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Rapport | Doc. 13529 | 06 juin 2014

La mutation de l’administration en Europe: le service public en péril?

Commission du Règlement, des immunités et des affaires institutionnelles

Rapporteur : M. Tiny KOX, Pays-Bas, GUE

Origine - Renvoi en commission: Doc. 13002, Renvoi 3902 du 4 octobre 2012. 2014 - Troisième partie de session

Résumé

Les importantes réformes de l’administration publique engagées dans la plupart des Etats membres du Conseil de l’Europe ont eu de profondes répercussions sur l’organisation, la taille et la qualité des services publics. Des pans entiers du secteur public ont été privatisés, des missions de service public ont été externalisées et des agences créées pour fournir des services publics non soumis au contrôle de l’Etat. De nombreux Etats européens ont fait appel à des capitaux privés pour fournir ou financer certains services publics, et la plupart ont appliqué des politiques de privatisation et de dérégulation afin de stimuler le marché et d’apporter des actifs supplémentaires aux budgets de l’Etat. La nouvelle gestion publique a été considérée comme le moyen de moderniser l’administration publique et la rendre plus efficace, plus performante, plus rentable.

Ces réformes se sont encore accélérées depuis la crise économique et financière de 2008, sur fond de restrictions budgétaires et de crise de l’Etat providence, et des mesures drastiques d’austérité ont soumis les administrations publiques à des pressions encore plus fortes: réduction des effectifs, baisse des salaires, dégradation de l’emploi.

Certaines de ces réformes ont donné de bons résultats, mais d’autres ont leur revers: elles ont conduit à une fragmentation du service public, une perte de contrôle des gouvernements sur ce service public, une baisse de la qualité des services, parfois une augmentation des coûts, contribuant à la perte de confiance des citoyens dans leurs institutions démocratiques.

Des services publics de qualité et abordables sont un élément fondamental des modèles sociaux européens. Se faisant l’écho des profondes préoccupations qui s’expriment dans la société civile quant à l’avenir du service public en Europe, l’Assemblée parlementaire invite les Etats membres à mettre les intérêts de leurs citoyens et les valeurs communes européennes au cœur de la réforme administrative et à protéger les droits économiques et sociaux. Elle préconise de conduire une évaluation des mesures de réforme prises dans le domaine de l’administration et des services publics et d’examiner si ces réformes sont conformes au concept politique de cohésion sociale, qui est au cœur de la mission du Conseil de l’Europe.

A. Projet de résolution 
			(1) 
			Projet
de résolution adopté à l’unanimité par la commission le 9 avril
2014.

(open)
1. D’importantes réformes de l’administration publique ont été engagées récemment dans la plupart des Etats membres du Conseil de l’Europe et ont eu profondes répercussions sur l’organisation, la taille et la qualité de l’administration et des services publics. Des pans entiers du secteur public ont été privatisés, des missions de service public ont été externalisées et des agences créées pour fournir des services publics non soumis au contrôle de l’Etat. Les nouvelles méthodes de gestion publique ont permis d’appliquer aux services publics une politique fondée sur les marchés, les gestionnaires et l’évaluation de la performance, afin d’assurer une plus grande rentabilité pour les gouvernements.
2. Depuis le déclenchement de la crise financière en 2008, des mesures drastiques d’austérité ont soumis les administrations publiques, les services publics et la cohésion sociale à des pressions encore plus fortes et ont conduit à une nouvelle vague de réformes dans l’administration, à des réductions dans l’administration publique et les services publics, à de nouvelles privatisations et à une agencification de pans entiers des services publics. Les gouvernements font appel à des capitaux privés pour continuer à fournir et à financer certains services publics. La plupart des Etats européens ont appliqué des politiques de privatisation et de dérégulation afin de stimuler le marché et d’apporter des actifs supplémentaires aux budgets de l’Etat.
3. En Europe centrale et orientale, le passage d’une économie dirigée par l’Etat à une économie de marché s’est accompagné d’une privatisation massive et accélérée, procurant aux gouvernements des recettes bienvenues. Cependant, cette transition a également introduit la propriété privée dans des situations où d’autres aspects essentiels de l’environnement économique n’étaient pas encore suffisamment élaborés pour soutenir l’économie privée, ouvrant par ailleurs la voie à une corruption massive.
4. Récemment, plusieurs Etats membres de l’Union européenne ont signé des protocoles d’accord avec la Commission européenne, conditionnant l’octroi de crédits à la privatisation d’une partie du secteur public et de ses actifs. Les plans de restructuration de la Commission européenne, de la Banque centrale européenne (BCE) et du Fonds monétaire international (FMI) dans les pays de la zone euro comportent toujours un engagement à privatiser des biens publics.
5. Certaines de ces réformes, fondées sur les concepts de la nouvelle gestion publique, ont donné de bons résultats et ont été adoptées par beaucoup d’Etats membres du Conseil de l’Europe. On note une augmentation de la qualité des services, due à une concurrence accrue entre les prestataires de services, à des administrations centrales réduites et plus faciles à piloter grâce à la séparation entre fonctions d’exécution et fonctions d’élaboration des politiques et à une meilleure transparence résultant de la reclassification du budget sur la base des «produits».
6. Toutefois d’autres réformes ont, dans le même temps, produit des effets négatifs, parmi lesquels:
6.1. des réductions budgétaires dans le secteur public;
6.2. une augmentation des services de soutien et des services administratifs;
6.3. une accumulation de fonds publics dans des organismes hors du contrôle du gouvernement et la perte de contrôle du gouvernement sur la prestation de services;
6.4. une difficulté à appliquer les politiques en raison de la séparation entre fonctions d’exécution et fonctions d’élaboration des politiques;
6.5. une augmentation des coûts; une baisse de la qualité des services pour les citoyens et les entreprises dans de nombreux domaines; une baisse du niveau de satisfaction et une perte de confiance des consommateurs;
6.6. une démotivation des professionnels de la prestation de services;
6.7. une augmentation des niveaux de la dette publique; une vente des actifs inférieure aux prévisions.
7. De nombreux gouvernements sont aujourd’hui confrontés à un secteur public très fragmenté et à un manque significatif de coordination et de coopération. Les effets conjugués des réformes, de la privatisation et des nouvelles mesures d’austérité dans le secteur public peuvent avoir contribué à saper la confiance des citoyens dans leurs gouvernements dans toute l’Europe.
8. Dans toute l’Europe, le secteur public a fait l’objet d’une nouvelle série d’ajustements, fondés sur la réduction des effectifs, la baisse des salaires et la diminution de la formation des agents du secteur public, qui ont nui à sa performance. Le dialogue social autour de la réforme de l’administration publique et la négociation collective sont mis à mal. Les pratiques adoptées par le secteur public rejoignent à présent celles du secteur privé: la sécurité de l’emploi, les salaires et les conditions de travail du secteur public en Europe se sont nettement dégradés. L’application uniforme de coupes salariales dans le secteur public a creusé les inégalités, frappant plus durement les échelons inférieurs. Le phénomène «des travailleurs pauvres du secteur public» fait son apparition dans toute l’Europe. Cette situation se traduit également par un fort taux de rotation des agents du service public. Les femmes sont les plus touchées par ces ajustements dans la mesure où elles représentent la majorité des employés du secteur public.
9. Selon le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, cette nouvelle réalité politique menace plus de soixante ans de solidarité sociale et de développement de la protection des droits de l’homme au sein des Etats membres du Conseil de l’Europe. Les dépenses publiques dans le domaine social – s’agissant notamment de l’éducation, des soins de santé, des régimes de protection sociale et des prestations sociales – ont en réalité été les premières visées par les mesures d’austérité dans beaucoup d’Etats membres. En temps de crise, les droits sociaux, économiques et autres droits fondamentaux – droit au travail, droits sur le lieu de travail, protection sociale, retraites, logement, nourriture, eau, éducation et soins de santé – sont mis à rude épreuve.
10. L’Assemblée, rappelant sa Recommandation 1617 (2003) sur les réformes de la fonction publique en Europe dans laquelle, compte tenu du rôle et de la contribution sans équivalent des administrations publiques en matière de cohésion sociale et d’emploi, elle encourageait les Etats membres à étudier soigneusement toutes les conséquences que pourrait entraîner l’introduction de nouvelles méthodes de gestion du secteur privé avant de les mettre en œuvre:
10.1. s’inquiète du fait que les récentes réformes de l’administration publique dans les Etats membres puissent néanmoins avoir été guidées dans une trop large mesure par une logique budgétaire et managériale préjudiciable au fonctionnement de l’administration publique et à la qualité des services publics et sapant la confiance des citoyens dans l’administration publique et le fonctionnement de la démocratie;
10.2. insiste sur le fait que l’intérêt général ne peut se définir à l’aune de la seule réalisation d’économies et doit englober le bon fonctionnement de la société;
10.3. réaffirme qu’une fonction publique de grande qualité est une condition préalable essentielle pour une démocratie forte dans un Etat de droit et que les Etats membres doivent par conséquent mettre les intérêts de leurs citoyens ainsi que les valeurs communes européennes au cœur de toute future réforme administrative;
10.4. réaffirme que les Etats et leur administration jouent un rôle de premier plan pour garantir le bien-être de tous les membres de la société, en réduisant les disparités au minimum et en évitant les polarisations, conformément à la définition de la cohésion sociale du Conseil de l’Europe;
10.5. considère que, en temps de crise budgétaire et économique, les gouvernements sont tenus de respecter, protéger et mettre en œuvre les droits économiques, sociaux et culturels, afin d’éviter toute nouvelle érosion et régression de ces droits et de faire en sorte que les mesures d’austérité n’aient pas d’effets disproportionnés sur certaines catégories de la population;
10.6. soutient fermement les recommandations du Commissaire aux droits de l’homme sur la sauvegarde des droits sociaux, économiques et des autres droits fondamentaux en temps de crise.
11. En outre, l’Assemblée demande aux parlements des Etats membres du Conseil de l’Europe:
11.1. de dûment évaluer les mesures de réforme prises dans le domaine de l’administration et des services publics et de s’inspirer de l’expérience d’autres parlements en la matière;
11.2. d’élaborer des structures bien délimitées pour établir une distinction plus claire entre les différentes formes publiques et privées d’exécution des politiques;
11.3. de mettre en place des cadres décisionnels et des critères de référence qui soient clairs et cohérents en matière de privatisation et d’agencification et de confier leur supervision au gouvernement et au parlement; et d’uniformiser et de clarifier davantage la façon dont les décisions adoptées en matière de privatisation et d’agencification doivent être mises en œuvre;
11.4. de réexaminer si les mesures de réforme, les privatisations et les agencifications récentes ou à venir sont conformes au concept politique de cohésion sociale, lequel est essentiel à la réalisation des trois valeurs fondamentales du Conseil de l’Europe: droits de l’homme, démocratie et Etat de droit;
11.5. d’améliorer – où et quand cela s’avère nécessaire – le fonctionnement de l’administration et des services publics de manière à ce qu’ils contribuent véritablement à la réalisation des valeurs fondamentales du Conseil de l’Europe;
11.6. de promouvoir la ratification et la bonne mise en œuvre des instruments européens et internationaux relatifs aux droits de l’homme dans le domaine des droits économiques et sociaux, notamment le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, la Charte sociale européenne (révisée) (STE n° 163), le Code européen de sécurité sociale (révisé) (STE n° 139) et les conventions de l’Organisation Internationale du Travail (OIT).

B. Projet de recommandation 
			(2) 
			Projet
de recommandation adopté à l’unanimité par la commission le 9 avril
2014.

(open)
1. L’Assemblée parlementaire rappelle sa Résolution … (2014) «La mutation de l’administration en Europe: le service public en péril?», dans laquelle elle préconise de dûment réévaluer les mesures de réforme prises dans le domaine de l’administration et des services publics et d’examiner si ces réformes sont conformes au concept politique de cohésion sociale.
2. L’Assemblée réaffirme que le concept de cohésion sociale est au cœur de la mission de l’Organisation, en vertu du Statut du Conseil de l’Europe (STE n° 1). Il est par conséquent essentiel de le placer en tête des priorités politiques, plus particulièrement en temps de crise.
3. Selon le Comité des Ministres, l’émergence d’une société fragmentée – dans laquelle davantage de personnes rencontrent des obstacles à la pleine jouissance de leurs droits ou dépendent des prestations sociales et d’autres services publics, et où les inégalités se creusent entre riches et pauvres – constitue l’un des principaux défis à la cohésion sociale en Europe.
4. L’Assemblée voit donc dans la nouvelle Stratégie et le Plan d’action du Conseil de l’Europe pour la cohésion sociale, approuvés par le Comité des Ministres le 7 juillet 2010, un outil essentiel pour la réalisation des trois valeurs fondamentales du Conseil de l’Europe: droits de l’homme, démocratie et Etat de droit. La politique du Conseil de l’Europe en matière de cohésion sociale vise à assurer le bien-être de tous les citoyens de ses Etats membres – en réduisant les disparités au minimum et en évitant la marginalisation –, à gérer les différences et les divisions et à se donner les moyens d’assurer le bien-être de l’ensemble de ses citoyens.
5. L’Assemblée se félicite de la création du Comité directeur pour la cohésion sociale, la dignité humaine et l’égalité, chargé de superviser, d’encourager et de suivre la mise en œuvre de la nouvelle Stratégie et du Plan d’action du Conseil de l’Europe pour la cohésion sociale et de concevoir des outils appropriés de promotion de la cohésion sociale. L’Assemblée attend du Comité des Ministres qu’il examine soigneusement la stratégie actuelle et adopte des lignes directrices en vue de futures politiques de cohésion sociale. Cet examen devrait tenir compte de tous les enseignements tirés de l’évaluation des réformes de l’administration publique opérées ces dernières années et réexaminer si elles sont conformes au concept politique de cohésion sociale, lequel est essentiel à la réalisation des valeurs fondamentales du Conseil de l’Europe.
6. Par conséquent, l’Assemblée:
6.1. soutient la nouvelle Stratégie et le Plan d’action du Conseil de l’Europe pour la cohésion sociale, dans l’attente que le Comité des Ministres informe régulièrement l’Assemblée des progrès réalisés dans la mise en œuvre du Plan d’action;
6.2. invite le Comité des Ministres, dans le cadre du réexamen de la stratégie actuelle en matière de cohésion sociale, à envisager la question sous un angle novateur, pour permettre au Conseil de l’Europe d’être davantage en mesure de s’adapter aux nouvelles évolutions;
6.3. attend du Comité des Ministres qu’il organise en 2015 une 3e Conférence des ministres responsables de la cohésion sociale pour réexaminer la nouvelle Stratégie et le Plan d’action et adopter des lignes directrices pour les futures politiques en matière de cohésion sociale;
6.4. se félicite de l’adoption par le Comité des Ministres de la Recommandation CM/Rec(2014)1 sur la Charte du Conseil de l’Europe sur les responsabilités sociales partagées, laquelle constitue une avancée pour la sauvegarde des acquis sociaux et politiques européens et l’assurance de leur pérennité; elle invite le Comité des Ministres à trouver des solutions pour assurer la participation appropriée de l’Assemblée aux futures activités liées à la Charte;
6.5. se félicite de l’initiative de la présidence azerbaïdjanaise d’organiser un séminaire informel sur la cohésion sociale en septembre 2014 et l’invite à inclure les recommandations de l’Assemblée dans ces discussions.

C. Exposé des motifs, par M. Kox, rapporteur

(open)

1. Introduction

1. Il y a dix ans, l’Assemblée parlementaire soulignait qu’une fonction publique de qualité est une condition préalable essentielle pour une démocratie forte et pour la prééminence du droit 
			(3) 
			Recommandation 1617 (2003) sur les réformes de la fonction publique en Europe.. L’Assemblée invitait donc les Etats membres du Conseil de l’Europe à mettre les intérêts de leurs citoyens et les valeurs communes européennes au cœur de la réforme administrative. En matière de cohésion sociale et d’emploi, le rôle et la contribution des administrations publiques sont sans équivalent, c’est pourquoi l’Assemblée a encouragé les Etats membres du Conseil de l'Europe à étudier soigneusement toutes les conséquences que pourrait entraîner l’introduction de nouvelles méthodes de gestion du secteur privé avant de les mettre en œuvre.
2. L’introduction de ces méthodes ainsi que la privatisation et la commercialisation à grande échelle des services publics ont été les principes directeurs des réformes de la gestion publique menées en Europe depuis le début des années 1990 dans le cadre général du concept de «nouvelle gestion publique» (ci-après «NGP»).
3. Les pays qui sont devenus membres de l’Union européenne ont été incités par le Traité de Maastricht de 1992 et les traités suivants à externaliser et privatiser des pans entiers de l’administration publique. Plusieurs directives de la Commission européenne visant à libéraliser et renforcer l’économie de marché, dégraisser une fonction publique pléthorique et commercialiser les services publics ont eu une incidence sur la réforme administrative et les services publics.
4. Dans les Etats d'Europe centrale et orientale, la fin du régime communiste et l'introduction d'une démocratie pluraliste et d'une économie de marché depuis 1990 ont donné lieu à d'importants changements dans la propriété économique ainsi que dans le mode d'organisation de l'administration publique et des services publics. Beaucoup de ces Etats ont également adopté la NGP pour mettre en place une nouvelle administration publique.
5. Depuis le déclenchement de la crise financière en 2008, les mesures d’austérité ont exercé de fortes pressions sur les administrations publiques. En 2012, l’Assemblée faisait part de ses craintes concernant l’impact de ces programmes d’austérité sur les normes en matière de démocratie et de droits sociaux 
			(4) 
			Résolution 1884 (2012) «Mesures d’austérité – un danger pour la démocratie
et les droits sociaux».. Elle était préoccupée par le risque que les approches restrictives poursuivies, essentiellement fondées sur des coupes budgétaires dans les dépenses sociales, n’atteignent pas leurs objectifs de consolider les budgets publics, mais aggravent encore plus la crise et nuisent aux droits sociaux, puisqu’elles touchent principalement les classes aux plus bas revenus et les catégories les plus vulnérables de la population.
6. Plusieurs rapports publiés au cours des dernières années ont exprimé de profondes préoccupations quant à l’avenir du service public en Europe 
			(5) 
			Rapports
de la Fédération syndicale européenne des services publics (FSESP)
intitulés «The wrong target – how governments are making public
sector workers pay for the Crisis» (Erreur de cible – comment les
gouvernements font payer la crise aux travailleurs du secteur public),
2010, et «The wrong target one year on: pay cuts in the public sector
in the European Union» (Erreur de cible un an plus tard: réductions
salariales dans le secteur public dans l'Union européenne), 2012. et recommandent de réexaminer les politiques d’austérité et les réformes antérieures de la fonction publique.
7. En 2012, une proposition de résolution a été renvoyée à la commission du Règlement, des immunités et des affaires institutionnelles pour rapport. La proposition, intitulée «La mutation de l’administration en Europe: le service public en péril?» (Doc. 13002) indiquait que l’une des premières réponses des gouvernements européens à la crise, en particulier la crise de leurs finances publiques, a été de réduire les ressources allouées aux services publics. Les budgets de ces derniers sont donc comprimés, au point que dans certains Etats, par exemple, seul un fonctionnaire sur deux partant à la retraite est remplacé, et divers services sont confiés au secteur privé. De même, certains services qui étaient gratuits en temps normal parce qu’ils étaient fournis dans le cadre du service public traditionnel sont désormais payants.
8. Les changements structurels et institutionnels que les services publics subissent ont comme objectifs proclamés la rationalisation des activités et la maîtrise des dépenses publiques. Toutefois, on peut se demander s'il est possible de maintenir un service public de qualité dans un contexte économique et budgétaire difficile, et si les grands principes du service public que sont l'indépendance, la permanence, la compétence et l’accessibilité sont encore pertinents.
9. Dans la Recommandation 1617 (2003) susmentionnée, l’Assemblée rappelait le rôle et la contribution uniques des administrations publiques en matière de cohésion sociale. A l'heure où la plupart des Etats européens redéfinissent leurs missions et réduisent leur part d'intervention sociale, en se désengageant de certains services publics, voire en les supprimant, il peut être opportun de s'interroger sur le bien-fondé de ces démarches, notamment à l'aune de leurs conséquences sur la société. Le présent rapport fait le point sur les changements récents apportés aux administrations publiques en Europe, leurs effets sur les services publics et les enseignements tirés de cette évolution.

2. Nouvelles organisations de la prestation de services publics

10. Les restrictions budgétaires et la crise de l’Etat providence ont contraint de nombreux gouvernements européens à faire appel à des capitaux privés pour continuer à fournir et à financer certains services publics. A côté des formes de partenariat existantes, largement exploitées, de nouvelles formes ont vu le jour. De plus, à partir des années 1990, de nombreux Etats européens ont appliqué de nouvelles politiques de privatisation et de dérégulation afin de stimuler le marché et d'apporter des actifs supplémentaires aux budgets de l'Etat. Enfin, des mesures rapidement applicables, telles que des réductions des dépenses en personnel, ont récemment été adoptées dans le cadre de politiques d'assainissement budgétaire.

2.1. Nouvelle gestion publique

11. Dans les «vieilles» démocraties européennes, l’introduction de la NGP – qui est une nouvelle politique fondée sur les marchés, les gestionnaires et l’évaluation de la performance – a été considérée comme le moyen nécessaire pour moderniser l’administration publique et la rendre plus efficiente, plus efficace et davantage tournée vers le client, après une longue période marquée par des structures publiques bureaucratiques pléthoriques et des services publics gérés par l’Etat.

2.1.1. Conclusions de l’OCDE concernant la NGP

12. Depuis 2010, l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) réalise des études sur les nouvelles tendances et réformes des administrations publiques et des services centraux 
			(6) 
			OECD
series «Value for Money in Government», Norway 2013, Sweden 2013,
Denmark 2011, the Netherland 2010. . Le fait que la NGP soit un concept dominant dans les réformes prônées et entreprises a conduit l’OCDE à analyser ses caractéristiques et ses principaux résultats.
13. Des résultats satisfaisants ont été mis en évidence au regard des objectifs qui avaient été fixés, à savoir réduire les coûts tout en continuant à fournir des services publics de grande qualité. On a notamment souligné que l’augmentation générale de la qualité des services était due à une concurrence accrue entre les prestataires de services, à des administrations centrales réduites et plus faciles à piloter grâce à la séparation entre fonctions d’exécution et fonctions d’élaboration des politiques, à une meilleure transparence résultant de la reclassification du budget sur la base des «produits». Toutefois, les réformes fondées sur la NGP ont aussi produit des résultats négatifs qui, dans une certaine mesure, ont contribué à une perte de confiance des citoyens dans leurs gouvernements. On peut citer notamment «la croissance non voulue des fonctions de soutien et des services administratifs, la perte d’une certaine qualité de service pour les citoyens et les entreprises dans de nombreux domaines de la prestation de services, une démotivation des professionnels de la prestation de services (prestataires de soins, enseignants, officiers de police, etc.), l’accumulation de fonds publics dans des organismes hors du contrôle des ministères et la perte de contrôle des ministères et du parlement sur la prestation de services 
			(7) 
			«Value for Money Study»,
final report, OECD, 2011.».
14. Les principaux problèmes relevés sont les suivants: la séparation de l’exécution et de l’élaboration des politiques publiques a conduit à des politiques qui sont impossibles à exécuter; l’assouplissement des normes de gestion opérationnelle a augmenté les coûts; le financement des organismes d’exécution sur la base d’objectifs de production a entraîné des services de moindre qualité et de la bureaucratie; un budget fondé sur les «produits» a entraîné une perte de contrôle par le parlement et rendu les documents budgétaires illisibles; et l’externalisation sur le marché de la production intermédiaire a dégradé la qualité des services et augmenté les coûts.
15. Les études de l’OCDE indiquent qu’une nouvelle réforme de l’administration publique peut être observée depuis 2005, dans laquelle certaines des réformes fondées sur la NGP sont adaptées, révisées, voire supprimées. De nouvelles tendances apparaissent également, qui mettent davantage l’accent sur la prestation de services et moins sur les services administratifs. Ces tendances sont symbolisées par la formule «plus de mains chaudes, moins de mains froides» 
			(8) 
			Ces réformes présentent
les caractéristiques suivantes: la réallocation des ressources publiques
des services administratifs à la prestation de services; une meilleure
intégration de l’expertise (technique, encadrement) des services dans
l’élaboration des politiques publiques; le regroupement des agences
d’exécution ou la mise en place d’unités de traitement communes;
le partage des services d’appui entre les ministères et les agences
d’exécution; l’accent mis sur des normes de gestion opérationnelle
dans tous les domaines: finances, audit, achats, logement, immobilier
et logistique, ressources humaines et organisation, communication,
information et technologies de l'information et de la communication (TIC);
l’application des normes de gestion opérationnelle dans l’ensemble
de l’administration publique, y compris dans les agences d’exécution;
la concentration des activités de fixation des normes de gestion
opérationnelle dans un petit nombre de ministères; la séparation
du financement des agences de celui du pilotage et du contrôle de
la production; le pilotage et le contrôle des produits dans le cadre
d’un dialogue permanent sur les politiques publiques plutôt que
sur la base d’indicateurs de produits; la réduction de la place
accordée aux informations sur les produits et les réalisations dans
les documents budgétaires; une plus grande importance accordée à
la satisfaction des préférences des citoyens grâce à une offre publique
plus diversifiée et à des solutions personnalisées adaptées aux
individus et aux entreprises. «Value for Money Study», final report,
OECD, 2011..

2.1.2. L’exemple particulier de l’Europe centrale et orientale

16. Les premières années de transition de la fonction publique et des services publics dans les pays d’Europe centrale et orientale après la chute du communisme ont coïncidé avec une période pendant laquelle les concepts néolibéraux d’administration publique étaient dominants dans la réflexion menée dans les pays de l’Ouest sur le rôle de l’Etat. Les opinions néolibérales et la mode de la NGP étaient surtout prédominantes dans les organisations internationales (par exemple, la Banque mondiale et le Fonds monétaire international (FMI)) et les pays qui étaient à l’origine une source d’inspiration dans ce domaine, notamment les Etats-Unis d’Amérique et le Royaume-Uni 
			(9) 
			T. Verheijen, «Public
administration in post-communist states», in Handbook
of Public Administration, 2003.. En raison de la transition, les gouvernements ont dû, sous la pression, adopter des politiques et des approches en vogue sans avoir le temps d’examiner et d’analyser ces idées en profondeur. En conséquence, dans certains cas, l’adhésion aux théories dominantes du mouvement de réforme international est devenue plus importante que l’évaluation empirique des besoins locaux 
			(10) 
			Ibid..
17. Outre la réduction importante et immédiate des ressources budgétaires, un des principaux problèmes rencontré dans ces pays est dû à la volonté d’obtenir sans attendre des systèmes de gestion modernes sans avoir préalablement jeté les bases solides d’un développement démocratique, c’est-à-dire une administration publique hiérarchisée classique et les systèmes de reddition de comptes qui lui sont associés. Les structures de base de l’administration publique n’étaient pas en place qu’il fallait déjà, sous la pression, «réformer» des pratiques de gestion qui n’existaient pas. On rapporte que l’administration publique a dû relever un défi particulièrement difficile dans la mesure où la création d’une démocratie politique et la mise en œuvre des principes d’efficience et d’efficacité sont devenues des tâches de modernisation cruciales en même temps 
			(11) 
			G. Jenei et A. Szalai,
«Modernising local governance in a transitional nation: evaluating
the Hungarian experience», Public Management Review, 2002..
18. Dans les pays d’Europe de l’Ouest, si la permanence et la stabilité peuvent être parfois considérées comme des problèmes, ces deux critères peuvent être une solution dans les pays d’Europe centrale et orientale 
			(12) 
			Tiina
Randma-Liiv, «New Public Management versus Neo-Weberian State in
Central and Eastern Europe», 2008.. L’instabilité du contexte politique, les changements perpétuels sans cadre de fonctionnement clair et les tentatives de réforme avortées sont les obstacles les plus courants qui s’opposent au développement durable de l’administration publique 
			(13) 
			Des
études indiquent qu’en Ukraine, de 50 % à 60 % des fonctionnaires
perdent leur emploi après chaque alternance politique, ce qui a
une incidence sur la qualité des prestations de services. . Souvent, la question qui se pose n’est pas d’ignorer les changements de l’environnement ou la stagnation des idées et des approches, mais plutôt d’avoir une forme minimale de système en place pour élaborer et mettre en œuvre des politiques appropriées. Si les gouvernements de l’Europe de l’Ouest doivent parfois lutter contre les blocages dus aux pratiques et aux solutions du passé, les gouvernements des pays d’Europe centrale et orientale ont dû, quant à eux, créer une réalité entièrement nouvelle avec les nouvelles pratiques. En fait, les blocages dus aux solutions du passé se produisent rarement puisque le système politique lui-même est différent. La flexibilité ne traite donc pas les mêmes problèmes dans les pays très développés et les pays en transition, dans la mesure où elle vise des aspects totalement différents de leurs administrations publiques. Avant de pouvoir tirer profit de la flexibilité du système, les gouvernements des pays d’Europe centrale et orientale doivent renforcer leurs capacités et acquérir de l’expérience en vue d’administrer une situation stable.
19. Cependant, il y a tout lieu de se demander si la gestion publique déréglementée et décentralisée prônée par la NGP et le fait de «laisser les gestionnaires gérer» peuvent s’appliquer à la culture administrative post-communiste. Dans les pays d’Europe centrale et orientale, la plupart des sphères sociales ont dû être recréées à neuf durant les années 1990. En l’absence de principes compris et respectés par tous, un grand nombre de nouvelles règles, réglementations et principes sont encore nécessaires, ainsi que des garanties sociales pour ceux qui soutiennent le système.

2.2. Privatisation et «agencification»

20. La privatisation est le processus de transfert au secteur privé de biens productifs de l’Etat, qui sont souvent de grandes entreprises industrielles ou de services collectifs 
			(14) 
			«The impact of privatization
in transition economies», Saul Estrin, London School of Economics
and Political Science, 2007..
21. L’«agencification» désigne la fourniture de services publics par des organisations du secteur public créées à la suite de la désagrégation structurelle d’administrations ministérielles et qui opèrent dans un cadre plus proche de celui des entreprises privées que de celui de la bureaucratie administrative centrale. Ces organisations ne sont pas rattachées au gouvernement central et exécutent des missions de service public telles que la prestation de services, la réglementation et la mise en œuvre des politiques 
			(15) 
			«Effects of privatization
and agencification on citizens and citizenship: an international
comparison», S. Dan, S. Jilke, C. Pollitt, R. van Delft, S. van
der Walle and S. van Thiel, 2012..

2.2.1. Europe occidentale

22. Dans les années 1980 et 1990, les pays d’Europe occidentale ont connu une vague de libéralisation, de privatisation et d’agencification des marchés de services publics. La privatisation est devenue un phénomène européen, en raison notamment des pressions exercées par l’Union européenne, et parce qu’il s’agissait d’un moyen de stimuler l’efficacité économique et les marchés. Des études réalisées après la vague de privatisation présentent cependant des résultats mitigés à cet égard 
			(16) 
			Voir
«Lost connection?», synthèse des principales conclusions de l’enquête
parlementaire réalisée par le Sénat néerlandais sur la privatisation
et l’«agencification» des services publics centraux (octobre 2012);
«Rebuilding Rail», est une étude publiée en 2012 montrant que les
chemins de fer britanniques coûtent encore au gouvernement la somme
de 1,2 milliard de livres par an depuis qu’ils ont été privatisés. . La rapidité et l’ampleur de la politique de libéralisation et de privatisation de l’Union européenne ont soulevé la question de savoir si une certaine forme de garantie pourrait être donnée aux citoyens concernant leur droit à des prestations de services publics satisfaisantes lorsqu’une réforme profonde est engagée. Dans un environnement régi par la privatisation et des règles dictées par le marché, on pouvait craindre que les intérêts commerciaux prennent le pas sur l’intérêt public, ce qui pouvait avoir une incidence négative sur les obligations de service public, le service universel, la qualité, les prix et la continuité des prestations 
			(17) 
			«Evaluating
EU policies on public services, a citizen’s approach», J. Clifton,
Universidad do Cantannia, 2010..
23. Dans plusieurs Etats membres du Conseil de l’Europe, les parlements ont récemment mené des études sur la privatisation et l’agencification, notamment pour enquêter sur les effets ou l’efficacité de la concurrence, le nombre de privatisations et d’agencification, les évaluations des programmes de privatisation et d’agencification, le besoin de défaire la privatisation et l’agencification, ainsi que les changements de tarifs et la qualité des services publics pour les clients 
			(18) 
			Le Parlement britannique
a publié plusieurs rapports sur l’«agencification» et les examens
de la performance annuelle des agences permettent aux députés d’analyser
en détail les résultats de celles-ci et d’être en contact direct avec
leurs directeurs. Le Parlement suisse a récemment demandé une étude
sur la privatisation de Swisscom, de SBB Railways et de la Poste
suisse. En Norvège, une étude a été réalisée sur le lien entre l’introduction
de mécanismes de marché et la démocratie. En Suède, plusieurs études
ont été menées, par exemple, sur la situation des agences au regard
de la Constitution et l’application de la gestion par objectifs.
Voir «Effects of privatization and agencification on citizens and
citizenship: an international comparison», op.
cit..
24. De nombreux gouvernements sont désormais confrontés à un secteur public très fragmenté du fait de l’agencification et de la privatisation. Le manque de coordination et de coopération, notamment en ce qui concerne les problèmes de politiques intersectorielles, a contraint les gouvernements à réexaminer leurs décisions de créer des agences ou de privatiser des organisations. Ce revirement n’a cependant pas débouché sur une grande vague de renationalisations, mais plutôt sur une réorganisation à grande échelle des agences, par exemple, par des fusions et la création de centres de services partagés 
			(19) 
			Effects of privatization
and agencification on citizens and citizenship, op. cit..
25. Les études 
			(20) 
			Ibid. montrent que des améliorations ont été observées dans les domaines suivants: la gestion et le professionnalisme des agences, la disponibilité d’indicateurs et d’informations relatifs à la performance, la priorité donnée au client, la sensibilisation à la nécessité de mettre l’accent sur les résultats et non sur les règles et procédures, ou la volonté d’innover des agences. Des détériorations ont également été observées. Il s’agit souvent d’inconvénients résultant des améliorations observées, à savoir la dégradation de la stabilité organisationnelle, du pilotage par les ministères de tutelle, de la cohérence des politiques, de la collaboration et de la communication entre les ministères et les agences. Le tableau est donc plus complexe que ce que les partisans de l’agencification envisageaient. Souvent, les arguments sur les «produits» sont moins convaincants que ceux qui portent sur les changements dans les processus/activités, d’autant que les informations sur ce que les citoyens «obtiennent» in fine de l’agencification sont limitées et fragmentaires.
26. En Allemagne, une étude a été publiée sur les effets de la privatisation et de l’agencification sur la relation entre les citoyens et les gouvernements. Des citoyens ont été invités à donner leur avis sur la privatisation et l’agencification d’une série de services publics. Le citoyen allemand moyen est favorable à un Etat fort, ne souhaite pas la privatisation ou l’agencification de fonctions telles que la police, l’éducation et l’hôpital, mais soutiendrait celles de l’approvisionnement énergétique, du transport public, des musées et des théâtres. Dans la plupart des secteurs, les citoyens allemands considèrent que la privatisation ou l’agencification a entraîné une augmentation des prix 
			(21) 
			Ibid..
27. Les Pays-Bas sont un des précurseurs de la libéralisation et de la privatisation en Europe, mais les citoyens néerlandais ne sont pas très satisfaits de la plupart des services publics privatisés. Le Sénat néerlandais a donc créé une commission parlementaire spéciale pour enquêter sur le processus de privatisation et d’agencification qui a été mis en place depuis la fin des années 1980. Dans son rapport 
			(22) 
			Verbinding verbroken?,
rapport de la commission parlementaire sur la privatisation des
services publics, Sénat des Etats généraux des Pays-Bas, 2012., la commission décrit comment les cabinets néerlandais successifs ont effectué, avec le soutien d’une large majorité parlementaire, la privatisation et l’agencification des services publics centraux depuis les années 1980. «Les principaux motifs étaient de contrôler les finances publiques et de réduire l’administration. Une fonction publique plus petite et plus efficace était censée contribuer à la réduction de la pression fiscale et à la simplification de l’administration publique 
			(23) 
			Ibid..» Cependant, la privatisation et l’agencification ont rapidement commencé à soulever de nouvelles questions de gouvernance. Les liens entre le gouvernement et les services privatisés se sont distendus tandis que de nouvelles relations se sont établies entre ces services et les citoyens. Il est apparu clairement que le gouvernement néerlandais avait mené une privatisation et une agencification sans vision globale ni planification rationnelle préalable.
28. Dans les années 2000, des résultats décevants et des conséquences imprévues de la privatisation et de l’agencification ont poussé le public, le gouvernement et le parlement à adopter une approche plus critique à leur égard. Une attention plus grande a été accordée à l’intérêt public, à la nécessité de réglementer le marché et aux diverses initiatives d’externalisation. Déconcentrer la fonction publique et réduire les activités de contrôle en séparant les fonctions d’exécution et d’élaboration des politiques s’est avéré un problème d’une grande complexité. La commission parlementaire néerlandaise a conclu qu’il n’y avait pas eu de coordination des politiques et de feuille de route commune, et que de nombreuses divergences étaient apparues dans la mise en œuvre des décisions prises par les ministères. Elle a noté également l’absence de cadre de décision largement accepté pour élaborer des politiques cohérentes. En conséquence, la prise de décisions sur la privatisation et l’agencification a pris beaucoup de temps et demandé beaucoup d’attention aux membres du parlement. La commission a proposé que le gouvernement uniformise davantage la manière dont les décisions sur la privatisation et l’agencification sont mises en œuvre. Une structure bien délimitée est nécessaire pour que la distinction entre les formes privées et publiques de l’exécution des politiques soit plus claire. Or, cet impératif exige des gouvernements une approche globale. Il est important dans ce domaine de proposer de nouveaux cadres de décision et critères de référence, et que le gouvernement et le parlement supervisent leur application.
29. En outre, la commission a conclu que le fait de se concentrer sur les rôles de client et de contribuable du citoyen donne une vision trop étroite de l’intérêt public. Les citoyens ont ainsi été réduits à ces deux rôles, et cette vision réductrice est un des facteurs déterminants du mécontentement du public à l’égard de la privatisation et de l’agencification des services publics. Le gouvernement et le parlement devraient donc utiliser une interprétation commune et élargie de l’intérêt public tenant compte de l’intérêt de chaque citoyen et de l’intérêt collectif qui bénéficie à la communauté.

2.2.2. Europe centrale et orientale

30. En Europe centrale et orientale, le passage d’une économie dirigée par l’Etat à une économie de marché 
			(24) 
			Chaque année, la Banque
européenne pour la reconstruction et le développement (BERD) mesure
les progrès accomplis dans la mise en place d’une économie de marché
au moyen d’«indicateurs de transition», et ce dans 29 pays qui étaient
auparavant communistes. Les valeurs des indicateurs vont de 1 (peu
ou pas de changements par rapport à une économie planifiée centralisée
et dirigiste) à 4+ (normes d’une économie de marché industrialisée). n’a été considéré comme viable que si elle s’appuyait sur la propriété privée. Les expériences différentes vécues par les pays concernant l’héritage du communisme ont conditionné leur choix des méthodes de privatisation 
			(25) 
			Privatisation
par bons de souscription, rachat par les cadres/employés, restitution,
etc. et influé sur l’opinion publique 
			(26) 
			En Russie et en Ukraine,
l’opinion publique a considéré que la première vague de privatisation
spontanée était ni plus ni moins qu’un vol des biens de l’Etat par
des entrepreneurs. «Primary and Secondary Privatisation in Central
Europe and the Former Soviet Union», Karoly Attila Soos, 2011..
31. Dans l’esprit des responsables, la privatisation devait surtout permettre de se concentrer uniquement sur la rentabilité du secteur des entreprises. Dans la plupart des pays d’Europe centrale et orientale, le passage à la propriété privée a été extrêmement rapide. Il a fallu, en effet, une dizaine d’années seulement pour que les activités économiques dirigées par l’Etat soient transférées, pour l’essentiel, au secteur privé 
			(27) 
			Estrin, op. cit.. On note cependant qu’aucun cadre institutionnel et juridique réglementant le secteur commercial n’avait été mis en place au préalable 
			(28) 
			Ibid..
32. Si la privatisation a procuré aux gouvernements des recettes dont ils avaient tant besoin, ses résultats en matière de performance des entreprises sont plus contrastés. La déréglementation, la décentralisation et la flexibilité supposent un niveau élevé de compétence et des normes déontologiques qui font souvent défaut aux directeurs 
			(29) 
			Randma-Liiv, op. cit.. On peut affirmer qu’une certaine suridéalisation du secteur privé (et du libre marché) règne encore aujourd’hui. Des privatisations massives et une réduction généralisée des effectifs ont été menées à toute allure, et cette frénésie a débouché sur la vente d’entreprises stratégiques telles que les chemins de fer, ou de services essentiels comme l’aide médicale d’urgence, sans véritable débat public ou études de marché.
33. La philosophie qui sous-tend l’instauration d’une économie de marché est souvent utilitaire et peut conduire à survaloriser la rentabilité financière au détriment des valeurs démocratiques et des principes inhérents au service public. La situation se complique encore davantage en cas de pénurie de ressources, car une telle situation pèse sur les gouvernements et les contraint à donner la priorité à des objectifs «technocratiques». Compte tenu des problèmes économiques des pays d’Europe centrale et orientale, les critères financiers peuvent jouer un rôle déterminant dans l’évaluation de la performance du secteur public. Il est également dangereux de considérer que le citoyen n’est qu’un simple client (conformément à la NGP «axée sur le client»). Il peut être très risqué dans les nouvelles démocraties d’articuler les liens qui unissent les gouvernements aux citoyens autour de la notion d’échange marchand, lorsqu’aucun système solide de démocratie représentative n’a encore été mis en place. Dans un contexte où les citoyens considèrent que les acteurs économiques sont plus influents que les gouvernements, il faut reconnaître que des négociations et des concertations permanentes peuvent nuire gravement à la légitimité de l’Etat. D’où l’idée que des citoyens (ou des groupes de citoyens) actifs apporteront davantage à des démocraties encore fragiles que de simples clients 
			(30) 
			Ibid..

2.3. Partenariat public–privé

34. Vu l'endettement croissant des Etats et la nécessité de trouver une alternative aux marchés publics traditionnels, les partenariats public–privé ont connu une réelle expansion. La notion de partenariat public–privé recouvre généralement diverses formes de relations entre les secteurs privé et public; l'une d'elles peut se décrire comme «une entreprise partiellement détenue par des capitaux privés et partiellement détenue par un ou plusieurs pouvoirs publics 
			(31) 
			Par exemple, une société
d’économie mixte (France).». Le partenariat public–privé permet en général à des partenaires privés et publics de bénéficier mutuellement de leur expérience et de leurs champs de compétence respectifs.
35. La concession, dont l'initiative de financement privé est une variante 
			(32) 
			Dans
le cadre du modèle de partenariats public–privé élaboré au Royaume-Uni,
les opérateurs privés trouvent le financement nécessaire à l'investissement
de capitaux, puis sont indemnisés (capital investi y compris) par
l'exploitation d'une partie du service sur un certain nombre d'années., est une forme très ancienne de partenariat public–privé. Ce type de contrat entre un pouvoir public, d'une part, et un individu ou une entité privée, d'autre part, remonte à l'époque romaine, mais c'est durant la révolution industrielle du XIXe siècle que la concession s'est généralisée 
			(33) 
			Exemples de contrat
de concession: le canal de Suez ou les chemins de fer français.. L'on recourait à la concession lorsque des travaux publics ou des infrastructures d'intérêt général ne pouvaient pas être entièrement financés et/ou exécutés par des autorités publiques, et qu'il n'était pas non plus acceptable, pour diverses raisons, qu'ils soient monopolisés par le secteur privé. Des personnes ou des entreprises étaient invitées à effectuer un travail ou à fournir un service public à leurs frais, avec ou sans subvention de l'Etat, et à leurs risques, leur rémunération devant ensuite résulter de l'exploitation de ces travaux ou services 
			(34) 
			Par exemple, gestion
d'infrastructures routières, hôpitaux.. Les contrats de concession exigeaient le respect de principes fondamentaux propres aux services publics (égalité d'accès à tous les utilisateurs, par exemple).
36. En général, l'externalisation – contrat de portée plus large que la simple sous-traitance – a lieu lorsqu'un pouvoir public décide de confier à l'extérieur un produit, un service ou un processus qui, auparavant, était fourni par des ressources internes. L'externalisation est un modèle commercial en expansion au niveau de l'administration centrale et locale, des services étant externalisés dans des domaines très variés – services informatiques, assistance aux chômeurs, gestion des déchets, sécurité, approvisionnement, et même services dans le domaine militaire 
			(35) 
			Tels
que maintenance des avions et des véhicules militaires, services
informatiques, gestion des bases militaires, formation du personnel
militaire, concession d'avions..

3. Impact sur la performance des services publics

37. Des services publics de grande qualité et abordables sont un élément fondamental des modèles sociaux européens. Si les méthodes de gestion du secteur privé, la privatisation et la commercialisation des prestations de services publics peuvent en soi être considérées comme compatibles avec des services publics accessibles, les Etats membres doivent cependant prêter attention aux questions suivantes.

3.1. Le respect des principes fondamentaux propres aux services publics

38. Les citoyens et les institutions internationales de contrôle sont quelque peu préoccupés par les réformes et la privatisation des services publics, notamment dans des domaines non concurrentiels tels que la santé et l’éducation, car l’obligation de fournir un certain nombre de services découle de dispositions constitutionnelles 
			(36) 
			Par exemple, la section
3 de la Constitution finlandaise. ou d’engagements internationaux des Etats 
			(37) 
			Le
Comité des Ministres a rappelé récemment à un certain nombre de
gouvernements que, lorsqu’ils analysent la nouvelle organisation
et gestion de la sécurité sociale, «le système de sécurité sociale
ne remplirait pas son rôle si ses prestations ne sont pas capables
de maintenir les travailleurs au-dessus du seuil de pauvreté; dans
de tels cas, l’Etat serait considéré comme ayant manqué à ses responsabilités
générales» en vertu des dispositions pertinentes du Code européen
de sécurité sociale, Résolution CM/ResCSS(2013)15 et 16 sur l’application
du Code européen de sécurité sociale par la Slovénie et l’Espagne.
Voir également «Sauvegarder les droits fondamentaux en période de
crise», document élaboré par le Commissaire aux droits de l’homme
du Conseil de l’Europe, 2013.. En évaluant la privatisation du régime d’assurance maladie par les Pays-Bas, le Comité des Ministres a observé que «les réformes des régimes de maladie et d’invalidité en vue de mettre en valeur les effets positifs de la privatisation et des forces du marché, tout en contenant leurs effets négatifs dans le cadre de la sécurité sociale de base, n’ont jamais eu d’équivalent dans l’histoire de la sécurité sociale en Europe. Il est donc naturel qu’elles posent beaucoup de nouveaux problèmes d’organisation et de gouvernance par rapport à de tels systèmes mixtes de sécurité sociale, particulièrement au cours de la période de transition, en attendant que les nouvelles formes de contrôle du système de la part de l’Etat, la participation démocratique des personnes protégées à sa gestion, la redistribution du risque, la charge financière et la responsabilité dans la société, ainsi que les principes de non-discrimination et de solidarité avec les groupes les plus vulnérables soient consolidés 
			(38) 
			Résolution ResCSS(2003)26.».
39. Autre sujet de préoccupation, le manque d’uniformité de la chaîne de prestations, qui peut résulter des différences existant entre les conditions de travail et les droits sociaux accordés par les services externalisés et l’autorité publique principale 
			(39) 
			Voir Dirk Rüffert c. Land Niedersachsen,
Cour de justice de l’Union européenne, affaire C-346/06, 3 avril
2008. et en ce qui concerne la qualité des infrastructures. Qui est responsable si la négligence d'un fournisseur provoque l'effondrement de toute une chaîne? 
			(40) 
			La
société A4e, à qui le gouvernement britannique a confié la responsabilité
du reclassement des chômeurs, fait l’objet d’une enquête de police
concernant des allégations de fraudes liées à des programmes publics.
En outre, la société de sécurité privée G4S n’a pas été en mesure
de respecter ses engagements en matière de sécurité pour les Jeux Olympiques
de 2012 organisés à Londres, ce qui a obligé les forces militaires
britanniques à intervenir. Imposer une réelle obligation de contrôle et la garantie d'un service adéquat censé relever des pouvoirs publics est difficile et requiert des ressources budgétaires supplémentaires. De nouveaux partenariats incitent à reconsidérer la capacité des pouvoirs publics à continuer de fournir des services tout en ayant à faire face à une nouvelle répartition des responsabilités avec ses partenaires privés. Dans certaines circonstances, l'administration publique voit aujourd'hui sa marge de manœuvre réduite, ce qui diminue sa capacité à s'adapter à des changements à court terme dans les attentes des citoyens 
			(41) 
			La Cour de justice
de l’Union européenne a indiqué clairement que «la participation,
fût‑elle minoritaire, d’une entreprise privée dans le capital d’une
société à laquelle participe également le pouvoir adjudicateur en
cause exclut en tout état de cause que ce pouvoir adjudicateur puisse
exercer sur cette société un contrôle analogue à celui qu’il exerce sur
ses propres services», affaire Stadt
Halle, C-26/03.. Le modèle d'externalisation présente, en effet, un sérieux inconvénient: en externalisant à long terme tel ou tel service, l'administration concernée risque de perdre ses compétences dans le domaine externalisé.

3.2. De meilleurs services à moindre coût?

40. La finalité déclarée de tout processus de privatisation a toujours été de réduire les prix et d’améliorer la qualité des prestations de services. Il apparaît cependant qu’il n’existe pas de lien clair, d’une part, entre le degré de libéralisation et de privatisation et, d’autre part, entre la satisfaction du client et la baisse des prix 
			(42) 
			«Network
Industries and Social Welfare: The Experiment that Reshuffled European
Utilities», professeur Massimo Florio, «Privatisation of public
services and the impact on quality, employment and productivity»
(PIQUE)..
41. Avant la vague de privatisation, des secteurs comme les télécommunications, le gaz et l’électricité ne constituaient pas une charge pour les gouvernements de 15 Etats membres de l’Union européenne. En clair, le prix payé par les consommateurs couvrait les coûts. Or, après 30 ans de privatisation, les citoyens britanniques payaient plus cher (intermédiaires inclus) que leurs voisins européens, là où les pouvoirs publics détenaient encore une participation dans certaines entreprises de télécommunications 
			(43) 
			En
2008, un citoyen britannique payait € 0,5 pour un appel de 10 minutes
(dans un rayon de 3 kilomètres) effectué un jour de la semaine à
11 heures. Le même appel coûtait €  0,2 en Italie et € 0,3 en France
et en Suède. Le prix moyen d’un appel aux Etats-Unis à partir d’un
Etat de l’Union européenne était de € 1,9, contre € 2,2 au Royaume-Uni.
«Network Industries and Social Welfare: The Experiment that Reshuffled
European Utilities», op. cit.. Par ailleurs, le prix d’un appel interurbain au Royaume-Uni était deux fois supérieur à celui qui était payé en Suède. Par rapport aux décennies précédentes, la baisse générale des prix enregistrée dans le secteur des télécommunications est plutôt due au progrès technologique.
42. Dans le secteur du gaz, les citoyens britanniques payaient 1,5 livre pour 1 GJ (gigajoule) en 1978 à l'entreprise publique British Gas; 30 ans plus tard, le prix était passé à 2,5 livres, alors même que le pays avait ses propres réserves de gaz. A titre de comparaison, les prix étaient inférieurs en France et en Espagne, qui devaient pourtant importer leur gaz.
43. L’électricité est le meilleur exemple d’échec en matière de privatisation dans plusieurs pays européens. La corrélation entre les prix et la réussite des réformes a été étudiée sur la base des données de l’OCDE. Dans le cas des télécommunications, aucune corrélation n'a été établie entre la modification des prix et les réformes engagées, et la corrélation était faible dans le secteur du gaz. Dans le cas de l'électricité, en revanche, il était manifeste que les prix augmentaient en raison de la privatisation et de la libéralisation, par comparaison avec les marchés sous contrôle de l'Etat. En outre, les pays dans lesquels le marché de l'électricité était davantage aux mains de sociétés privées enregistraient également un plus grand nombre d'interruptions non prévues. Le ministère britannique de l'Energie et du Changement climatique a récemment publié un livre blanc intitulé «Planning our electric future» dont le constat est clair: au cours des dix prochaines années, la capacité britannique de production d'électricité sera diminuée d'un quart en raison de la fermeture d’anciennes centrales. Or le cadre actuel ne garantit pas les investissements nécessaires. Une nouvelle approche stable et planifiée a été proposée pour attirer les investisseurs.
44. Pour les consommateurs, la qualité des services a également diminué du fait de la libéralisation et de la privatisation dans des domaines comme celui des soins de santé, qui exigent des moyens financiers supplémentaires ou de très bonnes conditions de travail 
			(44) 
			Etudes PIQUE..
45. En outre, l’argument selon lequel le secteur privé apporte des idées et des technologies innovantes et fait donc baisser les prix n’est pas toujours convaincant. Des solutions innovantes susceptibles de réduire les coûts étaient attendues de la privatisation des établissements de soins pour les personnes âgées, qui a eu lieu dans les années 1980 au Royaume-Uni. Mais, comme à l’accoutumée, les économies ont été faites en réduisant les effectifs et les salaires et en centralisant les services d’appui administratif. En réalité, les secteurs publics et privés appliquent souvent les mêmes types de mesures pour réduire les dépenses: suppression de services, transfert des services vers l’Internet, externalisation, réduction des investissements dans les infrastructures, augmentation des tarifs, etc.

3.3. Conditions de travail et emploi

46. La libéralisation et la privatisation des services publics ont été considérées non seulement comme un moyen d’améliorer des indicateurs quantitatifs tels que les prix mais aussi comme une façon d’ouvrir et de flexibiliser le marché, de créer des emplois supplémentaires et donc de renforcer la cohésion sociale. Des études montrent cependant que les chiffres sont contrastés 
			(45) 
			Les études PIQUE font
référence à des pertes d’emplois importantes (hors externalisation)
dans des anciens monopoles tels que l’électricité et les services
postaux dans 15 Etats membres de l’Union européenne entre 1995 et
2004. .
47. Les secteurs publics ont été durement frappés par la crise de 2008, qui a eu une incidence très négative sur les recettes publiques et la part qu’elles représentent dans le PIB de la plupart des Etats membres du Conseil de l’Europe. Suite aux mesures prises par les gouvernements pour lutter contre la crise économique, redonner une stabilité aux marchés financiers, maintenir l’emploi et atténuer les effets du chômage, les budgets publics ont été soumis à des tensions croissantes. La crise de la dette a obligé les gouvernements à adopter des politiques strictes d’austérité budgétaire. Dans toute l’Europe, les secteurs publics ont été la cible principale des politiques d’assainissement budgétaire. Les employeurs du secteur public ont contourné les procédures de négociation collective, et les salaires et les effectifs ont été supprimés ou gelés, le plus fréquemment par une décision unilatérale de l’Etat 
			(46) 
			«The public sector
in the crisis», Vera Glassner, ETUI 2010..
48. La Fédération syndicale européenne des services publics (FSESP) 
			(47) 
			«The wrong target –
how governments are making public sector workers pay for the crisis»,
FSESP. note qu’au cours des dernières années, «[p]artout en Europe, nous avons assisté (…) à des attaques sans précédent contre des centaines de milliers de travailleurs du secteur public». Aux suppressions de postes et au gel des recrutements se sont ajoutés des blocages des salaires. Et certains employeurs du secteur public n'en sont pas restés là. Au mépris des procédures de la négociation collective et des traditions, ils ont tout simplement imposé des réductions de salaires à leurs travailleurs. Parfois même, les réductions de salaires se sont succédé.
49. Le FSESP conclut – sur la base d’une étude comparative du secteur public en Espagne, Estonie, Grèce, Hongrie, Irlande, Lettonie, Lituanie et Roumanie – que «les gouvernements se trompent de cible. Ce ne sont pas les travailleurs ou l’endettement du secteur public qui sont la cause de la crise économique et financière. Et la reprise économique ne sera pas garantie si les gouvernements des pays européens coordonnent leurs mesures d’austérité à la demande d’une Commission européenne qui est focalisée sur les objectifs de déficit et d’endettement fixés par le Pacte de stabilité et de croissance 
			(48) 
			Ibid.».
50. En outre, selon l’Organisation internationale du travail (OIT) 
			(49) 
			«Les ajustements dans
le secteur public en Europe – portée, effets et questions de politique
générale», rapport de l’OIT élaboré en coopération avec la Commission
européenne en 2013. Une étude menée dans 15 Etats membres de l’Union
européenne présentait les conclusions suivantes: certains gouvernements
péchaient par défaut de planification et de transparence dans les
réformes et les restructurations qu’ils avaient entreprises; le
recours accru aux bas salaires dans certains pays, ainsi que d’autres
facteurs, comme la réduction des formations, a créé des problèmes
de recrutement et de fidélisation; et des changements à court terme
ont été mis en œuvre sans évaluation complète des coûts à long terme;
alors que certains pays cherchent à privatiser et externaliser des
services, l’étude soulève la question de savoir dans quelle mesure
il est prouvé clairement que ces processus permettront d’obtenir
des gains d’efficience et des économies sans dégrader la qualité
de ces services; on constate souvent une incapacité à évaluer l’impact
des réformes avant qu’elles soient entreprises; en général, les
gouvernements ont réduit la dépense publique au lieu d’examiner
les moyens d’accroître les recettes; il est apparu clairement que
le dialogue social s’était appauvri et qu’il fallait prendre des mesures
pour le renforcer, voire le relancer, dans certains pays. , les ajustements opérés dans le secteur public en Europe sont d’une grande diversité. Au-delà des similitudes que présentent les réformes entreprises avant la crise, en termes d’externalisation, de multiplication des contrats à durée déterminée, de rationalisation et de décentralisation, les ajustements actuels varient considérablement selon leur nature et leur ampleur, leur calendrier et leur dosage politique.
51. L’OIT conclut que «les ajustements sans précédent opérés dans le secteur public ainsi que l’absence de dialogue social entre le gouvernement et les employés ont dégradé la sécurité de l’emploi, les salaires ainsi que les conditions de travail dans les secteurs publics européens». Selon M. Daniel Vaughan-Whitehead, expert de l’OIT: «Tous ces changements ne sont pas neutres pour la qualité future des services publics. On peut déjà le constater dans l’éducation et la santé, mais les emplois de la fonction publique sont eux-mêmes menacés.» (…) «La dégradation des salaires et des conditions de travail dans le secteur public par rapport au secteur privé n’a pas seulement provoqué une émigration importante – surtout parmi les médecins, les infirmières et les enseignants. Le secteur public a également cessé d’attirer les foules de jeunes diplômés qui lui avaient jusque-là apporté du sang neuf.» 
			(50) 
			Etude
de l’OIT intitulée «Les ajustements dans le secteur public en Europe
– portée, effets et questions de politique générale», Daniel Vaughan-Whitehead,
2012. En outre, l’externalisation et la passation de marchés soulèvent des questions concernant le risque de dumping social.
52. Selon l’OIT, des considérations importantes comme l’égalité, le dialogue social, les perspectives d’emploi, les conditions de travail et l’efficacité des services publics à l’avenir méritent de retenir l’attention. Ce n’est qu’à ces conditions que les services publics en Europe pourront continuer d’être une importante source de cohésion sociale et de croissance économique.

3.4. Confiance dans le secteur public

53. Une étude de la performance dans le secteur public 
			(51) 
			«Countries compared
on public performance», Netherlands Institute for Social Research
SCP, mai 2012. compare la performance de neuf services publics dans 28 pays, la plupart européens, sur la période 1995-2009. Ces services sont les suivants: éducation, soins de santé, sécurité sociale, logement, protection sociale, économie et logistique, protection de l’environnement, loisirs, culture et participation sociale, et administration publique.
54. L’étude montre (sachant que les performances du secteur public sont très diverses dans les différents pays) que les pays nordiques sont généralement performants ainsi que la Suisse et les Pays-Bas. Les pays continentaux (Allemagne, Autriche, Belgique et France) ont de bons résultats concernant l’économie et les infrastructures, et des résultats plus faibles dans l’éducation. Les pays d’Europe centrale (Estonie, Hongrie, Pologne, Slovénie, République tchèque) affichent des performances moins bonnes, surtout dans l’administration publique, les soins de santé, le logement, l’économie et les infrastructures. Comme les pays d’Europe centrale, les pays méditerranéens (Grèce, Italie, Portugal, Espagne) ont des secteurs publics dont les performances sont inférieures à la moyenne.
55. L’étude conclut qu’il n’y a pas, en général, de corrélation entre la dépense et la performance. Une structuration efficiente et efficace du secteur public est plus importante que les sommes d’argent investies. C’est pourquoi, lorsque l’on recherche des moyens d’améliorer la performance du secteur public, il vaut mieux essayer de déterminer quels sont les facteurs de succès qui jouent un rôle dans chaque secteur au lieu de s’efforcer de copier des systèmes entiers de protection sociale.
56. Selon cette étude, la confiance dans le secteur public est élevée dans les pays nordiques et faible dans les pays méditerranéens et d’Europe centrale. Le degré de confiance dans ces groupes de pays correspond largement au niveau de performance du secteur public, même si la confiance dans les pays continentaux est souvent plus élevée que ce que la performance pourrait laisser supposer. Enfin, les personnes sont généralement plus satisfaites de vivre dans des pays où le secteur public est plus performant.
57. Une étude de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement 
			(52) 
			«Life
in transition, after the crisis», BERD, 2013. montre que la satisfaction à l’égard de la prestation de services publics dans les «pays en transition» est assez élevée et a augmenté depuis 2006 dans la plupart des pays malgré l’impact négatif de la crise économique mondiale. Parmi les pays en transition, les niveaux de satisfaction générale semblent être légèrement supérieurs dans les nouveaux Etats membres de l’Union européenne et la Turquie, et généralement plus faibles dans la Communauté d’Etats indépendants, bien qu’il existe des variations considérables dans les sous-régions, par exemple, entre l’Estonie et la Roumanie, la Géorgie et l’Azerbaïdjan, ou la Russie et l’Ukraine. Dans certains pays de transition relativement pauvres (comme la Géorgie et la République de Moldova), les taux de satisfaction concernant la qualité et l’efficacité des services publics sont assez élevés. La satisfaction à l’égard des services publics dans la région de transition est inférieure à celle obtenue dans les pays d’Europe occidentale. La satisfaction globale est plus faible dans des pays qui ont utilisé intensivement les services publics au cours de l’année dernière. Il semble que des taux d’utilisation intensive exercent une forte pression sur la disponibilité (en termes, par exemple, de temps de travail du personnel, de médicaments ou de matériels d’apprentissage) et donc réduisent la capacité de fournir des services de grande qualité et nuisent à la perception de la qualité. En outre, les attentes des citoyens en matière de qualité ont augmenté au fil des ans ainsi que la perception qu’un Etat est responsable de la fourniture de services publics de bonne qualité.

4. Préserver les droits économiques et sociaux en temps de crise

58. En raison de la réforme durable de l’administration publique et des changements opérés dans le secteur public, de nombreux gouvernements sont aujourd’hui confrontés à un secteur public très fragmenté et à un manque significatif de coordination et de coopération. Les effets conjugués des réformes, de la privatisation et des nouvelles mesures d’austérité dans le service public peuvent avoir contribué à saper la confiance des citoyens dans leurs gouvernements dans toute l’Europe.
59. Selon le Commissaire aux droits de l’homme 
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			La sauvegarde des droits
de l'homme en temps de crise, document thématique du Commissaire
aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, 4 décembre 2013., la nouvelle réalité politique placée sous le signe de l’austérité menace plus de soixante ans de solidarité sociale et de développement de la protection des droits de l’homme au sein des Etats membres du Conseil de l’Europe. La crise économique altère en outre la capacité de l’Etat et des collectivités territoriales à assurer la protection des droits de l’homme. Les dépenses sociales publiques ont été les premières visées par les mesures d’austérité dans nombre d’Etats membres. Cela s’est notamment traduit par des réductions ou un plafonnement de la masse salariale – plus particulièrement dans les domaines de l’éducation, de la santé et d’autres services publics – par la rationalisation des régimes de protection sociale, la suppression ou la réduction des subventions aux carburants, à l’agriculture et aux produits alimentaires, un durcissement des conditions d’accessibilité pour un certain nombre de prestations sociales et d’autres réductions visant les systèmes éducatifs et de santé.
60. Les gouvernements des Etats membres du Conseil de l’Europe sont libres de décider de l’organisation spécifique de l’administration publique et de la taille et de la qualité des services publics. Ils sont toutefois tenus de respecter, protéger et satisfaire les droits économiques, sociaux et culturels, recourant pour ce faire aux principaux instruments que sont le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, la Charte sociale européenne révisée, le Code européen de sécurité sociale et les diverses conventions de l’OIT.
61. Tout particulièrement en temps de crise économique, les gouvernements disposent d’une certaine marge de manœuvre au moment de choisir les moyens les plus adaptés pour préserver les droits. On assiste également en période de crise, à un enrichissement de la jurisprudence nationale et internationale portant sur la mise en œuvre des droits de l’homme. C’est notamment le cas en ce qui concerne les obligations incombant aux Etats de protéger les droits économiques et sociaux, d’éviter toute nouvelle érosion et régression de ces droits et de faire en sorte que les mesures d’austérité n’aient pas d’effets disproportionnés sur certaines catégories de la population.
62. Parmi les droits soumis à rude épreuve, le Commissaire aux droits de l’homme évoque le droit au travail, les droits sur le lieu de travail, la protection sociale, les retraites, le logement, la nourriture, l’eau, l’éducation et les soins de santé.
63. Afin de préserver les droits sociaux, économiques et les autres droits fondamentaux en temps de crise, le Commissaire aux droits de l’homme recommande, notamment: d’assurer la transparence institutionnelle, la participation et la responsabilité publique, tout au long du cycle de la politique économique et sociale; d’évaluer de manière systématique les répercussions des politiques économiques, sociales et budgétaires sur les droits de l’homme et l’égalité; de promouvoir l’égalité et de lutter contre la discrimination et le racisme; de garantir une protection sociale pour tous; de garantir le droit à un travail décent; de réglementer le secteur financier dans l’intérêt des droits de l’homme; et de travailler de concert pour réaliser les droits de l’homme à travers la coopération et l’assistance économiques. Le Commissaire recommande par ailleurs d’associer et de soutenir une société civile active; de garantir l’accès à la justice pour tous; de systématiser l’action en faveur des droits de l’homme; et d’associer les structures nationales de droits de l’homme et d’accroître leur influence en réponse à la crise économique. Le Commissaire recommande en outre aux Etats membres de ratifier les instruments européens et internationaux de droits de l’homme dans le domaine des droits économiques et sociaux.

5. L’approche du Conseil de l’Europe en matière de cohésion sociale

64. Selon le Comité des Ministres et l’Assemblée parlementaire, les Etats et leurs administrations jouent un rôle de premier plan pour assurer «le bien-être de tous les membres [de la société], (...) minimiser les disparités et (...) éviter la polarisation» conformément à la définition de la cohésion sociale par le Conseil de l'Europe 
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			«Nouvelle
stratégie et Plan d’action du Conseil de l’Europe pour la cohésion
sociale», Comité des Ministres, 7 juillet 2010.. Les chefs d’Etat et de gouvernement ont décidé au cours de leur deuxième sommet, qui s’est tenu à Strasbourg en 1997, que la cohésion sociale est «une des exigences primordiales de l'Europe élargie et que cet objectif doit être poursuivi comme un complément indispensable de la promotion des droits de l'homme et de la dignité humaine». En 2010, le Comité des Ministres a adopté la Nouvelle stratégie et le Plan d’action pour la cohésion sociale, élaboré lors de la première Conférence des Ministres pour la cohésion sociale.
65. La Nouvelle stratégie définissait la cohésion sociale comme la «capacité d'une société à garantir le bien-être de tous ses membres en réduisant autant que possible les disparités et en évitant la marginalisation, à gérer les différences et les divisions et à se donner les moyens d’assurer la protection sociale de l’ensemble de ses membres». Le Comité des Ministres a appelé la cohésion sociale «un concept politique qui est essentiel à la réalisation des trois valeurs fondamentales du Conseil de l'Europe: droits de l'homme, démocratie et Etat de droit».
66. La Convention européenne des droits de l’homme et la Charte sociale européenne ont formulé des droits économiques et sociaux qui atténuent les craintes des citoyens et garantissent une certaine capacité à faire face à l’avenir. Dans sa Nouvelle stratégie, le Comité des Ministres concluait que les droits sociaux ont joué un rôle important dans le développement de l'Europe, qui se distingue du reste du monde sur ce plan. Ce modèle a permis de créer et de préserver une cohésion et une solidarité sociales, mais il est aujourd'hui mis à mal par la mondialisation et par d'autres évolutions. Selon le Comité des Ministres: «[L]'émergence d'une société fragmentée, dans laquelle davantage de personnes rencontrent des obstacles à la pleine jouissance de leurs droits ou dépendent des prestations sociales et d'autres services publics, et où les inégalités se creusent entre riches et pauvres, constitue l'un des principaux défis à la cohésion sociale en Europe.»
67. En octobre 2012, la deuxième Conférence des Ministres du Conseil de l’Europe responsables de la cohésion sociale a adopté une déclaration intitulée «Bâtir un avenir sûr pour tous». Selon la Secrétaire Générale adjointe du Conseil de l’Europe, la Conférence est venue à un moment crucial: «Le chômage a de lourdes conséquences. L’inégalité des revenus n’a jamais été aussi élevée au siècle dernier et continue de se creuser. Nous observons des tendances extrêmement préoccupantes de marginalisation et d’exclusion de segments entiers de la société.» Le Commissaire aux droits de l’homme a exposé sa vision lors de la Conférence, indiquant qu’il était important de défendre les droits fondamentaux et de promouvoir la cohésion sociale à l’avenir.
68. Le Comité directeur pour la cohésion sociale, la dignité humaine et l’égalité supervisera, encouragera et suivra la mise en œuvre de la Stratégie et du Plan d’action du Conseil de l’Europe pour la cohésion sociale et pourra conseiller le Comité des Ministres au moment de décider si les priorités doivent être revues. Le Comité des Ministres procède actuellement à l’examen de l’ensemble de la stratégie du Conseil de l’Europe en matière de cohésion sociale. A cette occasion, l’Assemblée ne doit pas manquer de faire entendre ses analyses et ses propositions.

6. Conclusions

69. A la lumière de son exposé des motifs, le rapporteur propose que l’Assemblée:
  • rappelle sa Recommandation 1617 (2003) dans laquelle, compte tenu du rôle et de la contribution sans équivalent des administrations publiques en matière de cohésion sociale et d’emploi, elle encourageait les Etats membres à étudier soigneusement toutes les conséquences que pourrait entraîner l’introduction de nouvelles méthodes de gestion du secteur privé avant de les mettre en œuvre;
  • s’inquiète du fait que les récentes réformes de l’administration publique dans les Etats membres puissent néanmoins avoir été guidées dans une trop large mesure par une logique budgétaire et managériale préjudiciable au fonctionnement de l’administration publique et à la qualité des services publics et sapant la confiance des citoyens dans l’administration publique et le fonctionnement de la démocratie;
  • insiste sur le fait que l’intérêt général ne peut se définir à l’aune de la seule réalisation d’économies et doit englober le bon fonctionnement de la société;
  • réaffirme qu’une fonction publique de grande qualité est une condition préalable essentielle pour une démocratie forte et dans un Etat droit et que les Etats membres doivent par conséquent mettre les intérêts de leurs citoyens ainsi que les valeurs communes européenne au cœur de toute future réforme administrative;
  • réaffirme que les Etats et leur administration jouent un rôle de premier plan pour garantir le bien-être de tous les membres de la société, en réduisant les disparités au minimum et en évitant les polarisations, conformément à la définition de la cohésion sociale du Conseil de l’Europe;
  • soutienne fermement les recommandations du Commissaire aux droits de l’homme sur la sauvegarde des droits sociaux, économiques et des autres droits fondamentaux en temps de crise;
  • demande aux parlements des Etats membres:
    • de dûment évaluer les mesures de réforme prises dans le domaine de l’administration et des services publics et de s’inspirer de l’expérience d’autres parlements en la matière;
    • d’élaborer des structures bien délimitées pour établir une distinction plus claire entre les différentes formes publiques et privées d’exécution des politiques;
    • de mettre en place des cadres décisionnels et des critères de référence qui soient clairs et cohérents en matière de privatisation et d’agencification et de confier leur supervision au gouvernement et au parlement; et d’uniformiser et de clarifier davantage la façon dont les décisions adoptées en matière de privatisation et d’agencification doivent être mises en œuvre;
    • de réexaminer si les mesures de réforme, les privatisations et les agencifications récentes ou à venir, sont – toujours – conformes au concept politique de cohésion sociale, lequel est essentiel à la réalisation des trois valeurs fondamentales du Conseil de l’Europe: droits de l’homme, démocratie et Etat de droit;
    • d’améliorer – où et quand cela s’avère nécessaire – le fonctionnement de l’administration et des services publics de manière à ce qu’ils contribuent véritablement à la réalisation des valeurs fondamentales du Conseil de l’Europe;
    • de ratifier les instruments européens et internationaux relatifs aux droits de l’homme concernant les droits économiques et sociaux;
  • soutienne la Stratégie et le Plan d’action du Conseil de l’Europe pour la cohésion sociale, approuvés par le Comité des Ministres le 7 juillet 2010, dans l’attente que le Comité des Ministres informe régulièrement l’Assemblée des progrès réalisés dans la mise en œuvre du Plan d’action;
  • invite le Comité des Ministres à dûment réviser la stratégie actuelle en matière de cohésion sociale et à promouvoir une approche plus innovante.