Imprimer
Autres documents liés

Rapport | Doc. 13434 | 04 mars 2014

Le droit d'accès à internet

Commission de la culture, de la science, de l'éducation et des médias

Rapporteure : Mme Jaana PELKONEN, Finlande, PPE/DC

Origine - Renvoi en commission: Doc. 12985, Renvoi 3892 du 1er octobre 2012. 2014 - Deuxième partie de session

Résumé

Internet a révolutionné la manière dont les citoyens interagissent, permettant à chacun d’eux de s’exprimer en toute liberté, comme ils n’auraient jamais pu le faire avant l’avènement du web. Il leur a également offert de vastes possibilités nouvelles d’accéder à des supports éducatifs, de participer à la vie culturelle et de s’organiser en groupes.

En d’autres termes, selon la commission de la culture, de la science, de l'éducation et des médias, internet a permis aux citoyens d’accéder plus facilement à leurs droits fondamentaux – liberté d’expression, liberté d’association et de réunion – et autres droits civils. C’est pourquoi l’accès à internet pour tous, avec une norme minimale de service, devrait être un objectif public.

La commission estime qu’internet devrait être accessible à tout un chacun, indépendamment de son âge, de son lieu de résidence ou de son revenu. Les gouvernements devraient faire de cet accès un droit reconnu en l’inscrivant dans la loi comme dans la pratique et fixer, en s’appuyant sur les normes des Nations Unies et de l’Union européenne, des obligations de service universel auxquelles les prestataires de services devront satisfaire. L’accès au web devrait être abordable financièrement et sûr et n’être soumis qu’à des restrictions justifiées, prévues par la loi; quant au trafic de données, il devrait être traité sans discrimination, sur la base de la stricte «neutralité du Net».

Le Conseil de l’Europe devrait coopérer avec les prestataires commerciaux, les gouvernements, l’Union européenne et les Nations Unies pour faire en sorte que l’accès universel à internet devienne une réalité dans toute l’Europe.

A. Projet de résolution 
			(1) 
			Projet
de résolution adopté à l’unanimité par la commission le 28 janvier
2014.

(open)
1. L’Assemblée parlementaire rappelle que le droit à la liberté d’expression est à la fois un droit fondamental en soi et un instrument essentiel à l’exercice d’autres droits fondamentaux, parmi lesquels le droit à l’éducation, le droit de prendre part à la vie culturelle et les droits à la liberté d’association et de réunion.
2. Internet a révolutionné la manière dont les citoyens interagissent et exercent leur liberté d’expression et d’information ainsi que les droits fondamentaux connexes. L’accès à internet facilite ainsi la réalisation des droits culturels, civils et politiques. Par conséquent, l’Assemblée souligne l’importance de l’accès à internet dans une société démocratique selon l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme (STE n° 5).
3. Rappelant la Recommandation CM/Rec(2007)16 du Comité des Ministres sur des mesures visant à promouvoir la valeur de service public de l’internet, ainsi que les obligations internationales de service universel établies par l’Union internationale des télécommunications des Nations Unies et la directive de l’Union européenne relative au service universel (Directive 2002/22/CE), l’Assemblée souligne la nécessité d’obligations de service universel concernant internet en Europe et au-delà.
4. L’Assemblée considère qu’internet, eu égard à son rôle important pour les individus, les groupes et les Etats dans la société moderne, doit être accessible à tous, sans considération d’âge, de lieu de résidence ou de revenu, et que des efforts accrus sont nécessaires aux niveaux local, régional, national et européen pour garantir l’accès à internet pour tous.
5. Les pouvoirs publics ont le devoir de garantir la jouissance effective du droit à la liberté d'expression en ligne. Par conséquent, l’Assemblée recommande aux Etats membres du Conseil de l’Europe de garantir le droit d’accès à internet sur la base des principes suivants:
5.1. chacun doit jouir du droit d’accès à internet en tant que condition essentielle à l’exercice des droits en vertu de la Convention européenne des droits de l’homme;
5.2. le droit d’accès à internet inclut celui d’avoir accès à des informations ou des idées, ainsi que d’en recevoir et d’en communiquer via internet, sans qu’il puisse y avoir ingérence d’autorités publiques et sans considération de frontière, sous réserve seulement des restrictions prévues par l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme;
5.3. comme l’accès à internet est également essentiel pour l’exercice d’autres droits de l’homme, tels que le droit à la liberté de réunion et le droit au respect de la vie privée et familiale, les Etats membres devraient reconnaître le droit fondamental à l’accès à internet dans la loi et la pratique;
5.4. les fournisseurs d’accès et de services internet doivent se conformer aux obligations de service universel relatives à internet, qui ont été établies par exemple par les Nations Unies et l’Union européenne;
5.5. la possibilité pour tous d’accéder à un minimum de qualité des services internet est une responsabilité conjointe des Etats membres et des fournisseurs d’accès et de services internet; il conviendra en particulier de veiller à ce que ces services soient abordables, ainsi qu’à leur interopérabilité et leur intégrité, en tenant compte des dernières innovations technologiques;
5.6. il ne devrait y avoir aucune discrimination dans le traitement des données et de trafic d’internet sur la base de l'appareil, du contenu, de l'auteur, de l'origine ou de la destination du contenu, application ou service, assurant ainsi la neutralité du Net;
5.7. les législations et pratiques nationales devraient reconnaître l'accès individuel à internet, et toutes les restrictions à ce droit doivent être prévues par la loi, poursuivre un but légitime et être nécessaires dans une société démocratique;
5.8. l’accès à internet par le biais de points d’accès public devrait être encouragé, en particulier de la part des institutions éducatives et culturelles;
5.9. les Etats membres devraient intensifier leur action visant à garantir l’accès à internet pour les personnes ayant des besoins spéciaux et les usagers d’internet défavorisés;
5.10. les Etats membres devraient promouvoir la recherche technologique sur l’amélioration de l’accès à internet ainsi que l’accès aux logiciels et services pertinents;
5.11. les Etats membres devraient obliger les administrations à permettre également le libre accès à leurs informations et leurs services aussi par le biais d’internet; dans la mesure du possible, l’accès multilingue à internet devrait être un objectif public.
6. L’Assemblée appelle les Nations Unies et l’Union européenne à coopérer plus étroitement avec le Conseil de l’Europe pour définir de manière universelle et mettre en œuvre au niveau européen le droit d’accès à internet et les normes relatives à ce droit.
7. L’Assemblée invite les acteurs commerciaux d’internet à coopérer aux efforts déployés par les gouvernements et les parlements pour mettre en œuvre les principes ci-dessus et réaliser l’accès universel à internet. L’Association européenne des fournisseurs de services internet est invitée à développer des normes de qualité à cet égard.
8. L’Assemblée demande au Secrétaire Général du Conseil de l’Europe d’élaborer des programmes ciblés pour soutenir les initiatives législatives nationales des Etats membres visant à garantir l’accès universel à internet partout en Europe.

B. Exposé des motifs, par Mme Pelkonen, rapporteure

(open)

1. Introduction

1. Ayant déposé une proposition sur le droit d’accès à internet (Doc. 12985), j’ai été nommée rapporteure sur cette question par la commission de la culture, de la science, de l’éducation et des médias de l’Assemblée parlementaire, le 2 octobre 2012. Le 30 novembre 2012, le Bureau de l’Assemblée m’a chargée de prendre également en considération la proposition relative à la promotion de contenus médiatiques sur internet (Doc. 13014).
2. Mme Riikka Koulu, de l’Université d’Helsinki, travaillant en coopération étroite avec moi, a préparé un rapport général approfondi à l’intention de la commission de la culture, de la science, de l’éducation et des médias (document AS/Cult (2012) 08), qu’elle nous a présenté à la commission à Paris le 11 mars 2013. Ce rapport sert en tant que partie substantielle de cet exposé des motifs.
3. Je remercie tout particulièrement Mme Koulu, ainsi que le professeur Wolfgang Schulz de l’Institut Hans Bredow de Hambourg et M. Abel Caine, Spécialiste de programme, Secteur de la communication et de l’information à l’UNESCO, qui ont tous trois participé à un échange de vues avec la commission à cette occasion.
4. M'exprimant au nom de la délégation finlandaise à la Conférence du Conseil de l'Europe des ministres responsables des médias et de la société de l'information à Belgrade le 7 novembre 2013, j'ai présenté ce travail et j’ai eu un échange de vues avec d’autres participants à la 1ère séance ministérielle sur «Accès à l'internet et droits fondamentaux».
5. Les éléments d'un projet de résolution ayant été mis à la consultation publique sur le site web Facebook 
			(2) 
			<a href='https://www.facebook.com/accesstointernet'>https://www.facebook.com/accesstointernet.</a> en Novembre 2013, j'ai reçu peu de commentaires. Cela peut être dû au fait que Facebook est une plate-forme sociale pour des discussions plus spontanées. Cependant, il est intéressant de noter que Mark Zuckerberg, le fondateur et PDG de Facebook, a lancé une initiative pour l'accès universel à l'internet 
			(3) 
			Facebook coopère avec
Samsung Electronics, Nokia, Ericsson, MediaTek, Opera Software et
Qualcomm pour former internet.org, un groupe dont la mission est
d'offrir un accès web pour un nombre supplémentaire de 4 milliards
de personnes dans le monde entier, afin de surmonter les obstacles
dans les pays en développement à connecter au cyberespace. Voir: <a href='https://www.facebook.com/isconnectivityahumanright'>https://www.facebook.com/isconnectivityahumanright</a> et <a href='http://internet.org'>http://internet.org</a>.. J'ai aussi envoyé les éléments pour une résolution aux diverses parties prenantes, y compris l'Association des fournisseurs d'accès à internet européens (Bruxelles), la Chambre de commerce internationale (Paris), Facebook et ARTICLE 19 (Londres). Je suis très reconnaissant pour la réponse constructive d’ARTICLE 19.

2. L’importance de l’accès à internet pour les individus et la société

2.1. Importance croissante d’internet

6. Au 21e siècle, internet est devenu un élément central de la vie quotidienne de ses 2,4 milliards d’utilisateurs dans le monde 
			(4) 
			Internet
World Stats, <a href='http://www.internetworldstats.com/stats.htm'>www.internetworldstats.com/stats.htm</a>.. Pour en donner une définition complète, il faudrait considérer son importance sociale et les possibilités qu’il offre, mais à titre de définition de travail, internet peut être décrit comme des réseaux d’ordinateurs et de serveurs liés entre eux par des protocoles normalisés au niveau mondial, permettant le transfert de données entre les ordinateurs 
			(5) 
			Internet est habituellement
assimilé au World Wide Web, qui est l’une des applications les plus
courantes d’internet avec le courrier électronique. Pour plus de
détails, voir par exemple: Dan Jerker B. Svantesson, Private international
law and the internet (Kluwer Law International cop. 2007), p. 27 et seq.. Il est unanimement reconnu qu’internet est un outil hors normes par rapport aux autres formes de médias.
7. Internet est passé d’un espace de communication accessible uniquement à quelques privilégiés à un outil courant de gestion des questions bancaires, administratives, professionnelles et de santé. Il est difficile de déterminer ce qu’impliquent concrètement ces changements, la transition vers la société de l’information étant encore en cours dans de nombreux pays européens. L’ampleur et le rythme des progrès technologiques varient considérablement d’un pays à l’autre. Dans les pays précurseurs, comme en Scandinavie, presque tous les foyers disposent d’un accès à internet, tandis que dans d’autres pays européens, le taux de pénétration du haut débit n’est pas aussi important. Il existe une fracture numérique entre les différents pays et zones géographiques. Le degré de développement intervient dans la manière dont la technologie influe sur la société; c’est pourquoi les pays scandinaves et autres pays de haute technologie préfigurent les évolutions possibles dans d’autres pays.
8. Cela dit, il apparaît clairement, aujourd’hui déjà, que l’adoption des technologies de l’information et de la communication (TIC) a des conséquences permanentes, importantes et irréversibles pour la société. Le changement historique généré par l’apparition des nouveaux médias et des réseaux informatiques ne peut se réduire à des termes techniques, car une telle approche ne tiendrait pas compte des évolutions sociétales. Les individus dépendent de plus en plus des réseaux informatiques comme internet. C’est notamment grâce à la numérisation des données, qui permet de transmettre des volumes importants de données à un coût nul (ou très bas), qu’internet occupe une si grande place dans la vie quotidienne. Les particuliers et autres acteurs ont ainsi la possibilité de participer à la production de contexte, à la fois en tant que consommateurs et fournisseurs (contenus générés par l’utilisateur, interactivité) 
			(6) 
			Pour une présentation
générale, voir Martin Lister, «New media:
a critical introduction» (Routledge, 2009). . Cette transformation des médias revêt également une grande importance au plan économique.
9. La gamme de services en ligne (services électroniques utilisant les TIC) publics et privés s’étend rapidement, ces derniers venant même dans certains cas remplacer les services traditionnels existants. Le pouvoir de transformation d’internet repose sur un seuil d’accès bas et la possibilité de diffuser en temps réel des données d’un à plusieurs, indépendamment des frontières nationales et sans contrôle centralisé. Les applications en ligne sont devenues étroitement liées aux activités quotidiennes courantes. Elles englobent entre autres la banque en ligne (gestion des opérations bancaires ou suivi des comptes en ligne) 
			(7) 
			La
banque en ligne est l’un des usages les plus courants des connexions
internet. Ainsi, dans les pays de l’Union européenne, 38 % des individus
avaient utilisé des services bancaires sur internet au cours des
trois mois précédents pour effectuer des opérations ou obtenir des
informations sur leurs comptes. Voir: <a href='http://epp.eurostat.ec.europa.eu/tgm/table.do?tab=table&plugin=1&language=en&pcode=tin00099'>http://epp.eurostat.ec.europa.eu/tgm/table.do?tab=table&plugin=1&language=en&pcode=tin00099</a> [22.1.2013]. , le commerce électronique (vente et commerce de biens matériels ou immatériels en ligne, protection du consommateur en ligne) 
			(8) 
			D’après
Eurostat, au sein de l’Union européenne, 34 % des individus avaient
effectué des achats sur internet au cours des trois mois précédents.
Voir: <a href='http://appsso.eurostat.ec.europa.eu/nui/show.do?dataset=isoc_ec_ibuy&lang=en'>http://appsso.eurostat.ec.europa.eu/nui/show.do?dataset=isoc_ec_ibuy&lang=en</a> [22.1.2013]. L’étude Eurostat montre que le pourcentage
correspondant au sein des entreprises est nettement inférieur, avec
seulement 16 %. Voir: <a href='http://appsso.eurostat.ec.europa.eu/nui/submitViewTableAction.do'>http://appsso.eurostat.ec.europa.eu/nui/submitViewTableAction.do</a> [22.1.2013]. et le cybertravail (travail à distance faisant usage des TIC). On notera également l’importance croissante de la santé en ligne (e-health), expression désignant les soins de santé publics ou privés basés sur la technologie, qui au sens large englobent la gestion des données des patients et les consultations en ligne avec le personnel de santé, ainsi que les applications en ligne conçues pour les soins de rééducation.
10. Les organismes et services publics sont, eux aussi, de plus en plus souvent présents en ligne. Le terme «administration électronique» désigne les échanges en ligne entre l’administration publique et les citoyens ou entreprises 
			(9) 
			D’après
Eurostat, dans l’Union européenne, 41 % des individus avaient communiqué
en ligne avec l’administration publique au cours des 12 mois précédents.
L’étude montre que ce pourcentage était de 78 % en Norvège et de
84 % en Islande en 2011. Voir: <a href='http://appsso.eurostat.ec.europa.eu/nui/show.do?dataset=isoc_bdek_ps&lang=en'>http://appsso.eurostat.ec.europa.eu/nui/show.do?dataset=isoc_bdek_ps&lang=en</a> [22.1.2013]. . L’administration électronique se caractérise notamment par l’action gouvernementale visant à promouvoir les services en ligne tels que la communication électronique entre les particuliers et les tribunaux (justice en ligne), la demande de prestations sociales et autres en ligne, ainsi que la participation à la gouvernance au moyen des réseaux informatiques. L’une des applications les plus importantes de l’administration électronique est le vote électronique expérimenté en Finlande 
			(10) 
			Le projet pilote finlandais
reposait sur le recours au vote électronique dans les bureaux de
vote au lieu du vote en ligne. A l’issue du projet, le gouvernement
finlandais a décidé de ne pas généraliser le vote électronique sous
cette forme mais de suivre les progrès réalisés au niveau international
et de développer le vote sur internet pour les élections municipales
de 2016. Pour plus de détails, voir: Service de communication du
gouvernement, communiqué de presse 13/2010, «Electronic voting will
not be developed further on the current basis»: <a href='http://valtioneuvosto.fi/ajankohtaista/tiedotteet/tiedote/fi.jsp?oid=285753'>http://valtioneuvosto.fi/ajankohtaista/tiedotteet/tiedote/fi.jsp?oid=285753</a>. . Les nouvelles formes de participation à l’élaboration de politiques (participation électronique) sont une autre manifestation de l’importance de l’accès à internet dans une société démocratique. Internet sert non seulement au militantisme des organisations non gouvernementales (ONG) auprès des citoyens, mais également à faire mieux connaître les méthodes de participation encouragées par les gouvernements. En Finlande, le ministère de la Justice a renforcé la participation en lançant un service en ligne pour les initiatives citoyennes qui permet aux individus de faire examiner par le parlement un projet de loi ou une proposition de rédaction d’un projet de loi 
			(11) 
			Le service en ligne
a été lancé le 1er décembre 2012 et s’inscrit
dans le cadre du programme d’action sur les services électroniques
et la démocratie électronique (SADe) coordonné par le ministère
des Finances finlandais. Pour plus d’informations, voir: Information
du ministère de la Justice, 30 novembre 2012, «Online service for
citizens’ initiatives is opened on 1 December», <a href='http://www.om.fi/en/Etusivu/Ajankohtaista/Uutiset/1347273533618'>www.om.fi/en/Etusivu/Ajankohtaista/Uutiset/1347273533618</a>, et présentation du service en ligne (en anglais), <a href='https://www.kansalaisaloite.fi/fi/tietoa/briefly-in-english'>https://www.kansalaisaloite.fi/fi/tietoa/briefly-in-english</a>. . Ce type de services et de moyens d’influence peuvent accroître l’activité des citoyens, leur participation et la prise en compte de leur opinion dans les décisions locales et renforcer ainsi la société démocratique (démocratie électronique). Toutefois, les inégalités d’accès à internet peuvent exclure certains groupes de cette évolution.
11. Ces exemples montrent qu’internet est devenu un outil essentiel, non seulement pour faciliter le commerce ou la communication, mais également pour l’utilisation de services publics et privés de base comme les services bancaires, sociaux ou de santé. Outre ces fonctions, internet est déjà devenu une méthode de participation et offre des possibilités d’accroître l’influence des citoyens dans une société démocratique. Le rôle indispensable que joue internet dans la société moderne est encore renforcé par le fait que les gouvernements 
			(12) 
			En Finlande, par exemple,
la législation promeut l’utilisation des services électroniques
dans les relations avec les fonctionnaires et les tribunaux. Voir:
Loi sur les services et la communication électroniques dans le secteur
public (13/2003) [Laki sähköisestä asioinnista viranomaistoiminnassa],
traduction anglaise non officielle à l’adresse: <a href='http://finlex.fi/en/laki/kaannokset/2003/en20030013.pdf'>http://finlex.fi/en/laki/kaannokset/2003/en20030013.pdf</a>. et les acteurs internationaux tels que l’Union européenne 
			(13) 
			Voir
par exemple la Stratégie numérique pour l’Europe, COM(2010)245, <a href='http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=COM:2010:0245:FIN:EN:PDF'>http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=COM:2010:0245:FIN:EN:PDF</a>. encouragent le recours aux services en ligne.
12. Il convient de noter qu’internet en soi n’est ni bon ni mauvais, mais qu’il peut être utilisé à des fins contradictoires. Internet étant par nature un moyen de communication interactif, on ne peut adopter une vision unilatérale et simpliste qui considérerait internet soit comme un facilitateur de droits, soit comme un lieu potentiel de violations des droits. D’un côté, internet offre la possibilité d’accroître considérablement la participation et de faciliter la liberté d’expression. De l’autre, ces droits peuvent faire l’objet d’abus en ligne et internet peut se transformer en instrument de censure, de surveillance ou de cybercriminalité. L’interactivité qu’apporte internet se traduit par des avantages plus importants pour la société civile, mais aussi par des risques accrus d’utilisation abusive en comparaison avec les médias traditionnels. L’infrastructure d’internet ne peut donc en tant que telle être déclarée favorable ou défavorable aux droits de l’homme, mais devrait être considérée comme un média neutre pouvant être utilisé à des fins contraires.

2.2. La reconnaissance de l’accès à internet en tant que droit

13. L’opinion qui prévaut aujourd’hui est que l’accès à internet devrait être reconnu comme un droit fondamental. Les paragraphes suivants présentent cette idée de manière plus détaillée en mettant l’accent sur les politiques nationales en matière de haut débit, la stratégie de l’Union européenne, la jurisprudence nationale et l’opinion publique. Un consensus commence à émerger des actions et débats menés au sein de divers gouvernements, par des acteurs internationaux tels que les Nations Unies, l’Union européenne, l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) 
			(14) 
			Voir: Report on Freedom
of Expression on the Internet. A study of legal provisions and practices
related to freedom of expression, the free flow of information and
media pluralism on the Internet in OSCE participating States. Rapport
préparé par le professeur Yaman Akdeniz: <a href='http://www.osce.org/fom/80723'>www.osce.org/fom/80723</a>. , le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe 
			(15) 
			Voir
par exemple: Recommandation CM/Rec(2007)16 du Comité des Ministres
aux Etats membres sur des mesures visant à promouvoir la valeur
de service public de l’internet: <a href='https://wcd.coe.int/ViewDoc.jsp?id=1207291'>https://wcd.coe.int/ViewDoc.jsp?id=1207291</a>. et l’Union internationale des télécommunications (UIT), ainsi que par les acteurs d’internet et des particuliers. Ces actions englobent la reconnaissance de l’importance d’internet pour la liberté d’expression 
			(16) 
			Pour
une présentation générale, voir: Nicola Lucchi, «Access to Network
Services and Protection of Constitutional Rights: Recognizing the
Essential Role of Internet Access for the Freedom of Expression»
(2011) 19 Cardozo J Int’l & Comp L 645. L’auteur évoque entre
autres une décision du Conseil constitutionnel français concernant
la loi dite Hadopi 1. Dans sa décision (2009-580), le Conseil constitutionnel
a conclu que l’accès à internet ne peut en soi être reconnu comme un
droit fondamental mais qu’il mérite une protection particulière
dans le contexte de la liberté de communication. Cette loi, visant
la protection du droit d’auteur, sera examinée plus loin dans le
présent document. L’article 33 de la loi sur l’information publique
de l’Estonie (Journal officiel de l’Etat, 2000, 92, 597, adoptée
le 15 novembre 2000) garantit à toute personne «la possibilité d’un
accès gratuit à l’information publique via internet dans les bibliothèques
publiques, conformément à la procédure prévue dans la loi sur les
bibliothèques publiques». Traduction anglaise de la loi: <a href='http://legaltext.ee/text/en/X40095K4.htm'>http://legaltext.ee/text/en/X40095K4.htm</a>. , la promotion de la valeur de service public d’internet et l’adoption à cette fin de politiques en matière de haut débit, ainsi que la constitution progressive d’une jurisprudence des tribunaux nationaux et internationaux dans ce domaine.
14. Cela étant, le fait de considérer l’accès à internet comme un droit de l’homme est critiqué. L’une des analyses les plus pertinentes à cet égard a été présentée par Vint Cerf, qui est souvent présenté comme l’un des créateurs d’internet. Ce dernier a affirmé dans une tribune pour le New York Times que «la technologie est un facilitateur de droits, mais pas un droit en soi». Il a noté qu’internet est un important moyen d’arriver à une fin, créant de nouvelles possibilités pour les individus d’exercer leurs droits fondamentaux. Toutefois, d’après lui, le fait de reconnaître l’accès à internet comme un service universel équivaudrait presque à en faire un droit civil 
			(17) 
			Voir:
«Internet Access Is Not a Human Right», New
York Times, 4 janvier 2012: <a href='http://www.nytimes.com/2012/01/05/opinion/internet-access-is-not-a-human-right.html?_r=1&ref=opinion'>www.nytimes.com/2012/01/05/opinion/internet-access-is-not-a-human-right.html?_r=1&ref=opinion</a>. . Amnesty International USA a jugé que cette vision des droits de l’homme était extrêmement réductrice et qu’elle revenait à contester l’accès physique à la place du village en tant que droit de l’homme, sans comprendre que cet accès est indissociable du droit d’association et d’expression 
			(18) 
			Voir: «Is Internet
Access a Human Right?», 10 janvier 2012: <a href='http://blog.amnestyusa.org/business/is-internet-access-a-human-right/'>http://blog.amnestyusa.org/business/is-internet-access-a-human-right/</a>. .
15. Quoi qu’il en soit, ces deux arguments devraient être distingués l’un de l’autre au plan conceptuel: on aurait d’une part, l’accès à internet en tant que droit de l’homme en soi et d’autre part, l’accès à internet en tant que facilitateur indispensable des droits de l’homme. Internet est-il à proprement parler un droit de l’homme? Cela est contestable. Toutefois, on s’accorde généralement à reconnaître qu’il s’agit d’un outil essentiel pour l’exercice des droits de l’homme. Ce constat a d’ailleurs été à l’origine d’un rapport du Rapporteur spécial des Nations Unies, qui sera examiné plus loin.
16. Compte tenu des fonctions centrales et des possibilités qu’offre internet, plusieurs pays ont reconnu que l’accès à internet est devenu un outil essentiel pour l’exercice de la liberté d’expression et d’opinion, et qu’il nécessite donc une protection au titre des droits de l’homme fondamentaux. En 2011, plus de 100 pays dans le monde avaient déjà adopté des politiques nationales de promotion de l’accès à haut débit 
			(19) 
			ITU
World Telecommunication Regulatory Database, Broadband Policies
Worldwide: Selected Countries, Year: 2011: <a href='http://www.broadbandcommission.org/Documents/NationalBBPolicies_2012.pdf'>www.broadbandcommission.org/Documents/NationalBBPolicies_2012.pdf</a>. . Des organes comme la Commission sur le haut-débit pour le développement numérique, projet conjoint de l’UIT et de l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO), encouragent l’élaboration de telles politiques 
			(20) 
			Pour
un aperçu des travaux de la Commission sur le haut débit, voir:
The State of Broadband 2012: Achieving Digital Inclusion for All.
A Report by the Broadband Commission, septembre 2012: <a href='http://www.broadbandcommission.org/Documents/bb-annualreport2012.pdf'>www.broadbandcommission.org/Documents/bb-annualreport2012.pdf</a>..
17. L’Union européenne a reconnu l’accès à internet comme un service universel dans sa Directive (2002/22/CE) concernant le service universel et les droits des utilisateurs au regard des réseaux et services de communications électroniques. Cette directive oblige les Etats membres à veiller à ce que les demandes de raccordement en position déterminée au réseau téléphonique public soient satisfaites. Aux termes de l’article 4.2, «le raccordement réalisé doit permettre aux utilisateurs finals de donner et recevoir des appels téléphoniques locaux, nationaux et internationaux, des communications par télécopie et des communications de données, à des débits de données suffisants pour permettre un accès fonctionnel à internet, compte tenu des technologies les plus couramment utilisées par la majorité des abonnés et de la faisabilité du point de vue technique» [sans italiques dans l’original].
18. L’application de la directive est soumise au contrôle juridictionnel. Ainsi, la Commission européenne a demandé à la Cour de justice d’infliger une amende au Portugal pour manquement de ce dernier à son obligation de désigner des fournisseurs de services de télécommunication en tant que fournisseurs de service universel conformément à la directive. Dans son arrêt (affaire C-154/09) du 7 octobre 2010, la cour a déclaré que la République du Portugal avait manqué à ses obligations car elle n’avait pas transposé les dispositions de la directive dans le droit national et n’avait pas assuré leur application pratique. Le 24 janvier 2013, la Commission européenne a demandé à la cour d’imposer de nouvelles amendes au Portugal, qui n’avait toujours pas honoré la totalité de ses obligations.
19. Les juridictions nationales commencent également à se pencher sur le caractère essentiel de l’accès à internet dans la vie quotidienne. Ainsi, dans sa récente décision (III ZR 98/12) du 24 janvier 2013, la Cour fédérale de justice allemande (Bundesgerichtshof) a accordé une indemnisation à un plaignant qui avait été privé d’accès à internet entre décembre 2008 et février 2009 en raison de l’incapacité du fournisseur d’accès à assurer la connectivité. La cour a considéré que l’accès à internet revêt désormais une importance primordiale pour les individus car internet donne accès à une multitude d’informations au niveau mondial – venant même, à ce titre, remplacer les médias traditionnels comme la télévision et la presse écrite – et permet la communication entre utilisateurs. La cour a également reconnu qu’internet est de plus en plus utilisé pour la réalisation de transactions, la conclusion de contrats et la mise en œuvre d’obligations de droit public 
			(21) 
			Voir: Bundesgerichtshof,
communiqué du bureau de presse n°14/2013: <a href='http://juris.bundesgerichtshof.de/cgi-bin/rechtsprechung/document.py?Gericht=bgh&Art=pm&pm_nummer=0014/13'>http://juris.bundesgerichtshof.de/cgi-bin/rechtsprechung/document.py?Gericht=bgh&Art=pm&pm_nummer=0014/13</a>. Voir également: «Having an internet connection is crucial
to everyday life, German federal court says», 24 janvier 2013, <a href='http://www.itworld.com/internet/338159/having-internet-connection-crucial-everyday-life-german-federal-court-says'>www.itworld.com/internet/338159/having-internet-connection-crucial-everyday-life-german-federal-court-says</a>. .
20. Le public commence également à considérer l’accès à internet comme un droit. Une étude mondiale menée pour le BBC World Service en 2009 et 2010 montre que dans les 26 pays ayant participé au sondage, une vaste majorité d’adultes (79 %) ont affirmé que l’accès à internet devait être un droit fondamental. Il convient également de noter que 71 % des non-utilisateurs et 87 % des utilisateurs d’internet considéraient qu’ils devaient avoir le droit d’accéder à internet. Les principaux usages cités par les internautes étaient la recherche d’informations (47 %), l’interaction et la communication avec d’autres personnes (32 %) et le divertissement (12 %) 
			(22) 
			Voir: «Four in Five
Regard Internet Access as a Fundamental Right: Global Poll»: <a href='http://news.bbc.co.uk/2/shared/bsp/hi/pdfs/08_03_10_BBC_internet_poll.pdf'>http://news.bbc.co.uk/2/shared/bsp/hi/pdfs/08_03_10_BBC_internet_poll.pdf</a>. . Ces études reflétant l’opinion publique, de telles informations sont également utiles pour l’élaboration des politiques.
21. Bien que divers acteurs s’accordent à dire que l’accès à internet doit être reconnu en tant que droit de l’homme, la définition et les implications de cet accès n’ont pas encore été clarifiés. La plupart des déclarations, travaux préparatoires de lois sur le service universel et autres recommandations soulignent qu’internet est un facilitateur de la liberté d’expression. Cela implique une obligation de donner un libre accès à l’information (accès au contenu) et à la communication sans censure, à la participation et au militantisme social ainsi qu’à l’utilisation de services en ligne et au commerce électronique. Toutefois, de nombreuses questions n’ont pas encore été examinées à ce jour. Selon la manière dont on interprète la définition de l’accès, on pourrait même affirmer que ce droit inclut le droit d’héberger un serveur ou d’utiliser un tel accès à des fins similaires.
22. Il est communément admis que du fait de son caractère unique, l’accès à internet ne peut être comparé directement aux médias traditionnels au moyen d’une interprétation par analogie. Les applications comme les médias sociaux, en particulier, échappent à toute comparaison. Cela dit, une analogie avec les médias traditionnels pourrait s’avérer utile pour certains usages des réseaux informatiques, par exemple le courrier électronique. Les questions relatives au courrier électronique (par exemple le secret de la correspondance) étant similaires à celles, déjà étudiées, relatives au courrier traditionnel, le rejet en bloc de l’interprétation par analogie, sans examen au cas par cas, ne se justifie pas forcément.

3. Les aspects techniques de l’accès à internet

3.1. Infrastructure

23. Compte tenu de la rapidité extrême des évolutions technologiques, les avis relatifs au droit d’accès à internet prennent rarement position sur la réalisation technique de ce droit. Au contraire, ils laissent aux fournisseurs d’accès à internet et aux responsables politiques nationaux le soin de trancher, en fonction des possibilités techniques existantes. Schématiquement, l’accès à internet nécessite un réseau de télécommunication, un «dernier kilomètre» (point d’accès au domicile de l’utilisateur, infrastructure) et un équipement final (ordinateur, équipement) pour la connexion au réseau. Un logiciel est utilisé pour gérer le matériel informatique. L’infrastructure et le «dernier kilomètre» peuvent être organisés de diverses manières.
24. Il est évident que les solutions techniques disponibles ont une incidence sur la réglementation. Cela dit, la relation entre technologie et réglementation est à double sens, puisque la normalisation détermine l’évolution de la technologie. L’idée dominante est qu’il faudrait se baser sur le principe de la neutralité technologique dans toute législation future. Des positions ont toutefois été prises, par exemple dans la politique de l’Union européenne et les stratégies nationales sur le haut-débit: toutes encouragent un accès haute vitesse à large bande. Une telle largeur de bande peut être obtenue par diverses alternatives techniques ou une combinaison entre elles, par transmetteurs sans fil ou par câble. La stratégie du Royaume-Uni sur le haut débit, par exemple, a adopté un ensemble de technologies associant connexions fixes, sans fil et par satellite 
			(23) 
			Voir: Britain’s Superfast
Broadband Future, décembre 2010: <a href='http://webarchive.nationalarchives.gov.uk/+/http:/www.culture.gov.uk/images/publications/10-1320-britains-superfast-broadband-future.pdf'>http://webarchive.nationalarchives.gov.uk/+/www.culture.gov.uk/images/publications/10-1320-britains-superfast-broadband-future.pdf</a>. .
25. A ce stade du développement, l’accès à internet requiert l’utilisation d’un équipement terminal de données, par exemple un ordinateur ou un téléphone portable. Le fait que l’accès à internet ait été proclamé service universel ne signifie pas que l’Etat devrait garantir un tel accès à titre gratuit, sans le coût correspondant au fournisseur de services internet ou à l’acquisition de l’équipement final. Toutefois, il faut tenir compte du fait que le coût d’accès à internet pourrait être prohibitif pour certains individus, ce qui accentuerait encore la fracture numérique, également dans les pays développés. Il y a lieu d’examiner si l’Etat devrait prendre des mesures concrètes pour fournir aux individus et aux ménages qui ne peuvent supporter un tel coût un accès à internet au moyen de connexions WLAN (réseau local sans fil) publiques et de points d’accès publics dans les bibliothèques ou autres services publics similaires.
26. Dans sa Communication sur le haut débit en Europe, la Commission européenne s’est fixé comme objectif que d’ici à 2020, tous les Européens aient accès à des vitesses de connexion de plus de 30 mégabits par seconde (Mbit/s), et 50 % au moins des ménages soient abonnés à des connexions internet de plus de 100 Mbit/s. La Commission souligne que la technologie par fibre optique (fibre jusqu’à l’abonné, FTTH) devrait être privilégiée pour le «dernier kilomètre» car elle peut s’appuyer sur le réseau en cuivre existant. La fibre optique est qualifiée de technologie «parée pour l’avenir» car la largeur de bande relayée est principalement limitée par l’équipement final. Cela dit, le recours aux technologies mobiles pour la communication du dernier kilomètre est en augmentation constante. La Commission affirme que les services sans fil terrestres de nouvelle génération et les connexions par satellite – si des progrès supplémentaires sont accomplis – pourront également atteindre la largeur de bande visée. L’objectif de l’Union européenne est très ambitieux et nécessite des mesures actives de la part des Etats membres. Toutefois, l’objectif intermédiaire adopté dans le cadre de la stratégie 2015 de la Finlande sur le haut débit, garantissant une largeur de bande minimale d’1 Mbit/s, est suffisant pour accéder de manière effective à la plupart des services internet.
27. L’une des questions liées à l’avenir d’internet est celle du financement du développement de l’infrastructure internet. Bien que l’Union européenne, par exemple, apporte un financement ciblé pour cette infrastructure au niveau européen, ce sont très souvent des entreprises privées, des fournisseurs d’accès à internet, etc. qui réalisent les investissements et gèrent les plateformes de trafic internet (hubs). D’où l’importance d’adopter un modèle multipartite dans les questions de gouvernance.
28. Pour illustrer l’importance de l’infrastructure, on peut évoquer le rôle des points d’échange internet (IXP). Ces derniers permettent l’échange de trafic internet entre le réseau autonome d’un opérateur et celui d’un autre (interconnexion directe) sans transiter par des réseaux tiers ou sans ayant recours à l’appairage. Cela rend le transfert de données plus rapide, plus économique et plus tolérant aux erreurs. Les IXP sont gérés par des associations de points d’échange internet (IXPA) à but non lucratif dont les membres sont des fournisseurs d’accès à internet nationaux et internationaux. Au niveau international, il y a quatre IXPA régionales pour l’Europe, l’Afrique, l’Asie-Pacifique et l’Amérique latine.

3.2. Logiciels

29. Il est évident que l’exercice effectif de l’accès à internet requiert des connaissances en informatique en plus de l’absence de restrictions à l’accès et de la désignation de prestataires du service universel (PSU). Le manque de compétences informatiques empêche certains groupes de bénéficier pleinement des possibilités offertes par internet. Il existe une «fracture numérique» entre régions géographiques (différents continents, zones rurales/zones urbaines) – ce terme désigne alors l’insuffisance des infrastructures –, mais aussi dans les régions développées, où des facteurs tels que les différences de compétences individuelles et de capacités économiques, le handicap physique ou l’âge peuvent se traduire par des obstacles de fait à l’utilisation du potentiel qu’offrent les services internet.
30. Le rôle des intermédiaires (par exemple les sociétés internet) est essentiel dans le développement des logiciels car l’architecture du logiciel oriente souvent le comportement du futur utilisateur. Pour certains groupes comme les personnes âgées ou les immigrés, la prise en main des services internet doit être la plus facile possible. En Finlande, par exemple, une petite entreprise spécialisée dans la cybersanté (Pieni piiri) propose une expérience collaborative en ligne pour initier les personnes âgées aux services interactifs sur internet et leur apporter par ce biais les connaissances nécessaires pour accéder ensuite à d’autres services.
31. Il est quasiment impossible de prévoir quelle sera l’évolution future des logiciels. Toutefois, il est évident qu’ils prendront une importance croissante et que les données seront de plus en plus stockées à distance («cloud services»). Certaines applications commencent à gagner du terrain par rapport aux navigateurs internet traditionnels. L’importance des médias sociaux est également à souligner. Dans ce cadre, il est probable que l’usage de l’accès à internet deviendra à la fois plus ciblé et plus axé sur la communauté. Compte tenu de l’insuffisance de la capacité de transfert de données, les premières applications logicielles étaient textuelles, mais avec la généralisation du haut débit, il n’y aura plus d’obstacles à la transmission d’informations audiovisuelles, ce qui aura un impact sur les futures infrastructures logicielles.

4. Normes juridiques applicables à l’accès et à l’utilisation d’internet

32. Divers systèmes de règles s’appliquent à la question de l’accès et de l’utilisation d’internet. La plupart de ces normes reposent sur des instruments internationaux contraignants, qui ont cependant été adoptés dans des buts très divers. Il convient de distinguer les dispositions qui régissent l’aspect «droits de l’homme» de l’accès à internet de celles qui ont trait aux aspects techniques – comment cet accès est utilisé, quelles normes techniques garantissent l’interopérabilité nécessaire et comment les restrictions de contenu sont imposées. Cela étant, les solutions techniques influent sur la manière dont internet est utilisé et se développe: elles ont donc également des répercussions sur la reconnaissance et l’interprétation de l’aspect «droits de l’homme». En plus de la réglementation internationale relative aux droits de l’homme et aux normes techniques, les législations nationales peuvent imposer des exigences techniques particulières ou des droits spécifiques pour les citoyens. Les normes juridiques applicables à internet sont donc diverses et réparties entre différents domaines.

4.1. Nations Unies

33. Comme nous l’avons vu, la liberté d’opinion et d’expression est l’un des principaux droits de l’homme liés à l’utilisation d’internet. La liberté d’expression est protégée en vertu de l’article 19 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (ICCPR) adopté par l’Assemblée Générale des Nations Unies le 16 décembre 1966. Ce traité compte 74 signataires et 167 Parties. Le suivi de sa mise en œuvre est assuré par le Comité des droits de l’homme au moyen d’une procédure d’établissement de rapports, de l’examen de requêtes individuelles et de la publication d’observations générales concernant l’interprétation du Pacte. L’article 19 de l’ICCPR dispose que la liberté d’opinion et d’expression comprend d’une part, la liberté d’exprimer un avis et d’autre part, le droit de rechercher, de recevoir et de répandre des informations et des idées de toute espèce, par tout moyen. Aux termes de l’article 19, l’exercice de ces libertés comporte des devoirs et des responsabilités spéciaux et peut en conséquence être soumis à certaines restrictions fixées par la loi et nécessaires au respect des droits ou de la réputation d’autrui ou à la sauvegarde de la sécurité nationale, de l’ordre public, de la santé ou de la moralité publiques.
34. En 2011, le Comité des droits de l’homme a examiné la question des nouveaux médias dans son Observation générale n° 34, affirmant que:
«Les Etats parties devraient tenir compte de la mesure dans laquelle l’évolution des techniques de l’information et de la communication, comme l’internet et les systèmes de diffusion électronique de l’information utilisant la technologie mobile, a transformé les pratiques de la communication dans le monde entier. Il existe maintenant un réseau mondial où s’échangent des idées et des opinions, qui n’a pas nécessairement besoin de l’intermédiaire des moyens d’information de masse traditionnels. Les Etats parties devraient prendre toutes les mesures voulues pour favoriser l’indépendance de ces nouveaux moyens et garantir l’accès des particuliers à ceux-ci» 
			(24) 
			Comité
des droits de l’homme, Observation générale n° 34, paragraphe 15: <a href='http://www2.ohchr.org/english/bodies/hrc/comments.htm'>http://www2.ohchr.org/english/bodies/hrc/comments.htm</a>. .
35. Une étape importante en faveur de la reconnaissance de l’accès à internet a été franchie lorsque le Rapporteur spécial des Nations Unies sur la promotion et la protection du droit à la liberté d’opinion et d’expression, Frank La Rue, a présenté son rapport au Conseil des droits de l’homme le 16 mai 2011. Dans ce rapport, il conclut que l’accès à internet est un moyen essentiel d’exercer la liberté d’opinion et d’expression. Il affirme que:
«Le droit à la liberté d’expression est tant un droit fondamental en soi qu’un «facilitateur» d’autres droits, et en particulier les droits économiques, sociaux et culturels parmi lesquels le droit à l’éducation et le droit de participer à la vie culturelle et de jouir des avantages du progrès scientifique et de ses applications, ainsi que les droits civils et politiques, comme le droit à la liberté d’association et de réunion. En tant que catalyseur de l’exercice du droit à la liberté d’opinion et d’expression, internet facilite la réalisation de bien d’autres droits de l’homme.»
36. La plupart des observations et recommandations présentées par le Rapporteur spécial sont également pertinentes dans le contexte européen. On notera trois points particulièrement importants dans le rapport des Nations Unies: l’attitude critique adoptée à l’égard des restrictions aux contenus, quelles qu’elles soient; la demande d’application de critères cumulatifs à l’ensemble des restrictions; l’accent mis sur la transparence. Le Rapporteur spécial exige que les restrictions aux contenus internet soient évaluées par un organe indépendant en appliquant les critères définis à l’article 19.3 de l’ICCPR (la restriction doit être fixée par la loi, servir des fins spécifiques et être nécessaire). Des voies de recours suffisantes doivent également être prévues. Le Rapporteur spécial demande davantage de transparence dans les situations où un Etat utilise des mécanismes de blocage ou de filtrage et souligne que l’expression légitime en ligne est incriminée dans la pratique par l’application de lois sur la diffamation, la sécurité nationale et le terrorisme qui, en fait, visent à censurer le contenu. Il demande également aux Etats de prendre des mesures pour assurer un accès permanent à internet et considère la déconnexion des usagers de l’internet comme une atteinte aux droits constitutionnels, indépendamment du motif d’une telle mesure. Cette remarque s’applique notamment aux suspensions fondées sur des violations du droit d’auteur, qu’il juge disproportionnées et constitutives d’une atteinte à la liberté d’expression. Il s’agit là d’une déclaration particulièrement forte qui sera examinée plus loin.

4.2. Conseil de l’Europe

37. La liberté d’expression est protégée par l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme, élaborée par le Conseil de l’Europe et ouverte à la signature le 4 novembre 1950. Au total, 47 pays ont ratifié ce traité. La définition de la liberté d’expression figurant dans la Convention est similaire à celle donnée dans l’ICCPR. Aux termes de l’article 10 de la Convention, la liberté d’expression comprend: i) la liberté d’opinion; et ii) la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu’il puisse y avoir ingérence d’autorités publiques et sans considération de frontière. La liberté d’expression peut être soumise à certaines formalités, conditions, restrictions ou sanctions prévues par la loi, qui constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à l’intégrité territoriale ou à la sûreté publique, à la défense de l’ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale, à la protection de la réputation ou des droits d’autrui, pour empêcher la divulgation d’informations confidentielles ou pour garantir l’autorité et l’impartialité du pouvoir judiciaire.
38. La Cour européenne des droits de l’homme («la Cour») n’a pas encore, à ce jour, examiné directement l’accès à internet sous l’angle des droits de l’homme et on ne trouve donc pas de règles précises d’interprétation dans sa jurisprudence. Cela dit, il y a des affaires en instance concernant le refus des autorités pénitentiaires de donner accès à internet à un détenu condamné (violation présumée de l’article 10, Jankovskis c. Lituanie, Requête n° 21575/08) et la responsabilité d’un portail d’information à la suite de la publication sur ce dernier de commentaires injurieux (violation présumée de l’article 10, Delfi As c. Estonie, Requête n° 64569/09). La Cour a également examiné des affaires qui présentaient un rapport indirect avec la question.
39. Dans l’affaire Comité de rédaction de Pravoye Delo et Shtekel c. Ukraine, la Cour a conclu à l’unanimité qu’il y avait eu violation de l’article 10 de la Convention, car le droit ukrainien ne prévoyait pas de garanties pour les journalistes publiant des informations tirées d’internet, alors qu’il accordait une exonération de responsabilité civile aux journalistes reprenant mot pour mot des informations publiées dans la presse. Les requérants – le comité de rédaction et le rédacteur en chef d’un journal – avaient publié une lettre anonyme téléchargée depuis un site web. Bien que le journal ait cité la source d’internet et ajouté une clause limitative de responsabilité affirmant que l’information n’était pas nécessairement exacte, la juridiction nationale a jugé les requérants responsables d’actes de diffamation. La Cour a considéré qu’une telle responsabilité pour la reproduction de matériel tiré de l’internet constituait une atteinte à la liberté d’expression des journalistes.
40. Dans l’affaire K.U. c. Finlande, la Cour a conclu à une violation de l’article 8 (droit au respect de la vie privée et familiale) car le législateur finlandais n’avait pas prévu de cadre permettant de concilier la confidentialité des services internet avec la protection d’autrui. La Cour a fait remarquer que, bien qu’il soit compréhensible que dans la société de l’information, la réglementation ait du mal à suivre le développement rapide de la technologie, le législateur finlandais aurait dû prévoir les garanties nécessaires en 1999, lorsque l’incident initial s’était produit. Bien qu’une telle protection ait été mise en place par la suite, la législation nationale n’avait pas assuré une protection suffisante au requérant, dont le droit au respect de la vie privée avait été violé.
41. Dans l’affaire Ahmed Yildirim c. Turquie, la Cour a conclu qu’il y avait eu violation de la liberté d’expression car un tribunal national avait ordonné le blocage de l’accès à Google Sites, qui hébergeait un site web dont le propriétaire avait été accusé de diffamation à l’encontre d’Atatürk. Sur la base de cette décision de justice, l’accès à l’ensemble des sites hébergés par Google Sites avait été bloqué.
42. Dans l’affaire Ashby Donald et autres c. France, la Cour a conclu que la condamnation par une juridiction nationale de trois photographes de mode pour atteinte au droit d’auteur constituait une ingérence dans le droit à la liberté d’expression de ces derniers. Deux des requérants avaient publié sur leur site web des photos prises par le troisième requérant lors de défilés de mode sans l’autorisation des maisons de couture concernées.
43. Le Conseil de l’Europe a également adopté d’autres traités revêtant de l’importance pour l’accès à internet. La Convention sur la cybercriminalité (STE n° 185) et la Convention sur la protection des données (STE n° 108) sont d’importants traités régissant l’utilisation de l’accès à internet et assurant la protection des internautes. La Convention sur la cybercriminalité, entrée en vigueur en 2004, est le seul instrument international contraignant relatif à la cybercriminalité. Elle donne aux Etats des orientations pour l’élaboration d’une législation contre le crime organisé et notamment les actes terroristes, les réseaux pédophiles, la pornographie enfantine et la fraude informatique.
44. Adoptée en 1981, la Convention sur la protection des données est le seul instrument juridique contraignant relatif à la vie privée; elle définit des normes minimales concernant le degré de protection et d’harmonisation. Compte tenu des préoccupations croissantes concernant la surveillance et le profilage sur internet ainsi que d’autres questions liées à la protection des données, un projet de convention actualisée sera examiné par un comité intergouvernemental du Conseil de l’Europe en 2014 avant d’être soumis au Comité des Ministres.

4.3. Contextualité des droits de l’homme applicables en matière d’accès à internet

45. L’opinion prédominante est que l’accès à internet est essentiel pour la liberté d’expression et devrait être institué en tant que droit civil et politique. C’est cette doctrine qui a été retenue dans le rapport de Frank La Rue (voir paragraphe 31) et d’autres documents. Cela dit, il faudrait distinguer l’accès à internet et l’exercice des libertés politiques en ligne de la question de savoir comment cet accès est garanti. La pratique courante consiste à désigner les fournisseurs de services de télécommunication en tant que fournisseurs de service universel, tenus d’assurer un accès suffisant à internet. Le droit de conclure un contrat avec un fournisseur de services de télécommunications pour bénéficier du service universel doit être examiné séparément des obligations de l’Etat. Le schéma suivant clarifie les relations entre les différentes parties et leurs obligations.
Graphic
46. Les différences entre les médias traditionnels et internet sont telles que la méthode d’interprétation par analogie n’est pas applicable. Cela a également une incidence sur la question de savoir de quel droit de l’homme relève internet. Bien que la liberté d’expression soit le droit de l’homme le plus souvent rattaché à l’accès à internet, d’autres droits fondamentaux peuvent également entrer en ligne de compte, en fonction du contexte et de l’interprétation. Selon le contexte, l’accès à internet pourrait également être examiné dans le cadre d’autres droits, comme le droit à l’éducation (par ex. utilisation de matériel pédagogique sous licence) ou le droit à un procès équitable (par ex. règlement en ligne des conflits ou procès électronique). De plus en plus de tribunaux nationaux se servent d’internet pour le traitement des affaires et attendent des parties et de leurs représentants qu’ils disposent eux aussi d’un accès à internet (demandes d’aide juridictionnelle en Finlande, frais de justice réduits pour les plaintes en ligne, etc.), ce qui pose la question de la régularité de la procédure et de l’égalité de moyens. Les incidences de l’application de la technologie au règlement des conflits font partie des nouvelles questions juridiques posées par internet, d’où la nécessité d’effectuer des recherches supplémentaires sur ce point.
47. Il est à noter que le contexte définit les droits de l’homme à prendre en considération, ce qui pourrait avoir des conséquences sur les obligations des parties concernées, les Etats contractants d’une part et les intermédiaires de l’internet d’autre part. Autrement dit, conformément à la doctrine des droits de l’homme, les droits civils et politiques impliquent des obligations allant au-delà des droits économiques, sociaux et culturels.

4.4. Droits des usagers d’internet

48. Il y a lieu de définir les droits des usagers d’internet et de garantir à ces derniers le même niveau de protection juridique en ligne qu’hors ligne. A cette fin, l’Union européenne a publié le Code des droits en ligne dans l’Union européenne dans le cadre de la Stratégie numérique pour l’Europe. Ce code contient les droits et les principes i) applicables lors de l’accès à des services en ligne et de leur utilisation, ii) applicables lors de l’achat de biens et de services en ligne et iii) assurant une protection en cas de litige 
			(25) 
			Code des
droits en ligne dans l’Union européenne: <a href='https://ec.europa.eu/digital-agenda/en/code-eu-online-rights'>https://ec.europa.eu/digital-agenda/en/code-eu-online-rights</a>. .
49. Comme l’affirme le Rapporteur spécial des Nations Unies, les intermédiaires ont un rôle important à jouer pour assurer le respect de la liberté d’expression. Par conséquent, ils devraient «n’appliquer des restrictions à ces droits [liberté d’expression] qu’après intervention judiciaire; garantir à l’usager, et le cas échéant au public, la transparence quant aux mesures prises; prévenir, dans la mesure du possible, les usagers avant l’application de mesures restrictives et limiter l’impact des restrictions, strictement au contenu en question». En ce qui concerne les droits des usagers, l’opinion la plus répandue est qu’il faut prévoir des recours effectifs en plus des garanties nécessaires apportées par la réglementation. Ces moyens de recours incluent les procédures d’appel mises en place par l’intermédiaire et le contrôle judiciaire.

4.5. Normalisation

50. La réglementation d’internet est une question non seulement d’ordre juridique et politique, mais également d’ordre technique. Il est primordial pour l’utilisation future d’internet d’assurer l’interopérabilité, ce qui n’est possible que par un travail permanent de normalisation. L’Union internationale des télécommunications (UIT), organe de l’ONU, œuvre en faveur de la normalisation de l’infrastructure des TIC pour surmonter les obstacles techniques et assurer l’accessibilité, la fluidité de la communication au niveau mondial et l’interopérabilité entre opérateurs et réseaux techniques. En 2011, elle avait déjà publié plus de 3 000 recommandations, notamment sur la normalisation de l’accès haut débit, le transport par fibres optiques, le câblage, les réseaux optiques passifs (PON) et la convergence fixe-mobile. La poursuite des travaux de normalisation de l’UIT est essentielle pour le fonctionnement global du réseau.
51. Le 14 décembre 2012, l’UIT a organisé la Conférence mondiale des télécommunications internationales (CMTI-12) à Dubaï, Emirats Arabes Unis. La conférence a révisé le Règlement des télécommunications internationales (RTI); un traité contraignant visant à faciliter l’interopérabilité a été inclus dans les actes finals de la CMTI, qui ont été approuvés et soumis à la signature des Etats membres. Ce traité: i) établit des principes généraux régissant la fourniture et l’exploitation des télécommunications internationales; ii) vise à faciliter l’interconnexion et l’interopérabilité à l’échelle mondiale; iii) favorise le développement harmonieux et l’exploitation efficace des installations techniques; et iv) favorise l’efficacité, l’utilité et la mise à disposition de services internationaux de télécommunication.
52. Il y a également dans ces questions techniques des aspects liés aux droits de l’homme. L’un des principaux points examinés à la CTIM était la gouvernance future de l’internet. Les participants ont examiné la question de savoir si l’UIT devait jouer un rôle plus déterminant dans la réglementation d’internet par la mise en place d’un cadre réglementaire visant à contrôler internet. Bien qu’aucun mandat de ce type n’ait été confié à l’UIT dans les actes finals, une résolution non contraignante a été adoptée en annexe. Cette décision a donné lieu à une controverse, certaines voix critiques considérant qu’une telle mesure permettrait un contrôle ultérieur du contenu d’internet par l’UIT constituant ainsi une entrave à la libre circulation de l’information. En conséquence, plus de la moitié des Etats membres de l’UIT, parmi lesquels l’ensemble des Etats membres de l’Union européenne et les Etats-Unis, n’ont pas signé le traité. Le 14 décembre 2012, la Commission européenne a publié un communiqué indiquant que les Etats membres restaient entièrement attachés à un internet ouvert. D’après la Commission, les actes finals risquaient de menacer l’avenir de l’internet ouvert et les libertés sur internet 
			(26) 
			Voir:
«No change to telecoms and internet governance – EU Member States
amongst dozens not signing proposed new International Telecommunications
Regulations (ITR) Treaty, remain 100 % committed to open internet»: <a href='http://europa.eu/rapid/press-release_MEMO-12-991_en.htm'>http://europa.eu/rapid/press-release_MEMO-12-991_en.htm</a>. .
53. Cela dit, dans le cadre du précédent RTI déjà, l’UIT avait reconnu le droit à la communication comme étant un droit de l’homme 
			(27) 
			Voir: «WCIT Background
Brief 2: Communications as a Human Right»: <a href='http://www.itu.int/en/wcit-12/Documents/WCIT-background-brief2.pdf'>www.itu.int/en/wcit-12/Documents/WCIT-background-brief2.pdf</a>. . Les actes finals adoptés à Melbourne en 1988 (CAMTT-88) ont été approuvés par 190 pays, y compris les Etats membres de l’Union européenne et les Etats-Unis. Aux termes de l’article 3.4 de ce texte, «en conformité avec la législation nationale, tout usager ayant accès au réseau international établi par une administration a le droit d’émettre du trafic. Une qualité de service satisfaisante devrait être assurée dans toute la mesure de ce qui est réalisable, correspondant aux recommandations pertinentes du CCITT».
54. La Commission européenne a établi que le manque d’interopérabilité était l’un des principaux obstacles à l’exploitation de la technologie. Dans la Stratégie numérique pour l’Europe, elle a dressé une liste d’actions visant à promouvoir l’établissement de normes au sein de l’Union européenne. Ces actions incluent la promotion de règles normatives, la mise à disposition d’orientations sur la normalisation et l’adoption d’une stratégie d’interopérabilité européenne et d’un cadre d’interopérabilité européen. Ce cadre est un ensemble de recommandations sur la communication entre les administrations, les entreprises et les citoyens, indépendamment des frontières des Etats membres.
55. Les déclarations ministérielles adoptées à Malmö et Grenade s’engagent à créer un marché unique du numérique dans l’Union européenne. A cette fin, les administrations publiques devraient favoriser les normes ouvertes et l’interopérabilité entre les cadres nationaux et le cadre européen et améliorer l’efficacité et l’interopérabilité des services publics. La Commission européenne a également adopté une décision sur l’harmonisation de la bande de fréquences 3 400-3 800 MHz pour les systèmes terrestres permettant de fournir des services de communications électroniques dans la Communauté (2008/411/CE). On peut s’attendre à ce que la normalisation européenne gagne encore en importance dans les prochaines années.

4.6. Gestion des noms de domaines sur internet

56. La gestion et la supervision des noms de domaine internet sont assurés par l’Internet Corporation for Assigned Names and Numbers (ICANN), organisation privée à but non lucratif basée aux Etats-Unis. L’ICANN est chargée de la distribution de l’espace d’adressage IP (internet Protocol) aux cinq registres internet régionaux 
			(28) 
			AfriNIC pour l’Afrique,
ARIN pour l’Amérique du Nord, les Caraïbes et l’Antarctique, APNIC
pour l’Asie et l’Australie, LACNIC pour l’Amérique latine et RIPE
NCC pour l’Europe, le Moyen Orient et l’Asie centrale. qui à leur tour gèrent l’attribution et l’enregistrement des adresses IP pour des régions géographiques spécifiques. L’ICANN protège la stabilité et l’exploitabilité de l’internet global en coordonnant le système de noms de domaine. Elle a établi son propre modèle de règlement des conflits de noms de domaine, les Principes directeurs de règlement des litiges relatifs aux noms de domaine (UDRP), en coopération avec l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI). L’ICANN étant in fine une organisation privée chargée d’une mission d’intérêt public, elle a été critiquée en raison de l’absence de mécanismes de responsabilité suffisants 
			(29) 
			Voir par exemple: R.W.
Rijgersberg, «The State of Interdependence: Globalization, Internet
and Constitutional Governance», Information Technology and Law Series,
T.M.C. Asser Press, 69-, 215..

4.7. Extension des obligations pour l’Etat

57. La dimension «droits de l’homme» de l’accès à internet impose aux Etats des obligations qui peuvent être mises en œuvre de diverses manières. Comme le montrent les politiques nationales sur le haut débit, la promotion du haut débit est souvent présentée comme un moyen pratique de donner effet au droit d’accès à internet. A titre d’exemple, le 4 décembre 2008, le Gouvernement finlandais a lancé le «projet haut débit 2015», dont l’objectif est de faire en sorte que d’ici à 2015, plus de 99 % de la population finlandaise se trouvent à moins de deux kilomètres d’un réseau à fibres optiques ou câblé de 100 Mbit/s. Cela créera les conditions permettant aux consommateurs d’obtenir (à leurs frais) une connexion internet auprès des opérateurs de télécommunications 
			(30) 
			Résolution du gouvernement
finlandais sur la stratégie nationale d’amélioration de l’infrastructure
de la société de l’information (732/2009) [Valtioneuvoston päätös
kansallisesta toimintasuunnitelmasta tietoyhteiskunnan infrastruktuurin parantamiseksi],
4 décembre 2008, p. 1-2..
58. Tous les individus et entreprises de Finlande sont réputés avoir droit à un accès haut débit à internet dans leur lieu de résidence. L’amendement à l’article 60.c de la loi sur le marché des communications (393/2003), entré en vigueur le 1er juillet 2009, dispose que certains opérateurs de télécommunications ont l’obligation de fournir au public un accès approprié à internet, indépendamment du lieu de résidence mais en tenant compte de la vitesse de connexion accessible à la majorité, de la réalisation technique et des coûts. Sur la base de cet amendement, l’autorité finlandaise de réglementation des communications a désigné 26 opérateurs de télécommunications en tant que prestataires du service universel (PSU) d’accès à internet. Les PSU ont l’obligation de fournir un accès à internet dans leurs zones géographiques d’action respectives. Cette décision est entrée en vigueur le 1er juillet 2010. Le législateur finlandais a également défini la vitesse minimale requise pour assurer un accès adéquat. L’autorité finlandaise de réglementation des communications considère que les exigences technologiques et la technologie appropriée peuvent varier en fonction du degré de développement; c’est l’une des raisons pour lesquelles un débit provisoire minimum (1 Mbit/s) pour le trafic entrant a été fixé par un décret du ministère des transports et des communications 
			(31) 
			Voir: Décret du ministère
des Transports et des Communications sur la vitesse minimale d’accès
fonctionnel à internet en tant que service universel, traduction
anglaise non officielle: <a href='http://www.finlex.fi/en/laki/kaannokset/2009/en20090732.pdf'>www.finlex.fi/en/laki/kaannokset/2009/en20090732.pdf</a>. . Le modèle finlandais en matière de haut débit donne aux autres pays des indications utiles sur les problèmes pratiques liés à la mise en œuvre de stratégies haut débit.
59. Une telle réglementation concernant les PSU crée des obligations pour les acteurs de l’internet. En Finlande, la résolution gouvernementale relative au projet «haut débit» repose sur la neutralité technologique et laisse aux PSU le soin de prendre les décisions relatives à la technologie utilisée.

4.8. Gouvernance d’internet et modèle multipartite

60. La gouvernance d’internet fait intervenir de nombreux acteurs – société civile, entreprises du secteur privé, gouvernements et ONG – qui coopèrent de fait dans les processus d’élaboration des politiques. En particulier, le rôle des intermédiaires dans la gestion du contenu a évolué considérablement et les entreprises privées exercent une responsabilité en ce qui concerne les droits des usagers d’internet. Par conséquent, tous devraient prendre part aux futurs processus d’élaboration des politiques. L’opinion majoritaire est que, bien qu’il incombe en premier lieu aux Etats de fournir un cadre réglementaire pour internet, les autres intervenants jouent également un rôle important dans la gouvernance d’internet et l’élaboration des politiques de demain 
			(32) 
			Voir
par exemple: Déclaration du Comité des Ministres sur les principes
de la gouvernance de l’internet, adoptée le 21 septembre 2011: 
			(32) 
			<a href='http://www.coe.int/t/informationsociety/documents/CM Dec on Internet Governance Principles_en.pdf'>www.coe.int/t/informationsociety/documents/CM%20Dec%20on%20Internet%20Governance%20Principles_en.pdf</a>. . La coopération et le dialogue entre les différents acteurs garantissent l’ouverture, la transparence et la responsabilité des politiques adoptées et permettent de tenir compte des responsabilités et rôles de chacun.
61. Les sociétés du secteur des TIC sont encouragées à prendre part aux modèles multipartites tels que l’Initiative mondiale des réseaux (Global Network Initiative), une ONG qui œuvre pour la promotion des droits de l’homme et le respect de la vie privée ainsi que la prévention de la censure sur internet. Cette initiative multipartenaires été lancée en 2008 par les grands contrôleurs d’accès Google, Microsoft et Yahoo!. L’importance croissante du modèle multipartite en tant que structure de gouvernance a une influence sur l’avenir de l’élaboration des normes et des politiques.

5. Cas emblématiques

62. S’agissant du droit d’accès à internet, les cas qui alimentent la chronique concernent la protection des droits de propriété intellectuelle sur internet, le boycottage de services, le filtrage par l’Etat, la censure, la surveillance et d’autres moyens de limiter l’accès à internet ou à certains contenus.
63. Une protection suffisante des droits de propriété intellectuelle, et en particulier du droit d’auteur, est indispensable pour le développement futur d’internet. Cela dit, les moyens mis en œuvre pour assurer une telle protection ne doivent pas porter atteinte aux droits fondamentaux inscrits dans la Convention européenne des droits de l’homme et d’autres instruments relatifs aux droits de l’homme. A cet égard, on peut citer l’exemple de la législation française pour la protection du droit d’auteur, ou loi Hadopi. Ce texte, adopté en 2009, prévoit un modèle de réponse graduée en trois temps dans le cadre duquel un organisme public (Hadopi) impose des sanctions en cas de violation répétée du droit d’auteur, à la demande du titulaire du droit d’auteur. Dans un premier temps, un courrier électronique est envoyé à l’abonné internet (sur la base de son adresse IP) l’invitant à installer un filtre sur sa connexion. Si dans les six mois qui suivent, la violation se répète, l’Hadopi applique la deuxième phase de la procédure et une lettre recommandée avec accusé de réception est envoyée à l’abonné. En cas de nouvelle constatation des faits au cours des 12 mois suivants, il est demandé au fournisseur d’accès à internet de suspendre la connexion internet de l’abonné pendant une période de 2 à 12 mois avec poursuite de l’obligation de ce dernier de payer son abonnement. Un contrôle judiciaire devant un tribunal est autorisé durant cette troisième phase.
64. La loi Hadopi a suscité une vive polémique. Beaucoup considèrent que la procédure de réponse graduée est une sanction par nature, ce qui pose problème car les mesures en question sont appliquées par une autorité administrative et non par un tribunal indépendant. De sérieux doutes ont également été exprimés quant à la garantie d’une procédure régulière et au respect de la séparation des pouvoirs et de la présomption d’innocence dans le système Hadopi 
			(33) 
			Nicola Lucchi, «Access
to Network Services and Protection of Constitutional Rights: Recognizing
the Essential Role of Internet Access for the Freedom of Expression»
(2011) 19 Cardozo J Int’l & Comp L, p. 663.. Enfin, il a été fait remarquer que la suspension de l’accès à internet par le fournisseur d’accès constituait une violation des droits fondamentaux. Comme nous l’avons vu précédemment, le Rapporteur spécial des Nations Unies considère qu’une telle suspension fondée sur la protection des droits de propriété intellectuelle constitue dans tous les cas une atteinte à la liberté d’expression. De même, le rapport de l’OSCE sur la liberté d’expression sur internet déclare que les pays devraient s’abstenir d’adopter des politiques de réponse graduée car celles-ci sont incompatibles avec le droit à l’information. Une révision de la loi Hadopi est en cours et les dispositions relatives à la coupure de l'accès à internet seront retirées. 
			(34) 
			Voir: Le Monde, «Hadopi: la coupure internet
sera supprimée en juin», 10 mai 2013, <a href='www.lemonde.fr/technologies/article/2013/05/20/hadopi-la-coupure-internet-sera-supprimee-en-juin_3385291_651865.html'>www.lemonde.fr/technologies/article/2013/05/20/hadopi-la-coupure-internet-sera-supprimee-en-juin_3385291_651865.html</a>. La Commission européenne a par ailleurs déclaré que la révision en cours du cadre de l’Union européenne sur le droit d’auteur sera menée à bien dans la perspective d’une prise de décision, en 2014, sur l’opportunité de présenter des propositions de réforme législative 
			(35) 
			Voir:
Communiqué de presse de la Commission européenne du 18 décembre 2012:
«Droits d’auteur: la Commission appelle le secteur à proposer des
solutions innovantes pour améliorer l’accès aux contenus en ligne»: <a href='http://europa.eu/rapid/press-release_IP-12-1394_en.htm'>http://europa.eu/rapid/press-release_IP-12-1394_en.htm</a>. .
65. La responsabilité des intermédiaires de l’internet est plus flagrante encore dans les cas de boycottage de services, c'est-à-dire lorsque des entreprises privées qui gèrent des services essentiels sur internet décident d’exclure certains contenus de leurs résultats de recherche ou d’empêcher certains groupes d’utiliser leurs services. On peut citer à titre d’exemple le contentieux entre Google Actualités et les journaux français, faisant suite à la demande de ces derniers au Gouvernement français d’adopter une loi (Lex Google) obligeant le moteur de recherche à payer des droits pour référencer leurs pages web. Ces demandes reposaient essentiellement sur l’argument selon lequel Google Actualités perçoit des recettes publicitaires revenant à la presse écrite et sur l’allégation de partialité du moteur de recherche Google par opposition à la supposée politique de neutralité de la corporation. Google a menacé d’exclure les journaux français de ses résultats de recherche si une telle loi venait à être adoptée 
			(36) 
			Voir: «Google threatens
French media ban over proposed law», 18 octobre 2012, BBC News: <a href='http://www.bbc.co.uk/news/technology-19996351'>www.bbc.co.uk/news/technology-19996351</a>.. Il n’existe à ce jour aucune opinion juridique dominante sur la partialité du moteur de recherche ni sur l’éventuelle violation des droits d’auteurs par les portails d’information 
			(37) 
			Par exemple, Eric Goldman
(«Revisiting Search Engine Bias Contemporary Issues in Cyberlaw»
(2011-2012) 38 Wm Mitchell L Rev, p.108-109) considère que les demandes
de la presse écrite sont motivées par des enjeux économiques et demande
un débat neutre sur la partialité des moteurs de recherche. Thomas
Walter Haug («Do News-Compilations on the Internet Like the Google
News Infringe Copyright – An International Approach» (2007) 39 B
L J 80) analyse Google Actualités sous l’angle du droit d’auteur
avec une approche internationale et conclut que les portails d’information
revêtent une importance particulière pour les internautes, importance
dont il faudra tenir compte dans la pratique des tribunaux dans
les prochaines années. En revanche, Benjamin Edelman («Bias in Search
Results: Diagnosis and Response» (2011)7 Indian J L & Tech,
p. 31-32) souligne que la partialité des moteurs de recherche est
réelle et que cette situation ouvre la voie à des pratiques abusives
compte tenu de la position dominante de Google sur le marché., mais il est évident que l’adoption d’une telle loi – de même que les éventuels accords privés, comme celui finalement conclu entre les journaux français et Google Actualités 
			(38) 
			Voir par exemple: Monica
Horten, «Lex Google: a private law for French Internet?», 6 novembre 2012, <a href='http://www.iptegrity.com/'>www.iptegrity.com</a>. – aurait une influence sur l’avenir de la réglementation du contenu sur internet. Le 4 février 2013, le président de Google, Eric Schmidt, a publié un article sur le blog officiel de sa société indiquant que le président français et Google étaient parvenus à un accord privé prévoyant notamment la création par Google d’un fonds d’innovation pour l’édition numérique de 60 millions d’euros visant à soutenir les initiatives de transition de la presse vers le numérique, dans l’intérêt des lecteurs français. De plus, Google s’est engagé à «aider [les éditeurs français] à accroître leurs revenus en ligne grâce à [ses] technologies publicitaires» 
			(39) 
			Voir: Eric Schmidt,
«Google creates €60m Digital Publishing Innovation Fund to support
transformative French digital publishing initiatives», 4 février 2013, <a href='http://googleblog.blogspot.fi/2013/02/google-creates-60m-digital-publishing.html'>http://googleblog.blogspot.fi/2013/02/google-creates-60m-digital-publishing.html</a>. .
66. La politique de «persona non grata» de PayPal, qui a été très critiquée, est un autre exemple de boycottage de services. PayPal est une société internationale qui propose des services de transfert d’argent en ligne. La controverse portait notamment sur le fait que Paypal a restreint l’accès aux comptes de certains utilisateurs sans préavis 
			(40) 
			Craig
Grannell, «PayPal responds to clients’ anger», 10 septembre 2012, <a href='http://www.netmagazine.com/news/paypal-responds-clients-anger-122212'>www.netmagazine.com/news/paypal-responds-clients-anger-122212</a>. et fermé le compte de Wikileaks 
			(41) 
			«PayPal joins internet
backlash against WikiLeaks», The Guardian, <a href='http://www.guardian.co.uk/media/2010/dec/04/paypal-internet-backlash-wikileaks?INTCMP=SRCH'>4 décembre 2010,
www.guardian.co.uk/media/2010/dec/04/paypal-internet-backlash-wikileaks?INTCMP=SRCH</a>. alors qu’il aurait autorisé des organisations racistes comme le KKK à conserver les leurs.
67. Compte tenu du rapport du Rapporteur spécial des Nations Unies et d’autres exigences de transparence, il va sans dire que de tels actes de boycottage commis par des intermédiaires privés posent problème car les usagers ne disposent pas de recours suffisants contre des décisions mal fondées. Certains services fournis par des entreprises privées peuvent être considérés comme étant indispensables pour les usagers. Toutefois, lors de l’élaboration de réglementations visant à renforcer la transparence, la liberté d’action des intermédiaires devrait également être prise en compte. Cette question a trait au rôle des intermédiaires, des Etats et des utilisateurs finaux.
68. Les tentatives de certains Etats d’imposer une réglementation de l’internet ou de filtrer les contenus posent la question de la censure. Par exemple, le Gouvernement du Bélarus a placé des filtres pour contrôler le contenu d’internet par le biais de l’entreprise publique Beltelecom, qui sert de passerelle d’accès à l’information. D’après l’OpenNet Initiative, projet collaboratif de trois instituts de recherche, cette implication du gouvernement dans le marché des médias pousse à l’autocensure par crainte de poursuites 
			(42) 
			Voir: OpenNet Initiative
«Country Profile: Belarus», 18 novembre 2010: <a href='http://opennet.net/research/profiles/belarus'>http://opennet.net/research/profiles/belarus</a>. . Un autre cas dont on a beaucoup parlé dans la presse ces dernières années est celui de Google Chine et du combat du géant des moteurs de recherche contre le vaste système de censure de ce pays. Google a en effet refusé d’adopter des mesures d’autocensure sur le marché chinois et de filtrer des mots-clés tels que «droits de l’homme» dans ses résultats de recherche. Après des années de débat animé et d’observation partielle des lois chinoises relatives à la censure sur internet, Google aurait, selon les informations les plus récentes, cessé d’informer ses utilisateurs locaux que les résultats de recherche contiennent des informations à diffusion restreinte 
			(43) 
			Voir: Josh Halliday:
«Google’s dropped anti-censorship warning marks quiet defeat in
China», The Guardian 7 janvier 2013: <a href='http://www.guardian.co.uk/technology/2013/jan/04/google-defeat-china-censorship-battle'>www.guardian.co.uk/technology/2013/jan/04/google-defeat-china-censorship-battle</a>. . L’Iran a également créé des filtres pour le moteur de recherche Google et le service de courrier électronique de ce dernier afin de contrôler l’accès au contenu par ses citoyens. Le Gouvernement iranien prévoit d’aller encore plus loin dans la censure en créant un intranet national fermé pour l’Iran, isolant ainsi le pays du World Wide Web 
			(44) 
			Voir: «Iran to launch
giant domestic intranet», AlJazeera,
24 septembre 2012: <a href='http://www.aljazeera.com/news/middleeast/2012/09/201292471215311826.html'>www.aljazeera.com/news/middleeast/2012/09/201292471215311826.html</a>. .

6. Conclusions

69. En conclusion, on peut affirmer que l'accès à internet en tant que tel est reconnu comme une liberté pour tous, qui est lié aux droits de l'homme universels de la liberté d'expression et d'information ainsi que de la liberté de réunion pacifique. D'autres droits de l'homme universels s'appliquent et sont donc pertinents pour déterminer dans quelle mesure l'accès à internet est protégé tels que les droits à la protection de la vie privée et de la protection de la propriété. En outre, les obligations de service universel qualifient aussi l'accès à internet en assurant l'accès universel, à savoir l'accès pour tous à un prix raisonnable et un niveau défini de qualité technique, indépendamment du lieu. Le projet de résolution ci-dessus contient les conclusions opérationnelles de ce rapport.