC-III (2012) 2F</a>, 23 mars 2012..
  • Le GRECO a conclu que cinq des sept recommandations faites dans le domaine de la criminalisation avaient été suivies de manière satisfaisante et qu’une avait été traitée de manière satisfaisante 
			(87) 
			Greco
RC-III (2012) 2F, paragraphe 62. après la révision du Code pénal. Il a invité «les autorités de «l’ex-République yougoslave de Macédoine» à supprimer la possibilité accordée aux tribunaux de restituer au corrupteur le pot-de-vin saisi» 
			(88) 
			Ibid.,
paragraphe 35. 
			(89) 
			La loi n°166 portant
amendement au Code pénal, publiée au Journal officiel le 26 décembre
2012, a supprimé les mots «et dans le cas visé au paragraphe 3,
lorsqu’en l’absence de peine, peut être restitué à la personne ayant
donné le pot-de-vin» dans l’Article 358 paragraphe 6 du Code pénal.
AS/Mon (2013) 10, p. 11..
  • Concernant la transparence du financement des partis politiques, six recommandations ont été adressées aux autorités macédoniennes. Le GRECO a reconnu que les modifications apportées au Code électoral en avril 2011 se sont traduites par quelques avancées. Cela étant, il a soulevé un certain nombre de problèmes concernant le rapport financier, la participation des ONG dans la pratique, y compris les groupes de réflexion et les instituts de recherche mis en place par les partis politiques (qui ne sont plus dorénavant autorisés, de droit, à faire campagne pour les partis politiques), la nécessité de sensibiliser davantage les partis politiques aux obligations qui leur incombent en vertu des règles de financement politique en vigueur.
  • En outre, le GRECO craint que les dernières modifications apportées à la loi sur le financement des partis politiques qui limitent les obligations de déclaration des partis politiques «loin de conduire à une amélioration de la transparence du financement ordinaire des partis politiques, ne produisent l’effet contraire» (paragraphe 55) et que l’Office national des statistiques ne dispose pas de moyens suffisants et nécessaires pour jouer un rôle de premier plan s’agissant d’exercer un contrôle effectif, d’enquêter et de faire appliquer la réglementation relative au financement des partis politiques (paragraphe 56).
  • Le GRECO a conclu que la Macédoine «a accompli des efforts tangibles pour mettre en œuvre les recommandations relatives au Thème I – Incriminations. Très peu de mesures ont été prises afin de dissiper les craintes concernant le Thème II – Transparence du financement des partis politiques; il reste beaucoup à accomplir dans ce domaine. Le faible niveau actuel de conformité avec les recommandations n’est pas «globalement insuffisant» (…) et le GRECO invite le chef de la délégation de «l’ex-République yougoslave de Macédoine» à présenter des informations complémentaires sur la mise en œuvre de la recommandation vii (Thème I – Incriminations) et les recommandations i et iii à vi (Thème II – Transparence du financement des partis politiques) d’ici le 30 septembre 2013.»
84. La loi sur le financement des partis politiques a à nouveau été amendée en octobre 2011 (loi n°148), en novembre 2012 (loi n° 142) et en février 2013 (loi n°23), s’agissant de la réglementation des allocations de fonds publics aux partis politiques, du contenu et des modalités de publication du registre des dons et des rapports financiers, de la soumission des rapports de dons aux services fiscaux et à la Cour des comptes, de la mesure de suspension du versement de fonds publics aux partis politiques s’ils ne satisfont pas à leur obligation de soumettre et de publier dans les délais impartis leurs rapports annuels, des financements publics alloués à la création de centres d’analyse ou de recherche mis en place par les partis, du financement de la formation des partis politiques à l’établissement des rapports financiers, etc. Un règlement des partis politiques, traitant de la forme, de la structure et de la manière d’établir les rapports annuels a été adopté par le ministère des Finances le 31 janvier 2013 
			(90) 
			Informations
fournies par les autorités. De plus amples détails sont disponibles
dans AS/Mon (2013) 10, p. 10-12..
85. Le Code pénal a également été amendé en novembre 2012 (loi n°142), introduisant de nouvelles mesures afin d’établir une distinction plus stricte entre les postes exécutifs et ceux occupés au sein des partis durant les élections, de renforcer les obligations financières durant la période électorale, de fixer de nouvelles échéances pour la soumission du rapport final de campagne (30 jours après la clôture de la campagne électorale); la signature d’un mémorandum de coopération entre la Commission électorale nationale, la Cour des comptes et la Commission nationale de prévention de la corruption en vue de l’échange d’informations sur d’éventuelles irrégularités; des mesures régissant la perte partielle ou totale de compensation si les partis politiques dépassent les limites de dépenses ou ne respectent pas leur obligation de soumettre le rapport financier de leur campagne, etc 
			(91) 
			Ibid.,
p. 11..
86. Je me félicite des changements apportés au Code pénal, à la loi sur le financement des partis politiques et à la loi sur la prévention des conflits d’intérêt, mais le report de l’entrée en vigueur de la nouvelle loi sur la procédure pénale (adoptée en 2010) à novembre 2012, puis à décembre 2013 
			(92) 
			Rapport de suivi CE
2012, p. 57. en raison du manque de ressources budgétaires et humaines et d’équipement m’inquiète. Ceci retardera plus encore la mise en œuvre des programmes publics pour la prévention et la répression de la corruption et pour la prévention et la réduction des conflits d’intérêts et du Plan d’action 2011-2015, adoptés par la Commission nationale pour la prévention de la corruption, notamment la mise en place prévue par ladite nouvelle loi de centres d’investigation et d’une police judiciaire.
87. J’attends des autorités macédoniennes qu’elles mettent pleinement en œuvre les recommandations du GRECO et relancent ainsi la lutte contre la corruption qui sape le fonctionnement des institutions démocratiques. Dans un contexte de forte politisation de la vie publique, il faudra accorder une attention particulière à la lutte contre la corruption dans les marchés publics qui continue d’être un grave problème 
			(93) 
			Ibid., en dépit des efforts entrepris par les autorités pour combattre ce phénomène 
			(94) 
			Les
autorités ont indiqué que dans les programmes adoptés par la Commission
nationale pour la prévention de la corruption dans les secteurs
à risque, une attention particulière a été portée à l’amélioration
du système des marchés publics, à la prévention du détournement
de biens et d’actifs publics à des fins politiques et au renforcement
de la transparence et de l’intégrité. Un centre de recherche a été
mis en place le 14 décembre 2012 au sein du Parquet général pour
lutter contre le crime organisé et la corruption, en raison du rôle
d’investigation de premier plan que jouera le ministère public aux
termes de la nouvelle loi sur la procédure pénale. AS/Mon (2013)
10, p. 12..

7. Droits de l’homme et libertés fondamentales

7.1. Liberté d’expression et médias

88. Lors de mes visites, j’ai rencontré plusieurs journalistes de différents médias, qui ont évoqué le grand nombre de médias en Macédoine, les conditions de travail difficiles des journalistes, la proximité des propriétaires de médias avec le monde politique, le financement des médias et la part des campagnes publicitaires du gouvernement dans les médias, la diffamation, l’autocensure, etc.
89. La liberté et le pluralisme des médias sont un motif de préoccupation. Comme l’a fait remarquer la Commission européenne, les médias continuent de subir l’ingérence des intérêts politiques et commerciaux. L’intimidation des journalistes et l’application sélective de la législation contre les sociétés de presse sont de plus en plus préoccupantes. Le bilan concernant l’application de la loi contre les concentrations de médias illégales est faible et entravé en partie par le manque de transparence concernant la propriété des médias 
			(95) 
			Rapport de suivi CE
2011, p. 62..
90. L’Etat a un rôle financier: il est donc à même d’exercer une influence sur les médias, la publicité étant un puissant facteur d’incitation. Selon l’analyse effectuée par le Conseil de la radio et de la télédiffusion, le gouvernement a dépensé 17 millions d’euros en 2008 en publicité et 12 millions d’euros en 2009 pour 658 heures d’antenne. Les observateurs locaux affirment que le gouvernement et le parti au pouvoir ont attribué les contrats à des médias proches du gouvernement. La chaîne de télévision A1 TV, par exemple, avait systématiquement des parts d’audience élevées, mais Macedonian Telecom, dont le gouvernement est actionnaire minoritaire, a cessé d’y faire de la publicité début 2009 
			(96) 
			Chiffres
cités dans le rapport de l’ICG..
91. Nous avons été informés, en outre, que le propriétaire de la chaîne A1 TV, M. Velija Ramkovski, auparavant favorable aux coalitions au pouvoir, s’était retrouvé en difficulté lorsque ses relations avec M. Gruevski se sont détériorées en 2009. En novembre 2010, période délicate sur le plan politique, la police a fait une perquisition dans les locaux de la chaîne A1 TV dans le cadre d’une enquête sur la fraude fiscale présumée de 11 petites sociétés commerciales ayant leur siège social à cette adresse.
92. Dans son rapport d’observation des élections du 5 juin 2011, la délégation de l’Assemblée a rappelé la chronologie des événements 
			(97) 
			Doc. 12643.:
  • «Le 25 novembre 2010, des représentants de l’administration fiscale, accompagnés par la police, ont organisé une perquisition au siège de la société mère de la chaîne de télévision TV A1 et des trois quotidiens «Vreme», «Spic», «Koha et Re» pour enquêter sur des cas allégués d’évasion fiscale. Suite à des investigations, les comptes bancaires de ces sociétés ont été gelés par une décision judiciaire.
  • L’opposition a déclaré que ces investigations étaient politiquement motivées parce que ces mêmes médias, dans un passé récent, n’auraient pas été poursuivis pour évasion fiscale parce qu’ils vantaient les mérites du gouvernement.
  • En décembre 2010, le principal parti de l’opposition, l’Union sociale-démocratique de Macédoine (SDSM), a organisé une grande manifestation à Skopje en demandant la fin des poursuites contre ces médias et la libération des personnes arrêtées dans le cadre des enquêtes, y compris Velijia Ramkovski, un riche homme d’affaires propriétaire de la chaîne de télévision TV A1.
  • Pour l’opposition il s’agissait de liberté d’expression, pour les autorités c’était une affaire criminelle.
  • Le 28 janvier 2011, la SDSM a décidé de quitter le parlement, en boycottant ses travaux et en demandant des élections anticipées. Les autres partis de l’opposition ont suivi la SDSM, y compris le Parti démocratique des Albanais (DPA), qui boycottait le parlement depuis 2009.
  • Les négociations entre les partis de la coalition gouvernementale du VMRO-DPMNE et l’opposition dirigée par la SDSM sur la possibilité pour celle-ci de revenir au parlement ont échoué et, le 15 avril 2011, le parlement a voté sa propre dissolution. Des élections anticipées ont été convoquées pour le 5 juin 2011.»
93. Je souhaite rappeler les faits qui ont conduit à la fermeture de quatre médias 
			(98) 
			Faits
et analyse fournis par International Crisis Group. en 2011. En juin 2011, les services fiscaux ont exigé de la chaîne A1 TV le paiement de 9,5 millions d’euros d’arriérés d’impôts; le 12 juillet 2011, les autorités ont procédé au recouvrement de force de la dette et, le 26 juillet 2011, après que les services fiscaux aient décliné sa demande de paiement échelonné, un tribunal a déclaré la faillite de la compagnie et nommé un propriétaire à titre transitoire.
94. Les quotidiens Vreme, Spic et Koha e Re, détenus par la société locale Plus Production ayant son siège à la même adresse que la chaîne de télévision TV A1 et soumise aux enquêtes en cours, ont été enjoints de payer 1 million d’euros d’arriérés d’impôts et ont cessé de paraître le 2 juillet 2011 en raison du manque de financement.
95. Le 26 juillet 2011, une procédure de faillite contre la chaîne TV A1 a été engagée par le tribunal de première instance de Skopje II, sur l’initiative des services fiscaux. Le 29 juillet 2011, l’Autorité des communications électroniques a promulgué une décision révoquant la licence de TV A1, sans attendre la décision du Conseil de la radio et de la télédiffusion. Le 30 juillet 2011, la chaîne TV A1 a cessé d’émettre. Environ 230 salariés de la chaîne de télévision devaient perdre leur emploi. L’association des journalistes et le syndicat des journalistes et travailleurs des médias ont fait des déclarations communes exprimant leur inquiétude concernant l’indépendance des médias.
96. Le 24 août 2011, les préparatifs pour engager la procédure de faillite contre TV A2 ont également commencé. Cependant, le 26 août 2011, M. Tomor Canoski, frère de l’homme d’affaires et député, M. Fijat Canoski, a offert un financement à la chaîne TV A2 pour qu’elle rembourse sa dette aux services fiscaux. Les fonds ont été versés sous forme de prêt à court terme, qui devaient être remboursés dans un délai d’un an.
97. En septembre 2011, j’ai demandé des éclaircissements sur la fermeture des quatre médias mentionnés ci-dessus. Les dirigeants et les représentants de la majorité parlementaire que nous avons rencontrés ont souligné que la fermeture était motivée par une présomption d’évasion fiscale et ne pouvait être considérée comme une violation de la liberté des médias. Ceci m’a été répété durant ma seconde visite.
98. Le 14 mars 2012, M. Ramkovski a été condamné à 13 ans d’emprisonnement pour évasion fiscale, association de malfaiteurs, blanchiment de capitaux et abus de fonction 
			(99) 
			<a href='http://www.balkaninsight.com/en/article/aa3-years-in-jail-for-macedonia-s-aaa-tv-owner'>www.balkaninsight.com/en/article/aa3-years-in-jail-for-macedonia-s-aaa-tv-owner</a>.. Il est incontestable que l’évasion fiscale doit être ciblée et faire l’objet de poursuites, toutefois, le fait que seuls les médias de l’opposition aient été touchés est un motif de grave préoccupation et soulève la question de la sélectivité de la justice et des poursuites. Dans une société démocratique, les autorités de l’Etat devraient se soucier de l’impact de telles poursuites sur la pluralité des médias.
99. Les représentants des quatre médias ont déploré le contrôle financier, les pressions exercées sur la direction de la société ainsi que les menaces de ne pas autoriser la publicité commerciale, qui se traduisent par une réduction des recettes. M. Crvkovski, responsable du parti SDMS, a également dénoncé, lors de notre entretien, les pressions financières et politiques exercées sur les médias adoptant des positions critiques envers le gouvernement.
100. La représentante de l’OSCE pour la liberté des médias, Mme Dunja Mijatovic, a soulevé différentes questions liées à la détérioration continue de la liberté des médias et a estimé que la fermeture des médias critiquant le gouvernement n’aboutissait jamais à une stabilisation politique et économique mais à une stagnation et une perte de confiance dans les gouvernements et les dirigeants politiques 
			(100) 
			Rapport ICG 2011.. Elle s’est rendue à Skopje le 27 octobre 2011 et a demandé instamment aux autorités de dépénaliser la diffamation (165 actions sont actuellement intentées contre des journalistes), de créer une instance d’autorégulation afin de contribuer à l’amélioration des normes professionnelles et d’empêcher les journalistes d’engager des poursuites en diffamation les uns contre les autres, d’améliorer la mise en œuvre des lois relatives à la propriété des médias afin d’éviter les participations croisées illégales et l’exercice d’influence politique dans les médias, et, enfin, de prévoir des dispositions sur la transparence de la publicité gouvernementale 
			(101) 
			«Authorities and media
must respect role of journalists, says OSCE media freedom representative
in Skopje», Communiqué de presse de l’<a href='http://www.osce.org/fom/84464'>OSCE du 27 o</a>ctobre 2011..
101. L’entretien que j’ai eu avec le président du Conseil de la radio et de la télédiffusion en exercice en mai 2012 a été très instructif: M. Stefanoski a déploré le changement radical intervenu dans le climat politique après les élections. Il a jugé regrettables les amendements de la loi sur les activités de radio et télédiffusion adoptés le 15 juillet 2011, qui prévoient la nomination politique de 9 membres sur 15 du conseil. Il a souligné que le Conseil de la radio et de la télédiffusion ne pouvait plus, par conséquent, être considéré comme un organe indépendant et n’était plus conforme à la Recommandation Rec(2000)23 du Comité des Ministres du Conseil de l’Europe 
			(102) 
			<a href='https://wcd.coe.int/ViewDoc.jsp?Ref=Rec(2000)23&Language=lanEnglish&Site=CM&BackColorInternet=9999CC&BackColorIntranet=FFBB55&BackColorLogged=FFAC75'>Recommandation
Rec(2000)23</a> du Comité des Ministres concernant l’indépendance et
les fonctions des autorités de régulation du secteur de la radiodiffusion,
adoptée par le Comité des Ministres le 20 décembre 2000 lors de
la 735e réunion des Délégués des Ministres. . Il a déclaré qu’il était impossible de parler de liberté des médias lorsque le gouvernement, le plus grand annonceur dans les médias, essayait de les contrôler par le biais d’un patronage financier.
102. Lors de ma visite en novembre 2012, il m’a de nouveau été signalé que la nouvelle composition du Conseil de la radio et de la télédiffusion suscitait de graves réserves quant à l’impartialité de l’instance.
103. J’ai été toutefois très heureux d’apprendre que le Conseil de la radio et de la télédiffusion avait pris quelques initiatives pour clarifier la question de la propriété des médias, éviter les conflits d’intérêts et fixer la date butoir pour assurer la conformité avec la loi au 15 septembre 2012. Le conflit d’intérêts découlant de la propriété par des députés d’une chaîne de télévision nationale et de deux stations de radio nationales a pu être gommé. Un député a démissionné de ses fonctions politiques, un autre a décidé de vendre ses stations de radio, tandis qu’un troisième a modifié ses titres de propriété.
104. Le rapport de suivi de 2011 de la Commission européenne sur la Macédoine a également fait état de la situation préoccupante des médias. On y lit en effet que «l’ingérence politique et commerciale persiste dans les médias». En outre, «l’intimidation des journalistes et l’application sélective de la loi contre les sociétés de presse suscitent de plus en plus d’inquiétude» 
			(103) 
			Sinisa Jakov Marusic,
«Macedonia PM’s Attack on Journalist Condemned», <a href='http://www.balkaninsight.com/'>www.balkaninsight.com</a>, 19 octobre 2011..
105. Les observations de la Commission font écho à des préoccupations analogues exprimées en juillet 2011 par un certain nombre d’observateurs critiques des médias, comme Amnesty International, l’Organisation des médias du sud-est de l’Europe (SEEMO) à Vienne et l’antenne française de Reporters sans frontières 
			(104) 
			Ibid..
106. Un dialogue a été engagé entre le gouvernement et les journalistes. Un groupe de travail conjoint, composé de hauts fonctionnaires et de professionnels des médias, a été formé le 10 octobre 2011 et chargé de négocier sur les revendications des journalistes, qui comprennent notamment la dépénalisation de la diffamation, le renforcement du service public de radio et télédiffusion et la répartition plus équitable du financement public de la publicité 
			(105) 
			Sinisa Jakov Marusic,
«Macedonia Starts Talks on Media Grievances», BIRN, 12 octobre 2011.. Cependant, j’ai appris au cours de ma seconde visite la suspension des négociations entre les associations de journalistes et le gouvernement. Les spéculations quant à une augmentation drastique des amendes pour diffamation dans le cadre de la nouvelle loi sur les médias suscitent d’autres préoccupations. Les journalistes ont exprimé leurs inquiétudes devant les pressions politiques qu’ils subissent, leurs conditions de travail précaires et l’autocensure.
107. Le mémorandum d’accord qui a finalement été signé le 13 juin 2012 entre le gouvernement et l’Association des journalistes (ZNM) définit cinq domaines à examiner, à savoir la dépénalisation de la diffamation et des «insultes», le renforcement du service public de radio et télédiffusion, la transparence de la publicité du gouvernement et un meilleur respect par les journalistes et les rédacteurs des normes professionnelles.
108. J’ai cependant été informé que, le même jour, le Conseil de la radio et de la télédiffusion avait décidé de retirer la licence de la chaîne de télévision A2 – le dernier vestige de l’empire médiatique de Velija Ramkovski – au motif que la chaîne n’avait pas inclus suffisamment d’émissions d’actualité et de programmes éducatifs pour atteindre le seuil de 5 % de son temps d’antenne. Pour l’Union des journalistes de Macédoine, cette explication relève de «l’absurde» car d’autres radiodiffuseurs ne respectent pas au quotidien les règles du Conseil 
			(106) 
			<a href='http://www.balkaninsight.com/en/article/last-of-ramkovski-s-media-empire-faces-shut-down'>www.balkaninsight.com/en/article/last-of-ramkovski-s-media-empire-faces-shut-down</a>..
109. Plus récemment, le parti d’opposition SDSM a exprimé sa préoccupation après le changement de propriétaire et de politique éditoriale de la télévision TV ALFA, ainsi que la clôture d’un magazine hebdomadaire et journal quotidien proches de l’opposition FOKUS, suite à la mort brutale de leur propriétaire, Nikola Mladenov, qui, selon le SDSM, reste inexpliquée 
			(107) 
			AS/Mon (2013) 10, p.
22.
110. La loi relative à la responsabilité civile en matière d’insultes et de diffamation a été élaborée en coopération avec la Commission européenne et les experts du Conseil de l’Europe pour renforcer la législation et veiller à ce qu’elle soit conforme aux normes du Conseil de l’Europe et à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme. Elle a été adoptée le 12 novembre 2012 par le parlement qu’il y a lieu de féliciter de cette initiative. Les 325 poursuites pénales en cours contre des journalistes pour diffamation ont été stoppées après l’entrée en vigueur des amendements au Code pénal (loi n° 142 de novembre 2012), à charge pour le plaignant, dans un délai d’un mois après la clôture du dossier pénal, d’engager une procédure civile pour insulte ou diffamation et demander indemnisation 
			(108) 
			Ibid.,
p. 13.. Le projet de loi réglemente également les portails internet, les sites web et les blogs.
111. La loi en question prévoit une amende maximale de 27 000 € (à savoir 2 000 € pour l’auteur, 10 000 € pour le rédacteur en chef, et 15 000 € pour le propriétaire du média) en compensation du dommage moral causé par l’insulte ou la diffamation 
			(109) 
			Ibid.. Si cette limitation constitue un progrès par rapport à la législation antérieure, le montant de la sanction financière peut être dissuasif pour les journalistes et les propriétaires de médias. Selon certains experts, ces sanctions risquent d’amener les propriétaires et les rédacteurs en chef à influer sur le travail des reporters et pourraient compromettre ainsi la liberté d’investigation et d’information des journalistes. Aux termes de l’article 8 du projet de loi, l’auteur d’un article ne verra pas sa responsabilité engagée, s’il peut prouver qu’il a reçu l’ordre de le rédiger du propriétaire du média ou que le texte a été considérablement modifié par le rédacteur en chef.
112. Je me félicite des mesures prises par les autorités pour veiller à ce que les juges et les journalistes soient tous dûment formés 
			(110) 
			Fin 2012, plus de 200
juges, avocats, journalistes et autre professionnels avaient participé
à des formations sur la liberté d’expression. En 2013, un programme
spécifique de formation portant sur l’article 10 de la Convention
européenne des droits de l’homme concernera l’ensemble des juges
traitant des affaires de diffamation. Rapport de printemps de la Commission
européenne, COM(2013) 205 final, p. 3., ainsi que pour faire traduire et publier plus de 40 arrêts essentiels de la Cour européenne des droits de l’homme relatifs à l’article 10 sur les sites web du ministère de la Justice et de l’Institut de formation des juges et procureurs 
			(111) 
			Rapport de suivi CE
2012, p. 53., ce, pour garantir que tous les juges soient à même d’appliquer la législation, y compris la loi nouvellement adoptée relative à la responsabilité civile en matière d’insulte et de diffamation, et garantir la liberté d’expression conformément aux normes européennes.
113. L’impression globale que je retire de mes trois visites est que le secteur des médias demeure fragile et ce, pour de multiples raisons, à savoir: le très grand nombre de médias compte tenu de la taille du pays, le fait qu’ils restent lourdement tributaires, pour leur financement, de la publicité de l’Etat, laquelle représente 50 % du marché publicitaire qui s’offre à eux, d’où une suspicion d’ingérence politique, des normes professionnelles à ce jour insuffisantes pour garantir l’indépendance et l’impartialité du journalisme d’investigation. De plus, les travaux du Conseil de la radio et la télédiffusion dans sa nouvelle composition sont contestés, car l’indépendance de cet organe n’est pas considérée comme garantie par les dispositions de la loi. A mon sens, le service public de la radio-télédiffusion doit être renforcé. Le passage au numérique en 2013 posera de nouveaux problèmes et aura très probablement de profondes répercussions sur le paysage médiatique.

7.2. La loi de lustration

114. La Macédoine est engagée dans un processus de lustration, comme le recommandait l’Assemblée parlementaire 
			(112) 
			Voir <a href='http://assembly.coe.int/main.asp?Link=/documents/adoptedtext/ta96/fres1096.htm'>Résolution
1096 (1996)</a> relative aux mesures de démantèlement de l’héritage
des anciens régimes totalitaires communistes.. Une loi a été adoptée à cet effet en 2008. En mars 2011, la majorité au pouvoir a reculé au-delà de 1991 le délai de prescription des actes concernés par cette loi, remettant ainsi pour la deuxième fois en cause la décision de la Cour constitutionnelle, et a élargi l’éventail des professions soumises à vérification pour y inclure les journalistes, les ONG 
			(113) 
			Ainsi
le directeur exécutif de la fondation Open Society en Macédoine
a été arrêté et déclaré coupable de collaboration avec les services
de sécurité de l’ancien Etat yougoslave par la commission de lustration.
Les représentants des ONG que nous avons rencontrés ont déploré
que l’on ait abusé de la procédure de lustration contre des opposants critiques
à l’égard du gouvernement., le clergé et d’autres professionnels. En mars 2012, cette disposition a été déclarée inconstitutionnelle par la Cour constitutionnelle, car elle obligeait les membres de nombreuses professions à déclarer sous serment ne pas avoir collaboré avec la police secrète pendant et après l’ère communiste.
115. La Cour constitutionnelle a également raccourci la durée d’application de la loi, fixée auparavant à 2019. Elle a estimé que la loi ne pouvait couvrir que la période communiste allant de 1945 à 1991, et non la période postérieure à l’indépendance du pays, lorsque la Macédoine est devenue une société démocratique.
116. La coalition VMRO-DPMNE a soumis un nouveau projet de loi de lustration en avril 2012. Son partenaire, l’Union démocratique pour l’intégration (DUI) a conditionné son appui à ce projet à l’adoption d’une loi sur la réhabilitation des victimes des régimes passés 
			(114) 
			Beaucoup d’anciens
rebelles à l’origine du conflit armé de 2001 sont désormais membres
du parti DUI et législateurs; ils étaient considérés à l’époque
comme des terroristes et poursuivis par la police et les tribunaux. <a href='http://www.balkaninsight.com/en/article/macedonian-court-narrows-lustration-law-s-span'>www.balkaninsight.com/en/article/macedonian-court-narrows-lustration-law-s-span</a>, 28 mars 2012 et <a href='http://www.balkaninsight.com/'>www.balkaninsight.com</a>, Macedonia: New Lustration Law Submitted, 10 avril 2012. . Dans l’intervalle, la composition de la Cour constitutionnelle a été modifiée, et trois nouveaux membres ont été nommés par le gouvernement.
117. En mai 2012, la commission de vérification des faits (commission de lustration) avait déjà statué sur le cas de 30 personnes considérées comme d’anciens informateurs. Quinze de ces personnes ont toutefois fait appel devant la Cour administrative de Skopje, qui a par la suite annulé les décisions de la commission les concernant.
118. A ma grande surprise, le parlement a adopté, en octobre 2012, une nouvelle version de la loi de lustration 
			(115) 
			Voir document CDL-REF(2012)042rev. qui ressemblait fortement à la précédente, au mépris des décisions antérieures de la Cour constitutionnelle. Cette loi a ensuite été, une fois de plus, contestée devant la Cour constitutionnelle. A la demande du Président de la Cour constitutionnelle, la Commission de Venise a adopté, les 14-15 décembre 2012, un mémoire amicus curiae 
			(116) 
			Document
CDL-AD(2012)028, mémoire amicus curiae sur
la loi relative aux conditions limitant l’exercice de fonctions publiques,
à l’accès aux documents et à la publication des noms de ceux qui
ont coopéré avec les organes de sécurité de l’Etat (“loi de lustration”
de «L’ex-République yougoslave de Macédoine»), adopté par la Commission
de Venise lors de sa 93e Session plénière (Venise, 14-15 décembre
2012). sur la loi relative aux conditions limitant l’exercice de fonctions publiques, à l’accès aux documents et à la publication des noms de ceux qui ont coopéré avec les organes de sécurité de l’Etat de «l’ex-République yougoslave de Macédoine».
119. La Commission de Venise a précisé qu’elle souhaitait simplement donner à la Cour constitutionnelle macédonienne des éléments concernant la compatibilité de cette loi avec la Convention européenne des droits de l’homme, ainsi que des principes de droit constitutionnel comparé facilitant l’examen de cette affaire. Pour ce qui est de l’interprétation contraignante de la Constitution macédonienne et des limites qu’elle fixe à la loi de lustration, le dernier mot revient à la Cour constitutionnelle. La Commission de Venise a également estimé nécessaire de rappeler que «l’interprétation de la Constitution par la Cour constitutionnelle est contraignante pour toutes les institutions nationales relevant des pouvoirs exécutif, judiciaire et législatif, qui sont donc tenus de la respecter et d’y adhérer».
  • Concernant le calendrier, la Commission de Venise a noté que «l’adoption de mesures de lustration dans un pays donné, longtemps après qu’un processus de transition démocratique y a été engagé, peut semer le doute sur les véritables intentions du pays concerné. La revanche ne doit pas prendre le pas sur la démocratie. Pour la Commission, il s’ensuit que l’application de mesures de lustration plus de 20 ans après la fin du régime totalitaire doit être justifiée par des raisons convaincantes. La Commission rappelle toutefois que chaque Etat démocratique est libre d’exiger un minimum de loyauté de la part de ses fonctionnaires et qu’il peut prendre en considération leurs agissements actuels ou passés pour les relever de leurs fonctions ou refuser de les engager.»
  • S’agissant de la période du passé qu’il convient d’examiner, la Commission de Venise a estimé que cette période devrait être limitée parce que l’objet d’un exercice de lustration est d’empêcher les personnes qui ont une attitude non démocratique d’occuper certaines fonctions: «Les lois de lustration peuvent varier selon l’histoire des pays mais elles doivent toujours être axées sur les principes de rationalité et de proportionnalité. Il s’ensuit que le fait de relever une personne de ses fonctions à raison d’un fait précis remontant à 21 ans (au moins) et jusqu’à 78 ans n’est justifié, le cas échéant, que si les crimes les plus graves ont été commis, notamment des violations massives et répétées des droits de l’homme, également passibles de lourdes peines privatives de liberté en application du droit pénal» (paragraphe 24). La Commission de Venise a ajouté «qu’on retrouve les motifs politiques, idéologiques ou d’appartenance à un parti politique dans n’importe quelle démocratie et qu’ils ne peuvent être utilisés pour fonder des mesures de lustration parce que le fait de stigmatiser des opposants politiques ou de les traiter de façon discriminatoire n’est pas un moyen acceptable de lutte politique dans un Etat régi par le principe de la primauté du droit», avant de préciser qu’il appartient à la Cour constitutionnelle macédonienne d’apprécier la légitimité de l’extension de l’application de la Loi de lustration aux actes commis après le 17 novembre 1991.
  • S’agissant du champ d’application personnel de la loi, «la Commission de Venise note que, dans la logique des principes évoqués ci-dessus, la Cour constitutionnelle macédonienne a estimé dans une décision antérieure que l’Etat ne pouvait pas appliquer de mesures de lustration à d’autres personnes que celles qui sont employées par les organes de l’Etat ou occupent des fonctions de direction, par exemple des membres d’universités, de communautés religieuses, de médias, d’organisations civiques (ONG): un tel élargissement du champ d’application personnel de la Loi constituerait une “ingérence de l’Etat” dans les activités des personnes concernées» (paragraphe 41). Par conséquent, «l’application de mesures de lustration à des fonctions qui relèvent d’organisations privées ou semi-privées outrepasse l’objectif de la lustration qui est d’empêcher des personnes d’exercer des fonctions gouvernementales quand il se révèle impossible de faire confiance aux intéressés pour exercer celles-ci dans le respect des principes démocratiques. Le lien litigieux avec le régime totalitaire doit être défini de manière très précise».
  • La Commission de Venise a également exprimé des inquiétudes sur l’organisation de la procédure de lustration, estimant «que l’absence de participation de la personne concernée à la procédure de vérification devant la Commission contrevient aux droits de la défense notamment, au droit à l’égalité des armes et à la présomption d’innocence» (paragraphe 65), que les dispositions relatives aux aspects procéduraux du processus de vérification et à la possibilité de faire appel ne sont pas très précises, notamment en ce qui concerne l’exercice par la Commission de ses compétences en matière de vérification (paragraphe 69); et que la décision de la Commission de vérification est publiée sur son site web avant que le tribunal compétent ne se soit prononcé (la décision de la Commission est susceptible d’appel pendant huit jours) (paragraphe 73).
120. La commission de lustration est en difficulté, car les deux membres désignés par le principal parti d’opposition (SDSM), Janakie Vitanovski et Blagoja Geshoski, ont démissionné le 18 décembre 2012. Ils déploraient que la commission soit dirigée par un «Président illégitime» 
			(117) 
			Le
mandat initial du Président Aziev était limité à six mois. Il est
toutefois en place depuis deux ans parce que le parlement ne lui
a pas désigné de successeur. et accusaient celle-ci de qualifier de «collaborateurs» certaines personnes non seulement en se fondant sur des éléments insuffisants, mais encore en ignorant les éléments qui démontrent le contraire 
			(118) 
			Voir Sinisa Jakov Marusic,
BIRN, «<a href='http://www.balkaninsight.com/en/article/http-www-balkaninsight-com-en-administrator1'>Resignations
Rock Macedonia’s Commission de lustration</a>», Balkaninsight.com,    18 décembre 2012.. La commission de lustration conserve toutefois le quorum nécessaire à la poursuite de ses travaux.
121. Il appartient à présent à la Cour constitutionnelle macédonienne de rendre sa décision sur la loi de lustration – et j’espère que toutes les institutions du pays s’y conformeront. Ajoutons que la contestation de décisions de la Cour constitutionnelle est un signe préoccupant du point de vue du respect de l’Etat de droit. Je note par ailleurs qu’une décision dérivée de cette loi controversée est à présent contestée devant la Cour européenne des droits de l’homme 
			(119) 
			Voir Ivanovski c. «L’ex-République yougoslave de
Macédoine», <a href='http://hudoc.echr.coe.int/sites/eng/pages/search.aspx?i=001-115519'>Requête
n° 29908/11</a> déposée le 9 mai 2011 et communiquée le 27 novembre
2012. M. Ivanoski était juge à la Cour constitutionnelle depuis
2003 et Président de la Cour constitutionnelle en 2011, quand il
a été limogé en raison des procédures de lustration. Il a saisi
la Cour européenne des droits de l’homme au motif que les procédures
engagées contre lui pour avoir été un informateur de l’ancienne
police secrète ne sont pas équitables. Il se plaignait de l’impact
de cette procédure sur sa réputation, sur sa dignité personnelle et
sur son intégrité. Il affirme également qu’il était et qu’il reste
fiché comme un collaborateur à la fois à son insu et sans son consentement,
que ses informations personnelles ont été collectées et continuellement
conservées dans les registres des services de sécurité de l’Etat,
et que des personnes non autorisées ont eu accès à ses données à
caractère personnel..

7.3. Torture et mauvais traitements

122. En 2010, le Comité européen pour la prévention de la torture et des traitements inhumains ou dégradants (CPT) s’est rendu en Macédoine et a adressé plusieurs recommandations et demandes d’informations aux autorités à propos des forces de l’ordre, des établissements pénitentiaires et psychiatriques et des établissements spéciaux Demir Kapija pour handicapés mentaux 
			(120) 
			Voir CPT/Inf(2012)4,
p. 71-85.. En janvier 2012, le gouvernement macédonien a demandé la publication du rapport et présenté ses commentaires sur les observations du CPT 
			(121) 
			Voir
CPT/Inf(2012)5., où il décrit les initiatives prises pour améliorer le système. J’aimerais notamment mentionner un projet de reconstruction des prisons et des établissements éducatifs et correctionnels qui est cofinancé par la Banque de développement du Conseil de l’Europe (46 millions d’euros) et par le gouvernement macédonien (6 millions d’euros), la préparation d’une Stratégie nationale de développement du système pénitentiaire soutenue par des fonds IPA, ainsi que plusieurs projets financés par divers Etats.
123. Si des progrès sont constatés dans le système pénitentiaire grâce à la formation continue des personnels des prisons et à la reconstruction des établissements, plusieurs problèmes subsistent parce que les prisons sont insuffisamment financées et dotées en personnel, et souffrent d’une gestion déficiente, de mauvaises conditions matérielles, de soins de santé insuffisants, d’un manque d’activités pédagogiques et de rééducation, notamment pour les jeunes détenus, et de l’absence d’un mécanisme indépendant d’inspection pour examiner les violations et sanctionner les auteurs d’abus 
			(122) 
			Rapport de suivi CE
2012, p. 13..
124. J’invite instamment les autorités macédoniennes à poursuivre leurs efforts et à se conformer aux autres recommandations du CPT. A cet égard, je me félicite du lancement, en décembre 2012, d’un programme conjoint Conseil de l’Europe/Union européenne sur le renforcement des capacités des services répressifs pour garantir un traitement approprié aux détenus et aux personnes condamnées. J’espère que ce projet ouvrira la voie à d’autres programmes de coopération et redynamisera le partenariat entre la Macédoine et le Conseil de l’Europe.
125. Une décision qui fait date a également été rendue par la Cour européenne des droits de l’homme, qui a condamné les transferts et les détentions secrètes pratiqués par la CIA. En l’affaire El-Masri c. «L’ex-République yougoslave de Macédoine», la Cour a conclu à la violation des articles 3 (interdiction de la torture et des traitements inhumains ou dégradants), 5 (droit à la liberté et à la sûreté), 8 (droit au respect de la vie privée et familiale) et 13 (droit à un recours effectif). Le requérant, un citoyen allemand d’origine libanaise, s’est plaint d’avoir été arrêté et torturé à Skopje parce qu’il était soupçonné d’appartenir à une organisation terroriste, et d’avoir été livré à la CIA qui l’a ensuite placé dans un centre de détention secret en Afghanistan. La Cour a estimé que la Macédoine était responsable des tortures et des mauvais traitements qu’il a subis à la fois dans le pays et après sa remise aux autorités américaines dans le cadre d’une «remise» extrajudiciaire. Comme le fait observer le Président de l’Assemblée parlementaire, cette décision a confirmé les conclusions des rapports de l’Assemblée sur cette question élaborés par l’ancien membre de l’Assemblée Dick Marty (Suisse, ADLE) 
			(123) 
			En 2006 et en 2007,
l’Assemblée a adopté deux rapports d’enquête sur le transfert illégal
de prisonniers et la détention secrète dans des Etats membres du
Conseil de l’Europe (Docs.
10957 et 11302), qui ont eu beaucoup de retentissement, où le cas de
Khaled el-Masri a été présenté comme un exemple particulièrement
bien documenté des pratiques illicites de la CIA. Ces rapports ont
donné lieu à des enquêtes parlementaires et judiciaires dans plusieurs
Etats membres du Conseil de l’Europe. 
			(123) 
			Voir <a href='http://assembly.coe.int/ASP/NewsManager/FMB_NewsManagerView.asp?ID=8256'>http://assembly.coe.int/ASP/NewsManager/FMB_NewsManagerView.asp?ID=8256</a>. 
			(124) 
			Ajoutons que, entre
1997 et 2011, la Cour a prononcé 78 arrêts concernant la Macédoine,
dont 72 font état d’au moins une violation de la Convention européenne
des droits de l’homme, essentiellement de son article 6 (droit à
un procès équitable dans un délai raisonnable), aucune violation
n’a été constatée dans trois affaires. Voir <a href='http://www.echr.coe.int/Documents/Country_Factsheets_1959_2010_FRA.pdf'>www.echr.coe.int/Documents/Country_Factsheets_1959_2010_FRA.pdf.</a>.

7.4. Lutte contre la traite des êtres humains

126. La Macédoine a ratifié la Convention du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains (STCE n° 197) 
			(125) 
			<a href='http://www.coe.int/t/dghl/monitoring/trafficking/default_FR.asp?'>www.coe.int/t/dghl/monitoring/trafficking/default_FR.asp?.</a> le 27 mai 2009. La Macédoine reste un pays d’origine, de destination et de transit pour la traite des êtres humains à des fins d’exploitation sexuelle et de travail forcé. Le rapport du 1er cycle d’évaluation est en cours d’élaboration au sein du Groupe d’experts sur la lutte contre la traite des êtres humains (GRETA), et devrait prochainement être examiné par son Comité des Parties.
127. En attendant la publication du premier rapport d’évaluation, je constate que, d’après la Commission européenne 
			(126) 
			Rapport de suivi CE
2012., de légers progrès ont été accomplis dans la lutte contre la traite des êtres humains. Le Centre pour les victimes de la traite des êtres humains a accueilli neuf victimes en 2011 et deux autres victimes, des citoyens étrangers, ont été placées au Centre d’accueil des étrangers de Skopje. En 2011, 35 personnes ont été poursuivies suite à des accusations de traite, contre 25 en 2010, et 12 personnes ont été condamnées et placées en détention en 2011 (elles étaient 11 en 2010) 
			(127) 
			Chiffres fournis par
les autorités, AS/Mon (2013) 10, p. 13.. Le pays doit encore mettre en place une approche globale, pluridisciplinaire et orientée sur les victimes de la traite, et l’identification proactive des victimes de la traite doit être améliorée.

7.5. L’institution du Médiateur

128. Dans son dernier rapport de suivi, la Commission européenne a noté que les recommandations du bureau du Médiateur continuent d’être respectées par les instances de l’Etat dans la majorité des cas (78 %). Les organismes les moins coopératifs en la matière continuent d’être les commissions de deuxième instance du gouvernement, suivies par le ministère des Finances, le ministère de l’Intérieur et les collectivités territoriales 
			(128) 
			Rapport de suivi CE
2012, p. 10.. Ce point a été confirmé par le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux, qui a regretté que les consultations avec le bureau du Médiateur dans la procédure législative ne soient pas encore régulières et qu’elles aient été très limitées depuis les dernières élections, tandis que les collectivités locales continuent de figurer parmi celles qui respectent le moins les instructions et recommandations du Médiateur 
			(129) 
			Recommandation 329
(2012), paragraphe 5.k.. La plupart des violations concernaient les droits des consommateurs, les droits de propriété, les droits des travailleurs et les prisons.

7.6. Lutte contre les discriminations

129. La loi de 2010 sur la prévention de la discrimination et la protection contre celle-ci (loi contre la discrimination) a été promulguée en 2012. Une commission de protection contre la discrimination a été créée.
130. La loi ne mentionne toutefois pas l’orientation sexuelle, qui constitue un motif de discrimination et de stigmatisation dans le pays, et risque donc de ne pas permettre la protection des droits des lesbiennes, gays, bisexuels et transsexuels (LGBT). La commission de protection contre la discrimination a examiné des plaintes de la communauté LGBT et a obtenu du ministère de l’Education une révision des manuels scolaires et le retrait des parties de ceux-ci qui véhiculent des clichés et des préjugés à l’encontre des LGBT 
			(130) 
			<a href='http://www.state.gov/documents/organization/186589.pdf'>Country
Reports on Human Rights Practices for 2011</a>, the US Department of State Bureau of Democracy, Human Rights
and Labor, p. 30..
131. Quelques jours avant ma visite d’octobre 2012, un jeune militant a été agressé à Skopje, deux individus ont violemment assailli dans la rue le Président de l’ONG des droits de l’homme ‘LGBT United Macedonia’, Alen Shakiri, et le nouveau centre pour LGBT a été attaqué 
			(131) 
			Communiqué de presse
de l’Intergroupe LGBT du Parlement européen, 23 octobre 2012, «Macédoine:
les MPE préoccupés par un climat de plus en plus homophobe».. L’ONG a déploré des articles incendiaires relayés par les médias, qui associent l’homosexualité à l’inceste, à la pédophilie et à la polygamie, et a été tellement choquée par les propos de Spiro Ristovski, le ministre des Affaires sociales 
			(132) 
			<a href='http://www.balkaninsight.com/en/article/rights-groups-sue-macedonian-minister-for-homophobia'>www.balkaninsight.com/en/article/rights-groups-sue-macedonian-minister-for-homophobia</a>., qu’elle a décidé de porter plainte pour harcèlement et discrimination. Le ministre a fait parvenir un démenti aux médias.

7.7. Situation des réfugiés et des personnes déplacées

132. D’après le HCR, la Macédoine accueille près de 1 600 réfugiés, pour la plupart d’origine rom, qui ont quitté leur domicile suite au conflit de 1999 au Kosovo. L’action du HCR consiste prioritairement à mettre en œuvre des solutions durables pour les réfugiés kosovars, au travers de retours volontaires et de l’intégration locale, conformément à la stratégie du gouvernement. 257 personnes ont opté pour le retour volontaire au Kosovo et en Serbie en 2011 et le nombre de personnes déplacées (PDI) a diminué de 611 en 2010 à 474 en 2011 
			(133) 
			Chiffres cités dans
le rapport de suivi CE 2012, p. 18. et 296 en février 2013 
			(134) 
			Chiffres
fournis par les autorités, AS/Mon (2013) 10, p. 14.. La pénurie de logements est une contrainte majeure et des projets sont actuellement en cours d’élaboration pour améliorer les possibilités dans ce domaine.
133. Les problèmes des personnes disparues et de l’hébergement durable des 90 personnes qui sont encore logées dans 6 centres collectifs ont été abordés par le Commissaire aux droits de l’homme lors de sa dernière mission dans le pays 
			(135) 
			<a href='http://www.coe.int/t/commissioner/News/2012/121129Macedonia_FR.asp'>www.coe.int/t/commissioner/News/2012/121129Macedonia_FR.asp</a>..
134. J’ai été informé que la plupart des demandeurs d’asile originaires d’Afghanistan, du Pakistan, d’Afrique et du Proche et du Moyen-Orient (environ 400 personnes en 2010, chiffre que l’on s’attend à voir augmenter) quittaient le pays quelques semaines après leur arrivée. La ministre de l’Intérieur s’est inquiétée de la hausse de ce nombre (de 180 en 2010 à 740 en 2011) et de cette pression considérable qui pourrait nuire au régime de protection des demandeurs d’asile qui tentent généralement d’atteindre les pays d’Europe occidentale.
135. La Macédoine a adopté des amendements à la loi sur l’asile et la protection temporaire en 2012 (afin de se conformer aux directives de l’Union européenne 
			(136) 
			Les
directives auxquelles les autorités font référence sont la Directive
2003/9/CE (27 janvier 2003), la Directive 2004/83/CE (29 avril 2004)
et la Directive 2005/85/CE (1er décembre
2005). ) et les autorités ont préparé une «Stratégie pour l’intégration des réfugiés», ainsi qu’un Plan d’action national pour mettre en œuvre la Stratégie durant la période 2008-2015, notamment dans les domaines du logement, de l’éducation, de la santé, de l’emploi et de la protection sociale. En février 2013, on dénombrait 16 réfugiés reconnus et 587 personnes sous protection subsidiaire, dont la majorité demandait la protection internationale suite au conflit de 1999 au Kosovo. Ces réfugiés appartenaient principalement aux communautés ethniques rom, ashkali et égyptienne. Un programme annuel d’intégration des réfugiés a été lancé depuis 2011 par le ministre du Travail et de la Politique sociale afin d’encourager les réfugiés à prendre une part active dans leur intégration locale. En octobre 2012, une carte de santé a été attribuée à 342 réfugiés (couvrant 588 réfugiés), leur permettant ainsi d’accéder au système national d’assurance maladie 
			(137) 
			Chiffres
fournis par les autorités, AS/Mon (2013) 10, p. 14..
136. Je salue les amendements apportés à la loi sur l’aide juridictionnelle gratuite et à celle sur l’assurance maladie, qui couvre désormais les demandeurs d’asile, ainsi que l’adoption d’un programme d’intégration pour 2012, qui prévoit le financement par l’Etat de l’aide au logement des personnes auxquelles l’asile est accordé 
			(138) 
			rapport de suivi CE
2012, p. 54.. J’ai toutefois constaté que plusieurs questions relatives à la procédure de demande d’asile restent ouvertes, comme les décisions sur l’asile rendues en première instance et la décision pour définir le statut de réfugié, malgré une amélioration ainsi que la délivrance de documents d’identité aux demandeurs d’asile.
137. Le représentant du HCR que j’ai rencontré en mai 2012 a confirmé que les pratiques nationales en matière d’asile mériteraient d’être améliorées, tant au niveau de la procédure de détermination du statut de réfugié que de l’accès aux droits économiques et sociaux, qu’il conviendrait de mettre en conformité avec les normes internationales et les exigences liées à l’adhésion à l’Union européenne. Ces mesures devraient permettre de garantir que le processus s’inscrit dans un cadre juridique clair, évitant ainsi toute surexposition à la vulnérabilité et aux risques. La prévention de l’apatridie, y compris l’adhésion à la Convention de 1961 sur la réduction des cas d’apatridie, reste l’une des principales activités du HCR dans ce pays, où près de 1 200 personnes sont confrontées à ce risque 
			(139) 
			<a href='http://www.unhcr.org/cgi-bin/texis/vtx/page?page=49e48d8f6&submit=GO'>www.unhcr.org/cgi-bin/texis/vtx/page?page=49e48d8f6&submit=GO</a>..

7.8. La situation des Roms

138. En ce qui concerne les droits des Roms, le Ministre, M. Mustafa (ancien maire de Suto Orizari, la seule commune rom en Europe), a indiqué que, selon les informations disponibles, le pays compte 54 000 Roms, dont 40 000 vivent à Suto Orizari. Il a expliqué les mesures adoptées par les autorités macédoniennes en soulignant qu’il était nécessaire d’améliorer les conditions de vie des Roms et l’accès de leurs enfants à l’éducation. Cependant, les Roms continuent de faire face à des conditions de vie et à une discrimination très difficiles à supporter. La Macédoine préside depuis juillet 2011 la Décennie de l’intégration des Roms. Le ministre a reconnu qu’aucune mesure particulière n’avait été prise en faveur des Roms déplacés (1 500 sont enregistrés en tant que réfugiés).
139. Au cours de mes missions en Macédoine, j’ai été informé des initiatives visant à protéger les droits des Roms. Diverses mesures ont été prises pour soutenir les Roms, dont l’adoption d’une stratégie 2012-2014 d’intégration sociale des Roms, et le lancement d’un programme de médiateur des Roms pour la santé dans 16 communes. Des demandes de légalisation des maisons illégales ont été déposées auprès des communes, et de nouveaux centres d’information pour les Roms ont été ouverts. Les autorités macédoniennes, en coopération avec le HCR, ont engagé en octobre 2011 une initiative visant à identifier et enregistrer les personnes non encore inscrites au registre des naissances. Elle en est à ce jour à la phase finale. 459 enfants roms ont été inclus dans un projet sur «l’intégration des enfants roms dans le préscolaire», en coopération avec le Fonds pour l’éducation des Roms et 18 collectivités locales 
			(140) 
			AS/Mon (2013) 10, p.
15..
140. Cependant, il y a une discrimination apparente à l’encontre des Roms dans les domaines de l’emploi, du logement, de la santé, etc. D’après un rapport publié conjointement par l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne et par le PNUD, à peine 15 % des jeunes adultes roms couverts par l’enquête avaient terminé l’enseignement secondaire supérieur ou professionnel, contre plus de 70 % dans la population majoritaire vivant à proximité; en moyenne, moins de 30 % des Roms couverts par l’enquête occupaient un emploi rémunéré 
			(141) 
			<a href='http://www.undp.org.mk/?LCID=35&NewsID=473'>www.undp.org.mk/?LCID=35&NewsID=473</a>..
141. A l’issue de sa mission en Macédoine, en novembre 2012, le Commissaire aux droits de l’homme, M. Nils Muižnieks, a instamment prié les autorités macédoniennes de promouvoir les droits de l’homme des Roms et a fait observer qu’un nombre disproportionné d’enfants roms étaient placés dans des écoles «spéciales» destinées aux enfants atteints de déficiences intellectuelles et qui ne se justifient que pour ceux qui souffrent de handicaps graves; les enfants roms devraient être scolarisés dans les établissements normaux; il a aussi relevé que l’apatridie et l’absence de documents d’identité affectent encore de nombreux Roms, dont des enfants, et les empêche d’accéder aux services essentiels 
			(142) 
			<a href='http://www.coe.int/t/commissioner/news/2012/121129macedonia_FR.asp'>www.coe.int/t/commissioner/news/2012/121129macedonia_FR.asp</a>?..
142. Concernant la question de la nationalité, j’ai été informé en détail de la loi sur la nationalité amendée en 2004, des mesures transitoires mises en place dans l’attente de solutions permanentes aux problèmes des personnes qui, en fait et en droit, se sont retrouvées sans nationalité après la dissolution de l’ex-yougoslavie, des efforts déployés par le ministère de l’Intérieur en coopération avec le HCR, le Conseil de l’Europe, l’OSCE et des ONG durant la période de transition (2004–2006) pour informer le public de la loi amendée sur la nationalité. Grâce à cela, à la date de février 2013, 2 600 Roms ayant déposé une demande ont pu obtenir la nationalité macédonienne 
			(143) 
			AS/Mon (2013) 10, p.
16..
143. Je tiens à féliciter les autorités macédoniennes pour les actions entreprises en faveur de l’enregistrement, l’intégration et l’accès croissant des Roms aux droits sociaux. J’encourage par ailleurs vivement la Macédoine à poursuivre ces efforts et à contribuer par des politiques inclusives aux initiatives du Conseil de l’Europe pour lutter contre la discrimination envers les Roms, y compris envers les enfants roms 
			(144) 
			Voir
la Résolution 1927 (2013) «Mettre fin à la discrimination contre les enfants roms»,
nouvellement adoptée (Doc. 13158, rapporteure: Mme Memecan, Turquie, ADLE)..

7.9. La question des faux demandeurs d’asile

144. Au cours des derniers mois, j’ai été alerté par des ONG sur la situation de faux demandeurs d’asile, pour la plupart des Roms cherchant asile dans les pays de l’Union européenne. Certaines allégations laissent entrevoir le recours à des pratiques et des propositions qui ne seraient pas conformes aux instruments juridiques internationaux et du Conseil de l’Europe – par exemple la confiscation de leurs passeports afin de dissuader ces personnes d’abuser du régime de libéralisation des visas. Bien que je n’aie pas pu recueillir de preuves de tels agissements, la ministre de l’Intérieur, Mme Jankuloska, m’a confirmé que le Code pénal avait été amendé et que l’abus du régime de libéralisation des visas était désormais considéré comme une infraction pénale. Elle a confirmé que des mesures ont été prises pour enrayer cette tendance qui menace le régime de libéralisation des visas, dont un contrôle des documents pour vérifier le motif des voyages et l’intention de retourner dans le pays d’origine, tandis que la Macédoine s’efforce d’améliorer les conditions de vie des intéressés.
145. La prévention des faux demandeurs d’asile en Macédoine a été abordée par les autorités macédoniennes et la Commission européenne dans le cadre de la mise en œuvre du régime de libéralisation des visas. Cependant, j’insiste sur le fait que cette question doit également être traitée dans le respect des droits de l’homme. Je me réfère ici à la déclaration de l’ancien Commissaire aux droits de l’homme, Thomas Hammarberg, qui rappelait que «le droit de chaque individu de quitter son pays est un droit fondamental établi», et soulignait que «nombre de personnes qui ont quitté leur pays et demandé l’asile dans l’Union européenne l’ont fait de leur propre initiative et en raison d’une situation réelle d’insécurité physique et/ou économique. Elles ont voulu fuir des injustices et/ou la pauvreté et une misère abjecte», concluant que «demander l’asile est un droit de l’homme et que les personnes habilitées à recevoir un statut de protection doivent se le voir accorder, tandis que les autres doivent accepter une décision négative».
146. Le Commissaire Muižnieks s’est également inquiété des allégations de profilage ethnique pratiqué par les autorités, qui empêcherait de nombreux Roms de quitter le pays dans le cadre du régime de voyage sans visa mis en place il y a trois ans. «De telles mesures peuvent s’avérer contraires à certaines normes internationales telles que la liberté de quitter son pays et le droit de demander l’asile, et engendrer un niveau supplémentaire de discriminations à l’encontre de la minorité rom» 
			(145) 
			<a href='http://www.coe.int/t/commissioner/news/2012/121129macedonia_FR.asp'>www.coe.int/t/commissioner/news/2012/121129macedonia_FR.asp</a>?..
147. Les mesures prises comprennent les contrôles aux frontières, le marquage des passeports des personnes dont la demande d’asile a été rejetée, ainsi que des sanctions pénales à l’encontre des organisateurs des voyages de «faux demandeurs d’asile», après la réforme du Code pénal et l’adoption d’amendements à la loi n° 135 sur les documents de voyage en octobre 2011 
			(146) 
			Selon
les autorités, cette loi stipule qu’une demande de passeport sera
rejetée si la personne a fait l’objet d’un retour forcé depuis un
autre pays au motif d’en avoir enfreint la réglementation d’entrée.
Par ailleurs, les raisons du rejet de la demande de passeport ne
seront plus considérées comme valables après un délai d’un an. AS/Mon
(2013) 10, p.16. Les médias ont évoqué 6 500 Macédoniens retenus à la frontière serbe entre avril 2011 et octobre 2012 
			(147) 
			Interview du porte-parole
du ministère macédonien de l’Intérieur sur la chaîne de télévision
allemande <a href='http://www.tagesthemen.de/multimedia/audio/audio96874.html'>ARD</a>, le 25 octobre 2012.. Une fois de plus, je prie instamment les autorités macédoniennes de veiller au respect des normes internationales dans leurs mesures préventives et répressives, qui ne doivent jamais priver les personnes de leur droit de quitter le pays.
148. Le nombre de demandes d’asile que les citoyens du pays ont déposées dans des pays de l’Union européenne a diminué, passant de 7550 en 2010 à 5545 en 2011. Depuis l’entrée en vigueur de la loi n° 135 susmentionnée et jusqu’au mois de février 2013, 1 370 personnes au total ont fait l’objet de retours forcés et d’une interdiction de se rendre à l’étranger selon les chiffres officiels 
			(148) 
			AS/Mon (2013) 10, p.
16..
149. Cependant, les politiques à long terme destinées à favoriser l’intégration économique et sociale des groupes les plus vulnérables de la population, qui sont les principaux candidats à l’émigration, sont trop rares et pâtissent d’un manque de financements. Une formation continue sur la détection des documents falsifiés a été organisée à l’intention des personnels des missions diplomatiques et consulaires 
			(149) 
			Rapport de suivi CE
2012, p. 56..

8. Conclusions

150. Mon impression globale, à ce stade, est que le pays s’est engagé à progresser sur la voie du respect de tous les engagements et obligations en suspens et de l’adoption du cadre juridique nécessaire. Cependant, le manque d’implication du Président et du Premier ministre dans la préparation de ce rapport soulève des questions quant à la force de cet engagement. J’ai également remarqué que le pays restait profondément divisé tant au niveau politique qu’ethnique et que l’application des lois était encore problématique.
151. Les clivages et la politisation de la société font peser une lourde responsabilité sur le parti au pouvoir, le VMRO-DPMNE, qui doit veiller à la mise en place d’un dialogue intégrateur entre tous les segments de la société et des partis politiques. La série d’actions entreprises à l’encontre des médias, des partis de l’opposition et des ONG est un motif de forte préoccupation pour l’opposition et les représentants de la société civile, qui perçoivent ces faits comme des actions sélectives et un signe de radicalisation. De telles mesures ne contribueront pas à l’amélioration de la cohésion sociale d’un pays qui reste fortement divisé et qui a encore besoin de surmonter les conséquences des événements de 2001 et de rechercher des moyens pour encourager un sentiment de «vie commune» en tenant compte de la sensibilité des différentes communautés 
			(150) 
			Le projet « Skopje
2014», par exemple, pourrait avoir ranimé des sentiments de discrimination
parmi les Albanais de souche étant donné qu’il a été perçu comme
un projet du gouvernement destiné à la population « d’origine macédonienne»
(le projet « Skopje 2014» envisage la construction de 15 nouveaux
bâtiments, notamment des théâtres, des salles de concert, des bureaux
et des musées, d’un obélisque, de plusieurs grandes fontaines, de
deux nouveaux ponts, d’environ 20 statues monumentales et de 100
statues plus petites). , notamment les plus petites. A cet égard, il est essentiel de réaliser un recensement correctement préparé et reposant sur une méthodologie incontestée, étant donné que les résultats de ce recensement auront un effet direct sur toutes les communautés.
152. La dépolitisation de la vie publique sera un défi difficile à relever, qui doit être pris au sérieux par les autorités avec le soutien de tous les partis politiques afin d’améliorer la transparence et l’efficacité des institutions publiques et de dynamiser le développement socio-économique du pays. Dans cette perspective, un soutien sans réserves doit être accordé au développement et à la mise en œuvre des recrutements fondés sur le mérite, qui peuvent offrir de véritables perspectives à la jeunesse macédonienne alors qu’un tiers de la population vit en-dessous du seuil de pauvreté.
153. Il ne faut pas sous-estimer les améliorations significatives apportées par l’Accord-cadre d’Ohrid dans les relations interethniques. L’Accord-cadre reste donc un élément essentiel pour la démocratie et l’Etat de droit dans le pays, comme l’a fait remarquer la Commission européenne 
			(151) 
			Rapport
de suivi CE 2011.. Je pense que seule la mise en œuvre de l’Accord-cadre de façon équitable, transparente et sans exclure personne peut contribuer à garantir une coexistence pacifique et la pleine participation à la vie publique des communautés non majoritaires, y compris les plus petites, et à assurer leur accès aux droits sociaux, notamment à l’emploi. Des efforts continus, à travers le dialogue et des mesures de confiance, sont essentiels pour atteindre cet objectif. Les récents incidents interethniques témoignent de la fragilité persistante de la situation et de nouvelles initiatives politiques seraient les bienvenues pour renforcer la cohésion sociale.
154. Des statistiques fiables, une évaluation et une analyse comparative de la mise en œuvre de l’Accord-cadre d’Ohrid sont essentiels pour poursuivre les progrès. Je salue donc le Gouvernement macédonien pour le bilan qu’il a établi afin de faire le point sur l’application des politiques dérivées de l’Accord-cadre, qui devrait faire l’objet d’un débat public et d’analyses et inspirer de nouvelles mesures.
155. Dans ce contexte de clivages, le problème de la liberté des médias est déterminant. L’évolution actuelle est assez inquiétante et les autorités devraient aborder sérieusement cette question en associant les journalistes au renforcement de la transparence de la propriété des médias, en garantissant la protection des journalistes, en veillant à leur indépendance et en améliorant leurs conditions de travail et leurs normes professionnelles. La dépénalisation de la diffamation est un point positif pour renforcer la liberté des médias.
156. J’espère que les résultats des élections de juin 2011, qui ont abouti à une répartition plus équitable des sièges entre les quatre principaux partis politiques (VMRO-DPMNE, SDSM, DUI et DPA) continueront à donner une impulsion pour promouvoir une approche constructive de l’élaboration des politiques, d’un travail législatif en harmonie avec les normes internationales, et de la mise en œuvre de la législation. Tous les partis politiques doivent partager leurs responsabilités et le parlement doit jouer pleinement son rôle, notamment celui de contrôle.
157. De ce point de vue, j’invite instamment les autorités macédoniennes à agir avec fermeté contre les causes de la discrimination et de la ségrégation et à renforcer les politiques d’intégration, parce qu’elles favoriseront le développement du pays et renforceront la cohésion sociale.
158. De nombreuses réformes sont encore en train d’être réalisées et de nouvelles avancées devraient avoir lieu en ce qui concerne l’administration publique et l’ordre judiciaire, la lutte contre la corruption, la mise en œuvre de l’Etat de droit, la liberté d’expression, la mise en œuvre de la Charte européenne de l’autonomie locale (STE n° 122), la situation des personnes déplacées (PDI) et des demandeurs d’asile, etc.
159. Le lancement du Dialogue d’adhésion de haut niveau avec la Commission européenne en mars 2012 a permis de dynamiser la coopération avec le Conseil de l’Europe et d’aider la Macédoine à accélérer la réalisation de ses engagements et obligations restants, les questions d’intérêt commun devant être traitées.
160. Dans ce domaine, je suggère vivement aux autorités macédoniennes d’intensifier leur coopération avec le Conseil de l’Europe et de pleinement tirer parti de leur appartenance à cette Organisation pour améliorer l’Etat de droit, les droits de l’homme et la démocratie, y compris la gouvernance parlementaire. Une telle coopération pourrait, par la même occasion, préparer le terrain au respect des critères énoncés aux chapitres 23 et 24 des négociations d’adhésion à l’Union européenne (relatifs aux droits fondamentaux et à la justice). Je suis persuadé qu’un partenariat renouvelé avec le Conseil de l’Europe, en coordination avec l’Union européenne et l’OSCE, serait bénéfique pour le processus global de réformes engagé par la Macédoine. J’encourage donc vivement les autorités macédoniennes à tirer parti du savoir-faire et des échanges de bonnes pratiques que le Conseil de l’Europe propose dans un cadre multilatéral. Ceci m’amène à suggérer au Conseil de l’Europe de soutenir les efforts des autorités macédoniennes pour honorer le respect des obligations et engagements non encore satisfaits, et d’envisager l’ouverture d’un Bureau du Conseil de l’Europe, conformément à la Résolution CM/Res(2010)5 du Comité des Ministres sur le statut des bureaux du Conseil de l’Europe, pour «promouvoir et soutenir les politiques et activités des autorités nationales, ainsi que celles des organes du Conseil de l’Europe, liées au statut de membre du Conseil de l’Europe; apporter conseil et assurer le soutien et la coordination d’ensemble sur place avec les autorités nationales pour la planification, la négociation et la mise en œuvre en temps voulu des activités de coopération ciblées du Conseil de l’Europe, y compris les Programmes conjoints avec l’Union européenne et d’autres donateurs; faciliter l’identification des besoins pour le renforcement des capacités, en coopération avec les autorités nationales et coordonner les activités dans le pays avec les autres organisations et institutions internationales (Union européenne, OSCE, ONU) et d’autres partenaires internationaux et locaux actifs dans le pays» 
			(152) 
			Paragraphe 1 de l’Annexe
de la Résolution CM/Res(2010)5 sur le statut des bureaux du Conseil
de l’Europe, adoptée par le Comité des Ministres le 7 juillet 2010,
lors de la 1090e réunion des Délégués
des Ministres..
161. Dans l’attente, j’encourage les autorités macédoniennes à travailler en étroite collaboration avec les mécanismes de suivi du Conseil de l’Europe, et à tenir dûment compte des recommandations formulées par le Commissaire aux droits de l’homme en 2013.
162. Je comprends certes la déception exprimée par les autorités macédoniennes quand le Conseil européen n’est pas parvenu à un accord sur l’ouverture des négociations d’adhésion, pourtant recommandée par la Commission européenne, mais je suis persuadé que la poursuite du processus de réformes ne peut que contribuer à la réalisation de cet objectif. L’appui de la communauté internationale et des pays voisins est essentiel pour faciliter le processus de démocratisation de la Macédoine et pour ouvrir la voie à son intégration tant désirée dans l’Union européenne et dans l’OTAN.