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Rapport | Doc. 14127 | 25 août 2016

Le sport pour tous: un pont vers l'égalité, l'intégration et l'inclusion sociale

Commission de la culture, de la science, de l'éducation et des médias

Rapporteure : Mme Carmen QUINTANILLA, Espagne, PPE/DC

Origine - Renvoi en commission: Doc 13340, Renvoi 4015 du 27 janvier 2014. 2016 - Quatrième partie de session

Résumé

Le sport est universellement considéré comme l’activité la plus populaire dans le monde. Cela étant, les préjugés sexistes et la discrimination fondée sur l’origine, ainsi que les barrières découlant de la vulnérabilité sociale, dont les handicaps et le contexte culturel, compromettent toujours l’égalité d’accès au sport, et ce, quasiment partout.

Le rapport s’emploie à encourager une approche plus intégrée et plus dynamique de la promotion de l’accès au sport, notamment par une coopération accrue entre les parties prenantes et par la mise en place de mécanismes de contrôle effectif de toute forme de discrimination dans le sport.

Les Etats membres sont invités à réduire les écarts de rémunération fondées sur le genre, de même que les disparités en matière de prix, à reconnaître les résultats des sportives et à accroître considérablement la visibilité médiatique des femmes dans le sport, en particulier en incitant la radiodiffusion de service public à consacrer plus de temps d’antenne au sport féminin et en œuvrant à une vision non sexiste du sport. Ils doivent également envisager de lancer des consultations avec les organisations sportives sur une meilleure redistribution des recettes générées par le sport professionnel de haut niveau afin d’allouer un pourcentage de ces fonds à des projets destinés à améliorer l’accès au sport pour tous.

Le rapport vient à l’appui des travaux de l’Accord partiel élargi du Conseil de l'Europe sur le sport et encourage le Comité international olympique à mettre en place un programme global pour la promotion du sport pour tous et la lutte contre la discrimination.

A. Projet de résolution 
			(1) 
			Projet
de résolution adopté à l’unanimité par la commission le 1er juin
2016.

(open)
1. Le sport est une des activités les plus populaires dans nos sociétés et de très loin la plus présente dans le monde associatif. Au-delà du mieux-être physique et mental que la pratique sportive procure, le sport joue un rôle important pour la cohésion sociale en offrant des possibilités de rencontres et d’échanges entre personnes de sexe, de capacités, de nationalité ou de cultures différents, en renforçant ainsi la culture du «vivre ensemble».
2. L’Assemblée parlementaire note, toutefois, que le sport pour tous n’est pas encore une réalité et souhaite encourager une approche à la fois davantage intégrée et plus dynamique en faveur de l’accès au sport dans les Etats membres du Conseil de l’Europe.
3. Pour ce faire, l’Assemblée recommande aux Etats membres:
3.1. de réorienter les priorités de leurs politiques sportives afin de mettre en valeur l’apport du sport à la réalisation des objectifs d’autres politiques, y compris celles concernant la santé, la cohésion sociale, l’éducation, la jeunesse, la non-discrimination, ainsi que l’accueil et l’intégration des migrants;
3.2. de renforcer la concertation des institutions publiques qui œuvrent dans ces domaines, notamment lorsqu’elles sont en contact avec les jeunes et les groupes vulnérables, et les synergies entre leur action et celle des organisations sportives, afin que les divers acteurs jouent ensemble un rôle actif dans la lutte contre toute discrimination dans le sport.
4. Dans ce contexte les pouvoirs publics devraient en particulier:
4.1. mieux associer le sport scolaire et universitaire, en collaboration avec les organisations sportives, à la promotion du «sport pour tous», notamment afin de toucher une population plus jeune et de réduire le «décrochage sportif»;
4.2. mettre en place, en étroite coopération avec les organisations sportives, des mécanismes pour surveiller de manière régulière et systématique la discrimination dans le domaine du sport, y compris les incidents de discrimination fondée sur le handicap d’une personne, son identité raciale, culturelle ou ethnique, son âge, sa religion, son orientation sexuelle, son identité de genre, son expression sexuelle ou ses caractéristiques sexuelles, afin d'améliorer l’analyse des risques dans ce domaine, d’étudier des stratégies de prévention ciblées, de faciliter le dépôt de plaintes individuelles et de s’assurer que celles-ci sont correctement examinées;
4.3. impliquer davantage les organismes de promotion de l'égalité et les institutions nationales des droits de l'homme dans la lutte contre la discrimination dans le sport, promouvoir leur collaboration à l'organisation d'activités de sensibilisation, et autoriser ces organismes à prendre part aux actions en justice intentées contre les auteurs des faits de discriminations;
4.4. entamer, avec les organisations sportives, une réflexion sur une meilleure redistribution des revenus générés par le sport professionnel de haut niveau – notamment par les événements sportifs majeurs qui génèrent des audiences télévisuelles importantes – afin de destiner un pourcentage de ces revenus aux projets ayant pour but d’améliorer l’accès au sport pour tous;
4.5. accorder une attention particulière à la dimension de genre; à cet égard:
4.5.1. reconnaître la valeur des succès des athlètes féminines et encourager les jeunes femmes à pratiquer un sport: chercher à réduire l’écart de rémunération entre les sexes ainsi que les disparités en matière de rétribution;
4.5.2. augmenter significativement la visibilité des femmes dans le sport, notamment en incitant les services publics de radiodiffusion à accorder plus de temps d’antenne aux sports féminins et par la promotion d’une vision non sexiste du sport;
4.5.3. veiller à l’aménagement d’installations sportives «adaptées aux filles» dans les quartiers défavorisés qui permettraient aux filles et aux jeunes femmes d’avoir accès à la pratique du sport sans crainte, sans violence ni appréhension quant à la manière dont elles sont perçues dans le quartier;
4.5.4. s’engager à éradiquer toute forme de discrimination et de stigmatisation fondée sur le genre, l’expression de genre ou l’orientation sexuelle dans tous les aspects du sport, y compris dans les politiques, les pratiques, l’administration, le financement, la programmation et la formation; en particulier, tenir les personnes pour responsables de l’emploi de propos sexistes lors des compétitions sportives;
4.6. intensifier les efforts visant à intégrer des personnes handicapées dans les activités sportives et soutenir une plus large radiodiffusion des manifestations sportives les concernant;
4.7. chercher des solutions concrètes permettant l’accès des migrants en situation irrégulière au sport, y compris par la mise à disposition d’animateurs sportifs;
4.8. élargir le spectre des actions dans tous les domaines qui exercent une influence sur l’accès au sport, en veillant à ce qu’il soit plus inclusif; encourager notamment les investissements dans des infrastructures accessibles;
4.9. associer les associations sportives et les organisations non gouvernementales aux processus décisionnels qui concernent l’urbanisme de manière à améliorer l’accès au sport pour tous;
4.10. favoriser la création de clubs sportifs dans les zones rurales et les zones urbaines défavorisées et prendre des mesures pour offrir des services publics qui soient accessibles, bon marché et adaptés aux jeunes dans le domaine du sport, comme énoncé dans la Recommandation CM/Rec(2015)3 du Comité des Ministres sur l’accès des jeunes des quartiers défavorisés aux droits sociaux;
4.11. promouvoir la formation des éducateurs sportifs aux principes et bonnes pratiques d’éducation à la citoyenneté, au respect de la diversité dans une société multiculturelle, à la sensibilisation et aux moyens de lutter contre toutes les formes de préjugés sexistes et de discrimination, et à l’inclusion des personnes handicapées;
4.12. promouvoir, en coopération avec les collectivités territoriales, le concept de «sport sur ordonnance» au niveau local;
4.13. soutenir la réalisation de vastes travaux de recherche sur le sport et l’inclusion sociale, afin de promouvoir des politiques scientifiquement fondées et des décisions éclairées dans le domaine du sport.
5. L’Assemblée appelle les Etats membres à apporter leur soutien aux travaux de l’Accord partiel élargi sur le sport (APES) du Conseil de l’Europe sur l’accès au sport pour tous et invite les pays qui ne sont pas encore membres de cet accord partiel à envisager de le devenir.
6. L’Assemblée reconnaît le rôle fondamental que joue le Comité international olympique (CIO) pour favoriser un accès équitable au sport pour tous et l’évolution des mentalités, ainsi que la part jouée par le Comité international paralympique (CIP) et les Fédérations internationale et européenne pour l’activité physique adaptée (IFAPA et EFAPA) dans la coordination de la recherche et de l’information. L’Assemblée appelle dès lors le CIO à élaborer un programme global pour la promotion du sport pour tous et la lutte contre toute forme de discrimination, en étroite collaboration avec les comités nationaux olympiques, les fédérations sportives internationales, les athlètes et les organisations reconnues par le CIO, tout en cherchant à s’assurer la participation active et le soutien des organismes de radiodiffusion et des équipementiers sportifs, en concluant avec eux des accords de partenariat.

B. Exposé des motifs, par Mme Carmen Quintanilla, rapporteure

(open)

1. Portée et objectif du rapport

1. Le sport est reconnu comme étant l’activité la plus populaire dans nos sociétés modernes. Cela est un atout pour nos sociétés.
2. Les politiques publiques mettent en avant le sport dans le but de maintenir la population en bonne santé, et de prévenir certaines maladies, notamment cardiovasculaires. Les scientifiques, tout comme les agences gouvernementales de santé publique, sont unanimes: «Les activités physiques et sportives représentent un formidable potentiel pour améliorer l’état de santé de la population 
			(2) 
			P-H. Bréchat et al., «Activités physiques et
sportives et santé publique», Actualité et dossier en santé publique, no 39,
juin 2002.». Un institut français ajoute que «les effets bénéfiques des activités physiques et sportives sur la santé sont connus depuis l’Antiquité. Et ils sont confirmés par toutes les études épidémiologiques modernes: elles montrent que le risque de décès prématuré est moindre chez les personnes physiquement actives que chez les autres, résultat valable quels que soient l’âge et la cause de décès, de manière plus probante chez les hommes que chez les femmes 
			(3) 
			Site
internet de l’institut français de la santé et de la recherche médicale
(INSERM): <a href='http://www.inserm.fr/thematiques/sante-publique/dossiers-d-information/activite-physique2'>www.inserm.fr/thematiques/sante-publique/dossiers-d-information/activite-physique2.</a>».
3. Diverses organisations gouvernementales et non-gouvernementales ont d’ores et déjà attiré l’attention sur les niveaux inquiétants d’activité physique – ou plutôt le manque d’activité physique – en Europe et les coûts pour la santé publique qui y sont associés 
			(4) 
			La contribution du
Conseil consultatif pour la jeunesse (CCJ), élaborée en février
2016 par Valentin Dupouey, du Réseau étudiants Erasmus, et Mina
Tolu, de l’Organisation internationale des jeunes et des étudiants
homosexuels, bisexuels et transgenres (IGLYO), fait notamment référence
au rapport sur «Les coûts économiques de l’inactivité physique en
Europe»: <a href='http://www.friendsofeurope.org/media/uploads/2015/06/The-Economic-Costs-of-Physical-Inactivity-in-Europe-June-2015.pdf'>www.friendsofeurope.org/media/uploads/2015/06/The-Economic-Costs-of-Physical-Inactivity-in-Europe-June-2015.pdf.</a>. D’après le rapport de l'Association internationale du sport et de la culture (ISCA) et le Centre pour la recherche économique et commerciale (CEBR), «l’inactivité entraîne des coûts économiques de l’ordre de 80,4 milliards d’euros par an pour la seule Europe des 28». La dernière enquête Eurobaromètre sur l’activité physique, limitée aux pays de l’Union européenne, a montré que l’inactivité physique connaissait une augmentation générale 
			(5) 
			<a href='http://ec.europa.eu/health/nutrition_physical_activity/docs/ebs_412_en.pdf'>http://ec.europa.eu/health/nutrition_physical_activity/docs/ebs_412_en.pdf.</a>.
4. Cela étant, l’impact bénéfique de la pratique sportive est toutefois bien plus large que la seule question de santé publique: le sport est un excellent moyen de socialisation entre personnes de sexe, de capacités, de culture ou de nationalité différents; il offre des possibilités de rencontres et d’échanges, aide les immigrés à tisser des liens avec les autres membres de la société et facilite des relations positives avec les groupes victimes de discrimination. Le sport contribue à promouvoir l’égalité entre les femmes et les hommes, ainsi que les liens sociaux et une culture du «vivre ensemble».
5. Ainsi, il est important d’encourager une approche inclusive du sport. Néanmoins, l’accès au sport pour tous est loin d’être une réalité. Pourtant, améliorer l’égalité dans le sport est l’un des objectifs du Conseil de l’Europe depuis le tout début de sa coopération intergouvernementale en ce domaine. La Charte européenne du sport pour tous 
			(6) 
			<a href='https://search.coe.int/cm/Pages/result_details.aspx?ObjectId=09000016804ca89a'>https://search.coe.int/cm/Pages/result_details.aspx?ObjectId=09000016804ca89a</a>., adoptée par le Comité des Ministres en 1975, ainsi qu’un certain nombre de recommandations, constituent des outils de référence en matière de politique gouvernementale du sport.
6. En 2001, les ministres des Etats membres du Conseil de l’Europe se sont engagés à œuvrer contre le racisme, la xénophobie et l’intolérance raciale dans le sport. Les organisations sportives nationales, les clubs, ainsi que les associations antiracistes, se sont vus confier pour tâche principale de mettre sur pied des programmes d’information, d’éducation et de sensibilisation au racisme. Toute une série d’initiatives ont été lancées, que ce soit au niveau national, comme Kick Racism out of Sport (Bottons le racisme hors du sport) au Royaume-Uni, ou au plan international, comme la création du réseau FARE (Le football contre le racisme en Europe). Ce dernier joue aujourd’hui le rôle d’organisation faîtière de lutte contre le racisme et la discrimination dans le sport en Europe.
7. La question du sport pour tous est également suivie par l’Accord partiel élargi sur le sport (APES) 
			(7) 
			<a href='http://www.coe.int/fr/web/conventions/home'>http://conventions.coe.int/Treaty/FR/PartialAgr/Html/Resol20078.htm.</a>, qui offre aux pouvoirs publics des Etats membres de l’Accord une plateforme pour la coopération intergouvernementale dans le sport. Dans ce contexte, une série d’activités (débats politiques et actions de formation et de sensibilisation spécifiquement axés sur la discrimination) ont eu lieu, et des partenariats avec le mouvement sportif et certaines organisations non gouvernementales (ONG) ont été développés.
8. D’autres organisations internationales se sont engagées à favoriser l’accès au sport pour tous, tel que l’Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture (UNESCO), mais aussi le Comité international olympique (CIO) 
			(8) 
			<a href='http://www.olympic.org/news/sport-pour-tous'>www.olympic.org/news/sport-pour-tous.</a> et en particulier sa Commission «du Sport pour tous» 
			(9) 
			<a href='http://www.olympic.org/fr/sport-et-societe-active'>www.olympic.org/fr/sport-et-societe-active.</a>. Le CIO a organisé sur ce thème une série de conférences mondiales dont la dernière a eu lieu à Lima (Pérou) en 2013.
9. Notre Assemblée parlementaire a pris une part active dans la promotion des principes d’égalité, de non-discrimination et d’égalité d’accès au sport pour tous, dans sa Recommandation 1701 (2005) sur la discrimination à l’encontre des femmes et des jeunes filles dans les activités sportives, sa Recommandation 1635 (2003) sur les lesbiennes et les gays dans le sport et sa Résolution 1204 (1999) sur l’Europe et le sport professionnel.
10. L’objectif de mon rapport, qui s’inscrit dans la droite ligne des travaux précédents de l’Assemblée, est d’identifier et analyser les facteurs qui entravent l’accès au sport et de proposer des actions concrètes visant à réduire leur impact négatif, étant convaincue que cela peut représenter une contribution majeure à la lutte contre les discriminations et pour l’inclusion sociale et l’intégration. L’accent est sur le sport amateur (bien que certaines questions – voire certaines actions – puissent également s’appliquer à la pratique du sport professionnel).
11. D’entrée, j’ai identifié trois problèmes importants d'égalité d'accès au sport malheureusement évidents: discrimination de genre de fait; discrimination en raison de l'origine; obstacles résultant d’une vulnérabilité sociale, y compris les handicaps et le milieu culturel. Mme Virginie Rozière, vice-présidente de l’intergroupe sport du Parlement européen, a souscrit à cette analyse 
			(10) 
			Mme Rozière,
qui est une spécialiste des questions d’intégration sociale et d’égalité
des genres dans l’accès et la pratique du sport, a fait une présentation
à notre commission le 2 juin 2015 à Paris..
12. Dans ce contexte, il est important de vérifier si et de quelle manière les différents acteurs collaborent car je suis convaincue qu’il nous faut encourager les efforts conjoints et les partenariats, tant au niveau national qu’international. Je me réfère ici tant aux synergies possibles dans l’action des autorités publiques aux différents niveaux de gouvernement, qu’aux collaborations possibles – et fort souhaitables – entre les autorités publiques et le monde du sport.
13. A cet égard, il faut tenir compte de l’autonomie du mouvement sportif et du rôle qui lui est propre dans la promotion de l’accès au sport, mais aussi souligner la légitimité de l’intervention des pouvoirs publics lorsqu’il s’agit de questions majeures liées à la pratique sportive. Le sport pour tous est justement un domaine où l’intervention de l’Etat est très largement acceptée, comme en témoigne la «loi fédérale sur l’encouragement du sport et de l’activité physique 
			(11) 
			Loi du
17 juin 2011.» en Suisse.
14. La coopération avec les organisations du mouvement sportif devrait tenir compte de la nécessité de garantir l’accès au sport pour tous. A cet égard, les Etats membres pourraient encourager les instances dirigeantes du sport à suivre les lignes directrices pour la bonne gouvernance dans le sport de masse élaborées par l’Association internationale du sport et de la culture 
			(12) 
			<a href='http://www.sportanddev.org/en/toolkit/manuals_and_tools/?5590/1/Guidelines-for-Good-Governance-in-Grassroots-Sport'>www.sportanddev.org/en/toolkit/manuals_and_tools/?5590/1/Guidelines-for-Good-Governance-in-Grassroots-Sport.</a>.

2. Renforcer l’égalité entre les sexes dans le sport

15. Il convient de rappeler que l’écart entre la pratique sportive masculine et féminine que nous constatons encore aujourd’hui résulte, en bonne partie, d’une vision «masculine» stéréotypée de certains sports s’accompagnant parfois d’informations fausses. Il suffit, à cet égard, de se rappeler qu’il y a encore peu, certains sports n’étaient pas «médicalement» recommandés pour les femmes 
			(13) 
			Mareike
König, «Football féminin et société en Allemagne depuis 1900», Football et identité, Ulrich Pfeil
(éd), avril 2006, Paris, France, p. 179-194.. Il était par exemple dit par des experts médicaux que «le football prédispose au genu valgum, il est dangereux pour le corps de la femme et doit lui être interdit dans l’intérêt de la fécondité 
			(14) 
			Ibid.,
p. 8/9.».
16. Il n’est donc pas étonnant qu'en 1989, lors de la finale du championnat d’Europe de football féminin de football, la fédération allemande offrit aux gagnantes «une récompense propre à réjouir de bonnes maîtresses de maison: un service de table et un service à café de second choix 
			(15) 
			Mareike
König, op. cit.». Heureusement, la situation a évolué: l’Union des associations européennes de football (UEFA) favorise le développement du football féminin à travers l’Europe, de même que plusieurs fédérations nationales de football. Certains domaines et clubs sportifs n’en restent pas moins réticents à s’ouvrir à une participation féminine. Par exemple, ce n’est qu’en 2014 que le Royal and Ancient Golf Club de St Andrews, la «patrie du golf», a pour la première fois accepté l’adhésion de femmes.
17. En général, les femmes sont nettement moins adeptes du sport que les hommes. L’enquête Eurobaromètre sur le sport et l’activité physique (2010) a conclu que seulement 8 % des jeunes femmes (15-24 ans) par rapport à 19 % des jeunes hommes pratiquaient une activité physique régulière. Les enquêtes menées dans divers pays ont abouti à des chiffres similaires et révélé l’ampleur du déclin de la pratique d’une activité physique parmi les filles et ce, dès l’âge de 13 à 15 ans. Selon l’enquête Eurobaromètre réalisée en 2010, 43 % des hommes – contre seulement 37 % des femmes – déclarent pratiquer un sport au moins une fois par semaine 
			(16) 
			Egalité homme-femme
dans le sport, Conseil de l’Europe, septembre 2011.. Selon certaines sources, les femmes représentent au total près de 40 % des pratiquants d’une activité physique ou sportive 
			(17) 
			<a href='http://www.livestrong.com/article/247625-gender-discrimination-in-sports/'>www.livestrong.com/article/247625-gender-discrimination-in-sports/. </a>.
18. Les obstacles qui empêchent les femmes de s’impliquer pleinement dans le sport sont les mêmes que ceux qui les empêchent de prendre entièrement part à la société, tels que les stéréotypes, les idées fausses, les risques quant à leur sécurité (tels que le harcèlement sexuel et la violence), l'insuffisance de ressources, la pauvreté et l'absence de modèles 
			(18) 
			<a href='http://www.sportanddev.org/?5417/Discrimination-in-sport-based-on-sexual-orientation-and-gender-identity'>www.sportanddev.org/?5417/Discrimination-in-sport-based-on-sexual-orientation-and-gender-identity.</a>. L’autocensure est également un problème, notamment parmi les jeunes filles qui ont tendance à renoncer à la pratique de certains sports (par exemple la natation) par crainte de s’exposer au regard des autres. Cependant, la recherche soutient également l'idée selon laquelle la valeur placée sur le sport féminin est moindre. Cela conduit à une inégalité de salaire, de prix et de couverture médiatique par rapport aux sports masculins.
19. Bien que les femmes et les filles pratiquant un sport soient aujourd’hui plus nombreuses que jamais, cette augmentation n’a pas trouvé d’écho dans la couverture médiatique des sports féminins. Seuls 3 % environ du temps d’antenne y sont consacrés. Les médias sont pourtant un formidable élément moteur de la popularité d’un sport, quel qu’il soit, tout comme la manière de commenter les matches. Pour autant qu’ils soient couverts, les sports féminins le sont généralement par des hommes qui se contentent d’un reportage de pure forme 
			(19) 
			<a href='http://www.socialistalternative.org/2015/07/17/womens-world-cup-exposes-rampant-fifa-sexism-organize-fight/'>www.socialistalternative.org/2015/07/17/womens-world-cup-exposes-rampant-fifa-sexism-organize-fight/</a>..
20. Une enquête récente réalisée par BBC Sports a révélé que les hommes sont mieux rétribués que les femmes dans 30 % des sports. Sur les 35 sports qui attribuent des gains en espèces, seuls 25 rémunèrent équitablement les femmes et les hommes. Les plus fortes disparités ont été constatées dans le football, le cricket, le golf, les fléchettes, le billard et le squash. Déjà avant 2004, dans les domaines de l’athlétisme, du boulingrin, du patinage, du marathon, du tir, du tennis et du volley-ball, les gains étaient devenus équitables. Ces dix dernières années, neuf autres sports ont entrepris des efforts en ce sens, dont cinq – plongée, voile, taekwondo, planche à voile et dans certaines épreuves de cyclisme – sont récemment parvenus à l’égalité 
			(20) 
			<a href='http://www.bbc.com/sport/football/29744400'>www.bbc.com/sport/football/29744400.</a>.
21. Le tennis a été le premier sport à offrir les mêmes gains en espèces lors des compétitions masculines et féminines, sur le modèle de l’US Open qui a ouvert la voie en 1973 à l’issue d’une campagne menée par Billie Jean King et huit autres joueuses de tennis. La parité salariale n’a été obtenue qu’en 2007, lors du Grand Slam de Wimbledon, grâce aux efforts de Serena Williams qui a combattu en faveur de l’égalité des gains pour les athlètes féminines. Il est intéressant de constater à quel point une seule et unique personne peut être le catalyseur d’un bouleversement profond.
22. Nous pouvons nous estimer heureux que la parité des gains soit aujourd’hui pratiquée dans 70 % des sports. Toutefois, certaines des disciplines les plus relayées par les médias, telles que le football ou le golf, continuent de rémunérer bien plus modestement les joueuses. Dans le domaine du golf professionnel, l’écart entre hommes et femmes prévu pour 2016 est de 83 %. Lydia Ko, meilleure golfeuse 2015, a remporté $US 3,8 millions et touché $US 1,5 million de revenus générés par le sponsoring. Pour sa part, Jordan Spieth, meilleur golfeur, a gagné $US 12 millions de gains en espèces et engrangé $US 30 millions grâce au sponsoring 
			(21) 
			<a href='https://golfsupport.com/blog/golfs-gender-pay-gap/'>https://golfsupport.com/blog/golfs-gender-pay-gap/.</a>. Dans mon pays, l’Espagne, la situation n’est malheureusement pas plus brillante: bien que les femmes représentent plus de 30 % des membres inscrits (elles sont plus de 95 000), les règlements appliqués en matière de tournois et de gains (tant pour leur nombre que pour leur montant) sont discriminatoires. Les femmes pratiquent pourtant le même sport, et au même niveau.
23. Le football est la principale discipline où s’exercent une inégalité et une discrimination dictées par le sexisme. Les footballeuses ne perçoivent qu’une fraction des rétributions de leurs homologues masculins. Ainsi, la Fédération internationale de football association (FIFA) attribue à chaque équipe, qu’elle soit féminine ou masculine, des gains en espèces pour prendre part à la Coupe du Monde. Le montant total déboursé pour la Coupe du Monde féminine 2015 s’est élevé à $US 15 millions alors que $US 576 millions avaient été attribués pour son pendant masculin en 2014. C’est pourquoi les membres de l’équipe féminine américaine de football (soccer) sont en conflit avec leur fédération. Cinq d’entre elles – Alex Morgan, Carli Lloyd, Megan Rapinoe, Becky Sauerbrunn et Hope Solo – ont au nom de toute l’équipe déposé en mars 2016 une plainte au niveau fédéral pour discrimination salariale contre la Fédération américaine de football (soccer) après que l’on a appris que les gagnantes de la Coupe du Monde, bien qu’ayant généré en 2015 près de $US 20 millions de revenus de plus que leurs pairs masculins, avaient été nettement bien moins payées que ces derniers. 
			(22) 
			<a href='https://www.theguardian.com/football/2016/mar/31/us-womens-soccer-team-accuses-federation-wage-discrimination'>https://www.theguardian.com/football/2016/mar/31/us-womens-soccer-team-accuses-federation-wage-discrimination.</a>.
24. La Coupe du Monde féminine qui s’est jouée en 2015 au Canada a été entachée par des actes de discrimination de genre et de sexisme. En effet, la FIFA avait accepté la proposition du Canada d’accueillir les jeux sur des terrains revêtus de gazon artificiel au lieu de gazon naturel. Plus de 40 joueuses d’élite originaires d’Europe, des Etats-Unis et d’Amérique du Sud ont intenté des poursuites contre la FIFA et l’Association canadienne de football (soccer), arguant que la décision d’autoriser les surfaces en gazon artificiel était discriminatoire 
			(23) 
			Aucune autre Coupe
du Monde, ou tournoi majeur, n'ont jamais été joués sur gazon synthétique.
Avant d'accepter la candidature du Qatar pour la Coupe du Monde
masculine de 2022, la FIFA avait demandé au Qatar de veiller à ce
que leurs stades soient équipés de pelouse naturelle.  
			(24) 
			<a href='http://www.socialistalternative.org/2015/07/17/womens-world-cup-exposes-rampant-fifa-sexism-organize-fight/'>www.socialistalternative.org/2015/07/17/womens-world-cup-exposes-rampant-fifa-sexism-organize-fight/.</a>. Contraintes de choisir entre le boycott du tournoi ou l’abandon des poursuites, les joueuses se sont décidées pour cette dernière option en janvier 2015. Cette “rébellion” a cependant eu pour effet positif d’amener l’organisateur de la prochaine Coupe du Monde féminine prévue en France en 2019 – la Fédération française de football – à préciser clairement que tous les matches se joueront sur gazon naturel.
25. Je regrette profondément que bien qu’affirmant que le développement du football est sa mission première, la FIFA continue de sous-financer les matches féminins, qui gagnent pourtant en popularité. Si elle dépense annuellement une somme estimée à $US 900 millions pour faire progresser le football, seuls 15 % servent à financer des programmes visant à développer le football féminin 
			(25) 
			Ibid.. De même, les organes décisionnaires de la FIFA témoignent d’un net déséquilibre entre les sexes. Je reconnais néanmoins que l’intégration d’un membre féminin élu et deux autres membres féminins cooptés au sein du Comité exécutif est une avancée positive – mais insuffisante. Je rappelle également que l’Assemblée a salué dans son rapport sur «La réforme de la gouvernance du football» 
			(26) 
			Doc. 13738, rapport de la commission de la culture, de la science,
de l’éducation et des médias (rapporteur: M. Michael Connarty, Royaume-Uni,
SOC). la création en 2103 du groupe ad hoc pour le football féminin, constitué pour recenser et promouvoir les occasions prioritaires pour le football féminin, ainsi que le lancement du Programme de leadership du football féminin – UEFA, dont le but est d’encourager davantage de femmes à occuper des postes de décision dans le monde du football. Dans ce contexte, je félicite la FIFA pour avoir désigné une femme bien connue au poste de Secrétaire général de l’organisation.
26. Les comportements et propos sexistes sont un autre problème courant dans le sport, et ce, même au plus haut niveau 
			(27) 
			Les remarques sexistes
nuisent à l'image de professionnalisme des joueuses de football
féminin et les réduisent à des objets plutôt qu’à des athlètes,
comme le commentaire largement repris de <a href='http://innate-pear.flywheelsites.com/2015/06/30/fifas-corruption-scandal-game/'>M. Sepp
Blatter</a>, l'ancien Président de la FIFA, «Que les femmes jouent
dans des vêtements plus féminins comme elles le font en volley-ball.
Elles pourraient, par exemple, avoir des shorts plus serrés. Les
joueuses sont jolies, si je puis le dire, et elles ont déjà des
règles différentes que celles des hommes – comme jouer avec une
balle plus légère. Cette décision a été prise en vue de créer une esthétique
plus féminine, alors pourquoi ne pas aussi l’appliquer à la mode?»
(Cité dans <a href='http://www.socialistalternative.org/2015/07/17/womens-world-cup-exposes-rampant-fifa-sexism-organize-fight/'>http://www.socialistalternative.org/2015/07/17/womens-world-cup-exposes-rampant-fifa-sexism-organize-fight/</a>).. De plus, les sportives de haut niveau ne jouissent pas d’une aussi bonne image que leurs pairs masculins. L’étude comparative portant sur le thème «Sport, media and stereotypes – Women and Men in Sports and Media» (Sport, médias et stéréotypes – les femmes et les hommes dans le sport et les médias) 
			(28) 
			Centre
pour l’égalité des genres, Islande, 2006. fait clairement la distinction entre les manières dont les femmes et les hommes y sont dépeints. En premier lieu, on y trouve beaucoup moins d’articles sur les femmes que sur les hommes. En second lieu, on note une forte tendance à l’idéalisation des grands sportifs, qui intéressent le public aussi bien en tant que célébrités de la sphère sociale que du monde sportif. Enfin, dans l’ensemble, les actualités sportives ne renforcent pas les stéréotypes, mais ne les combattent pas non plus. Il y a quelques exceptions, comme, par exemple, la couverture de l'actualité des tournois de tennis féminin professionnels. Ce n’est pas un hasard si seulement trois femmes ont fait leur entrée dans la liste Forbes des 100 athlètes les mieux payés cette année, et toutes les trois – Maria Sharapova, Li Na et Serena Williams – sont des joueuses de tennis 
			(29) 
			Flake C.R., Dufur M.J.
et Moore E.L. (2013), Advantage men: The sex pay gap in professional
tennis, International Review For The
Sociology Of Sport, 48(3), p. 366-376..
27. Les femmes sont minoritaires aux postes à responsabilités dans tous les sports (à l’exception des sports exclusivement féminins), à tous les niveaux et dans tous les pays. Le pourcentage de femmes à des postes de décision et de direction au sein des organisations et clubs sportifs est nettement moindre que celui des membres actifs de sexe féminin 
			(30) 
			Mapping
Gender Equality in European Sport, Professeur Gertrud Pfister, Département
de l’Exercice et des sciences du sport, Université de Copenhague.
28. Beaucoup reste à faire. Les réseaux de télévision pourraient certainement améliorer la qualité de la couverture des épreuves d'athlétisme féminin et devraient chercher à réduire l'écart entre le montant des ressources dans la couverture de sports pour hommes et pour femmes. La couverture de l'actualité du sport féminin, également, devrait inclure une couverture visuelle mais aussi verbale dans des proportions qui sont à peu près équivalentes à la couverture de sports pour hommes 
			(31) 
			Gender
Stereotyping in Televised Sports, Rapport de Margaret Carlisle Duncan,
Ph.D., Michael Messner, Ph.D., Linda Williams, Ph.D., Kerry Jensen,
édité par Wayne Wilson, Ph.D, <a href='http://www.la84.org/gender-stereotyping-in-televised-sports/'>www.la84.org/gender-stereotyping-in-televised-sports/.</a>.
29. Je voudrais également rappeler ici que le sport reste confronté au défi de la participation égale des personnes gays, lesbiennes, bisexuelles, transgenres ou intersexes (LGBTI). Et plus difficile encore que le renforcement de la participation de la population LGBTI aux activités sportives est la possibilité de pouvoir révéler dans ce cadre son orientation sexuelle et son identité de genre sans pour autant s’exposer aux préjugés et à l’exclusion.
30. Me référant à la Résolution 2048 (2015) de l’Assemblée parlementaire sur la discrimination à l’encontre des personnes transgenres en Europe, j’aimerais ici souligner l’urgence qu’il y a d’adopter des mesures spécifiques pour garantir l’accès au sport des athlètes transgenres et intersexes qui font l’objet d’une discrimination sans pareil 
			(32) 
			<a href='http://assembly.coe.int/nw/xml/XRef/X2H-Xref-ViewPDF.asp?FileID=21736&lang=fr'>http://assembly.coe.int/nw/xml/XRef/X2H-Xref-ViewPDF.asp?FileID=21736&lang=fr.</a>. Les Etats membres et les organisations du mouvement sportif devraient prendre en considération les conclusions de la Réunion de consensus du CIO sur le changement de sexe et l’hyperandrogénisme (novembre 2015) qui précisent qu’«il est nécessaire de veiller dans toute la mesure du possible à ce que les athlètes transgenres ne soient pas privés de la possibilité de participer à des compétitions sportives 
			(33) 
			<a href='http://media.wix.com/ugd/2bc3fc_c2d4035ff5684f41a813f6d04bc86e02.pdf'>http://media.wix.com/ugd/2bc3fc_c2d4035ff5684f41a813f6d04bc86e02.pdf.</a>».

3. Renforcer l'inclusion sociale des groupes vulnérables

31. L’intégration est aujourd’hui une question brûlante; réussir l’intégration est un défi commun aux communautés d’accueil et aux communautés accueillies.
32. L’Association for International Sport for All (TAFISA) cherche à montrer, dans chaque forum mondial qu’elle organise, en quoi le sport «intègre» les populations. Par exemple, dans le forum mondial de 2006, une présentation visait à démontrer l’intégration par le sport aux Pays-Bas, en Allemagne, en France, en Afrique du Sud, en Colombie et au Japon 
			(34) 
			TAFISA Magazine, 2007/1, The integrative
force of sport for all: building new understandings.. Des études scientifiques 
			(35) 
			Gasparini
W. (2008), L’intégration par le sport?, Revue
Sociétés contemporaines (Presses de Sciences Po), no 69, mars
2008. montrent cependant qu’en réalité, le processus d’intégration passe davantage par les éducateurs sportifs et le discours et les actions des personnels du sport que par la pratique d’un sport elle-même; néanmoins, il semble indéniable que la dimension socialisante du sport peut favoriser le processus d’intégration.
33. Le problème est que les personnes appartenant à des minorités sont sous-représentées dans le sport. Par exemple, selon une étude effectuée en 2010 dans cinq Etats membres de l’Union européenne (Allemagne, Danemark, Irlande, Pays-Bas et Suède), la participation globale des minorités ethniques et des migrants dans le sport amateur était faible, surtout parmi les femmes et les filles. Contrairement au football, où de nombreuses équipes nationales reflètent la diversité des sociétés européennes, les recherches ont révélé que les migrants ou les minorités ethniques sont particulièrement sous-représentés dans d'autres sports nationaux populaires, ce qui peut affecter l'image des sociétés qui se caractérisent par ailleurs par une grande diversité 
			(36) 
			Racism,
ethnic discrimination and exclusion of migrants and minorities in
sport: the situation in the European Union, FRA, 2010 (En anglais
uniquement – Summary: <a href='http://fra.europa.eu/sites/default/files/fra_uploads/1206-FRA-report-Racism-in-sports-summary-EN-2010-10-28.pdf'>http://fra.europa.eu/sites/default/files/fra_uploads/1206-FRA-report-Racism-in-sports-summary-EN-2010-10-28.pdf</a>; Full report: <a href='http://fra.europa.eu/sites/default/files/fra_uploads/1207-Report-racism-sport_EN.pdf'>http://fra.europa.eu/sites/default/files/fra_uploads/1207-Report-racism-sport_EN.pdf</a>)..
34. Le rapport 2010 
			(37) 
			<a href='http://fra.europa.eu/sites/default/files/fra_uploads/1206-FRA-report-Racism-in-sports-summary-EN-2010-10-28.pdf'>http://fra.europa.eu/sites/default/files/fra_uploads/1206-FRA-report-Racism-in-sports-summary-EN-2010-10-28.pdf.</a> de l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne (FRA) critique sévèrement un «plafond de verre» restreignant l’accès des minorités ethniques et des populations de migrants à de nombreuses disciplines sportives, ainsi que divers obstacles juridiques et administratifs dans certains pays à la participation des non-ressortissants dans des sports tels que l’athlétisme, le basket-ball, le hockey sur glace, le handball, le motocyclisme, le tennis, le golf et le ski alpin. De nombreuses fédérations sportives nationales ont imposé des quotas limitant l’accès des personnes n’ayant pas la nationalité du pays d’accueil aux compétitions amateurs et professionnelles.
35. La Commission européenne contre le racisme et l'intolérance (ECRI) s’inquiète «des problèmes susceptibles de surgir pour les jeunes immigrés qui, en raison du sentiment de rejet éprouvé, peuvent avoir du mal à s’intégrer dans la société d’accueil» 
			(38) 
			Paragraphe 16 de l’exposé
des motifs relatif à la Recommandation de politique générale no 12
de l’ECRI sur la lutte contre le racisme et la discrimination raciale
dans le domaine du sport, <a href='https://wcd.coe.int/ViewDoc.jsp?id=1396797&Site=COE'>https://wcd.coe.int/ViewDoc.jsp?id=1396797&Site=COE.</a>.
36. Les institutions politiques de l’Union européenne, ainsi que l’UEFA et la FIFA, admettent l’existence de problèmes de racisme et de discrimination raciale dans le sport. La FIFA et l’UEFA soutiennent ou collaborent avec des acteurs nationaux et de la société civile européenne intervenant en ce domaine. Des incidents à caractère raciste, antisémite et anti-tsigane ont été observés dans le monde du football et du basketball à travers toute l’Union européenne. Seuls 10 Etats membres de l’Union européenne assurent un suivi systématique des manifestations de racisme dans le sport, principalement concernant le football masculin professionnel, bien qu’elles soient aussi fréquentes chez les amateurs. Ce type d’incidents compromet incontestablement la possibilité d’un sport véritablement inclusif.
37. La discrimination à l’égard de groupes en situation d’exclusion, comme les Roms ou les migrants sans papiers, se retrouve aussi dans les stratégies de communication et dans la construction de l’image des sportifs. Leurs origines sont très souvent mises en avant par les médias, lorsqu’il s’agit d’une nationalité; mais lorsqu’il est question d’une communauté, en plus en situation de vulnérabilité, l’origine n’est en général mentionnée ni dans la presse, ni dans les nouveaux médias.
38. Ainsi, de nombreux anciens ou nouveaux sportifs d’origine rom ne sont pas mis en avant en tant que tels. Il est rare de voir un journaliste rappeler que les footballeurs Zlatan Ibrahimovic 
			(39) 
			Malheureusement, le
racisme contre les sportifs d'origine tzigane/rom est encore fort.
En janvier 2012, une grande banderole moqueuse de son origine tzigane
contre la vedette suédoise de l’AC Milan – Zlatan Ibrahimović –
a été déployée dans sa langue maternelle dans le stade de San Siro
par les fans de l'Inter Milan pendant le derby local entre les deux
clubs. Au lieu du titre «Je suis Zlatan Ibrahimovic», il est écrit
en majuscules en suédois «je suis un gitan» («Jag är en zigenare»).
Ce n'est pas la première fois que l'attaquant suédois est victime
de tels abus spécifiques par les supporters rivaux., Jesus Navas 
			(40) 
			Nous
citerons à ce sujet un article du New
York Times de Rob Hugues, «A free spirit who merits a
look for the World Cup», publié le 6 octobre 2009, qui s’intéresse
à ses origines et dénonce la discrimination dont est victime sa communauté
dans les médias. Article disponible en version électronique à: 
			(40) 
			<a href='http://www.nytimes.com/2009/10/07/sports/soccer/07iht-soccer.html?pagewanted=all&_r=0'>www.nytimes.com/2009/10/07/sports/soccer/07iht-soccer.html?pagewanted=all&_r=0.</a> et Hristo Stoichkov, ou l’ancien boxeur Johann Trollman sont d’origine rom. Les médias participent donc activement à l’exclusion de ce groupe et permettent les discriminations plus générales dont ces communautés sont victimes.
39. Par ailleurs, l’accès des migrants sans papiers au sport institutionnalisé est impossible. Les fédérations sportives demandent généralement des papiers d’identité dans le formulaire d’obtention d’une licence. Cette démarche est sans doute justifiée, car il est nécessaire d’avoir un moyen d’identifier les participants à une compétition sportive pour des raisons de sécurité. Néanmoins, il est important de rappeler que de nombreux jeunes migrent vers l’Europe dans l’espoir de devenir des sportifs professionnels. Le cas des sportifs migrants a déjà été soulevé devant notre Assemblée 
			(41) 
			Au cours du débat à
l’Assemblée portant sur le rapport de Mme Reps,
«Problèmes liés à l’arrivée, au séjour et au retour d’enfants non
accompagnés en Europe», deux députées ont pris la parole pour mentionner
que le rapport devrait tenir compte des enfants migrants dans le
cadre sportif. Il s’agit de Mme Ohlsson
et de Mme Keaveney.. Il conviendrait de réfléchir à la possibilité de permettre la pratique sportive pour les migrants en situation irrégulière. A Lampedusa en Italie, par exemple, un terrain de sport existe.
40. Aujourd’hui, les médias font souvent état d'incidents de discrimination, y compris de racisme ou de sexisme, survenus parmi les spectateurs d'événements sportifs. Par ailleurs, les sports pratiqués par des jeunes sont fréquemment le théâtre de tels événements. Les systèmes de surveillance des incidents de discrimination et de racisme dans le sport n'existent que dans peu d’Etats européens. Ceci dit, la plupart des données disponibles ont trait au football uniquement. Or, de tels incidents se produisent également ailleurs et il devient donc urgent d’en avoir une meilleure visibilité pour élaborer de meilleures stratégies de prévention et prendre des mesures correctives adéquates.

4. Promouvoir l'intégration en surmontant les obstacles sociaux, culturels et autres barrières qui empêchent l'accès au sport

41. Les principaux facteurs d’inégalités liés à des critères sociaux dans l’accès au sport sont le lieu d’habitation, le revenu, le niveau de formation et la profession. Les facteurs socio-économiques se combinent ici avec le facteur du genre: chez les femmes, ils surdéterminent, plus fortement que chez les hommes, les probabilités de se livrer à une activité sportive. Le revenu est souvent un facteur clivant dans la pratique d’une activité sportive. La Suisse est un pays où le revenu constitue le facteur d’influence prédominant 
			(42) 
			Office
fédéral du sport OFSPO en Suisse, Rapport «Sport Suisse 2014. Activité
et consommation sportives de la population suisse», p. 27. Il résulte
de ce rapport qu’une femme entre 15 et 29 ans sera une sportive
très active dans 39 % des cas si elle fait partie des 50 % ayant
le revenu le plus faible, alors que 53 % des femmes sont des sportives
très actives parmi les 50 % ayant le revenu le plus élevé. La différence
est sensiblement la même chez les hommes, et peu importe l’âge.: plus le revenu d’un individu est élevé, plus celui-ci aura de chances de pratiquer une activité sportive.
42. Dans ce contexte, 22 % des Françaises ne pratiqueraient aucune activité physique et ce taux s’élèverait à 42 % pour les femmes sans emploi. Au Royaume-Uni, les femmes dont le revenu annuel du ménage s’élève à £ 52 000 ou davantage sont trois fois plus susceptibles d’être physiquement actives que les femmes dont celui-ci est inférieur à £ 15 600. Toutefois, l’activité professionnelle ne conduit pas automatiquement à la pratique d’une activité physique ou sportive. Des recherches menées en France montrent que le niveau d’études est le facteur le plus discriminant dans l’accès des femmes aux activités physiques, avant même le niveau de ressources 
			(43) 
			Egalité homme-femme
dans le sport, Conseil de l’Europe, septembre 2011..
43. Les inégalités d’accès à la pratique sportive en Europe diffèrent sensiblement en fonction des pays. Ainsi, on distingue une corrélation entre la richesse d’une nation et les infrastructures permettant une pratique sportive de loisir ou de compétition (gymnases, terrains, piscines, skate-park, salles de fitness, aménagements pour les sports de nature, etc.) 
			(44) 
			Les
citoyens issus des Etats ayant le produit intérieur brut (PIB) le
plus élevé déclarent quasiment tous que «la région dans laquelle
ils habitent leur offre de nombreuses possibilités de pratique d’activités
physiques». En revanche, dans des pays de l’est et du sud de l’Europe
(Roumanie, Bulgarie, Malte, Portugal, République slovaque, Pologne),
qui font partie des pays avec un PIB plus faible, moins de 60 %
des citoyens questionnés se déclarent satisfaits de l’offre d’infrastructures
sportives.. Néanmoins, cette donnée est à relativiser: en effet, un citoyen de l’Union européenne sur deux pratique un sport soit chez lui, soit dans la nature, là où aucune construction publique ou privée additionnelle et/ou spécifique n’est nécessaire.
44. Le milieu culturel, en particulier dans son aspect religieux, est également susceptible de provoquer l’exclusion ou d’empêcher l’accès au sport. Ainsi, certaines règles ou pratiques bien ancrées dans les sports collectifs peuvent être considérées comme inacceptables pour des motifs religieux. D’autres barrières peuvent surgir en raison de la culture d’origine, ou simplement de sensibilités personnelles, par exemple face à une pratique sportive aux comportements codifiés, comme le Judo, et face à la mixité, qui change la représentation que l’on a de son corps. Ce type de problèmes soulève des questions délicates dont il pourrait être utile de tenir compte, notamment en définissant le rôle que jouent (ou devraient jouer) les associations et entraîneurs, et pour intégrer la formation de ces derniers, afin qu’ils sachent favoriser par leurs attitudes des pratiques sportives inclusives car respectueuses de sensibilités personnelles diverses.
45. Les conditions nécessaires à l’exercice d’une activité sportive ne sont toujours pas réunies pour les personnes handicapées. Celles-ci continuent de se heurter à des problèmes d’accessibilité aux terrains, équipements et autres matériels sportifs. Les obstacles rencontrés par cette population sont d’une part infrastructurels et techniques et, d’autre part, sociaux (stéréotypes, préjugés, etc.).
46. Les systèmes d’éducation doivent être inclusifs. Les établissements scolaires doivent assurer la participation des élèves et des étudiants handicapés aux cours d’éducation physique et aux activités extrascolaires organisés par leurs soins. Malheureusement, seuls quelques pays de l’Union européenne ont mis en œuvre des programmes sportifs spécialement adaptés aux enfants handicapés.
47. Les difficultés d’accès à la pratique sportive pour les individus qui sont porteurs de handicaps méritent ici une attention particulière. 165 pays ont participé aux derniers jeux paralympiques à Londres en 2012. Si l’on compare ce chiffre au nombre de pays reconnus par les Nations Unies, peu de pays n’y ont pas participé. Tous les Etats membres du Conseil de l’Europe avaient une délégation aux derniers Jeux Paralympiques, à l’exception de Monaco. Pour l’Albanie, celle-ci a été la première participation.
48. Cette réussite ne doit pas cacher les difficultés d’accès à la pratique sportive que les porteurs de handicaps continuent de rencontrer. Ces difficultés résident surtout dans l’accès aux infrastructures sportives et aux clubs. Des pays comme la France ou le Royaume-Uni comptent des milliers de clubs répartis sur tout leur territoire 
			(45) 
			La
France compte par exemple 1 641 clubs reconnus par la Fédération
française handisport. Le Royaume-Uni compte 2 585 clubs reconnus.. Cependant, si la France compte plus de 17 000 clubs de football, elle ne compte que 259 clubs affiliés à la fédération handisport permettant de pratiquer une activité footballistique 
			(46) 
			Nous avons additionné
les clubs de foot à 5, à 7, à 11, de foot en fauteuil électrique
et de football de table. Ces chiffres ne comprennent pas le cécifoot.. On est donc très loin de permettre un accès sur l’ensemble du territoire. Au Royaume-Uni, une étude a montré que 61 % des 443 personnes interrogées pensent que leur club n’a pas les infrastructures permettant la pratique sportive par un porteur de handicap 
			(47) 
			L’étude est reprise
dans un document de «Sport and recreation alliance», qui est l’association
faîtière de sport et de loisirs au Royaume-Uni. Consultable à l’adresse
suivante, p. 11: www.sportandrecreation.org.uk/sites/sportandrecreation.org.uk/files/web/images/Olympic%20and%20Paralympic%20legacy%20survey_1.pdf. . Il serait intéressant de pouvoir comparer ces données avec celles d’autres pays en Europe.
49. L’inclusion représente un défi pour la collectivité tout entière. L’élimination des barrières qui font obstacle à l’accès au sport pour tous, à travers une action consciente et ciblée, passe par une première étape qui repose sur la compréhension et la sensibilisation 
			(48) 
			Sport et discrimination
en Europe, William Gasparini et Clotilde Talleu, Editions du Conseil
de l’Europe, septembre 2010, <a href='http://www.coe.int/t/dg4/epas/resources/6721-7 ID 8707 Sport et discrimination en Europe.pdf'>www.coe.int/t/dg4/epas/resources/6721-7%20ID%208707%20Sport%20et%20discrimination%20en%20Europe.pdf</a>. Du point de vue des droits de l’homme, l’accès au sport soulève la question de l’égalité et de la lutte contre la discrimination. En cela l’éducation physique adaptée peut être considérée comme un tremplin dans la bonne direction. La volonté de changement devrait venir tant du participant que du club et recevoir le soutien des collectivités locales. Les fournisseurs de programmes d’activité physique adaptée devraient avoir vocation à faire bouger les lignes plutôt que de maintenir les choses en l’état, en endossant pour cela le rôle d’animateurs et de consultants, ou celui d’amis critiques comme dans les écoles britanniques ou encore de gestionnaires de cas comme dans les structures sportives australiennes.
50. Le rapport de 2010 de l'Agence des droits fondamentaux sur le racisme dans le sport 
			(49) 
			Racism,
ethnic discrimination and exclusion of migrants and minorities in
sport: the situation in the European Union, FRA, op. cit. indique que dans au moins 16 Etats membres de l'Union européenne, des organismes de promotion de l’égalité 
			(50) 
			Voir
le réseau Européen d’organismes de promotion de l’égalité Equinet: <a href='http://www.equineteurope.org/361.html'>www.equineteurope.org/361.html.</a> ou d'autres institutions, telles que les institutions nationales des droits de l'homme, interviennent en cas d’inégalité d’accès au sport, d'incident raciste ou de discrimination ethnique dans le sport. Les organismes de promotion de l'égalité et les institutions nationales des droits de l'homme devraient, donc, être davantage impliqués dans la lutte contre la discrimination dans le sport. Ils pourraient collaborer avec les fédérations et les clubs sportifs à l'organisation d'activités de sensibilisation et offrir un soutien aux victimes éventuelles, et, s'ils y sont autorisés, prendre part aux actions en justice intentées contre les auteurs des faits.
51. Le Conseil de l’Europe s’est activement employé à promouvoir l’intégration en éliminant les obstacles sociaux, culturels et autres qui entravent l’accès au sport. Les 7 et 8 octobre 2013, à Budapest, il a tenu une conférence sur le thème «L’inclusion et la protection des enfants dans et par le sport», conférence co-organisée par l’Accord partiel élargi sur le sport (APES) et le Secrétariat hongrois au Sport en coopération avec la Campagne UN sur CINQ du Conseil de l’Europe contre la violence sexuelle à l’égard des enfants. Concernant l’inclusion des enfants roms dans et par le sport, des actions spécifiques ont été envisagées. Les participants ont proposé que l’APES organise des séminaires régionaux dans le but de réunir les responsables des différents projets concernés et d’échanger des informations et des bonnes pratiques, et de partager des informations sur les possibilités de financement visant à augmenter le nombre de projets ciblant les jeunes Roms. Il a également été suggéré que l’APES partage des expériences de l’approche des jeunes Roms par le sport dans l’objectif de les intégrer dans un parcours éducatif, avec les autorités et les organisations qui travaillent sur le projet de l’Education pour tous.
52. L’on peut citer plusieurs exemples positifs de politiques en faveur de l’intégration par le sport. Prenons celui de la Suisse où les travaux approfondis menés ces dernières années ont amené le Centre de compétences à formuler une approche plus systématique en matière de promotion de l’intégration par le sport 
			(51) 
			Le sport à l’épreuve
de la diversité culturelle, William Gasparini et Aurélie Cometti,
Editions du Conseil de l’Europe, avril 2010, 
			(51) 
			<a href='http://www.coe.int/t/dg4/epas/resources/6717 Sport epreuve de la diversite culturelle assemble.pdf'>www.coe.int/t/dg4/epas/resources/6717%20Sport%20epreuve%20de%20la%20diversite%20culturelle%20assemble.pdf.</a>. Ce Centre a entrepris plusieurs actions concrètes, parmi lesquelles l’élaboration d’un manuel à l’intention des moniteurs de sport fondé sur les résultats de la recherche appliquée, la conception et la mise en œuvre de cours destinés aux moniteurs de sport, aux enseignants et à d’autres groupes cibles, l’application du concept aux programmes d’activité physique en place ou encore la création d’une plateforme de diffusion des informations, de partage de connaissances et de mise en réseau. Ces actions seront évaluées par l’Office fédéral suisse du sport et en fonction des résultats de cette évaluation, le programme sera adapté et mis en œuvre 
			(52) 
			<a href='http://www.baspo.admin.ch/internet/baspo/fr/home.html'>www.baspo.admin.ch/internet/baspo/fr/home.html.</a>.

5. Pour une réorientation des politiques sportives en Europe

53. A l’issue de cette analyse, il faudra se demander ce que nous pouvons changer pour être plus efficaces dans la lutte contre les inégalités constatés tout en sachant que les moyens à la disposition des pouvoirs publics ne sont pas extensibles et que, aujourd’hui, la tendance est plutôt aux réductions budgétaires qu’à la hausse. Il faut tout d’abord arrêter de se dire que la marge de manœuvre est trop étroite pour faire bouger les choses et avoir le courage d’agir, et le faire de façon réfléchie.
54. A cet égard, ma première proposition est de changer de perspective et de recentrer les politiques sportives sur deux axes prioritaires: santé publique et intégration/cohésion sociale. Les objectifs d’une politique sportive à l’échelon national devraient être le bien-être des personnes, et le vivre ensemble au sein d’une communauté nationale. Cette approche n’aurait au fond rien de surprenant.
55. D’une part, les Européens eux-mêmes déclarent à plus de 60 % qu’ils pratiquent une activité sportive pour améliorer d’abord leur santé 
			(53) 
			Commission
européenne, Eurobaromètre spécial, no 412,
«Le sport et l’activité physique», mars 2014.. Il faudrait prendre davantage en considération ce constat dans le cadre des politiques publiques: le sport est une pratique pour la santé et toute inégalité d’accès au sport fait obstacle aux démarches personnelles visant à se maintenir en bonne santé. Autrement dit, investir dans le sport peut favoriser la maîtrise des dépenses pour le système de santé en agissant comme facteur de prévention.
56. Cela mérite réflexion d’autant plus que les habitudes de vie dans nos sociétés modernes engendrent des risques de santé que le sport peut aider à contrer. A cet égard, les études de la European Society of Cardiology, Euroaspire I, II et III en particulier, démontrent que les modes de vie des Européens sont très souvent malsains, ce qui favorise les risques de maladies cardiovasculaires et de diabète.
57. D’autre part, le sport offre des opportunités de rencontre avec l’autre et de dialogue, et nous savons bien qu’il peut être un élément puissant pour favoriser la création et le renforcement d’un sentiment d’appartenance local, national et même européen: le sport est donc en relation avec «le vivre ensemble». William Gasparini et Clotilde Talleu ont fait observer que «le sport revêt des vertus intégratives, il peut contribuer à la construction de l’individu, il peut également consolider et diversifier la socialisation, mais à la condition qu’il soit pensé et organisé de manière à répondre à ces finalités». 
			(54) 
			Sport
et discrimination en Europe, William Gasparini et Clotilde Talleu, op. cit.
58. C’est pourquoi je regrette la faible considération apportée à la pratique sportive dans le rapport du Conseil de l’Europe «Vivre ensemble. Conjuguer diversité et liberté dans l’Europe du XXIe siècle 
			(55) 
			Rapport du groupe d’éminentes
personnalités du Conseil de l’Europe.». Le potentiel du sport y est mentionné, mais sous-estimé. Pour moi, le sport doit être un élément à part entière dans la construction et dans l’amélioration de la vie en société. Les clubs sportifs en tant qu’associations ont un potentiel de socialisation déterminant, tout simplement parce que les citoyens apprécient l’activité sportive. Le sport, parce qu’il passionne, grâce aussi aux exemples positifs que ses champions peuvent donner et aux messages qu’ils peuvent transmettre au grand public, a tout son rôle à jouer dans la construction des liens sociaux: investir dans le sport peut nous aider à bâtir des sociétés plus unies et solidaires.
59. Ce double constat devrait nous amener à une double conclusion:
  • si les inégalités d’accès au sport ont une incidence directe sur la santé publique, alors les politiques sportives devraient être mieux coordonnées avec les politiques de santé afin de lutter contre ces inégalités;
  • si les inégalités d’accès au sport ont une incidence directe sur le vivre ensemble, alors les politiques sportives devraient être mieux coordonnées avec d’autres politiques qui visent l’intégration et la cohésion au sein de nos sociétés, y compris les politiques sociales et la politique d’éducation.
60. La perspective que je viens d’évoquer nous ouvre ainsi de nouvelles pistes de réflexion qui me semblent intéressantes. Par exemple, le développement progressif des dispositifs du type «sport sur ordonnance» 
			(56) 
			Le
sport sur ordonnance est un projet pilote en cours en France. Il
est testé à Strasbourg, où des médecins prescrivent à des diabétiques,
malades chroniques, obèses et personnes souffrant de problèmes cardiaques
un régime consistant à pratiquer la natation, l’aviron, la marche
nordique ou le cyclisme. Ce projet est géré par la municipalité, l’Agence
régionale de santé d’Alsace, l’Assurance maladie locale, la préfecture
et les autorités éducatives. Il regroupe 50 médecins bénévoles qui
prescrivent de l’exercice à leurs patients après un examen médical
effectué dans le cadre du plan «Sport-santé sur ordonnance». L’ordonnance
permet aux patients de consulter des formateurs spécialisés pour réaliser
un examen médical supplémentaire et d’obtenir un bon pour une inscription
gratuite dans une activité sportive. <a href='http://www.connexionfrance.com/sport-prescription-Strasbourg-social-security-budget-14232-view-article.html'>www.connexionfrance.com/sport-prescription-Strasbourg-social-security-budget-14232-view-article.html.</a> pourrait être une initiative commune entre ministères des sports et de la santé. Et encore, encourager les enfants et les adolescents à s’inscrire à une pratique sportive scolaire permet de prolonger le rôle de l’école dans le domaine du sport. C’est un excellent complément aux cours d’éducation physique et sportive, qui ne disposent pas d’un volume horaire conséquent pour les élèves. Une offre adéquate de sport scolaire peut également favoriser un choix différent des jeunes concernant l’utilisation de leur temps libre, car pour la santé et la socialisation, une heure de loisir sportif est une excellente alternative à une heure de plus devant un ordinateur ou une tablette. En Espagne, la loi 10/1990 situe clairement le sport parmi les éléments fondamentaux du système éducatif et vise à promouvoir la pratique d’activités sportives par les jeunes et les personnes handicapées, également grâce à l’installation d’équipements sportifs adaptés dans les établissements éducatifs publics et privés.
61. En France, un récent rapport de la Cour des Comptes rappelle les contrats de partenariats signés entre plusieurs fédérations de sport scolaire, et 19 fédérations sportives classiques 
			(57) 
			Cour des Comptes, rapport
public thématique sur «Sport pour tous et sport de haut niveau:
pour une réorientation de l’action de l’Etat», 2013.. Ces partenariats permettent aux écoles d’utiliser les infrastructures des clubs dans une démarche éducative, évitant ainsi la construction d’équipements lourds pour des petites structures scolaires, qui ont rarement les moyens de les construire. Les fédérations de sport scolaire contribuent ainsi à pallier aux inégalités d’accès au sport.
62. Le lien entre sport, éducation et intégration apparaît de manière encore plus évidente si on pense au rôle que peuvent avoir les éducateurs sportifs, dont l’emprise sur les jeunes sportifs est notoire. Ainsi, pour combattre les stéréotypes, on pourrait former les éducateurs sportifs pour qu’ils soient aussi un véhicule de l’éducation à la citoyenneté démocratique. Souvent, des jeunes qui refusent l’autorité parentale et l’autorité scolaire restent à l’écoute de leur entraîneur ou éducateur sportif; si cet éducateur est formé et répète un discours qui amène les jeunes à se poser la question de leur place en tant que citoyens, cette démarche peut être très efficace en termes d’intégration sociale.
63. La réflexion sur la dimension sportive d’autres politiques peut aller plus loin encore. Nous savons que l’absence de moyens économiques, couplé à l’insuffisance des structures accessibles à un prix modéré, demeure l’entrave principale à l’accès au sport pour la population dans son ensemble. La clé de la lutte contre ce type d’inégalité se situe dans la capacité du secteur public et privé à financer des infrastructures sportives; mais celles-ci impliquent en général un budget conséquent – parfois tout simplement non soutenable – pour les autorités publiques concernées (qu’elles soient locales, régionales ou nationales).
64. Une tendance à encourager pour contourner cet obstacle est celle du développement de partenariats entre le secteur public et le secteur privé dans la construction de ces infrastructures 
			(58) 
			Ces partenariats peuvent
revêtir des formes différentes: 
			(58) 
			– la première est
celle où l’Etat est l’acteur majeur dans la construction et la gestion
de l’équipement, et ne fait appel que pour certaines tâches limitées
au secteur privé. C’est le cas de très nombreuses piscines municipales
en Europe; 
			(58) 
			– la seconde est celle où l’Etat confie
la construction de l’équipement à une entreprise privée, et en assure
seul la gestion; soit c’est l’inverse: l’Etat finance la construction
de l’équipement, mais ne s’estime pas assez compétent pour rentabiliser
son utilisation et fait donc appel à une entreprise privée pour
la gestion au cours d’une période donnée fixée par contrat. Ces
cas de figure sont souvent appliqués aux grands stades; 
			(58) 
			–
enfin, l’Etat peut totalement déléguer la construction et la gestion
d’un équipement sportif à une ou plusieurs entreprises privées,
et ne garder qu’un pouvoir de contrôle sur ce qui est réalisé.. Mais cela n’est pas suffisant. Dans les zones rurales à faible densité de population et qui n’ont que peu de moyens, les pouvoirs publics visent en priorité – à juste titre – le développement d’autres infrastructures. On pourrait néanmoins mieux intégrer la dimension du sport dans les projets de développement.
65. Dans les projets concernant les zones de développement économique, de même qu’on songe aux parkings, ne serait-il possible d’aménager certaines zones avec des équipements sportifs? Cela pourrait aussi constituer un atout. De façon similaire, dans le cadre de la construction ou rénovation d’une école ou d’une université on pourrait réfléchir aussi aux équipements sportifs: le traçage d’une piste d’athlétisme, l’aménagement d’un terrain de basket ou de football, la création d’un gymnase omnisport ne sont pas forcément des dépenses prohibitives et peuvent être tout aussi importants pour l’environnement scolaire que d’autres équipements.
66. Les pouvoirs publics devraient encourager la création de clubs sportifs dans les zones rurales et les zones urbaines défavorisées. Des mesures devraient être prises pour mettre en œuvre la Recommandation CM/Rec(2015)3 du Comité des Ministres sur l’accès des jeunes des quartiers défavorisés aux droits sociaux laquelle appelle les Etats membres à «améliorer les conditions de vie des jeunes des quartiers défavorisés en offrant des services publics accessibles, bon marché et adaptés aux jeunes» dans différents domaines, dont le sport. Elle recommande notamment de prendre des mesures visant «à garantir un accès total et égal aux installations sportives publiques, notamment en investissant dans leur construction ou leur rénovation».
67. Les pouvoirs publics devraient également s’employer à lutter contre le désintérêt marqué que suscite le sport féminin dans ce que l’on appelle les zones urbaines prioritaires 
			(59) 
			Sport et discrimination
en Europe, William Gasparini et Clotilde Talleu, op. cit. 
			(59) 
			<a href='http://www.coe.int/t/dg4/epas/resources/6721-7 ID 8707 Sport et discrimination en Europe.pdf'></a>. Sachant que la culture de la rue exerce une influence croissante dans la socialisation d’une partie des filles de ces quartiers, des efforts supplémentaires devraient être déployés pour proposer de nouvelles solutions positives. Le fait est que l’offre sportive dans ces quartiers s’adresse spécifiquement aux garçons. La mise à disposition d’équipements sportifs adaptés aux filles dans les quartiers défavorisés devrait permettre aux filles et aux jeunes femmes d’avoir accès à la pratique du sport sans crainte, sans violence ni appréhension quant à la manière dont elles sont perçues dans le quartier. En Espagne, la loi organique 3/2007 sur l’égalité entre les hommes et les femmes exige que ce principe soit dûment considéré lors de la conception et de la mise en œuvre de tout programme public en matière de développement du sport et appelle le gouvernement à promouvoir l’accès au sport pour les femmes de tous âges et de tous niveaux (y compris décisionnaire) par le biais de programmes spécifiques.
68. Il faudrait aussi appréhender différemment les enjeux économiques du sport et entamer une réflexion sur une meilleure redistribution des revenus généré par le sport professionnel de haut niveau – en particulier grâce à des événements sportifs de grande envergure qui génèrent des audiences télévisuelles importantes – afin de réserver un pourcentage de ces revenus pour le financement de projets ayant pour but d’améliorer l’accès au sport pour tous. C’est une question d’intérêt général.
69. Par ailleurs, il faut observer que certains obstacles sont renforcés par des attitudes qu’il est possible de modifier sans efforts financiers supplémentaires. Par exemple, le service public de radio-télévision pourrait faire un peu plus de place au sport féminin et, en tout état de cause, promouvoir une vision du sport non sexiste.
70. Les collectivités territoriales devraient être encouragées à mettre en place, en coopération avec les fédérations sportives, des mécanismes efficaces pour surveiller la discrimination dans le domaine du sport, y compris les incidents de discrimination fondée sur le handicap d’une personne, son identité raciale culturelle ou ethnique, sa religion, son orientation sexuelle, son identité de genre, son expression de genre ou ses caractéristiques sexuelles, afin d'améliorer l'enregistrement de ces incidents et de faciliter le dépôt de plaintes individuelles.
71. Je tiens également à manifester mon soutien à la proposition du Conseil consultatif pour la jeunesse du Conseil de l’Europe appelant à promouvoir de vastes travaux de recherche sur le thème du sport et de l’inclusion sociale, afin d’élaborer de futures politiques scientifiquement fondées et de prendre des décisions éclairées dans le domaine du sport.
72. Enfin, le sport pour tous est un domaine où la collaboration entre les pouvoirs publics et le monde du sport peut se faire, me semble-t-il, assez aisément, les intérêts étant convergents. Le Comité international olympique (CIO) et les comités nationaux olympiques ont selon moi un rôle fondamental à jouer dans la promotion d’un accès équitable au sport pour tous ainsi que dans l’évolution des mentalités, non seulement dans le cadre de leurs propres actions mais aussi en tant que catalyseurs de la participation d’autres partenaires majeurs, notamment les grandes organisations sportives internationales, les organismes de radiodiffusion et les équipementiers sportifs. C’est pourquoi je propose que ce rôle soit reconnu et que l’on demande au CIO et aux Comités nationaux olympiques d’apporter leur concours en la matière.