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Résolution 2330 (2020)

Lutte contre la violence sexuelle à l'égard des enfants: renforcer l'action et la coopération en Europe

Auteur(s) : Assemblée parlementaire

Origine - Texte adopté par la Commission permanente, agissant au nom de l’Assemblée, le 26 juin 2020 (voir Doc. 15109, rapport de la commission des questions sociales, de la santé et du développement durable, rapporteure: Mme Doreen Massey).Voir également la Recommandation 2175 (2020).

1. L’Assemblée parlementaire est très inquiète de la propagation de la violence sexuelle à l’égard des enfants et du fait que des enfants de plus en plus jeunes en sont victimes. Des millions de jeunes filles et de jeunes garçons sont affectés dans le monde. Bien qu’on estime qu’en Europe au moins un enfant sur cinq souffrirait de violences sexuelles, le plus souvent cette violence reste non signalée par honte, déséquilibre des rapports de force entre victimes et auteurs, crainte d’avoir à divulguer des informations intimes et peur que la déclaration n’empire la situation de la victime au lieu de l’améliorer.
2. À l’heure où l’Europe lutte contre la pandémie de covid-19 et où de nombreux pays ont instauré un confinement, le risque de violences sexuelles à l’égard d’enfants est encore plus grand. Beaucoup d’enfants se retrouvent confinés avec des personnes dont ils sont déjà victimes d’abus ou qui risquent d’abuser d’eux, et hors de la vue de celles et ceux qui, en temps normal, pourraient détecter, prévenir ou signaler les abus potentiels. Les enfants qui vivent dans la pauvreté sont plus fortement exposés à l’exploitation sexuelle. Les risques liés à internet ont aussi augmenté car les enfants passent plus de temps à jouer en ligne et à utiliser les réseaux sociaux et les plateformes éducatives. Les systèmes de protection de l’enfance ne sont pas suffisamment équipés pour remplir leur mission en temps de crise sanitaire mondiale.
3. La violence sexuelle à l’égard d’un enfant a de graves répercussions sur son bien-être, y compris plus tard dans sa vie. C’est une atteinte à la dignité humaine et une grave violation des droits humains, notamment les droits de l’enfant.
4. L’Assemblée observe que la violence sexuelle à l’égard des enfants existe dans une variété de contextes: que ce soit dans le foyer familial, à l’école, dans les clubs sportifs, dans les orphelinats, les camps de réfugiés ou sur internet. Cette violence peut prendre diverses formes, d’attouchements inappropriés jusqu’au viol collectif, ainsi que des abus sexuels commis par des adultes en position d’autorité. C’est donc un phénomène vaste, qui appelle des approches et des politiques à la fois exhaustives et ciblées, de leur conception à leur mise en œuvre sur plusieurs niveaux.
5. L’Assemblée constate qu’il existe un ample corpus de recherches, d’expériences et de bonnes pratiques nationales, européennes et internationales en ce qui concerne la violence sexuelle à l’égard d’enfants. Elle appelle les États membres du Conseil de l’Europe à faire de la lutte contre cette forme de violence une priorité politique, à puiser largement dans les ressources disponibles et à intensifier leur action et leur coopération.
6. À cette fin, l’Assemblée exhorte les États membres:
6.1. en matière de politique:
6.1.1. à développer et à améliorer leur législation existante de protection des enfants contre la violence sexuelle, en se concentrant sur l’intérêt supérieur de l’enfant et en se conformant à la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant, au Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l'enfant, concernant la vente d'enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants, à la Convention du Conseil de l’Europe sur la protection des enfants contre l’exploitation et les abus sexuels (Convention de Lanzarote, STCE n° 201), aux recommandations du Comité de Lanzarote et aux Lignes directrices du Comité des Ministres de 2018 relatives au respect, à la protection et à la réalisation des droits de l’enfant dans l’environnement numérique;
6.1.2. à fixer des normes minimales et des mesures préventives à adopter pour les établissements et organisations à vocation éducative, culturelle, sportive, religieuse et autres, où sont organisées des activités pour enfants, et à engager la responsabilité juridique de ces établissements ou organisations en cas de non-respect de ces exigences, en prévoyant notamment l’obligation de signaler la violence sexuelle, l’accès à une assistance juridique gratuite pour les enfants de tous âges, la protection des donneurs d’alerte, des procédures appropriées de recrutement des personnes en contact avec les enfants, ainsi qu’un degré suffisant de transparence et de responsabilité;
6.1.3. à veiller à ce que l’âge du consentement sexuel ne soit pas inférieur à 18 ans, sauf en cas de rapports consensuels entre des mineurs ou lorsque la différence d’âge est faible (deux ans au maximum), sans toutefois qu’il puisse être alors inférieur à 15 ans;
6.1.4. à supprimer le délai de prescription de la violence à caractère sexuel à l’égard des enfants, ou du moins à veiller à ce que le délai de prescription soit proportionné en droit pénal et civil à la gravité de l’infraction alléguée et, en tout état de cause, au moins égal à trente ans à compter de la date à laquelle la victime a atteint l’âge de 18 ans;
6.1.5. à envisager toutes les façons possibles de garantir une indemnisation financière suffisante aux personnes victimes de violence sexuelle dans leur enfance, proportionnée au préjudice subi, notamment en créant des fonds nationaux à l’intention des victimes non indemnisées par l’auteur des violences, ou l’institution ou l’entité juridique responsable;
6.1.6. à faire en sorte que les cadres et les textes législatifs internationaux et nationaux soient effectivement mis en pratique au niveau local, et que leur mise en œuvre soit systématiquement contrôlée; ainsi qu’à recourir pleinement au contrôle parlementaire dans les procédures afférentes de suivi;
6.1.7. à soutenir la création d’une fonction de «médiateur des enfants» et à renforcer son rôle dans la protection des enfants contre la violence sexuelle;
6.1.8. à aligner leurs politiques et leurs pratiques sur les résultats de la recherche relative aux abus sexuels à l’égard des enfants;
6.1.9. à élaborer des lignes directrices de politique en situation d’urgence nationale, sur la protection des enfants contre les abus sexuels et l’exploitation sexuelle;
6.2. en matière de protection et de soutien:
6.2.1. à veiller à la disponibilité et à l’accessibilité d’une assistance suffisante, adaptée et gratuite, pour les enfants victimes de violence sexuelle, dont un soutien spécialisé pour les enfants et les adultes victimes de telles violences dans leur enfance;
6.2.2. à promouvoir la coopération et la coordination interdisciplinaires, notamment par la mise en place de structures et de services adaptés aux enfants pour le signalement des abus et la protection des enfants, sur le modèle de la Barnahús islandaise, dans le but d’atténuer le traumatisme et d’éviter aux enfants une revictimisation;
6.2.3. à promouvoir la formation des professionnels et des bénévoles en contact avec des enfants, notamment les entraîneurs, les professionnels de la santé ou de l’éducation et les personnes de confiance; ces formations devraient couvrir les compétences nécessaires en matière d’identification des signes d’abus et de mesures à prendre;
6.2.4. à faire en sorte que les mesures à prendre en cas de violence sexuelle à l’égard des enfants figurent dans le mandat de tous les établissements organisant des activités auxquelles participent des enfants; cela devrait valoir pour les organisations de haut niveau, comme les comités nationaux olympiques et les fédérations sportives nationales et internationales, et aussi pour les organisations locales comme les clubs, les écoles ou les associations; ces mandats devraient être transposés en codes de conduite, règles et règlements, et ces mesures devraient conditionner, à chaque niveau, l’obtention de financements publics;
6.2.5. à veiller à la mise à disposition de ressources financières et d’autres ressources suffisantes afin d’assurer la pérennité de cette action, y compris en situation de pandémie ou autre situation d’urgence;
6.3. en cas de poursuites, à veiller à ce que les exigences de la Convention de Lanzarote et des Lignes directrices du Conseil de l’Europe sur une justice adaptée aux enfants soient pleinement respectées, et:
6.3.1. si la violence sexuelle a été commise par des enfants, à ce que des mesures de substitution et des procédures de justice réparatrice soient appliquées; les poursuites pénales devraient être une mesure de dernier recours;
6.3.2. lorsque des enfants sont victimes ou témoins, à ce qu’ils soient convenablement assistés pendant toute l’enquête et le procès;
6.3.3. à ce que priorité soit toujours donnée à l’intérêt supérieur de l’enfant, tel qu’énoncé dans la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant;
6.4. en matière de prévention:
6.4.1. à sensibiliser le public à la violence sexuelle à l’égard des enfants par des campagnes, des documents et des programmes, y compris par le biais des médias et des réseaux sociaux; à tirer pleinement parti de la Journée européenne sur la protection des enfants contre l’exploitation et les abus sexuels – le 18 novembre – pour sensibiliser à la violence sexuelle à l’égard des enfants;
6.4.2. à soutenir un dispositif général et approprié d’enseignement scolaire sur la sexualité et les relations dès le plus jeune âge, et dans le cadre des programmes d’apprentissage tout au long de la vie, en couvrant l’instauration de relations respectueuses et en prévoyant des conseils pratiques sur les façons de se protéger individuellement contre la violence sexuelle et de la signaler;
6.4.3. à fournir au grand public des conseils sur ce qu’il convient de faire en cas de soupçons d’abus sexuels à l’égard d’enfants;
6.4.4. à promouvoir une culture de l’ouverture dans toutes les institutions, de sorte que les victimes de violence reçoivent l’appui dont elles ont besoin;
6.4.5. à développer et renforcer la responsabilité sociale et la responsabilisation des entreprises et des médias, y compris les réseaux sociaux, en matière de prévention de l’hypersexualisation des enfants et de la «pornification» de la culture des jeunes, et de lutte contre les abus sexuels à l’égard d’enfants;
6.4.6. à former des alliances avec des syndicats et des organisations de la société civile, et à recueillir leur avis en vue de la préparation de stratégies, de textes législatifs, de lignes directrices et de bonnes pratiques;
6.5. en matière de participation et de coopération:
6.5.1. à associer des personnes ayant été victimes de violences sexuelles dans leur enfance à la promotion des droits de l’enfant et à la préparation de textes législatifs, de bonnes pratiques et de dispositifs de surveillance, tout en veillant dûment à préserver leur intégrité et leur bien-être;
6.5.2. à soutenir les coopérations nationale, régionale, européenne et internationale en matière de protection des enfants contre la violence sexuelle.
7. L’Assemblée exhorte tous les États, parlements et collectivités territoriales, ainsi que l’Union européenne et les Nations Unies, à tirer le meilleur parti de l’expertise et de l’expérience du Conseil de l’Europe dans la lutte contre la violence sexuelle à l’égard des enfants, en vue de travailler de concert à l’élimination de ce type de violence à l’horizon 2030, comme le demande la cible 16.2 des Objectifs de développement durable des Nations Unies «Mettre un terme à la maltraitance, à l’exploitation et à la traite, et à toutes les formes de violence et de torture dont sont victimes les enfants».