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Rapport | Doc. 15742 | 11 avril 2023

Mise en œuvre des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme

Commission des questions juridiques et des droits de l'homme

Rapporteur : M. Constantinos EFSTATHIOU, Chypre, SOC

Origine - Renvoi en commission: Décision du Bureau, Renvoi n° 4560 du 19 mars 2021. 2023 - Deuxième partie de session

Résumé

La mise en œuvre des arrêts de la Cour européenne des droits de l'homme est une priorité pour l'Assemblée parlementaire et le Conseil de l'Europe. Tous les États doivent mettre en œuvre, de bonne foi et sans délai, les arrêts définitifs et contraignants de la Cour européenne des droits de l'homme. Afin de mettre en œuvre les arrêts de la Cour de manière diligente et efficace, les États doivent disposer de mécanismes de coordination nationaux efficaces, dotés d'une hiérarchie et de ressources suffisantes.

Il importe que le Comité des Ministres s'adresse chaque année à l'Assemblée pour l'informer des progrès réalisés dans la mise en œuvre des arrêts de la Cour européenne des droits de l'homme. Il convient d’entreprendre des projets pour aider les parlements nationaux et les parlementaires à mener à bien les réformes législatives nécessaires à la mise en œuvre des arrêts de la Cour européenne des droits de l'homme – et à demander aux gouvernements de leur rendre compte des mesures prises en temps utile pour mettre en œuvre ces arrêts.

Le Comité des Ministres devrait donner la priorité à la mise en œuvre des affaires de référence et des arrêts complexes, y compris les affaires interétatiques. Il devrait renforcer la transparence du processus de mise en œuvre, en particulier la motivation et l'accessibilité de ses décisions, résolutions intérimaires et résolutions finales, ainsi que l'accessibilité et la facilité de consultation du site web HUDOC-EXEC. Il est essentiel que les citoyens européens puissent comprendre cet élément essentiel du système européen de protection des droits humains, de la démocratie et de l'État de droit et qu’ils puissent lui accorder leur confiance.

A. Projet de résolution 
			(1) 
			Projet
de résolution adopté à l’unanimité par la commission le 22 mars
2023.

(open)
1. Depuis sa Résolution 1226 (2000), l’Assemblée parlementaire a apporté une contribution importante à la surveillance de la mise en œuvre des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme (« la Cour ») par le Comité des Ministres, car elle considère le respect des droits humains, de la démocratie et de l’État de droit comme une priorité. Elle rappelle que, par sa Recommandation 2245 (2023) «Le Sommet de Reykjavik du Conseil de l'Europe: Unis autour de valeurs face à des défis hors du commun», elle a cherché à renforcer la prompte mise en œuvre des arrêts de la Cour, y compris le respect des mesures provisoires, appelant à l’introduction d’une procédure de dialogue politique en cas de non-conformité et à la promotion du rôle des parlements nationaux, des institutions nationales des droits de l’homme et de la société civile dans le suivi du respect de la Convention européenne des droits de l’homme (STE no 5, «la Convention») et des arrêts de la Cour.
2. L’Assemblée rappelle également ses Résolutions 2358 (2021), 2178 (2017), 2075 (2015), 1787 (2011), 1516 (2006) et ses Recommandations 2110 (2017) et 2079 (2015) sur la mise en œuvre des arrêts de la Cour, par lesquelles elle encourageait les parlements nationaux à s’engager dans ce processus. Elle souligne à nouveau que la mise en œuvre des arrêts de la Cour, imposée à l’article 46, paragraphe 1, de la Convention, peut exiger non seulement le paiement de la satisfaction équitable octroyée par la Cour, mais aussi l’adoption d’autres mesures individuelles (visant à faire cesser la violation de la Convention et à assurer la restitutio in integrum aux requérants) et/ou générales (visant à prévenir la répétition de violations de la Convention).
3. Après s’être penchée sur cette question la dernière fois en 2021, l’Assemblée constate que le nombre des arrêts pendants devant le Comité des Ministres est passé de 5 231 à la fin de 2019 à 6 256 au 1 mars 2023. Ayant observé antérieurement des progrès s’agissant de la réduction du nombre d’affaires pendantes, elle s’inquiète de la tendance actuelle. L’Assemblée se félicite de toute mesure prise par le Comité des Ministres en vue de rendre plus efficace la surveillance de la mise en œuvre des arrêts de la Cour au sein du Conseil de l’Europe ainsi qu’avec les autorités nationales. Elle appelle le Comité des Ministres à procéder à de nouvelles analyses des causes de l’augmentation récente du nombre d’affaires pendantes, et à proposer des remèdes concrets.
4. L’Assemblée observe également que l’Ukraine, la Roumanie, la Türkiye, l’Azerbaïdjan et la Hongrie comptent le plus grand nombre d’arrêts de la Cour non mis en œuvre et font toujours face à de graves problèmes structurels ou complexes, parfois depuis plus de dix ans. En effet, ces cinq pays représentent, ainsi que la Fédération de Russie, plus de 70% d’affaires en attente de mise en œuvre. L’Assemblée reste profondément préoccupée par le nombre des affaires révélant des problèmes structurels complexes pendantes devant le Comité des Ministres depuis plus de cinq ans. L’Assemblée est par ailleurs consciente du fait que la situation en Ukraine est complexe en comparaison à d’autres pays en raison de la guerre d’agression russe et de ses conséquences pour les autorités ukrainiennes et la société ukrainienne dans son ensemble, et que la mise en œuvre des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme se heurte à des défis spécifiques compte tenu de la guerre.
5. L’Assemblée se déclare préoccupée par les retards pris dans la mise en œuvre des arrêts de la Cour et rappelle que l’obligation juridique des États parties à la Convention de mettre en œuvre les arrêts de la Cour s’impose à toutes les branches du pouvoir étatique, et que ce dernier ne saurait s’en exonérer en invoquant des problèmes techniques ou obstacles, notamment imputables à l’absence de volonté politique, à l’insuffisance des ressources ou au droit interne, y compris la Constitution. L’Assemblée rappelle que si la législation d’un État ou sa Constitution induisent des violations de la Convention, il incombe à cet État d’interpréter, et si nécessaire de modifier, sa législation de manière à remédier aux violations constatées par la Cour et à prévenir leur répétition.
6. L’Assemblée s’inquiète vivement de la lenteur de la mise en œuvre des arrêts prononcés par la Cour dans des affaires interétatiques ou présentant des caractéristiques interétatiques. Elle appelle tous les États parties à la Convention impliqués dans la mise en œuvre de ces arrêts à coopérer pleinement avec le Comité des Ministres. Elle appelle par ailleurs les États membres et les instances du Conseil de l’Europe à envisager de recourir à des techniques et mesures innovantes et créatives pour progresser dans le règlement des problèmes particulièrement ardus que posent ces affaires.
7. L’Assemblée appelle instamment les États parties à la Convention:
7.1. à mettre en œuvre de bonne foi et en temps utile les arrêts définitifs et contraignants de la Cour européenne des droits de l’homme, comme l’exigent les obligations claires et univoques énoncées à l’article 46, paragraphe 1, de la Convention, qui ont un caractère inconditionnel, et ce dans le plein respect de l’État de droit;
7.2. à mettre en place des recours internes effectifs pour remédier aux violations de la Convention et à établir ces recours sans retard injustifié lorsqu’ils font défaut;
7.3. à coopérer pleinement avec le Comité des Ministres, la Cour et le Service de l’exécution des arrêts de la Cour, ainsi qu’avec les autres organes concernés du Conseil de l’Europe, en vue de permettre rapidement et efficacement la mise en œuvre intégrale et efficiente des arrêts de la Cour;
7.4. à soumettre, en temps utile, au Comité des Ministres les plans d’action, rapports d’action et informations sur le versement de la satisfaction équitable, et à veiller à ce que ces plans et rapports d’action contiennent des explications suffisamment détaillées sur les mesures prises, sur la manière dont elles résoudront les problèmes relevés dans l’arrêt et sur le calendrier précis de mise en œuvre de ce dernier;
7.5. à veiller à ce que des dispositifs de coordination nationaux efficaces soient en place et à ce qu’ils soient dotés d’une hiérarchie et de ressources suffisantes leur permettant de mettre en œuvre les arrêts et de coordonner les réponses de façon efficace et informative, présentant la position commune confirmée des différentes branches du pouvoir, et à ce que ces organes de coordination aient l’autorité nécessaire pour faire en sorte que toute action nécessaire ait rang prioritaire;
7.6. à renforcer le rôle de la société civile, des associations du barreau, et des institutions nationales des droits de l’homme dans la mise en œuvre des arrêts de la Cour, notamment en les associant à l’organisation nationale des modalités de mise en œuvre d’un arrêt, ainsi qu’en répondant aux observations soumises par les requérants, les institutions nationales des droits de l’homme et les organisations non gouvernementales en vertu de l’article 9 des Règles du Comité des Ministres pour la surveillance de l’exécution des arrêts et des termes des règlements amiables;
7.7. à accorder une attention particulière aux affaires soulevant des problèmes systémiques, structurels, endémiques ou complexes identifiés par la Cour ou le Comité des Ministres, notamment ceux identifiés dans les arrêts pilotes de la Cour ou avec indications au titre de l’article 46 de la Convention, et en particulier celles qui sont pendantes depuis plus de dix ans;
7.8. à s’abstenir d’adopter des lois ou de prendre des mesures susceptibles d’entraver la mise en œuvre des arrêts de la Cour  et à veiller à ce que la législation nationale renforce la capacité nationale de mettre en œuvre les arrêts de la Cour;
7.9. à tirer pleinement parti des travaux entrepris dans le cadre du projet «Soutien à une capacité nationale efficace pour l’exécution des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme (phase 1)», qui pourrait fournir de bonnes pratiques pour aider les États à améliorer leurs processus nationaux de mise en œuvre des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme;
7.10. à mettre en place des structures et des mécanismes plus efficaces pour l’échange de bonnes pratiques et se soutenir mutuellement dans l’exécution des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme, notamment en soutenant pleinement le travail accompli par le Conseil de l’Europe visant à établir un réseau à cette fin;
7.11. à accroître le soutien aux projets de coopération du Conseil de l’Europe pour aider les États membres à exécuter les arrêts de la Cour;
7.12. à tenir compte des avis pertinents des organes d’experts du Conseil de l’Europe, notamment de la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise) et du Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants, lors de l’adoption de mesures visant à mettre en œuvre les arrêts de la Cour;
7.13. à défendre l’État de droit, notamment en condamnant les déclarations discréditant l’autorité et la légitimité de la Cour;
7.14. à respecter les mesures provisoires indiquées par la Cour, conformément aux obligations découlant de l’article 34 de la Convention;
7.15. à ratifier le Protocole no 16 à la Convention (STCE no 214), dès que possible, s’ils ne l’ont pas déjà fait;
7.16. à agir immédiatement pour mettre en œuvre tous les arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme qui concluent à une violation de l’article 46, paragraphe 1, dans le cadre d’une procédure en manquement engagée au titre de l’article 46, paragraphe 4, et elle appelle à ce propos la Türkiye à procéder à la libération immédiate du philanthrope Osman Kavala.
8. En ce qui concerne la Recommandation 2245 (2023) «Le Sommet de Reykjavik du Conseil de l'Europe: Unis autour de valeurs face à des défis hors du commun», et eu égard à la Résolution 1823 (2011) «Les parlements nationaux: garants des droits de l’homme en Europe», l’Assemblée invite les parlements nationaux des États membres du Conseil de l’Europe à mettre en œuvre les «Principes fondamentaux du contrôle parlementaire des normes internationales relatives aux droits de l’homme» qu’elle a prônés. Le contrôle du respect des obligations internationales en matière de droits humains nécessite des structures parlementaires appropriées, de sorte que les représentants démocratiquement élus soient en mesure d’encourager et de faciliter de manière effective la mise en œuvre complète et rapide des arrêts de la Cour. L’Assemblée appelle les commissions des droits de l’homme et les commissions constitutionnelles des parlements nationaux à s’associer à la surveillance de la mise en œuvre des arrêts de la Cour, notamment par la recherche proactive de remèdes aux éventuelles frictions avec la Cour, en proposant les réformes législatives nécessaires.
9. Devant le besoin pressant d’accélérer la mise en œuvre des arrêts de la Cour, l’Assemblée décide de rester saisie de la question et de continuer à la traiter comme prioritaire.
10. L’Assemblée pourrait organiser, au niveau parlementaire, des rencontres ciblées, comme des conférences et des colloques, afin d’aider au renforcement des capacités institutionnelles nationales et d’attirer l’attention politique sur les réformes législatives, structurelles ou autres nécessaires à l’exécution des arrêts de la Cour, y compris dans des affaires spécifiques. Priorité devrait être donnée aux pays ou affaires où le dialogue parlementaire pourrait être le plus efficace pour encourager la mise en œuvre diligente des arrêts de la Cour et en particulier pour mener à bien les réformes législatives nécessaires.
11. En contribution à la résolution des problèmes systémiques et structurels identifiés de longue date dans la mise en œuvre d’arrêts de la Cour, l’Assemblée décide d’intensifier ses travaux sur les rapports thématiques qui seront consacrés à ces sujets, afin d’identifier les outils qui permettraient de remédier à des problèmes systémiques ou structurels spécifiques.

B. Projet de recommandation 
			(2) 
			Projet de recommandation
adopté à l’unanimité par la commission le 22 mars 2023.

(open)
1. Se référant à sa Résolution ... (2023) «Mise en œuvre des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme» (« la Cour »), l’Assemblée parlementaire se félicite des mesures prises par le Comité des Ministres pour accomplir la mission que lui confère l’article 46, paragraphe 2, de la Convention européenne des droits de l’homme (STE no 5, «la Convention») et améliorer l’efficacité de sa surveillance de la mise en œuvre des arrêts de la Cour.
2. Comme la mise en œuvre des arrêts de la Cour présente encore de nombreuses difficultés, l’Assemblée recommande au Comité des Ministres:
2.1. de continuer à utiliser tous les moyens disponibles (y compris les résolutions intérimaires) pour accomplir la mission que lui assigne l’article 46, paragraphe 2, de la Convention ;
2.2. de poursuivre les travaux pour développer une panoplie claire d’outils d’aide à la coopération et d’accroissement des pressions exercées sur les États, afin d’encourager ces derniers à agir promptement pour mettre en œuvre les arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme ; cette boîte à outils devrait comprendre une gamme de mesures et de techniques différentes qui pourraient être déployées, selon les besoins, dans différentes situations en fonction de la gravité et de la complexité du problème, ainsi que du type d’obstacles qui pourraient exister à une mise en œuvre rapide et efficace; une telle boîte à outils devrait être un document évolutif pour inclure de nouvelles techniques et les meilleures pratiques à mesure que l’expérience évolue; une approche créative devrait être appliquée en termes d’outils et d’organes susceptibles de soutenir ces efforts;
2.3. d’accroître l’attention et la concentration et la priorité accordées à la mise en œuvre des affaires de référence, notant en particulier que si des progrès significatifs ont été accomplis dans la lutte contre les affaires répétitives – ce qui a amélioré les statistiques globales – cela ne saurait se substituer à la lutte contre les causes profondes sous-jacentes d’une série de violations, par la mise en œuvre des affaires de référence; à cette fin, il conviendrait de mettre davantage l’accent sur l’analyse et la visibilité des obstacles à la mise en œuvre des affaires de référence ainsi que sur le déploiement des outils nécessaires pour les mettre en œuvre avec succès;
2.4. de veiller à ce que la priorité soit accordée à la lutte contre les poches de résistance et les affaires particulièrement complexes, notamment en fournissant des conseils et une assistance aux autorités nationales dans le processus d’exécution pour s’attaquer aux causes profondes sous-jacentes à une violation;
2.5. de prendre des mesures pour faire en sorte que tous les États disposent de mécanismes nationaux de coordination adéquats et efficaces, dotés d’une hiérarchie et de ressources suffisantes pour pouvoir mettre en œuvre les arrêts; cela pourrait inclure la fourniture d’une expertise sur l’organisation de la charge de travail et toute réforme nécessaire pour garantir des niveaux corrects de ressources et de hiérarchie afin de coordonner efficacement la mise en œuvre des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme;
2.6. d’envisager d’élaborer de nouveaux dispositifs permettant de motiver voire, le cas échéant, de sanctionner les États qui ne prennent pas des mesures en temps opportun, y compris la transmission d’informations, en particulier lorsque les retards ou les obstacles dans l’exécution seraient aisément évitables, par exemple par une meilleure coordination; cela pourrait inclure l’utilisation des options de financement de la Banque de développement du Conseil de l’Europe pour aider à financer des projets pertinents pour la mise en œuvre des droits définis dans la Convention;
2.7. de recourir aux procédures prévues à l’article 46, paragraphes 3 à 5, de la Convention quand la mise en œuvre d’un arrêt se heurte à une forte résistance de la part de l’État défendeur ; il faudrait toutefois continuer à ne le faire qu’avec retenue, dans des circonstances tout à fait exceptionnelles;
2.8. eu égard à la Recommandation 2245 (2023) «Le Sommet de Reykjavik du Conseil de l'Europe: Unis autour de valeurs face à des défis hors du commun», de développer encore les possibilités dont dispose le Comité des Ministres, voire le Conseil de l’Europe dans son ensemble, à la suite d’un arrêt de la Cour fondé sur l’article 46, paragraphe 4, pour garantir le respect de l’État de droit et du système de la Convention; ces travaux devraient inclure l’analyse soigneuse du rôle potentiel de l’Assemblée au sein de ces dispositifs, par exemple par un recours à la procédure complémentaire conjointe;
2.9. de veiller à ce que des débats thématiques sur l’exécution des arrêts de la Cour soient précisément ciblés et que la participation soit pertinente, incluant des experts externes soigneusement sélectionnés, si nécessaire, afin de mener à ce sujet d’authentiques débats ouverts aux idées susceptibles de résoudre les problèmes délicats;
2.10. de continuer à améliorer les synergies et de tirer le meilleur parti de l’ensemble des ressources et organes dont dispose le Conseil de l’Europe, notamment la Cour et son Greffe, l’Assemblée, le/la Secrétaire Général·e, le/la Commissaire aux droits de l’homme, le Comité Directeur pour les droits de l’homme, la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise), le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT) et le Fonds fiduciaire pour les droits de l’homme;
2.11. de doter de ressources suffisantes le Service de l’exécution des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme, compte tenu du travail considérable que demandent les affaires, de la nécessité de garantir sa solide expertise, au titre de la Convention et de chaque pays, afin de fournir une assistance au Comité des Ministres et aux États membres dans le cadre de son mandat, et de l’importance de la mise en œuvre diligente des arrêts pour l’Organisation;
2.12. de préciser les modalités de sa stratégie visant à assurer la surveillance continue de l’exécution des arrêts en attente de mise en œuvre à l’égard de la Fédération de Russie, ainsi que ceux que la Cour adoptera à l’avenir, dans les limites de sa compétence;
2.13. de développer des processus structurés pour informer régulièrement l’Assemblée sur les arrêts de la Cour dont la mise en œuvre révèle des problèmes complexes ou structurels et nécessitant une action législative;
2.14. de mener un dialogue avec l’Assemblée afin que celle-ci et le/la rapporteur·e sur la mise en œuvre des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme soient en mesure de faciliter le mieux possible le travail du Service de l’exécution des arrêts et du Comité des Ministres, par exemple en organisant des conférences et des échanges avec les parlements nationaux lorsque cela pourrait contribuer au renforcement des capacités institutionnelles nationales de mise en œuvre des arrêts, ou lorsqu’une mobilisation politique pourrait se révéler utile, par exemple si l’exécution d’un arrêt exige une réforme législative ou une autre réforme importante;
2.15. dans le cadre de ce processus de dialogue avec l’Assemblée, d’établir une communication annuelle du Comité des Ministres à l’Assemblée au cours d’une partie de session, afin de présenter les progrès réalisés dans la mise en œuvre des affaires de référence et autres affaires importantes; cela pourrait être semblable aux discours du/de la Commissaire aux droits de l’homme à l’Assemblée lors de la présentation de son rapport annuel;
2.16. à cette fin, de piloter l’organisation de réunions spécifiques à un pays entre le Service de l’exécution des arrêts de la Cour et les membres de l’Assemblée pendant les parties de session de l’Assemblée sur la meilleure façon d’améliorer la mise en œuvre des arrêts dans un pays donné; ces réunions pourraient avoir lieu en vue d’une visite ultérieure impliquant des parlementaires afin d’améliorer les mécanismes nationaux de mise en œuvre des arrêts ainsi que l’engagement démocratique à soutenir ces mesures;
2.17. de continuer à prendre des mesures visant à assurer une plus grande transparence de la surveillance de la mise en œuvre des arrêts de la Cour et à accroître le rôle de l’Assemblée, des requérants, de la société civile et des institutions nationales des droits de l’homme dans ce processus, y compris en améliorant l’accessibilité de l’information sur l’état d’exécution des arrêts sur le site web HUDOC-EXEC;
2.18. de veiller à ce que toutes les résolutions intérimaires et finales contiennent un raisonnement clair et spécifique justifiant la clôture de la supervision d'une affaire (ou d'éléments d'une affaire), conformément à des critères transparents, afin d'améliorer la transparence et la responsibilité du processus décisionnel, de sorte que les citoyens européens puissent comprendre cet élément essentiel du système européen de protection des droits humains, de la démocratie et de l'État de droit et qu’ils puissent lui accorder leur confiance;
2.19. d’élaborer un processus de surveillance du respect des mesures provisoires indiquées par la Cour.

C. Exposé des motifs de M. Constantinos Efstathiou, rapporteur

(open)

1. Introduction

1. Depuis 2000, l’Assemblée parlementaire s’intéresse de près à la question de la mise en œuvre des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme (ci-après «la Cour») 
			(3) 
			Le premier rapport
a été approuvé par la commission des questions juridiques et des
droits de l'homme le 27 juin 2000; Doc. 8088, rapporteur M. Erik Jurgens (Pays-Bas,
SOC). Sur la base de ce rapport, l'Assemblée a adopté la Résolution 1226 (2000). Depuis 2000, l'Assemblée a adopté dix résolutions et
neuf recommandations ayant trait à la mise en œuvre des arrêts de
la Cour européenne des droits de l'homme.. Bien que la surveillance de l’exécution des arrêts de la Cour par les États membres du Conseil de l’Europe relève avant tout de la compétence du Comité des Ministres du Conseil de l’Europe (article 46(2) de la Convention européenne des droits de l’homme, STE no 5, «la Convention»), l’Assemblée a montré que le suivi qu’elle effectue dans ce domaine et l’influence politique qu’elle exerce peuvent fournir un grand soutien à l’action du Comité des Ministres et apportent donc une valeur ajoutée. En particulier, l’Assemblée a systématiquement appelé les parlements nationaux à être plus proactifs dans le processus de mise en œuvre des arrêts de la Cour.
2. Dans sa dernière résolution sur ce sujet (Résolution 2358 (2021)), l’Assemblée a décidé «de rester saisie de la question et de continuer à lui donner la priorité» 
			(4) 
			Paragraphe 12 de la
résolution.. La commission des questions juridiques et des droits de l’homme m’a ainsi de nouveau désigné rapporteur sur ce sujet lors de sa réunion du 19 avril 2021 (je l’avais déjà été pour le 10e rapport, lorsque M. Venizelos avait quitté l’Assemblée). Les précédents rapporteurs étaient MM. Erik Jurgens (Pays-Bas, SOC), Christos Pourgourides (Chypre, PPE/DC), Klaas de Vries (Pays-Bas, SOC), Pierre-Yves Le Borgn’ (France, SOC) et Evangelos Venizelos (Grèce, SOC). Le présent rapport sera donc le 11e de cette série.
3. En ce qui concerne le paramétrage de ce 11e rapport, j’ai indiqué, dans ma note introductive d’octobre 2021, que je me proposais de me concentrer sur la mise en œuvre des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme dans les États ayant le plus grand nombre d’affaires pendantes devant le Comité des Ministres, et sur celle des affaires les plus problématiques, dont les affaires interétatiques et les arrêts prononcés au titre de l’article 18 («arrêts article 18»). La Fédération de Russie conservant l’obligation de respecter les arrêts définitifs de la Cour européenne des droits de l’homme la concernant, malgré son exclusion du Conseil de l’Europe en 2022, j’ai continué de faire figurer les affaires russes dans le présent rapport, et les aborde dans une section à part.
4. La commission a procédé à deux auditions d’experts. La première, consacrée à la mise en œuvre des affaires interétatiques, a eu lieu le 7 décembre 2021; y participaient Mme Dimitrina Lilovska, cheffe de division par intérim au Service de l’exécution des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme (Conseil de l’Europe), et Mme Isabella Risini, Senior research associate à l’université de la Ruhr de Bochum, professeure invitée à l’Université d’Augsbourg (Allemagne). La seconde audition a porté sur la mise en œuvre des arrêts article 18; elle s’est tenue lors de la réunion de la commission du 14 novembre 2022; y ont participé Mme Clare Ovey, cheffe du Service de l’exécution des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme (Conseil de l’Europe), et Mme Başak Çalı, professeure de droit international, codirectrice du Centre pour les droits fondamentaux de la Hertie School de Berlin.
5. Je me suis rendu en novembre 2022 en Azerbaïdjan et en Roumanie. Je suis très reconnaissant aux autorités de ces pays d’avoir facilité ces visites, aussi utiles qu’intéressantes. Les rapports de mission correspondants ont été déclassifiés et sont consultables publiquement 
			(5) 
			<a href='https://assembly.coe.int/LifeRay/JUR/Pdf/DocsAndDecs/2023/AS-JUR-2023-02-EN.pdf'>AS/Jur(2023)02</a>, Mise en œuvre des arrêts de la Cour européenne des
droits de l'homme – 11e rapport — Note d'information
suite à la visite des rapporteurs en Roumanie, novembre 2022; <a href='https://assembly.coe.int/LifeRay/JUR/Pdf/DocsAndDecs/2023/AS-JUR-2023-01-EN.pdf'>AS/Jur(2023)01</a>, Mise en œuvre des arrêts de la Cour européenne des
droits de l'homme – 11e rapport — Note
d'information suite à la visite des rapporteurs en Azerbaïdjan,
novembre 2022.. Ces visites m’ont permis de comprendre les différents types d’obstacles à la mise en œuvre des arrêts relatifs aux droits humains qui suscitent des problèmes complexes ou structurels, en particulier si les affaires sont nombreuses. Elles m’ont par ailleurs permis de me pencher sur les structures nationales susceptibles de faciliter l’exécution rapide et effective des arrêts de la Cour.
6. J’ai aussi repris l’approche adoptée pour le 10e rapport, en organisant des échanges de vues avec les chefs des délégations nationales de trois pays présentant un nombre important d’arrêts en attente de mise en œuvre. Au cours de sa réunion du 25 janvier 2023, la commission a eu un échange de vues sur la Hongrie, auquel ont participé M. Barna Zsigmond, vice-président de la délégation hongroise auprès de l’Assemblée, et M. Dávid Oravecz, adjoint du représentant permanent de la Hongrie auprès du Conseil de l’Europe. Elle a également eu un échange sur la Türkiye, auquel ont participé M. Ahmet Yıldız, président de la délégation turque auprès de l’Assemblée, et M. Hacı Ali Açıkgül, chef du service des droits de l’homme au ministère de la Justice turc. Elle en a eu un troisième sur l’Ukraine, auquel ont participé Mme Mariia Mezentseva, présidente de la délégation ukrainienne auprès de l’Assemblée, Mme Iryna Mudra, vice-ministre de la Justice, et Mme Marharyta Sokorenko, agente du gouvernement auprès de la Cour européenne des droits de l’homme. Les documents d’information préparés pour ces échanges ont été déclassifiés et sont accessibles au public 
			(6) 
			Mise en œuvre des arrêts
de la Cour européenne des droits de l'homme – 11e rapport:
Notes d'information en vue de la préparation d'une audience concernant
la Türkiye<a href='https://assembly.coe.int/LifeRay/JUR/Pdf/DocsAndDecs/2023/AS-JUR-2023-06-FR.pdf'> (AS/Jur(2023)06)</a>, l’Ukraine<a href='https://assembly.coe.int/LifeRay/JUR/Pdf/DocsAndDecs/2023/AS-JUR-2023-04-FR.pdf'></a> (<a href='https://assembly.coe.int/LifeRay/JUR/Pdf/DocsAndDecs/2023/AS-JUR-2023-04-EN.pdf'>AS/Jur(2023)04</a>) et la Hongrie<a href='https://assembly.coe.int/LifeRay/JUR/Pdf/DocsAndDecs/2023/AS-JUR-2023-03-FR.pdf'></a> (<a href='https://assembly.coe.int/LifeRay/JUR/Pdf/DocsAndDecs/2023/AS-JUR-2023-03-EN.pdf'>AS/Jur(2023)03</a>)..

2. 10e rapport de l’Assemblée

7. Dans son 10e rapport sur la mise en œuvre des arrêts de la Cour 
			(7) 
			Adopté par la commission
des questions juridiques et des droits de l'homme lors de sa réunion
du 5 juin 2020, Doc.<a href='http://www.assembly.coe.int/nw/xml/XRef/Xref-XML2HTML-en.asp?fileid=28658&lang=fr'> 15123</a> du 15 juillet 2020. Voir aussi l'addendum à ce rapport,
Doc.<a href='https://assembly.coe.int/nw/xml/XRef/Xref-XML2HTML-EN.asp?fileid=28842'> 15123
Add</a>. du 26 novembre 2020., l’Assemblée a noté les effets de la réforme du système de la Convention européenne des droits de l’homme, lancée en 2010 à la suite du «processus d’Interlaken». Au moment de la préparation de ce rapport (fin 2019), le Comité des Ministres surveillait en effet la mise en œuvre de quelque 5 000 arrêts, alors qu’au moment de la préparation du 9e rapport de M. Le Borgn’ (fin 2016), il surveillait la mise en œuvre de près d’une dizaine de milliers d’arrêts 
			(8) 
			Rapport sur «La mise
en œuvre des arrêts de la Cour européenne des droits de l'homme»,
commission des questions juridiques et des droits de l'homme, rapporteur:
M. Pierre-Yves Le Borgn' (France, SOC), Doc.<a href='https://assembly.coe.int/nw/xml/XRef/Xref-XML2HTML-en.asp?fileid=23772&lang=en'> 14340</a> du 12 juin 2017, paragraphe 6.. Les chiffres sont toutefois remontés, et des informations conduisent à penser qu’il y avait 6 256 arrêts en attente de mise en œuvre au 1 mars 2023 
			(9) 
			<a href='https://hudoc.exec.coe.int/FRE'>HUDOC EXEC</a> site web..
8. Le 10e rapport a suivi la même méthodologie que les rapports de mes prédécesseurs, MM. Klaas de Vries, Pierre-Yves Le Borgn’ et Evangelos Venizelos, qui s’étaient concentrés sur les neuf ou dix États comptant le plus d’arrêts pendants devant le Comité des Ministres. J’avais analysé en détail la mise en œuvre des arrêts demeurant obstinément non-exécutés, visant la Fédération de Russie, l’Ukraine, la Roumanie, la Türkiye, l’Azerbaïdjan, la Hongrie, l’Italie, la Bulgarie, la République de Moldova. J’avais aussi examiné les arrêts dont la mise en œuvre présentait des difficultés particulières en raison de leur complexité politique ou juridique, qu’un de mes prédécesseurs avait qualifiés de «poches de résistance» 
			(10) 
			10e rapport,
section 4..
9. Dans sa Résolution 2358 (2021), adoptée sur la base du 10e rapport, l’Assemblée s’était félicitée de la réduction constante du nombre d’arrêts de la Cour pendants devant le Comité des Ministres, et des effets du «processus d’Interlaken». Elle s’était aussi félicitée des mesures prises par le Comité des Ministres en vue de rendre plus efficace sa surveillance de la mise en œuvre des arrêts de la Cour, ainsi que des synergies qui s’étaient développées, tant au sein du Conseil de l’Europe qu’entre ses organes et les autorités nationales 
			(11) 
			Paragraphe
3 de la résolution.. Elle ne s’en était pas moins dite profondément préoccupée par le nombre d’affaires persistantes révélant des problèmes structurels pendantes devant le Comité des Ministres depuis plus de cinq ans. Par ailleurs, notamment pour les dix pays cités dans le 10e rapport, elle avait observé que certains problèmes duraient depuis plus de dix ans. D’après l’Assemblée, «cette situation pourrait être due à des problèmes fortement enracinés, tels que les préjugés persistants à l’encontre de certains groupes de la société, une organisation nationale inadéquate, l’absence de ressources nécessaires ou de volonté politique, voire l’existence d’un désaccord manifeste avec un arrêt de la Cour» 
			(12) 
			Paragraphe 4 de la
résolution.. L’Assemblée était en outre «particulièrement préoccupée par les difficultés juridiques et politiques croissantes qui entourent la mise en œuvre des arrêts de la Cour» et a relevé qu’aucune mesure législative ou administrative nationale ne devait ajouter de nouveaux obstacles à ce processus, et que les États membres n’étaient pas fondés à légitimer la possibilité de ne pas mettre en œuvre les décisions de la Cour 
			(13) 
			Paragraphe 5 de la
résolution.. Elle a considéré notamment que l’invocation de «problèmes ou obstacles techniques dus, en particulier, au manque de volonté politique, à l’insuffisance des ressources ou à l’évolution du droit interne, y compris de la Constitution» devait être évitée 
			(14) 
			Paragraphe 7 de la
résolution.. En outre, l’Assemblée a exprimé son inquiétude quant aux difficultés qui entourent la mise en œuvre des arrêts rendus par la Cour dans des affaires interétatiques ou dans des affaires individuelles présentant des caractéristiques interétatiques. Condamnant une fois de plus les retards pris dans la mise en œuvre des arrêts de la Cour, elle a de nouveau appelé les États membres du Conseil de l’Europe à mettre en œuvre pleinement, efficacement et rapidement les arrêts de la Cour et a formulé un certain nombre de recommandations concrètes à cet égard (en invitant notamment les États membres à coopérer avec le Comité des Ministres et les organes concernés du Conseil de l’Europe, à soumettre des plans d’action, à mettre en place des recours internes effectifs, à consacrer suffisamment de ressources aux parties prenantes nationales compétentes, à renforcer le rôle de la société civile et à mettre en place des structures parlementaires pour contrôler le respect de la Convention) 
			(15) 
			Paragraphes
6, 7, 8 et 10 de la résolution.. L’Assemblée a invité les États membres du Conseil de l’Europe n’ayant pas encore ratifié les Protocoles n° 15 (STCE no 213) et n° 16 (STCE no 214) à la Convention à le faire rapidement 
			(16) 
			Paragraphe
11 de la résolution.. Elle a également appelé la Fédération de Russie à modifier les récents amendements apportés aux articles 79 et 125.5.b de la Constitution à la lumière de l’avis no 981/2020 du 18 juin 2020 de la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise) «sur le projet d’amendements à la Constitution de la Fédération de Russie (tel que signé par le président de la Fédération de Russie le 14 mars 2020) relatifs à l’exécution en Fédération de Russie des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme» 
			(17) 
			Paragraphe 9 de la
résolution..
10. Dans sa Recommandation 2193 (2021), également fondée sur le 10e rapport, l’Assemblée s’est félicitée des mesures prises par le Comité des Ministres pour accomplir la mission que lui assigne l’article 46(2), de la Convention et améliorer l’efficacité de sa surveillance de la mise en œuvre des arrêts de la Cour. Elle a adressé un certain nombre d’autres recommandations au Comité des Ministres (telles que l’adoption de résolutions intérimaires, le recours aux procédures prévues à l’article 46(3) à (5), de la Convention, le traitement prioritaire des affaires de référence pendantes depuis plus de cinq ans, le passage des affaires de référence pendantes depuis plus de dix ans à la procédure de surveillance soutenue, une plus grande transparence de sa surveillance et l’attribution d’un rôle accru aux requérants, l’organisation de débats thématiques et la création de nouvelles synergies entre les différentes parties prenantes du Conseil de l’Europe). En particulier, l’Assemblée a recommandé au Comité des Ministres de l’informer régulièrement sur les arrêts de la Cour dont la mise en œuvre révèle des «problèmes complexes ou structurels» et nécessite une action législative, et de finaliser son évaluation du «processus d’Interlaken» 
			(18) 
			Paragraphe
2 de la recommandation..

3. Nouvelles avancées

11. Dans sa réponse à la Recommandation 2193 (2021) de l’Assemblée 
			(19) 
			Adoptée
lors de la 1407e réunion des Délégués
des ministres (16 juin 2021), Doc.
15324 du 21 juin 2021., le Comité des Ministres a indiqué qu’il avait finalisé son évaluation du «processus d’Interlaken» dans sa décision «Garantir l’efficacité à long terme du système de la Convention européenne des droits de l’homme», adoptée lors de sa 130e session ministérielle à Athènes le 4 novembre 2020. Dans cette décision, le Comité des Ministres avait salué les travaux entrepris par les États parties à la Convention et les mesures efficaces adoptées, notamment par la Cour. Il avait conclu que «[...] alors qu’aucune restructuration globale du mécanisme de la Convention ne [s’avérait] nécessaire à l’heure actuelle, le Conseil de l’Europe dans son ensemble [devait] poursuivre ses efforts pour veiller à ce que le système de la Convention puisse continuer à faire face aux nombreux défis auxquels l’Europe est confrontée dans le domaine des droits de l’homme, y compris à travers une réponse efficace de la Cour aux requêtes pendantes» 
			(20) 
			Ibid.,
paragraphe 3.. Le Comité des Ministres avait identifié un certain nombre de mesures à prendre afin de poursuivre ces efforts, à savoir: renforcer l’efficacité du processus de surveillance de l’exécution des arrêts de la Cour, notamment ses réunions «droits de l’homme» en développant davantage ses méthodes de travail et les moyens disponibles ; encourager le développement d’une synergie accrue avec la Cour et avec les autres parties prenantes concernées du Conseil de l’Europe (en particulier l’Assemblée et la Commissaire aux droits de l’homme) ; et encourager les États parties ne l’ayant pas encore fait à envisager d’établir des institutions nationales des droits de l’homme qui soient efficaces, pluralistes et indépendantes ou de les renforcer 
			(21) 
			Ibid.,
paragraphe 4.. La plupart de ces mesures avaient déjà été proposées dans le 10e rapport tel qu’adopté par la commission des questions juridiques et des droits de l’homme le 5 juin 2020, puis approuvées par l’Assemblée dans sa Recommandation 2193 (2021) 
			(22) 
			Voir
les paragraphes 1, 2.5 et 2.8 de la recommandation..
12. Par ailleurs, dans les décisions adoptées à la 130e session ministérielle de novembre 2020, le Comité des Ministres a instamment demandé à tous les États membres de veiller à ce que la Recommandation CM/Rec(2008)2 sur «des moyens efficaces à mettre en œuvre au niveau interne pour l’exécution rapide des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme» soit pleinement mise en œuvre 
			(23) 
			CM/Del/Dec(2020)130/4,
«4. Garantir l'efficacité à long terme du système de la Convention
européenne des droits de l'homme», point 8.. Comme le souligne le 14e rapport annuel du Comité des Ministres sur la surveillance de l’exécution des arrêts et décisions de la Cour européenne des droits de l’homme (2020) («Rapport annuel 2020»), le regain d’intérêt du Comité des Ministres pour la capacité nationale d’exécution rapide et efficace des arrêts de la Cour est lié à deux grands défis identifiés dans la pratique: «le statut et les ressources du coordinateur national» (c’est-à-dire l’agent du gouvernement dans la majorité des États membres du Conseil de l’Europe) et «la capacité du coordinateur à identifier les mesures d’exécution et à établir rapidement des plans et bilans d’action, en synergie avec les autorités nationales compétentes (...)» 
			(24) 
			<a href='https://rm.coe.int/2020-cm-annual-report-fra/1680a1f4e9'>Rapport
annuel 2020</a>, p. 26-27. Ces problèmes avaient été identifiés par
le Comité directeur pour les droits de l’homme; «Guide de bonnes
pratiques sur la mise en œuvre de la Recommandation (2008)2 du Comité
des Ministres sur des moyens efficaces à mettre en œuvre au niveau
interne pour l’exécution rapide des arrêts de la Cour européenne
des droits de l’homme», 2017.. Cette démarche s’impose particulièrement dans les affaires révélatrices de problèmes systémiques et structurels de longue date.
13. Comme indiqué dans sa réponse à la Recommandation 2193 (2021) de l’Assemblée, le Comité des Ministres a par ailleurs souligné, à sa 131e session ministérielle de Hambourg (21 mai 2021), qu’il importait de garantir l’efficacité à long terme du système de la Convention «dans une période difficile pour l’État de droit et les droits de l’homme dans les sociétés démocratiques», ainsi que l’importance d’une surveillance efficace de l’exécution des arrêts «pour assurer la durabilité et la crédibilité à long terme du système de la Convention». Il a chargé les Délégués des Ministres «d’examiner s’il y a lieu de renforcer, et de quelle manière, les outils dont dispose le Comité pour surveiller les affaires de non-exécution ou de refus persistant d’exécuter les arrêts définitifs de la Cour» et d’examiner les questions liées aux conflits interétatiques 
			(25) 
			Doc. 15324 du 21 juin 2021, paragraphe 5..
14. De surcroît, la présidence allemande du Comité des Ministres (novembre 2020 – mai 2021) a organisé une série de conférences et de séminaires consacrés à la mise en œuvre des arrêts de la Cour et à l’interaction de la Cour avec les cours constitutionnelles des États membres du Conseil de l’Europe 
			(26) 
			<a href='https://rm.coe.int/2020-cm-annual-report-fra/1680a1f4e9'>Rapport
annuel 2020</a>, p. 8..
15. En outre, les projets de coopération du Conseil de l'Europe ont également été utiles pour contribuer à l'exécution des arrêts de la Cour européenne des droits de l'homme en aidant les États membres à améliorer la législation pertinente, à trouver des solutions aux problèmes d'exécution particulièrement difficiles et à renforcer les capacités institutionnelles pour développer les institutions nécessaires à une mise en œuvre effective et intégrale des arrêts de la Cour. Dans ce contexte, il convient de souligner les travaux en cours sur un projet multilatéral intitulé «Soutien à une capacité nationale efficace pour l'exécution des arrêts de la Cour européenne des droits de l'homme (Phase 1)». Ce projet vise à aider les États membres à renforcer leur capacité à exécuter pleinement, efficacement et rapidement les arrêts de la Cour. Compte tenu des conclusions des auditions et des visites de pays effectuées dans le cadre de ce rapport, je salue vivement cette initiative et exhorte les États membres à en faire pleinement usage.

4. Statistiques récentes et autres données

16. Le rapport annuel 2020 indique qu’il y avait 5 233 affaires pendantes devant le Comité des Ministres au 31 décembre 2020 (à différents stades d’exécution), l’un des chiffres les plus bas depuis 2006 
			(27) 
			<a href='https://rm.coe.int/2020-cm-annual-report-fra/1680a1f4e9'>Rapport
annuel 2020</a>, pp. 12 et 39. En 2019, ce chiffre était sensiblement
le même – 5 231 – alors qu'il était de 5 523 en 2006 et de 4 322
en 2005. Le rapport date de mars 2021.. Les dix pays comptant le plus d’affaires pendantes (par ordre décroissant) étaient: la Fédération de Russie (1 789), la Türkiye (624), l’Ukraine (567), la Roumanie (347), la Hongrie (276), l’Azerbaïdjan (235), l’Italie (184), la Bulgarie (166), la République de Moldova (154) et la Grèce (120) ; ils étaient suivis de la Pologne (89), de la Croatie (73) et de la Géorgie (53). L’ensemble des autres États membres du Conseil de l’Europe avaient moins de cinquante affaires pendantes devant le Comité des Ministres.
17. Selon le rapport annuel 2021, le nombre d’affaires pendantes devant le Comité des Ministres (à différents stades d’exécution) était sensiblement aussi bas (5 533) au 31 décembre 2021 
			(28) 
			<a href='https://rm.coe.int/2021-rapport-annuel/1680a9c849'>Rapport
annuel 2021</a>, pp. 11 et 37., mais il y a eu une augmentation notable (de 40%) du nombre d’arrêts de la Cour. Les dix pays suivants comptaient le plus d’affaires pendantes (par ordre décroissant): Fédération de Russie (1 942), Ukraine (638), Türkiye (510), Roumanie (409), Azerbaïdjan (271), Hongrie (265), Italie (170), République de Moldova (170), Bulgarie (164), et Pologne (97) ; ils étaient suivis de la Grèce (93), la Croatie (79), la Serbie (76), la République slovaque (63), la Géorgie (63) et l’Arménie (50). Le nombre des États ayant plus de 50 arrêts pendants est donc passé de 13 en 2020 à 16 en 2021. Je me concentrerai ici sur les six premiers d’entre eux, qui représentaient à eux tous 73% des arrêts en attente d’exécution au 31 décembre 2021 
			(29) 
			Le <a href='https://u7061146.ct.sendgrid.net/ls/click?upn=4tNED-2FM8iDZJQyQ53jATUf-2BzdUWcs31AAiq6S90oi-2FBbPEWt1nmC0lmshDwBWSR2NY3-2BlqbxR7jwlx7sRM9NQQ-3D-3DQU6A_VIH3-2Bha1squ3Hk0F8PoA7LSRbx9vitfakmKAUfedM1qjM2WJftENVSCl4XFk4tudCw0cMl8Ma2zh5stnQOaAcrMwHn8EQKzuNdVa8E7FZfxkf8l-2BUL1H-2BsI4xbrdbd55s9sb7soIFsTMv7qwT1KVeAcoW63Crc2rPDWWpw4VHP4C7QbGaplZw91l8RXEKrr07M0DLc7vAkb3t6klboqG-2Becm0p-2BQ2-2BW020iMVaweEMoJOOWgMONTN-2FondGmg3nHWt-2FeXNd64PK9ki8C-2BoES3XZMtF4E4AE9A6-2BLu9kxd-2FD2Ujm1K1BgUzkL1jiPoH3uI-2FGGngQN3hGkqTEhmmOJ6sYFfMdRZ9HRNVUjogjDR2Fo-3D'>Rapport
annuel 2022</a>, publié après la rédaction de cet exposé des motifs,
fait état de 6 081 affaires en attente d'exécution, et indique que
les dix pays suivants comptent le plus grand nombre d'affaires pendantes:
Fédération de Russie (2 352), Ukraine (716), Roumanie (509), Türkiye
(480), Azerbaïdjan (285), Hongrie (219), Italie (187), Bulgarie (182),
République de Moldova (153) et Pologne (125)..
18. Il est également intéressant de noter le nombre de requêtes pendantes devant la Cour, dont les statistiques donnent une impression légèrement différente de celles du Comité des Ministres. Plus de la moitié des quelque 62 000 requêtes pendantes devant la Cour au 31 décembre 2020 provenaient de trois États membres: la Fédération de Russie (22%), la Türkiye (19%) et l’Ukraine (16,8%). Ils étaient suivis de la Roumanie (12,2%), de l’Italie (5,6%), de l’Azerbaïdjan (3,3%), de la Serbie (2,8%), de l’Arménie (2,3%), de la Pologne (1,9%) et de la République de Moldova (1,7%). Au 31 décembre 2022, ce classement n’avait que très légèrement changé, avec une montée à 74 650 requêtes pendantes: les requêtes déposées contre la Türkiye représentaient 26,9% du total, celles contre la Fédération de Russie 22,4% et celles contre l’Ukraine 13,9%, soit plus de 60% des requêtes pendantes à elles trois 
			(30) 
			<a href='https://www.echr.coe.int/Pages/home.aspx?p=reports&c=fre'>Requêtes
pendantes.</a>. Suivaient la Roumanie (6,4%), l’Italie (4,8%), la Grèce (3,8%), la Pologne (3,3%), l’Azerbaïdjan (2,9%), la Serbie (2,6%) et l’Arménie (1,7%), les 37 États restants représentant 11,3% du nombre total de requêtes pendantes 
			(31) 
			<a href='https://www.echr.coe.int/Pages/home.aspx?p=reports&c=fre'>Requêtes
pendantes.</a>. Ces statistiques, qui portent sur des requêtes sur lesquelles la Cour n’a pas encore statué, montrent souvent l’ampleur des problèmes structurels au niveau national – réticence à la mise en œuvre et/ou manque de volonté politique – problèmes qui auraient dû être réglés par l’exécution d’arrêts antérieurs 
			(32) 
			Doc.<a href='https://assembly.coe.int/nw/xml/XRef/Xref-XML2HTML-en.asp?fileid=23772&lang=en'> 14340, </a>op. cit., paragraphe
7.. En effet, la majorité des États membres ayant le plus grand nombre d’arrêts non mis en œuvre figuraient également parmi les États ayant le plus grand nombre d’affaires pendantes devant la Cour révélant ainsi une résistance à la mise en œuvre des arrêts de la Cour (actuellement la Türkiye, la Fédération de Russie, l’Ukraine, la Roumanie, l’Italie, l’Azerbaïdjan et la Pologne).
19. Sur les 5 533 affaires pendantes à la fin de l’année 2021 devant le Comité des Ministres, 1 300 étaient des «affaires de référence», c’est-à-dire considérées, soit par la Cour, soit par le Comité des Ministres, comme révélatrices de nouveaux problèmes structurels et/ou systémiques 
			(33) 
			<a href='https://rm.coe.int/2021-rapport-annuel/1680a9c849'>Rapport
annuel 2021</a>.(chiffre en légère augmentation par rapport aux années précédentes). Sur ces 1 300 affaires de référence, 343 étaient placées sous «surveillance soutenue» du Comité des Ministres, 897 sous «surveillance standard» et 60 étaient en attente de classification. En ce qui concerne la durée du processus d’exécution des affaires de référence, 301 étaient pendantes depuis moins de deux ans, 291 depuis deux à cinq ans, et 648 depuis plus de cinq ans 
			(34) 
			Le <a href='https://u7061146.ct.sendgrid.net/ls/click?upn=4tNED-2FM8iDZJQyQ53jATUf-2BzdUWcs31AAiq6S90oi-2FBbPEWt1nmC0lmshDwBWSR2NY3-2BlqbxR7jwlx7sRM9NQQ-3D-3DQU6A_VIH3-2Bha1squ3Hk0F8PoA7LSRbx9vitfakmKAUfedM1qjM2WJftENVSCl4XFk4tudCw0cMl8Ma2zh5stnQOaAcrMwHn8EQKzuNdVa8E7FZfxkf8l-2BUL1H-2BsI4xbrdbd55s9sb7soIFsTMv7qwT1KVeAcoW63Crc2rPDWWpw4VHP4C7QbGaplZw91l8RXEKrr07M0DLc7vAkb3t6klboqG-2Becm0p-2BQ2-2BW020iMVaweEMoJOOWgMONTN-2FondGmg3nHWt-2FeXNd64PK9ki8C-2BoES3XZMtF4E4AE9A6-2BLu9kxd-2FD2Ujm1K1BgUzkL1jiPoH3uI-2FGGngQN3hGkqTEhmmOJ6sYFfMdRZ9HRNVUjogjDR2Fo-3D'>Rapport
annuel 2022</a>, publié après la rédaction du présent exposé des motifs,
montre que sur 6 081 affaires en attente d'exécution, 1 229 étaient
des affaires de référence, dont 367 en «surveillance soutenue»,
904 en «surveillance standard», et 28 en attente de classification..
20. Les affaires de référence placées sous «surveillance soutenue» concernaient principalement des actions de forces de sécurité (12%), la légalité de détentions et des questions connexes (10%), des situations spécifiques liées au droit à la vie et à l’interdiction des mauvais traitements (8%), les conditions de détention et les soins médicaux (8%), la durée de procédures judiciaires (8%), d’autres atteintes à des droits de propriété (4%), l’exécution de décisions de juridictions nationales (3%), la légalité d’expulsions ou d’extraditions (4%), la liberté de réunion et d’association (4%) et la liberté d’expression (5%) 
			(35) 
			Rapport annuel 2021,
p. 62.. Par ailleurs, 78% des affaires de référence concernaient la Fédération de Russie (16%), l’Ukraine (15%), la Türkiye (11%), la Roumanie (10%), l’Italie (7%), l’Azerbaïdjan (6%), la Bulgarie (6%), la Hongrie (4%) ou la Pologne (3%).
21. Le Comité des Ministres a clôturé 1 122 affaires en 2021 (dont 170 affaires de référence, parmi lesquelles 11 sous surveillance soutenue) à la suite de l’adoption, par les États défendeurs, de mesures individuelles et de nombreuses mesures législatives et autres mesures générales 
			(36) 
			Le <a href='https://u7061146.ct.sendgrid.net/ls/click?upn=4tNED-2FM8iDZJQyQ53jATUf-2BzdUWcs31AAiq6S90oi-2FBbPEWt1nmC0lmshDwBWSR2NY3-2BlqbxR7jwlx7sRM9NQQ-3D-3DQU6A_VIH3-2Bha1squ3Hk0F8PoA7LSRbx9vitfakmKAUfedM1qjM2WJftENVSCl4XFk4tudCw0cMl8Ma2zh5stnQOaAcrMwHn8EQKzuNdVa8E7FZfxkf8l-2BUL1H-2BsI4xbrdbd55s9sb7soIFsTMv7qwT1KVeAcoW63Crc2rPDWWpw4VHP4C7QbGaplZw91l8RXEKrr07M0DLc7vAkb3t6klboqG-2Becm0p-2BQ2-2BW020iMVaweEMoJOOWgMONTN-2FondGmg3nHWt-2FeXNd64PK9ki8C-2BoES3XZMtF4E4AE9A6-2BLu9kxd-2FD2Ujm1K1BgUzkL1jiPoH3uI-2FGGngQN3hGkqTEhmmOJ6sYFfMdRZ9HRNVUjogjDR2Fo-3D'>Rapport
annuel 2022</a>, publié après la rédaction du présent exposé des motifs,
fait état de 880 affaires clôturées au cours de l'année 2022, y
compris 200 affaires de référence, dont 18 avaient été placées en
surveillance soutenue..
22. Les rapports annuels 2020 et 2021 indiquent que des avancées notables ont été obtenues en 2020 avec la clôture du problème des mesures individuelles dans trois affaires concernant des arrestations et détentions abusives en Azerbaïdjan (ancien groupe Ilgar Mammadov 
			(37) 
			Requête no 15172/13,
arrêt du 22 mai 2014. Par sa Résolution finale CM/ResDH(2020)178
du 3 septembre 2020, le Comité des Ministres a décidé de clore cette
affaire, ainsi que celle concernant Rasul Jafarov. En décembre 2020,
il a décidé de clore l'examen des mesures individuelles dans l'affaire
concernant Natig Jafarov, voir la décision CM/Del/Dec(2020)1390/H46-2
du 3 décembre 2020. Les mesures générales continuent d'être examinées
dans le cadre du groupe d'affaires Mammadli c. Azerbaïdjan (Requête
no 47145/14, arrêt du 19 avril 2018).) et l’annulation des condamnations de quatre autres requérants du groupe Mammadli par la Cour suprême d’Azerbaïdjan en novembre 2021 
			(38) 
			<a href='https://rm.coe.int/2021-rapport-annuel/1680a9c849'>Rapport
annuel 2021</a>, p. 12..
23. Pour 2020, le rapport annuel saluait la clôture de l’affaire Baralija c. Bosnie-Herzégovine 
			(39) 
			Requête n° 30100/18,
arrêt du 29 octobre 2019. Le Comité des Ministres a clos l'examen
de cette affaire par sa Résolution CM/ResDH(2020)240 du 1 décembre
2020., relative au droit de vote dans les élections locales 
			(40) 
			Rapport
annuel 2020, p. 12. Pour connaître les avancées majeures dans d'autres
affaires examinées par le Comité des Ministres, voir le rapport
annuel 2020, pp. 25 à 27.. Pour 2021, le rapport annuel mentionnait spécialement certains progrès: des États défendeurs ont adopté des mesures, notamment législatives, en exécution des arrêts de la Cour (modification du Code judiciaire en Belgique renforçant la liberté de religion dans les salles d’audience ; adoption d’une nouvelle loi en France introduisant un recours préventif devant le juge judiciaire concernant les conditions indignes de détention (J.M.B. et autres c. France) ; des changements législatifs et jurisprudentiels en Italie renforçant les garanties de la détention administrative des migrants dans les centres de premier accueil (Khalifa et autres c. Italie) ; versement d’indemnités pour le sang contaminé en Italie (M.C. et autres c. Italie) ; mesures prises par la Lituanie pour améliorer les enquêtes sur les crimes et discours de haine, notamment à l’encontre des personnes LGBTI (Beizaras et Levickas c. Lituanie) ; mesures prises concernant les lois sur la diffamation en Ukraine (Siryk c. Ukraine) ; et mesures prises concernant la négligence médicale et les soins de santé en Türkiye (Oyal c. Turquie, Şentürk c. Turquie, Asiye Genç c. Turquie et Zafer Öztürk c. Turquie, par exemple) 
			(41) 
			<a href='https://rm.coe.int/2021-rapport-annuel/1680a9c849'>Rapport
annuel 2021</a>, pp. 12-15..
24. Le rapport annuel 2021 n’en évoquait pas moins la persistance de difficultés d’exécution des arrêts, comme la croissance du nombre de nouveaux arrêts de la Cour, ainsi que d’importants retards de communication par les États membres d’informations essentielles à la clôture des affaires (plans et rapports d’action, informations sur le versement de la satisfaction équitable, par exemple) 
			(42) 
			Le <a href='https://u7061146.ct.sendgrid.net/ls/click?upn=4tNED-2FM8iDZJQyQ53jATUf-2BzdUWcs31AAiq6S90oi-2FBbPEWt1nmC0lmshDwBWSR2NY3-2BlqbxR7jwlx7sRM9NQQ-3D-3DQU6A_VIH3-2Bha1squ3Hk0F8PoA7LSRbx9vitfakmKAUfedM1qjM2WJftENVSCl4XFk4tudCw0cMl8Ma2zh5stnQOaAcrMwHn8EQKzuNdVa8E7FZfxkf8l-2BUL1H-2BsI4xbrdbd55s9sb7soIFsTMv7qwT1KVeAcoW63Crc2rPDWWpw4VHP4C7QbGaplZw91l8RXEKrr07M0DLc7vAkb3t6klboqG-2Becm0p-2BQ2-2BW020iMVaweEMoJOOWgMONTN-2FondGmg3nHWt-2FeXNd64PK9ki8C-2BoES3XZMtF4E4AE9A6-2BLu9kxd-2FD2Ujm1K1BgUzkL1jiPoH3uI-2FGGngQN3hGkqTEhmmOJ6sYFfMdRZ9HRNVUjogjDR2Fo-3D'>Rapport
annuel 2022</a>, publié après la rédaction du présent exposé des motifs,
fait état de défis similaires et enregistre des progrès dans la
clôture des affaires, notamment en ce qui concerne: l’efficacité
des enquêtes sur les crimes de guerre pendant la Guerre de Croatie
(1991-1995); la légalité des nominations judiciaires auprès de la
cour d'appel islandaise; et l’élimination des dispositions discriminatoires
relatives aux noms de famille des enfants en Italie..
25. Les rapports annuels 2020 et 2021 révèlent une intensification de la coopération entre le Comité des Ministres, d’une part, et la société civile et les institutions nationales des droits de l’homme (INDH), d’autre part. En 2021, le Comité des Ministres a reçu un nombre record de communications émanant d’ONG ou d’INDH: 206 communications concernant 27 États membres du Conseil de l’Europe (contre 133 concernant 24 États membres en 2019) 
			(43) 
			<a href='https://rm.coe.int/2021-rapport-annuel/1680a9c849'>Rapport
annuel 2021</a>, p. 30.. En outre, la Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe a présenté, en 2020, sa toute première communication 
			(44) 
			Dans les affaires Tysiąc
c. Pologne, R. R. c. Pologne et P. et S. c. Pologne, concernant
des restrictions dans l'accès à l'avortement légal., rapidement suivie de quatre autres en 2020 
			(45) 
			Dans les affaires:
Kavala c. Turquie (concernant la détention du requérant, un éminent
défenseur des droits civils, en violation des articles 5 et 18 de
la Convention), Bălșan c. Roumanie (concernant la violation de l'interdiction
de la torture et des traitements inhumains et dégradants), Yordanova
et autres c. Bulgarie (expulsion forcée de Roms) et D. H. et autres c.
République tchèque (discrimination dans l'exercice du droit à l'éducation
des enfants roms). Voir la liste de ces <a href='https://www.coe.int/fr/web/commissioner/rule-9'>communications</a>., puis de deux autres encore en 2022 
			(46) 
			Dans les affaires <a href='https://www.coe.int/fr/web/commissioner/-/proposed-united-kingdom-legislation-on-the-legacy-of-the-troubles-in-northern-ireland-raises-human-rights-concerns'>McKerr
et autres c. Royaume-Uni</a> (concernant plusieurs lacunes dans l'enquête sur les
décès survenus pendant les troubles en Irlande du Nord: <a href='https://rm.coe.int/submission-by-the-council-of-europe-commissioner-for-human-rights-unde/1680a7b336'>lire
la communication</a>) et <a href='https://www.coe.int/fr/web/commissioner/-/hungarian-authorities-should-refrain-from-arbitrary-removals-of-refugees-asylum-seekers-and-migrants-to-serbia-and-ensure-access-to-a-fair-and-effecti'>Ilias
et Ahmed c. Hongrie</a> (concernant l'expulsion de requérants de Hongrie vers
la Serbie sans examen soigneux du risque de mauvais traitement: <a href='https://rm.coe.int/submission-by-the-council-of-europe-commissioner-for-human-rights-unde/1680a7a4d0'>voir
la communication</a>).. Cette possibilité avait été ajoutée à la règle 9 des règles des Délégués des Ministres pour la surveillance de l’exécution des arrêts et des termes des règlements amiables le 18 janvier 2017 
			(47) 
			Par
une décision adoptée lors de la 1275e réunion,
CM/Del/Dec(2017)1275/4.1.. La Commissaire aux droits de l’homme surveillant régulièrement l’évolution des droits humains dans les États membres du Conseil de l’Europe, ces communications sont particulièrement précieuses.
26. Comme le souligne le rapport annuel 2020, trois catégories d’arrêts de la Cour présentent des difficultés particulières. Ensemble, elles représentent quelque 53% des affaires examinées par le Comité des Ministres lors de ses réunions droits de l’homme (DH) en 2020 
			(48) 
			Rapport annuel 2020,
p. 12.. Eu égard à l’importance des affaires de ce type, c’est sur elles que j’ai concentré mon travail. Ce sont:
- les affaires interétatiques et autres affaires liées à des situations postconflits ou à des conflits non résolus ;
- les «arrêts article 18» 
			(49) 
			Article 18 de la Convention:
«Les restrictions qui, aux termes de la présente Convention, sont
apportées auxdits droits et libertés ne peuvent être appliquées
que dans le but pour lequel elles ont été prévues». concernant la limitation abusives de droits et libertés ;
- les affaires révélant des «problèmes systémiques et structurels» identifiés de longue date dans des arrêts de la Cour ou un manque de volonté et de culture pour se conformer à ses jugements.

5. Affaires interétatiques et autres affaires liées à des situations post conflits ou à des conflits non résolus

27. Qu’elles proviennent de requêtes individuelles ou interétatiques, la mise en œuvre des affaires interétatiques et autres affaires liées à des situations postconflit ou à des conflits non résolus prend généralement du temps et exige un «engagement concerté» du Comité des Ministres et de son Secrétariat, ainsi que des États membres concernés. Ce processus peut s’avérer difficile en raison des «dimensions politiques importantes au niveau national ou international et du fait qu’elles sont liées à une violence armée traumatisante nécessitant une longue période de guérison» 
			(50) 
			Rapport annuel 2020,
pp. 12 et 13.. Le Rapport annuel 2020 mentionne à ce propos le «succès» que représente la clôture (partielle ou totale) du groupe Skendžić et Krznarić c. Croatie 
			(51) 
			Requête
no 16212/08, arrêt du 20 janvier 2011., concernant des enquêtes inefficaces sur des crimes de guerre, et de l’affaire Sanader c. Croatie 
			(52) 
			Requête no 66408/12,
arrêt du 12 février 2015. Le Comité des Ministres a clos l'examen
de cette affaire par sa Résolution CM/ResDH(2020)250 du 3 décembre
2020.concernant la condamnation par contumace pour crimes de guerre en Croatie. Il n’en reste pas moins un certain nombre d’affaires délicates.
28. Le nombre de requêtes interétatiques soumises à la Cour a beaucoup augmenté récemment, et l’on peut s’attendre à ce que les affaires de ce type susciteront des difficultés de mise en œuvre des arrêts dans les années à venir 
			(53) 
			Le site web de la Cour
contient une <a href='https://www.echr.coe.int/Pages/home.aspx?p=caselaw/interstate&c=fre'>liste
récente des affaires interétatiques</a>.. Il y a actuellement 19 requêtes interétatiques pendantes devant la Cour, dont 12 introduites depuis 2020 
			(54) 
			Liechtenstein
c. République tchèque (no 35738/20);
Arménie c. Azerbaïdjan (no 42521/20);
Arménie c. Turquie (no 43517/20); Azerbaïdjan
c. Arménie (no 47319/20); Ukraine c.
Fédération de Russie (IX) (no 10691/21);
Russie c. Ukraine (no 36958/21); Arménie
c. Azerbaïdjan (II) (no 33412/21); Arménie
c. Azerbaïdjan (III) (no 42445/21); Arménie
c. Azerbaïdjan (IV) (no 15389/22); Azerbaïdjan
c. Arménie (II) (no 39912/22); Ukraine
c. Fédération de Russie (X) (no 11055/22); Pays-Bas c. Russie (no 28525/20).. Nombre d’entre elles concernent des affaires différentes mettant en cause les mêmes pays 
			(55) 
			Géorgie
c. Russie (II) (satisfaction équitable) (no 38263/08);
Ukraine c. Fédération de Russie (Crimée) (no 20958/14);
Ukraine c. Fédération de Russie (VII) (no 38334/18);
Ukraine et Pays-Bas c. Fédération de Russie (nos. 8019/16, 43800/14,
28525/20 et 11055/22); Géorgie c. Fédération de Russie (IV) (no 39611/18);
Ukraine c. Fédération de Russie (VIII) (no 55855/18);
Arménie c. Azerbaïdjan (no 42521/20);
Arménie c. Turquie (no 43517/20); Azerbaïdjan
c. Arménie (no 47319/20); Ukraine c.
Fédération de Russie (IX) (no 10691/21);
Russie c. Ukraine (no 36958/21); Arménie
c. Azerbaïdjan (II) (no 33412/21); Arménie
c. Azerbaïdjan (III) (no 42445/21); Arménie
c. Azerbaïdjan (IV) (no 15389/22); Azerbaïdjan
c. Arménie (II) (no 39912/22). Voir <a href='https://www.echr.coe.int/Pages/home.aspx?p=caselaw/interstate&c='>le
site web de la Cour</a>.. Or la Cour et l’ancienne Commission n’avaient mené à terme que 25 affaires interétatiques (y compris celles qui avaient été rayées du rôle) 
			(56) 
			Lettonie c. Danemark
(no 9717/20); Slovénie c. Croatie (no 54155/16);
Ukraine c. Fédération de Russie (III) (no 49537/14);
Géorgie c. Fédération de Russie (III) (no 61186/09);
Géorgie c. Russie (I) (no 13255/07);
Danemark c. Turquie (no 34382/97); Chypre
c. Turquie (IV) (no 25781/94); Danemark,
France, Norvège, Suède & Pays-Bas c. Turquie (nos. 9940/82 à
9944/82); Chypre c. Turquie (III) (no 8007/77);
Chypre c. Turquie (I) et (II) (nos. 6780/74 et 6950/75); Irlande
c. Royaume-Uni (II) (no 5451/72); Irlande
c. Royaume-Uni (I) (no 5310/71); Danemark,
Norvège, Suède & Pays-Bas c. Grèce (II) (no 4448/70);
Danemark, Norvège, Suède & Pays-Bas c. Grèce (I) (nos 3321/67
à 3323/67 et 3344/67); Autriche c. Italie (no 788/60);
Grèce c. Royaume-Uni (II) (no 299/57);
Grèce c. Royaume-Uni (I) (no 176/56).
La Türkiye ou la Grèce étaient l'une des parties dans 17 de ces
25 requêtes (68%).. Si toutes les requêtes pendantes n’aboutissent pas nécessairement à un arrêt à mettre en œuvre par un État ou à superviser par le Comité des Ministres, la multiplication des affaires interétatiques conduit à penser que le Conseil de l’Europe ferait preuve de prudence en se dotant d’outils pour les traiter et faciliter la mise en œuvre des arrêts correspondants.
29. Lors de l’audience qui s’est tenue le 7 décembre 2021 (voir résumé en annexe), les défis posés par les affaires interétatiques étaient clairs, de même que l’importance de la persévérance et d’une meilleure compréhension du fait que tant qu’il y aura des conflits non résolus entre les États membres, les affaires interétatiques continueront et leurs arrêts ne seront pas mis en œuvre précisément en raison d’un manque de volonté politique. L’Europe doit devenir un espace de paix et de sécurité débarrassé des différends et des conflits interétatiques et il faudrait peut-être réfléchir davantage au développement de l’attention du Conseil de l’Europe sur ces défis. De nombreuses requêtes individuelles sont liées à des conflits armés, et il est donc important de couvrir également ces cas et de ne pas perdre de vue les personnes touchées par une situation de conflit. Les affaires ci-dessous illustrent les types de défis que pose le traitement des affaires interétatiques: Chypre c. Turquie; Géorgie c. Russie; Catan et autres c. Moldova et Russie; Mozer c. Moldova et Russie; et les affaires relatives à la situation dans le Haut-Karabakh.

5.1. Chypre c. Turquie et affaires liées à la situation dans la partie de Chypre où la Türkiye exerce un contrôle effectif

30. Dans l’arrêt de 2001 Chypre c. Turquie 
			(57) 
			Requête n° 25781/94,
arrêts de la Grande chambre du 10 mai 2001 (sur le fond) et du 12
mai 2014 (satisfaction équitable). <a href='https://hudoc.echr.coe.int/eng?i=001-144153'>Chypre c.Turquie</a> (bien-fondé) – consulter ici <a href='https://hudoc.exec.coe.int/eng?i=004-37129'>l’état d’exécution</a>., la Cour a conclu à de multiples violations de la Convention liées à la situation dans la partie de Chypre où elle a jugé que la Türkiye exerce son contrôle effectif, depuis l’intervention militaire de la Türkiye à Chypre en 1974. Les autorités turques ont remédié à un certain nombre de violations 
			(58) 
			En ce qui concerne
le droit à l'éducation, à la liberté de religion, et à la propriété,
des Chypriotes grecs résidant dans la partie de Chypre où la Türkiye
exerce un contrôle effectif, ainsi que les compétences des tribunaux
militaires, voir les résolutions intérimaires ResDH(2005)44, CM/Res(2007)25
et CM/ResDH(2020)185. et l’examen du Comité des Ministres porte principalement sur les questions relatives aux Chypriotes grecs disparus et sur les droits de propriété des Chypriotes grecs déplacés et de ceux qui résident dans la partie de Chypre où la Türkiye exerce un contrôle effectif – des questions qui sont à l’ordre du jour depuis 2001. Les principaux problèmes de mise en œuvre dans l’affaire Chypre c. Turquie ont déjà été présentés dans la note d’information AS/Jur(2023)06 
			(59) 
			AS/Jur(2023)06, op. cit.. Il s’agit de 14 violations de la Convention liées à la situation dans la partie de Chypre où la Türkiye exerce un contrôle effectif:
  • les Chypriotes grecs portés disparus et leurs familles (violation des articles 2, 3 et 5) 
			(60) 
			S'agissant des personnes
disparues, le Comité des personnes disparues (CMP) poursuit ses
recherches grâce à ses activités d'exhumation, soumettant toute
nouvelle information pertinente au sujet d'éventuels lieux d'inhumation.
Au 31 janvier 2022, le CMP avait retrouvé les restes de 1 185 personnes
et identifié 1 024 personnes appartenant aux deux communautés (sur
un total de 2 002 personnes portées disparues appartenant aux deux
communautés). Parmi les personnes identifiées, 733 sont des Chypriotes
grecs (sur les 1 510 Chypriotes grecs portés disparus). Les autorités turques
ont indiqué qu'en 1997, elles avaient fourni au CMP toutes les informations
dont elles disposaient sur d'éventuels lieux d'inhumation. 
			(60) 
			S'agissant
des enquêtes pénales, l'Unité des personnes disparues a été mise
en place en 2010 dans la partie nord de Chypre pour mener des enquêtes
sur le décès des Chypriotes grecs dont les restes avaient été localisés
et identifiés par le CMP. En 2020 (<a href='https://search.coe.int/cm/Pages/result_details.aspx?Reference=DH-DD(2020)1003'>DH-DD(2020)1003</a>), cette unité avait entamé 700 enquêtes pénales et reçu
des déclarations écrites de 605 témoins. <a href='https://search.coe.int/cm/Pages/result_details.aspx?Reference=DH-DD(2021)150'>Les
ONG ont critiqué le manque d'implication des familles des victimes
dans le processus d'enquête et ont demandé la création d'une commission
de la vérité (DH-DD(2021)150</a>).. L’affaire connexe Varnava c. Turquie 
			(61) 
			<a href='https://hudoc.echr.coe.int/eng'>Varnava c. Turquie</a>., qui concerne l’absence d’enquêtes effectives afin d’élucider le sort de Chypriotes grecs disparus lors d’opérations militaires turques à Chypre en 1974 ;
  • les droits de propriété des Chypriotes grecs déplacés (violation des articles 8 et 13 et de l’article 1 du Protocole additionnel à la Convention (STE no 9); s’y ajoute l’affaire connexe Xenides-Arestis  
			(62) 
			<a href='https://hudoc.echr.coe.int/eng'>Xenides-Arestis c. Turquie</a> (en anglais) – consulter ici <a href='https://hudoc.exec.coe.int/eng?i=004-37309'>l’état d’exécution</a>. À la suite de cet arrêt la loi no 67/2005
sur l'indemnisation, l'échange ou la restitution des biens immobiliers
a été adoptée; elle crée une commission des biens immobiliers modifiée
(CBI) a été adoptée. Cette loi permet aux propriétaires chypriotes
grecs de demander à la CBI la restitution, l'indemnisation et/ou
l'échange, ainsi que l'indemnisation pour perte de jouissance, de
biens immobiliers situés dans la partie nord de l'île qui avaient
été enregistrés à leur nom le 20 juillet 1974 (ou au nom d'une personne
dont ils sont les héritiers légaux). Des inquiétudes ont été exprimées
quant à l'incidence des transferts de propriété et des activités
de construction sur les biens. Les autorités turques ont noté qu'à
la suite d'une décision de la CBI prévoyant la restitution immédiate
des propriétés ou leur restitution après la résolution du problème
chypriote, celles-ci ne peuvent être vendues ou transformées sans
le consentement de leurs propriétaires chypriotes grecs. Les autorités
turques considèrent que cette partie de l'arrêt devrait être clôturée
compte tenu du fonctionnement de la CBI, du montant de l'indemnisation
déjà versée et des appréciations de la Cour.;
  • les conditions de vie des Chypriotes grecs dans la région du Karpasia/Karpas (violation des articles 3, 8, 9, 10 et 13 et des articles 1 et 2 du Protocole additionnel à la Convention)  
			(63) 
			À la suite des mesures
adoptées par la Türkiye, le Comité des Ministres a décidé de clore
l'examen des questions concernant les conditions de vie des Chypriotes
grecs dans la partie de Chypre où la Türkiye exerce un contrôle
effectif pour ce qui est de l'enseignement secondaire, de la censure
des manuels scolaires, de la liberté de religion et des droits de
propriété. D'autres éléments de l'arrêt Chypre
c. Turquie doivent encore être examinés, dont: la violation
du droit au respect de la vie privée et familiale et du domicile
des Chypriotes grecs vivant dans la partie de Chypre où la Türkiye exerce
un contrôle effectif, en particulier en raison des restrictions
imposées aux visites familiales et de la surveillance de leurs contacts
et de leurs mouvements (violation de l'article 8); la discrimination
à l'égard des Chypriotes grecs vivant dans la région du Karpas,
assimilable à un traitement dégradant en raison des restrictions
imposées à leur communauté (violation de l'article 3); l'absence
de voies de recours en matière d’ingérence des autorités dans les
droits des Chypriotes grecs vivant dans la partie de Chypre où la
Türkiye exerce un contrôle effectif (violation de l'article 13).;
  • les droits des Chypriotes turcs résidant dans la partie de Chypre où la Türkiye exerce un contrôle effectif pour ce qui concerne la compétence des tribunaux militaires turques (violation de l’article 6) 
			(64) 
			À
la suite des mesures adoptées par la Türkiye, le Comité des Ministres
a décidé de clore l'examen des questions concernant les droits des
Chypriotes turcs installés dans la partie de Chypre où la Türkiye
exerce un contrôle effectif (compétence des tribunaux militaires)..
31. Dans l’arrêt Chypre c. Turquie (satisfaction équitable) 
			(65) 
			<a href='https://hudoc.echr.coe.int/eng?i=001-144153'>Chypre
c. Turquie (satisfaction équitable)</a>., la Grande Chambre a décidé que la Türkiye devait verser au Gouvernement chypriote 30 millions d’euros au titre du préjudice moral subi par les proches des personnes disparues et 60 millions d’euros au titre du préjudice moral (qui ne concerne pas les droits de propriété) subi par les résidents chypriotes grecs enclavés de la péninsule du Karpasia/Karpas. La Cour a indiqué que ces montants devraient être distribués par le Gouvernement chypriote aux victimes individuelles, sous la surveillance du Comité des Ministres. En septembre 2021, le Comité des Ministres a adopté la Résolution intérimaire CM/ResDH(2021)201 demandant instamment aux autorités turques de respecter leur obligation inconditionnelle et de payer la satisfaction équitable accordée par la Cour en 2014 dans cette affaire, ainsi que les intérêts moratoires dus, sans plus attendre. Malgré d’autres décisions de 2022 et de 2023 déplorant l’absence de réponse à cette résolution intérimaire, la satisfaction équitable n’a toujours pas été versée.
32. J’ai exposé l’état de la mise en œuvre dans cette affaire dans ma note d’information publiée pour faciliter l’échange de vues de janvier 2023 de la commission des questions juridiques et des droits de l’homme sur la Türkiye 
			(66) 
			AS/Jur(2023)06, op. cit., paragraphes 39-45..
33. En mars 2023, le Comité des Ministres a également examiné la question des Chypriotes grecs disparus et, tout en reconnaissant les progrès accomplis depuis 2001, a réitéré son appel aux autorités turques à continuer de veiller à ce que le Comité des personnes disparues (CMP) ait un accès sans entrave à toutes les zones et aux informations sur tous les lieux où des restes pourraient être trouvés et à poursuivre les enquêtes menées par l’Unité des personnes disparues. Le Comité a examiné en outre l’affaire individuelle connexe Varnava et autres c. Turquie. Dans cette affaire, le Comité a également insisté à nouveau fermement sur l’obligation inconditionnelle de la Türkiye de verser sans plus tarder la satisfaction équitable accordée par la Cour européenne en 2019.
34. Le groupe d’affaires Xenides-Arestis c. Turquie 
			(67) 
			Xenides-Arestis
c. Turquie (Requête n o 46347/99) – pour
lequel le versement de la satisfaction équitable est en souffrance
depuis 2007.rassemble 33 affaires individuelles relatives à des ingérences dans le droit de propriété de biens situés dans la partie de Chypre où la Türkiye exerce un contrôle effectif et pour lesquelles le paiement de la satisfaction équitable est toujours en souffrance. En 2021, le Comité des Ministres a décidé de clore la surveillance de l’exécution des arrêts dans les affaires Alexandrou et Eugenia Michaelidou Developments Ltd et Michael Tymvios et a adopté une résolution finale. Les mesures générales requises en réponse aux manquements constatés par la Cour dans ces affaires continuent d’être examinées dans le cadre de l’affaire Chypre c. Turquie. Lors de son dernier examen de ce groupe en 2022, le Comité des Ministres a chargé le Secrétariat, si la situation concernant le paiement de la satisfaction équitable restait inchangée, de préparer un projet de résolution intérimaire sur le paiement de la satisfaction équitable, pour examen par le Comité lors de son prochain examen.
35. Le Comité des Ministres a aussi examiné les groupes Kakoulli et Isaak concernant la Türkiye; il s’agissait de violations du droit à la vie de personnes tuées après avoir franchi la ligne de cessez-le-feu. Lors du dernier examen, en ce qui concerne les mesures individuelles, le Comité des Ministres a demandé des informations supplémentaires sur la conclusion des autorités compétentes selon laquelle les forces de sécurité ont agi conformément à la loi et sur la possibilité de nouvelles enquêtes dans certains cas. En ce qui concerne les mesures générales, le Comité des Ministres s’est félicité du message de tolérance zéro à l’égard des mauvais traitements infligés par la police, délivré par le procureur général compétent, et a pris note avec intérêt de l’introduction d’une possibilité de révoquer un officier de police à la suite d’une condamnation à une peine de prison pour usage excessif de la force, ainsi que de l’introduction d’une nouvelle infraction pénale au Code pénal concernant l’usage excessif de la force.

5.2. Géorgie c. Russie 
			(68) 
			Il existe également
une affaire interétatique plus récente: Géorgie c. Russie (II),
qui concerne diverses violations de la Convention dans le contexte
du conflit armé entre la Géorgie et la Russie en août 2008.

36. L’affaire Géorgie c. Russie 
			(69) 
			Requête no 13255/07,
Grande Chambre, arrêts du 3 juillet 2014 (sur le fond) et du 31
janvier 2019 (satisfaction équitable).trouve son origine dans les tensions politiques survenues entre les deux pays à l’été 2006; elle porte sur l’arrestation, la détention et l’expulsion arbitraires par la Fédération de Russie d’un grand nombre de ressortissants géorgiens en 2006 et 2007 (violations de l’article 4 du Protocole no 4 (STE no 46) et des articles 3, 5(1) et (4), 13 et 38 de la Convention). Sur le volet des mesures générales, les autorités russes ont soumis, en février 2022, un plan d’action (DH-DD(2022)211) qui mentionnait un projet de loi visant à permettre l’examen de la situation individuelle des ressortissants étrangers avant leur expulsion et à améliorer les conditions de détention des personnes vulnérables. Le Comité des Ministres a porté un avis favorable sur ces changements, mais a considéré que «ces développements ne peuvent à eux seuls répondre pleinement aux causes profondes du problème soulevé dans l’arrêt» 
			(70) 
			Résolution intérimaire <a href='https://search.coe.int/cm/Pages/result_details.aspx?ObjectID=0900001680a6db06'>CM/ResDH(2022)146</a>, 10 juin 2022..
37. Dans son arrêt sur la satisfaction équitable, la Cour européenne des droits de l’homme a estimé que la Fédération de Russie devait, dans un délai de trois mois, verser au gouvernement géorgien la somme de 10 millions d’euros au titre du préjudice moral subi par un groupe d’au moins 1 500 ressortissants géorgiens victimes de violations de la Convention. La Cour a indiqué que ces montants devraient être distribués par le Gouvernement géorgien aux victimes individuelles, sous la surveillance du Comité des Ministres. Le délai de paiement a expiré le 30 avril 2019 et la Russie a semblé contester par divers arguments l’octroi de la satisfaction équitable. On avait un peu espéré une avancée en 2021 lorsqu’un approche innovante avait été proposée: la Fédération de Russie verserait la satisfaction équitable et les intérêts cumulés sur un compte bancaire du Conseil de l’Europe. Les sommes seraient détenues à titre fiduciaire jusqu’à ce que les détails du mécanisme de distribution soient fournis au Comité des Ministres par les autorités géorgiennes et approuvés par celui-ci dans une décision autorisant le transfert des sommes à la Géorgie. En décembre 2021, le Comité des Ministres a noté avec satisfaction que la Secrétaire Générale du Conseil de l’Europe et les autorités géorgiennes avaient signé un protocole d’accord à cette fin ; il a également exprimé l’espoir que le protocole d’accord serait rapidement signé par les autorités russes et les fonds versés dans les plus brefs délais sur le compte bancaire du Conseil de l’Europe, en tout état de cause avant la fin de l’année. Le 17 décembre 2021, l’agent du gouvernement russe a signé le protocole d’accord, qui a été transmis à la Secrétaire Générale. Mais le paiement demandé par le Comité des Ministres et prévu dans le protocole d’accord n’a malheureusement pas été effectué. Dans ses résolutions intérimaires de juin et décembre 2022, le Comité des Ministres a fermement confirmé l’obligation inconditionnelle en vertu de l’article 46(1) de la Convention de verser la satisfaction équitable octroyée par la Cour, et a profondément déploré le défaut persistant de paiement 
			(71) 
			Résolution intérimaire
CM/ResDH(2022)146, 10 juin 2022; Résolution intérimaire CM/ResDH(2022)354,
8 décembre 2022..

5.3. Situation dans la région transnistrienne de la République de Moldova – affaires Catan et Mozer

38. L’affaire Catan et autres c. Moldova et Russie 
			(72) 
			Catan et autres c.
Moldova et Russie, Requêtes nos 43370/04,
8252/05 et 18454/06, arrêt du 19 octobre 2012. En 2018, la Cour
a rendu un autre arrêt – Bobeico et autres c. Russie (Requête no 30003/04,
arrêt du 23 octobre 2018) constatant le même type de violation de
la Convention pour un autre groupe d'enfants. porte sur la violation du droit à l’éducation d’enfants ou parents d’enfants d’écoles situées dans la région de Transnistrie de la République de Moldova et où l’enseignement est dispensé en alphabet latin. La Cour a estimé que la Fédération de Russie exerçait un contrôle effectif sur cette région pendant la période en question et que sa responsabilité se trouvait donc engagée au regard de la Convention pour la violation en question. Là encore, la Fédération de Russie a contesté l’arrêt, à caractère pourtant définitif et contraignant, et son obligation de le mettre en œuvre.
39. Des problèmes persistent en dépit de résolutions intérimaires. Le Comité des Ministres a examiné cette affaire en 2021 ; il a profondément déploré que, quelque neuf ans après que l’arrêt était devenu définitif, les autorités russes ne lui aient fourni aucune information sur les mesures concrètes prises ou prévues pour exécuter les arrêts du groupe dont fait partie cette affaire. Il a pris la décision inhabituelle de charger le Secrétariat de préparer une analyse des mesures requises, à la lumière des conclusions de la Cour et des conditions concrètes actuelles concernant le fonctionnement des écoles utilisant l’alphabet latin. Bien qu’inhabituelles, les instructions données au Secrétariat reflètent la reconnaissance par le Comité des Ministres que des mesures sont nécessaires pour mettre en œuvre les arrêts de la Cour. En décembre 2022, il a constaté qu’après dix ans, les autorités russes n’avaient toujours pas versé la satisfaction équitable ni ne lui avaient soumis un plan d’action, et qu’elles ne s’étaient toujours pas conformées à l’arrêt définitif et contraignant de la Cour, en violation de l’article 46(1) 
			(73) 
			Décision CM/Del/Dec(2022)1451/H46-30
– 8 décembre 2022..
40. L’affaire Mozer c. Moldova et Russie 
			(74) 
			Requête n o<a href='https://hudoc.echr.coe.int/eng'>11138/10</a>, 23 février 2016.et 42 autres affaires portent sur des violations de la Convention qui ont eu lieu entre 1997 et 2016 dans la région transnistrienne de la République de Moldova. La Cour a confirmé ses conclusions antérieures, selon lesquelles la Russie continuait d’exercer un contrôle effectif et une influence décisive sur les autorités de la «MRT» (République autoproclamée de Transnistrie). Dans une lettre datée du 4 août 2022, les autorités russes ont indiqué à certains requérants que ces décisions ne pouvaient être exécutées car elles étaient incompatibles avec des principes constitutionnels de la Fédération de Russie 
			(75) 
			Secrétariat du Comité
des Ministres – DH-DD(2022)1227, 10 novembre 2022, déposé le 24
octobre 2022.. Dans une décision du 8 décembre 2022, le Comité des Ministres a exprimé une fois encore sa grave préoccupation quant à l’absence de tout plan ou bilan d’action dans ce groupe d’affaires, et a demandé instamment aux autorités russes de fournir les documents pertinents exposant les mesures concrètes pour exécuter ces arrêts 
			(76) 
			Décisions
– CM/del/Dec(2022)1451/H46-34, Délégués des Ministres, 1451e réunion,
8 décembre 2022..

5.4. Affaires relatives à la situation dans le Haut-Karabakh

41. Le Comité des Ministres examine depuis juin 2015 la mise en œuvre de deux arrêts concernant le conflit militaire qui a opposé de 1988 à 1994 l’Arménie et l’Azerbaïdjan dans la région du Haut-Karabakh: Chiragov et autres c. Arménie 
			(77) 
			Requête
no 13216/05, arrêts de Grande Chambre
du 16 juin 2015 (sur le fond) et du 12 décembre 2017 (sur la satisfaction
équitable). La <a href='https://hudoc.exec.coe.int/eng'>description de l’affaire</a> contient les dernières informations sur l'état de la
mise en œuvre. et Sargsyan c. Azerbaïdjan 
			(78) 
			Requête no 40167/06,
arrêts de Grande Chambre du 16 juin 2015 (sur le fond) et du 12
décembre 2017 (sur la satisfaction équitable).. L’arrêt Chiragov et autres concerne des ressortissants azerbaïdjanais qui ont été contraints de quitter leurs maisons situées à Latchine au début du conflit et se sont vu refuser l’accès à leurs biens et à leur domicile depuis, ainsi que toute voie de recours (violation continue de l’article 1 du Protocole additionnel à la Convention et des articles 8 et 13 de la Convention). La Cour a estimé que l’Arménie exerçait un contrôle effectif sur la région du Haut-Karabakh et les territoires environnants, y compris sur le district de Latchine, et que les faits visés par la plainte relevaient de la juridiction de cet État 
			(79) 
			Paragraphe
186 de l'arrêt Chiragov et autres.. L’arrêt Sargsyan concerne un réfugié arménien contraint par le conflit de quitter son domicile de Golestan, ville sur laquelle, selon la Cour, l’Azerbaïdjan exerçait une compétence internationalement reconnue. La Cour a accepté le refus des autorités azerbaïdjanaises d’accorder aux civils l’accès au village pour des raisons de sécurité, mais a critiqué l’absence de mesures visant à rétablir les droits du requérant sur ses biens et son domicile, ainsi que celle de tout mécanisme de réparation (ce qui constitue aussi une violation continue de l’article 1 du Protocole additionnel à la Convention et des articles 8 et 13 de la Convention). Dans ces deux arrêts, la Cour a estimé que, puisque «un accord de paix global n’a pas encore été trouvé, il paraît particulièrement important de mettre en place un mécanisme de revendication des biens qui soit aisément accessible et qui offre des procédures fonctionnant avec des règles de preuve souples, de manière à permettre au requérant et aux autres personnes qui se trouvent dans la même situation que lui d’obtenir le rétablissement de leurs droits sur leurs biens ainsi qu’une indemnisation pour la perte de jouissance de ces droits» 
			(80) 
			Paragraphe 199 de l'arrêt
Chiragov et autres et paragraphe 238 de l'arrêt Sargsyan.. Dans les arrêts de satisfaction équitable rendues dans les deux affaires, la Cour a octroyé à chaque requérant une satisfaction équitable de 5 000 euros au titre des dommages matériels (perte de revenus et augmentation des frais de subsistance) et du préjudice moral. La satisfaction équitable octroyée par la Cour en 2017 n’a toujours pas été versée, bien que le Secrétariat ait travaillé à des solutions innovantes, y compris un protocole d’accord prévoyant le paiement depuis un compte bancaire du Conseil de l’Europe.
42. Au-delà des affaires interétatiques plus courantes, une proportion importante des affaires de la Cour européenne des droits de l’homme en attente de mise en œuvre en Azerbaïdjan concerne les conséquences du conflit. Nombre d’entre elles ont trait au logement des personnes déplacées en Azerbaïdjan, dans le cadre du groupe Mirzayev 
			(81) 
			<a href='https://hudoc.echr.coe.int/eng'>Mirzayev c. Azerbaïdjan</a> (2009, en anglais).. Ces affaires concernent des personnes qui ont été contraintes de quitter leur domicile en raison du conflit, et dont beaucoup ont emménagé dans des appartements appartenant à d’autres personnes (plus de 500 décisions de justice internes doivent encore être exécutées). Ces affaires représentent environ 40% de l’ensemble des affaires non mises en œuvre en Azerbaïdjan. Cependant, il existe également d’autres affaires liées au conflit. J’ai appris lors de ma visite en Azerbaïdjan que des progrès avaient été réalisés dans certains domaines, mais qu’en raison du caractère sensible de ces affaires et par souci de réciprocité, ils n’étaient pas aussi rapides qu’ils auraient pu l’être si l’affaire avait été politiquement moins délicate. Dans la note que j’ai rédigée à la suite de ma visite, j’ai indiqué qu’il serait utile d’examiner comment améliorer la coopération avec l’Arménie sur les problèmes de droits humains liés au conflit. J’encouragerais également l’Azerbaïdjan à prendre des mesures pour régler les questions relatives aux personnes déplacées dans leur propre pays: si ce groupe était résolu, le nombre global d’affaires azerbaïdjanaises non mises en œuvre diminuerait d’environ 40%. Cela permettrait à l’Azerbaïdjan de traiter les arrêts non mis en œuvre qui concernent des domaines importants de la démocratie et de l’État de droit.

6. «Affaires article 18» concernant les restrictions abusives de droits et libertés

43. Au chapitre des «arrêts article 18», le Rapport annuel 2021 indique que leur nombre a augmenté et que 13 affaires de ce type concernant cinq États membres du Conseil de l’Europe (Azerbaïdjan, Géorgie, Fédération de Russie, Türkiye et Ukraine) étaient pendantes devant le Comité des Ministres à la fin de l’année 2021 
			(82) 
			Le <a href='https://u7061146.ct.sendgrid.net/ls/click?upn=4tNED-2FM8iDZJQyQ53jATUf-2BzdUWcs31AAiq6S90oi-2FBbPEWt1nmC0lmshDwBWSR2NY3-2BlqbxR7jwlx7sRM9NQQ-3D-3DQU6A_VIH3-2Bha1squ3Hk0F8PoA7LSRbx9vitfakmKAUfedM1qjM2WJftENVSCl4XFk4tudCw0cMl8Ma2zh5stnQOaAcrMwHn8EQKzuNdVa8E7FZfxkf8l-2BUL1H-2BsI4xbrdbd55s9sb7soIFsTMv7qwT1KVeAcoW63Crc2rPDWWpw4VHP4C7QbGaplZw91l8RXEKrr07M0DLc7vAkb3t6klboqG-2Becm0p-2BQ2-2BW020iMVaweEMoJOOWgMONTN-2FondGmg3nHWt-2FeXNd64PK9ki8C-2BoES3XZMtF4E4AE9A6-2BLu9kxd-2FD2Ujm1K1BgUzkL1jiPoH3uI-2FGGngQN3hGkqTEhmmOJ6sYFfMdRZ9HRNVUjogjDR2Fo-3D'>Rapport
annuel 2022</a>, publié après la rédaction du présent exposé des motifs,
recense 13 affaires de ce type concernant l'Azerbaïdjan, la Bulgarie,
la Géorgie, la Fédération de Russie, la Türkiye et l'Ukraine.. Ces affaires portent principalement sur l’arrestation, la détention et, dans certains cas, la condamnation d’auteurs de critiques à l’égard du gouvernement, de militants de la société civile, de défenseurs des droits humains et de responsables politiques. Dans de nombreux cas, il s’agit de poursuites pénales pour des accusations non étayées par des preuves et dont l’objectif ultime est de réduire au silence ou de punir le requérant et de décourager d’autres militants ou auteurs de critiques. Les affaires en question sont: groupe Mammadli c. Azerbaïdjan 
			(83) 
			Requête n° 15172/13,
arrêt du 22 mai 2014. Groupe de six affaires., Lutsenko c. Ukraine 
			(84) 
			Requête n° 6492/11,
arrêt du 3 juillet 2012., Timochenko c. Ukraine 
			(85) 
			Requête
n° 49872/11, arrêt du 30 avril 2013., Merabishvili c. Géorgie 
			(86) 
			Requête n° 72508/13,
arrêt du 28 novembre 2017., Kavala c. Turquie 
			(87) 
			Requête n° 28749/18,
arrêt du 10 décembre 2019., Selahattin Demirtaş c. Turquie(n° 2) 
			(88) 
			Requête n° 14305/17,
arrêt du 22 décembre 2020., Navalnyy c. Russie 
			(89) 
			Requête n° 29580/12,
arrêt du 15 novembre 2018 (Grande Chambre). et Navalnyy (n° 2) c. Russie 
			(90) 
			Requête n° 43734/14,
arrêt du 9 avril 2019.. Le 10e rapport a examiné de manière détaillée la mise en œuvre de l’arrêt Ilgar Mammadov c. Azerbaïdjan (qui faisait l’objet d’un arrêt article 46(4)) et d’autres affaires de cet (ancien) groupe (désormais appelé groupe Mammadli) 
			(91) 
			10e rapport,
section 4.1.. Il est heureux que certaines de ces affaires aient été clôturées. J’en présente quelques-unes plus en détail ci-dessous, afin d’illustrer les problèmes et difficultés rencontrés.
44. Les violations de l’article 18 de la Convention nient par excellence l’essence même de la démocratie et sont jugées particulièrement graves car liées à un abus de pouvoir délibéré. Elles «requièrent une attention particulière, car non seulement elles sont liées généralement à des problèmes systémiques au niveau national, mais aussi parce qu’elles ont, par nature, une dimension politique importante qui pourrait faire obstacle à leur exécution rapide» 
			(92) 
			Rapport annuel 2020,
p. 12.. Conformément à la pratique habituelle du Comité des Ministres, leur exécution exigerait que toutes les conséquences négatives de la procédure pénale abusive soient éliminées pour le requérant (restitutio in integrum) et que l’État défendeur prenne les mesures nécessaires pour prévenir la récurrence de l’abus de pouvoir et, le cas échéant, renforce l’indépendance de la justice et du ministère public 
			(93) 
			<a href='https://rm.coe.int/2021-rapport-annuel/1680a9c849'>Rapport
annuel 2021</a>, p. 17..
45. Le résumé de l’audition tenue le 14 novembre 2022 (voir annexe) explique la nature spécifique des arrêts relatifs à l’article 18, concernant des violations des droits humains dans la poursuite d’un but inavoué illégal. La jurisprudence clairement établie et appliquée par la Cour européenne des droits de l’homme en ce qui concerne les affaires relevant de l’article 18 concerne: (1) un intervalle de temps important entre l'ensemble des événements (par exemple, un intervalle de plusieurs années entre les faits allégués et les actes de l’accusation); (2) la qualité de l’ensemble des preuves (par exemple, le fait que des activités légales soient considérées comme des actes pénalement répréhensibles); (3) le comportement du requérant au cours de la procédure pénale; et (4) les déductions chronologiques faites à partir de la manière dont les responsables politiques abordent le traitement d'une affaire et l'élaboration de l'acte d'accusation. Cette audition a mis en évidence l’importance des arrêts relatifs à l’article 18 en ce qui concerne l’abus de pouvoir et les véritables buts des violations des droits humains; de tels arrêts sont un signal d’alarme. Je souligne que la mise en œuvre et la réparation intégrale des violations de l’article 18 constituent l’essence même d’une société démocratique. J’ai noté en particulier les différents types d’affaires relevant de l’article 18 (les affaires de détention et celles visant à réduire au silence par le biais de procédures disciplinaires) et la nécessité d’un suivi étroit et en temps opportun des affaires concernant l’article 18. Les parlements nationaux et les parlementaires devraient intervenir pour soutenir la résolution de ces cas, et davantage pourrait être fait pour impliquer les parlements nationaux et les parlementaires dans ce travail.
46. Le Comité des Ministres a engagé des procédures en manquement en application de l’article 46(4) pour non mise en œuvre d’arrêts article 18. Cette démarche a facilité la libération d’Ilgar Mammadov par l’Azerbaïdjan. Cependant, l’arrêt rendu en faveur de M. Kavala, défenseur des droits humains, n’a toujours pas permis d’obtenir sa libération par la Türkiye ; il a déjà passé cinq ans en prison. Dans ces procédures en manquement, la Cour européenne des droits de l’homme a noté que lorsque la détention d’une personne est considérée comme une violation de l’article 18, si cette personne est libérée puis à nouveau détenue pour des charges différentes mais fondées sur les mêmes faits, la violation de l’article 18 se poursuit.

6.1. Article 46(4) et non-respect d’un arrêt définitif de la Cour – détention arbitraire dans le but caché de réduire au silence M. Osman Kavala et de décourager d’autres défenseurs des droits humains

47. Osman Kavala, défenseur des droits humains turc, a participé à la création de nombreux mouvements de la société civile et ONG dont les activités touchent aux droits humains, à la culture, aux études sociales, à la réconciliation historique et à la protection de l’environnement. Il a été arrêté le 18 octobre 2017, puis placé en détention provisoire, accusé de tentative de renversement du gouvernement dans le cadre des événements du parc de Gezi de 2013 (article 312 du Code pénal turc) et de renversement de l’ordre constitutionnel dans le cadre de la tentative de coup d’État de juillet 2016 (article 309 du Code pénal turc). Il est privé de liberté depuis cette date.
48. Dans l’arrêt Kavala 
			(94) 
			<a href='https://hudoc.echr.coe.int/eng?i=001-199499'>Kavala
c. Turquie</a> – consulter ici <a href='https://hudoc.exec.coe.int/eng?i=004-55162'>l’état d’exécution</a>. de 2019, la Cour européenne des droits de l’homme a conclu à une violation de l’article 5 et de l’article 18 combiné avec l’article 5, en ce qui concerne les soupçons portés contre M. Kavala en octobre 2017 concernant les événements du parc Gezi et la tentative de coup d’État du 15 juillet 2016, ainsi que sa détention provisoire ultérieure. La Cour a estimé que cette arrestation et cette détention provisoire avaient eu lieu en l’absence d’éléments de preuves permettant de penser qu’il existait des raisons plausibles de le soupçonner d’avoir commis une infraction et également qu’elles poursuivaient un but inavoué, à savoir le réduire au silence et dissuader d’autres défenseurs des droits humains (violation de l’article 18 combiné avec l’article 5). La Cour a indiqué que le maintien en détention provisoire du requérant entraînerait une prolongation de la violation de l’article 5 et de l’article 18 combiné avec l’article 5, ainsi qu’une violation des obligations de la Türkiye de se conformer aux arrêts de la Cour conformément à l’article 46(1) de la Convention. Elle a donc estimé que le gouvernement devait faire procéder à sa libération immédiate.
49. Le requérant n’a toutefois pas été libéré et le Comité des Ministres a donc saisi la Cour en application de l’article 46(4). Dans son arrêt Kavala du 11 juillet 2022 (article 46(4)), la Grande Chambre a conclu que la Türkiye avait manqué à son obligation de se conformer aux arrêts définitifs de la Cour au titre de l’article 46(1). Elle a noté que la non mise en œuvre d’une décision judiciaire définitive et obligatoire risquerait de créer des situations incompatibles avec le principe de l’État de droit. La Cour a estimé que les mesures indiquées par la Türkiye ne lui permettaient pas de conclure que l’État partie concerné avait agi de bonne foi, de manière compatible avec les conclusions et l’esprit de l’arrêt Kavala, ou de façon à rendre concrète et effective la protection des droits reconnus par la Convention. Selon la Cour, le constat de violation de l’article 5(1), lu isolément et combiné avec l’article 18, qu’elle avait formulé dans le premier arrêt Kavala, a eu pour effet de «vicier toute mesure résultant des accusations relatives aux événements de Gezi et à la tentative de coup d’État».
50. Le 25 avril 2022, la Cour d’assises a condamné le requérant pour tentative de renversement du gouvernement par la force (article 312 du Code pénal turc) à une peine de réclusion à perpétuité aggravée. Le 28 décembre 2022, la cour d’appel régionale d’Istanbul a rejeté le recours formé par le requérant contre sa condamnation et la peine infligée. Au vu des conclusions de la Cour européenne des droits de l’homme (selon laquelle il n’y avait pas de preuves suffisantes permettant raisonnablement de soupçonner que M. Kavala aurait commis ces crimes), il est difficile de comprendre comment la justice turque a pu conclure qu’il y avait suffisamment de preuves pour une condamnation. D’autres procédures sont pendantes.
51. Les autorités turques ont cherché à contester les conclusions claires de la Cour européenne des droits de l’homme plutôt que de chercher à se conformer aux obligations de la Türkiye, en vertu de l’article 46(1), de la Convention, d’éliminer toutes les conséquences négatives des accusations pénales portées contre M. Kavala, ce qui suscite des inquiétudes quant au respect du système de la Convention dans son ensemble.
52. Le 11 juillet 2022, le Président du Comité des Ministres, le Président de l’Assemblée parlementaire et la Secrétaire Générale ont exhorté, dans une déclaration commune, la Türkiye, en tant que partie à la Convention, à prendre toutes les mesures nécessaires pour mettre en œuvre l’arrêt. En novembre 2022, le Comité des Ministres a désigné un groupe de liaison d’ambassadeurs pour aider sa présidence à engager le dialogue avec les autorités turques concernant la mise en œuvre de l’arrêt dans l’affaire Kavala (CM/Del/Dec(2022)1446/H46-1). Le Comité des Ministres se repenche régulièrement sur cette question. En janvier 2023, les corapporteurs de l’Assemblée pour le suivi de la Türkiye se sont entretenus avec M. Osman Kavala.
53. Cette affaire illustre bien les obstacles procéduriers auxquels recourt un État pour essayer de ne pas mettre en œuvre en temps utile un arrêt de la Cour, en particulier si le manquement est principalement dû à une volonté politique. L’Assemblée devrait indiquer clairement que tout atermoiement dans la mise en œuvre d’un arrêt, surtout s’il s’agit d’un arrêt rendu au titre de l’article 46(4), est inacceptable et menace l’ensemble du système de la Convention. J’exhorte instamment la Türkiye à mettre en œuvre cet arrêt sans plus tarder.

6.2. Détention arbitraire – violation de droits fondée sur une motivation politique – Selahattin Demirtaş

54. L’affaire Demirtaş (no 2) 
			(95) 
			<a href='https://hudoc.echr.coe.int/eng'>Selahattin Demirtaş c.
Turquie</a> – consulter ici l<a href='https://hudoc.exec.coe.int/eng'>'état d'exécution</a> (en anglais). concerne l’arrestation et la détention à motivations politiques de M. Selahattin Demirtaş, l’un des dirigeants du Parti démocratique du peuple (HDP, parti d’opposition pro-kurde) de 2007 à 2018 et député à la Grande assemblée nationale de Türkiye. En octobre 2014, de violentes manifestations ont eu lieu dans 36 provinces de l’est de la Türkiye, suivies d’autres violences en 2015 à la suite de l’échec des négociations visant à résoudre la «question kurde». L’immunité parlementaire de certains députés a été levée par révision de la Constitution turque le 20 mai 2016. M. Demirtaş était l’un des 154 députés (dont 55 membres du HDP) ainsi dépouillés de leur immunité suite à l’amendement constitutionnel 
			(96) 
			D'autres affaires connexes
concernent également la levée de l'immunité parlementaire, notamment
l'affaire récente Yüksekdağ Şenoğlu et autres c. Turquie (Requête
n° 14332/17), qui concerne également un certain nombre de violations des
articles 18, 5 et 10 de la Convention et de l'article 3 du Protocole
additionnel à la Convention à la suite de l'arrestation de douze
parlementaires.. Il a été arrêté le 4 novembre 2016 et placé en détention provisoire, accusé d’infractions à diverses dispositions du Code pénal, de la loi relative à la lutte contre le terrorisme et de la loi relative aux réunions et manifestations, notamment pour appartenance à une organisation armée (article 314 du Code pénal turc) et incitation publique à la commission d’une infraction (article 214 du Code pénal turc). Dans le même temps, 8 autres députés du HDP démocratiquement élus ont également été arrêtés, tout comme l’ancien coprésident du HDP, Figen Yüksekdağ.
55. La Cour a estimé, s’agissant de la détention provisoire du requérant entre le 4 novembre 2016 et le 7 décembre 2018, que les juridictions internes n’avaient mis en avant aucun fait ni aucune information spécifique de nature à faire naître des soupçons plausibles que le requérant avait commis les infractions en question et à justifier son arrestation et sa détention provisoire (violations de l’article 5(1) et (3)). Elle a en outre estimé que la manière dont son immunité parlementaire avait été levée et le raisonnement des tribunaux pour ordonner sa détention provisoire avaient violé ses droits à la liberté d’expression et à siéger en tant que parlementaire (violations des articles 10 de la Convention et 3 du Protocole additionnel à la Convention). Enfin, se basant, parmi d’autres éléments, sur la remise en détention provisoire du requérant le 20 septembre 2019, la Cour a estimé que la détention du requérant poursuivait un but inavoué, à savoir étouffer le pluralisme et limiter le libre jeu du débat politique (violation de l’article 18 combiné avec l’article 5). La Cour a indiqué, au titre de l’article 46, que la nature de la violation de l’article 18 ne laissait pas de choix réel quant aux mesures requises pour y remédier, et que tout maintien en détention provisoire du requérant pour des motifs relatifs au même contexte factuel impliquerait une prolongation de la violation de ses droits ainsi qu’un manquement à l’obligation qui incombe à l’État défendeur de se conformer à l’arrêt de la Cour conformément à l’article 46(1), de la Convention. Elle a donc estimé que la Türkiye devait prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer la libération immédiate du requérant. Le requérant se trouve toujours en détention ; l’arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme n’a donc pas été exécuté. Le Comité des Ministres a vivement exhorté les autorités turques à garantir sa libération immédiate.

6.3. Groupe d’affaires article 18 Mammadli c. Azerbaïdjan

56. Le groupe Mammadli 
			(97) 
			<a href='https://hudoc.echr.coe.int/eng'>Mammadli c. Azerbaïdjan</a> (en anglais) – consulter ici <a href='https://hudoc.exec.coe.int/eng?i=004-50876'>l’état d’exécution</a>.concerne les arrestations et poursuites pour motifs politiques dont ont fait l’objet des défenseurs des droits humains, des militants de la société civile et un journaliste, tous arrêtés et détenus entre 2013 et 2016 en violation des articles 18 et 5 de la Convention 
			(98) 
			Dans certaines affaires,
la Cour a également constaté des violations des articles 3 (interdiction
de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants),
6 (droit à un procès équitable), 8 (droit au respect de la vie privée
et familiale), 10 (liberté d'expression) et de l'article 1 du Protocole
additionnel à la Convention (droit au respect de ses biens).. Ces affaires portant sur le détournement du droit pénal à des fins de punition et de musellement de ces personnes, en violation de l’article 18 de la Convention, elles ont caractère prioritaire à la fois dans le présent rapport et pour le Conseil de l’Europe en général. D’heureux progrès ont été réalisés en ce que toutes les personnes figurant dans ce groupe ont à présent été graciées et libérées, mais afin de répondre aux mesures individuelles et de supprimer toutes les conséquences de ces violations, leurs condamnations doivent être annulées. À cet égard, j’ai trouvé encourageant, lors de ma visite à Bakou, d’apprendre que la Cour suprême examinait les six affaires restantes dans le but de supprimer les effets de ces poursuites, et que toutes devraient être traitées en 2023, de sorte que puisse être clôturée la surveillance de ce groupe. Il est inquiétant que le pouvoir judiciaire en Azerbaïdjan ne soit pas totalement indépendant de l’exécutif. Par conséquent, la garantie de la séparation des pouvoirs et de l’indépendance de la justice, y compris l’indépendance du Conseil judiciaire et juridique, figure aussi en bonne place parmi les mesures générales requises dans ce groupe tout en étant liée au respect des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme en Azerbaïdjan 
			(99) 
			L'amélioration
de l'indépendance de la justice est requise par les mesures générales
du groupe Mammadli, ainsi que celles du groupe Namat Aliyev (<a href='https://hudoc.echr.coe.int/eng'>Namat Aliyev
c. Azerbaïdjan</a> (2010, en anglais), consulter ici <a href='https://hudoc.exec.coe.int/eng?i=004-1774'>l’état d’exécution</a>), qui concerne des violations du droit à des élections
libres (article 3 du Protocole additionnel à la Convention) en ce
qui concerne l’application arbitraire de la législation électorale
et l'absence de protection suffisante contre l'arbitraire – en particulier
pour ce qui est de l'approche adoptée par les tribunaux dans l'examen
de ces affaires. L'équité des procédures civiles et pénales est
également pertinente pour un certain nombre de groupes d'affaires,
dont le groupe Isanov..

7. Difficultés spécifiques, dont des affaires révélant des «problèmes systémiques et structurels» de longue date identifiés dans des arrêts de la Cour

57. Le rapport annuel 2021 relève en particulier certains problèmes majeurs: fonctionnement du système judiciaire (dont des affaires portant sur la durée excessive des procédures judiciaires et sur la non-exécution de décisions de la justice nationale); mauvais traitements infligés par des agents de l’État et/ou enquêtes inefficaces; mauvaises conditions de détention; ou encore certaines affaires liées à la démocratie et au pluralisme (droit à des élections libres, liberté d’expression, liberté de réunion et liberté d’association). Je propose que l’Assemblée, pour favoriser des avancées, prépare des rapports sur ces questions afin de les mettre en lumière, pour étudier et promouvoir des solutions possibles et s’efforcer de mieux chercher à surmonter ces obstacles. J’ajouterais que je travaille actuellement à un rapport sur la torture systémique, document qui devrait aider à identifier les délicats problèmes de mauvais traitements infligés par des agents de l’État – dont certains pourraient sans doute être évités par un meilleur déploiement des caméras corporelles, par exemple. Je suggère d’adopter à l’avenir une approche plus systémique et structurée, par le biais de rapports de l’Assemblée sur ces problèmes systémiques et structurels identifiés dans les rapports annuels du Service de l’exécution des arrêts.
58. Je voudrais aussi revenir sur d’autres affaires qui abordent des problèmes spécifiques nécessitant une attention accrue. Il s’agit des détentions secrètes et des restitutions pratiquées par la CIA (l’agence centrale de renseignement américaine) dans des États membres du Conseil de l’Europe, dont la Lituanie, la Pologne, et la Roumanie (voir paragraphe 59), du refus des autorités grecques d’enregistrer des associations liées aux minorités ethniques (voir paragraphe 60), des préoccupations concernant la réforme polonaise du système judiciaire (voir paragraphe 61), et de la nature fondamentalement discriminatoire de la Constitution de la Bosnie-Herzégovine, qui partage la population selon des clivages ethniques, ce qui se répercute sur les élections dans ce pays (voir paragraphe 62).
59. Les affaires Al Nashiri et Husayn (Abu Zubaydah) c. Pologne 
			(100) 
			Requêtes no 28761/11
et no 7511/13, arrêt du 24 juillet 2014.portent sur la détention secrète des requérants, soupçonnés d’actes terroristes, dans le centre de détention de la CIA en Pologne, et de leur transfèrement ultérieur à Guantanamo Bay – une situation qui peut conduire à des peines de mort ou un déni de justice flagrant 
			(101) 
			Les affaires portent
sur de multiples violations de la Convention, notamment de l'article
3, de l'article 6(1), et, concernant M. Al Nashiri, également des
articles 2 et 3 combinés à l'article 1 du Protocole no 6
(STE N° 114)). Ces questions ont été examinées pour la première
fois dans les deux rapports de notre ancien collègue de la commission, M. Dick
Marty (Suisse, ADLE) «Allégations de détentions secrètes et de transferts
interétatiques illégaux de détenus concernant des États membres
du Conseil de l'Europe», Doc. 10957 du 12 juin 2006, et «Détentions secrètes et transferts illégaux
de détenus impliquant des États membres du Conseil de l'Europe:
second rapport», Doc.
11302 du 11 juin 2007. Les rapport ont donné lieu à l'adoption
par l'Assemblée des Résolutions <a href='http://assembly.coe.int/nw/xml/XRef/Xref-XML2HTML-en.asp?fileid=17454&lang=fr'>1507
(2006)</a> et <a href='http://assembly.coe.int/nw/xml/XRef/Xref-XML2HTML-en.asp?fileid=17454&lang=fr'>1562
(2007)</a> et des Recommandations <a href='http://assembly.coe.int/nw/xml/XRef/Xref-XML2HTML-en.asp?fileid=17454&lang=fr'>1754
(2006)</a> et <a href='http://assembly.coe.int/nw/xml/XRef/Xref-XML2HTML-en.asp?fileid=17560&lang=fr'>1801
(2007)</a>.. La situation des requérants est également examinée par le Comité des Ministres à propos de la mise en œuvre de deux arrêts ultérieurs concernant des opérations de restitution extraordinaire menées par la CIA en Roumanie entre 2004 et 2005 (Al Nashiri c. Roumanie 
			(102) 
			Requête n° 33234/12,
arrêt du 31 mai 2018. Conformément aux indications de la Cour, les
autorités roumaines ont pris un certain nombre de mesures, récapitulées
dans les notes sur l'ordre du jour de la 1411e (septembre 2021)
réunion (DH) du Comité des Ministres (<a href='https://search.coe.int/cm/pages/result_details.aspx?ObjectId=0900001680a3a5b1'>CM/Notes/1411/H46-26</a>). Ces mesures comprenaient la promulgation par le parlement d’une
loi interdisant l’application du délai de prescription au crime
de torture.) et en Lituanie entre 2005 et 2006 (Abu Zubaydah c. Lithuanie 
			(103) 
			Requête n° 46454/11,
arrêt du 31 mai 2018. Conformément aux indications de la Cour, les
autorités lithuaniennes ont pris un certain nombre de mesures, récapitulées
dans les notes sur l'ordre du jour de la 1348e réunion
(DH) du Comité des Ministres (CM/Notes/1348/H46-14) (juin 2019).); il constate les mêmes violations de la Convention que dans les deux affaires ci-dessus impliquant la Pologne. Malgré de nombreux appels du Comité des Ministres, de graves inquiétudes subsistent en ce qui concerne les mesures individuelles et en raison des difficultés rencontrées dans l’obtention d’assurances diplomatiques des États-Unis sur le recours à la peine de mort et à des traitements inhumains (bien que des progrès aient été accomplis pour ce qui est des mesures générales de prévention de la récurrence de telles situations).
60. Les arrêts concernant des violations du droit à la liberté d’association résultant du refus des autorités grecques d’enregistrer les associations qui défendent l’idée de l’existence d’une minorité ethnique distincte des minorités religieuses reconnues par le Traité de Lausanne de 1923 (groupe Bekir-Ousta 
			(104) 
			<a href='https://hudoc.echr.coe.int/eng'>Bekir-Ousta et autres
c. Grèce</a>, arrêt du 11 octobre 2007.) ne sont toujours pas mis en œuvre près de quinze ans plus tard. Des questions similaires sont également examinées par le Comité des Ministres depuis 2015 dans le cadre de l’affaire Maison de la civilisation macédonienne et autres c. Grèce 
			(105) 
			Requête no 1295/10,
arrêt du 9 juillet 2015, examiné pour la dernière fois par le Comité
des Ministres à sa 1362e réunion (DH),
voir CM/Del/Dec/1362/H46-9, 5 décembre 2019.. C’est le second arrêt, après Sidiropoulos et autres c. Grèce 
			(106) 
			Requête
no 26695/95, arrêt du 10 juillet 1998. de 1998, concernant la même association dans lequel la Cour a conclu à une violation par la Grèce de l’article 11 de la Convention. Malgré la modification apportée à la loi par la Grèce en 2017, qui a permis de rouvrir la procédure contestée, les organisations requérantes n’ont toujours pas reçu la restitutio in integrum, surtout en raison des arrêts de la Cour de cassation grecque de 2021 et 2022 qui ont déclaré conformes à la loi la dissolution de l’association Tourkiki Enosi Xanthis (pour des motifs en majeure partie contestés expressément par la Cour européenne des droits de l’homme), ainsi que la décision de ne pas enregistrer Emin et Bekir-Ousta (toujours pour des motifs dont certains ont déjà rejetés par la Cour européenne des droits de l’homme et liés à la défense de l’idée de l’existence d’une minorité ethnique). Le Comité des Ministres s’est penché sur ce groupe d’affaires la dernière fois en décembre 2022, et a exprimé son plus profond regret que la Cour de cassation n’ait pas tenu compte d’un élément essentiel relevé par la Cour européenne, observant que les membres de ces associations n’ont jamais prôné le recours à la violence ni à des moyens non démocratiques ou anticonstitutionnels et qu’aucune preuve n’a été présentée à l’appui du contraire 
			(107) 
			<a href='https://hudoc.exec.coe.int/eng'>Bekir-Ousta</a>, Notes HUDOC EXEC.. Dans ce contexte, la présidence du Comité des Ministres a adressé une lettre aux autorités grecques pour leur faire part de la profonde préoccupation du Comité des Ministres face à la situation actuelle et les exhorter à adopter rapidement des mesures permettant l’exécution pleine et effective des arrêts de la Cour européenne. Les obstacles successifs à la pleine mise en œuvre de ces arrêts sont regrettables. Malgré les modifications législatives introduites, il est frustrant de constater que de nouveaux obstacles à la mise en œuvre semblent avoir été dressés. Cette situation devrait être définitivement réglée.
61. Les réformes récentes du système judiciaire polonais ont suscité une certaine controverse, notamment en raison du refus apparent des autorités polonaises – y compris de l’appareil judiciaire nouvellement réformé – de se conformer aux arrêts définitifs de la Cour européenne des droits de l’homme en la matière. Dans l’affaire Xero Flor c. Pologne 
			(108) 
			Requête no 4907/18,
arrêt du 7 mai 2021., la Cour a conclu à la violation de l’article 6 de la Convention en raison de la composition du Tribunal constitutionnel polonais et a contesté la validité de l’élection de plusieurs juges 
			(109) 
			La Cour a notamment
estimé que l’élection de certains juges au Tribunal constitutionnel
était irrégulière, car non conforme aux dispositions constitutionnelles
polonaises relatives à l’élection d’un juge au Tribunal constitutionnel.
Des juges avaient déjà été élus par le Sejm précédent, mais n’avaient
pas encore prêté serment devant le président. Il n’était donc pas
approprié que le nouveau Sejm cherche à élire d’autres juges à leur
place. Ces irrégularités ont porté atteinte au droit de la société
requérante à un tribunal établi par la loi, en violation de l’article 6
de la Convention, puisque des juges irrégulièrement nommés ont participé
aux délibérations judiciaires concernant son recours en inconstitutionnalité.. De même, dans le groupe d’affaires Reczkowicz, la Cour européenne des droits de l’homme a conclu à une violation du droit à un tribunal établi par la loi, en violation de l’article 6 de la Convention, en raison de la participation aux procédures nationales de juges de la Cour suprême polonaise qui ont été nommés dans le cadre d’une procédure intrinsèquement défaillante sur proposition du Conseil national de la magistrature, sans véritable indépendance par rapport aux pouvoirs législatif et exécutif et dans un contexte plus large de réformes visant à affaiblir l’indépendance judiciaire 
			(110) 
			<a href='https://hudoc.echr.coe.int/fre'>Reczkowicz c. Pologne</a>, arrêt du 22 juillet 2021. Parmi les affaires de ce
groupe, citons: Broda et Bojara c. Pologne, Requête no 26691/18,
arrêt du 29 juin 2021; Reczkowicz c. Pologne, Requête no 43447/19,
arrêt du 22 juillet 2021; Dolińska-Ficek et Ozimek c. Pologne, Requêtes
no 49868/19 et 57511/19, arrêt du 8 novembre
2021; et Advance Pharma Sp. z o.o. c. Pologne, Requête no 1469/20,
arrêt du 3 février 2022.. Dans son arrêt du 29 septembre 2021 rendu dans l’affaire Broda et Bojara c. Pologne 
			(111) 
			<a href='https://hudoc.echr.coe.int/fre'>Broda et
Bojara c. Pologne</a>, arrêt du 29 juin 2021., la Cour européenne des droits de l’homme a conclu à une violation de l’article 6 de la Convention (accès à un tribunal) du fait de la fin prématurée du mandat de vice-présidents d’un tribunal régional des requérants. Le Tribunal constitutionnel polonais a rendu deux arrêts 
			(112) 
			K 6/21 et K 7/21. en réponse, dans lesquels il a déclaré inconstitutionnel l’article 6(1), de la Convention (i) dans la mesure où le terme «tribunal» qui y figure le désigne; (ii) au motif qu’il confère à la Cour européenne des droits de l’homme compétence pour apprécier la légalité de l’élection des juges au Tribunal constitutionnel; et (iii) au motif que l’organisation et la compétence des juridictions nationales et la nomination des juges devraient relever de la compétence de l’État partie. Récemment, le gouvernement polonais a informé le Greffe de la Cour européenne des droits de l’homme qu’il ne se conformerait pas aux mesures provisoires prononcées en vertu de l’article 39 du règlement de la Cour dans les affaires relatives à la réforme judiciaire Leszczyńska-Furtak c. Pologne, Gregajtys c. Pologne et Piekarska-Drążek c. Pologne 
			(113) 
			<a href='https://hudoc.echr.coe.int/fre-press'>Requête no 39471/22
et communiqué de presse</a> de la Cour européenne des droits de l’homme.. Dans plusieurs décisions successives, le Comité des Ministres a rappelé l’obligation claire et inconditionnelle qui incombe à la Pologne de se conformer aux arrêts définitifs contraignants de la Cour européenne des droits de l’homme en vertu de l’article 46(1) de la Convention 
			(114) 
			Les
décisions les plus récentes concernant les affaires <a href='https://hudoc.exec.coe.int/fre'>Xero Flor</a> et <a href='https://hudoc.exec.coe.int/fre'>Reczkowicz</a> ont été adoptées lors de la réunion (DH) du Comité des
Ministres de décembre 2022., et il a déploré la position des autorités qui considèrent que la Cour européenne a outrepassé les limites de sa compétence en adoptant l’arrêt Xero Flor. Il incombe donc à la Pologne d’interpréter et, le cas échéant, de modifier ses lois de manière à éviter toute répétition des violations constatées par la Cour européenne des droits de l’homme dans ces affaires. Malheureusement, malgré la procédure exceptionnelle d’enquête déclenchée par la Secrétaire Générale au titre de l’article 52 de la Convention, rien n’a encore été fait à ce jour 
			(115) 
			Le
7 décembre 2021, la Secrétaire Générale a engagé une procédure conformément
à l'article 52 de la Convention, à la suite des arrêts de la Cour
constitutionnelle polonaise dans l’affaire K6/21 et ensuite l’affaire
K7/21. Le rapport concluant la procédure (<a href='https://search.coe.int/cm/Pages/result_details.aspx?ObjectId=0900001680a8eb56'>SG/Inf(2022)39</a>) a été publié le 9 novembre 2022. Il a conclu qu’en
raison du constat d'inconstitutionnalité formulé dans l’arrêt K6/21,
l'obligation de la Pologne en vertu de la Convention européenne
des droits de l'homme visant à garantir la jouissance du droit à
un procès équitable par un tribunal indépendant et impartial établi
par la loi à toute personne relevant de sa juridiction n'a pas été
respectée. La Pologne doit agir pour se conformer à ses obligations
internationales, qui consistent notamment à veiller à ce que son
droit interne soit interprété et, le cas échéant, modifié de manière
à éviter toute répétition des mêmes violations..
62. Les arrêts rendus dans le groupe d’affaires Sejdić et Finci c. Bosnie-Herzégovine 
			(116) 
			Requête n° 27996/06,
arrêt du 22 décembre 2009 (Grande Chambre), et trois autres arrêts:
Zornić c. Bosnie-Herzégovine, Requête no 3681/06, arrêt du 15 juillet 2014; Šlaku
c. Bosnie-Herzégovine, Requête no 56666/12,
arrêt du 26 mai 2016 et Pilav c. Bosnie-Herzégovine, Requête no 41939/07,
arrêt du 9 juin 2016.portent sur la discrimination subie par des personnes non membres des peuples constitutifs de Bosnie-Herzégovine (Bosniaques, Croates et Serbes) dans l’exercice de leur droit à se présenter aux élections à la Chambre des peuples et à la présidence de la Bosnie-Herzégovine (violation de l’article 1 du Protocole no 12 (STE no 177)). Le Comité des Ministres a suivi de près ce groupe d’affaires, et a appelé les autorités et les responsables politiques à assurer la compatibilité du cadre constitutionnel et législatif avec les exigences de la Convention. Malgré les interventions du Comité des Ministres et le soutien considérable offert aux autorités par le Conseil de l’Europe et l’Union européenne (le traitement de l’arrêt est l’un des 14 préalables prioritaires à l’adhésion de la Bosnie-Herzégovine à l’Union européenne 
			(117) 
			Commission européenne,
Avis de la Commission sur la demande d'adhésion de la Bosnie-Herzégovine
à l'Union européenne, <a href='https://eur-lex.europa.eu/search.html?scope=EURLEX&text=SWD%282019%29222&lang=en&type=quick&qid=1678717879071'>SWD(2019)222</a>, 29 mai 2019.), il est très inquiétant que les élections de 2010, 2014, 2018 et 2022 se soient fondées sur ce qui a été décrit comme «un système électoral discriminatoire en violation flagrante des exigences de la Convention européenne des droits de l'homme» 
			(118) 
			Décision adoptée lors
de la 1324e réunion (DH), 20 septembre 2018, CM/Del/Dec(2018)1324/4,
paragraphe 1.. Après la formation du gouvernement (fin décembre 2019) à la suite des élections en 2018, la ministre des Affaires étrangères de la Bosnie-Herzégovine a participé à la 1369e réunion DH en mars 2020 et a déclaré que la question serait examinée au niveau parlementaire. Cependant, les particularités de cette affaire découlent des dispositions constitutionnelles résultant de l’accord de Dayton et du système politique existant en Bosnie-Herzégovine. Il n’est pas surprenant que, malgré des efforts de recherche d’un accord sur des modifications à apporter à la Constitution et à la législation électorale, aucun consensus n’a pu être trouvé entre les dirigeants politiques; les élections de 2022 se sont également déroulées selon le système électoral discriminatoire violant les exigences de la Convention. La Commission de Venise a préparé de nombreux avis à ce sujet, et notamment appelé le peuple et les responsables politiques de Bosnie-Herzégovine à remplacer progressivement la représentation ethnique par une représentation basée sur le principe de citoyenneté 
			(119) 
			<a href='https://www.venice.coe.int/webforms/documents/?pdf=CDL-AD(2005)004-f'>CDL-AD(2005)004</a>, «Avis sur la situation constitutionnelle en Bosnie-Herzégovine
et les pouvoirs du haut représentant», adopté par la Commission
de Venise à sa 62e session plénière (Venise,
11 et 12 mars 2005)..
63. Je suis de plus en plus inquiet de la réticence de certains États membres à mettre en œuvre les arrêts de la Cour. Il est plus qu’évident que des buts politiques internes jouent un grand rôle dans ce contexte. L’adoption par le pouvoir législatif de la Fédération de Russie de modifications constitutionnelles mettant en question l’obligation de ce pays de mettre en œuvre les arrêts de la Cour, les obstacles politiques et structurels érigés par le système politique de la Bosnie-Herzégovine fondé sur l’appartenance ethnique, la réticence des autorités turques et azerbaïdjanaises à mettre en œuvre des arrêts touchant à des questions «politiques» ou la récente position des autorités polonaises sur les mesures provisoires demandées par la Cour européenne des droits de l’homme et sur la réforme de la justice, en donnent des exemples révélateurs.

8. États ayant le plus grand nombre d’affaires en attente de mise en œuvre pendantes devant le Comité des Ministres

64. Je me suis concentré dans le présent rapport sur les cinq États ayant le plus grand nombre d’affaires en attente de mise en œuvre et sur la Fédération de Russie: à eux six, ils représentent en effet une forte proportion de l’ensemble des affaires en attente de mise en œuvre. L’analyse de ces affaires et des difficultés que rencontrent ces États pourrait en outre aider à discerner les obstacles et les améliorations possibles, ce dont tous les États pourraient bénéficier.

8.1. Türkiye

65. En ce qui concerne la Türkiye, j’ai exposé le détail des principales affaires dans une note d’information 
			(120) 
			AS/Jur(2023)06, op.cit.. Selon le rapport annuel 2021 sur l’exécution des arrêts de la Cour, la Türkiye occupe la deuxième place pour le nombre d’affaires en attente d’exécution (510) parmi les États membres du Conseil de l’Europe, avec le plus grand nombre d’affaires de référence (139) et le deuxième plus grand nombre d’affaires répétitives (371) 
			(121) 
			<a href='https://rm.coe.int/2021-rapport-annuel/1680a9c849'>Rapport
annuel 2021</a>.. La Türkiye occupait également la première place en ce qui concerne le nombre d’affaires clôturées en 2021 (222). Pour 2022, le nombre d'affaires semble être similaire, avec 480 affaires en attente d'exécution (classant la Türkiye au troisième rang), avec le plus grand nombre d'affaires de référence (126) et le deuxième plus grand nombre d'affaires clôturées en 2022 (107) 
			(122) 
			Voir le <a href='https://u7061146.ct.sendgrid.net/ls/click?upn=4tNED-2FM8iDZJQyQ53jATUf-2BzdUWcs31AAiq6S90oi-2FBbPEWt1nmC0lmshDwBWSR2NY3-2BlqbxR7jwlx7sRM9NQQ-3D-3DQU6A_VIH3-2Bha1squ3Hk0F8PoA7LSRbx9vitfakmKAUfedM1qjM2WJftENVSCl4XFk4tudCw0cMl8Ma2zh5stnQOaAcrMwHn8EQKzuNdVa8E7FZfxkf8l-2BUL1H-2BsI4xbrdbd55s9sb7soIFsTMv7qwT1KVeAcoW63Crc2rPDWWpw4VHP4C7QbGaplZw91l8RXEKrr07M0DLc7vAkb3t6klboqG-2Becm0p-2BQ2-2BW020iMVaweEMoJOOWgMONTN-2FondGmg3nHWt-2FeXNd64PK9ki8C-2BoES3XZMtF4E4AE9A6-2BLu9kxd-2FD2Ujm1K1BgUzkL1jiPoH3uI-2FGGngQN3hGkqTEhmmOJ6sYFfMdRZ9HRNVUjogjDR2Fo-3D'>Rapport
annuel 2022</a> publié après la rédaction de cet exposé des motifs..
66. Il est important de noter que le nombre d’affaires pendantes turques a considérablement diminué ces dernières années, en particulier en ce qui concerne les affaires répétitives (par exemple, lorsque des mesures individuelles ont été prises ou sont devenues impossibles à mettre en œuvre en raison de l’application du délai de prescription en droit turc). Toutefois, le nombre d’affaires de référence (qui révèlent des problèmes systémiques) demeure élevé et la Türkiye en compte un grand nombre pendante depuis plus de cinq ans (78). Les affaires de référence exigent souvent des mesures générales pour être résolues, telles que des changements législatifs ou des améliorations de l’indépendance du pouvoir judiciaire et du fonctionnement de l’État de droit.
67. Il y a récemment eu des avancées dans des affaires concernant les droits de propriété, la violence domestique, et l’indemnisation de négligences médicales. Mais les changements qu’appelle le traitement des affaires relatives à la liberté d’expression, à la liberté d’association et au droit à la liberté (articles 5, 10 et 11 de la Convention) nécessitent une volonté politique. Les principaux groupes d’affaires concernent la liberté d’expression 
			(123) 
			<a href='https://hudoc.echr.coe.int/eng'>Altuğ Taner Akcam c.
Turquie</a> (en anglais) – consulter ici <a href='https://hudoc.exec.coe.int/eng'>l’état d’exécution</a>. <a href='https://hudoc.echr.coe.int/eng'>Öner et Türk c. Turquie</a> (en anglais) – consulter ici <a href='https://hudoc.exec.coe.int/eng'>l’état</a> d’exécution. <a href='https://hudoc.echr.coe.int/eng'>Nedem Şener c. Turquie</a>, <a href='https://hudoc.echr.coe.int/eng'>Vedat Şorli
c. Turquie</a>, <a href='https://hudoc.echr.coe.int/eng'>Dink c. Turquie</a> – consulter ici <a href='https://hudoc.exec.coe.int/eng?i=004-37185'>l’état d’exécution</a>. <a href='https://hudoc.echr.coe.int/eng'>Ahmet Yıldırım c. Turquie</a> – consulter ici <a href='https://hudoc.exec.coe.int/eng?i=004-37257'>l’état d’exécution</a>., l’indépendance de la justice 
			(124) 
			<a href='https://hudoc.echr.coe.int/eng?i=001-192803'>Alparslan
Altan c. Turquie</a> – consulter ici l’<a href='https://hudoc.exec.coe.int/eng?i=004-52780'>état d’exécution</a>. et le fonctionnement du système judiciaire, la liberté de pensée, de conscience et de religion 
			(125) 
			<a href='https://hudoc.echr.coe.int/eng?i=001-162695'>İzzettin
Doğan c. Turquie</a> – consulter ici <a href='https://hudoc.exec.coe.int/eng?i=004-37423'>l’état d’exécution</a>. <a href='https://hudoc.echr.coe.int/eng?i=001-72145'>Ülke c. Turquie</a> – consulter ici <a href='https://hudoc.exec.coe.int/eng?i=004-37269'>l’état d’exécution</a>. <a href='https://hudoc.echr.coe.int/eng'>Association pour la solidarité
avec les Témoins de Jéhovah et autres c. Turquie</a> – consulter ici
l'<a href='https://hudoc.exec.coe.int/eng'>état
d'exécution</a>., la liberté de réunion 
			(126) 
			<a href='https://hudoc.echr.coe.int/eng'>Oya Ataman c. Turquie</a> – consulter ici <a href='https://hudoc.exec.coe.int/eng?i=004-37415'>l'état d'exécution</a>. <a href='https://hudoc.echr.coe.int/eng'>Işıkırık c. Turquie</a> – consulter ici <a href='https://hudoc.exec.coe.int/eng'>l'état d'exécution.</a>, et les conséquences de l’intervention militaire turque de 1974 à Chypre.
68. Les affaires Kavala, Demirtaş et Yüksekdağ Şenoğlu présentent un intérêt particulier étant donné que la commission des questions juridiques et des droits de l’homme se concentre, dans le cadre du présent rapport, sur les affaires relevant de l’article 18 relatives à des violations des droits de l’homme fondées sur des motivations politiques. Des réformes concernant la composition du Conseil des juges et des procureurs, conformément à l’avis de la Commission de Venise, seraient essentielles pour garantir l’indépendance du pouvoir judiciaire. Le non-respect persistant des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme relatifs à l’article 46(1) et (4), dans l’affaire Kavala est particulièrement préoccupant pour le respect du système du Conseil de l’Europe en matière de droits de l’homme et de l’État de droit dans son ensemble.
69. Le groupe d’affaires Bati 
			(127) 
			<a href='https://hudoc.echr.coe.int/eng'>Batı et autres c. Turquie</a> – consulter ici <a href='https://hudoc.exec.coe.int/eng?i=004-37206'>l'état d'exécution</a>.relatif à l’inefficacité des enquêtes sur les tortures ou mauvais traitements infligés par des membres des forces de sécurité pourrait présenter un intérêt particulier pour la commission, qui travaille actuellement à un rapport sur la torture systémique. L’affaire Chypre c. Turquie présente également un intérêt particulier étant donné que la commission s’attache dans le présent rapport aux affaires interétatiques.
70. Le groupe d’affaires Gurban 
			(128) 
			Gurban c. Turkey. concerne des violations de l’interdiction de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants en raison de la condamnation des requérants à la réclusion à vie aggravée sans aucune perspective de libération ni mécanisme adéquat de contrôle permettant de faire réexaminer ces peines (article 3 de la Convention). Cela nécessite un mécanisme de révision à la lumière des critères déjà établis par la Cour. Dans l’affaire Öcalan c. Turquie (no 2), la Cour a en outre conclu à une violation de l’article 3 en ce qui concerne les conditions de détention du requérant avant le 17 novembre 2009.
71. Lors de l’audition en commission, M. Ahmet Yıldız, président de la délégation turque auprès de l’Assemblée, a indiqué que 89% des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme prononcés à l’encontre de la Türkiye avaient été mis en œuvre, et que 107 affaires avaient été clôturées en 2022. L’affaire Kavala reste une priorité politique pour les autorités. En ce qui concerne l’affaire Chypre c. Turquie, il a rappelé que la question des conditions de vie des Chypriotes grecs dans la région du Karpasia/Karpas ainsi que les questions relatives à l’affaire Loizidou ont été classées, et que le Comité des personnes disparues poursuivait ses travaux. M. Hacı Ali Açıkgül, chef du service des droits de l’homme au ministère de la Justice, a souligné la bonne coopération entre son service et le Service de l'exécution des arrêts de la Cour, ainsi que les mesures prises en réponse à certains arrêts.

8.2. Roumanie

72. J’ai effectué une visite d’information en Roumanie les 15 et 16 novembre 2022; ma note d’information couvre tous les détails de la visite, les obstacles et les principales affaires 
			(129) 
			<a href='https://assembly.coe.int/LifeRay/JUR/Pdf/DocsAndDecs/2023/AS-JUR-2023-02-FR.pdf'>AS/Jur(2023)02</a>, op.cit.. Cette visite portait essentiellement sur (1) la capacité institutionnelle de la Roumanie de mettre en œuvre les arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme ; (2) les arrêts relatifs aux troubles de santé mentale, aux facultés mentales et aux personnes ayant des difficultés d’apprentissage 
			(130) 
			<a href='https://hudoc.echr.coe.int/eng'>Centre de
ressources juridiques au nom de Valentin Campeanu c. Roumanie</a> – consulter ici <a href='https://hudoc.exec.coe.int/eng'>l'état d'exécution; Parascineti
c. Roumanie</a> – consulter ici l'<a href='https://hudoc.exec.coe.int/eng'>état d'exécution</a>. <a href='https://hudoc.echr.coe.int/eng'>Cristian Teodorescu c.
Roumanie</a> – consulter ici <a href='https://hudoc.exec.coe.int/eng?i=004-13456'>l’état d’exécution</a>. ; (3) les conditions de détention 
			(131) 
			Il existe une série
d'affaires roumaines relatives aux conditions de détention, dont
la surpopulation et les mauvaises conditions de vie régnant dans
les prisons et les locaux de détention de la police (<a href='https://hudoc.echr.coe.int/eng'>Bragadireanu
c. Roumanie</a> et <a href='https://hudoc.echr.coe.int/eng'>Rezmives c. Roumanie
-</a> consulter ici l'<a href='https://hudoc.exec.coe.int/eng?i=004-12985'>état d'exécution</a>), ainsi que les déficiences dans le traitement et les
soins de santé mentale en détention (<a href='https://hudoc.echr.coe.int/eng'>Ticu c. Roumanie</a> – consulter ici l'<a href='https://hudoc.exec.coe.int/eng'>état d</a>'exécution), les mauvaises conditions de détention des
condamnés à perpétuité, relatives à l'isolement et au menottage
systémique, (<a href='https://hudoc.echr.coe.int/eng'>Enache c.
Roumanie</a> – consulter ici l'<a href='https://hudoc.exec.coe.int/eng'>état d'exécution.</a>) et la libération pour raisons humanitaires (<a href='https://hudoc.echr.coe.int/eng'>Dorneanu c. Roumanie</a> – consulter ici l'<a href='https://hudoc.exec.coe.int/eng'>état d'exécution.</a>). ; (4) d’autres arrêts, notamment ceux qui concernent les affaires de restitution 
			(132) 
			<a href='https://hudoc.echr.coe.int/eng?i=001-69786'>Strain c.
Roumanie</a> et <a href='https://hudoc.echr.coe.int/eng?i=001-100985'>Maria Atanasiu
c. Roumanie</a> – consulter ici <a href='https://hudoc.exec.coe.int/eng?i=004-12743'>l’état d’exécution</a>.; et l’exécution des décisions des juridictions internes 
			(133) 
			<a href='https://hudoc.echr.coe.int/eng'>Sacaleanu
c. Roumanie</a> – consulter ici <a href='https://hudoc.exec.coe.int/eng?i=004-12744'>l'état d'exécution</a>.. Je tiens à remercier toutes les personnes que j’ai rencontrées pour le temps qu’elles m’ont consacré et pour leurs observations utiles sur les difficultés rencontrées et les mesures prises pour mettre en œuvre les arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme.
73. Selon le rapport annuel de 2021 sur la mise en œuvre des arrêts, la Roumanie possède le 3e plus grand nombre d’affaires en attente d’exécution (409) des États membres du Conseil de l’Europe et le 2e plus grand nombre d’arrêts de principe en attente d’exécution (106). La Roumanie se classe au septième rang pour ce qui est des affaires clôturées en 2021 (45). Les derniers chiffres pour 2022 ne semblent pas montrer d'amélioration, avec 509 affaires en attente d'exécution (classant la Roumanie au deuxième rang), avec le deuxième plus grand nombre d'affaires de référence (113) mais seulement le huitième plus grand nombre d'affaires clôturées en 2022 (37) 
			(134) 
			Voir
le <a href='https://u7061146.ct.sendgrid.net/ls/click?upn=4tNED-2FM8iDZJQyQ53jATUf-2BzdUWcs31AAiq6S90oi-2FBbPEWt1nmC0lmshDwBWSR2NY3-2BlqbxR7jwlx7sRM9NQQ-3D-3DQU6A_VIH3-2Bha1squ3Hk0F8PoA7LSRbx9vitfakmKAUfedM1qjM2WJftENVSCl4XFk4tudCw0cMl8Ma2zh5stnQOaAcrMwHn8EQKzuNdVa8E7FZfxkf8l-2BUL1H-2BsI4xbrdbd55s9sb7soIFsTMv7qwT1KVeAcoW63Crc2rPDWWpw4VHP4C7QbGaplZw91l8RXEKrr07M0DLc7vAkb3t6klboqG-2Becm0p-2BQ2-2BW020iMVaweEMoJOOWgMONTN-2FondGmg3nHWt-2FeXNd64PK9ki8C-2BoES3XZMtF4E4AE9A6-2BLu9kxd-2FD2Ujm1K1BgUzkL1jiPoH3uI-2FGGngQN3hGkqTEhmmOJ6sYFfMdRZ9HRNVUjogjDR2Fo-3D'>Rapport
annuel 2022</a> publié après la rédaction de cet exposé des motifs... Elle est le pays qui compte le plus d’arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme non exécutés parmi les États membres de l’Union européenne.
74. Au cours de ma visite, j’ai entendu parler d’un nombre important de réformes de la législation et de la pratique mises en œuvre au niveau national, notamment dans le domaine de la justice et de l’aide sociale. J’ai appris avec plaisir que des progrès importants avaient été réalisés, en particulier pour désinstitutionnaliser un certain nombre de personnes internées dans les structures de soins et mieux favoriser leur intégration dans la société. Bon nombre des réformes nécessaires pour faire face aux problèmes identifiés par les arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme exigent la réalisation d’investissements importants. Je prône donc le recours maximal à des fonds et compétences d’organisations internationales en vue de la réalisation de ces réformes délicates mais essentielles.
75. La plupart des interlocuteurs estiment que le gouvernement est efficace dans le paiement de la satisfaction équitable, mais que les mesures générales qui visent à s’attaquer aux causes profondes des violations des droits de l’homme accusent des retards plus importants. Il est ressorti de nos réunions l’idée généralement admise et reconnue que la Roumanie n’avait pas encore accordé suffisamment d’attention, à la mise en œuvre des arrêts de la Cour pour ce qui est des ressources, des dispositifs institutionnels, du poids politique et des priorités mobilisés à cet effet. Cette situation est particulièrement évidente lorsqu’on la compare aux arrêts de la Cour de justice de l'Union européenne, qui bénéficient d’une plus grande priorité en raison des sanctions financières liées à leur non mise en œuvre dans le cadre des procédures d’infraction de la Cour de justice de l'Union européenne.
76. La coordination de la mise en œuvre des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme incombe en Roumanie à l’agent auprès de la Cour européenne des droits de l’homme, rattaché au ministère des Affaires étrangères, dont le bureau manque de personnel depuis un certain nombre d’années, eu égard à la charge de travail à laquelle il doit faire face (affaires examinées par la Cour européenne des droits de l’homme et coordination de la mise en œuvre des arrêts). J’ai été très heureux d’apprendre les récents projets visant à y remédier par des campagnes de recrutement. Outre la question du personnel, nos interlocuteurs ont également reconnu que les personnes qui, au sein du gouvernement, ont le pouvoir de faire passer les réformes nécessaires pour donner suite aux arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme devaient faire preuve d’une meilleure coordination politique. J’ai donc été satisfait d’apprendre que des mesures ont été prises récemment pour assurer la coordination nécessaire depuis le gouvernement central. Au cours de ma visite, j’ai appris que trois groupes de travail distincts avaient été créés très récemment par le cabinet du Premier ministre pour coordonner les activités qui concernent (a) toutes les affaires de troubles de santé mentale/facultés mentales ; (b) les affaires d’exécution des décisions de juridictions internes (Sacaleanu) ; et (c) les affaires de restitution, avec d’autres groupes de coordination sur d’autres sujets et groupes d’arrêts à ajouter à mesure qu’avancera la coordination.
77. Dans l’ensemble, si la connaissance des droits humains et des arrêts est excellente dans certains secteurs, il faudrait ailleurs s’efforcer de mieux intégrer une culture des droits humains. Des idées comme la création d’un référent droits humains au sein de chaque ministère pourraient se révéler porteuses à cet égard 
			(135) 
			La désignation de «correspondants»
ou de «personnes de contact» au sein des autorités nationales compétentes est
recommandée dans la Recommandation du Comité des Ministres CM/Rec(2008)2
aux États membres sur les moyens efficaces d'exécution rapide des
arrêts de la Cour européenne des droits de l'homme (point 1). Le
point 7 de la recommandation fait spécifiquement référence à la
formation de ces acteurs..
78. Ces nouvelles initiatives semblent très positives et offrent, à mon avis, une excellente solution pour permettre à la Roumanie de surmonter au mieux les difficultés que présente la mise en œuvre de certains groupes d’arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme. Je ne peux qu’encourager toutes les personnes et entités concernées à faire progresser cette tâche importante et j’espère que ces changements faciliteront l’amélioration du traitement de ces arrêts complexes. Les idées destinées à améliorer la transparence de la mise en œuvre des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme et à associer toutes les parties prenantes, y compris la société civile, aux nouveaux systèmes de mise en œuvre des arrêts pourraient permettre de mieux comprendre les mesures prises pour donner suite aux arrêts de la Cour et de s’assurer qu’elles satisfont aux besoins de la société. Je prônerais une réflexion sur les moyens d’assurer la participation du maximum de parties prenantes possible, y compris le médiateur et la société civile, à ces nouveaux processus.
79. Le contrôle parlementaire de la mise en œuvre des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme est peut-être un peu retombé depuis la Résolution 1823 (2011) «Les parlements nationaux: garants des droits de l'homme en Europe». À notre réunion, des parlementaires se sont engagés à rédiger une note à l’attention de leur Bureau permanent pour demander l’amélioration du contrôle démocratique de l’exécutif par le parlement dans le domaine de l’exécution des arrêts. Plusieurs pistes ont été évoquées, comme la création d’une commission spécialement chargée de la mise en œuvre des arrêts de la Cour et la présentation, demandée au gouvernement, de rapports annuels ou semestriels sur la mise en œuvre des arrêts de la Cour. Je salue la mobilisation de nos collègues et les encourage vivement à poursuivre cet effort.
80. J’ai l’impression générale qu’il existe de solides compétences en matière de droits humains, au sein du gouvernement comme de la société civile. Le Gouvernement roumain est conscient de la nécessité de se conformer à ses obligations et de relever les défis institutionnels que pose le nombre d’arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme non mis en œuvre, et il prépare actuellement des actions efficaces de renforcement des capacités institutionnelles de mise en œuvre de ces arrêts. Toutes ces initiatives s’inspirent de la recommandation CM/Rec(2008)2 du Comité des Ministres aux États membres sur les capacités nationales efficaces pour l’exécution rapide des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme, et semblent être autant d’exemples de bonnes pratiques pour les États membres aux prises avec la question de la mise en œuvre des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme, j’encourage les autorités roumaines dans cette voie. J’encouragerais également une preuve de créativité pour obtenir le financement, l’expertise et l’engagement nécessaires à la mise en œuvre de certaines des réformes nécessaires. Je préconiserais également l’intégration d’une approche plus axée sur les droits humains au sein du ministère de la Santé et l’offre de soins de santé mentale. Les cas de restitution sont un sujet de préoccupation; comme on me l’a dit au cours de ma mission, les autorités locales impliquées dans le processus de restitution se sont montrées réticentes et parfois peu coopératives. Enfin, je recommande aux autorités de tirer pleinement parti de l’expertise du Conseil de l’Europe, y compris les programmes et projets de coopération technique. Je me réjouis d’en savoir plus sur l’avancement de la mise en œuvre de ces affaires lorsque ces nouveaux processus commenceront à produire des résultats tangibles.

8.3. Ukraine

81. En ce qui concerne l’Ukraine, j’ai présenté dans ma note d’information 
			(136) 
			<a href='https://assembly.coe.int/LifeRay/JUR/Pdf/DocsAndDecs/2023/AS-JUR-2023-04-FR.pdf'>AS/Jur(2023)04</a>, op. cit. le détail des statistiques et des affaires récentes. Le rapport annuel 2021 sur l’exécution des arrêts de la Cour indique que vers la fin de l’année 2021, parmi les États membres actuels du Conseil de l’Europe, c’est l’Ukraine qui comptait le plus grand nombre d’affaires en attente d’exécution (638), avec le plus grand nombre d’affaires répétitives (532) et le deuxième plus grand nombre d’affaires de référence (106) 
			(137) 
			<a href='https://rm.coe.int/2021-cm-annual-report-en/1680a60140'>Rapport
annuel 2021.</a>. L’Ukraine est arrivée au deuxième rang en ce qui concerne le nombre d’affaires clôturées en 2021 (126). À la fin de 2022, le nombre d’affaires a augmenté, avec 716 affaires en attente d’exécution (99 affaires de référence et 617 affaires répétitives) et 67 affaires closes durant l’année, classant l'Ukraine comme ayant le plus grand nombre d'affaires en attente d'exécution, mais seulement le troisième plus grand nombre d'affaires de référence 
			(138) 
			Voir le <a href='https://u7061146.ct.sendgrid.net/ls/click?upn=4tNED-2FM8iDZJQyQ53jATUf-2BzdUWcs31AAiq6S90oi-2FBbPEWt1nmC0lmshDwBWSR2NY3-2BlqbxR7jwlx7sRM9NQQ-3D-3DQU6A_VIH3-2Bha1squ3Hk0F8PoA7LSRbx9vitfakmKAUfedM1qjM2WJftENVSCl4XFk4tudCw0cMl8Ma2zh5stnQOaAcrMwHn8EQKzuNdVa8E7FZfxkf8l-2BUL1H-2BsI4xbrdbd55s9sb7soIFsTMv7qwT1KVeAcoW63Crc2rPDWWpw4VHP4C7QbGaplZw91l8RXEKrr07M0DLc7vAkb3t6klboqG-2Becm0p-2BQ2-2BW020iMVaweEMoJOOWgMONTN-2FondGmg3nHWt-2FeXNd64PK9ki8C-2BoES3XZMtF4E4AE9A6-2BLu9kxd-2FD2Ujm1K1BgUzkL1jiPoH3uI-2FGGngQN3hGkqTEhmmOJ6sYFfMdRZ9HRNVUjogjDR2Fo-3D'>Rapport
annuel 2022</a> publié après la rédaction de cet exposé des motifs..
82. Il va sans dire qu’avec la guerre d’agression russe contre l’Ukraine, la mise en œuvre des arrêts de la Cour (tout comme d’autres fonctions publiques) se heurte forcément à des obstacles particuliers, et je suis conscient de la situation difficile et des graves défis que rencontre actuellement le pays, notamment celui de préparer la reconstruction du pays, qui sera grandement facilitée par le respect de l’État de droit et la protection des droits humains. Il est donc encourageant que les autorités ukrainiennes aient continué, tout au long de l’année 2022, à collaborer étroitement avec le Service de l’exécution des arrêts et à soumettre régulièrement au Comité des Ministres des documents sur des affaires individuelles et des groupes d’affaires (plus de 50 plans et rapports d’action), exprimant ainsi leur volonté de respecter pleinement la Convention 
			(139) 
			Par exemple: <a href='https://www.coe.int/fr/web/execution/-/examination-of-the-cases-concerning-ukraine'>«Examen
des affaires concernant l'Ukraine</a>», Service de l'exécution des arrêts de la Cour européenne des
droits de l'homme (coe.int).. J’ai également été positivement frappé par les informations détaillées fournies par les représentants ukrainiens lors de l’échange de vues avec la commission des questions juridiques et des droits de l’homme.
83. Compte tenu du nombre d’affaires concernées, de la complexité et du caractère structurel de certains problèmes abordés dans ces jugements, ainsi que du temps pris pour régler bon nombre de ces groupes d’affaires, un nombre important de questions en suspens requièrent un surcroît d’attention, des mesures complémentaires et une volonté politique. De nombreuses affaires de référence quelque peu anciennes remontent par ailleurs à avant la «révolution de la dignité» de février 2014; or le contexte politique, législatif et administratif a beaucoup évolué depuis, même si les problèmes sous-jacents n’ont pas encore été entièrement réglés.
84. Nous ne pouvons donc ignorer qu’il existe des arrêts dans certains groupes clés d’affaires couvrant un très large spectre de questions relatives aux droits humains, comme la torture, les crimes de haine 
			(140) 
			<a href='https://hudoc.echr.coe.int/eng'>Fedorchenko
et Lozenko c. Ukraine</a> (en anglais) – consulter ici l’<a href='https://hudoc.exec.coe.int/eng'>état d’exécution</a>. Il s'agit notamment de victimes d'origine rom et arménienne,
ainsi que de Témoins de Jéhovah., les conditions de détention 
			(141) 
			<a href='https://hudoc.echr.coe.int/eng'>Nevmerjitski
c. Ukraine</a> – consulter ici l’<a href='https://hudoc.exec.coe.int/eng'>état d’exécution</a>., les condamnations à perpétuité incompressibles 
			(142) 
			<a href='https://hudoc.echr.coe.int/eng'>Petukhov
c. Ukraine (n° 2)</a> (en anglais) – consulter ici l’<a href='https://hudoc.exec.coe.int/eng'>état d’exécution</a>., la détention préventive illégale 
			(143) 
			<a href='https://hudoc.echr.coe.int/eng'>Ignatov c. Ukraine</a> (ex Kharchenko) (en anglais) – consulter ici l’<a href='https://hudoc.exec.coe.int/eng'>état d’exécution</a>. ou l’indépendance de la justice 
			(144) 
			<a href='https://hudoc.echr.coe.int/eng'>Oleksandr
Volkov c. Ukraine</a> – consulter ici l’<a href='https://hudoc.exec.coe.int/eng'>état d’exécution</a>. qui n’ont toujours pas été mis en œuvre. Toutefois, le fonctionnement efficace du système judiciaire et le respect de l’État de droit sont des points communs à bon nombre de ces groupes d’affaires. Le Comité des Ministres a noté qu’un certain nombre de ces groupes en suspens (non-exécution ou exécution tardive de décisions internes contre l’État 
			(145) 
			<a href='https://hudoc.echr.coe.int/eng'>Zhovner c. Ukraine</a>, <a href='https://hudoc.echr.coe.int/eng'>Yuriy Nikolayevich Ivanov
c. Ukraine</a> (en anglais) et <a href='https://hudoc.echr.coe.int/eng'>Burmych c. Ukraine</a> – consulter ici l’<a href='https://hudoc.exec.coe.int/eng'>état d’exécution</a>. ; indépendance du pouvoir judiciaire ; durée des procédures judiciaires 
			(146) 
			<a href='https://hudoc.echr.coe.int/eng'>Svetlana Naumenko c.
Ukraine</a> (en anglais) et <a href='https://hudoc.echr.coe.int/eng'>Merit c. Ukraine</a> (en anglais) – consulter ici l’<a href='https://hudoc.exec.coe.int/eng'>état d’exécution</a>.) révèlent des déficiences structurelles majeures qui nuisent au fonctionnement du système judiciaire et à l’État de droit en Ukraine, privant les gens d’un accès effectif à la justice et érodant ainsi leur confiance dans le système judiciaire 
			(147) 
			Par exemple, CM/Del/Dec(2021)1411/H46-44,
CM/Del/Dec(2021)1411/H46-41, CM/Del/Dec(2021)1411/H46-42..
85. Les développements dans les affaires Lutsenko et Tymoshenko présentent un intérêt particulier, étant donné que la commission des questions juridiques et des droits de l’homme met l’accent, dans le présent rapport, sur les affaires relevant de l’article 18 et concernant les abus de pouvoir pour des motifs politiques. Trois groupes pourraient également potentiellement être très intéressants pour la commission afin de nourrir ses travaux en cours sur la torture systémique: le groupe Kaverzin 
			(148) 
			<a href='https://hudoc.echr.coe.int/eng'>Kaverzin c. Ukraine</a> (en anglais) – consulter ici l’<a href='https://hudoc.exec.coe.int/eng'>état d’exécution</a>. relatif à la torture et aux mauvais traitements systémiques pratiqués par la police ukrainienne pour obtenir des confessions ; le groupe Yaremenko concernant l’utilisation de preuves obtenues par la torture ; et le groupe Karabet 
			(149) 
			<a href='https://hudoc.echr.coe.int/eng'>Karabet et autres c.
Ukraine</a> (en anglais) – consulter ici l’<a href='https://hudoc.exec.coe.int/eng'>état d’exécution</a>. concernant la torture de détenus par les forces spéciales soit comme punition, soit pendant des exercices de formation.
86. Dans un nombre important de cas qui relèvent de différents groupes d’affaires, il semble que les autorités ukrainiennes n’ont pas été en mesure de verser la satisfaction équitable, faute de pouvoir obtenir les coordonnées bancaires des requérants. Il pourrait être utile de réfléchir à la manière d’améliorer la situation – et plus particulièrement de veiller à ce que cet argent soit disponible lorsque les requérants seront finalement localisés, pour que la surveillance de ces arrêts puisse enfin être close.
87. Un autre thème récurrent est l’absence de recours interne effectif pour les violations des droits humains, y compris pour des problèmes structurels qui mènent à des violations multiples et répétitives constatées par la Cour. L’absence d’un tel dispositif et les violations de l’article 13 qui en découlent semblent revenir fréquemment dans les affaires complexes concernant l’Ukraine et devraient être abordés en priorité par les autorités ukrainiennes.
88. Mme Iryna Mudra, vice-ministre de la Justice, a constaté que 67 affaires contre l’Ukraine avaient été clôturées en 2022 et que le rôle de l’agent du gouvernement avait été renforcé. Mme Sokorenko, agente du gouvernement auprès de la Cour européenne des droits de l’homme, a mentionné les lois adoptées en 2022 pour remédier aux problèmes de mauvais traitements infligés par la police, de la légalité et de la durée de la détention provisoire, et de l’emprisonnement à perpétuité pour une durée indéterminée. D’autres travaux ont été consacrés à la préparation de plans de lutte contre la surpopulation carcérale. Il reste par ailleurs des défis à relever, comme les affaires Burmych. Elle a expliqué que les dommages causés par la guerre d’agression compliquaient les choses, par exemple mouvements de prisonniers et sécurité de certaines prisons, où des dossiers ont été détruits, et pression générale sur le système judiciaire par exemple. Je rends hommage aux efforts consacrés à l’exécution des arrêts de la Cour, même dans des circonstances aussi difficiles, et suggère que le Conseil de l’Europe aide activement l’Ukraine à y faire face.
89. La situation en Ukraine est complexe en comparaison à d’autres pays en raison de la guerre d’agression russe et de ses conséquences pour les autorités ukrainiennes et la société dans son ensemble. Le défi consiste toutefois à prouver que la démocratie et l’État de droit devraient toujours prévaloir malgré les énormes obstacles et défis.

8.4. Hongrie

90. En ce qui concerne la Hongrie, j’ai exposé le détail des principales affaires dans ma note d’information 
			(150) 
			<a href='https://assembly.coe.int/LifeRay/JUR/Pdf/DocsAndDecs/2023/AS-JUR-2023-03-FR.pdf'>AS/Jur(2023)03</a>, op. cit.. Selon le Rapport annuel 2021 sur l’exécution des arrêts de la Cour, la Hongrie occupait le cinquième rang des États membres du Conseil de l’Europe comptant le plus d’affaires en attente d’exécution (265) 
			(151) 
			<a href='https://rm.coe.int/2021-rapport-annuel/1680a9c849'>Rapport
annuel 2021.</a>. Elle occupait la quatrième place en ce qui concerne le nombre d’affaires closes en 2021 (66). Pour l’année 2022, ces chiffres semblent s’améliorer avec 219 affaires en attente d’exécution (classant la Hongrie cinquième); et 109 affaires closes en 2022 (dont 4 étaient des affaires de référence), ce qui signifie que la Hongrie a clôturé le plus grand nombre d’affaires en 2022 
			(152) 
			Voir le <a href='https://u7061146.ct.sendgrid.net/ls/click?upn=4tNED-2FM8iDZJQyQ53jATUf-2BzdUWcs31AAiq6S90oi-2FBbPEWt1nmC0lmshDwBWSR2NY3-2BlqbxR7jwlx7sRM9NQQ-3D-3DQU6A_VIH3-2Bha1squ3Hk0F8PoA7LSRbx9vitfakmKAUfedM1qjM2WJftENVSCl4XFk4tudCw0cMl8Ma2zh5stnQOaAcrMwHn8EQKzuNdVa8E7FZfxkf8l-2BUL1H-2BsI4xbrdbd55s9sb7soIFsTMv7qwT1KVeAcoW63Crc2rPDWWpw4VHP4C7QbGaplZw91l8RXEKrr07M0DLc7vAkb3t6klboqG-2Becm0p-2BQ2-2BW020iMVaweEMoJOOWgMONTN-2FondGmg3nHWt-2FeXNd64PK9ki8C-2BoES3XZMtF4E4AE9A6-2BLu9kxd-2FD2Ujm1K1BgUzkL1jiPoH3uI-2FGGngQN3hGkqTEhmmOJ6sYFfMdRZ9HRNVUjogjDR2Fo-3D'>Rapport
annuel 2022</a> publié après la rédaction de cet exposé des motifs.. Parmi les États membres de l’Union européenne, la Hongrie occupe la deuxième place en ce qui concerne le nombre d’arrêts non mis en œuvre de la Cour.
91. Les principaux groupes d’affaires concernent les mauvaises conditions de détention dans les prisons 
			(153) 
			<a href='https://hudoc.echr.coe.int/fre'>István Gábor Kovács c.
Hongrie</a> et <a href='https://hudoc.echr.coe.int/fre'>Varga et autres c. Hongrie</a> – consulter ici l’<a href='https://hudoc.exec.coe.int/eng?i=004-10810'>état d’exécution</a>. ; des procédures inadéquates de traitement des demandes d’asile avant renvoi des requérants en Serbie 
			(154) 
			<a href='https://hudoc.echr.coe.int/eng'>Ilias et Ahmed c. Hongrie</a> – consulter ici l’<a href='https://hudoc.exec.coe.int/eng?i=004-54280'>état d’exécution</a>. ; des placements excessivement longs et illégaux en détention provisoire 
			(155) 
			<a href='https://hudoc.echr.coe.int/fre'>XY c. Hongrie</a> – consulter ici l’<a href='https://hudoc.exec.coe.int/eng'>état d’exécution</a>. ; la durée excessive des procédures civiles, pénales et administratives et l’absence de recours effectif 
			(156) 
			<a href='https://hudoc.echr.coe.int/eng'>Gazsó c. Hongrie</a> – consulter ici l’<a href='https://hudoc.exec.coe.int/eng?i=004-10876'>état d’exécution</a>. ; l’indépendance de la justice 
			(157) 
			<a href='https://hudoc.echr.coe.int/eng'>Baka c. Hongrie</a> – consulter ici l’<a href='https://hudoc.exec.coe.int/eng?i=004-10860'>état d’exécution</a>. ; l’incompressibilité des condamnations à perpétuité 
			(158) 
			<a href='https://hudoc.echr.coe.int/fre'>Laszlo Magyar
c. Hongrie</a> – consulter ici l’<a href='https://hudoc.exec.coe.int/eng?i=004-10898'>état d’exécution</a>. ; la discrimination à l’égard des enfants roms dans l’enseignement 
			(159) 
			<a href='https://hudoc.echr.coe.int/eng'>Horvath et Kiss c. Hongrie</a> – consulter ici l’<a href='https://hudoc.echr.coe.int/eng'>état d’exécution</a>. ; les atteintes au droit à la vie et au droit de ne pas être soumis à des tortures ou des traitements cruels, inhumains ou dégradants par les forces de sécurité 
			(160) 
			<a href='https://hudoc.echr.coe.int/fre'>Gubacsi c. Hongrie</a> – consulter ici l’<a href='https://hudoc.exec.coe.int/eng?i=004-10516'>état d’exécution</a>. ; l’insuffisance de la législation sur la surveillance secrète 
			(161) 
			<a href='https://hudoc.echr.coe.int/eng'>Szabo et
Vissy c. Hongrie</a> et consulter ici l’<a href='https://hudoc.exec.coe.int/eng?i=004-10746'>état d’exécution</a>..
92. Au cours de l’échange de vues avec la commission, M. Barna Zsigmond, vice-président de la délégation hongroise auprès de l’Assemblée, a évoqué les efforts déployés pour mettre en œuvre les arrêts d’affaires pilotes, et en particulier les progrès récemment obtenus en ce qui concerne la surpopulation carcérale, notamment par la création de dispositifs préventifs et compensatoires. J’ai été heureux d’entendre que dans le plus gros groupe d’affaires en attente de mise en œuvre qui portait sur la détention provisoire excessivement longue et illégale, des avancées notables avaient été faites en 2021 grâce à l’introduction d’un recours contre les procédures excessivement longues et à d’autres modifications de la législation. M. Zsigmond a évoqué la coopération récente avec le Conseil de l’Europe, en particulier la conférence organisée en octobre 2022 sur l’efficacité des enquêtes sur les allégations de mauvais traitements infligés par la police. Il a précisé que le ministère de la Justice soumet régulièrement au parlement des informations sur la mise en œuvre des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme.

8.5. Azerbaïdjan

93. En ce qui concerne l’Azerbaïdjan, j’ai effectué une visite d’information à Bakou du 20 au 23 novembre 2022; ma note d’information 
			(162) 
			<a href='https://assembly.coe.int/LifeRay/JUR/Pdf/DocsAndDecs/2023/AS-JUR-2023-01-FR.pdf'>AS/Jur(2023)01</a>, op. cit.contient tous les détails de la visite, les difficultés rencontrées et les principales affaires en attente de mise en œuvre. Je tiens à remercier toutes les personnes que j’ai rencontrées pour le temps qu’elles m’ont consacré et pour leurs observations utiles sur les difficultés rencontrées et les mesures prises pour mettre en œuvre les arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme. Selon le rapport annuel 2021 sur la mise en œuvre des arrêts, l’Azerbaïdjan se classe au quatrième rang des États membres du Conseil de l’Europe pour le nombre d’affaires en attente d’exécution (271). En revanche, l’Azerbaïdjan n’arrivait qu’au vingtième rang en ce qui concerne le nombre d’affaires clôturées cette année-là (12) 
			(163) 
			Le <a href='https://u7061146.ct.sendgrid.net/ls/click?upn=4tNED-2FM8iDZJQyQ53jATUf-2BzdUWcs31AAiq6S90oi-2FBbPEWt1nmC0lmshDwBWSR2NY3-2BlqbxR7jwlx7sRM9NQQ-3D-3DQU6A_VIH3-2Bha1squ3Hk0F8PoA7LSRbx9vitfakmKAUfedM1qjM2WJftENVSCl4XFk4tudCw0cMl8Ma2zh5stnQOaAcrMwHn8EQKzuNdVa8E7FZfxkf8l-2BUL1H-2BsI4xbrdbd55s9sb7soIFsTMv7qwT1KVeAcoW63Crc2rPDWWpw4VHP4C7QbGaplZw91l8RXEKrr07M0DLc7vAkb3t6klboqG-2Becm0p-2BQ2-2BW020iMVaweEMoJOOWgMONTN-2FondGmg3nHWt-2FeXNd64PK9ki8C-2BoES3XZMtF4E4AE9A6-2BLu9kxd-2FD2Ujm1K1BgUzkL1jiPoH3uI-2FGGngQN3hGkqTEhmmOJ6sYFfMdRZ9HRNVUjogjDR2Fo-3D'>Rapport
annuel 2022</a>, publié après la rédaction de cet exposé des motifs,
classe l'Azerbaïdjan comme ayant le quatrième plus grand nombre
d’affaires non mises en œuvre (285)..
94. Les grandes affaires sont celles qui sont liées aux arrêts article 18 (comme indiqué ci-dessus) dans: le groupe Mammadli 
			(164) 
			<a href='https://hudoc.echr.coe.int/eng'>Mammadli c. Azerbaïdjan</a> (en anglais) – consulter ici <a href='https://hudoc.exec.coe.int/eng?i=004-50876'>l’état d’exécution</a>., le groupe Muradova 
			(165) 
			<a href='https://hudoc.echr.coe.int/eng'>Muradova c. Azerbaïdjan</a> (2009, en anglais) – consulter ici <a href='https://hudoc.exec.coe.int/eng?i=004-1762'>l’état d’exécution</a>.(recours excessif à la force et mauvais traitements infligés par la police lors de manifestations), le groupe Mammadov (Jalaloglu) 
			(166) 
			<a href='https://hudoc.echr.coe.int/eng'>Mammadov
(Jalaloglu) c. Azerbaïdjan</a> (2007, en anglais) – consulter ici <a href='https://hudoc.exec.coe.int/eng?i=004-1760'>l’état d’exécution</a>. (mauvais traitements et/ou torture pendant l’arrestation et la garde à vue et absence d’enquêtes pénales adéquates sur les allégations de torture ou de mauvais traitements), le groupe Ramazanova 
			(167) 
			<a href='https://hudoc.echr.coe.int/eng'>Ramazanova c. Azerbaïdjan</a> (2007, en anglais). (liberté d’association [article 11 de la Convention] et obstacles à l’enregistrement d’associations se traduisant par des entraves à l’existence d’une société civile efficace), le groupe Mirzayev 
			(168) 
			<a href='https://hudoc.echr.coe.int/eng'>Mirzayev c. Azerbaïdjan</a> (2009, en anglais). (personnes déplacées à l’intérieur du pays – une forte proportion des affaires en attente de mise en œuvre concernant l’Azerbaïdjan), l’organisation de manifestations et le droit de protester (par exemple dans le groupe Gafgaz Mammadov 
			(169) 
			<a href='https://hudoc.echr.coe.int/eng'>Gafgaz Mammadov c. Azerbaïdjan</a> (2015) – consulter ici <a href='https://hudoc.exec.coe.int/eng?i=004-1744'>l’état d’exécution</a>.), la liberté de la presse (dont le groupe Khadija Ismayilova 
			(170) 
			<a href='https://hudoc.echr.coe.int/eng'>Khadija Ismayilova c.
Azerbaïdjan</a> (en anglais) – consulter ici <a href='https://hudoc.exec.coe.int/eng?i=004-52410'>l’état d’exécution</a>.) et le groupe Mahmudova et Agazade 
			(171) 
			<a href='https://hudoc.echr.coe.int/eng'>Mahmudov
et Agazade c. Azerbaïdjan</a> (2009, en anglais) – consulter ici <a href='https://hudoc.exec.coe.int/eng?i=004-1710'>l’état d’exécution</a>. (concernant l’effet dissuasif du risque de longues peines d’emprisonnement pour diffamation sur la liberté d’expression). J’encourage vivement le législateur azerbaïdjanais à supprimer rapidement la possibilité de détention dans les affaires de diffamation.
95. Au cours de ma visite, j’ai pris connaissance d’un grand nombre de réformes législatives et pratiques adoptées au niveau national, en particulier dans le domaine de la justice, ainsi que de la récente coopération avec le Service de l’exécution des arrêts visant à faire progresser les actions liées à la mise en œuvre d’arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme. J’ai également été heureux d’apprendre que des efforts ont récemment été déployés en 2022 en vue de la clôture de 25 affaires sous la surveillance du Comité des Ministres, et de la soumission de 30 rapports d’action. Cette évolution s’inscrit dans une tendance positive: l’Azerbaïdjan a clôturé 6 affaires en 2020, 12 en 2021 et 35 en 2022, et on peut espérer de nouveaux progrès dans la clôture des affaires au cours de l’année à venir.
96. J’ai également appris que le cabinet du Président avait formé, début 2022, un groupe de travail sur la mise en œuvre des arrêts, réunissant les services les plus impliqués dans cette tâche. Mais la charge de travail serait importante et les retards nombreux, et de manière générale le gouvernement ne prendrait peut-être pas toute la mesure des actions qu’appelle le traitement des arrêts de la Cour. Des interlocuteurs ont constaté un allongement des retards en ce qui concerne des mesures générales, voire des mesures individuelles. Il conviendrait peut-être de réfléchir davantage à la manière de garantir une action rapide dans le règlement des problèmes relatifs à des mesures individuelles demandées par des arrêts de la Cour, et de veiller à ce que soient éliminés tous les obstacles administratifs inutiles à l’exécution de ces arrêts.
97. J’ai l’impression globale que nous pouvons nous attendre à d’autres avancées, et que les autorités azerbaïdjanaises paraissent prendre des mesures positives pour mieux coordonner et accélérer le traitement des arrêts de la Cour en souffrance (notamment par la création d’un groupe de travail sur l’exécution des arrêts, ainsi que par des programmes et des projets de coopération menés en collaboration avec le Service de l’exécution des arrêts du Conseil de l’Europe). Je pense qu’il pourrait toutefois être utile de réfléchir à d’autres moyens de renforcer l’obligation faite au gouvernement de rendre des comptes au niveau national sur l’exécution en temps utile des arrêts de la Cour, peut-être en donnant un rôle plus important à la société civile, au parlement ou au médiateur, dont le mandat pourrait englober la surveillance de la mise en œuvre des arrêts relatifs aux droits humains, ou comporter un droit d’initiative législative lui permettant de contribuer au règlement des problèmes touchant à ces droits. La plupart de nos interlocuteurs estiment que le gouvernement est efficace dans le paiement de la satisfaction équitable, mais que des mécanismes plus rapides s’imposent pour traiter les mesures individuelles et qu’il est indispensable d’encourager une action rapide pour traiter les mesures générales nécessaires pour prévenir la répétition des violations des droits hum ains. J’encourage les autorités azerbaïdjanaises, notamment la Cour suprême, à agir rapidement pour régler les affaires en suspens dans les meilleurs délais, en particulier en promouvant l’indépendance de la justice et les valeurs démocratiques fondamentales, comme les libertés d’expression et d’association. Je suis sûr qu’un nombre beaucoup plus important d’affaires seront clôturées dans l’année à venir, à mesure que ces nouveaux processus produiront leurs effets.

8.6. Fédération de Russie

98. La Fédération de Russie pose un problème particulier en raison du nombre exceptionnel d’arrêts de la Cour non mis en œuvre la concernant, de sa réticence à mettre en œuvre un grand nombre d’arrêts, même avant 2022, de sa présence dans la majorité des affaires interétatiques actuelles (ou des affaires liées à des situations de conflit ou postconflit), de ses interventions (souvent militaires) dans des pays de la région (comme Géorgie c. Russie, Catan et autres c. Moldova et Russie, Mozer c. Moldova et Russie, un certain nombre d’affaires pendantes devant la Cour concernant le crash du vol MH17, la situation en Géorgie, diverses atteintes à la souveraineté de l’Ukraine, y compris l’actuelle guerre d’agression), de constants problèmes liés à l’État de droit dans le pays, de son rejet de la démocratie et de la liberté d’expression et de sa récente expulsion du Conseil de l’Europe à la suite de sa guerre d’agression militaire totale contre l’Ukraine.
99. Le rapport annuel 2021 indique que sur les 5 533 affaires en attente de mise en œuvre sous la surveillance du Comité des Ministres au 31 décembre 2021, c’était la Fédération de Russie qui arrivait de loin en première place, avec 1 942 affaires dans lesquelles elle était impliquée, soit 35% du total 
			(172) 
			<a href='https://rm.coe.int/2021-rapport-annuel/1680a9c849'>Rapport
annuel 2021, </a>pp. 11 et 37.. Le chiffre actuel est plus proche de 2 395 
			(173) 
			Au
6 mars 2023.. Bien que la Russie ne soit plus membre du Conseil de l’Europe, 22,4% de toutes les requêtes pendantes devant la Cour européenne des droits de l’homme à la fin de l’année 2022 la visaient 
			(174) 
			<a href='https://www.echr.coe.int/Pages/home.aspx?p=reports&c='>Requêtes
pendantes.</a>.
100. La Fédération de Russie n’est plus membre du Conseil de l’Europe depuis le 16 mars 2022 (Résolution CM/Res(2022)2), ni haute partie contractante à la Convention depuis le 16 septembre 2022. Le greffier de la Cour a publié, le 3 février 2023, un communiqué de presse (ECHR 036(2023)) confirmant qu’en application de l’article 58 de la Convention, la Cour continuait à connaître des requêtes dirigées contre la Fédération de Russie concernant des actions et omissions susceptibles de constituer une violation de la Convention, qui seraient survenues avant le 16 septembre 2022. Pour ce qui est de la mise en œuvre des arrêts de la Cour, la Fédération de Russie est toujours tenue en droit international de respecter les droits humains et de se conformer aux arrêts définitifs rendus contre elle au titre de l’article 46(1) de la Convention. Le Comité des Ministres continue donc à surveiller l’exécution des arrêts et règlements amiables prononcés par la Cour contre la Fédération de Russie (paragraphe 7 de la Résolution CM/Res(2022)3). Il importe de ce fait de continuer à faire en sorte que les personnes qui se trouvent en Russie ou dans des pays affectés par des actes du Gouvernement russe obtiennent réparation dès lors qu’une violation de la Convention a été constatée, et à ce que leurs droits humains soient respectés.
101. Il est regrettable que les autorités russes aient cessé toute communication avec le Secrétariat depuis le 3 mars 2022. La nouvelle loi russe sur l’exécution des arrêts entrée en vigueur le 11 juin 2022 trouble encore plus la situation dans le pays. Ce texte indiquait que l’exclusion de la Fédération de Russie du Conseil de l’Europe avait pour effet que les arrêts de la Cour européenne devenus définitifs après le 15 mars 2022 ne devaient plus être exécutés, ni ne pouvaient justifier la réouverture d’une procédure nationale. Or la Russie a clairement l’obligation juridique de se conformer aux arrêts définitifs et contraignants de la Cour européenne des droits de l’homme. Les autorités russes ont par ailleurs annoncé que la satisfaction équitable serait payée en roubles, uniquement sur des comptes bancaires domiciliés en Russie, pour les arrêts antérieurs à cette date, et cela seulement jusqu’à la fin de l’année 2022.
102. Le Comité des Ministres et le Service de l’exécution des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme ont adopté une stratégie très judicieuse de traitement des affaires russes: continuer d’adresser aux autorités russes des demandes d’informations sur les affaires; clôturer les affaires lorsque l’état de mise en œuvre le permet; coopérer plus étroitement avec la société civile pour obtenir des informations à jour sur la situation en Russie et dans les zones sous son contrôle effectif; coopérer plus étroitement avec d’autres organisations internationales s’il existe des synergies utiles, par exemple en ce qui concerne les disparitions forcées en Tchétchénie et les travaux du groupe de travail des Nations Unies sur les disparitions forcées ou involontaires (groupe d’affaires Khashiev), ou en ce qui concerne la protection des femmes contre la violence domestique et les travaux du comité des Nations Unies pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes (groupe d’affaires Volodina). Je me félicite aussi des actions efficaces de communication d’informations au public sur l’état de mise en œuvre par la Russie des arrêts de la Cour, du registre des indemnités à titre de satisfaction équitable non versées 
			(175) 
			<a href='https://www.coe.int/fr/web/execution/register'>Registre</a> de la satisfaction équitable impayée à l'égard de la
Fédération de Russie.,et des bilans.
103. De nombreuses affaires continuent de toucher à la liberté d’expression et à la démocratie en Russie, tel le groupe Lashmankin 
			(176) 
			Groupe d'affaires Lashmankin
(voir notes et projets de décisions CM/Notes/1459/H46-21)., qui prouvent que le problème structurel persiste toujours en Russie sur cette question. De même, le blocage des ressources en ligne (groupe d’affaires Vladimir Kharitonov) est toujours d’actualité: des milliers de sites internet ont été bloqués, la plupart en raison de leur opposition à la guerre en Ukraine 
			(177) 
			Groupe d'affaires Vladimir
Kharitonov (voir notes et projets de décisions CM/Notes/1459/H46-23)..
104. Les principales affaires ou groupes d’affaires en attente de mise en œuvre par la Fédération de Russie portent sur: les mauvaises conditions de détention dans les centres de détention provisoire (groupe d’affaires Kalashnikov) ; la durée excessive de la détention provisoire et d’autres violations de l’article 5 de la Convention (groupe d’affaires Klyakhin)  
			(178) 
			En particulier la question
des mesures individuelles dans les affaires Pichugin c. Russie (no 1), Requête no 38623/03, arrêt
du 23 octobre 2012, et Pichugin c. Russie (no 2), Requête no 38958/07,
arrêt du 6 juin 2017 (libération du requérant) et dans Khodorkovskiy
et Lebedev c. Russie, Requête no 11082/06,
arrêt du 25 juillet 2013 (annulation d'une condamnation illégale
à des dommages et intérêts).; des tortures et mauvais traitements en cours de détention (groupe d’affaires Mikheyev) ; des interdictions répétées de défilés des fiertés (affaire Alekseyev) ; des extraditions et expulsions extrajudiciaires secrètes (groupe d’affaires Garabayev) ; des violations persistantes des droits humains dans la région du Caucase du Nord de la Fédération de Russie, principalement liées à des agissements des forces de sécurité en République tchétchène (groupes d’affaires Khashiyev et Akayeva) 
			(179) 
			Groupe d'affaires Khashiyev
(voir notes et dernières décisions: CM/Del/Dec(2022)1436/H46-24).
Les questions relatives aux affaires concernant le Caucase du Nord
ont été examinées dans des rapports distincts de l'Assemblée, dont celui
d'un ancien membre de la commission, M. Michael McNamara (Irlande,
SOC), <a href='http://assembly.coe.int/nw/xml/XRef/Xref-DocDetails-FR.asp?fileid=22771'>Doc.
14083 </a>du 8 juin 2016, Résolution
2157 (2017) et Recommandation
2099 (2017) «Les droits de l'homme dans le Caucase du Nord: quelles
suites donner à la Résolution
1738 (2010)?» du 25 avril 2017. Voir aussi le travail plus récent
de M. Frank Schwabe (Allemagne, SOC) sur «Le rétablissement des droits de l’homme et
de l’État de droit reste indispensable dans la région du Caucase
du Nord».; Géorgie c. Russie, Catan et autres c. Moldova et Russie et Mozer c. Moldova et Russie (voir ci-dessus la section sur les affaires interétatiques). Les arrêts Navalnyy c. Russie 
			(180) 
			Requête n° 29580/12,
arrêt du 15 novembre 2018 (Grande Chambre). et Navalnyy (n° 2) c. Russie 
			(181) 
			Requête n° 43734/14,
arrêt du 9 avril 2019. conservent leur importance. Le Comité des Ministres continue de demander sa libération et évoque ses dures conditions de détention et son isolement cellulaire.
105. L’affaire OAO Neftyanaya Kompaniya YUKOS c. Russie 
			(182) 
			Requête
n° 14902/04, arrêt du 20 septembre 2011 (sur le fond). illustre bien les problèmes que suscitent les révisions de la Constitution de la Fédération de Russie, créant de nouveaux obstacles au respect par la Russie des obligations internationales que lui impose la Convention. Dans l’affaire YUKOS, la Cour a conclu à diverses violations de la Convention dues à des procédures fiscales et d’exécution engagées à l’encontre de la société requérante pétrolière (principalement de l’article 6 de la Convention et de l’article 1 du Protocole additionnel à la Convention). La Cour a octroyé un montant total de près de 1,9 milliard d’euros aux actionnaires de la société requérante (au moment de la liquidation de la société) au titre de la satisfaction équitable, payables dans les six mois à compter de la date à laquelle l’arrêt était devenu définitif 
			(183) 
			Requête
n° 14902/04, arrêt du 31 juillet 2014 (satisfaction équitable, article
41).. Les frais ont été payés en 2017, mais la satisfaction équitable n’a toujours pas été versée. Après avoir été saisie par le ministère russe de la Justice, la Cour constitutionnelle de Russie a rendu sa décision le 19 janvier 2017, estimant qu’il était impossible de mettre en œuvre l’arrêt de la Cour sur la satisfaction équitable dans cette affaire sans enfreindre la Constitution russe 
			(184) 
			<a href='https://hudoc.exec.coe.int/ENG'>Description de l'affaire </a>dans HUDOC-EXEC.(du fait des modifications apportées en décembre 2015 à la loi fédérale sur la Cour constitutionnelle 
			(185) 
			Voir
avis de la Commission de Venise CDL-AD(2016)016.). Aux autorités qui se référaient à cette décision de la Cour constitutionnelle, le Comité des Ministres a indiqué qu’elle était sans effet sur «l’obligation inconditionnelle pour la Fédération de Russie de se conformer aux arrêts de la Cour européenne, en vertu de l’article 46 de la Convention». Dans l’intervalle, le 20 janvier 2020, le Président russe a présenté à la Douma d’État un projet de loi proposant des modifications à apporter à 22 dispositions de la Constitution, y compris l’ajout, à l’article 79, d’une disposition 
			(186) 
			D'après cette disposition,
«[l]a Fédération de Russie peut participer aux unions interétatiques
et leur transférer une partie de ses attributions conformément aux
traités correspondants, si cela n'entraîne pas une limitation des
droits et libertés de l'homme et du citoyen et n'est pas contraire
aux fondements de l'ordre constitutionnel de la Fédération de Russie». stipulant que les décisions d’organes interétatiques adoptées sur la base des dispositions de traités internationaux ne sont pas applicables en Fédération de Russie dès lors qu’elles sont incompatibles avec la Constitution. Ces modifications ont été adoptées les 10 et 11 mars par le parlement, promulguées le 14 mars par le Président et approuvées le 16 mars 2020 par la Cour constitutionnelle de Russie. Le Comité des Ministres a constamment rappelé l’obligation inconditionnelle des États de se conformer aux arrêts de la Cour et précisé que les dispositions du droit interne ne sauraient justifier un manquement aux obligations découlant des traités internationaux.

9. Conclusions

106. La question de la mise en œuvre des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme n’est pas purement pratique ou juridique. L’expérience a montré qu’il s’agit avant tout d’une question politique, ce qui peut être prouvé de manière flagrante dans les affaires interétatiques, dans les affaires de violations de l’article 18, et dans les affaires où l’exécution fait défaut en raison du manque de volonté ou de la réticence des autorités à se conformer aux arrêts définitifs contraignants de la Cour. Bien que l’exécution des arrêts de la Cour, selon la Convention, relève avant tout de la compétence du Comité des Ministres, l’implication de l’Assemblée est indispensable et l’Assemblée a démontré que le suivi qu’elle effectue dans ce domaine et la pression politique qu’elle exerce appuient fortement l’action du Comité des Ministres et présentent donc une valeur ajoutée.
107. J’indiquais dans mon précédent rapport que de récentes réformes avaient permis au Comité des Ministres de clôturer plus rapidement certaines des affaires pendantes, et il a pu par ailleurs agir rapidement, notamment en ce qui concerne des affaires répétitives. Je rends ici un hommage particulier à la diligence du Service de l’exécution des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme, pour lequel l’aide à fournir aux États dans la mise en œuvre souvent délicate des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme représente une très lourde charge de travail.
108. Un nombre considérable d’arrêts n’ont cependant toujours pas été exécutés dans des affaires de référence, souvent en raison de problèmes profondément enracinés, que ce soit par manque de ressources ou d’organisation adéquates, ou du fait d’une opposition politique plus fondamentale aux réformes. Or de nombreuses affaires, y compris répétitives, continuent d’arriver, ce qui alourdit la charge de travail globale de la Cour et du Comité des Ministres. On peut donc s’attendre à ce que le nombre d’affaires ne retombera pas, et la majeure partie d’entre elles n’impliquera que quelques pays. En outre, souvent, les affaires deviennent plus complexes précisément en raison de considérations politiques, et peuvent prendre et nécessiter beaucoup de temps et de ressources. Bon nombre des affaires évoquées dans des rapports antérieurs sont en effet pendantes depuis plus de dix ans, voire davantage (telle l’affaire Chypre c. Turquie, en souffrance depuis 2001).
109. Le présent rapport le montre, l’exécution de certains arrêts continue de buter sur des obstacles, que ce soit par absence de volonté politique ou par désaccord manifeste avec un arrêt de la Cour, notamment dans les affaires interétatiques ou présentant des caractéristiques interétatiques. Les défis persistent, mais des progrès ont heureusement été réalisés dans des affaires individuelles, comme Paksas c. Lituanie.
110. En règle générale, le Comité des Ministres doit continuer à utiliser ses instruments habituels de pression par les autres États parties, tels que les résolutions intérimaires ou l’examen répété des affaires lors des réunions DH, non seulement pour exprimer son désaccord politique avec l’action insuffisante de l’État concerné, mais aussi pour donner plus de visibilité aux questions qui sont en jeu. Je prônerais une coopération plus systématique avec les institutions nationales des droits de l'homme dans les processus d’exécution. Je recommande aussi qu’une réflexion approfondie, voire créative, soit consacrée à l’amélioration des outils dont disposent le Comité des Ministres et le Conseil de l’Europe dans son ensemble pour encourager la mise en œuvre prompte et effective des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme, en particulier dans les affaires complexes telles que les affaires interétatiques.
111. Les arrêts de la Cour européenne des droits de l'homme et la supervision de leur mise en œuvre ont un rôle important à jouer pour que les citoyens européens aient confiance dans les processus de maintien de l'État de droit, de la démocratie et des droits de l'homme sur l'ensemble du continent européen. Le bouleversement et la confusion qui ont régné à Chypre à la suite de la clôture du dossier de l'affaire Loizidou 
			(187) 
			<a href='https://hudoc.echr.coe.int/fre'>Loizidou c. Turquie</a>. illustrent l'importance d'améliorer les explications et la transparence pour expliquer pourquoi une affaire est classée et ce que cela signifie. Cela est particulièrement important lorsque des mesures générales continuent d'être envisagées dans le cadre d'un autre arrêt de référence. J'appelle donc fermement le Comité des Ministres à s'assurer qu'il expose dans toutes ses résolutions intérimaires et finales, son raisonnement clair et spécifique pour justifier la clôture de la supervision d'une affaire, selon des critères clairs et transparents. Cela devrait contribuer à renforcer la responsabilité et à améliorer la compréhension et la confiance dans le fonctionnement du système. Les citoyens européens doivent être en mesure de comprendre comment les décisions sont prises et de comprendre la légitimité de la prise de décision, afin de renforcer la confiance dans la capacité du système à promouvoir et à protéger l'État de droit, les droits de l'homme et la démocratie.
112. Les États parties à la Convention ont accompli certains progrès pour assurer le respect de la Convention en entamant d’importantes réformes à la suite des arrêts de la Cour. Il n’en serait pas moins possible d’améliorer encore au sein des États les structures afin de garantir au mieux la prompte mise en œuvre des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme et la pleine coopération avec le Comité des Ministres, le Service de l'exécution des arrêts de la Cour et les autres organes concernés du Conseil de l’Europe. Si les mesures d’exécution ne sont pas adoptées ou si elles n’offrent pas de réparation en pratique, cela entraînera davantage de violations des droits humains et, par conséquent, de nouvelles requêtes seront déposées devant la Cour, qui seront suivies de nouveaux arrêts constatant encore plus de violations de la Convention, ce qui donnera lieu à une surveillance encore plus rigoureuse du Comité des Ministres.
113. J’ai pu constater au cours de mon travail qu’un nombre étonnant de retards de mise en œuvre des arrêts de la Cour est dû, au moins en partie, à l’inefficacité ou au manque de ressources des dispositifs nationaux de mise en œuvre des réformes et de coordination des réponses aux arrêts de la Cour. Bien des exemples de bonnes pratiques sont donnés, mais ces idées ne semblent pas toujours être réalisées. J’encourage les États à poursuivre leurs efforts pour faire en sorte que les entités chargées de mettre en œuvre les arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme aient les ressources, l’autorité et les incitations nécessaires pour s’en acquitter rapidement – d’autant plus qu’il est impératif de prévenir d’autres violations des droits humains. Je pense d’ailleurs qu’il pourrait être utile d’envisager des dispositifs (y compris des sanctions) susceptibles d’inciter les États à soumettre à temps les informations requises, cela pour éviter les retards inutiles dus à l’attention insuffisante accordée à la mise en œuvre.
114. La Fédération de Russie pose un problème particulier en raison de la résistance qu’elle oppose à la mise en œuvre d’un grand nombre d’arrêts, datant d’avant même 2022 ; de son implication dans une grande majorité des affaires interétatiques due à des interventions, souvent militaires, dans des pays de la région ; de problèmes persistants liés à l’État de droit dans le pays; ainsi que de sa récente expulsion du Conseil de l’Europe à la suite de sa guerre d’agression militaire totale contre l’Ukraine. Elle reste liée par les obligations que lui impose le droit international de respecter les droits humains et de se conformer aux arrêts définitifs rendus contre elle en application de l’article 46(1) de la Convention. Il faut continuer à s’efforcer d’obtenir que les personnes qui se trouvent en Russie et dans les pays affectés par les actions de la Russie puissent obtenir réparation, et que leurs droits humains soient respectés. Je me félicite donc de la judicieuse stratégie adoptée par le Comité des Ministres et le Service de l'exécution des arrêts de la Cour sur la façon dont ils comptent aborder les affaires russes et notamment leur approche s’agissant de coopération avec la société civile et les ONG ainsi qu’avec d’autres organisations internationales, y compris les Nations Unies et leurs procédures spéciales et rapporteurs.
115. Pour produire ses effets, l’État de droit implique une obligation de rendre des comptes, et il est indispensable qu’un État respecte cette règle. Il est devenu évident, lors de la préparation du présent rapport, que les priorités politiques et nationales privent souvent les arrêts de la Cour de leurs effets, rendant ainsi les droits humains illusoires. Nombre de mes interlocuteurs ont estimé qu’il serait possible de remédier aux frictions de mise en œuvre par des incitations, voire des sanctions, à ajouter à la panoplie d’outils de lutte contre les retards excessifs dans la mise en œuvre des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme – comme pour les arrêts de la Cour de justice de l’Union européenne. Ces idées ne seraient pas à exclure pour l’avenir. Il est par exemple alarmant que l’arrêt Kavala prononcé en application de l’article 46(4) n’ait toujours pas été mis en œuvre, alors que les autorités turques ont l’obligation claire de le faire ; mais je garde l’espoir qu’à force de persévérance et en adoptant la bonne attitude, nous garantirons le respect de l’État de droit et des droits humains dans l’ensemble de l’espace couvert par le Conseil de l’Europe.
116. Comme le montrent les rapports annuels et l’aperçu ci-dessus des affaires, les parlements ont un rôle particulier à jouer dans la mise en œuvre des arrêts de la Cour: bien des arrêts relatifs à des problèmes complexes ou structurels n’ont pas été mis en œuvre faute de volonté politique et/ou d’intervention du législateur. De nombreux parlements nationaux ne se sont toujours pas dotés de structures spéciales de vérification de la compatibilité des projets de loi avec la Convention et de contrôle systématique de la mise en œuvre des arrêts concernant leur pays, et de la mise en œuvre de la Convention en général. Ils n’organisent pas non plus de débats parlementaires réguliers à ce sujet. Il est important que nous, parlementaires, ayons la possibilité d’interroger nos gouvernements sur leurs actions en rapport avec les mesures d’exécution, y compris la préparation de plans d’action ou de rapports et leur contenu. Un manuel intitulé « Les parlements nationaux, garants des droits de l’homme en Europe» a été publié à l’intention des parlementaires en 2018. Le rôle de l’Assemblée dans le suivi de la mise en œuvre des arrêts de la Cour a été mis en exergue dans sa Résolution 2277 (2019) «Rôle et mission de l’Assemblée parlementaire: principaux défis pour l’avenir» 
			(188) 
			Aux
paragraphes 5 et 11.1.. L’Assemblée doit continuer à défendre l’idée que des structures parlementaires doivent être mises en place pour garantir la compatibilité des projets de loi avec la Convention et la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, dans la lignée de ses résolutions précédentes, notamment la Résolution 2178 (2017) et la Résolution 1823 (2011). Chaque membre de l’Assemblée a en outre la responsabilité particulière de promouvoir ces mesures et de faire connaître les normes de la Convention au sein de son parlement national.
117. L’Assemblée devrait à mon sens chercher ces prochaines années à encourager davantage les parlements nationaux et les parlementaires à développer les structures et les capacités dont ils ont besoin pour suivre activement la mise en œuvre effective et prompte des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme et de la Convention dans son ensemble, et demander à leurs gouvernements des comptes à ce sujet. Je recommande d’autres actions visant à renforcer la capacité des parlements à remplir cette importante fonction démocratique, dans l’intérêt du respect de l’État de droit et des droits humains. Je propose ici que l’Assemblée se rapproche des parlements nationaux, grâce notamment aux travaux de sa sous-commission sur la mise en œuvre des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme et à ceux des futurs rapporteurs chargés de ce dossier.

Annexe – Résumé des auditions tenues au cours du présent cycle de rapport

(open)
1. La Commission des questions juridiques et des droits de l’homme a tenu, le 7 décembre 2021, une audition sur les affaires interétatiques et les affaires présentant des caractéristiques interétatiques, à laquelle ont participé Mme Dimitrina Lilovska, cheffe de division par intérim du Service de l’exécution des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme (Conseil de l’Europe), et Mme Isabella Risini, Senior research associate à l’Université de la Ruhr de Bochum, professeure invitée à l’Université d’Augsbourg (Allemagne).
2. Mme Lilovska est intervenue sur la question des affaires interétatiques et des affaires individuelles liées à des conflits non réglés et à des situations postconflits. Elle a relevé des avancées dans l’exécution de l’affaire Chypre c. Turquie, en ce qui concerne le traitement des droits de propriété des Chypriotes grecs par la Commission des biens immobiliers et le travail d’identification des restes des personnes disparues fourni par le Comité des personnes disparues. D’autres dossiers, en revanche, n’ont que progressé difficilement, comme celui de Catan, ou s’inscrivent dans des situations toujours tendues, comme pour le conflit du Haut-Karabakh. Ces affaires exigent beaucoup de ressources et de nombreuses consultations avec les États concernés. L’Assemblée pourrait favoriser leur exécution en contribuant à renforcer la sensibilisation dans les pays concernés et en appuyant les mesures d’exécution proposées par le Comité des Ministres et par la Cour. Elle a estimé que la Cour pourrait également participer à ce processus en répondant, dans les affaires faisant suite à un arrêt déjà prononcé, aux arguments avancés par les États défendeurs devant le Comité des Ministres et en procédant autant que possible à l’établissement des faits.
3. Mme Risini a observé que près de 15% de l’ensemble des affaires individuelles pendantes devant la Cour découlent d’un conflit armé, et nombre d’entre elles coïncident avec des affaires interétatiques, ce qui conduit à se demander comment les aborder. En 2020, la procédure interétatique aurait été appliquée à un nombre record de six requêtes en un an. Ces affaires auraient nécessité d’amples enquêtes , or les ressources de la Cour sont limitées. Il y aurait encore du travail à faire sur les façons d’identifier les victimes de violations dans ces affaires.
4. Cette audition a mis en évidence les problèmes qu’engendrent les affaires interétatiques et l’importance de la persévérance et de la créativité dans la recherche de solutions. Bien des requêtes individuelles étant liées à des conflits armés, il est important de les couvrir aussi et de ne pas oublier les personnes affectées par un conflit. Quelques affaires abordées ci-dessous illustrent bien les obstacles auxquels se heurte le traitement des affaires interétatiques: Chypre c. Turquie,Géorgie c. Russie, Catan et autres c. Moldova et Russie, Mozer c. Moldova et Russie et les affaires relatives à la situation au Haut-Karabakh.
5. La commission des questions juridiques et des droits de l’homme a tenu, lors de sa réunion du 14 novembre 2022, une audition sur la mise en œuvre des arrêts article 18; y ont participé Mme Clare Ovey, cheffe du Service de l’exécution des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme (Conseil de l’Europe) et Mme Başak Çalı, professeure de droit international, codirectrice du Centre pour les droits fondamentaux de la Hertie School de Berlin.
6. Mme Ovey a expliqué la spécificité des arrêts article 18. Ils seraient différents des autres en ce que les États s’opposent souvent à leur mise en œuvre. Cela requiert de la compréhension et un important soutien, notamment de la part des parlementaires. Ces arrêts auraient été peu nombreux jusque là: dix-huit à ce jour. Cette rareté s’expliquerait par le fait que pour qu’il y ait violation, tous les organes de l’État, y compris la justice, doivent avoir été animés d’une motivation politique pour faire perdurer la violation des droits humains. Ces arrêts seraient donc très inquiétants et constitueraient un signal d’alarme ; ils révéleraient un dysfonctionnement majeur de l’État de droit et de la justice dans un État. Ce serait fréquemment un signe qu’une intervention internationale est nécessaire à un niveau plus élevé.
7. L’exécution d’un arrêt article 18 doit replacer la victime dans la situation dans laquelle elle se trouvait avant la violation (acquittement complet en cas de condamnations motivées par des considérations d’ordre politique et suppression de toutes les conséquences des poursuites ou condamnations injustifiées, par exemple). Les États doivent également prendre des mesures générales pour empêcher la répétition d’autres violations. Dans cet esprit, le Comité des Ministres recherche des mesures générales pour renforcer l’indépendance du pouvoir judiciaire et des organes chargés des poursuites, par exemple en examinant le mode de nomination et de promotion des juges. L’une des difficultés que suscitent ces affaires est que dès lors que la Cour européenne des droits de l’homme dit que les juridictions nationales ont agi sous influence politique, il devient plus difficile de se contenter de les laisser régler le problème ; l’intervention à un niveau supérieur devient indispensable.
8. Mme Çalı a souligné l’importance exceptionnelle des affaires qui relèvent de l’article 18 ; il s’agit de violations des droits humains commises dans la poursuite d’un but caché illicite. Ce but inavoué, qui consiste par exemple à «étouffer la démocratie et le pluralisme», ne serait pas présent dans les autres articles de la Convention. À ce titre, une violation de l’article 18 représente une alerte sur des menaces à la démocratie et à l’État de droit. Les parlementaires devraient donc suivre ces affaires de près, car elles touchent aux fondements de la démocratie et de l’État de droit. Le premier arrêt article 18, a expliqué Mme Çalı, a été rendu relativement récemment, en 2004, dans l’affaire Gusinksy c. Russie. Depuis lors, les affaires ont porté sur la détention de personnalités politiques d’opposition, de défenseurs des droits humains, d’avocats et de journalistes en Ukraine, en Russie, en Azerbaïdjan et en Türkiye. Cependant, comme l’a noté Mme Çalı, l’article 18 ne se limite pas aux cas de détention: il concerne également les interdictions de déplacement et des affaires récentes liées à des procédures disciplinaires motivées par des considérations politiques engagées à l’encontre de juges en Pologne et en Bulgarie.
9. Plus récemment, le Comité des Ministres a engagé des procédures en manquement en application de l’article 46(4) pour non mise en œuvre d’arrêts article 18. Cette démarche a facilité la libération d’Ilgar Mammadov par l’Azerbaïdjan. Cependant, l’arrêt rendu en faveur de M. Kavala, défenseur des droits humains, n’a toujours pas permis d’obtenir sa libération par la Türkiye ; il a déjà passé cinq ans en prison. Dans ces procédures en manquement, la Cour européenne des droits de l’homme a noté que lorsque la détention d’une personne est considérée comme une violation de l’article 18, si cette personne est libérée puis à nouveau détenue pour des charges différentes mais fondées sur les mêmes faits, la violation de l’article 18 se poursuit.
10. Mme Çalı a ensuite relevé les bonnes pratiques relatives au rôle joué par le parlement (ainsi que par le pouvoir judiciaire et l’exécutif) pour mettre en œuvre les arrêts dans les affaires ukrainiennes Lutsenko et Timochenko. Elle a fait remarquer que les affaires qui relèvent de l’article 18 n’exigent pas simplement un comportement arbitraire, mais une irrégularité manifeste dans l’administration de la justice, combinée à une influence politique exercée sur le pouvoir judiciaire. L’Assemblée et les parlementaires, estime-t-elle, sont bien placés pour réfléchir aux réformes législatives et judiciaires nécessaires à la protection de la justice contre toute influence indue. Elle juge que l’Assemblée devrait suivre de près les arrêts article 18, et être en mesure de commencer à le faire dès qu’ils deviennent définitifs, en assurant un suivi fréquent. L’Assemblée aurait un rôle utile à jouer pour dissiper les malentendus relatifs aux affaires article 18 et à leur importance, et pour faire reconnaître les risques que représente la persécution d’individus pour leur participation à la société démocratique ou pour la défense de l’État de droit. Ces affaires ne concernent pas seulement les droits d’individus, mais aussi la santé générale des systèmes démocratiques de gouvernance fondés sur l’État de droit. Les membres de l’Assemblée pourraient envisager d’assister aux procès nationaux de ces personnes, afin d’encourager le respect de l’État de droit et la mise en œuvre des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme. Ils devraient également demander le rétablissement complet des droits des intéressés (et pas seulement la libération des personnes détenues illégalement).
11. Mme Çalı a indiqué que la Cour européenne des droits de l’homme élabore une jurisprudence solide sur les affaires article 18 et ses critères en la matière: (1) un intervalle de temps important entre l’ensemble des événements (plusieurs années écoulées entre les faits allégués et les actes d’accusation, par exemple) ; (2) la qualité de l’ensemble des preuves (comme le fait que des activités légales soient considérées comme interdites par la loi) ; (3) le comportement du requérant au cours de la procédure pénale ; et (4) les conclusions à tirer du décalage temporel entre la façon dont les responsables politiques ont abordé l’affaire et l’acte d’accusation. S’agissant de l’affaire Kavala, Mme Çalı a rappelé que les arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme sont contraignants au regard de la Constitution turque, et que l’on pouvait espérer que les juridictions turques tiendraient dûment compte de la Convention et des arrêts de la Cour dans cette affaire.
12. Cette audition a mis en lumière l’importance des arrêts article 18 en ce qui concerne l’abus de pouvoir et les intentions cachées de violation des droits humains  ; ils sont à prendre comme un signal d’alarme. J’ai en particulier observé la typologie de ces affaires (détention et musellement par procédures disciplinaires) et la nécessité d’un suivi prompt et étroit. Les parlements et parlementaires nationaux doivent intervenir pour soutenir le règlement de ces affaires, et il y aurait plus à faire pour les associer à ce travail.